2. Les cadres d’analyse
p. 38-57
Texte intégral
1La science politique demeure marquée par le regroupement des chercheurs en aires régionales1. Les spécialistes de chaque aire – études américaines ou européennes par exemple – développent leur corpus théorique à partir de leur terrain d’investigation, de sorte que les modèles d’analyse et les concepts qu’ils utilisent sont intimement liés aux contextes qu’ils étudient. Il n’en est pas de même en ce qui concerne l’aire régionale africaine.
2L’intérêt de la science politique pour l’Afrique n’est pas venu initialement de ce continent et de plus, il est récent. Les anthropologues occidentaux sont les premiers à s’en être d’abord occupés, car dans la division du travail académique entre disciplines des sciences sociales, ils avaient hérité des objets considérés comme exotiques. Les historiens ont contribué ensuite à élargir les perspectives anthropologiques en cherchant à mieux connaître les structures et les formations politiques précoloniales et coloniales africaines.
3L’absence de travaux de science politique proprement dite lors des premières recherches sur l’Afrique a peu à peu été comblée. Les indépendances et l’émergence de nouveaux États ont donné naissance à des études comparatives et à des concepts nouveaux2 mais toujours de manière exogène. Ce renouvellement tient beaucoup aux théories du développement et de la modernisation politique ainsi que nous le verrons plus loin. En dépit de ces changements, Patrick Chabal parle de faillite des paradigmes3 et Wosene Yefru considère que les 40 dernières années depuis les indépendances ont été marquées par une paralysie de l’analyse4. Cette situation est à certains égards compréhensible dans la mesure où la science politique est elle-même une discipline récente, même dans les pays occidentaux, à l’exception des États-Unis où elle a conquis son autonomie comme discipline dès le début du siècle.
4Dans les contextes africains, les objets traditionnellement privilégiés par la science politique, soit l’État et les institutions – sur lesquels travaillaient les auteurs classiques –, ne datent que des années 1950 et 1960, au cours desquelles la majorité des pays africains ont accédé à l’indépendance après plusieurs décennies de colonisation européenne. Par conséquent, il est logique que l’étude des objets dépendant de l’État comme les conflits, l’intégration, la démocratisation ait été retardée.
5Dans ce chapitre, il s’agit d’abord d’exposer les raisons pour lesquelles les modèles exogènes prévalent dans la recherche sur l’Afrique. Il s’agit ensuite de s’interroger sur les différents paradigmes explicatifs utilisés pour comprendre le continent, à l’intérieur comme à l’extérieur, et les objets de recherche privilégiés dans ces paradigmes. Il s’agit enfin de faire la part entre les modèles d’analyse dépassés et les modèles de relève, notamment ceux relatifs aux enjeux sur lesquels nous insistons dans ce livre.
La faiblesse de la science politique en Afrique et l’extranéité des cadres d’analyse
6Une réflexion sur les cadres d’analyse de la politique en Afrique ne peut faire l’économie d’un regard préalable sur l’état de la science politique dans ce continent, car ce regard permet de comprendre la domination des paradigmes exogènes dans l’analyse qui en est faite. La première remarque qui s’impose sur ce point est l’inexistence d’une science politique africaine en tant que champ structuré et autonome, produisant son propre corpus théorique. Elle est plutôt caractérisée par une atrophie du cadre institutionnel, une faiblesse de l’appareil théorique, un enclavement ou une complète extraversion des politologues africains. Le résultat est une importation des modèles d’analyse exogènes.
L’atrophie du cadre institutionnel de la science politique
7Le premier obstacle au développement de la science politique en Afrique résulte de l’atrophie du cadre institutionnel. Comme on le sait, toute discipline acquiert son autonomie en se donnant de la visibilité à travers des infrastructures distinctes de celles des autres disciplines et grâce à une communauté savante organisée. Dans nombre de pays africains, la première condition fait cruellement défaut en ce qui concerne la science politique, en partie parce que cette discipline ne constitue pas une priorité dans les politiques d’éducation. Par ailleurs, la science politique a souffert, tout au long des trois premières décennies d’autoritarisme qui ont suivi les indépendances, du préjugé selon lequel elle n’est rien d’autre qu’une discipline spéculative et subversive. L’État détenant les cordons de la bourse en matière de financement de l’éducation, ses dirigeants ne pouvaient alors favoriser le développement de la recherche dans un domaine potentiellement contestataire5.
8En Afrique de l’Ouest, le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont aujourd’hui encore les rares pays, avec les pays anglophones (le Nigeria, le Ghana et surtout l’Afrique du Sud), à disposer de départements de science politique fonctionnels. Un pays comme le Cameroun est une « anomalie » dans l’espace francophone puisqu’il dispose de six universités au sein desquelles la science politique gagne progressivement son autonomie. Dans d’autres pays francophones, l’atrophie du cadre institutionnel universitaire est telle qu’il existe, au mieux, un cours de science politique dispensé dans les facultés de droit par des juristes. Cette situation dans le contexte francophone doit beaucoup à l’influence sur les universités africaines, exercée moins par les politologues que par les juristes français, souvent peu enthousiasmés par l’idée d’une science politique autonome et concurrente du droit. Cette faiblesse institutionnelle a pour corollaire une faiblesse de la communauté des chercheurs et des enseignants susceptibles de donner une impulsion à la production d’un corpus théorique local.
