3. Du mariage obligatoire au mariage facultatif
p. 110-143
Remerciements
Nous tenons à remercier les personnes qui nous ont aidé à préparer ce chapitre et, plus particulièrement, Louis Duchesne, qui a mis à notre disposition les données de l’Institut de statistique du Québec, et Suzanne Lebel-Péron qui a préparé les tableaux, les graphiques et la documentation bibliographique. Nous remercions aussi Nancy Meilleur et Julie Lavoie qui ont mis en forme le manuscrit en vue de la publication.
Texte intégral
1Jusqu’à la fin des années 1960, les normes de la conjugalité étaient le legs d’une longue tradition culturelle : le mariage était toujours religieux et le divorce, presque impossible ; l’union libre était peu tolérée et l’enfant naturel, privé de droits familiaux. Indispensable pour vivre en couple et fonder une famille, le mariage était quasi universel bien que pratiquement indissoluble, sauf naturellement par décès. La nuptialité pouvait cependant beaucoup varier d’une année à l’autre, ou d’une période à l’autre, au gré de la conjoncture économique et politique : ainsi, elle a été anormalement faible pendant une bonne partie de la crise des années 1930 et, au contraire, anormalement forte durant la Deuxième Guerre mondiale et l’immédiat après-guerre. L’âge au mariage variait lui aussi, et ce sont les jeunes gens des années 1950 et 1960 qui se sont mariés le plus tôt.
2Au cours des trois dernières décennies du xxe siècle, le Québec a connu un « démariage » analogue à celui observé ailleurs en Occident. Le premier mariage a fortement reculé devant l’union libre en devenant de plus en plus tardif et de moins en moins fréquent. Le divorce a été largement pratiqué dès qu’il a été rendu facilement accessible ; de plus, il a été de moins en moins souvent suivi du remariage. Enfin, le pourcentage de naissances hors mariage a constamment augmenté, dépassant même 50 % pour les premières naissances. Le mariage est ainsi devenu de plus en plus facultatif, que ce soit en début de vie conjugale ou au moment de la naissance des enfants.
3Ces deux grandes périodes de l’histoire du mariage au xxe siècle sont successivement évoquées dans les deux premières parties de ce chapitre. Quelques enjeux concernant le mariage et l’union libre sont ensuite présentés dans une troisième et dernière partie.
Le temps du mariage obligatoire (1900-1968)
4Avant les années 1970, il n’était guère admis qu’un jeune couple se mette en ménage sans se marier. Les jeunes gens devaient normalement se fréquenter quelque temps pour se connaître et se faire connaître des futurs beaux-parents, puis, après la demande en mariage, ils devaient éventuellement se fiancer et ensuite se marier avant de cohabiter ; si une grossesse survenait durant les fréquentations, ils devaient se marier avant l’accouchement, sinon ils étaient séparés et, dans bien des cas, la jeune fille était placée dans une institution pour y accoucher et y laisser l’enfant. Les enfants nés ou conçus dans le mariage étaient les seuls à jouir de la totalité des droits familiaux.
5Dans les premières décennies du siècle, les fréquentations se déroulaient principalement à la résidence de la jeune fille et les parents pouvaient ainsi éloigner les prétendants qui leur semblaient indésirables pour des raisons de santé, de comportement, d’incapacité à subvenir aux besoins d’un jeune ménage ou pour toute autre raison ; ainsi, les unions se formaient souvent selon des « modèles d’alliance » qui « n’excluaient pas l’amour, mais visaient à en circonscrire l’émergence à l’intérieur de relations jugées acceptables à la famille » (Lemieux et Mercier, 1989 : 145). La surveillance exercée par les parents s’est desserrée quand de nouveaux loisirs collectifs sont devenus populaires : « La danse et le cinéma semblent avoir remplacé la maison comme lieux de fréquentation en ces années 1940 et il arrive que les amoureux soient fiancés lorsqu’ils sont présentés à leurs parents » (Ibid. : 134). Les fréquentations deviendront encore plus libres et plus intimes dans les années 1950 et 1960 grâce à l’automobile (Langlois, 1990). Plus autonomes dans leurs fréquentations, les jeunes de l’après-guerre se montreront aussi plus indépendants de leurs parents après le mariage.
