7. Un siècle d’immigration au Québec : de la peur à l’ouverture
p. 225-263
Remerciements
Je remercie Messieurs Apollinaire Tossou et Macoumba Thiam pour leur assistance dans la collecte des statistiques et Micheline Fréchette pour son assistance documentaire. Je remercie également mes collègues du Groupe de recherche ethnicité et société qui ont alimenté ma réflexion depuis plusieurs années.
Texte intégral
1L’objectif du présent chapitre est de dresser un bilan de l’immigration au Québec au cours du xxe siècle. Il s’agit d’une période cruciale pendant laquelle l’immigration est devenue un enjeu majeur, car le Québec est passé de la peur à l’ouverture en matière d’immigration et celle-ci a cessé d’être considérée comme un phénomène externe, régi par « les autres », pour devenir un phénomène interne sur lequel le Québec peut intervenir de façon proactive. En bref, c’est un siècle de changements profonds, car pendant longtemps, en fait depuis la Conquête de 1760 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le contexte de l’immigration au Québec est demeuré lié à l’idée de survivance où dominent des rapports ethniques axés sur la dualité anglais-français. Tout cela change radicalement à partir des années 1950 : l’enjeu de l’immigration prend un nouveau visage, non plus dual mais triangulaire, puisque l’allophone apparaît dans le décor comme enjeu de l’intégration linguistique. À la fin du siècle, le pluralisme, produit de près de 30 ans d’immigration de plus en plus diversifiée, ébranle le modèle triangulaire et le nationalisme ethnique sur lequel celui-ci s’était construit. En un siècle, le Québec passe donc d’un modèle dualiste à un modèle triangulaire puis pluriel, et l’immigration y aura joué un rôle capital.
2L’histoire de l’immigration canadienne a maintes fois été racontée, les travaux les plus connus étant ceux de Corbett (1957), Hawkins (1972) et Munro (1978). Plus récemment, cette histoire a fait l’objet d’une série d’études publiées par le Secrétariat au multiculturalisme dans le cadre du projet « Générations, Histoire des peuples du Canada » et la synthèse de Burnet et Palmer (1991) est très utile pour comprendre le xxe siècle canadien. Par contre, au Québec, on ne connaît pas d’études systématiques retraçant l’évolution historique de l’immigration. Certes, on retrouve, quoique de façon éparse, plusieurs éléments qui permettent de reconstituer l’histoire de l’immigration au Québec dans la synthèse de Linteau, Durocher et Robert (1989). À notre connaissance la seule tentative de synthèse globale a été publiée en 1979 sous forme de notes accompagnant le film Les voleurs de job de Tahani Rached (Labelle, Lemay et Painchaud, 1979)1. Ces travaux nous guideront dans l’interprétation des séries statistiques préparées pour la présente étude.
3Dans ce chapitre, nous allons aborder l’histoire de l’immigration au Québec essentiellement sous l’angle quantitatif et politique. Nous nous intéressons aux trois questions suivantes : combien ? (les niveaux d’immigration), qui ? (les origines nationales des immigrants) et pourquoi ? (les causes derrière les mouvements migratoires). Pour répondre aux deux premières questions, nous utilisons les sources dites officielles, à savoir : les statistiques d’immigration fournies par les divers ministères, tant au fédéral qu’au provincial, qui ont eu dans le passé à s’occuper d’immigration, et les données des recensements canadiens2. Pour la dernière question, il s’agit en fait de mettre en relation les flux migratoires avec l’évolution des politiques d’immigration.
4En ce qui concerne les niveaux, on verra à quel point ils ont fluctué tout au long du xxe siècle, essentiellement en lien avec les besoins changeants de l’économie canadienne et québécoise reflétés par des politiques d’immigration qui ont tenté tant bien que mal de s’adapter aux nouvelles réalités. Quant aux caractéristiques de l’immigration, nous allons surtout insister sur la diversité croissante provoquée par l’immigration de l’après-guerre et sur son impact sur les redéfinitions identitaires au Québec. Il s’agit là des deux composantes de toute politique d’immigration : gestion des flux et gestion de l’intégration (Piché, 1997). Dans le premier cas, les règles d’entrée demeurent pendant tout le siècle axées sur les besoins économiques et démographiques de la société d’accueil (approche utilitariste). C’est la politique du robinet (Gregory, 1975). Par contre, en matière d’intégration, les politiques explicites sont apparues plutôt vers le milieu du siècle et à partir de ce moment les règles se sont radicalement transformées pour tenir compte du pluralisme croissant. On verra en conclusion à quel point les transformations dans les modèles officiels d’intégration issus des nouvelles problématiques de la diversité remettent en question pour une première fois (depuis l’avènement de l’État-nation) les principes à la base de la gestion politique des flux migratoires.
De la logique impériale à la logique du développement économique
5L’immigration au début du xxe siècle ne peut se comprendre sans un bref retour en arrière sur le xixe siècle qui, en particulier vers la fin, voit l’État canadien profiter du nouveau cadre confédéral (1867) pour intervenir de façon plus systématique en matière d’immigration. Avant 1867, l’immigration au Canada s’effectue dans un contexte impérial et colonial avec une forte entrée de Britanniques, surtout à partir de 1815 (Ramirez, 2001). Jusque vers les années 1850, le Canada est plutôt une terre de passage puisque presque autant de Britanniques quittent le Canada pour les États-Unis ; ce n’est qu’à partir de cette date que l’immigration britannique dépasse de beaucoup l’émigration vers les États-Unis (Munro, 1978). Au Québec, c’est l’époque où les immigrants irlandais et écossais vont s’établir en grande partie dans les Cantons de l’Est et à Montréal (Linteau, Durocher et Robert, 1989). Le contexte impérial procure aux Britanniques des avantages spécifiques qui ne sont pas disponibles pour les autres Européens (Ramirez, 2001). À ce titre, les francophones sont exclus de la logique impériale.
6À partir de 1867, le Canada entre dans une ère nouvelle de construction nationale (nation-building) avec une volonté de développer des mécanismes de régulation de l’immigration. En particulier, l’époque Sifton, ministre de l’Immigration de la fin du siècle, ouvre les portes à l’immigration pour combler les nouveaux besoins en main-d’œuvre créés par la colonisation de l’Ouest et le développement agricole et industriel (Burnet et Palmer, 1991).
7Cette forte immigration massivement britannique du xixe siècle va se répercuter sur la composition ethnique du Canada qui voit les Britanniques devenir majoritaires dans la population canadienne. Au Québec, selon le recensement de 1871, les Britanniques font 20 % de la population, et les groupes autres que français ne représentant que 1,6 % (Lachapelle et Henripin, 1980). Par ailleurs, le groupe des autochtones, représentant les Premières Nations, constitue en 1871 près de 40 % du groupe « autre que britannique et français », mais compte à peine 7 000 personnes. Le génocide a fait ses marques (Charbonneau, 1984) et ce groupe est pratiquement exclu de la formulation des règles d’entrée. Les Canadiens français, déjà minoritaires au Canada, ne participeront pas non plus à la définition de ces règles. Ce sont les Britanniques qui dominent le champ de l’immigration et formulent seuls les règles en cette matière (Juteau, 1999). Les conflits politiques issus du paradigme de la dualité ethnique et linguistique, qui ont marqué l’histoire du Québec du xixe siècle (Linteau, Durocher et Robert, 1989, tome 1), vont continuer à dominer les débats sur l’immigration au Québec, du moins jusqu’aux années 1970, où s’amorce une nouvelle réflexion davantage triangulaire (anglo-franco-allo), et aux années 1990, où le Québec entre résolument dans le pluralisme. Pour le moment, en ce début de siècle, la perception politique de l’immigration au Québec trouve tout son sens dans un nationalisme « de survivance » dans lequel il y a peu de place pour l’immigrant.
