Introduction
p. 7-19
Texte intégral
1Qu’est-ce que le leadership ? Depuis plus de cent ans, les réponses à cette question ont varié de manière étonnante. Dans la documentation scientifique comme dans les écrits populaires sur le sujet, les définitions sont presque aussi nombreuses qu’il y a d’auteurs. Il a même fallu élaborer des systèmes de classification pour les cataloguer.
2On peut néanmoins les regrouper dans trois grandes catégories. La première considère le leadership comme une influence verticale de haut en bas exercée par un individu sur d’autres personnes. Selon cette conception, le pouvoir du leader est issu soit de caractéristiques personnelles manifestées par ses attributs, ses compétences ou ses comportements, soit de son style de direction, participatif ou autocratique, soit encore d’un poste d’autorité.
3Dans une deuxième catégorie, le leadership véritable se définit selon les résultats atteints. Le leader est celui qui a su concrétiser les espoirs placés en lui.
4Enfin, dans une troisième catégorie, on conçoit le leadership comme un processus d’influence réciproque entre des personnes mobilisées pour une cause commune. Cette définition recueille le plus large consensus dans la littérature scientifique, car elle rend véritablement compte de la façon dont l’influence se manifeste au sein de groupes.
5Cette troisième perspective est à la base du leadership partagé, défini comme la contribution du leadership et des ressources de chacun, ainsi que de l’ensemble du groupe, à la réalisation d’un objectif commun. Le leadership partagé est fondé sur les relations de coopération entre les personnes, les groupes et les organisations. L’influence s’y exerce à tous les niveaux et dans toutes les directions. Le but à atteindre devient le véritable leader du groupe.
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6Le mécanisme d’action réciproque au cœur du leadership partagé est issu de l’apport différentiel et complémentaire des uns et des autres à l’avancement des idées et de la mobilisation collective. Certains exerceront une influence en raison de leur expertise. D’autres encore rallieront les membres du groupe grâce à leurs capacités de rassembler et d’intégrer différents points de vue. Le processus est constamment réactivé selon l’apport des uns et les besoins des autres, toujours en fonction du but visé. La conception partagée du leadership responsabilise les personnes, instaure un plus grand degré de compréhension des enjeux et favorise un plus grand engagement de tous à l’atteinte des buts. Qui plus est, le leadership partagé permet aux personnes d’augmenter leur propre capacité professionnelle.
7Les défis d’aujourd’hui et de demain, la complexité des enjeux, la connectivité rapide entre tous de même que le capital intellectuel disponible dans les groupes, les organisations et la société exigent le leadership du plus grand nombre. La notion de leadership partagé fait appel à la collaboration de tous.
8Chaque individu a donc un rôle à jouer dans le processus d’influence réciproque au sein des divers groupes dont il fait partie, souvent dans un esprit de soutien et d’interdépendance par rapport aux leaders officiels, mais aussi, parfois, en désaccord avec eux. Prendre part au leadership, influencer, mobiliser sont des comportements que tout le monde peut apprendre. Que sont ces comportements de leadership partagé ?
9L’éventail des comportements de leadership partagé est sans aucun doute très large, mais nous en donnerons ici une brève description.
- Mobiliser autour d’un objectif : encourager, soutenir, influencer les collègues, les partenaires à se dépasser, à persévérer malgré les difficultés.
- Clarifier la cible et recentrer le groupe sur celle-ci.
- Développer des compréhensions communes : partager l’information ; fournir une rétroaction.
- Favoriser un dialogue axé sur la coopération : discuter, proposer, défendre, appuyer de nouvelles idées, provoquer des débats, amener des sujets difficiles, résoudre les malentendus.
- Remettre en question la pensée uniforme : challenger les façons de faire et de penser qui sont des obstacles à l’atteinte du but visé.
- Développer le potentiel d’autres personnes, leur faire confiance.
- Prendre des risques calculés pour faire avancer des idées, un projet ; prendre des décisions difficiles.
- Participer à la prise de décisions.
- Partager ouvertement la responsabilité des résultats.
- Partager ouvertement la responsabilité des efforts, des processus pour atteindre le but visé.
10Exercer ces comportements de leadership avec d’autres permet d’exercer une plus grande maîtrise de notre environnement ; c’est devenir un acteur dynamique plutôt qu’un observateur passif ; c’est collaborer avec d’autres à l’amélioration de la situation d’une collectivité ; c’est donner espoir en une vie meilleure ; c’est se dépasser mais aussi amener un groupe à se dépasser, c’est créer, innover, entreprendre, servir.
