4. L’exercice du pouvoir en Afrique postcoloniale
p. 89-116
Texte intégral
1Dans ce chapitre, nous nous intéressons à une période historique bien déterminée, celle qui va des décolonisations aux tentatives de démocratisation des années 1990 et, au cours de cette période, à un enjeu précis : les modes d’exercice du pouvoir. Ce découpage nous permet, d’une part, de passer en revue les formes de pouvoir issues de l’enchevêtrement des logiques coloniales et endogènes dont nous avons parlé au chapitre 3 et, d’autre part, en préalable au chapitre 7, de faire l’état des lieux des contextes dans lesquels les tentatives de démocratisation ont été engagées dans les années 1990. Nous serons alors mieux en mesure de mesurer l’ampleur des transformations auxquelles ces tentatives ont mené. Il est donc surtout question ici de l’étude des régimes politiques, entendus comme des modes d’aménagement du pouvoir d’État1. Nous proposons d’abord une synthèse des différents régimes en nous basant sur les typologies soumises par d’autres auteurs. Ensuite, nous tentons de dégager les principales caractéristiques des régimes africains postcoloniaux. Enfin, les régimes ne fonctionnant pas en vase clos, nous nous intéressons aux réactions de la société face aux pouvoirs.
Les types de régimes africains de 1960 à 1990
2Pour comprendre les formes de régimes postcoloniaux africains, il faut revenir aux processus de décolonisation, lesquels, dans la plupart des pays africains, se sont opérés pacifiquement. La décolonisation s’est faite parfois par étapes comme dans les colonies françaises et anglaises où, dès l’après-guerre, l’idée d’une autonomie des territoires commence à être évoquée ; mais elle s’est faite aussi par rupture, comme dans les colonies portugaises et belges où l’idée d’accorder l’autonomie aux territoires africains n’était pas envisagée, ce qui eut pour conséquence le déclenchement de guerres de libération. Ces configurations ont eu des impacts sur la nature des régimes qui en sont issus.
Expliquer la généralisation des autoritarismes au lendemain des indépendances
3Ces différences sont importantes pour comprendre les formes de régimes postcoloniaux, car elles permettent de saisir pourquoi certains pays ont, immédiatement après l’indépendance, emprunté la voie de l’autoritarisme. En effet, grosso modo, une corrélation forte existe entre le mode de décolonisation et la nature des régimes qui ont immédiatement été installés. Deux sous-types de régimes peuvent être, dans leurs grandes lignes, dressés ici sur la base de ce critère.
4Là où la décolonisation a été précédée d’une guerre de libération nationale, comme en Algérie, en Angola, au Mozambique, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau, les régimes qui ont émergé ont généralement été institués par le groupe armé qui avait réussi à se présenter comme le principal adversaire de la puissance coloniale. Auréolé de cette « légitimité historique » conférée par la prise des armes, ce groupe a généralement instauré dès le départ un régime autoritaire. Le Front de libération national (FLN) en Algérie, le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) ou encore le Front de libération du Mozambique (FRELIMO) illustrent bien cette trajectoire. Lorsque ces mouvements n’étaient pas les seuls à combattre pour l’indépendance, comme dans le cas angolais, une guerre civile pouvait éclater, les autres mouvements rivaux refusant de reconnaître les nouveaux maîtres du pays, ce qui confortait la tendance autoritaire.
5Là où la décolonisation a été organisée à la hâte, c’est la question de la gouvernabilité même du pays qui s’est posée, car les nouveaux pays ont sombré rapidement dans la confusion. Au Congo, les Belges, n’entrevoyant pas d’indépendance avant 30 ans, n’ont rien préparé, de sorte que, « quinze jours après l’indépendance, le pays sombrait dans le chaos2 ». Comme l’a relevé H. Weiss, « le Zaïre a connu la première mutinerie de l’armée, en Afrique ; il a subi les premières tentatives de sécession ; il a connu les premières interventions de mercenaires ; il a été parmi les premiers à subir un coup d’État militaire3 [qui amena Mobutu au pouvoir pour 30 ans] ».
6Là où l’accession à l’indépendance a suivi le mode de « décolonisation à l’amiable » à l’inverse – et c’est la catégorie dominante –, les pays n’ont été soumis à l’autoritarisme que plus tard, après une courte période d’expérience pluraliste. Ce fut notamment le cas des anciennes colonies françaises et britanniques. Dans ces deux cas, sauf la situation spécifique des colonies de peuplement d’Algérie, d’Afrique du Sud et du Zimbabwe, la décolonisation a été généralement négociée et mise en chantier par étapes. Les deux grandes puissances ont essayé de léguer leur modèle – Ve République et Westminster – à leurs anciennes colonies.
7Dans le cas de la Grande-Bretagne, le mouvement est lancé par l’indépendance de l’Inde en 1947. Le pays décida, à travers le Livre bleu (1948) du gouvernement travailliste d’alors, d’appliquer le même modèle de décolonisation dans les autres colonies. En Afrique, des réformes en trois étapes furent mises en place : le gouvernement responsable dans lequel le gouverneur britannique partageait le pouvoir avec une assemblée locale élue, l’autogouvernement interne dans lequel le gouverneur n’avait plus de pouvoirs et l’indépendance4. À l’accession à l’indépendance, les colonies britanniques étaient dotées d’un régime parlementaire et gouvernées par des premiers ministres élus. Le Ghana, par exemple, obtient son indépendance en 1957 sous la direction de Kwame Nkrumah, chef du parti majoritaire au parlement.
8Au milieu des années 1940, la France entrevoyait différemment l’avenir de ses colonies. Ainsi, « les réformes politiques préconisées par [la conférence de 1944] de Brazzaville restèrent extrêmement limitées ». La conférence avait nommément écarté « toute perspective de selfgovernement, même lointaine ». Cependant, « le conflit indochinois (1947-1954) et surtout la guerre d’Algérie (1954-1962) persuadèrent le gouvernement de la nécessité d’éviter tout nouveau risque d’affrontement sanglant, et la conférence afro-asiatique de Bandoeng (1955), par laquelle les pays libérés se faisaient un devoir d’aider les peuples encore dépendants à accéder à la souveraineté, démontra l’inanité de la lutte contre le reflux anticolonialiste5 ». La marche vers l’indépendance commence en 1956 et se fait en trois étapes : l’adoption de la loi-cadre en 1956, qui instaure un système similaire au gouvernement responsable britannique ; le référendum de 1958 qui instaure une association entre la France et des territoires autonomes dans le cadre d’une communauté ; et l’indépendance en 1960. Les élections de 1956 qui instaurent des gouvernements locaux constituent l’une des principales étapes vers le legs du modèle français aux futures ex-colonies.
9À l’indépendance, la plupart des pays africains avaient adopté un modèle parlementaire pluraliste. Mais l’absence de profondeur de ce système face à l’héritage colonial autoritaire, ainsi que la faible socialisation démocratique des élites conduisent rapidement ces pays à sombrer l’un après l’autre dans l’autoritarisme. Comme l’ont montré Chazan et ses collègues, les institutions formelles transférées aux Africains après les indépendances étaient de nature exogène et autoritaire, conçues pour assurer la domination et peu préoccupées par la légitimité6. Dans la plupart des cas, les élites au pouvoir suppriment rapidement le pluralisme partisan et instaurent des autocraties personnelles. Certains de ces autocrates créent des partis uniques considérés comme des instruments efficaces de mobilisation. Dans d’autres cas, en commençant par ceux du Congo et du Togo, les militaires font irruption pour prendre le pouvoir.
10À partir de ce moment, sous une dominante autoritaire, les types de régimes se diversifient énormément.
Les critères de classification des régimes
11Les auteurs ont toujours échoué à dresser une typologie uniforme des régimes politiques africains. En effet, trois difficultés doivent être résolues au préalable : d’une part, il faut choisir parmi la diversité des critères de classification. D’autre part, il faut échapper à la grande instabilité des régimes dans le temps et dans l’espace, puisque chaque pays peut connaître plusieurs régimes sur des périodes de temps relativement courtes. Enfin, il faut être attentif au fait que les régimes sont souvent mixtes, mêlant des logiques civiles et militaires ou puisant dans des registres idéologiques et de légitimation pluriels.