9En outre, la crise généralisée de l’État en Afrique dans les années 1980 a contribué à l’effondrement des infrastructures académiques et des moyens de fonctionnement des universités, comme nous le montre Paul Zeleza6. Ces infrastructures étaient du reste bien rares et les moyens financiers faibles, de sorte que les bibliothèques et les fonds documentaires nécessaires à tout travail de recherche étaient eux aussi réduits à la portion congrue dans la plupart des pays. L’état des sources bibliographiques y est tel que même la réalisation d’un travail monographique relève de la gageure. Faire de la recherche sur l’Afrique devient donc un vrai défi dans ces conditions. Il est surprenant de constater qu’il est souvent plus facile de travailler sur l’Afrique en restant en Europe ou aux États-Unis qu’en allant dans les pays africains étudiés. Le résultat, c’est l’approfondissement de la crise7, l’expatriation et la dispersion des chercheurs, desquelles résulte la difficulté de générer un appareil théorique et conceptuel issu des terrains et des chercheurs africains.
L’extraversion théorique et conceptuelle corrélative
10Du point de vue du développement de modèles d’analyse, des efforts sont faits en Afrique, certes : par exemple, par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales (CODESRIA) basé à Dakar, ou par Polis, La Revue camerounaise de science politique. La production nigériane ou sud-africaine et, au-delà, anglophone, est importante également, comme on le constate à travers Politikon, la revue sudafricaine de science politique. Cependant, ces efforts ne se traduisent pas par l’émergence de cadres conceptuels et de schémas théoriques qui serviraient de matrices à partir desquelles une communauté autonome de chercheurs africains pourrait élaborer des études d’envergure et procéder à des développements théoriques et conceptuels. À défaut de développer de tels cadres, il n’y a d’autre issue que d’en adopter parmi ceux qui sont élaborés ailleurs. On le voit bien en consultant les écrits africains, notamment ceux des Africains affiliés aux milieux académiques occidentaux : excellente connaissance de la littérature de science politique en général, mais en revanche, peu d’utilisation de la littérature produite en Afrique8.
11Cette situation s’explique dans bien des cas par une méconnaissance de l’existence même de cette littérature dans la mesure où la faiblesse du cadre institutionnel évoquée plus haut ne favorise pas une diffusion des travaux entre chercheurs en Afrique. À cela s’ajoute l’absence de moyens financiers, qui rend difficile l’organisation de forums réguliers à large échelle, qui sont des occasions d’échanges scientifiques enrichissants. Mais l’extraversion s’explique aussi par les procédures d’évaluation et les systèmes de récompense dans le monde très concurrentiel de la recherche, qui imposent que les chercheurs se réfèrent aux travaux dominants provenant du Nord pour pouvoir publier dans les meilleures revues et faire avancer leur carrière. Si cette extraversion ne constitue pas un problème épistémologique en soi pour autant que les outils soient heuristiques, il est évident qu’elle limite la visibilité de la production africaine et installe durablement la recherche sur l’Afrique dans une situation de dépendance théorique et conceptuelle par rapport aux travaux des chercheurs extérieurs. On constate cette situation, peu importe la période ou l’enjeu envisagé.
Les grands modèles externes d’analyse sur l’État, la politique et le développement africains
12L’émergence de nouveaux États, consécutive à la vague d’indépendances dans les années 1950 et 1960, avec leurs systèmes hybrides et leurs pratiques non conformes aux schémas théoriques classiques élaborés sur la base des expériences occidentales, a provoqué un renouvellement des études portant sur l’Afrique. En l’absence d’infrastructure disciplinaire endogène, ce sont des modèles d’analyse exogènes qui ont été appliqués pour comprendre ces pays et ces phénomènes nouveaux. Cette période constitue un moment phare de l’analyse sur l’Afrique, en raison notamment du développement de modèles théoriques ambitieux, à travers lesquels leurs concepteurs, pour la plupart extérieurs au continent, pensaient échapper aux différences trop marquées entre l’Afrique et l’Occident tout en saisissant la première au prisme du second.
Les modèles d’analyse des années 1950 à 1990
13Trois thématiques ont dominé l’analyse politique sur l’Afrique durant cette période, les glissements thématiques obéissant à l’évolution de la conjoncture politique sur le continent : l’État, le développement et la politique africaine. Avant 1980, ce furent surtout de grandes théorisations qui ont été tentées sur ces questions – le développementalisme et la théorie de la dépendance sur le développement et le modèle centre-périphérie sur l’État –, alors qu’après 1980, en raison de l’épuisement des grandes théories, l’accent a été mis sur des théories de moyenne portée consacrées à la politique. Cette tendance confortera ensuite les modèles d’analyse de relève.
Le modèle libéral développementaliste
14Les travaux sur la modernisation et le développement politiques, bien synthétisés par Bertrand Badie, auront d’abord tenté de comprendre les nouvelles dynamiques affectant les pays africains nouvellement indépendants9. Ils ont été élaborés dans la foulée de la révolution behavioriste, devenue dominante dans la science politique américaine dans les années 1950 à 197010. Les analyses développementalistes ont été les plus marquantes avec, essentiellement, une double ambition : d’une part, proposer des outils permettant de comparer l’Afrique (prise comme un ensemble homogène) au monde occidental et, d’autre part, prédire les chances de l’Afrique de réaliser le développement économique et d’accéder à la démocratie11.