Le Québec et le Canada du xxe siècle : des itinéraires similaires
8Pour faire le bilan de l’immigration au Québec au xxe siècle, nous allons d’abord comparer les expériences québécoise et canadienne en examinant les données provenant des services d’immigration canadienne sur les entrées annuelles. Les figures 7.1 et 7.2 présentent les flux annuels de 1901 à 2000 pour le Québec et le Canada. Ce qui frappe en premier lieu, c’est la ressemblance entre les deux figures, illustrant la similarité, toutes proportions gardées, entre la situation du Québec et celle du Canada. Cette similarité s’explique, d’une part, par l’évolution de la conjoncture économique qui a touché autant le Québec que l’ensemble du Canada et, d’autre part, par la politique canadienne et québécoise en matière d’immigration qui, du moins au plan de la gestion des flux, a répondu aux mêmes besoins historiques selon des principes utilitaristes largement partagés par les deux paliers de gouvernement. Certes, même si la Constitution canadienne prévoit des juridictions partagées en matière d’immigration, le Québec a commencé plutôt tardivement, soit vers la fin des années 1960, à intervenir de façon proactive en matière d’immigration. Jusque-là, la gestion des flux migratoires était restée entre les mains du gouvernement fédéral (Juteau, 1999). À la lecture des deux graphiques, on ne voit pas de rupture dans la similarité des courbes à partir de 1970 entre le Québec et le Canada, ce qui indique que les efforts du Québec en matière d’immigration depuis 1968 (date de la création du ministère de l’Immigration du Québec) auront peu marqué les niveaux d’immigration dans cette province.
FIGURE 7.1. Effectifs d’immigrants au Québec entre 1901 et 2000

Source : Statistiques annuelles d’immigration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
FIGURE 7.2. Effectifs d’immigrants au Canada entre 1901 et 2000

Source : Statistiques annuelles d’immigration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
9La figure 7.3 permet de situer la part de l’immigration au Québec par rapport à l’ensemble du Canada. Le rapport Québec-Canada a beaucoup fluctué tout au long du xxe siècle, la plupart du temps entre 12 et 20 %, avec des hauts et des bas tout au long de la période. L’ensemble ne permet cependant pas de déceler une tendance séculaire nette. Néanmoins, on peut grosso modo percevoir quatre périodes : dans la première, de 1900 à environ 1930, les rapports se situent entre 11 et 16 % (en excluant les pics de 1914 et 1915), avec une légère tendance à la baisse ; la deuxième période couvre en gros les années 1930,1940 et 1950, où les rapports sont particulièrement élevés, soit le plus souvent au delà de 18 % ; la troisième, de 1960 à 1993, voit les rapports diminuer, tout en restant à des niveaux supérieurs à ceux du début du siècle, soit de 16 à 20 % ; enfin, la dernière période touche la fin du siècle, de 1994 à 2000 environ, où les rapports tombent à des niveaux comparables à ceux du début du siècle, soit entre 12 et 16 %. Il est trop tôt pour conclure que la remontée de 12 % (1994) à 16 % (2000) constitue une tendance ou une autre fluctuation comme on en a vu tant tout au long du siècle, d’autant plus que pour 2001, le rapport est redescendu à 13 %.
10Les taux d’immigration permettent de relativiser les tendances observées à l’examen des effectifs absolus d’immigrants en rapportant ces derniers aux populations du Québec et du Canada (figure 7.4). D’abord, on constate que l’évolution des taux d’immigration, comme celle des niveaux absolus, est similaire au Québec et au Canada. Ensuite, on remarque aussi que les taux du Québec sont systématiquement inférieurs à ceux du Canada tout au long de la période. Enfin, les écarts dans les taux québécois et canadiens se sont rétrécis à partir du milieu des années 1940 pour fluctuer la plupart du temps autour de 60 % à 70 % (c’est-à-dire que les taux québécois sont de 30 à 40 % inférieurs à ceux du Canada), jusqu’au milieu des années 1990, où les écarts augmentent de 1994 à 1997. Les écarts diminuent de nouveau de 1997 à 2000.
11L’évolution séculaire suggère deux remarques. Premièrement, sur la longue période, il est difficile de conclure que la fin du siècle annoncerait des performances migratoires québécoises qui seraient nettement différentes de celles observées historiquement. Deuxièmement, concernant les niveaux d’immigration, l’impact des politiques québécoises d’immigration élaborées surtout à partir des années 1970 est loin d’être univoque. En effet, la part de l’immigration québécoise par rapport à l’ensemble de l’immigration canadienne est la plus élevée dans les périodes où le Québec intervient peu dans la sélection, soit les années 1930 et 1950. Par contre, la réduction des écarts entre les taux québécois et canadiens d’immigration à partir des années 1970 peut laisser croire à une certaine efficacité de la politique.
FIGURE 7.3. Proportions des immigrants Québec/Canada entre 1901 et 2000

Source : Statistiques annuelles d’immigration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
Deux grands régimes d’immigration
12Malgré les nombreuses fluctuations reflétant les aléas de la conjoncture autant internationale que canadienne, on peut interpréter l’évolution historique des flux migratoires au xxe siècle en les regroupant en deux grandes périodes correspondant à deux types distincts de gestion politique, que nous appellerons « régimes d’immigration ». Par régime d’immigration, il faut entendre un ensemble spécifique de règles définissant à la fois les besoins (les niveaux) et les critères de sélection. Le premier régime couvre la première moitié du siècle, où les besoins en main-d’œuvre fluctuent énormément. Pour les combler, on a recours à une politique de préférences ethniques. Ce régime peut être qualifié de raciste (Labelle, Larose et Piché, 1983a). De plus, dans ce régime, la politique d’intégration est inhérente aux critères de sélection, car seuls les groupes de personnes jugées hautement assimilables sont privilégiés. Le deuxième régime s’est développé après la Deuxième Guerre mondiale, surtout à partir des années 1950. Ce régime, tout en continuant comme dans le premier cas à privilégier les besoins économiques du Canada pour déterminer les niveaux d’immigration souhaitables, se base non plus sur des critères ethniques, mais sur des critères de qualifications professionnelles. Si les nouveaux critères de sélection visent à optimiser l’intégration économique des personnes admises, ils laissent ouverte la question de l’intégration sociale et culturelle. Avec la diversité ethnique croissante, provoquée par une politique non directement discriminatoire, ce deuxième régime d’immigration doit prévoir explicitement une politique d’intégration permettant de « gérer » le pluralisme.
FIGURE 7.4. Taux d’immigration au Québec et au Canada entre 1901 et 2000

Source : Statistiques annuelles d'immigration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
13Le Québec a joué un rôle très différent dans ces deux régimes d’immigration. Dans le premier cas, il est peu intervenu en matière de politique d’immigration même si la Confédération canadienne prévoit en cette matière une juridiction partagée avec les provinces. C’est une période où le Québec est plutôt défavorable à l’immigration pour des raisons historiques liées, entre autres, aux rapports conflictuels anglais-français (Piché, 1997). C’est au cours de la deuxième période que le Québec tente de développer son propre régime d’immigration en intervenant sur la détermination des niveaux et en se dotant d’une politique d’intégration en lien avec ses objectifs linguistiques.
1900-1950 : régime d’immigration raciste et assimilationniste
14Il peut paraître à première vue difficile d’interpréter l’immigration sur une période de 50 ans, compte tenu des nombreuses fluctuations indiquées au tableau 7.1 par les maxima et les minima par période. Ces fluctuations sont davantage le reflet de l’histoire politique (guerres) et économique (cycles de récession et d’expansion) que de changements profonds dans le régime migratoire canadien. On peut ainsi déceler trois sous-périodes du point de vue des flux migratoires entre 1900 et 1950.
15Première sous-période : 1907-1920. C’est la période de forte immigration au Canada et au Québec. Il est entré au Québec plus de 530 000 personnes au cours d’une période de 20 ans, soit une moyenne annuelle de 21 591 personnes pour la première décennie et de 31 788 pour la deuxième (tableau 7.1). C’est durant ces années que le Québec connaît ses plus hauts taux d’immigration de tout le xxe siècle. Cette période de forte immigration a en fait débuté vers les années 1880 et constitue ce qui est considéré comme la première vague migratoire massive. Elle correspond à une reprise économique importante dans l’industrie manufacturière dont la production s’accroît jusqu’aux années 1930 (Elliott, 1979). Elle correspond également au projet national de colonisation agricole et de peuplement de l’Ouest (Burnet et Palmer, 1991 ; Labelle, Lemay et Painchaud, 1979).