12Parmi les divers critères de classification possibles7, celui de l’auto-appellation ou du nominalisme est le plus intuitif. Il consiste à opérer une distinction sur la base de ce que les régimes prétendent être ou ce que l’apparence donne à voir. Les catégories « régimes militaires », « régimes civils » ou « régimes démocratiques » relèvent de ce type d’approche auquel N. Chazan reproche de confondre les méthodes de changement de régime et leurs résultats. Les classifications peuvent aussi adopter un critère idéologique qui aboutit à distinguer des régimes libéraux, communistes, socialistes, corporatistes, etc. ; se fonder sur le style de direction ou encore partir du degré de violence physique… Chazan et ses collègues partent de la définition d’un régime politique, c’est-à-dire les règles du jeu politique, des institutions et la nature des relations État/société qui en découlent. Selon eux, les types de régimes doivent refléter ces aspects souvent latents plutôt que de se focaliser sur les proclamations ou les apparences. Sur cette base, ils distinguent au cours de la période 1951-1999 sept types de régimes : administratif-hégémonique (cas du Zaïre sous Mobutu), pluraliste (cas du Botswana), de parti mobilisateur (Algérie sous H. Boumedienne), de parti centraliste (cas de l’Éthiopie de Menguistu), personnel coercitif (cas de l’Ouganda de I. Amin), populiste (cas du Ghana sous J. J. Rawlings) et d’effondrement de régime (cas du Zaïre après Mobutu)8.
13Pour leur part, Michael Bratton et Nicolas Van de Walle partent d’une définition similaire et prennent comme critère le degré de participation et de concurrence politiques permises par le régime. Suivant en cela la distinction classique de Robert Dahl, ils proposent cinq types de régimes entre 1960 et 1989 : les régimes de parti unique plébiscitaires (cas du Niger sous A. Saibou) ; les oligarchies militaires (cas du Lesotho), les régimes de parti unique semi-compétitifs (cas de la Côte d’Ivoire sous Houphouët-Boigny) ; les oligarchies raciales (Afrique du Sud et Namibie) ; et les régimes multipartites (cas du Sénégal)9.
14On le voit, la tâche n’est pas facile. En dehors de la catégorie des régimes pluralistes, les deux typologies mettent la plupart des autres États dans des types différents. Ainsi, Chazan et ses collègues classent le Bénin parmi les régimes de parti centraliste alors que Bratton et Van de Walle le mettent parmi les régimes de parti unique plébiscitaires. Les premiers voient le Burkina comme un régime populiste alors que les seconds en font une oligarchie militaire. Pour ces raisons, et dans une perspective pédagogique qui prend quelques libertés avec les contraintes de la démarche typologique10, nous allons combiner les typologies en recourant librement tour à tour, selon le cas, au degré de concurrence, au style de leadership et à l’orientation idéologique. Nous laissons provisoirement de côté la question des militaires, car, nous le verrons, loin de constituer une catégorie de régime, les militaires sont présents dans la plupart des régimes de cette époque.
Les types de régimes de l’Afrique postcoloniale de 1960 à 1990
15Les régimes ci-dessous ont émergé à des périodes particulières de l’histoire postcoloniale africaine en réponse à des conjonctures particulières. Pour autant, il est difficile d’établir des césures périodiques claires. Sachant que les régimes se sont constamment chevauchés, on peut partir du fait que, dans les années 1960, la plupart des pays arrivés aux indépendances étaient pluralistes. Les formes ont varié ensuite, à partir des premiers coups d’État et de l’introduction des partis uniques.
Les régimes pluralistes
16Comme indiqué ci-dessus, la plupart des pays colonisés par la France et l’Angleterre ont hérité du modèle institutionnel de l’ancienne métropole. Les régimes pluralistes sont ceux qui ont pu garder des principes de fonctionnement basés sur de hauts degrés de concurrence et de participation politiques. Dans ces pays, la scène politique est restée animée par une pluralité de partis politiques et les citoyens avaient la possibilité, périodiquement, de choisir entre ces partis dans des scrutins compétitifs11.
17Entre 1960 et 1990, la catégorie des régimes pluralistes s’est réduite comme peau de chagrin. Seuls cinq pays ont réussi à sauvegarder des institutions et des pratiques pluralistes sur cette période : le Sénégal, l’île Maurice, la Gambie, le Botswana et le Zimbabwe. Cependant, le degré de pluralisme varie et n’est pas forcément synonyme de démocratie, un qualificatif qui ne peut être accordé, de ces cinq pays, qu’à l’île Maurice et au Botswana. Maurice a connu la première alternance au pouvoir en Afrique à la suite d’élections en 1982 et au Botswana, le système peut être considéré comme une démocratie consolidée, car, bien qu’il n’y ait encore jamais eu d’alternance, les libertés sont respectées et le jeu électoral est transparent12. Au Sénégal, pourtant souvent présenté comme un modèle de démocratie, le pluralisme était contrôlé, le parti socialiste s’étant arrangé pour toujours l’emporter, et il a fallu attendre l’année 2000 pour qu’il y ait une alternance entre deux partis différents13. La Gambie a connu une trajectoire similaire à celle du Sénégal. Passée de la monarchie constitutionnelle (1965-1970) à une république, elle fut gouvernée par le même homme jusqu’à ce qu’un coup d’État vienne le renverser en 1994. Quant au Zimbabwe, même si le pluralisme a toujours été maintenu, le régime de Robert Mugabé, au pouvoir depuis 1980, est allé progressivement en se crispant, comme en témoignent les harcèlements dont l’opposition est victime14.
Les régimes de parti unique
18L’émergence des régimes de parti unique durant l’âge d’or du développementalisme (voir chapitre 2) explique, avec les coups d’État militaires, l’érosion progressive des régimes pluralistes. Chazan et ses collègues remarquent que ce type de régime comprend aussi bien des pays dirigés par des militaires que par des civils. Ils distinguent deux sous-types de régimes de parti unique : les régimes administratifs-hégémoniques qui sont souvent le fait de chefs historiques comme Amadou Ahidjo au Cameroun ou de militaires reconvertis ; et les régimes de partis mobilisateurs – proches des régimes populistes ou des afro-marxismes – qui sont le fait de pères fondateurs ayant de grandes tendances socialistes comme Julius Nyerere en Tanzanie, Sékou Touré en Guinée ou Houari Boumedienne en Algérie15. Ces deux sous-types correspondent grosso modo à ceux de Bratton et Van de Walle, soit des régimes de parti unique compétitifs qui laissent une marge à la concurrence à l’intérieur du parti ; et les régimes de parti unique plébiscitaires, qui encouragent la participation, mais en la drainant au profit du chef16.
19En dépit de leur variation, les régimes de parti unique apparaissent sur la scène politique en général peu après les indépendances, lorsque deux mythes font leur apparition dans le langage des dirigeants africains : le développement et l’unité nationale17. En effet, d’une part, l’introduction du parti unique, la suppression de la séparation des pouvoirs et la mainmise sur l’ensemble de l’appareil étatique étaient présentées comme la meilleure façon de faire le développement. Gonidec rapporte ainsi que le congrès du Rassemblement du peuple togolais de 1976 a proclamé la primauté du parti unique et demandé la suppression de l’indépendance des juges pour « éviter l’apparition d’un contre-pouvoir (le gouvernement des juges) et tenir compte du contexte national, c’est-à-dire le sous-développement, qui commande la mobilisation de toutes les énergies pour le muer en son contraire : le développement18 ». D’autre part, l’introduction des régimes de parti unique a été présentée comme une manière de réaliser l’unité nationale. Le retour au parti unique est présenté comme une façon de renouer avec les formes africaines précoloniales de gouvernement fondées sur le consensus. Le parti unique était vu comme plus favorable à la cohésion sociale dans les sociétés multiethniques africaines que le multipartisme hérité de la colonisation européenne et présenté, lui, comme une source de division19. Trente ans plus tard, ces régimes n’ont pas atteint les objectifs qui ont servi à justifier leur existence, et ils ont été une des cibles principales des mouvements de protestation populaires sur lesquels nous reviendrons au chapitre 7.
