6. Une journée dans la vie d’un astronome
p. 45-49
Texte intégral
1Les registres de l’Union astronomique internationale incluent plus de 9 000 membres dans 63 pays. Au Canada, plus de 500 astronomes sont membres de la Société canadienne d’astronomie. Ces chiffres donnent une idée assez juste du nombre restreint de personnes qui gagnent leur vie en pratiquant l’astronomie sous une forme ou une autre. Plusieurs œuvrent au sein d’une université, alors que d’autres travaillent dans des laboratoires, comme le Laboratoire fédéral d’astrophysique à Victoria, l’institut canadien responsable, entre autres, de l’exploitation des données provenant du télescope spatial Hubble (Figure 5), ou les divers laboratoires affiliés au Centre national de la recherche scientifique de France.
2L’emploi du temps d’un astronome dépend de la nature précise de ses fonctions. L’observation astronomique en soi n’occupe qu’une petite fraction du temps de la majorité des astronomes. Dans la plupart des cas, le temps passé annuellement au télescope se chiffre, tout au plus, en semaines. De rares projets d’observation d’envergure sont plus accaparants et exigent de passer, de façon répétée et soutenue, semaine après semaine au télescope. C’est le cas de projets associés à une thèse de doctorat, de recherches liées à des relevés détaillés d’une grande région du ciel ou d’efforts qui requièrent l’observation relativement continue d’une poignée d’objets. L’acquisition au télescope de ces précieuses données est généralement suivie d’une période de dépouillement, pendant laquelle elles sont manipulées, afin de pouvoir en extraire toute l’information scientifique possible. Cette étape fait souvent appel à des logiciels informatiques sophistiqués, à l’aide desquels l’astronome peut manipuler efficacement de grandes quantités de données. Le dépouillement est suivi d’une étape d’analyse, dans laquelle l’information nouvelle, née des observations, est vérifiée, digérée, confrontée aux attentes préliminaires, interprétée dans le cadre des modèles actuels et discutée avec des collègues. Selon le cas, les idées en vogue sont confortées, modifiées ou carrément abandonnées à la lumière de ces nouvelles observations. Alors vient la nécessité de diffuser à plus grande échelle ces résultats, par l’intermédiaire de moyens qui sont discutés plus loin.
3À ces tâches de chercheur et d’enseignant s’ajoutent, pour quelques-uns1, des activités de vulgarisation. En règle générale, celles-ci prennent la forme de conférences au grand public, aux clubs d’astronomes amateurs, aux élèves des écoles primaires et secondaires ou aux étudiants des cégeps. Occasionnellement, cette composante peut aussi inclure un travail de sensibilisation auprès du public, par exemple à propos du problème de la pollution lumineuse qui menace les sites astronomiques, la rédaction d’articles de toutes sortes ou de livres comme celui-ci, ainsi que des entrevues à la radio ou à la télévision. Le grand public, quelle que soit sa provenance, fait preuve d’un appétit insatiable pour tout ce qui touche à l’astronomie, autre signe que cette discipline occupe une place de choix au panthéon des sciences et jouit d’une extraordinaire faveur dans la société. Par conséquent, l’astronome typique me semble beaucoup plus engagé que la majorité de ses collègues des facultés scientifiques dans le travail de vulgarisation : peu de mes collègues physiciens, par exemple, ont l’occasion, comme nous l’avons, de s’adresser à des clubs d’amateurs.
4Contre toute attente, donc, la denrée la plus rare dans nos départements est peut-être bien le temps : le temps de lire, de digérer et de réfléchir ; le temps d’élargir nos horizons, d’explorer de nouvelles pistes, d’approfondir de nouveaux thèmes. Il y a quelques années, mon collègue Robert Melançon, professeur au Département d’études françaises de l’Université de Montréal, prononçait une allocution à la Société royale du Canada dans laquelle il déplorait la disparition dans nos universités du « loisir ». Ici, il ne s’agit pas de « loisir » dans son sens moderne de « distractions », mais dans le sens de « temps dont on peut disposer à sa guise ». Ce constat, inspiré par des observations dans un département bien différent du mien, reste très juste et d’une portée beaucoup plus ample que ne l’imaginait peut-être son auteur.
Notes de bas de page
1 Une récente étude menée auprès de plus de 10 000 chercheurs du Centre national de la recherche scientifique de France montre qu’un quart seulement de ces scientifiques s’implique dans des activités de vulgarisation. Voilà de belles occasions manquées de partager avec le public l’enthousiasme qui doit habiter la majorité de ces chercheurs.
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