TABLEAU 7.1. Immigration et émigration par période décennale, Québec, 1901-2000

Sources : Statistiques annuelles d’immigration du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci) ; Lavoie, 1972 :39, tableau 12.
16Malgré cette volonté politique de recruter de nombreux immigrants, il se développe une nette opposition à l’immigration, non seulement au Québec mais aussi dans l’Ouest du Canada. Déjà à cette époque, certaines voies nationalistes se font entendre au Québec décriant la menace que représente la politique canadienne d’immigration pour l’équilibre ethnique anglophone-francophone du pays (Linteau, Durocher et Robert, 1989, tome 1). La politique d’immigration subit alors une série de resserrements entre 1906 et 1910. Ces restrictions visent en fait à limiter, voire empêcher l’immigration asiatique qui dérangeait particulièrement l’opinion publique de l’Ouest (Helly, 1997) et à encourager l’immigration britannique. Cette politique constitue un échec mitigé dans la mesure où elle a effectivement restreint l’entrée des Asiatiques sans empêcher les gens d’Europe centrale et de l’Est d’immigrer au Canada (Canada, 2000). Cette politique n’arrive pas à enrayer l’important mouvement d’émigration vers les États-Unis déjà existant au xixe siècle. Pour les années 1901-1911, le solde migratoire pour le Québec est de-46 600 et de-128 400 pour 1911-1921 (Lavoie, 1972). Le rôle du Canada comme terre de transit se poursuit donc durant cette période.
17Suite à des campagnes officielles (par exemple, auprès des Austro-Hongrois et des Russes) et privées (Italiens) de recrutement intense en dehors de la Grande-Bretagne visant l’Europe continentale (Ramirez, 2001), l’importance du groupe britannique diminue au profit des autres groupes européens comprenant, outre les Austro-Hongrois, Russes et Italiens déjà cités, les Ukrainiens, Allemands, Norvégiens, Suédois, Islandais et Japonais, dont une bonne partie proviennent des États-Unis. La France est également ciblée mais avec peu de succès, car ce pays est opposé à l’émigration (Canada, 2000). Au Québec, l’effet de cette politique de recrutement sur la composition ethnique est visible si l’on observe les changements survenus entre les recensements de 1901 et 1921 : le groupe britannique diminue de 18 % en 1901 à 15 % en 1921, alors que le groupe « autre que britannique et français » augmente de 2 à 5 % (tableau 7.2). Les deux groupes les plus importants parmi les « autres » sont les Juifs, qui voient leur importance relative augmenter de 21 % à 42 % entre 1901 et 1921, et les Italiens dont l’importance augmente également de 8 % à 14 % alors que le pourcentage des Allemands diminue de 19 % à 4 % (tableau 7.3). On constate la présence nouvelle de plusieurs groupes de l’Europe continentale, mais leur poids demeure relativement faible au Québec contrairement aux régions de l’Ouest du Canada. Il faut mentionner enfin la présence du groupe belge qui constitue près de 3 % du groupe « autre que britannique et français ».
18Bref, cette première vague d’immigration européenne n’a pas modifié le caractère britannique du pays, mais elle allait changer le visage canadien et diminuer le consensus anglo-français qui avait dominé le paysage politique et culturel du xixe siècle (Canada, 2000).
19Deuxième sous-période : 1921-1930. Il s’agit d’une période où le niveau d’immigration diminue par rapport aux premières années du siècle. En fait, la diminution de l’immigration s’amorce déjà à partir de 1916, les niveaux oscillant autour de 20 000 annuellement (tableau 7.1). Ainsi, environ 164 000 personnes ont immigré au Québec dans cette période de 10 ans. C’est au cours de cette période qu’il y a un important mouvement de retour des Canadiens de naissance en provenance des États-Unis (Ramirez, 2001). Selon une estimation, 182112 personnes nées au Canada seraient revenues au pays en provenance des États-Unis entre 1925 et 1930, ce qui représente plus du tiers de l’émigration nette constatée au cours de la période 1921-1931 (Lavoie, 1972). En outre, Lavoie (1973) suggère que le rapatriement, au cours des quatre premières décennies du xxe siècle, a dû impliquer un demi-million d’émigrés pour l'ensemble du Canada. De plus, les rapatriés ont tendance à rentrer dans leur province d’origine, surtout les Québécois qui ont le plus fort taux de retour, soit 92 % (Lavoie, 1973). Enfin, en lien avec la période antérieure, l’émigration demeure encore très forte avec un solde négatif d’environ 158 000.
TABLEAU 7.2. Proportions de la population selon l’origine ethnique britannique, française et autre, Québec, 1901-1996

Sources : 1901-1961 : Lachapelle et Henripin, 1980 :338, tableau B4 ;
1971 : Statistique Canada. Recensement de 1971, no 92-723 au catalogue, vol. I, partie 3, tableaux 2-1 et 2-2 ;
1981 : Statistique Canada, Recensement de 1981, no 93-929 au catalogue, tableau 2-1 (échantillon 20 %) ;
1986 : Statistique Canada, Recensement de 1986, no 94-110 au catalogue, partie 2, vol. I (échantillon 20 %) ;
1991 : Statistique Canada, Recensement de 1991, no 95-326 au catalogue, tableau 1 (échantillon 20 % - Profils).
* Le total des proportions affichées peut être légèrement différent de 100 % à cause des arrondis.
TABLEAU 7.3. Croupes ethniques autres que britannique et français, Québec, 1901-1971 (en pourcentage de l’ensemble des autres)


Source : Adapté de Charbonneau et Maheu, 1973. Nous présentons les groupes au fur et à mesure de leur apparition dans les recensements et tels qu’ils sont donnés par les auteurs.
Notes :
(1)1901 : Indien et Métis ; 1941 : Indien et Esquimau ; 1961 ; Indien de naissance ; 1971 ; Indien nord-américain ;
(2) 1901 ; Chinois et Japonais ;
(3)1941 : moins les Chinois ;
(4) 1911 et 1941 ; Bulgare et Roumain ;
(5) 1971 : Syrien-Libanais ;
(6) 1951,1961 et 1971 : Non déclaré et autres.
* Le total des proportions affichées peut être légèrement différent de 100 % à cause des arrondis.
20La baisse des niveaux d’immigration est liée à trois facteurs : l’effet de la Première Guerre mondiale, le ralentissement de l’économie entre 1918 et 1922 et les fortes réactions anti-immigration de l’après-guerre en vogue partout au Canada. C’est l’époque où le courant « nativiste » s’exprime violemment. Certaines sectes religieuses, dont les mennonites, les hutterites et les doukhobors, se verront interdites de séjour au Canada (Burnet et Palmer, 1991). Pour d’autres raisons, les syndicats se mettront également de la partie, exigeant de meilleures conditions de travail en lieu et place du recrutement de main-d’œuvre immigrante bon marché et briseuse de grève (Labelle, Lemay et Painchaud, 1979). Le gouvernement va donc restreindre l’immigration en établissant une liste des pays préférés et non préférés (Labelle, Larose et Piché, 1983a). L’immigration noire et asiatique, chinoise en particulier, continue à être interdite. Pour des besoins spécifiques de main-d’œuvre, les compagnies de chemin de fer interviennent de façon très active dans le recrutement de cultivateurs et de travailleurs agricoles (Corbett, 1957).
21Du point de vue ethnique, le processus de diversification de l’immigration suit son cours avec l’arrivée croissante des groupes de l’Europe continentale : Ukrainiens, Polonais, Hongrois, Scandinaves, Finlandais, Hollandais, Italiens, Juifs3 (Burnet et Palmer, 1991). Au Québec, le pourcentage des groupes « autres que britannique et français » augmente à 6 % en 1931 (tableau 7.2). Le groupe juif demeure important mais amorce une baisse relative qui va se prolonger jusqu’à la fin du siècle, attribuable entre autres à la diversification de l’immigration.