11Pour exercer ces comportements de leadership partagé, chacun se doit donc de développer son leadership personnel et les bénéfices multiples à en retirer en vaudront les efforts.
12Chacun possède un capital de leadership. Certains auront un potentiel plus élevé que d’autres au départ, mais tous peuvent valoriser leur capital initial. Pour l’individu, développer son leadership signifie avant tout acquérir de la confiance en soi, mais aussi inspirer davantage confiance aux autres, acquérir de la crédibilité, influencer les autres, transformer les situations. Le développement continu de son leadership permet à quelqu’un de mobiliser toutes ses aptitudes face aux défis à relever et d’éprouver une satisfaction personnelle devant les progrès accomplis.
13Développer son leadership, c’est concrétiser ses aspirations, se dépasser, se rendre utile, se sentir apprécié, travailler en collaboration, partager en toute solidarité avec d’autres les succès et les défaites. C’est aussi se donner la possibilité d’exercer une influence. Bref, c’est être plus vivant sur les plans intellectuel et social.
14Dans l’optique du leadership partagé, développer son leadership suppose d’accroître son potentiel à avoir de l’influence non pas sur les autres, mais avec et pour les autres. Le développement du leadership de chacun dans un esprit de collaboration rend le groupe plus fort.
15L’influence du groupe est beaucoup plus puissante lorsque tous se sentent investis de la responsabilité d’atteindre le but et de se mobiliser mutuellement pour y arriver. Croire dorénavant que le leadership est l’apanage de tous, c’est rallier le cœur et l’esprit du plus grand nombre et bénéficier du capital intellectuel collectif disponible au sein du groupe.
16Dans l’ère du savoir qui est la nôtre, devant la complexité des enjeux et la rapidité extrême des changements, les organisations de toutes sortes ont besoin de ce capital collectif aussi bien que du leadership de chaque individu, sur tous les plans. Ce leadership partagé avec tous peut se manifester à petite ou à grande échelle. Il se fait à l’intérieur des responsabilités dévolues au sein de nos organisations et de nos sociétés.
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17L’exemple qui suit illustre l’exercice du leadership partagé entre le chef et les membres d’un groupe d’autochtones.
18Au Québec, les Innus – autrefois appelés Montagnais – se répartissent entre neuf communautés. L’une d’elles est située sur les rives du Saint-Laurent, entre Tadoussac et Baie-Comeau. Jadis connue comme la réserve des Escoumins, elle porte maintenant le nom innu d’Essipit, qui signifie « rivière aux coquillages ». Cette communauté de plus de 400 autochtones connaît depuis plus de 30 ans un essor socioéconomique qui est pour tous une grande source de fierté. Cependant, leur situation n’a pas toujours été associée à la fierté.
19Revenons quelques décennies en arrière. La majorité des habitants de la réserve vivent grâce à une assistance gouvernementale. Comme dans les autres communautés autochtones du Québec et du Canada, le taux de décrochage scolaire est supérieur à 50 %. Les rares jeunes qui poursuivent leurs études quittent la réserve sans désir d’y revenir. D’autres vont tenter leur fortune sur les chantiers de construction de la baie James.
20Personne n’est propriétaire de quoi que ce soit : le terrain, les maisons et les quelques commerces existants sont la propriété du ministère des Affaires indiennes. Financer le moindre projet est quasi impossible puisque rien ne peut être offert en garantie aux institutions financières.
21Les familles ont de 10 à 12 enfants. C’est beaucoup, car les revenus sont maigres et la chasse, pas toujours fructueuse. Les problèmes sociaux sont endémiques : violence familiale, sous-scolarisation, maisons insalubres construites souvent sur la terre battue, maladies infantiles, problèmes de santé chronique. Quand la honte s’ajoute à ce fardeau, il est difficile de s’en sortir, de demander de l’aide et même de se présenter à l’école des Blancs…
22Le conseil de bande formé de quatre bénévoles fait bien quelques efforts, mais ses compétences sont limitées et il n’a aucune autorité réelle puisque tout est dicté par l’agent fédéral des Affaires indiennes. Son pouvoir consiste, par exemple, à redistribuer les gallons de peinture fournis par l’agent. Même le testament personnel d’un Innu doit être validé par le ministre, en vertu de la Loi sur les Indiens. En pratique, les autochtones sont sous tutelle, sans accès à la propriété, sans ressources, sans droit de vote (ils ne l’obtiendront qu’en 1969), sans pouvoir, sans avenir. Les Innus d’Essipit semblent voués à la pauvreté et à l’érosion continue de leur dignité jusqu’au jour où trois des leurs décident de réfléchir ensemble à la situation. En 1977, Denis Ross, son frère et Réginald Moreau, trois étudiants d’université en congé, s’interrogent : est-il possible de changer quelque chose ? Par où commencer ? Et pourquoi agir quand l’avenir de chacun est beaucoup plus prometteur ailleurs ?