15Sur la question de la comparaison entre l’Afrique et les autres contextes, ce sont les structurofonctionnalistes, apparentés aux développementalistes, qui ont été à la pointe de la recherche. Le structurofonctionnalisme est surtout associé aux travaux de Gabriel Almond, qui emprunte lui-même à la théorie fonctionnaliste de Talcott Parsons et à la théorie systémique de David Easton12. Devant faire face à la difficulté d’appliquer aux nouveaux pays les concepts habituels liés à l’État et aux institutions formelles qui constituaient les thèmes de prédilection de l’approche institutionnelle dominante aux États-Unis jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les théoriciens du développement politique ont cherché à forger des concepts permettant de saisir toutes les situations, occidentales comme extraoccidentales. Almond propose une conception synthétique de son approche, qui montre sans équivoque l’ampleur de cette première ambition : toutes les sociétés disposent de systèmes politiques, qui permettent la formulation et la poursuite des intérêts collectifs. Ces systèmes comportent des structures diversifiées et ces structures remplissent des fonctions13. Ce schéma comparatif débouche sur la seconde ambition, celle de la prédiction des chances de développement et de démocratisation. En effet, les développementalistes estiment que, certes, les systèmes, les structures et les fonctions peuvent varier dans leurs formes concrètes, mais que le schéma global, notamment la dynamique des sociétés qu’ils abordent dans une perspective évolutionniste, reste, lui, inchangé. Cette conception permet à Almond et ses collègues de traiter dans une même étude à la fois de la France, de la Grande-Bretagne, de l’URSS, de la Chine, du Mexique et de la Tanzanie, tout comme ils auraient pu traiter de l’Égypte ou de la Somalie. Les travaux issus des études développementalistes ont tendu, de ce fait, à montrer que les différences entre les systèmes africains et leurs homologues occidentaux étaient non pas de nature, mais de degré de leur développement politique. En réalité, soutenaient les développementalistes, les pays africains se situaient loin sur une échelle d’évolution, mais étaient néanmoins engagés dans le même processus de modernisation que celui par lequel sont passés les systèmes occidentaux. En clair, ils sont ce qu’étaient les pays occidentaux cinquante ou cent ans plus tôt.
16Cette conception dénote l’ambition de ces concepts, destinés à rendre possibles des travaux de grande portée comparative et qui réunissent à la fois pays socialistes, démocraties avancées, pays autoritaires du Nord et du Sud dont l’évolution est diverse. Patrick Chabal14 propose une excellente synthèse des limites d’une telle démarche. Le modèle est évolutionniste dans la mesure où on considérait ces systèmes comme placés selon leur niveau, sur un continuum menant au développement politique. Ce modèle est aussi ethnocentrique puisque le mieux-être politique est assimilé à la situation américaine vers laquelle toutes les sociétés nouvellement indépendantes tendent supposément, comme on a pu le voir avec le concept de culture civique qui renvoie à l’autre interrogation des développementalistes, c’est-à-dire le développement politique. Par exemple, dans les travaux d’Almond et Verba15, ainsi que dans ceux de Pye et Verba16, la possibilité de démocratisation du tiers-monde et notamment de l’Afrique est mesurée en termes d’écart entre leur culture (dite paroissiale) et la culture civique (démocratique) caractéristique de l’Occident. On peut faire ici abstraction des critiques formulées contre ce modèle, en raison entre autres de son ethnocentrisme, de son évolutionnisme et de ses prétentions explicatives si larges, qu’il n’a pas permis de saisir la vraie nature du politique en Afrique. En effet, l’Afrique est étudiée ici non pas à partir d’elle-même, mais au prisme de l’Occident, un peu comme l’envers d’une médaille. L’« historicité » des sociétés, leurs cultures et leurs dynamiques endogènes, que des auteurs comme Bayart et Mbembe appelaient de leurs vœux (voir chapitre 1), sont négligées au profit d’une démarche déductive partant des sociétés occidentales. Ces modèles sont entrés rapidement en crise lorsqu’il est apparu que la plupart des pays nouvellement indépendants ne prenaient pas le chemin balisé par les pays occidentaux, à savoir celui du développement économique et de la démocratie.
Le modèle centre-périphérie
17Dans sa version centrée sur l’analyse du processus d’étatisation en Afrique, ce modèle partage d’importantes prémisses avec le modèle précédent, notamment la vision universaliste et univoque du développement politique. Appliqué à l’Afrique, ce modèle pose les questions de la modernisation des systèmes politiques, de la construction de l’État et de la nation. La modernisation est définie à partir d’un critère qui se veut universel, applicable en tout lieu et en tout temps, c’est-à-dire la construction d’un centre qui parvienne à assurer son hégémonie sur les régions et allégeances périphériques dans un continent où prévaut l’hétérogénéité ethnique. Cette question de la construction d’un centre est au cœur de nombreux travaux aujourd’hui classiques de Reinhart Bendix ou encore Norbert Elias17. Ce dernier, par exemple, montre comment en Europe la construction de l’État s’est faite en plusieurs étapes selon un processus de centralisation. Lancé au départ au hasard des guerres, des mariages et des successions (le règne des Habsbourg sur une bonne partie de l’Europe par ces moyens matrimoniaux en témoigne), l’État devient un projet à partir du moment où des territoires délimités s’institutionnalisent progressivement. Elias appelle ce processus la loi du monopole, cette lutte pour le contrôle des territoires en Europe continentale. Il montre qu’au départ, dans l’Europe féodale entre les XIe et XIIIe siècles, existe ce qu’il appelle la phase de la concurrence libre18. Les rois n’ont alors qu’une maîtrise limitée de territoires fragmentés en une multitude de fiefs dans lesquels les seigneurs règnent sur leurs serfs. Le roi n’est qu’un primus inter pares et dépend des seigneurs pour les revenus comme pour la levée des troupes. Puis, une fois que les rois d’Angleterre sont forcés de renoncer à la prétention sur les territoires continentaux pendant ce qu’Elias appelle la phase des apanages19, aux XIVe et XVe siècles (ce qui fait de l’Angleterre le premier lieu d’apparition de l’État moderne), on entrerait, toujours selon Elias, dans une phase de la victoire du monopole royal20, fin XVe -début XVIe siècle. À la longue, la fragmentation territoriale se réduit car certains seigneurs sont éliminés de la course. Des territoires relativement importants se concentrent entre les mains du roi, annonçant l’ère des États modernes aux frontières claires, notamment à partir du congrès de Westphalie à la suite de la guerre de Trente Ans (1648) et du congrès de Vienne (1815). Une fois le monopole affermi, arrive ce qu’Elias appelle la publicisation du monopole, lorsque l’État se dote d’une administration et de budgets publics. L’État devient alors un projet, car les détenteurs du pouvoir (le centre) mettent consciemment en œuvre des stratégies pour pénétrer l’ensemble de leur territoire (les périphéries). On voit que l’État est là le produit d’une dynamique sociale endogène.
