1 Thiesse, Anne-Marie, La création des identités nationales. Europe XVIIIe -XIXe siècle, Paris, Seuil, coll. « Points histoire », 2001 [1999], p. 37.
2 Casanova, Pascale, La république mondiale des lettres, Paris, Seuil, coll. « Points essais », 2008 [1999], p. 119.
3 Revue canadienne, vol. VI, décembre 1869, p. 947-948, cité dans Lemire, Maurice et Denis Saint-Jacques (dir.), La vie littéraire au Québec, vol. 3 : Un peuple sans histoire ni littérature (1840-1869), Québec, Presses de l’Université Laval, 1996, p. 509.
4 Formé à l’école critique des Émile Faguet, Ferdinand Brunetière et Gustave Lanson, Roy a acquis en France, où il était allé suivre, entre 1898 et 1901, une formation en lettres à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris, une méthodologie en histoire littéraire qui lui permet d’inaugurer au Canada français une pratique scientifique de la critique littéraire fondée sur une connaissance élargie de l’histoire et des littératures. Il fait ainsi figure de tout premier critique professionnel et historien patenté de la littérature canadienne-française. Entre 1907 et 1943, Roy fait paraître une série d’essais sur la littérature canadienne-française, recueils d’articles publiés dans des revues et des journaux ou de conférences généralement prononcées dans des événements officiels. Voir Everett, Jane, « Camille Roy, formation et ascension d’un critique, 1870-1912 », thèse de doctorat, Département de langue et littérature françaises, Université McGill, 1987 ; Saint-Jacques, Denis, et Lemire, Maurice (dir.), La vie littéraire au Québec, t. 5 (1895-1919), Québec, Presses de l’Université Laval, 2005 ; Saint-Jacques, Denis, et Lucie Robert (dir.), La vie littéraire au Québec, t. 6 (1919-1933), Québec, Presses de l’Université Laval, 2010.
5 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, Montréal, Librairie Beauchemin, 1907, p. 345-376.
6 Il développe davantage cette idée dans son article intitulé « Notre critique littéraire » (Roy, Camille, « L’abbé Henri-Raymond Casgrain. La formation de son esprit ; l’historien ; le poète et le critique littéraire », Essais sur la littérature canadienne, Montréal, Librairie Beauchemin, 1907, p. 29-104), qui ouvre son premier recueil de critiques, Essais sur la littérature.
7 Pour plus de détails, voir Casanova, Pascale, La république mondiale des lettres, op. cit., chap. 2, p. 75-124.
8 Espagne, Michel, et Michaël Werner (dir.), Philologiques III. Qu’est-ce qu’une littérature nationale ? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, Paris, Maison des Sciences de l’homme, 1994.
9 Casanova s’attarde notamment au cas de l’Amérique latine (Casanova, Pascale, op. cit., p. 331-333). J’ai comparé ailleurs les stratégies déployées par les critiques québécois et brésiliens dans les premières décennies du XXe siècle pour affirmer l’autonomie culturelle de la nation. Voir Doyon, Nova, « Estratégias de afirmação da autonomia cultural das litteraturas americanas no início do século XX : estudo comparativo dos casos do Quebec e do Brasil » [« Les stratégies d’affirmation de l’autonomie culturelle des littératures américaines au début du XXe siècle : étude comparative des cas du Québec et du Brésil »], dans Elizabeth Chaves de Mello et Maria Ruth Fellows (dir.), O passodo no presente : releituras da modernidade, Rio de Janiero, Universidade Federal Fluminense, 2011, p. 87-104.
10 Espagne, Michel, Les transferts culturels franco-allemands, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.
11 Z. Bernd synthétise différentes propositions des chercheurs en études interaméricaines relatives à ce qu’elle nomme aussi les phénomènes de « transculturation » (Bernd, Zilá, Américanité et mobilités transculturelles, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. « Américana », 2009, p. 38).
12 Sur cette question, voir Lemire, Maurice, Le mouvement régionaliste dans la littérature québécoise (1902-1940), Québec, Nota bene, 2007, p. 32-39.
13 Lamonde, Yvan, Histoire sociale des idées au Québec, vol. 2 : 1896-1929, Montréal, Fides, 2004, p. 49.
14 Ibid., p. 67-75.
15 Ibid., p. 262-266.
16 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 346.