23Une de leurs premières démarches consiste à organiser une consultation des membres de la communauté. Questionnaire en main, les trois jeunes vont, de porte en porte, sonder les besoins, les intérêts et les préoccupations de chacun des habitants de la réserve. Ils conviennent ensuite de réunir tout le monde pour discuter des résultats.
24Les débats font émerger une compréhension commune des enjeux, parallèlement au désir collectif de « s’en sortir ». Mais pourquoi s’investir dans une entreprise visant à changer les choses ? À cette question toute la communauté répond : « Pour la fierté de nos pères et de nos enfants. Pour devenir les maîtres de notre destinée. »
25Commence alors un long processus de transformation jalonné de petits et de grands pas, de démonstrations de persévérance, voire de résilience, devant les obstacles de toutes sortes qui vont surgir. En 1978, l’ancien conseil de bande juge bon de céder sa place. Denis Ross est élu chef de bande, en compagnie de trois conseillers.
26Une fois élaboré le plan d’action issu des consultations, les priorités sont établies avec la communauté puis mises en application sans délai. La mesure la plus urgente pour les Innus d’Essipit est la construction d’un centre communautaire, futur lieu de rassemblement et d’échanges. Construit assez rapidement, ce centre concrétise d’entrée de jeu l’espoir que les choses peuvent changer.
27Peu à peu, le conseil de bande met en œuvre le reste du plan d’action avec la collaboration de toute la communauté, à laquelle se greffent des professionnels autochtones du monde de la finance, de l’éducation et du tourisme. Depuis 1980, le plan d’action est mis à jour régulièrement selon les besoins qui surgissent. Les progrès et les défis sont discutés dans la collectivité. On prend les décisions dans l’intérêt actuel et futur de la communauté, en suivant ce qui est devenu sa devise : « Pour la fierté de nos pères et de nos enfants » et en vivant au quotidien les valeurs des ancêtres que sont le partage, l’entraide et le respect de la nature.
28L’obtention de fonds pour acheter une première pourvoirie constitue une autre étape marquante. Le développement récréotouristique d’Essipit, lancé peu après, repose sur la mise en valeur de ses ressources naturelles – le fleuve Saint-Laurent, les lacs, les rivières et la forêt – et sur une vision communautaire du développement inspirée du mouvement coopératif.
29Les entreprises appartiennent à la communauté de façon indivise. Au fil des ans, les revenus des entreprises d’excursions et d’observation des baleines, des pourvoiries ou d’autres sources sont réinvestis pour améliorer les conditions de logement, offrir des ressources en santé et services sociaux ainsi que pour acquérir d’autres entreprises. Des emplois sont créés au sein même des entreprises. Le recrutement se fait aussi à l’extérieur, car la population active ne suffit pas à répondre aux besoins en main-d’œuvre.
30Afin de décourager le décrochage scolaire, on refuse à toute personne qui n’a pas son diplôme d’études secondaires le droit de travailler dans les entreprises de la communauté. De plus, un professionnel accompagne les jeunes pendant leurs études, depuis le primaire jusqu’au postsecondaire.
31Un peu plus de 20 ans. C’est le temps qu’il aura fallu aux membres de la communauté innue d’Essipit pour gagner leur pari et devenir maîtres de leur destinée ainsi que pour redonner la fierté à leurs enfants dans le respect des valeurs ancestrales. La communauté possède aujourd’hui ses propres entreprises de croisières d’observation des baleines, six pourvoiries, des terrains de camping, une poissonnerie, une usine de transformation du poisson et un complexe d’hébergement.
32Le succès remporté dans le domaine des affaires n’est pas le seul objet de leur fierté. Les maisons de cette réserve sont toutes plus coquettes les unes que les autres. Et, surtout, plus de 95 % des jeunes obtiennent leur diplôme d’études secondaires en cinq ou six ans ! Essipit est devenu un modèle de développement.