18Lorsque les pays africains arrivent à l’indépendance à la suite des processus coloniaux, il est clair que leur État n’est pas issu d’un processus similaire. Par conséquent, la question de leur légitimité, de l’existence d’un sentiment national, de la spécialisation de leurs administrations et de leur capacité à contrôler leurs espaces périphériques fragmentés sur le plan ethnique, religieux et économique était épineuse. Le modèle centre-périphérie a tenté de résoudre ce dilemme dans une perspective normative.
19S’inspirant de Christian Coulon, Bertrand Badie relève que dans ce modèle,
on peut ainsi considérer que la construction d’un centre se ramène à l’établissement d’institutions ou de valeurs destinées à assurer l’organisation globale d’une société indépendante, délimitée par un cadre territorial précis, et jusque-là caractérisée par une très forte atomisation du pouvoir et une très faible coordination entre ses diverses composantes21.
20L’allégeance des périphéries au centre implique, de fait, l’affaiblissement des allégeances tribales et communautaires. Ce modèle a servi à trouver un nouveau mode d’insertion de l’Afrique dans les études comparatives, avec la même arrière-pensée ethnocentrique. Badie montre ainsi comment, dans ces études, l’idée selon laquelle centre et périphérie correspondent respectivement à la modernité et à la tradition, le passage à la première se faisant sur les cendres de la seconde, s’est imposée.
21Là également, comme dans le cas des développementalistes, l’évolution des sociétés africaines n’a pas suivi le schéma tracé. On s’est rendu compte qu’il n’y a pas de dichotomie entre tradition et modernité, ni d’évolutionnisme, mais des processus plus complexes, dont Guy Nicolas par exemple, se fondant sur l’exemple du Nigeria, a tenté de rendre compte en proposant le concept de « nations à polarisation variable », pour montrer que la construction de l’État peut coexister avec un pluralisme identitaire22.
Les théories marxistes de la dépendance
22Le modèle centre-périphérie a inspiré l’émergence de la théorie de la dépendance. Cette appellation regroupe des perspectives fort variées23, mais qui ont en commun, d’une part, de proposer une critique des théories développementalistes et du libéralisme sous-jacent et, de l’autre, d’attirer l’attention sur les causes du sous-développement des pays du tiers-monde. La théorie de la dépendance puise une bonne partie de son corpus dans les analyses marxistes, notamment celle de l’impérialisme proposée par Lénine et, surtout, celles de Nicolaï Boukharine et de Karl Kautsky qui ont revisité la thèse de l’effondrement du capitalisme pour montrer qu’il s’agit d’un système qui s’adapte et qui est appelé à persister. Cependant, certains dépendantistes n’étaient pas marxistes, à l’image de Raoul Prebish, ancien directeur de la Commission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), qui fut un des premiers à analyser les rapports Nord-Sud en termes d’un centre (pays du Nord) dominant et d’une périphérie (pays du Sud) dominée. Il a également mis l’accent dès 1954 sur un phénomène qui sera ensuite au cœur des théories de la dépendance, à savoir l’échange inégal entre le Nord et le Sud. Cette thèse est basée sur l’argument selon lequel les relations économiques internationales fondées sur la théorie des avantages comparatifs débouchent sur une exploitation des pays du Sud. Ces derniers sont relégués au rôle de simples pourvoyeurs de matières premières sans valeur ajoutée et d’importateurs de produits finis à un coût élevé. Ce mécanisme crée une détérioration tendancielle des termes de l’échange.
23Ce modèle concerne l’Afrique, car les analyses sur l’Amérique latine produite par des auteurs tels qu’André-Gunder Frank, Fernando Cardoso et Enzo Faletto, entre autres24, ont été étendues à l’Afrique en tant que maillon de la périphérie dominée. Deux des auteurs qui ont le plus contribué à cette entreprise sont Walter Rodney et Samir Amin25 qui, comme André-Gunder Frank pour l’Amérique latine, expliquent le sous-développement de l’Afrique comme un produit du développement des pays capitalistes occidentaux en vertu des mécanismes de l’échange inégal. Amin explique le sous-développement de l’Afrique par la nature de son insertion en tant que périphérie dans le système mondial dominé par le centre européen. Il en est même venu un moment à demander que les pays africains se « déconnectent » du système international, tout comme Frank appelait les Latino-Américains à la révolution contre l’impérialisme et les élites locales qui en relaient les intérêts. Globalement, on constate que ce second modèle entendait dépasser les théories développementalistes, notamment dans leurs visions libérale, occidentalocentrée et modernisatrice.
24Concernant la tentative de compréhension des dynamiques économiques et politiques africaines, ce modèle d’analyse a eu le mérite d’attirer l’attention des chercheurs sur les inégalités politiques et économiques à l’échelle internationale en accordant, plus que ne le fait le modèle développementaliste, leur place aux économies et processus des pays africains. Cependant, ce modèle a aussi ses faiblesses et n’a pas vraiment permis « d’étudier l’Afrique pour elle-même ». D’abord, comme le développementalisme, il s’agit d’une théorie de grande portée, trop généralisante et par conséquent peu soucieuse des particularités locales et des marges de liberté des acteurs africains. Ensuite, les auteurs des théories de la dépendance avaient des préoccupations idéologiques et militantes qui ont quelque peu obscurci la dimension objective de leurs analyses, une propension que nous avons appelé à éviter au chapitre 1. Enfin, puisque ces auteurs étaient militants, leurs analyses étaient en fin de compte beaucoup plus guidées par la praxis que par la science.