6Les droits civil et religieux mettaient certaines conditions au mariage. Les filles pouvaient se marier dès l’âge de 12 ans et les garçons, dès l’âge de 14 ans ; mais l’autorisation des parents était indispensable jusqu’à 21 ans. Par ailleurs, le conjoint devait être choisi en dehors de la proche parenté et il fallait demander une dispense pour un mariage entre cousins germains, ou entre enfants de cousins germains, et même, avant 1917, entre petits-enfants de cousins germains. De plus, tout comme aujourd’hui, les futurs époux devaient être libres de tout lien matrimonial antérieur et consentir librement au mariage.
7La cérémonie du mariage était toujours une cérémonie religieuse ; elle était annoncée à l’avance et ouverte au public. Les futurs époux devaient y confirmer solennellement leur volonté de s’épouser avant d’être déclarés civilement et religieusement mariés par le ministre du culte. La cérémonie s’achevait par la signature du registre des mariages et était généralement suivie d’une réception réservée aux invités des deux familles.
8En se mariant, l’homme et la femme s’engageaient l’un envers l’autre pour toute la vie. Ils s’engageaient, notamment, à vivre ensemble, à rester fidèles l’un à l’autre, à se porter secours et assistance et, le moment venu, à élever et à éduquer leurs enfants. En cas de graves difficultés, le Code civil de la province et le droit canonique permettaient la séparation de corps, c’est-à-dire la fin de la vie commune, mais non la dissolution du mariage. Le divorce ne pouvait être obtenu qu’en s’adressant au Parlement fédéral, mais ce dernier n’était pas habilité à lui donner ses effets juridiques. Peu accessible, socialement condamné, le divorce était rare et non reconnu par l’Église catholique, pour qui le mariage était un sacrement.
Saisons, guerres et crises
9En temps normal, c’est durant la belle saison que l’on célébrait le plus de mariages et cela, de plus en plus nettement au fil des ans (tableau 3.1). Une fois éliminées les variations accidentelles de la nuptialité, on note, en effet, que les deux tiers des mariages des années 1920 et les trois quarts de ceux des années 1960 ont été célébrés de mai à octobre ; de plus, les deux pointes de nuptialité que l’on observait en juin et septembre ont été progressivement supplantées par une pointe unique, mais plus élevée, en juillet, le mois des vacances pour la majorité des citadins. Cette distribution des mariages dans l’année est à l’opposé de celle que l’on observait jadis en Nouvelle-France (Henripin, 1954). Au début du xviiie siècle, on se mariait de préférence pendant la saison froide, c’est-à-dire quand on ne pouvait travailler la terre ; certes, il y avait peu de mariages en décembre et mars à cause de l’Avent et du Carême, mais il y en avait un nombre considérable en novembre, janvier et février.
TABLEAU 3.1. Indice mensuel de saisonnalité des mariages au Québec, 1926, 1939, 1945, 1955, 1965 et 1975

Source : Dumas et Péron, 1992 :142.
10Aux variations mensuelles du nombre de mariages venaient parfois s’ajouter de brusques variations annuelles. Ce fut en particulier le cas entre 1914 et 1947 (tableau 3.2). Ces fluctuations de la nuptialité sont à rapprocher des principaux faits historiques de cette époque, soient les deux guerres mondiales et la crise économique des années 1930.
11La Première Guerre mondiale (1914-1918) survint alors que l’économie québécoise venait d’entrer en récession après une vingtaine d’années de croissance soutenue (Linteau et al, 1989). Le taux de nuptialité, qui avait atteint un premier sommet en 1913, chute de près de 10 % en 1914, puis diminue encore en 1915 (tableau 3.2). La situation économique s’améliore cependant dans le courant de l’année 1915 grâce à l’effort de guerre ; c’est le début d’une embellie qui durera jusqu’à la récession de 1920-1922 (Linteau et al, 1989). Le taux de nuptialité reprend aussi de la vigueur en 1916, puis s’élève encore un peu en 1917 pour atteindre la même valeur qu’en 1912. Mais il s’effondre en 1918 en raison de deux événements survenus en avril et septembre : le premier est la conscription pour service outre-mer des célibataires et veufs sans enfant âgés de 19 à 24 ans, laquelle entraîne l’incorporation de ceux qui s’y soumettent et le passage à la clandestinité de ceux qui s’y dérobent ; le second est le début de la terrible épidémie de grippe espagnole, épidémie qui fait rapidement de très nombreuses victimes et qui oblige les autorités à interdire temporairement de nombreuses activités sociales (Lacoursière, 1995). Les mariages ajournés en 1918, ou même avant, sont cependant récupérés après la fin de la guerre, ce qui provoque une flambée des taux de nuptialité en 1919 et 1920.