Les régimes afro-marxistes
20Le marxisme-léninisme a souvent été en Afrique une simple façade destinée à justifier l’embrigadement découlant de la volonté totalisante de tout régime qui s’en réclame et à attirer les faveurs du bloc soviétique en ces temps de Guerre froide. Les afro-marxismes qui émergent à l’époque des théories indépendantistes (voir chapitre 2) dans les années 1970 sont plus des régimes à prétention marxiste que des régimes marxistesléninistes aussi bien sur le plan de l’architecture institutionnelle que sur le plan économique20. Au Bénin, par exemple les principes de discipline du parti (1974-1991) étaient très « marxisants » certes : la soumission de l’individu à l’organisation, la soumission de la minorité à la majorité, la soumission des instances inférieures aux instances supérieures et la soumission de tout le parti à son Comité central21. Mais Chris Allen parle de « laxisme-béninisme » pour contester le caractère marxiste du régime béninois, qui n’en était pas pour trois raisons : d’abord, le rôle du parti était plus semblable à celui des partis uniques africains ordinaires qu’à celui d’un parti marxiste ; ensuite, l’adoption de l’idéologie marxiste n’avait pour but que d’incorporer la gauche estudiantine et d’attirer les fonds du bloc soviétique ; enfin, l’ensemble du système politique, que ce soit dans sa genèse, sa nature ou son fonctionnement, ressemblait plus aux systèmes en vigueur en Côte d’Ivoire ou au Cameroun qu’à ceux en vigueur au Mozambique ou en Éthiopie22. D’un point de vue économique, F. Godin va dans le même sens en montrant le caractère contradictoire de l’État. Ainsi, en matière monétaire, elle s’étonne que, malgré la politique nationaliste, le Bénin n’ait pas rompu avec la Zone franc contrôlée par la France. De plus, le modèle d’accumulation se caractérisait, en ce qui concerne l’origine des capitaux, par un accroissement de l’investissement extérieur à partir de 1977 déjà et, en ce qui concerne les rapports de production, par la soumission de la structure productive béninoise au marché capitaliste mondial23 plutôt qu’à l’État. C’est à cette conclusion que parvient aussi Vincent Ochilet, qui montre que le marxisme-léninisme était simplement instrumentalisé à des fins de quadrillage de la population et de pérennisation du pouvoir. Du reste, les Soviétiques classaient le Bénin parmi les pays « à orientation socialiste », voire « qui se disent à orientation socialiste24 ». La même observation est faite par J. de Gaudusson qui, dans le cas de Madagascar, parle d’une révolution pragmatique intégrant la bourgeoisie au régime et ne disposant pas vraiment de structures révolutionnaires25. Ces caractérisations sont parfaitement adaptées au Congo-Brazzaville, l’autre afro-marxisme26. L’Éthiopie sous Menguistu Hailé Mariam (1974-1991) est peut-être le seul cas de marxisme africain et non d’afro-marxisme27 puisque, aussi bien l’idéologie, l’architecture institutionnelle que le modèle économique se rapprochaient des modèles d’Europe de l’Est. Comme le remarque René Lefort, le régime socialiste a produit en Éthiopie un véritable basculement à gauche, de sorte que le pays a vécu en quelques mois une transformation si profonde que plus rien n’est plus comme avant. Les mesures les plus spectaculaires dans ce pays au système féodal séculaire furent l’abolition de la monarchie, la libération des paysans par le biais d’une réforme agraire vigoureuse, les nationalisations et l’étatisation de l’économie, l’alphabétisation à grande échelle28. Le seul cas qui rappelle l’Éthiopie est le Mozambique, mais en dehors de ces cas, les afro-marxismes ressemblaient en général plus aux régimes de parti unique ou aux populismes.
Les régimes populistes
21Ce concept problématique de populisme est employé ici en référence, empiriquement, au discours des pouvoirs qui mettent l’accent sur « le peuple » et « le développement à la base » et qui prétendent construire une « démocratie » et « le bonheur pour le peuple ». Il est généralement utilisé pour caractériser les régimes d’Amérique latine29. Le populisme se caractérise aussi par un nationalisme et la présence d’un leader central. Paradoxalement cependant, tout est fait pour éviter « les débordements et les excès des classes populaires » et pour assurer à l’État « le rôle de garant suprême de l’harmonie sociale30 ». Selon Chazan et ses collègues, les populismes émergent en Afrique dans les années 1980 (sauf en Libye, où M. Kadhafi prend le pouvoir dès 1969) en réponse à la désagrégation politique et économique. Il est instructif de remarquer qu’en dehors de la Haute-Volta (Burkina Faso) de T. Sankara, les autres pays (Ouganda de Y. Museveni, Ghana de J. Rawlings et Libye) ont connu, avant les populismes, des régimes au patrimonialisme exacerbé et où la prédation économique a ruiné le pays. Les populismes sont proches sur le plan idéologique des marxismes, mais mettent l’accent sur le peuple auquel ils disent vouloir remettre le pouvoir. La constitution de comités de défense de la révolution, de tribunaux populaires et l’ascétisme des leaders marquent leur volonté de rompre avec le patrimonialisme. Ainsi, au Burkina Faso31, T. Sankara conduisait une Renault 5 et faisait de « l’avion-stop », profitant des aéronefs de ses pairs pour aller aux conférences internationales plutôt que d’avoir un avion présidentiel. Pour sa part, M. Khadafi se prétend non pas le président, mais un « simple guide de la révolution » libyenne, le pouvoir étant selon lui entre les mains du peuple. Chazan et ses collègues montrent que les populistes tentent de redonner au peuple la capacité d’intervention dans le processus de prise de décision et de réduire l’influence d’une bureaucratie qualifiée de « budgétivore ». Ils introduisent ainsi une formule d’inclusion politique non élitaire32. Quoi qu’on puisse penser de ces régimes qui peuvent basculer rapidement dans l’autoritarisme et qui ne sont pas démocratiques dans le sens libéral du terme, ils se distinguent sur deux plans de la majorité des régimes africains de l’époque : d’une part, ils créent une certaine rupture par rapport au néopatrimonialisme exacerbé et, d’autre part, ils parviennent à reconstruire quelque peu l’État précédemment au bord de l’effondrement, comme les cas du Ghana et de l’Ouganda le démontrent33.
Les sultanismes
22Le sultanisme désigne, dans la sociologie de Max Weber, tel qu’il est étudié au chapitre 3, un type de régime de domination patrimonial qui apparaît « à l’apogée du pouvoir du seigneur », lequel dispose, à titre personnel, de la direction administrative et militaire de l’État34. Il s’agit donc, comme l’ont montré Linz et ses collègues, de régimes dirigés par un homme fort, sans ligne idéologique autre que la détermination à maintenir un pouvoir personnel35. Jean-François Médard fait des régimes sultaniques un type particulier de régime caractérisé par sa dimension sanglante, l’arbitraire du chef et, en conséquence, une absence totale d’institutionnalisation du pouvoir36. Ce type de régime a été rare dans l’histoire africaine, tout comme les totalitarismes l’ont été à l’échelle mondiale. Les régimes sultaniques sont limités à trois ; ils ont existé dans les années 1970 et ont été renversés la même année, en 1979 : l’Ouganda d’Idi Amin (1971-1979), la Guinée équatoriale de Macias Nguema (1968-1979) et la Centrafrique de Jean-Bedel Bokassa (1965-1979). À ces régimes, Chazan et ses collègues ajoutent le Zaïre de Mobutu (1964-1997) et le Liberia sous Samuel Doe (1979-1990). Selon Samuel Decalo, ces tyrannies sont l’œuvre de personnalités déviantes et leurs régimes diffèrent des autres autoritarismes africains. Les chefs partagent plusieurs points communs : ils s’attribuent des pouvoirs dans tous les domaines, y compris divin ; ils sont brutaux et recourent excessivement à la force ; ils ne sont limités dans leur arbitraire ni par des principes moraux, ni par des institutions, ni par des collègues37. Ainsi, en Guinée équatoriale, le degré de violence et surtout l’arbitraire et l’imprédictibilité du comportement de M. Nguema étaient tels que près de la moitié de la population a été tuée ou contrainte à l’exil. En Centrafrique, J. Bokassa s’est fait couronner empereur à vie et a transformé la république en empire ; alors qu’en Ouganda, I. Amin exténuait ses soldats dans des exercices militaires en vue, disait-il, d’aller bouter Israël hors des territoires arabes occupés… Ces régimes ne permettaient ni participation ni concurrence et étaient totalement coupés de la société. Il est instructif de remarquer que M. Nguema a finalement été renversé et fusillé par son propre neveu, le général Théodoro Obiang Ngema, qui est au pouvoir depuis lors ; et qu’Amin l’a été à la suite d’une invasion des forces tanzaniennes.