Les cadres d’analyse de moyenne portée sur l’État et les pouvoirs africains
25L’épuisement des paradigmes précédents vient essentiellement des difficultés rencontrées pour expliquer l’Afrique autrement qu’au prisme de modèles et de dynamiques de grande portée, qui accordent peu d’importance aux dynamiques locales. Cependant, les tentatives d’établir des points de comparaison ont conduit à un développement de l’analyse des institutions et du pouvoir en Afrique dès les années 1960. Dominée d’abord par le droit, cette analyse a pêché par excès de formalisme. En effet, puisque les indépendances ont débouché sur des États héritant d’institutions formellement similaires aux modèles occidentaux, on les a considérés – dans cette ambiance de recherche de la comparabilité – comme démocratiques, en se référant aux constitutions qui prévoyaient généralement le multipartisme et les libertés caractéristiques d’un État démocratique. Or, ce pur formalisme a vite montré ses limites puisque le droit proclamé était loin d’être appliqué et respecté26.
26Des études de moyenne portée ont alors voulu s’interroger sur la réalité du pouvoir et des institutions en Afrique, en ne se contentant plus des proclamations et des dispositions formelles, mais en adoptant une posture plus sociologique que juridique. Très souvent, les analystes ont ainsi pris le contre-pied des études précédentes, tendant à relativiser la pertinence du droit et des institutions dans les contextes africains.
27Ces travaux sont aussi ceux qui sont allés peut-être le plus loin dans la tentative de compréhension de l’Afrique en utilisant essentiellement deux axes de réflexion cherchant soit à montrer la spécificité de l’Afrique et de ses trajectoires, soit à dégager des « invariants » de la politique africaine. Les principales hypothèses qui sous-tendent le premier axe sont plus attentives à l’histoire et à la culture, sans être forcément culturalistes. C’est le cas de la problématique de l’importation des modèles institutionnels abondamment traitée à la suite notamment de Bertrand Badie, qui insiste sur l’idée que l’État est une construction occidentale singulière, que par conséquent il est exogène dans les contextes non occidentaux et qu’il faut chercher sa nature dans les mécanismes de son importation et de son adaptation aux nouveaux contextes27. Cette posture est commune à de nombreux autres modèles comparatifs, et lorsqu’on évoque l’État prédateur28, la politique du ventre29, la criminalisation de l’État30, on met surtout en avant l’extériorité de l’État.
28Le second axe concerne des travaux cherchant à mettre en exergue des invariants de la politique africaine, voire du politique en Afrique. Cet invariant, c’est la politique du ventre chez Bayart, qui trouve dans ce concept un African way of politics tout en se défendant d’y voir une forme de gouvernementalité propre à une culture traditionnelle impossible à contourner. L’invariant, c’est aussi le néopatrimonialisme chez Jean-François Médard qui estime que :
le patrimonialisme constitue le commun dénominateur de pratiques diverses si caractéristiques de la vie politique africaine, à savoir le népotisme, le clanisme, le « tribalisme », le régionalisme, le clientélisme, le « copinage », le patronage, le « prébendalisme », la corruption, la prédation, le factionnalisme, etc., qu’elles soient fondées sur l’échange social (parochial corruption) ou sur l’échange économique (market corruption). Le type idéal de patrimonialisme a l’avantage de permettre de subsumer ces diverses pratiques dont certaines se recoupent d’ailleurs largement sur la base de la confusion entre privé et public31.
29Il s’appuie sur Zaki Ergas selon lequel
on peut soutenir d’une façon convaincante, que dans virtuellement tous les États africains, les relations État-société se définissent en premier lieu par le patrimonialisme. Les États africains peuvent varier dans leur idéologie, leur développement économique, leur style de leadership, mais ils ont tous d’une façon significative un noyau patrimonial commun32.
30On parle de l’État, mais ce sont les pratiques prédatrices, la corruption, le clientélisme, le patronage qui sont indexés certes comme des avatars, mais aussi comme des traits faisant l’unité de la politique africaine. Ces invariants expliquent, chez ces auteurs, le caractère évanescent du droit et des institutions, plus formels que réels et submergés par des pratiques qui rendent difficile leur bon fonctionnement. Si ces démarches ont été parfois sévèrement critiquées33 au motif, entre autres, qu’elles semblent réduire la complexité de la réalité, confortant la croyance souvent répandue que l’Afrique est une entité homogène et corrompue, il n’en reste pas moins que l’identification de ces invariants a offert un substitut au vide laissé par la faillite des grands modèles d’analyse.
Les modèles d’analyse de relève depuis les années 1980
31Les années 1990 confirment des changements importants dans l’analyse de l’Afrique en raison de transformations sur le plan épistémologique et empirique. Sur le plan épistémologique, la réalité des pays africains, l’effondrement du marxisme et l’atténuation corrélative des grands clivages idéologiques ont relégué aux oubliettes les travaux de grande portée comme le développementalisme et les théories de la dépendance au profit de théories de proximité. Sur le plan empirique, la fin des années 1980 et les années 1990 voient émerger des phénomènes inusités tels que les nouveaux types de conflits armés (guerres civiles, guerres régionales…), les tentatives de démocratisation et, enfin, les projets d’intégration économique et politique d’envergure continentale.