22Troisième sous-période : 1931-1950. Pendant environ 15 ans, l’immigration cesse. Entre 1931 et 1950, à peine 115 000 personnes vont immigrer au Québec, encore que le solde international demeure négatif. La crise économique et la Deuxième Guerre mondiale viendront entretenir un courant nativiste déjà important dans la période précédente. Pour certains, selon Burnet et Palmer (1991), le Canada est suffisamment peuplé, il n’a pas besoin d’immigrants et il ne pourrait plus en absorber davantage, en particulier les immigrants non britanniques. De plus, les années 1930 voient la montée du racisme dans le monde occidental : couplée avec la crise économique, cette montée du racisme annonce des jours dramatiques, en particulier pour la communauté juive (Linteau, Durocher et Robert, 1989, tome 1). L’antisémitisme rend le Canada peu ouvert aux réfugiés juifs, même ceux victimes du nazisme (Abella et Troper, 1982). C’est la période « noire » de l’immigration canadienne avec le sort fait aux Juifs et aux Japonais (confiscation de leurs biens, internement dans des camps puis, après la guerre, programme gouvernemental de rapatriement « qui visait à débarrasser le pays du plus grand nombre de Japonais possible ») [Burnet et Palmer, 1991].
23Avec une immigration presque nulle, la composition ethnique se trouve donc figée pendant toute cette période. On note néanmoins la poursuite de la baisse de l’importance des Britanniques au Québec (tableau 7.2), baisse qui se poursuivra jusqu’à la fin du siècle. Les Juifs et les Italiens demeurent toujours les groupes « autres » les plus importants.
24En bref, pour la première moitié du xxe siècle, d’un point de vue économique (besoins en main-d’œuvre), au-delà des fluctuations, la politique est essentiellement axée sur la colonisation des terres et la préférence pour l’immigration européenne. Elle se caractérise également par des mesures d’exclusion des Asiatiques et des Noirs, à travers un racisme à peine voilé (Winks, 1971 ; Labelle, Larose et Piché, 1983a).
25Au Québec, les perceptions en matière d’immigration sont négatives et empreintes de méfiance envers une politique d’immigration canadienne favorisant les Britanniques et perçue comme une stratégie de minorisation des Canadiens français (Piché, 1978 ; Labelle, Lemay et Painchaud, 1979 ; Bouthillier, 1997). Pour Juteau, pendant toute cette période, l’État fédéral est perçu comme l’instrument de la majorité canadienne-anglaise et il occupe tout le champ de l’immigration. La politique fédérale jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale va voir à reproduire l’ordre social existant et à promouvoir l’anglo-conformité (Juteau, 1999). Les perceptions antiimmigration sont nourries par une idéologie axée sur la xénophobie et le nationalisme de survivance où la religion est le principal facteur d’homogénéité nationale (Monière, 1977).
26Du point de vue de l’intégration, la solution assimilationniste adoptée par le Canada est mal vue au Québec où la présence d’une double majorité-minorité constitue un cas unique. La dualité ethnique et linguistique rend problématique, voire impossible, l’assimilation à un seul groupe. Le modèle d’intégration qui s’est alors développé est axé sur une stratégie de développement séparé, caractérisé par un cloisonnement institutionnel sur la base de l’ethnie et de la religion (Linteau, Durocher et Robert, 1989, tome 1). Durant cette période, il n’y a pas à proprement parler de politique explicite d’intégration et ce sont les groupes d’immigrants eux-mêmes qui s’occupent d’intégration par l’intermédiaire d’institutions privées, ce qui a favorisé la formation « d’espaces institutionnels ethniques autonomes » (Juteau, 1999).
27Le contexte international (émergence des idéologies antiracistes et des droits de la personne), le contexte européen (le développement économique tarissant les sources traditionnelles d’immigration pour le Canada) et les nouveaux besoins en main-d’œuvre créés par l’expansion économique de l’après-guerre allaient rendre le régime d’immigration en vigueur depuis 1900 de moins en moins performant. Même au Québec, les forces de la « modernisation » sont à l’œuvre, provoquant une remise en question des idéologies traditionnelles (Salée, 2001) et forgeant une approche radicalement nouvelle en matière d’immigration.
1950-2000 : régime d’immigration sélectif et pluraliste
28Après la Deuxième Guerre mondiale, un nouveau régime d’immigration est mis en place pour faire face aux transformations économiques et politiques qui affectent la plupart des sociétés industrielles (Simmons, 1999). Deux principes de base demeurent néanmoins inchangés : un principe politique affirmant la souveraineté nationale en matière d’immigration et un principe économique liant de façon beaucoup plus systématique l’immigration aux besoins nationaux, en particulier les besoins en main-d’œuvre. Ce qui change radicalement, ce sont les mécanismes permettant de combler ces besoins : les critères de préférences ethniques laissent place à des critères de qualifications professionnelles (capital humain) et la politique de laisser-faire en matière d’intégration des immigrants est remplacée par une politique gouvernementale explicite d’intégration qui, au Canada, prendra le nom de multiculturalisme et au Québec celui d’interculturalisme (Juteau, McAndrew et Pietrantonio, 1998). Ainsi, d’une part, grâce à un système de points facilement ajustable selon la conjoncture, le Canada puis le Québec possèdent un outil efficace pour gérer les flux migratoires, resserrant les critères économiques en période de récession et les relâchant en période de pénurie de main-d’œuvre. D’autre part, face à la diversité ethnique issue de l’immigration, les politiques d’intégration multiculturelle fournissent les outils d’une gestion publique du pluralisme.
29Du point de vue des flux migratoires, la deuxième moitié du siècle se caractérise par des niveaux élevés d’immigration avec certes des fluctuations importantes (figures 7.1 et 7.2) et par des niveaux très faibles d’émigration (tableau 7.1). Par contre, les taux d’immigration demeurent dans l’ensemble plus faibles que ceux de la période précédente (figure 7.4). Les fluctuations à la fois dans les niveaux et les taux d’immigration sont trop fréquentes pour parler véritablement de sous-périodes. La figure 7.1 illustre bien la politique du robinet que l’on ferme ou que l’on ouvre selon les besoins conjoncturels (Corbett, 1957 ; Gregory, 1975)-À des fins analytiques, nous allons néanmoins distinguer trois grandes sous-périodes : (1) 1950-1975, correspondant à la reprise de l’immigration de l’après-guerre suivie de pics et de creux importants selon les périodes de récession et de reprise économique ; c’est également la période de la mise en place graduelle d’un nouveau système de points ; (2) 1975-1985, correspondant à une baisse de l’immigration, à la systématisation de la nouvelle politique d’immigration en 1976 et à l’intervention très active du Québec en matière d’immigration et d’intégration ; et (3) 1985-2000, période de forte immigration jumelée à des débats importants sur la citoyenneté, la pluriethnicité et la transnationalité dans le contexte de la mondialisation (Elbaz et Helly, 2000).
30Première sous-période : 1950-1375. L’après-guerre voit une reprise importante de l’immigration, avec des moyennes de 33 044 pour la décade 1951-1960 et de 28 542 pour la décade suivante (tableau 7.1). Entre 1951 et 1970, il entre 616 000 personnes au pays et, ce qui est nouveau, le solde des migrations internationales est fortement positif. On observe toutefois durant cette période un nombre important de fluctuations après la reprise de l’après-guerre : récession et baisse de l’immigration entre 1957 et 1963, expansion économique et augmentation de l’immigration entre 1963 et 1970, puis nouvelle crise à partir de 1972 (Labelle, Larose et Piché, 1983a).
31Les critères de préférence ethnique demeurent encore valables tout au long des années 1950 (Hawkins, 1972). De plus, pour faire face aux besoins de main-d’œuvre au cours de la période 1946-1960, la politique de recrutement se basera surtout sur le système de parrainage sous le principe de la réunification familiale (Ramirez, 1980). Ainsi, l’élargissement des catégories de la famille en 1948 fait augmenter l’immigration. Les périodes de récession qui suivent amènent le gouvernement à raffiner encore davantage les règlements : on introduit la notion de qualification professionnelle comme critère de sélection et les critères ethniques sont quelque peu relachés en 1962, pour être définitivement abandonnés en 1968 (Labelle, Larose et Piché, 1983a ; Hawkins, 1974). De plus, les transformations économiques de l’après-guerre induisent une nouvelle demande de main-d’œuvre plus qualifiée que le système de parrainage permet difficilement de combler. Tout cela aboutit à l’élaboration d’une grille de points à partir de 1967 qui constituera jusqu’à la fin du siècle la pièce maîtresse de la politique d’immigration.