Le régime d’apartheid
23Ironiquement, même si l’apartheid, qui signifie « séparation » en afrikaans (la langue des Afrikaners sud-africains) a été une politique de ségrégation violente, le régime a voulu faire passer l’idée que sa politique de ségrégation raciale en était une de « développement séparé des races ». Les pays qui ont connu un tel système sont l’Afrique du Sud (et la Namibie occupée par ce pays) jusqu’en 1991 et le Zimbabwe jusqu’à l’indépendance en 1980.
24Si l’on revient sur le critère de classification des régimes proposé par M. Bratton et N. Van de Walle, l’apartheid se caractérise par l’exclusion de la majorité de la population, notamment les Noirs – mais aussi les Métis et les Indiens –, des instances de participation et de concurrence politiques par la minorité raciale blanche. Celle-ci est issue d’une colonisation de peuplement qui a commencé au XVe siècle avec l’arrivée de colons néerlandais et anglais dans la région du Cap. Les possibilités d’expression politique, notamment les élections, sont réservées aux seuls Blancs, sachant que même ces derniers sont exclus, voire menacés dans leur vie s’ils contestent ou luttent pour l’égalité raciale. En Afrique du Sud, cette politique d’exclusion remonte à la création de l’Union sud-africaine en 1910 avec la complicité des Britanniques qui ont colonisé le pays de 1805 à la formation de l’Union sud-africaine en 1910 et à son indépendance en 1931. Mais l’apartheid s’institutionnalise vraiment avec l’arrivée au pouvoir du parti national en 1948. Deux types de lois sont alors progressivement votées, c’est-à-dire des lois « secondaires » de l’apartheid mesquin (lois de moindre importance comme la séparation dans les lieux publics) et des lois « piliers » (comme la loi sur les terres des indigènes [Native Land Act]).
25Comme Elisabeth Wood a pu le montrer, ce régime était fondé sur des logiques irréconciliables, à savoir qu’il entendait reposer sur la main d’œuvre de la majorité noire pour faire fonctionner l’économie et préserver les privilèges des Blancs, tout en continuant à exclure les Noirs du jeu politique38. La loi sur les terres des indigènes, qui a débouché sur la confiscation de plus de 80 % des terres par la minorité blanche (13 %) ; la loi sur l’interdiction des mariages mixtes ; la séparation dans les autobus, les stades de football, les villes et les plages sur des bases raciales ; l’introduction d’un passeport pour les Noirs voulant rester en ville ; tous ces aspects montrent le degré de violence symbolique d’un régime assis sur une base raciale extrêmement étroite si l’on pense à tous les militants blancs anti-apartheid ayant rejoint le congrès national africain et le parti communiste sud-africain. L’apartheid n’a été démantelé qu’en 1991 après la libération de Nelson Mandela, la suppression des lois « piliers » de l’apartheid et l’organisation des premières élections libres élargies à tous les groupes composant le pays.
afrique du sud : quelques repères historiques du processus d’institutionnalisation et de démantèlement de l’apartheid
1910 : Création de l’Union sud-africaine.
1912 : Création du Parti nationaliste noir qui devient l’ANC en 1923.
1913 : Adoption de la loi sur les terres des indigènes qui exproprie les Noirs ; 93 % des territoires de l’Union sont réservés aux Blancs qui constituent 13 % de la population.
1948 : Arrivée au pouvoir du Parti national.
1949 et 1950 : Loi sur la prohibition des mariages mixtes et loi sur l’ immoralité.
1950 : Loi sur le recensement de la population et loi sur les zones tribales.
1951 : Adoption de la loi sur les bantoustans et création ultérieure de bantoustans dont quatre dits « indépendants » : Bophutaswana, Ciskei, Transkei et Venda.
1955 : Adoption de la Charte des libertés à l’initiative de l’ ANC.
1960 : Émeutes de Sharpeville réprimées dans le sang. L’ANC engage la lutte armée.
1962 : Arrestation, puis condamnation de Nelson Mandela et ses coaccusés à la prison à perpétuité.
1983 : Création du Front démocratique uni (UDF) organisant la désobéissance civile.
1985 : Création du Congrès de syndicats sud-africains (COSATU) et tenue de grèves.
Janvier 1986 : Annonce du démantèlement de certaines lois d’apartheid de moindre importance.
Août 1989 : Frederik W. de Klerk succède à Peter W. Botha à la tête de l’ État.
1990 : Lancement du processus de négociation constitutionnelle à la faveur de la libération de Nelson Mandela en février, de l’abandon de la lutte armée par l’ANC en juin et de la levée de l’état d’urgence par le gouvernement.
Février 1991 : Suppression des lois piliers de l’apartheid : loi sur les terres des indigènes, loi sur le recensement de la population et loi sur les zones tribales.
Novembre 1993 : Accords ANC-gouvernement sur la constitution intérimaire.
Avril 1994 : Premières élections générales remportées par l’ANC avec 63 % des votes.
Mai 1994 : Nelson Mandela succède à F. W. de Klerk.
Mai 1996 : Adoption de la nouvelle Constitution sud-africaine.
Juin 1999 : Thabo Mbeki succède à Nelson Mandela.
L’exercice du pouvoir dans les régimes postcoloniaux
26La présentation des différents types de régimes politiques ci-dessus nous donne une bonne idée des logiques institutionnelles ou idéologiques plurielles sur lesquelles les gouvernements africains ont été basés pendant la période 1960-1990. Cependant, en dépit de leur grande variété, et à l’exception des régimes pluralistes et du cas particulier de l’apartheid, on peut dégager, d’une part, des structures communes aux régimes de cette époque et, d’autre part, des logiques fonctionnelles transversales. C’est cette unicité au-delà de la diversité des régimes qui permet, au chapitre 7, de comprendre pourquoi, au début des années 1990, ces régimes ont été indistinctement traversés par une vague commune de contestations pour la démocratie.
Les grandes caractéristiques communes pendant la période 1960-1990
27Chacun des régimes énumérés ci-dessus présente ses spécificités, mais trois grandes tendances de la politique africaine les traversent tous : un profond déficit de légitimité, une tendance à l’autoritarisme et la domination effective ou potentielle des militaires.
28Le problème de la légitimité a été une donnée constante dans les régimes politiques africains et le demeure encore en dépit des efforts de démocratisation. En effet, tel que le montre J. Lagroye, la légitimité est une question qui ne peut pas être réduite à la légalité ou à la « légitimité formelle » des dirigeants et de leurs actes, mais suppose, entre autres, l’acceptation des élites et de la population39. Guglielmo Ferrero soutient la même idée en montrant que la légitimité renvoie à la question du droit de commander et du devoir d’obéissance que rien ne peut justifier, sauf le consentement40. J. Lagroye ajoute en outre que la légitimité comprend en réalité quatre niveaux : la légitimité de la relation de pouvoir elle-même ; la légitimité accordée à l’appareil spécialisé exerçant la domination ; la légitimité des règles et procédures de prise et d’exercice du pouvoir ; la légitimité des individus qui exercent effectivement le pouvoir41.