33Le type de mobilisation et d’influence qui s’est manifesté à Essipit est celui du leadership partagé entre tous ses acteurs. Ancien et nouveau conseil de bande, autres artisans du changement, jeunes qui ont consulté les membres de la communauté : tous ont mis en commun leur capacité d’influence et de mobilisation mutuelles.
34Ce leadership partagé est apparu lors de la définition collective de la cible, de l’élaboration du plan d’action et de la mise en œuvre des décisions. Ensemble, les Innus d’Essipit se sont donné une direction commune et des priorités enchâssées dans un plan d’action dont ils ont suivi régulièrement les progrès. Le chef de bande n’a pas mobilisé, seul, le reste de la communauté. La mobilisation a été le fait de tous les acteurs impliqués. Le chef est devenu le représentant et le porte-parole du groupe autant que le gardien répondant de l’implantation du plan d’action.
35Le leadership partagé s’est manifesté aussi quand les membres se sont encouragés mutuellement, se sont serré les coudes dans l’adversité, ont recentré au besoin les décisions sur l’objectif poursuivi et sur les valeurs de la communauté.
36Les retombées du leadership partagé ont été pour les Innus l’atteinte des résultats visés, mais aussi une plus grande fierté personnelle et collective, un sentiment accru de satisfaction, de confiance, d’espoir et de contrôle sur leur destinée.
37Ils ont amélioré leur qualité de vie tout en apprenant la gestion d’entreprise, le service à la clientèle et la valorisation de leurs coutumes et traditions. Ils ont appris à affirmer leurs points de vue sans honte, avec dignité et fierté. Le leadership partagé, c’est tout cela. L’histoire aurait été différente si les trois jeunes étudiants avaient attendu que se manifeste le leadership du premier conseil de bande.
38Il reste aux Innus d’Essipit de nombreux défis à relever, notamment ceux d’assurer le plein emploi en dehors de la saison touristique, de raviver la langue innue, de préparer la relève et de reprendre la maîtrise de leurs terres encore sous tutelle gouvernementale. Toutefois, si l’on compare à ce qu’était leur situation 30 ans plus tôt, ils ont acquis la conviction qu’ensemble ils peuvaient accomplir beaucoup plus que chacun isolément.
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39Ce type de fonctionnement est-il l’exclusivité de sociétés collectivistes dont les valeurs fondamentales sont justement le bien-être de la collectivité, l’entraide et le partage ? Cette façon de diriger la destinée d’un groupe, avec le groupe et dans l’intérêt de celui-ci se vit-elle, par exemple, dans les entreprises privées ou publiques ?
40En fait, les exemples de leadership partagé abondent dans toutes sortes d’organisations et de sociétés. La recherche sur le sujet en est à ses débuts. Il faut augmenter les connaissances sur les conditions de sa mise en place et ses facteurs de succès. Cela dit, cet ouvrage comporte plusieurs illustrations éloquentes de leadership partagé dans l’entreprise privée comme dans le secteur public.
41Le leadership partagé, on l’a vu, n’est possible que lorsque chaque individu déploie son capital de leadership personnel. Ce livre expose les mécanismes qui permettront au plus grand nombre de développer ce capital pour pouvoir jouer un rôle actif dans un scénario de leadership partagé.
42Présentant un modèle de développement en sept points, l’ouvrage décrit les moyens qu’ont pris divers leaders pour valoriser leur capital de leadership. Ils ont été révélés lors d’entretiens menés auprès de plus de 150 d’entre eux dans le cadre d’études, de services-conseils et de coaching fournis sur une période de plus de 20 ans à des organisations nord-américaines et européennes. Le livre puise également dans les écrits de nombreux chercheurs et penseurs.
43Cette deuxième édition était devenue nécessaire du fait que certaines idées se sont précisées depuis la publication de la première édition. Des exemples supplémentaires de leadership, individuel ou partagé, viennent illustrer les principaux concepts. En plus de viser la démocratisation du leadership, l’ouvrage souhaite accompagner les dirigeants et les éducateurs dans leurs efforts pour générer le leadership partout dans les organisations et la société.
Sept stratégies de développement
44Sept stratégies de développement du leadership sont déclinées dans ce livre. La mise en œuvre de chacune favorise par ricochet le développement de compétences essentielles à l’édification du leadership personnel. Chaque stratégie fait l’objet d’un chapitre.