32Comme par le passé, les changements dans les règlements amènent aussitôt des changements dans la provenance de l’immigration. Il y aura d’abord un déplacement des pays sources de l’Europe du Nord et de l’Ouest (dont la Grande-Bretagne) vers l’Europe du Sud, puis vers les pays du Tiers-Monde jusqu’ici exclus (Simmons, 1990). De plus, le Canada ouvre ses portes aux personnes déplacées et réfugiées dont profitera l’Europe de l’Est (Hongrois, Polonais, Tchécoslovaques). Viendront s’ajouter au cours des années 1970 les Asiatiques de l’Ouganda, les Chiliens et les Vietnamiens. C’est la période où débute la diversification de l’immigration au Canada et au Québec (Burnet et Palmer, 1991), diversification qui ira en s’accentuant jusqu’à la fin du siècle. Tous ces changements se reflètent dans la structure ethnique du Québec de cette période où la catégorie « Autres » augmente de façon importante, de 5,8 % en 1951 à 10,4 % en 1971 (tableau 7.2), le pourcentage de Britanniques continue à diminuer pour ne représenter que 10,6 % en 1971 et où les groupes en provenance de l’Europe de l’Est, du Sud (par exemple, les Grecs) et du Tiers-Monde commencent à prendre de l’importance (tableau 7.3).
33C’est au cours de cette période que le Québec commence à s’intéresser sérieusement à l’immigration. À partir des années 1950 et 1960, la démographie québécoise subit des changements considérables qui font que le mécanisme séculaire de reproduction du groupe francophone (une forte croissance naturelle) ne joue plus son rôle dans le maintien de l’équilibre démolinguistique jusque-là considéré comme acceptable, soit grosso modo 80 % de francophones et 20 % d’anglophones et d’allophones. Projections démolinguistiques à l’appui, l’importance relative des francophones risque de diminuer de façon importante si rien n’est fait pour inciter (forcer) les immigrants à s’intégrer aux francophones (Charbonneau, Henripin et Légaré, 1970). Le recensement de 1961 avait également provoqué un choc au Québec puisque l’on y constatait de grandes inégalités socioéconomiques entre les groupes linguistiques, le groupe francophone se retrouvant au bas de l’échelle (Monière, 1977 ; Linteau, Durocher et Robert, 1989, tome 2). C’est dans ce contexte que le Québec s’immisce dans le champ de l’immigration en créant le ministère de l’Immigration en 1968 et en signant plusieurs ententes avec le gouvernement fédéral dans les années 1970 permettant au Québec de participer à la sélection et à l’intégration des immigrants. Ceci dit, le Québec ne conteste pas le principe utilitariste à la base de la détermination des niveaux d’immigration et fondé sur la notion de capacité d’accueil. Quant au volet intégration de la politique d’immigration, le Québec se sent mal à l’aise face à l’approche multiculturelle du fédéral mise en place au début des années 1970, modèle qu’il critique et tente de remplacer par des notions de convergence culturelle et d’interculturalisme (Helly, 1997). Néanmoins, les interventions québécoises en matière d’immigration vont véritablement prendre leur envol dans les années 1980 et 1990.
34Deuxième sous-période : 7975-1985. C’est une période de récession où les niveaux d’immigration au Québec diminuent, les moyennes annuelles se situant autour de 23 000 immigrants pour toute la période et avec un solde migratoire toujours fortement positif (tableau 7.1). Amorcées dans la période précédente, les nombreuses modifications aux règlements de l’immigration sont systématisées dans une nouvelle loi en 1976. Cette loi confirme l’abandon des critères de sélection ethniques au profit d’une grille de points basée sur les qualifications professionnelles et distingue maintenant trois catégories d’immigrants : les indépendants, à qui s’adresse la grille de sélection, la catégorie de la famille basée sur le principe de la réunification familiale (parrainage), et les réfugiés sélectionnés à l’étranger. De plus, cette loi oblige le gouvernement à proposer au Parlement canadien des niveaux d’immigration sur une base annuelle d’abord, puis par la suite pour une période de trois ans. Le Québec va participer à part entière au processus de consultation menant à la détermination des niveaux d’immigration souhaités et, à partir de 1983, va annoncer ses propres objectifs quantitatifs en matière d’immigration.
35Troisième sous-période : 1985-2000. Les années 1990 se caractérisent par une immigration relativement élevée, autour de 35 000 immigrants annuellement (tableau 7.1). Selon les niveaux annoncés pour la période 2001-2003, le Québec projette d’augmenter l’immigration, passant d’une fourchette de 35 200 à 38 300 pour 2001 à une fourchette de 40 000 à 45 000 pour 2003 (Québec, 2001). Certes, la capacité du Québec d’atteindre ses objectifs quantitatifs demeure faible si l’on se fie à sa performance dans ce domaine depuis 1983, année où il commence à annoncer les niveaux souhaités (tableau 7.4). Si l’on admet une marge arbitraire de 10 % (écart entre souhaité et réalisé), le Québec dépasse ou n’atteint pas les niveaux souhaités dans plus de la moitié des cas. Pour 2001, le niveau réalisé de 30 352 immigrants n’atteint même pas le niveau inférieur de la fourchette. Néanmoins, ce qu’il faut retenir ici, c’est que le Québec se trouve actuellement dans une période de forte immigration, autant souhaitée que réelle.
36Du point de vue politique, l’année 1992 constitue une année charnière, car le Québec adopte l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration qui, par son ouverture et sa perception positive de l’immigration, constitue une rupture par rapport à la méfiance si longtemps véhiculée. En résumé, selon l’Énoncé (Québec, 1990a), l’action du gouvernement au cours des 20 dernières années s’est articulée à partir de deux priorités : la maîtrise de la sélection des immigrants afin d’assurer une meilleure prise en compte des besoins spécifiques, tant économiques que culturels, de la société québécoise, et l’intégration harmonieuse des nouveaux arrivants de toutes origines à la communauté francophone. Quatre défis de l’immigration sont identifiés : (1) le redressement démographique ; (2) la prospérité économique via une immigration en accord avec les capacités d’absorption du Québec : « [L]a hausse graduelle de l’immigration correspond aux besoins d’une économie québécoise en restructuration. L’expérience du passé démontre en effet que l’immigration peut apporter une contribution significative à cet égard » (Québec, 1990a : 11) ; (3) la pérennité du fait français : « l’immigration peut et doit renforcer le fait français au Québec » (Québec, 1990a : 13) ; (4) l’ouverture sur le monde : « [L]oin d’être un problème à résoudre, la diversité ethnoculturelle est d’abord et avant tout un enrichissement pour le Québec » (Québec, 1990a : 14). Enfin, l’Énoncé introduit la notion de contrat moral « garant d’une intégration réussie » (Québec, 1990a : 15). Ce contrat est basé sur les trois principes suivants : (1) une société dont le français est la langue commune de vie publique ; (2) une société démocratique où la participation et la contribution de tous sont attendues et favorisées ; et (3) une société pluraliste ouverte aux multiples apports dans les limites qu’imposent le respect des valeurs démocratiques fondamentales et la nécessité de l’échange intercommunautaire.