L’étude des rapports État-société et la politique par le bas
32Les travaux précurseurs qui viennent à l’esprit sont d’abord du côté franco-africain, l’« école » de la revue Politique africaine, avec l’étude du politique par le bas et des modes populaires d’action politique menées par Jean-François Bayart, Achille Mbembe et Comi Toulabor34. D’autres études ont permis de mettre à jour ce que Denis Constant Martin appelle objets politiques non identifiés (OPNI) et de renouveler des travaux qui se sclérosaient à force d’étudier l’État et les objets politiques classiques. L’objectif de ces travaux, qui ont puissamment contribué à l’étude des formes non conventionnelles de participation politique, était précisément de sortir de l’étude de l’Afrique par le haut, qui caractérisait les travaux développementalistes, centre-périphérie et dépendantistes. Il s’agissait d’étudier les dynamiques sociales, la manière dont les gens ordinaires « participent » à la politique dans des systèmes politiques autoritaires qui n’offrent pas de canaux traditionnels de participation comme l’élection, les manifestations et le débat. Ces formes de participation vont de la critique des régimes par l’utilisation de la dérision35, à ce qu’Achille Mbembe appelle la zombification mutuelle ou la connivence pour montrer que plèbe (gens du bas) et pouvoir (gens du haut) sont parfois susceptibles de la même lecture et ne s’opposent pas toujours36. En général, l’étude des modes populaires d’action politique ne vise pas tant à montrer la résistance de la société, même si certains auteurs comme Bayart parlent de revanche des sociétés, qu’à montrer que la société n’est pas amorphe même en contexte autoritaire, idée déjà présente chez les sociologues des totalitarismes tels que Hannah Arendt. De ce point de vue, les modes populaires d’action politique sont généralement vus comme essentiellement équivoques.
33Aux États-Unis, ce souci porté à la société civile africaine avant la vague démocratique a donné lieu à des travaux de nombreux auteurs parmi lesquels on peut arbitrairement citer Naomi Chazan et Donald Rothchild, qui, dès 1988, ont mis en avant l’existence d’organisations dans la société civile, tout en relevant que leur autonomie par rapport au pouvoir d’État était bien précaire37. Ce qu’ils montraient, c’est l’existence d’organisations dont les relations avec l’État allaient de l’immersion totale à l’indépendance et à l’interdépendance. Cet intérêt pour les relations sociales et non seulement pour l’État est aussi par exemple celui de Michael Bratton38.
34Du côté africain, dans la même lancée des études centrées sur la société civile, on peut relever l’ouvrage précurseur édité par Peter Anyang’Nyong’o39. Les auteurs de cet ouvrage, qui s’interrogeaient sur l’impact politique de la crise que traversait l’Afrique durant les années 1980, constataient déjà la montée de revendications démocratiques. Cette thématique de la société annonce, en quelque sorte, l’ouverture politique des années 1990 sur le continent. Les réflexions sur la société civile, les formes d’expression du politique et de résistance aux régimes autoritaires ont balisé le terrain.
L’étude des processus de démocratisation
35À partir des années 1990, l’émergence des mouvements de revendication démocratique et le déclenchement des processus de transition politique ont permis, d’une part, de placer l’Afrique, aux côtés de l’Europe de l’Est, au cœur de la science politique si l’on en juge par le nombre de travaux américains et européens40. D’autre part, ces phénomènes ont permis aux politistes africains d’occuper une place importante dans ce renouvellement épistémologique sans proposer cependant des modèles vraiment endogènes. L’analyse de la démocratisation est passée par plusieurs phases : après la vague d’euphorie, les reflux démocratiques enregistrés ont eu pour effet de donner lieu à des travaux plus équilibrés, voire clairement pessimistes.
36La vision triomphaliste de la démocratie est issue de l’observation des premières expériences sud-européennes et latino-américaines. La propagation des expériences de démocratisation en Europe de l’Est et en Afrique dans les années 1990 est venue conforter les tenants de l’universalité et de la linéarité dans leurs certitudes. La vision triomphaliste est celle qui consiste à considérer que le temps mondial actuel est un temps démocratique qui fonctionne comme un rouleau compresseur. Dans cette perspective, la démocratisation coule par conséquent comme un long fleuve tranquille selon l’expression consacrée, puisqu’elle est considérée comme une nécessité inscrite dans l’ordre de l’évolution historique. Cette vision est néanmoins trompeuse puisqu’elle ne met pas l’accent sur les retours en arrière et les incertitudes du processus.
37Dans la vision pessimiste – très actuelle en Afrique – on ne trouve rien de démocratique dans les expériences politiques initiées à partir de 1990. Achille Mbembe41 parle ainsi de « brouhaha sur les transitions vers la “démocratie” et le “multipartisme” », considérant que
c’est à la mise en place d’une autre économie politique, à l’invention d’autres systèmes coercitifs et d’autres stratégies d’exploitation que l’on assiste en Afrique […]. La crise de la fiscalité, la disette, les mouvements de population qui accompagnent ces recompositions laissent penser qu’il s’agit d’une simple lutte entre prédateurs et que, à ce titre, elle ne conduira ni à la prospérité ni à la démocratie.
38Pour sa part, Francis Akindès42 développe une thèse de « l’aventurisme démocratique » en insistant notamment sur « les limites structurelles à l’acclimatation de la démocratie ». Dans une perspective plus centrée sur les comportements politiques que sur la culture, Patrick Quantin affirme que « les véritables projets de construction démocratique en Afrique supposent l’invention de projets plus radicaux que ceux qui ont été proposés au début des années 1990 et surtout l’émergence de groupes distincts des élites néopatrimoniales existantes43 ». Cette vision a le mérite de mettre en exergue des limites qui sont incontestables. Mais le pessimisme ne doit pas l’emporter sur l’analyse nuancée et sur l’idée qu’en la matière, il y a plusieurs Afriques, comme nous le verrons plus loin. En effet, la démocratie n’est pas une affaire de tout ou rien, et s’il est indispensable de relever les limites pour pouvoir corriger les trajectoires négatives, il faut aussi analyser les micromutations éventuelles. Non seulement on peut constater que des acquis réels ont été obtenus dans bien des pays, si l’on prend la peine de faire une analyse nuancée, mais quelle que soit l’avancée du processus, il reste épistémologiquement intéressant de l’étudier, dans ses ratés comme dans ses réussites, dans ses différentes phases, dans les variables qui jouent pour son avènement, son maintien ou sa consolidation. C’est un pareil parti pris analytique qui guide les chapitres qui seront consacrés plus loin à la démocratisation.