TABLEAU 3.2. Taux de nuptialité pour 1000, Québec, 1900-1997

Sources : 1900-1950 : Annuaire du Québec, diverses années ; 1951-1997 : Duchesne, 1998 : 217, tableau 501.
12De toutes les récessions, c’est évidemment la Grande Dépression des années 1930 qui perturbe le plus la nuptialité. La crise commerciale et financière, qui commence en octobre 1929, touche progressivement tous les secteurs de l’économie (Linteau et al., 1989). Le chômage et la misère se répandent rapidement, obligeant les gouvernements et les municipalités à mettre en place des programmes de travaux publics, des camps de travail et le secours direct aux personnes privées de ressources. Les célibataires, qui sont souvent les premières victimes du chômage, sont alors très nombreux à renoncer au mariage faute de ressources pour subvenir aux besoins d’un ménage. Le taux de nuptialité tombe à son plus bas niveau en 1932 et 1933, c’est-à-dire au plus fort de la crise. Il remonte ensuite grâce à la récupération d’une partie des mariages ajournés dans les années précédentes ; il retrouve ainsi, dès 1936, sa valeur d’avant la crise, puis la dépasse nettement en 1937 et 1938, ce qui met un terme à la forte croissance du célibat que l’on enregistrait depuis le début de la décennie.
13La participation du Canada à la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) a plusieurs effets favorables sur l’économie : elle met fin à la crise, stimule la production agricole et industrielle, élimine le chômage et le sous-emploi (Linteau et al., 1989). Elle procure ainsi aux hommes célibataires, alors très nombreux, l’emploi et le revenu nécessaires pour se marier ; elle les incite aussi à le faire au plus tôt s’ils veulent éviter de combattre en dehors du pays. Les mariages sont d’ailleurs très nombreux dès les deux premiers mois de la guerre : plus de 9 000 en septembre-octobre, soit le tiers de tous les mariages de 1939. La fièvre de la nuptialité reprend en mars 1940 lors de la campagne électorale fédérale, mais retombe ensuite quand le premier ministre du Canada promet de n’envoyer outre-mer que les militaires de carrière et les volontaires. Elle reprend de plus belle en juin 1940 lorsque le gouvernement fédéral annonce l’instauration d’un service militaire obligatoire en territoire canadien et qu’il précise que l’état matrimonial pris en compte sera celui existant le 15 juillet 1940. Sous la pression, les formalités du mariage sont allégées et la même cérémonie sert souvent à plusieurs mariages, en particulier le dimanche 14 juillet, veille du jour fatidique (Lemieux et Mercier, 1989). Plus de 13 000 mariages sont ainsi célébrés en juin-juillet, soit 38 % des mariages de l’année. Les hommes restés célibataires ou veufs sans enfant au 15 juillet 1940 sont progressivement appelés sous les drapeaux pour une formation militaire de courte durée, ceux âgés de 19 à 24 ans à partir d’octobre 1940, ceux âgés de 25 à 29 ans à partir de mars 1942. En repoussant de 25 à 30 ans la limite d’âge pour le service militaire, puis en organisant un plébiscite l’autorisant à revenir sur sa promesse de ne pas envoyer de conscrits outre-mer, le gouvernement fédéral déclenche une nouvelle poussée de fièvre de la nuptialité en mars et avril 1942. Dans les 18 mois qui suivent sa victoire au plébiscite, le gouvernement fédéral prend de nombreuses mesures en vue d’accélérer la formation de soldats et le recrutement de volontaires sans nuire à l’économie de guerre : interdiction d’embaucher des hommes jeunes dans certains emplois de bureau, de commerce ou de service ; mobilisation des jeunes femmes de 20-24 ans pour le travail sélectif national ; transfert d’hommes mobilisables de leur emploi habituel vers une activité jugée plus utile en temps de guerre ; imposition du service militaire aux hommes mariés de moins de 30 ans (Lacoursière, 1995). Toutefois, la mesure tant redoutée — la conscription pour service outre-mer — n’est prise qu’en novembre 1944 et ne concerne alors que 16 000 conscrits pour tout le Canada ; c’est sans doute pourquoi le taux de nuptialité reste élevé jusqu’à la fin de la guerre. On observera pourtant une récupération de mariages en 1946 et 1947, peu de temps après le retour des soldats engagés dans le conflit.