TABLEAU 7.4 Niveaux d’immigration annoncés et réalisés, Québec, 1983-2003
ANNÉE | NIVEAU ANNONCÉ (l) | NIVEAU RÉALISÉ (2) | ÉCART (%) |
1983 | 15 200 | 16 374 | 108 |
1984 | 16000 | 14641 | 92 |
1985 | 17 000 | 14 884 | 88 |
1986 | 13 000 | 19 459 | 150 |
1987 | 20 000-22 000 | 26 823 | 128* |
1988 | 27 000 | 25 789 | 96 |
1989 | 32 000 | 34171 | 107 |
1990 | 34 000-36 000 | 40 842 | 117* |
1991 | 44 000-47 000 | 51 707 | 114* |
1992 | 45 000 | 48 377 | 108 |
1993 | 47 000 | 44 916 | 96 |
1994 | 49 000 | 28 017 | 57 |
1995 | 40 000 | 26 568 | 66 |
1996 | 42 000 | 29 698 | 71 |
1997 | 43 000 | 27 755 | 64 |
1998 | 28 100-30 000 | 26 407 | 91* |
1999 | 29100-31 300 | 29191 | 97* |
2000 | 29 600-32100 | 32 454 | 105* |
2001 | 35 200-38 300 | 30 352 | 83* |
2002 | 37 900-41 300 | — | — |
2003 | 40 000-45 000 | — | — |
Sources : Rapports annuels du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
* Calculé sur la moyenne de la fourchette
37Comme nous le verrons dans la prochaine section, ce revirement idéologique n’est pas accidentel, mais plutôt le reflet du pluralisme et de la diversité engendrés par les changements importants dans des critères de sélection non discriminatoires instaurés depuis le début des années 1960. Pour avoir une idée de cette diversité, on ne peut plus examiner les origines ethniques telles que fournies par les recensements comme nous l’avons fait pour les périodes antérieures. En effet, à partir de 1981, la question des origines se modifie de façon importante afin de donner une image plus proche de la réalité ethnique canadienne et québécoise. Ainsi, le recensement de 1981 introduit la possibilité d’avoir plusieurs origines et, à partir de 1991, la catégorie « canadienne » est introduite dans la liste des catégories ethniques. Il devient pour le moins hasardeux de poursuivre les comparaisons d’un recensement à l’autre.
38Il est possible néanmoins de voir les changements dans la composition de l’immigration dans ce nouveau régime en examinant les pays de provenance des immigrants. Une première indication nous vient des statistiques d’immigration annuelles. Par exemple, pour la période 1962-1969, les 10 principaux pays d’origine regroupaient près de 80 % de tous les immigrants (Québec, 1990b), contre seulement 45,3 % pour la période 1995-1999. De plus, le nombre de pays de provenance des immigrants se multiplie et dépasse largement la centaine. Enfin, le tableau 7.5 illustre bien les modifications dans la provenance des immigrants : on voit les pays de l’Europe de l’Ouest disparaître (sauf la France) au profit des autres pays.
39Une deuxième indication nous vient du recensement de 1996 qui permet de regrouper les immigrants selon leur région de provenance et leur date d’arrivée au Canada ou au Québec (tableau 7.6). Les immigrants arrivés avant 1961 provenaient massivement d’Europe (87,9 %). Ce pourcentage diminue de façon constante jusqu’à la période récente où les immigrants d’Europe ne représentent plus que 22 % de la cohorte arrivée entre 1991 et 1996. Par contre, cette dernière cohorte provient à 41 % d’Asie, à 21 % d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud et des Caraïbes et à 13 % d’Afrique, soit un total de 75 % en provenance de pays en développement. On assiste donc à un véritable renversement de tendance qui, comme on le verra dans la prochaine section, met en place un processus de modifications importantes dans les rapports majorité-minorités au Québec.
TABLEAU 7.5. Dix premiers pays pourvoyeurs d’immigrants au Québec, 1946-2000

Sources : Pour 1946-1989 : Québec, 1990b ; pour 1990-2000 ; Statistiques annuelles du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
1. Pour cette période, les données sont présentées selon les principales origines ethniques. Le groupe « juif » a été omis ici.
TABLEAU 7.6. Répartition des immigrants par lieu de naissance et par période d’immigration, Québec, 1996

Source : Recensement de 1996, échantillon de 20 %.
* Le total des proportions affichées peut être légèrement différent de 100 % à cause des arrondis.
Immigration, diversité et rapports ethniques au Québec
40Le régime d’immigration instauré depuis les années 1960 a provoqué une véritable chirurgie démographique qui a introduit « l’autre » comme acteur incontournable. Cette diversité a affecté les rapports entre groupes ethniques et linguistiques, entre majorité (francophone) et minorités (anglophone et allophone) et a suscité des débats visant à redéfinir le nationalisme québécois davantage en lien avec le pluralisme.
La démographie de la diversité
41La diversité ethnique au Québec est le plus souvent présentée comme un phénomène récent, datant de l’après-guerre, mais surtout depuis 1960, date du début de la Révolution tranquille. Dans la littérature sur l’immigration, on trouve souvent une vision dichotomique de l’histoire du Québec qui perçoit la période d’avant 1960 comme sociologiquement, linguistiquement et religieusement homogène, en opposition au Québec moderne et pluraliste. La vision statistique présentée ici permettra d’observer que, même si la diversité n’est pas un phénomène pouvant se dichotomiser (elle est présente tout au long de l’histoire du Québec : Bouchard, 1990 ; Desjardins, 1990), c’est vraiment à partir des années 1960-1970 que le poids démographique de la diversité commence à se faire sentir.
42Il y a plusieurs façons de mesurer la diversité. Les trois indicateurs retenus ici sont basés sur les catégories d’origines ethniques, lieux de naissance et, plus récemment, de minorités visibles (un quatrième indicateur de diversité étant la langue : voir le chapitre 8). Le premier indicateur a déjà été introduit dans la partie précédente et se base sur la proportion des groupes ethniques « autres que britannique et français » depuis 1901 (tableau 7.2). Jusqu’en 1981, les données sont suffisamment comparables pour conclure à une augmentation de la catégorie « autres » : de 2,2 % en 1901 à 12,2 % en 1981. Pour 1986 et 1991, les pourcentages continuent à augmenter, mais une partie de l’augmentation est due à l’introduction des origines ethniques mixtes. En 1996, l’introduction de la catégorie « canadienne » comme nouveau groupe ethnique ne permet plus les comparaisons avec les années antérieures. Toutefois, cette nouvelle catégorie est fort intéressante car elle reflète une rupture historique quant à la conception de l’ethnicité dans la société canadienne et québécoise. Rappelons qu’en 1995 s’est tenu un référendum sur l’avenir du Québec dont les résultats ont envoyé des ondes de choc dans tout le reste du Canada et dans la population anglophone du Québec : le « oui » (à l’indépendance) l’a presque remporté avec quelque 49,2 % du vote. Ainsi, au moment du recensement, quelques mois après le référendum, on peut faire l’hypothèse que plusieurs Canadiens et Québécois ont voulu marquer leur attachement au Canada en cochant la catégorie « canadienne ». Cette hypothèse est particulièrement frappante au Québec, province où le pourcentage d’origine ethnique « canadienne » est de loin le plus élevé, soit 38 % (voir tableau 7.7). Des données plus raffinées indiquent que cette catégorie a été choisie autant par les francophones que par les anglophones.
43Malgré les problèmes de définition, on peut conclure à une augmentation constante de la diversité ethnique au Québec tout au long du xxe siècle, mais que celle-ci s’est vraiment répandue à partir des années 1960. Le groupe « autres » constituerait aujourd’hui le quart de la population du Québec.
TABLEAU 7.7. Origine ethnique « canadienne » par province, 1996
PROVINCE | % |
Atlantique | 21 |
Québec | 38 |
Ontario | 12 |
Manitoba | 9 |
Saskatchewan | 10 |
Alberta | 13 |
Colombie-Britannique | 10 |
Territoires du N.O. et Yukon | 10 |
Total (Canada) | 19 |
Sources : Recensement de 1996 et Patrimoine Canada.
44Est-ce beaucoup ? Oui, si on compare au passé ; non, si on compare le Québec avec le reste du Canada. Prenons l’exemple de Montréal où se concentre l’essentiel de l’immigration : au recensement de 1996, 34 % de la population a déclaré une origine ethnique « autre » (unique + multiple) ; or, pour Vancouver, ce même pourcentage est de 65 et, pour Toronto, il est de 69. Néanmoins, pour le Québec, il s’agit d’un phénomène relativement nouveau et l’on peut se demander s’il est suffisant pour remettre en question l’ornière triangulaire franco-anglo-allo. On reviendra sur cette question plus loin.