L’étude des dynamiques d’intégration et des conflits
39Même si elles relèvent épistémologiquement d’approches différentes – nous les étudierons différemment plus loin –, les études de l’intégration et celles des conflits sont pourtant indissociables d’un point de vue historique autant que normatif dans le contexte africain. Historiquement, la problématique de l’intégration est ancienne et remonte aux initiatives des élites afro-américaines du début du XXe siècle comme W. E. B. Du Bois, fondateur de l’Association américaine pour le progrès des gens de couleur (NAACP), organisateur du premier congrès panafricain, à Paris, en 1919 ; Marcus Garvey qui prônait le retour en Afrique des Afro-Américains ou encore Georges Padmore. Pendant la colonisation, les puissances occupantes, notamment la France, procèdent à une intégration à leur manière. Les colonies de l’Afrique française se voient ainsi regroupées en deux blocs, l’Afrique occidentale française (AOF) et l’Afrique équatoriale française (AEF). Au lendemain de la vague des indépendances des années 1950-1960, l’idée intégrationniste des précurseurs afro-américains est remise au goût du jour par les dirigeants africains. Si au départ il s’agissait de créer une forme d’États-Unis d’Afrique, le projet des années 1960 sera finalement, dans la pratique, plus modeste. Il est d’abord limité à la création de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), vouée notamment, d’une part, à la promotion de l’indépendance des pays encore sous le joug colonial et, de l’autre, à la création de conditions propices à une coexistence pacifique entre les États. Ce second objectif s’explique par l’héritage de la colonisation44, qui a créé des États multiethniques, sans assises historiques et risquant d’entrer dans d’interminables conflits de frontières. C’est ce qui justifie que l’OUA ait été créée sur la base du principe de l’intangibilité des frontières issues de la colonisation. De ce point de vue, l’intégration relève moins de l’économie que de la stabilité. De nombreuses organisations régionales verront le jour entre les indépendances et la fin de la Guerre froide45. Même si, en général, ces organisations régionales n’ont pas eu toute l’efficacité souhaitée, elles ont permis – notamment l’OUA – de contenir les conflits. L’analyse des conflits était, dans ce sens, basée essentiellement sur l’utilisation de facteurs identitaires46 et l’analyse de l’intégration revenait souvent à celle de l’État et de la souveraineté.
40Avec la fin de la Guerre froide et de la régulation bipolaire, sont apparues les limites des États africains en matière de capacité à promouvoir le développement et la stabilité et ce, dans un contexte de mondialisation croissante et de tendance à la constitution de grands ensembles un peu partout dans le monde. Par ailleurs, les conflits sont devenus essentiellement internes. Les enjeux ont alors changé et l’intégration s’est, au moins dans les discours, imposée comme une solution à double titre : sur le plan économique, de nouvelles initiatives d’envergure continentale comme le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) ont vu le jour et, sur le plan politique, l’OUA a été transformée, sur le modèle européen, en l’Union africaine (UA)47. Le NEPAD est conçu comme un instrument de l’Union africaine et tous deux contiennent des composantes qui mettent l’intégration au service des deux autres grands enjeux de l’Afrique contemporaine que sont la démocratisation et les conflits : des mécanismes d’évaluation de la gouvernance démocratique entre pays africains et le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.
41Les théories de grande portée sont actuellement rarement invoquées pour comprendre l’Afrique même si, dans la pratique, leur héritage demeure vivace. Quant aux modèles d’analyse de relève, compte tenu du caractère récent des mutations, et en raison de la domination des modèles d’analyse sur l’intégration et la démocratisation, aucun véritable corpus théorique original ne s’est développé à leur propos. Néanmoins, il sera possible plus loin d’offrir un tableau d’ensemble des dynamiques auxquelles elles donnent lieu.
Notes de bas de page
1 Certains aspects de ce chapitre ont été publiés dans Mamoudou Gazibo, « L’Afrique en politique comparée », Polis, revue camerounaise de science politique, vol. 8, numéro spécial, 2001, et sont repris avec l’accord de l’éditeur.
2 John Harbeson et Donald Rothchild, Africa in World Politics: Post Cold War Challenges, Boulder, Westview Press, 1995.
3 Patrick Chabal, « Paradigms Lost », dans Patrick Chabal (dir.), Power in Africa: An Essay in Political Interpretation, Londres, McMillan, 1992, p. 11.
4 Wosene Yefru, « The African Challenge to Philosophical Paradigm: the Need for a Paradigm Shift in the Social, Economic and Political Development », Journal of Black Studies, vol. 30, no 3, 2000, p. 352.
5 Paul Zeleza, Manufacturing African Studies and Crises, Dakar, Codesria, 1997.
6 Ibid., p. 27.
7 John Harbeson, « Africa in World Politics: Amid Renewal, Deepening Crisis », dans John Harbeson et Donald Rothchild (dir.), Africa in World Politics, p. 3-20.
8 Paul Zeleza, Manufacturing African Studies, préface.
9 Bertrand Badie, Le développement politique, 3e édition, Paris, Économica, 1984.
10 Louis J. Cantori et Andrew H. Ziegler Jr., Comparative Politics in the Post-Behavioral Era, Boulder, Lynne Rienner Publishers, 1988 ; Louis J. Cantori, Comparative Political Systems, Boston, Holbrook Press, 1974.