29Si le principe du « droit des uns à contraindre les autres » qui fonde l’existence d’une relation de pouvoir ne pose pas de problème (en dehors peut-être de quelques sociétés acéphales comme celles des pygmées), les autres niveaux de légitimité manquent aux régimes ci-dessus. Ce manque provient en premier lieu de ce que Gérard Conac a appelé une « déficience de légitimité institutionnelle42 ». En effet, à partir du moment où ces régimes n’étaient pas basés sur des règles et des procédures acceptées par les élites non liées au pouvoir et la population, ni les appareils spécialisés de domination (la police, la justice, l’administration…) ni surtout les dirigeants (président, ministres…) ne pouvaient bénéficier d’une légitimité autre que formelle.
30En l’absence de légitimité, les régimes africains de cette période se caractérisaient aussi par une tendance à l’autoritarisme puisqu’en l’absence de règles acceptées, les dirigeants devaient user souvent de la force ; laquelle devenait une ressource en vue de se maintenir au pouvoir, comme nous le verrons plus bas. Ils affaiblissaient délibérément les institutions – l’armée, l’administration – et la société civile et construisaient des institutions informelles parallèles fondées sur une logique de loyauté personnelle au chef. Les chercheurs ont forgé le terme de « présidentialisme négro-africain » pour caractériser l’hypertrophie des pouvoirs du chef, la situation de « surpouvoir » et la personnalisation du pouvoir qui débouchent souvent sur un culte de la personnalité, porté à son paroxysme dans le cas du Togo d’Eyadéma (appelé le sauveur providentiel) par exemple43. C’est pourquoi, d’une certaine manière, la plupart des régimes africains des années 1960 à 1990 avaient, au-delà de leurs différences, des allures de dictatures personnelles. C’est cette crise de légitimité qui explique, selon les mots d’Achille Mbembé, le fait que « des dictatures assoupies la veille au soir sous un flot de motions de soutien se réveillent le lendemain, leurs vaux d’or fracassés et leurs tables de la loi renversées44 ».
31De renversement en renversement, les militaires – troisième caractéristique répandue dans ces systèmes – sont devenus dominants dans la vie politique africaine entre 1960 et 1989. Le rôle des militaires – et surtout du chef militaire au pouvoir – dans la vie politique africaine s’est accru au point qu’on ne peut pas vraiment ériger une catégorie « régime militaire » séparée. Il s’agit plutôt d’une donnée diffuse, ce qu’on qualifierait de « régime militaire » étant loin d’être une catégorie homogène45. Ainsi que Samuel Decalo le relève, les coups d’État se sont multipliés en Afrique dès les années 1960, de sorte que, dans les années 1990, plus de la moitié des États et près de 60 % de la population africaine vivaient sous un gouvernement militaire46. Une simple analyse des différents types de régimes cités ci-dessus montre la prépondérance des militaires et leur présence dans tous les types de régimes. Par exemple, le Burkina Faso et le Ghana, classés dans la catégorie des régimes populistes, étaient tous deux dirigés par des militaires, T. Sankara et J. Rawlings. De même, deux des régimes sultanistes (Ouganda et Centrafrique) étaient dirigés par des militaires, tout comme les régimes afro-marxistes (le Bénin, l’Éthiopie et le Congo) ; ou le régime de parti unique comme celui de Mobutu…
32Puisque nous avons dit que la légitimité faisait défaut aux régimes africains postcoloniaux, il nous faut expliquer le paradoxe de la durée des autoritarismes au cours de la même période.
Les stratégies d’exercice du pouvoir
33Comme on le sait au moins depuis Machiavel, pour ne pas remonter aux Romains, aux Grecs ou aux Égyptiens, la politique est orientée essentiellement vers l’élaboration de stratégies de conquête et de conservation du pouvoir. En démocratie, le pouvoir est idéalement conquis et exercé en vue d’appliquer un programme politique, mais on sait là aussi qu’il n’en est pas toujours ainsi. Dans les régimes néopatrimoniaux africains, l’activité politique est, peut-être plus qu’ailleurs, accaparée par le souci de demeurer au pouvoir en raison de l’ampleur du déficit de légitimité. Les leaders doivent donc penser constamment à élaborer des stratégies pour conserver le pouvoir.
34Pour comprendre comment les régimes africains ont tenu pendant trois décennies, le recours au modèle d’analyse du politicien investisseur proposé par Jean-Patrice Lacam est utile. Lacam, suivant en cela Robert Dahl, propose d’appliquer les notions d’accumulation et de restructuration empruntées au vocabulaire économique pour comprendre la manière dont les hommes politiques gèrent les ressources nécessaires pour acquérir et conserver le pouvoir. Dans son modèle, chaque homme politique dispose d’un stock de ressources qu’il gère selon une stratégie d’accumulation et de restructuration permanente pour tenir compte, comme le ferait l’investisseur en économie, de l’évolution du marché politique. Par exemple, selon la conjoncture, il active certaines ressources rentables et déclasse celles devenues désuètes. Les ressources, ou les moyens à la disposition du politicien (considéré comme un entrepreneur politique), « comprennent donc l’argent, l’information, la distribution de nourriture, la menace de la force physique, les emplois, l’amitié, le rang social, le droit de légiférer, le vote et toute une variété d’autres phénomènes47 ». Ils sont regroupés par nature, selon Lacam, en ressources coercitives fondées sur la force, rétributives fondées sur l’échange, et persuasives fondées sur le normatif ; cette dernière catégorie étant en principe la seule admise dans les démocraties48. Les chefs des régimes autoritaires africains de cette époque (mais aussi d’aujourd’hui) avaient des matrices de ressources qui pouvaient être activées simultanément ou alternativement, et dont les combinaisons changeaient selon les besoins du moment et selon l’ampleur du profit politique à réaliser. Contentons-nous ici d’en exposer trois : la force, l’argent et le sens.
Le recours aux ressources coercitives
35Les ressources coercitives, dont les principales sont l’armée, la police, les tribunaux, sont au fondement de la domination puisque Max Weber a même fait de la menace de recourir à la violence et, ultimement, du recours à la violence physique l’ultima ratio de l’État. Parmi la panoplie de ressources coercitives utilisées dans les régimes africains de l’époque, les plus courantes sont l’usage de la violence et l’instrumentalisation de la justice. Comme le montre bien J. -F. Médard, l’activation de cette ressource prend des intensités variables selon les trois types de régimes qu’il distingue : les autoritarismes durs, les autoritarismes modérés et les sultanismes. Selon Médard, « les autoritarismes durs connaissent un fort degré de violence et ils reposent sur une peur permanente et insidieuse plus que sur la terreur49 ». Ils contrastent donc avec le caractère sanglant des sultanismes, tel celui de Macias Nguema en Guinée équatoriale. En revanche, les autoritarismes modérés, dont l’auteur dit qu’ils ont été les cas les plus fréquents, laissent une certaine marge à la société civile et recourent plus modérément à la violence. Alors que les autoritarismes durs instrumentalisent la justice et la police pour tuer, comme au Togo d’Eyadéma, les modérés l’utilisent pour faire peur. Gonidec montre qu’« au Togo, après le complot de 1969, les magistrats qui avaient refusé de condamner les accusés, en l’absence de preuves suffisantes, eurent un sort moins heureux. Jetés en prison, une opportune crise cardiaque vint régler le sort de quatre d’entre eux50. » Au contraire, dans les autoritarismes modérés – comme celui de la Côte d’Ivoire sous Houphouët-Boigny –, les « condamnations à mort ne sont pas toujours exécutées, car les chefs d’État aiment à user de la clémence après avoir effrayé les opposants et frappé l’opinion publique. La faculté d’accorder le pardon, et même de récompenser après avoir puni, fait partie de la stratégie destinée à forger l’image de marque du chef51. » La force n’est donc pas la seule ressource sur laquelle se fonde la domination.