45 1. Se libérer des conformismes. Au lieu de rechercher l’approbation du groupe, les leaders sont ceux qui le guident dans sa quête de solutions, tout en étant à son service. Dans l’exemple des Innus cité plus haut, les trois jeunes Innus ont agi dans l’intérêt du groupe, mais d’une manière qui n’était conforme ni aux façons de faire traditionnelles, ni aux attentes habituelles des autorités en place. Le premier chapitre expose cinq types de conformisme, les moyens de les reconnaître et, surtout, de s’en libérer.
46Une nouvelle section décrit cinq niveaux de dialogue. Seuls les niveaux quatre et cinq correspondent à des situations associées à l’exercice du leadership partagé.
47 2. Construire un sentiment d’efficacité. Tous les leaders ont en commun une confiance en leur capacité d’accomplir des choses. Cette faculté essentielle de mobiliser et inspirer les autres se développe, et il est possible d’y arriver sans arrogance.
48L’actualisation d’un capital de leadership exige l’acquisition progressive d’un sentiment d’efficacité à l’égard du leadership, chez un individu ou dans un groupe. Les nombreuses études sur le sentiment d’efficacité montrent qu’il aide beaucoup à entreprendre les démarches nécessaires à la réussite et à persévérer devant les difficultés. Il est un facteur de succès en soi. De surcroît, il génère un sentiment accru de maîtrise de soi dans diverses situations.
49Ce chapitre décrit plusieurs stratégies pour développer un sentiment d’efficacité en regard du leadership. Une section concernant les obstacles à ce développement a été ajoutée, de même que des tableaux de synthèse.
50Ce deuxième chapitre traite également du sentiment d’efficacité collective et des façons de le développer au sein d’une équipe ou d’une société.
51 3. Pratiquer l’apprentissage en T. L’apprentissage en T consiste à tenter d’approfondir et de maîtriser des domaines sous sa responsabilité, et de comprendre les interconnexions entre les sous-systèmes d’une même problématique. Ce mode d’apprentissage permet de saisir d’autres perspectives, de les décoder au profit d’autres personnes et d’en tenir compte dans la solution. L’influence devient davantage réciproque entre les membres d’un groupe. En effet, sans cette compréhension à la fois profonde et transversale, ou bien les silos d’expertise se polarisent, ou bien la compréhension se limite à des généralités superficielles.
52Quatre catégories d’apprenants sont présentées dans ce troisième chapitre, avec leurs liens dans l’exercice du leadership : les apprenants passifs, les généralistes, les experts de contenus et les apprenants pratiquant le mode d’apprentissage en T. Une nouvelle section s’attarde au développement collectif de l’apprentissage en T.
53 4. Renforcer sa résilience. La résilience est une caractéristique de maints leaders et de tous ceux qui, croyant en la valeur de ce qu’ils font ou de ce qu’ils sont, peuvent faire face à l’adversité ou aux défaites. L’apprentissage de la résilience est à la fois un moyen de bâtir son capital de leadership et l’un de ses effets. Ce chapitre expose les différents visages de l’adversité que sont l’opposition externe, l’adversité intérieure et même la facilité ambiante. Un modèle de développement de la résilience est également présenté.
54Ceux qui souhaitent générer le leadership partagé dans leurs équipes puiseront dans ce chapitre les moyens à mettre de l’avant afin de renforcer la résilience collective d’un groupe. Car l’exercice du leadership partagé demande de pouvoir faire face ensemble aux difficultés.
55 5. Apprendre des autres. L’actualisation du leadership se fait aussi grâce à l’apprentissage social, c’est-à-dire grâce à la connaissance transmise par autrui. Ce chapitre décrit six rôles d’importance en matière de leadership : mentor, coach, passeur, challenger, modèle et anti-modèle. Ce sont des rôles exercés volontairement ou non. S’inspirer de l’apport particulier de chacun actualisera plus rapidement le capital de leadership. Une section supplémentaire, par rapport à la première édition, détaille les conditions nécessaires à la réussite de ce type d’apprentissage social.
56 6. Définir une vision. Dans tous les écrits sur le leadership, l’élaboration d’une vision apparaît comme l’un de ses principaux fondements. L’élément nouveau ici est la description d’une typologie des visions selon les différents niveaux de maturité du leadership : vision fondatrice, distinctive ou générative.