45Le deuxième indicateur provenant des recensements est fourni par la question « lieu de naissance ». Évidemment, cette information ne concerne que les immigrants et ne représente donc que la pointe de l’iceberg de la diversité. Le tableau 7.8 montre l’évolution de cet indicateur depuis 1871 jusqu’en 1996 : on constate pour le Québec une légère augmentation de la population née à l’étranger (de 6,6 à 9,4 %). La tendance pour l’ensemble du Canada est toutefois moins évidente. Notons par ailleurs qu’en 1996, la proportion de population immigrée est deux fois plus élevée au Canada (17,4 %) qu’au Québec (9,4 %).
46Depuis 1981, le concept de « minorité visible » a fait son apparition dans les statistiques officielles et cela, à cause essentiellement de la Charte des droits de la personne et des lois sur l’accès non discriminatoire à l’emploi. Cette nouvelle catégorie se justifie donc par la nécessité de faire le suivi de ces politiques et de pouvoir identifier les populations visées par ces mesures. Cela permet une troisième approche pour mesurer la diversité. Au recensement de 1981, comme il n’y avait pas de question explicite sur la « visibilité», celle-ci a été créée à partir de diverses questions du recensement. Pour le Québec, les estimations laissent supposer un total de 162 190 personnes appartenant aux minorités visibles, soit 14 % du total canadien4. Cela représente à peine 2,5 % de la population du Québec. Quinze ans plus tard, soit au recensement de 1996, avec une nouvelle approche d’auto-identification, le Québec enregistre un total de 433 985 personnes qui se déclarent appartenir à une minorité visible, soit comme en 1981,14 % du total canadien5. Du point de vue de la population du Québec, cela représente 6,2 %, une augmentation appréciable par rapport à 1981, augmentation qu’il est difficile d’interpréter, compte tenu des différences dans les méthodes d’estimation entre les deux recensements. Notons que l’importance des minorités visibles au Québec demeure inférieure à celle du Canada (6,2 %, par rapport à 11,2 %). Le tableau 7.9 permet de constater que le tiers des minorités visibles est constitué de Noirs (30,4 %) et d’Arabes (18,4 %) alors que pour le Canada dans son ensemble ce sont les Asiatiques (surtout les Chinois) qui dominent. On voit l’importance de l’immigration antillaise au Québec depuis le début des années 1970, en particulier l’immigration haïtienne (Labelle, Larose et Piché, 1983b). La catégorie « minorité ethnique » est basée sur des critères qui font référence parfois à la couleur de la peau (Noirs), parfois à l’appartenance culturelle (Arabes), parfois à l’origine nationale (Chinois).
TABLEAU 7.8. Importance de la population immigrée dans la population totale du Québec et du Canada. 1871-1996

Source : Recensements du Canada, 1871-1996.
47En bref, si, démographiquement, on peut parler de la montée de la diversité au Québec, on peut se demander à partir de quand cette diversité est sociologiquement et politiquement significative. En effet, les partisans de l’homogénéité fondatrice pourraient argumenter que, malgré tout, celle-ci s’applique encore à environ 75 % de la société québécoise selon le critère de l’origine ethnique et à plus de 80 % selon la langue maternelle. Comment expliquer alors le consensus sur le fait que le Québec soit devenu une société résolument pluraliste ? C’est dire que la statistique seule ne peut rendre compte de la réalité comme l’impliquent les affirmations souvent formulées à l’effet que la diversité (statistique) a transformé les rapports ethniques. En fait, le poids statistique (ou démographique) de la diversité n’est pas toujours et mécaniquement garant du poids sociologique des groupes minoritaires qui constituent cette diversité : cela dépend du rôle que jouent ou peuvent jouer ces groupes (Bauer, 1994 ; Molinaro, 1999), mais cela dépend aussi de ce qui se passe à l’intérieur du groupe majoritaire lui-même, groupe qui n’est pas (ou n’est plus) aussi homogène qu’on le laisse supposer.
TABLEAU 7.9. Répartition des groupes d’appartenance des minorités visibles au Québec et au Canada, 1996

Sources : Recensement de 1996 et compilation spéciale du ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
* Le total des proportions affichées peut être légèrement différent de 100 % à cause des arrondis.
Discours de la majorité sur le « nous » québécois ou « Qui est québécois ? »
48Quel que soit le canal par lequel la présence des groupes ethniques « autres » a influencé la définition ou la redéfinition de l’identité québécoise, plusieurs chercheurs et intellectuels ont senti la nécessité de redéfinir le « nous » québécois de façon à le rendre davantage inclusif. C’est la conception même du nationalisme québécois qui se trouve ainsi interpellé.
49Plusieurs réponses ont été tentées, surtout depuis les cinq dernières années (Mathieu, 2001 ; Salée, 2001). Dans tous les cas, le scénario est le même et procède en trois actes. Le premier acte consiste à présenter l’ancien nationalisme ethnique, représenté par exemple par Dumont (1993), pour ensuite conclure qu’il n’est plus approprié aujourd’hui dans un Québec pluraliste6. Le deuxième acte présente la position extrême : soit l’antinationalisme des fédéralistes centralisateurs, et ici Pierre Elliott Trudeau est la cible commune, soit la version ultra-universaliste du nationalisme civique. Entre les deux extrêmes, la plupart des auteurs cherchent une troisième voie où il y aurait une place pour un nationalisme civique non vidé de tout son contenu culturel (ou ethnique) : c’est là le troisième acte (Bouchard, 1999 ; Lamoureux, 2000 ; Létourneau, 2000 ; Maclure, 2000 ; et Rudin, 2001). Parfois, c’est la vision mondialiste qui est opposée à la vision particulariste véhiculée par le multiculturalisme7. Évidemment, il y a presque toujours un épilogue politique à la pièce, à savoir le contexte politique le plus approprié pour réaliser le « bon » nationalisme : ces solutions vont du fédéralisme pur et dur à la souveraineté politique en passant par le statut particulier ou le fédéralisme asymétrique (Lamoureux, 2000).
50Comme nous l’avons dit plus haut, c’est le « vieux nationalisme » qui constitue le point de départ des débats. Ce nationalisme est caractérisé par une lecture de l’histoire du Québec basée sur les conflits ethniques et linguistiques et sur une longue série d’humiliations subies par les Canadiens français à la suite de la conquête, point de départ de ces humiliations. D’aucuns ont caractérisé ce nationalisme de « conquêtiste » (Lamoureux, 2000) ou de ressentiment (Maclure, 2000). La version la plus subtile et nuancée de cette perspective est certes celle présentée par Fernand Dumont pour qui la définition de la nation québécoise doit avoir comme contenu la culture française (Dumont, 1993). Pour le moment, il semble y avoir consensus, à quelques exceptions près (par exemple Gagnon, 2000 ; Cantin, 2002), sur le fait que ce nationalisme est désuet parce qu’il est exclusif, présente une vision traumatisante du passé et véhicule une idéologie ethnicisante (Bibeau, 2000).
51En bref, le nationalisme ethnique est rejeté au nom de la diversité croissante de la société québécoise au profit du nationalisme civique. Ce dernier évacue en quelque sorte la notion de culture dans la définition de la nation et la notion de culture nationale ou culture dominante est remplacée par la notion de culture civique ou publique. Évidemment, l’évacuation du contenu culturel dans la définition de la nation québécoise ne va pas sans poser des problèmes au projet souverainiste québécois. Un courant « postrévisionniste » est donc apparu récemment visant à sauver un minimum de culturel dans la définition de la nation sans pour autant revenir au modèle ethniciste.