Le recours aux ressources matérielles
36La capacité à distribuer des récompenses – usage des ressources rétributives – fait partie des ressources à la disposition du politicien investisseur qui peut d’autant l’activer qu’en tant que chef néopatrimonial, il gère l’État comme une propriété personnelle. Il use de la distribution d’argent, de postes dans l’administration, de nominations à l’étranger, bref, du favoritisme et du prébendalisme pour se constituer un réseau de clients et de protégés qui, bénéficiant du régime, se transforment en ses défenseurs et en assurent la pérennité52. Ce favoritisme mène à ce que Médard appelle la « distribution particulariste », qui s’oppose à la distribution universaliste qui, elle, caractérise normalement un État moderne. Ici, l’accès aux postes et aux richesses de l’État est octroyé sélectivement aux clients du régime. L’élite dissidente est souvent cooptée par des offres alléchantes alors que l’élite autour du chef peut subir régulièrement une rotation destinée, d’une part, à éviter qu’elle ne devienne suffisamment puissante pour concurrencer le chef, et, d’autre part, à assurer sa fidélité, car perdre son poste ou en retrouver un montre que les faveurs données peuvent être reprises…
La production de sens
37User de la force et de l’argent ne suffit cependant pas à maintenir la domination. Que ce soit en Afrique ou ailleurs, la domination fonctionne d’autant mieux qu’elle ne repose pas sur la nécessité de recourir à la contrainte ou à la corruption. Rousseau a déjà montré dans Du contrat social que « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». L’anthropologie politique et, avant elle, les Romains, ont montré par ailleurs que la domination étant toujours exercée par la minorité, elle ne s’explique que parce qu’elle repose sur la croyance et la production de sens, idée qu’on retrouve aussi chez Max Weber53.
38Cette recherche de ressources persuasives comme complément aux ressources coercitives se manifeste en premier lieu par un culte de la personnalité comme on le voit dans ce commentaire du journal d’État camerounais au sujet d’une visite du président Paul Biya :
Comblée. La Belgique qui ne parvenait plus à cacher son impatience et son empressement à honorer le couple présidentiel […] avec une chaleur et un empressement auxquels, dit-on ici, l’on n’est pas coutumier à pareille époque. Car la Belgique, mais surtout Bruxelles, était si belle et si ensoleillée hier, qu’il semblait que l’astre du jour avait délibérément choisi de rayonner de toute sa splendeur pour souligner que ce jour-là n’était pas un jour comme les autres54.
39Quiconque connaît l’anonymat dans lequel les chefs d’État africains sont généralement reçus en Europe sait qu’il n’en est rien. Mais, comme le remarque Achille Mbembé, « en postcolonie, le travail du pouvoir consiste aussi à rentrer en transe dans le but de produire des fables55 ». Il s’agit, pour le pouvoir, « de produire un surcroît de prestige, de fiction et de magie56 ». On soigne l’image du pouvoir par ce qui apparaît comme une forme de socialisation secondaire destinée à créer ce que La Boétie ou Edelman ont déjà vu, à savoir une accoutumance de la population (ou des cibles, selon l’expression de Mbembé) à leur domination.
40La recherche de ressources persuasives comme complément aux ressources coercitives se manifeste en second lieu par l’instrumentalisation de l’invisible. Selon Chabal et Daloz, « il est ainsi courant d’interpréter toute occurrence néfaste comme relevant de manœuvres occultes57 ». Dans ces conditions, « la sorcellerie peut représenter des possibilités d’instrumentalisation de la tradition dans un cadre sociopolitique en cours de transformation58 ». Le mythe de l’immortalité d’Eyadéma (il est bien mort néanmoins en 2005) qui aurait survécu à un accident d’avion et à une fusillade à bout portant ; la présentation du roi du Maroc comme le commandeur des croyants et le descendant du prophète Mahomet ; la participation du chef de l’État du Niger à toutes les fêtes religieuses aux côtés du principal guide musulman du pays ; toutes ces actions participent de la tentative de production de symboles de majesté permettant de « capturer » les populations.
41Ces procédés ne sont pas spécifiques aux régimes africains, il convient de le souligner fortement, car ils sont aussi vieux que le pouvoir politique et se retrouvent en tout lieu et en tout temps. Cependant, en raison du néopatrimonialisme et de l’autoritarisme, ils sont portés à leur paroxysme, ce qui n’est pas forcément efficace comme nous le verrons avec le développement de phénomènes de réaction politique dans le camp des dominés.
La société face aux pouvoirs de l’Afrique postcoloniale
42L’analyse en termes de néopatrimonialisme et des régimes qu’il structure constitue une vue de la politique en Afrique par le haut, c’est-à-dire une approche qui met en exergue l’Afrique des institutions, des élites et du pouvoir. Elle laisse quelque peu de côté les logiques sociales et, notamment, elle ne nous dit pas ce que devient la société face à ces régimes et leurs pratiques politiques59. Si le néopatrimonialisme implique une grande volonté de contrôle de la société par le pouvoir, cette entreprise n’est cependant jamais totalement effective. L’école du politique par le bas (voir chapitre 2)60 et l’école interactionniste61 ont mis en évidence de nombreuses manifestations de la vitalité de la société. Parmi la diversité des manifestations possibles de cette vitalité, trois types ont été particulièrement dominants : les phénomènes d’« escapisme », les phénomènes de résistance et la dérision politique. À ces types s’ajoute un quatrième, la revendication démocratique, que nous laissons de côté toutefois pour le chapitre 7.
L’« escapisme »
43En ce qui concerne l’État et les régimes autoritaires, les populations africaines ont très rapidement développé des phénomènes d’« escapisme », c’est-à-dire des stratégies destinées à échapper à l’ambition totalisante des pouvoirs. C’est surtout au début des années 1980, au cours desquelles l’impasse politique et économique devient évidente en Afrique, que les chercheurs ont commencé à remarquer ces phénomènes de repli des sociétés. Goran Hyden est un des premiers à proposer le concept de « paysans non capturés » pour montrer les stratégies de résistance des paysans tanzaniens devant faire face au collectivisme et aux politiques socialistes alors en vigueur62. Il étend ensuite son analyse aux autres pays africains pour montrer comment « la grande masse des paysans se soumet avec réticence aux objectifs économiques des autres classes63 ». À la fin des années 1980, d’autres auteurs remarquent qu’un équilibre précaire s’était établi entre l’État et la société en Afrique, car les individus et les groupes développent des relations tantôt d’indifférence, tantôt d’immersion par rapport à l’État64. Dans les campagnes, on s’ajuste à un État dont on peut retirer des profits, mais qu’on ne contrôle pas. Dans les villes, l’économie informelle se développe rapidement et il se crée de grandes distorsions entre les logiques officielles des gouvernants et celles des citoyens. En bref, partout, « les sociétés africaines sont mises en demeure d’inventer les modes d’adaptation aux contraintes d’une crise durable65 ».
44L’« escapisme » diffère de l’opposition, car il se caractérise par un repli plutôt passif hors de l’atteinte de l’État. Les stratégies d’opposition, par contre, ne fuient pas l’affrontement avec l’État.
Les résistances
45À la fin des années 1980, l’autoritarisme s’était généralisé en Afrique. Pour autant, des résistances existaient, car les travaux sur une diversité de régimes ont montré que même dans les régimes totalitaires, les individus gardent une certaine marge de manœuvre66. Jean-François Bayart note ainsi que « les situations de contrôle politique accentué, qui dominent en Afrique noire sous les formes des régimes de parti unique, des régimes dits “militaires” des dictatures civiles et des régimes ségrégationnistes n’évacuent jamais complètement l’intervention des groupes sociaux subordonnés67 ». Cette intervention a pris des formes différentes à divers moments de l’évolution des régimes entre 1960 et 1990. La périodisation proposée par Chazan et ses collègues à propos du processus de construction de l’arène publique dans les États postcoloniaux68 peut être utilisée ici pour concevoir trois moments au cours desquels des formes de résistance émanent de la société. Durant la période suivant immédiatement l’indépendance, les gouvernants commencent à concentrer le pouvoir entre leurs mains. Cette première phase lance le processus autoritaire et rencontre des résistances politiques, armées et des contestations de la part de la société civile formellement pluraliste léguée par le colonisateur. Les instances de participation sont supprimées et les opposants réduits au silence. Cette phase voit des résistances politiques jusqu’à ce que les partis d’opposition soient supprimés, les leaders jetés en prison ou tués lorsqu’ils prennent les armes. C’est ainsi qu’en Côte d’Ivoire, où l’autoritarisme pourtant est considéré comme modéré, éclate :
[E]n 1970, la crise du Guébié […]. Kragbé Gnagbé, originaire d’un village guébié, exigera, en vain, du président la création d’un parti politique d’opposition conformément à l’article 7 de la Constitution. Accusant Kragbé de vouloir faire sécession, Houphouët-Boigny organise une répression farouche en pays bété. On estime habituellement qu’elle aurait fait entre 4 000 et 6 000 morts69.