17 Ibid., p. 375.
18 Thiesse, Anne-Marie, op. cit., p. 133.
19 Bouchard, Gérard, Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde. Essai d’histoire comparée, Montréal, Boréal, 2000, p. 380-385.
20 Ibid., p. 34.
21 Desbiens souligne à cet égard que François-Xavier Garneau, auteur de l’Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu’à nos jours (publiée en 4 volumes entre 1845 et 1848), fait du régime français « le point d’ancrage de la lutte des Canadiens pour la survie nationale » (Desbiens, Marie-Frédérique, « La plume pour épée. Le premier romantisme canadien (1830-1860) », thèse de doctorat, Département des littératures, Université Laval, 2005, p. 255).
22 Au moment où la nation canadienne-française se voit en quelque sorte privée, par l’Acte d’union, des infrastructures qui auraient permis son affirmation politique, une solution semble s’imposer aux yeux de l’élite francophone, ainsi que l’explique Bouchard : « [L]a survie et l’affirmation de la nation devaient par défaut emprunter la voie culturelle […] Cette position, que l’on peut résumer dans la fidélité au passé et à la culture française […] installait pour longtemps la culture des élites dans une dépendance » (Ibid., p. 103). Bouchard parle en ce sens d’une dynamique « continuiste » qui vise en quelque sorte à préserver la filiation entre l’Ancien et le Nouveau Monde.
23 Lemire, Maurice et Denis Saint-Jacques (dir.), La vie littéraire au Québec, vol. 3 : Un peuple sans histoire ni littérature (1840-1869), op. cit., p. 530.
24 A.-M. Thiesse dresse « la liste identitaire des éléments symboliques et matériels que doit présenter une nation digne de ce nom : une histoire établissant la continuité avec les grands ancêtres, une série de héros parangons des vertus nationales, une langue, des monuments culturels, un folklore, des hauts lieux et un paysage typique, une mentalité particulière, des représentations officielles – hymne et drapeau – et des identifications pittoresques – costumes, spécialités culinaires ou animal emblématique » (Thiesse, Anne-Marie, La création des identités nationales. Europe XVIIIe -XIXe siècle, op. cit., p. 14). Ces éléments peuvent se combiner différemment d’une nation à l’autre.
25 Desbiens, Marie-Frédérique, op. cit., p. 237.
26 Ibid., p. 227.
27 Casanova, Pascale, op. cit., p. 258.
28 Bouchard, Gérard, op. cit., p. 137.
29 Roy, Camille, « L’abbé Henri-Raymond Casgrain. La formation de son esprit ; l’historien ; le poète et le critique littéraire », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 87.
30 Ibid., p. 57-58.
31 Les frères Grimm ont mené une vaste recherche sur l’ensemble du patrimoine européen pour reconstituer l’héritage des ancêtres de la nation allemande. Leur démarche, qui visait à favoriser l’unification de la nation allemande, a aussi largement contribué à la formation des cultures nationales européennes : « Leur œuvre, rappelle Thiesse, devient donc la grande référence internationale du XIXe siècle pour toutes les constructions identitaires portant sur la langue et la littérature nationales » (Thiesse, Anne-Marie, La création des identités nationales. Europe XVIIIe -XIXe siècle, op. cit., p. 64-66).
32 Roy, Camille, « L’abbé Henri-Raymond Casgrain. La formation de son esprit ; l’historien ; le poète et le critique littéraire », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 59.
33 Thiesse, Anne-Marie, op. cit., p. 36.
34 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 352.
35 Ibid., p. 358.
36 Ibid., p. 360.
37 Ibid., p. 363.
38 Ibid., p. 364. Il existe, pour Roy, une différence entre « race » et « esprit » (ou « âme ») : la race est constituée d’un ensemble de caractéristiques héréditaires (des « vertus ») partagées par une communauté d’individus, tandis que l’esprit est plutôt formé d’un ensemble de qualités propres à une race mais susceptibles d’être modifiées par le milieu dans lequel il évolue. Une telle distinction permet de renforcer l’idée que l’esprit canadien-français possède une vie intellectuelle propre même s’il appartient à la race française qui lui donne ses qualités premières.
