Conclusion
p. 290-292
Texte intégral
1Proposer une synthèse des enjeux contemporains de la politique africaine n’est pas une entreprise aisée pour les raisons évoquées dans l’introduction de ce livre. Nous avons tenté de contourner les difficultés en opérant des choix thématiques et en privilégiant les enjeux relatifs à l’arène politique formelle au détriment d’autres aspects qui auraient été tout aussi pertinents. Cette option a ses mérites puisqu’elle introduit une plus grande cohérence dans l’architecture du livre. La première partie renvoie à des préalables épistémologiques et propose quelques grilles de lecture transversales alors que les deux dernières parties sont consacrées à des enjeux empiriques que nous avons tenté d’articuler les uns aux autres. En effet, il ne suffisait pas de repérer et de présenter des enjeux. Il fallait les organiser de sorte que le lecteur n’ait pas une simple juxtaposition de sujets, mais un tableau cohérent dans lequel les questions soulevées renvoient les unes aux autres. Au terme du livre, on peut retenir quelques idées principales.
2D’un point de vue épistémologique, il faut être particulièrement attentif aux enjeux de méthode et d’approches théoriques lorsqu’on étudie l’Afrique. Sur le plan méthodologique, la vigilance est de mise en raison du grand nombre de connaissances ordinaires fermement établies qui biaisent l’analyse de l’observateur, que celui-ci les reprenne à son compte ou qu’au contraire, il se transforme en « observateur impliqué », qui tente de redresser des torts. Il faut donc à tout moment faire preuve de distance pour échapper aux pièges de l’ethnocentrisme et du militantisme qui guettent particulièrement les chercheurs travaillant sur un continent dont les enjeux suscitent toujours des débats passionnels. De même, il faut naviguer constamment entre le besoin de généraliser (trouver des explications communes aux cas africains) et la nécessité de faire attention aux particularismes (être attentif aux spécificités de chacun de ces cas). Nous avons vu à propos de la colonisation, des conflits ou de la démocratisation, qu’il y a des tendances générales, mais que ces phénomènes se manifestent par ailleurs différemment selon les pays étudiés. Sur le plan théorique, il faut, là aussi, éviter les modèles d’analyse dépassés, interroger la portée des modèles de relève existants et être attentif au fait qu’il n’y a pas de modèle d’analyse standard, que l’on procède par pays ou par enjeux. Au contraire, les modèles d’analyse pertinents – tout comme les méthodologies – sont mixtes en raison de l’histoire particulière de l’Afrique, marquée par l’enchevêtrement de dynamiques historiques et politiques endogènes et exogènes au cœur desquelles nous avons placé le processus colonial. Les institutions aussi bien que les pratiques politiques souvent qualifiées de néopatrimoniales ne peuvent être étudiées qu’après qu’on en a retracé la genèse et, sans être le seul facteur ni même forcément le facteur dominant, le moment colonial est au cœur de cette explication, comme nous l’avons souvent vu dans le livre.
3Du point de vue empirique, nous avons fait le choix de présenter les enjeux étudiés dans la deuxième partie du livre – l’État, les régimes, la gestion politique, les conflits – comme « des défis », et ceux présentés dans la troisième partie – la démocratisation et l’intégration notamment – comme des tentatives de réponse à ces défis. Il s’agit là également d’un choix pour des fins d’analyse, mais qui n’est pas totalement arbitraire toutefois, puisque dans la politique réelle et d’un point de vue normatif, les acteurs et les analystes perçoivent bien la démocratisation et l’intégration continentale (et pour certains, la Chine) comme des solutions aux problèmes africains. La démocratisation repose sur le principe du consentement et de la citoyenneté. Elle est censée débarrasser le continent des régimes autoritaires, mettre fin aux pratiques néopatrimoniales, pacifier la lutte pour la prise du pouvoir et le contrôle de l’État et générer la stabilité nécessaire à la « renaissance du continent ». Quant à l’intégration, elle vise à fondre les États dans des ensembles plus vastes et à harmoniser les politiques de ces États dans plusieurs domaines, tels que l’économie ou la sécurité et la défense. De ce fait, elle est présentée comme une solution à la « balkanisation » du continent en petites unités incapables individuellement de faire face aux défis du développement et de la mondialisation. Elle est aussi perçue comme une formule politique permettant de mettre fin aux conflits internes et externes, que ce soit de manière préventive en dissolvant les problèmes – identitaires, régionaux, de frontières – dans de larges ensembles ; ou de manière curative, en mettant en place des mécanismes sécuritaires et économiques communs de résolution des crises. La Chine enfin est perçue dans bien des pays comme une chance de redéfinir la place de l’Afrique dans le monde et de donner une marge de manœuvre aux pays africains par rapport à leurs interlocuteurs traditionnels que sont les pays occidentaux.
4Le découpage en « défis » et « politiques de reconstruction » a servi de bon point de départ. Cependant, tout comme les « défis », il ressort au terme de l’exposé que la démocratisation, l’intégration et l’arrivée en force de la Chine sur le continent génèrent elles-mêmes d’immenses défis qui nécessitent toute une ingénierie politique, dont les résultats sont en demiteinte, mais elles restent néanmoins cruciales dans la politique africaine.
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