11 Ce point a été développé plus en détail dans Mamoudou Gazibo et Jane Jenson, La politique comparée : fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004, p. 159-165.
12 Ibid.
13 Gabriel Almond, Comparative Politics Today: A World View, Boston/Toronto, Little, Brown and Company, 1974, p. 4.
14 Patrick Chabal, « Paradigms Lost ».
15 Gabriel Almond et Sydney Verba, The Civic Culture: Political Attitudes and Democracy in Five Nations, Boston, Little, Brown, 1963.
16 Lucian Pye et Sydney Verba, Political Culture and Political Development, Princeton, Princeton University Press, 1965.
17 Reinhart Bendix, Kings or People: Power and the Mandate to Rule, Berkeley, University of California Press, 1978; Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1990.
18 Norbert Elias, La dynamique de l’Occident, p. 43.
19 Ibid., p. 61.
20 Ibid., p. 83.
21 Bertrand Badie, Le développement politique, p. 112.
22 Guy Nicolas, « Les nations à polarisation variable et leur État : l’exemple nigérian », dans Emmanuel Terray (dir.), L’État contemporain en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 157-174.
23 Alvin Y. So, Social Change and Development: Modernization, Dependency and World-Systems Theories, Thousand Oaks (CA), Sage Publications, 1990.
24 André Gunder Frank, Le développement du sous-développement en Amérique latine, Paris, François Maspero, 1969 ; Fernando Henrique Cardoso et Enzo Faletto, Dépendance et développement en Amérique latine, Paris, PUF, 1969.
25 Walter Rodney, How Europe Underdevelopped Africa, Détroit, Howard University Press, 1972 ; Samir Amin, Le développement inégal : essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Paris, Minuit, 1973.
26 Jean du Bois de Gaudusson, « Les solutions constitutionnelles des conflits politiques », Afrique contemporaine, numéro spécial, 1996, p. 250.
27 Bertrand Badie, L’État importé, essai sur l’occidentalisation de l’ordre politique, Paris, Fayard, 1992.
28 Dominique Darbon, « L’État prédateur », Politique africaine, no 39, 1990, p. 37-46.
29 Jean-François Bayart, L’État en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989.
30 Jean-François Bayart, Stephen Ellis et Béatrice Hibou, La criminalisation de l’État en Afrique, Bruxelles, Éditions Complexe, 1997.
31 Jean-François Médard, « L’État néopatrimonial en Afrique noire », dans Jean-François Médard (dir.), États d’Afrique noire : formation, mécanismes et crise, Paris, Karthala, 1991, p. 323-353.
32 Ibid., p. 323.
33 Mwayila Tshiyembe, « La science politique africaniste et le statut théorique de l’État : un bilan négatif », Politique africaine, no 71, 1998, p. 109-132.
34 Lire à titre d’exemples Comi Toulabor, « Jeu de mots, jeu de vilains : lexique de la dérision politique au Togo », Politique africaine, vol. 1, no 3, 1981, p. 55-71 ; Jean-François Bayart, « La revanche des sociétés africaines », Politique africaine, no 11, 1983, p. 95-127.
35 Comi Toulabor, « Jeu de mots, jeu de vilains ».
36 Achille Mbembe, « Esthétique de la vulgarité », dans De la postcolonie : essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000, p. 139-163.
37 Naomi Chazan et Donald Rothchild (dir.), The Precarious Balance, State and Society in Africa, Boulder, Westview Press, 1988.
38 Michael Bratton, « Beyond the State: Civil Society and Associational Life in Africa », World Politics, vol. 41, no 3, 1989, p. 407-430.
39 Peter Anyang’Nyong’o, Popular Struggles for Democracy in Africa, Londres, Zed Press, 1987.
40 Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, Democratic Experiments in Africa: Regime Transitions in Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
41 Voir Le Monde diplomatique, mai 1993, p. 16-17.
42 Francis Akindès, Les mirages de la démocratisation en Afrique subsaharienne francophone, Paris, Codesria-Karthala, 1996, p. 45.
43 Patrick Quantin, « Les élites politiques face aux transitions démocratiques », dans CEAN, L’Afrique politique 1995 : le meilleur, le pire et l’incertain, Paris, Karthala, 1995, p. 284.
44 Daniel C. Bach, « Revisiting a Paradigm », dans Daniel C. Bach (dir.), Regionalism in Africa: Integration and Disintegration, Oxford/Bloomington, James Currey/Indiana University Press, 1999, p. 1-13.
45 Daniel C. Bach, « Revisiting a Paradigm », p. 5-7.
46 Donald L. Horowitz, Ethnic Groups in Conflict, Berkeley, University of California Press, 1985.
47 Yves Ekoué Amaïzo, « De l’OUA à l’Union africaine : les chemins de l’interdépendance », Afrique contemporaine, no 197, 2001, p. 97-107.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'éducation aux médias à l'ère numérique
Entre fondations et renouvellement
Anne-Sophie Letellier et Normand Landry (dir.)
2016
L'intégration des services en santé
Une approche populationnelle
Lucie Bonin, Louise Belzile et Yves Couturier
2016
Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé
Jean-Christophe Bélisle Pipon, Béatrice Godard et Jocelyne Saint-Arnaud (dir.)
2016
La détention avant jugement au Canada
Une pratique controversée
Fernanda Prates et Marion Vacheret (dir.)
2015
La Réussite éducative des élèves issus de l'immigration
Dix ans de recherche et d'intervention au Québec
Marie McAndrew (dir.)
2015
Agriculture et paysage
Aménager autrement les territoires ruraux
Gérald Domon et Julie Ruiz (dir.)
2014