39 Roy, Camille, La critique littéraire au XIXe siècle. De Mme de Staël à Émile Faguet, Québec, L’Action sociale, 1918, p. 21. Lucie Robert énumère les principaux éléments que Roy aurait pris aux différents critiques littéraires du XIXe siècle dans son article « Camille Roy et la littérature », L’essai et la prose d’idées au Québec, Montréal, Fides, coll. « Archives des lettres canadiennes », vol. VI, 1986, p. 411-423.
40 Andrès, Bernard, « Quelle France pour quel Québec ? Ou la nationalisation des lettres chez Camille Roy et Lionel Groulx (1904-1926) », dans Bernard Andrès et Zilá Bernd (dir.), L’identitaire et le littéraire dans les Amériques, Québec, Nota bene, coll. « Littérature(s) », 1999, p. 35.
41 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 359.
42 Ibid.
43 Casanova, Pascale, op. cit., p. 332.
44 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 350.
45 Ibid., p. 352.
46 Ibid., p. 354.
47 Ibid.
48 Roy, Camille, « Notre critique littéraire », Essais sur la littérature, Montréal, Librairie Beauchemin, 1907, p. 19. À la fin du XVIIIe siècle, Rivarol rappelait dans son Discours sur l’universalité de la langue française que la supériorité du français sur les autres langues lui venait de ce qu’il incarnait la clarté même de l’expression de la pensée. Voir Casanova, op. cit., p. 111-113.
49 Casanova, Pascale, op. cit., p. 121.
50 Lemire, Maurice, op. cit., p. 59.
51 Même s’il est favorable à l’idée que la langue française parlée au Canada ne soit pas en tout point identique à celle utilisée en France, donc qu’elle préserve ses archaïsmes et intègre ses néologismes, Roy n’approuve pas pour autant l’idée de créer une langue canadienne, comme le suggéreront au début des années 1930 les tenants du canadianisme intégral. Voir Roy, 1931, p. 209-240.
52 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 345
53 Ibid., p. 366.
54 Ibid., p. 356.
55 Casanova, Pascale, op. cit., p. 398.
56 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 349.
57 Ibid., p. 365.
58 Il est intéressant de remarquer que Roy, qui abhorre la Révolution française et n’apprécie pas particulièrement les philosophes des Lumières, se risque tout de même du côté de certains penseurs de l’Aufklärung. Bien sûr, comme le souligne Andrès, « le choix des auteurs allemands n’est pas innocent chez Roy » (Andrès, Bernard, op. cit., p. 36) puisqu’il passe sous silence « toute la dimension philosophique » de la pensée de Lessing pour n’en retenir que sa contribution à l’éveil national allemand et omet de mentionner certains auteurs majeurs comme Goethe.
59 Sur ce point, Roy n’est pas très éloigné de Casgrain qui soulignait déjà en 1866, dans son article sur « Le mouvement littéraire en Canada », que les écrivains avaient pour tâches non seulement de préparer les Canadiens à leur mission providentielle en Amérique, mais également de leur apprendre à se reconnaître et à se définir. Voir Lemire et Saint-Jacques, op. cit., p. 527.
60 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 368.
61 Ibid.
62 Ibid., p. 369.
63 Ibid.
64 Ibid., p. 370.
65 Thiesse, Anne-Marie, op. cit., p. 242.
66 Voir Robert, Lucie, Discours critique et discours historique dans le « Manuel d’histoire de la littérature canadienne de langue française » de Mgr Camille Roy, Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, coll. « Edmond de Nevers », no 1, 1982 ; Cellard, Karine, Leçons de littérature. Un siècle de manuels scolaires au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. « Nouvelles études québécoises », 2011.
67 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 371.
68 Avec la publication de Regards sur les lettres (1931), le critique oriente plutôt son discours vers l’affirmation de l’idéal humaniste de la nation canadienne-française (Robert, Lucie, Discours critique et discours historique dans le « Manuel d’histoire de la littérature canadienne de langue française » de Mgr Camille Roy, op. cit., p. 14). Selon Hayward, Roy renie alors le mouvement régionaliste, devenu trop dogmatique à son goût (Hayward, Annette, La querelle du régionalisme au Québec (1904-1931). Vers l’autonomisation de la littérature québécoise, Ottawa, Le Nordir, 2006, p. 526-527).