57Le lecteur pourra recourir à cette typologie pour amorcer une réflexion et cerner la vision souhaitée – la sienne ou de celle de son groupe.
58 7. S’engager et agir. Les aspirants leaders ont pris conscience à un moment donné qu’ils ou elles étaient uniques, avec leurs forces, bien sûr, mais aussi avec leurs lacunes. Cette conscience leur a permis de s’engager, de relever les défis et de passer à l’action. L’exercice du leadership partagé exige que chacun s’engage dans la situation qui l’interpelle. C’est ce que font tous ceux que l’on reconnaît comme des leaders.
59Agir fait partie des voies incontournables vers l’actualisation du leadership. C’est dans l’action que les leaders puisent leurs forces, se mesurent à leurs limites, se développent et s’associent avec d’autres. Agir permet de réaliser ses aspirations et d’être cohérent avec ce que l’on est, ce que l’on veut devenir personnellement et collectivement, et ce que l’on fait pour y arriver. Cette cohérence permet de se mobiliser soi-même et de mobiliser les autres.
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60Dans l’abondante littérature qui existe sur le leadership, la majorité des auteurs s’intéressent aux caractéristiques des leaders pour ce qui est du style, des qualités ou des compétences recherchées. Très peu proposent au lecteur de devenir le leader qu’il est en puissance en lui fournissant un modèle d’actualisation intrinsèque du leadership, plutôt qu’un modèle fondé sur les attributs d’un leader héros.
61Bien que nous vivions dans une société du savoir où le leadership doit être exercé par tous ceux qui sont interpellés dans leur quotidien, les programmes de développement du leadership dans les organisations continuent de n’être offerts qu’aux gestionnaires, déjà en poste ou pressentis. Le leadership y est donc conçu comme l’apanage de ceux qui occupent une fonction d’autorité officielle et non comme un trait susceptible de se trouver à tous les niveaux de l’organisation.
62Au Québec, en dehors des écoles de gestion, rares sont les programmes visant le développement du leadership. Pourtant, les adolescents, les étudiants, les enseignants et tout le personnel des organisations en bénéficieraient. Les retombées sociales seraient nettement supérieures aux coûts d’investissement. Le modèle exposé dans ce livre, fondé sur sept stratégies permettant d’actualiser un capital de leadership, est à la portée de tous, jeunes et moins jeunes, gestionnaires ou non.
63Aucun auteur n’a examiné non plus comment développer un capital collectif de leadership. C’est la valeur ajoutée de cette deuxième édition. Le lecteur pourra s’en inspirer pour développer le leadership partagé au sein de ses propres équipes ou même d’une société.
64Le modèle présenté ici n’aborde pas les qualités de leadership dans différents contextes. Il propose plutôt des stratégies cognitives et comportementales, personnelles et collectives, permettant l’émergence d’un capital unique de leadership partagé, autant pour notre propre bénéfice que pour celui de nos sociétés.
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65Depuis la première édition de cet ouvrage, l’intérêt pour le leadership partagé, qui mise sur la coopération et la contribution du leadership de chacun, croît sans cesse. D’une part, les chefs d’équipes de toute nature (équipes de direction, de projet, opérationnelles) affirment que la force de leur propre leadership est directement proportionnelle à la force du leadership de leurs équipes et de chacun de leurs membres. D’autre part, de plus en plus d’équipes reconnaissent que leur efficacité collective est tributaire du leadership partagé. Le modèle d’actualisation proposé dans ce livre se veut un outil pour la mise en œuvre du développement du leadership partagé sur les plans individuel et collectif.
66L’ouvrage présente donc un intérêt d’abord pour tous ceux et celles qui doivent apprendre l’exercice du leadership : étudiants, professionnels, chercheurs, agents de changement dans nos organisations, gestionnaires, leaders politiques ou communautaires, du milieu des arts ou de la culture. Il pourra aussi être utilisé dans le cadre de cours ou d’ateliers de formation sur le leadership. Il sert déjà de manuel à des étudiants inscrits à l’université en éducation et en gestion.
67Les éducateurs, formateurs, parents et praticiens, c’est-à-dire tous ceux concernés par le développement du leadership de nos sociétés, y trouveront également leur compte. Enfin, ceux et celles qui souhaitent développer leur propre capital de leadership, tout comme celui de leurs collègues, des membres de leur équipe ou même de leur famille, y découvriront des enseignements applicables dans tout contexte.
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