52Plusieurs modèles ont été proposés dans cette direction et il n’est pas possible d’en faire la synthèse ici (voir les synthèses de Maclure, 2000 ; Bibeau, 2000 ; et Mathieu, 2001). Le modèle « oui mais » proposé par Gérard Bouchard (2001) est celui qui semble rallier le plus de nationalistes québécois. Oui, dit-il, l’ancien nationalisme ethnique doit être rejeté, mais, s’empresse-t-il d’ajouter, il doit y avoir possibilité de tenir compte de l’héritage canadien-français dans la nouvelle culture québécoise. Pour lui, c’est le français qui doit désormais définir la nation québécoise, non pas un français considéré uniquement comme courroie utilitaire mais, puisqu’il s’agit de la langue de la culture commune, comme étant investi de tout l’héritage culturel canadien-français (Bouchard, 2001). Même si le contenu de ce soi-disant héritage culturel canadien-français demeure ambigu et reste à préciser (Fontaine et Juteau, 1996), le modèle de Gérard Bouchard permettrait, selon une expression commune au Québec, « de sauver les meubles ».
53D’un côté, les statistiques sont claires : il y a eu au Québec une véritable émergence d’une forte présence de minorités ethniques et cela, surtout depuis les années 1970. Rappelons que le pourcentage des groupes ethniques autres que français et britannique a doublé entre 1970 et 1990. Par ailleurs, l’analyse du discours nationaliste au Québec montre également qu’il s’est considérablement transformé depuis une vingtaine d’années et surtout depuis les années 1990. De là à établir une relation causale entre la démographie des minorités et le discours politique, il n’y a qu’un pas facile à franchir. Il est en effet très tentant de conclure à la présence d’une troisième force au Québec qui aurait en quelque sorte forcé les redéfinitions identitaires (Bauer, 1994 ; Juteau, 1999)8
54.Pendant longtemps au Québec, les rapports interethniques ont été analysés sous l’angle de la dualité : Canadiens français versus Canadiens anglais. On parlait alors des Canadiens français comme minorité nationale opprimée. Ici, peu de place pour les autres minorités ethniques tant que la minorité nationale était préoccupée par sa propre survivance. Cette vision des rapports interethniques est d’ailleurs associée à la perception que la politique canadienne d’immigration, par son caractère assimilationniste, constituait une menace à la survie des Canadiens français. Cette vision dualiste allait se perpétuer jusqu’aux années 1960.
55À partir de 1960 survient la fameuse Révolution tranquille. Pour certains, l’année 1960 consacrerait même la fin de l’histoire du peuple canadien-français (Frenette, 1998). Fortement critiquée actuellement (Paquet, 1999 ; Bélanger, Comeau et Métivier, 2000), cette vision de l’histoire récente du Québec a trop infiltré toutes les interprétations de l’évolution du Québec moderne pour qu’on l’ignore. Ce qui compte pour notre propos ici, c’est de constater que le discours nationaliste en cours durant les années 1960 continue, voire même exacerbe une approche ethnique, centrée sur la notion de nation québécoise. Ce qui change par contre c’est l’intérêt porté aux « autres ». Mais quand le discours s’intéresse aux autres « ethniques », ce n’est pas pour en faire des alliés, mais pour dénoncer leurs choix linguistiques en faveur de la minorité anglophone du Québec. La notion d’« allophone » fait son apparition et va constituer la plaque tournante des nombreux conflits linguistiques au Québec (jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs). D’une vision dualiste on passe à une vision triangulaire : franco-anglo-allo9
56.Dans les années 1980, le Québec s’attelle à développer son propre modèle d’intégration. Ce faisant, il doit faire face à l’épineuse question des « allophones » dont l’importance démographique s’est accrue et dont les choix linguistiques menacent l’équation démolinguistique. Les nombreux débats vont faire apparaître des visions fort différentes quant au modèle d’intégration souhaitable d’un point de vue politique. Entre autres, il apparaît pour plusieurs que le « vieux » nationalisme ethnique ne peut plus rassembler les Québécois dans un projet commun et qu’il doit être remplacé par un modèle plus civique.
57Le dilemme nationaliste est de taille. Un nationalisme civique, épuré de toute référence ethnique, rendrait le projet souverainiste actuel pratiquement inopérant. Par ailleurs, définir la nation québécoise sur une base purement ethnique comme comprenant les francophones de souche exclurait de plus en plus de Québécois. Pour plusieurs, la tentative de construire un nationalisme linguistique basé sur la francophonie québécoise constituerait une réponse acceptable à la question « Qui est québécois ? ». Elle tient davantage compte des minorités ethniques et se veut en cela davantage inclusive, tout en ne vidant pas complètement le nationalisme de son contenu culturel, comme le voudrait la version universaliste et mondialiste du nationalisme civique. En fait, il s’agirait de restreindre le modèle de convergence culturelle, actuellement en vigueur au Québec, à un modèle de convergence linguistique. Il s’agirait d’un modèle d’assimilation sur le plan linguistique (le français comme langue publique commune), mais multiculturel sur tous les autres plans. Il renverrait comme un miroir au modèle canadien, dont l’anglais est la langue publique commune tout en demeurant multiculturel sur le reste.
58Mais même ce modèle, basé sur le cadre national, est remis en question par les tentatives de « dépasser l’opposition traditionnelle entre la nation ethnique et la nation civique » (Seymour, 2002 :12). C’est l’avenir de l’État-nation qui est en question et les frontières de celui-ci sont menacées par des pressions externes provenant des migrations internationales dans le contexte de la mondialisation (Bauböck, 1998 ; Castles, 1998). Pour plusieurs, l’État-nation serait voué à disparaître au profit d’un modèle multinational qui dissocierait l’État de la nation et serait davantage capable de relever les défis du pluralisme croissant lié à l’immigration (Dieckhoff, 2000 ; Seymour, 2002). Ce modèle serait d’ailleurs davantage en congruence avec les travaux récents sur les perceptions identitaires des groupes minoritaires qui font écho à des conceptions plurielles et multiples de l’identité et de la citoyenneté (Meintel, 1994).
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Notes de bas de page
1 Pour des synthèses de nature plus bibliographiques, voir Desrosiers, Gregory et Piché (1978), Caldwell (1983), Piché et Bélanger (1995) et Helly (1997)
2 Pour une description détaillée des sources, voir Desrosiers, Gregory et Piché (1978), chapitre 1.
3 La catégorie « juif », contrairement aux autres groupes ethniques, fait référence à un critère religieux. C’est là une incohérence dans la catégorie officielle qui affecte tous les recensements canadiens.
4 Source : compilation spéciale de la Direction générale de l’équité en matière d’emploi, ministère de l’Immigration du Canada, mars 1986.
5 Source : Recensement de 1996, compilation spéciale, ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration (mrci).
6 La prédominance puis la remise en question d’une conception ethniciste de la nation n’est pas propre au Québec. Il faut souligner qu’au Canada anglais aussi la représentation ethniciste a eu ses heures de gloire et que le passage à une représentation plus civique demeure récente (Igartua, 1997). Cette évolution toucherait d’ailleurs l’ensemble des nations occidentales (Bouchard, 1997).
7 Cette tendance est bien représentée dans le collectif sous la direction de Elbaz et Helly (2000) ; voir en particulier le chapitre de Helly.
8 La notion de troisième force a été utilisée dans le cadre canadien pour analyser le rôle des minorités ethniques dans le rejet du biculturalisme proposé par la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme et dans la promotion du multiculturalisme (Ramirez, 2001 ; Burnet et Palmer, 1991).
9 Ce n’est pas par hasard que la démolinguistique a été si dominante au Québec tant elle est liée aux visées nationalistes (ou antinationalistes).
Auteur
Professeur au Département de démographie, membre du Centre interuniversitaire d’études démographiques (cied) et du Centre d’études ethniques de l’Université de Montréal (ceetum). Ses recherches récentes portent sur l’insertion des migrants et des migrantes dans les villes africaines (Bamako, Dakar et Ouagadougou) et à Montréal. Il a coédité plusieurs ouvrages dont : Trois générations de citadins au Sahel (Paris, L’Harmattan), Le quartier Côte-des-Neiges à Montréal. Les interfaces de la pluriethnicité (Paris, L’Harmattan) et Anciennes et nouvelles minorités (ined et John Libbey). Ses recherches portent également sur les politiques d’immigration au Canada et au Québec. victor.piche@umontreal.ca
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