69 Thiesse, Anne-Marie, Écrire la France. Le mouvement littéraire régionaliste de langue française entre la Belle Époque et la Libération, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Ethnologie », 1991. Il existe, bien entendu, des différences entre les mouvements régionalistes français et canadien des premières décennies du XXe siècle, mais ils répondent tous deux à une volonté de promouvoir les cultures locales (Lemire, Maurice, op. cit., p. 20-26).
70 Roy, Camille, « La nationalisation de la littérature canadienne », Essais sur la littérature canadienne, op. cit., p. 372.
71 Ibid., p. 367.
72 Lucie Robert a analysé la composition des différentes éditions du Manuel d’histoire de la littérature canadienne de langue française de Roy, publiées ou réimprimées par l’éditeur entre 1907 et 1962 (voir Robert, Lucie, Discours critique et discours historique dans le « Manuel d’histoire de littérature de langue française » de Mgr Camille Roy, op. cit.). Karine Cellard s’est, pour sa part, intéressée à l’évolution du récit de l’histoire littéraire que Roy propose dans les quatre éditions principales du Manuel (1907, 1918, 1930 et 1939). Voir Cellard, Karine, op. cit.
73 Dans sa thèse consacrée à la formation intellectuelle de Camille Roy, Jane Everett n’en fait aucune mention parmi les penseurs qui auraient directement influencé le critique canadien-français (Everett, Jane, op. cit.).
74 Roy, Camille, La critique littéraire au XIXe siècle. De Mme de Staël à Émile Faguet, op. cit.
75 Thiesse, Anne-Marie, Écrire la France. Le mouvement littéraire régionaliste de langue française entre la Belle Époque et la Libération, op. cit., p. 42.
76 Ibid., p. 43.
77 Everett rappelle à cet effet que, dans le programme que Roy formule pour la littérature canadienne-française au début du XXe siècle, « la définition même de la “nationalisation” […] semble provenir directement de Ferdinand Brunetière : les traits principaux d’une littérature nationalisée que Roy évoque dans sa conférence sont tous signalés par le critique français en 1898 dans son Manuel de l’histoire de la littérature française » (1987, p. 191). Voir aussi Robert, « Camille Roy et la littérature », loc. cit.
78 Robert, Lucie, « Germaine de Staël. Aux origines de l’histoire littéraire au Québec », dans Martin Doré et Doris Jakubec (dir.), Deux littératures francophones en dialogue. Du Québec à la Suisse romande, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, p. 222.
79 Ibid., p. 231.
80 Everett, Jane, op. cit., p. 187.
81 Dion, Robert, « La culture allemande à la revue Liberté : une “connivence profonde et lointaine” », dans Barbara Buchenau et Annette Paatz (dir.), Do the Americas Have a Common Literary History ?, Francfort et New York, Peter Lang, coll. « Inter-americana », 2002, p. 569.
82 Robert, Lucie, « Camille Roy et la littérature », L’essai et la prose d’idées au Québec, op. cit., p. 411-423.
83 Roy pratique en ce sens ce que Bouchard appelle une « pensée syncrétique » qui tente de concilier des positions contradictoires. Il constate en effet que, pour plusieurs membres de l’élite lettrée entre 1840-1940, « la fidélité à la tradition française n’était nullement incompatible avec l’affirmation d’une culture canadienne-française authentique » (Bouchard, Gérard, op. cit., p. 123).
84 Saint-Jacques, Denis, et Lucie Robert, op. cit., p. 511.
85 Morency, Jean, « La (re)découverte de l’Amérique. Le rôle de quelques médiateurs culturels dans le Québec de l’entre-deux-guerres », dans J. Morency et coll. (dir.), Des cultures en contact. Visions de l’Amérique du Nord francophone, Québec, Nota bene, 2005, p. 299-311.
86 Ringuet (Philippe Panneton), Un monde était leur empire, Montréal, Éditions Variétés, 1943, p. 8.
87 Charbonneau, Robert, La France et nous. Journal d’une querelle, Montréal, Bibliothèque québécoise, 1993 [1947], p. 34.