46Le même sort a frappé Ruben Um Nyobé au Cameroun en 1958, peu avant l’indépendance du pays. Comme la société politique, la société civile est alors mise au pas durant cette première phase.
47La deuxième phase qui concerne les années 1960 et 1970 est celle de l’élaboration du pouvoir d’État. Elle voit les gouvernants conforter leur emprise sur la société par l’expansion considérable des fonctions de l’État, qui devient l’acteur central de la vie politique et économique. On voit notamment un appareil coercitif prendre de l’ampleur, y compris les milices loyales au pouvoir70 afin d’asseoir la domination et mater les résistances. La troisième phase, enfin, est celle de la crise de l’État. Elle concerne la fin des années 1970 et le début des années 1980, considérées comme « la décennie perdue » en raison du déclin de l’État durant cette période. L’État fait face à des pressions, notamment les programmes d’ajustement structurel externes, et à la montée des contestations internes. Dès 1988, Anyang Nyong’o évoque des révoltes populaires71 et, avant lui, dès le début des années 1980, la revue Politique africaine introduisait les thèmes du politique par le bas, de la dérision et des modes populaires d’action politique.
La dérision politique
48La dérision politique (voir chapitre 2) est une manifestation de la manière dont le commun des Africains « participait » au politique clandestinement, à défaut de pouvoir le faire ouvertement en raison du contexte autoritaire de l’époque. La dérision consiste à rire du pouvoir, à tourner en ridicule les slogans officiels destinés à produire du sens comme on l’a vu plus haut ; à démystifier les chefs d’État, en leur collant des sobriquets… bref, C. Toulabor montre que la dérision est une forme de « braconnage politique » et qu’elle joue, entre autres, sur l’équivoque. Ainsi, alors que le président Eyadéma du Togo se faisait acclamer aux cris d’Avafiagan ! (le grand homme), l’homme du commun qui crie et applaudit sur son passage dit en réalité Avanfiagan (soit « l’homme au gros phallus »), ce qui soulève l’hilarité générale alors que le dictateur croit que c’est sa personne qui suscite autant d’enthousiasme… De même, Young montre qu’au Zaïre, « l’office des routes » devient « l’office des trous » dans la bouche des gens ordinaires exaspérés par l’état du réseau alors qu’au Nigeria, la Nigerian Electric Power Authority est transformée en « No Electric Power Again » par l’homme ordinaire habitué aux pannes d’électricité72… La dérision met donc face à face, d’une part, le politicien investisseur ou « le potentat postcolonial [qui] fabrique politiquement un monde de significations qui est le sien, mais qui se veut tellement central qu’il aspire à conditionner la constitution de toute autre signification au sein de ces sociétés73 » ; et, d’autre part, « les acteurs sociaux subordonnés, et plus spécifiquement des jeunes lettrés » qui s’activent à déconstruire ce monde de signification, sapant ainsi la quête de sens, une des stratégies du politicien investisseur africain que nous avons mentionnée plus haut.
49Est-ce à dire que la dérision était un instrument d’opposition, plus précisément qu’elle était une forme de revendication démocratique avant l’heure ? Plusieurs thèses sont en présence. Pour C. Young, elle aidait à rendre les excès du pouvoir plus supportables alors que Comi Toulabor penche davantage vers l’idée de résistance car, selon lui, « on peut supposer que plus un État s’affiche unanimiste et intégrationniste, plus il y a des probabilités que se développe chez les gouvernés un “anti-discours”74 ». Plus sceptique, Achille Mbembé voit non pas tant « des parodies qui sapent le discours officiel » que :
une tension conviviale entre le commandement et ses cibles. C’est précisément cette logique de la familiarité et de la domesticité qui a, pour conséquence inattendue, pas forcément la résistance, l’accommodation, le « désengagement », le refus d’être capturé ou l’antagonisme entre les faits et gestes publics et les autres « sous-maquis », mais la « zombification mutuelle » des dominants et de ceux qu’ils sont supposés dominer75.
50L’analyse la plus neutre est celle de Jean-François Bayart qui montre la pluralité de possibilités selon que ces modes d’action sont ou non politisés. Or, ils peuvent ne jamais l’être parce que les acteurs sont impuissants, ou ne conçoivent même pas une telle possibilité, comme dans le cas des paysans. Néanmoins, il conclut à propos de la domination étatique et internationale que « le courage, la persévérance, l’humour et bien souvent la sagesse politique de foules anonymes nous disent pourtant chaque jour qu’elles ne sont peut-être point inexorables76 ».
51Comme mentionné plus haut, les débats sur les réactions de la société face à l’État ont émergé dans un contexte marqué par la généralisation des autoritarismes que nous avons expliqués ici sans tomber dans le piège des clichés (voir chapitre 1). À partir de 1989, soit quelques années seulement après le lancement de ces débats, plusieurs pays connaissaient une vague de contestations menées surtout par les couches urbaines et scolarisées que Toulabor identifiait comme les moteurs des phénomènes de dérision politique. Des 48 pays dirigés selon l’un ou l’autre des autoritarismes (rappelons que seuls cinq pays étaient pluralistes en 1989), presque aucun n’a résisté à cette forme ouverte de résistance prônant leur renversement. Tout l’enjeu de la démocratisation étudiée aux chapitres 7, 8 et 9, et en partie, celui de l’intégration étudiée aux chapitres 10 et 11, consiste à rompre avec ces tendances encastrées dans le néopatrimonialisme qui ont dominé la politique africaine pendant trois décennies. À ces défis, s’ajoutent les conflits, qui sont l’objet des deux chapitres suivants.
Notes de bas de page
1 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa : Regime Transitions in Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 9.
2 Catherine Cocquery-Vidrovitch et Henri Moniot, L’Afrique noire de 1800 à nos jours, Paris, PUF, 2005, p. 128.
3 Herbert Weiss, « Introduction », dans Catherine Coquery-Vidrovitch, Alain Forest et Herbert Weiss (dir.), Rébellions-révolutions au Zaïre, 1963-1965, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 14.
4 Catherine Cocquery-Vidrovitch et Henri Moniot, L’Afrique noire de 1800 à nos jours, p. 122-123.
5 Ibid., p. 129.
6 Naomi Chazan et al., « State Institutions and the Organization of the Public Arena », dans Naomi Chazan et al., Politics and Society in Contemporary Africa, 3e édition, Boulder, Lynne Rienner, 1999, p. 43.
7 Naomi Chazan et al., « Regimes in Independent Africa », dans Naomi Chazan et al. (dir.), Politics and Society in Contemporary Africa, p. 140.
8 Ibid., p. 141.
9 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa, p. 77-82.
10 Voir Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, La politique comparée : fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal, les Presses de l’Université de Montréal, 2004.
11 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa, p. 81.
12 Jean-François Médard, « Consolidation démocratique et changement des élites au Botswana : du parti dominant au bipartisme », dans Jean-Pascal Daloz (dir.), Le (non-) renouvellement des élites en Afrique subsaharienne, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 187-215.
13 Momar-Coumba Diop et al., « Le baobab a été déraciné. L’alternance au Sénégal », Politique africaine, no 78, juin 2000, p. 157-179.
14 Daniel Compagnon, « Terrorisme électoral au Zimbabwe », Politique africaine, no 78, juin 2000, p. 180-190.
15 Naomi Chazan et al., « Regimes in Independent Africa », p. 142 et 147.
16 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa, p. 78-81.
17 Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », Politique africaine, no 43, octobre 1991, p. 94.
18 Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, 2e édition, Paris, LGDJ, 1978, p. 239.
19 Peter J. Schraeder, African Politics and Society: A Mosaic in Transformation, Boston/New York, Bedford/St. Martin, 2000, p. 269.
20 Edmond Keller, « Afro-Marxist Regimes », dans Edmond Keller et Donald Rothchild (dir.), Afro-Marxist Regimes: Ideology and Public Policy, Boulder/Londres, Lynne Rienner, 1987, p. 1-21.
21 Parti de la révolution populaire du Bénin, Statuts, Cotonou, 1975, article 8.
22 Voir Chris Allen, « “Goodbye to All That”: The Short and Sad Story of Socialism in Benin », dans « Democratic Renewal » in Africa: Two Essays on Benin, Occasional papers, no 40, Centre of African Studies, Edinburgh University, 1992, p. 30-33.
23 Francine Godin, Bénin, 1972-1982 : la logique de l’État africain, Paris, L’Harmattan, 1986, p. 45-49.
24 Voir Vincent Ochilet, L’expérience du marxisme-léninisme en République populaire du Bénin, Mémoire de DEA d’études africaines, Bordeaux, CEAN, 1990, p. 237.
25 Jean du Bois de Gaudusson, « Madagascar : A Case of Revolutionary Pragmatism », dans John Markakis et Michael Waller (dir.), Military Marxist Regimes in Africa, Londres, Frank Cass, 1986, p. 101-121.
26 Michael S. Radu et Keith Somerville, « The Congo », dans Chris Allen (dir.), Marxist Regimes: Benin, The Congo, Burkina Faso, New York, Pinter Publishers, 1989.
27 Pour la distinction, voir Edmond Keller, « Afro-Marxist Regimes ».
28 René Lefort, Éthiopie : la révolution hérétique, Paris, François Maspero, 1981, p. 119-216.
29 Voir Michael Löwy, « Populisme, nationalisme et indépendance de classe en Amérique latine », dans Le populisme en Amérique latine, Cahiers d’étude et de recherche, no 6, Paris, Institut international de recherche et de formation, 1987, p. 3-6.
30 Carlos M. Vilas, « Le populisme comme stratégie d’accumulation : l’Amérique latine », dans Le populisme en Amérique latine, p. 34.
31 René Otayek et al. (dir.), Le Burkina entre révolution et démocratie, 1983-1993, Paris, Karthala, 1997.
32 Naomi Chazan et al., « Regimes in Independent Africa », p. 154.
33 Comi Toulabor, Le Ghana de J. J. Rawlings. Restauration de l’État et renaissance politique, Paris, Karthala, 2000 ; Sandrine Perrot, « Les élites politiques ougandaises et le “Mouvement”. La génération Museveni », dans Jean-Pascal Daloz (dir.), Le (non-) renouvellement des élites en Afrique subsaharienne, Bordeaux, CEAN, 1999, p. 77-98.
34 Max Weber, Économie et société, Paris, Plon, tome 1, 1971, p. 308.
35 H. E. Chehabi et Juan J. Linz (dir.), Sultanistic Regimes, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1998.
36 Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », Politique africaine, no 43, octobre 1991, p. 97.
37 Samuel Decalo, Psychoses of Power: African Personal Dictatorships, Bouder/Londres, Westview Press, 1989, p. 1-29 et 179-187.
38 Elisabeth Jean Wood, « Apartheid, Conservative Modernization and Mobilization », dans Elisabeth Jean Wood, Forging Democracy From Below: Insurgent Transitions in South Africa and El Salvador, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 111-142.
39 Jacques Lagoye, « La légitimation », dans Madeleine Grawitz et Jean Leca (dir.), Traité de science politique, tome 1, Paris, PUF, 1985, p. 397.
40 Guglielmo Ferrero, Pouvoir : les génies invisibles de la cité, Paris, Librairie générale française, 1988.
41 Jacques Lagoye, « La légitimation », p. 398.
42 Gérard Conac, « Les processus démocratiques en Afrique », dans Gérard Conac (dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Économica, 1993, p. 16.
43 Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, p. 222.
44 Achille Mbembe, De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 153.
45 Jean-Pierre Pabanel, Les coups d’État militaires en Afrique noire, Paris, L’Harmattan, 1984.
46 Samuel Decalo, The Stable Minority: Civilian Rule in Africa, 1960-1990, Gainesville, FAP Books, 1998, p. 2.
47 Robert Dahl, cité par Jean-Patrice Lacam, « Le politicien investisseur : un modèle d’interprétation de la gestion des ressources politiques », Revue française de science politique, vol. 38, no 1, 1988, p. 27.
48 Jean-Patrice Lacam, « Le politicien investisseur », p. 27.
49 Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocraties en Afrique noire », Politique africaine, no 43, 1990, p. 99.
50 Pierre-François Gonidec, Les systèmes politiques africains, p. 242.
51 Ibid., p. 242-243.
52 Richard Joseph, Democracy and Prebendal Politics in Nigeria, the Rise and Fall of the Second Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.
53 C. Geertz, Bali, interprétation d’une culture, Paris, Gallimard, 1983 ; Étienne de la Boétie, Discours de la servitude volontaire, Paris, Flammarion, 1983 ; M. Edelman, Pièces et règles du jeu politique, Paris, Seuil, 1991.
54 Achille Mbembe, De la postcolonie, p. 162.
55 Ibid., p. 163.
56 Ibid., p. 152.
57 Patrick Chabal et Jean-Pascal Daloz, « L’irrationnel apprivoisé : sorcellerie et religion », dans J. -P. Daloz et P. Chabal, L’Afrique est partie ! Du désordre comme instrument politique, Paris, Économica, 1999, p. 89.
58 Ibid., p. 97.
59 Jean-François Bayart, « Les sociétés africaines face à l’État », Pouvoirs, no 25, 1983.
60 Jean-François Bayart, « La politique par le bas en Afrique noire : questions de méthode », Politique africaine, no 1, janvier 1981, p. 52-82.
61 Naomi Chazan et Donald Rothchild (dir.), The Precarious Balance: State and Society in Africa, Boulder, Westview Press, 1988.
62 Goran Hyden, Beyond Ujamaa in Tanzania: Underdevelopment and an Uncaptured Peasantry, Londres, Heinemann Educational Books, 1980.
63 Goran Hyden, « La crise africaine et la paysannerie non capturée », Politique africaine, no 18, juin 1985, p. 93.
64 Naomi Chazan, « Patterns of State-Society Incorporation and Disengagement in Africa », dans Naomi Chazan et Donald Rothchild (dir.), The Precarious Balance, p. 121-148.
65 Jean-Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de l’Afrique noire : les défis du monde d’en-bas, Paris/Montréal, L’Harmattan, 1998, p. 145.
66 Voir entre autres Claude Lefort, L’invention démocratique : les limites de la domination totalitaire, Paris, Fayard, 1994 ; Hannah Arendt, La nature du totalitarisme, Paris, Payot, 1990.
67 Jean-François Bayart, « La politique par le bas en Afrique noire », p. 52.
68 Naomi Chazan et al., « State Institutions and the Organization of the Public Arena », p. 54-68.
69 Tiémoko Coulibaly, « La lente décomposition en Côte-d’Ivoire », Le Monde diplomatique, novembre 2002, p. 24.
70 Ibid., p. 59.
71 Peter Anyang Nyongo, Afrique : la longue marche vers la démocratie. État autoritaire et résistances populaires, Paris, Publisud, 1988.
72 Crawford Young, The African Colonial State in Comparative Perspective, New Haven/Londres, Yale University Press, 1994, p. 7.
73 Achille Mbembé, De la postcolonie, p. 140.
74 Comi Toulabor, « Jeu de mots, jeu de vilains : lexique de la dérision politique au Togo », Politique africaine, vol. 1, no 3, 1981, p. 71.
75 Achille Mbembe, « Notes provisoires sur la postcolonie », Politique africaine, no 60, décembre 1995, p. 78.
76 Jean-François Bayart, « La revanche des sociétés africaines », Politique africaine, no 11, 1983, p. 95-127.
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