Du mariage retardé au mariage précoce
14Les crises économiques signalées plus haut ont perturbé la nuptialité de nombreuses générations. Ces perturbations apparaissent au tableau 3.3 qui donne l’effectif des célibataires à certains âges pour 10 000 femmes ou 10000 hommes recensés en 1941, 1961 ou 1971 (Duchesne, 1976). On y remarque que les femmes nées en 1876-1886 sont restées célibataires moins longtemps que celles nées dans les 30 années suivantes ; or, ces femmes sont arrivées à l’âge du mariage au tournant du siècle et sont les seules à avoir eu largement le temps de se marier avant la première récession, celle de 1913-1915, et, a fortiori, avant la deuxième, celle de 1920-1922. Les femmes nées en 1886-1896 n’ont pas eu autant de temps et, à 25 ans, elles comptent dans leurs rangs 114 célibataires de plus que les précédentes ; elles en comptent encore davantage au fur et à mesure qu’elles avancent dans les années 1920 et 1930, de sorte que leur surplus de célibataires est de 312 pour 10 000 à 45 ans. Les surplus sont encore plus précoces et plus importants dans les 15 générations suivantes, mais ils culminent à l’âge atteint en 1931-1936. Ils sont ainsi de 442 pour 10 000 à 35 ans dans les générations 1896-1901, de 770 à 30 ans dans les générations de 1901-1906 et de 1272 à 25 ans dans les générations de 1906-1911 (tableau 3.4). Dans les générations 1911-1916 et 1916-1921, le surplus maximal est observable à l’âge atteint en 1936-1941 ; il est de 1316 à 25 ans dans le premier groupe et de 599 à 20 ans dans le second. Au total, une trentaine de générations féminines ont subi des empêchements ou des retards au mariage, les plus touchées étant celles parvenues aux âges habituels du mariage durant la crise des années 1930.
15La récupération des mariages a été très inégale selon les générations. Elle n’a pas eu lieu dans les générations de 1886-1896 qui étaient déjà trop âgées au sortir de la crise des années 1930. Dans les autres générations, elle a été d’autant plus grande que les femmes étaient encore jeunes. C’est ce que montrent les taux de récupération calculés en rapportant au surplus maximal sa différence avec le surplus à 45 ans : 19 % de mariages récupérés dans les générations de 1896-1901, 53 % dans les générations de 1901-1906, 79 % dans les générations de 1906-1911 et 90 % dans les générations de 1911-1916. Les générations de 1916-1921 sont les seules à avoir récupéré la totalité de leurs mariages ajournés et à être allées au-delà de cette simple récupération.
16Les générations suivantes n’ont pas subi les mêmes empêchements et les mêmes retards par rapport au mariage ; elles se sont mariées plus tôt et, même, de plus en plus tôt. En effet, à partir de la Deuxième Guerre mondiale, la nuptialité des jeunes célibataires a connu une accélération qui contraste avec le ralentissement observé dans l’entre-deux-guerres. C’est ce qu’illustre la figure 3.1. Après avoir progressé dans les années 1920, la fréquence du célibat à 25 ans s’était hissée dans les années 1930 au-dessus de 50 % chez les femmes et de 75 % chez les hommes ; elle a ensuite chuté pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis a continué à décroître après la guerre pour se situer vers la fin des années 1960 à 30 % chez les femmes et à moins de 50 % chez les hommes. Ainsi qu’on peut le voir à partir des données féminines, il ne s’agit pas là d’un simple retour à la situation d’avant la crise, car, dès les années 1950, la fréquence du célibat devient nettement plus faible qu’au début du siècle ; il s’agit bel et bien d’un nouveau régime de nuptialité caractérisé par des mariages plus précoces et plus nombreux et dont l’émergence a été favorisée par la liberté des fréquentations, la prospérité économique et l’extension du salariat.
TABLEAU 3.3. Les célibataires de la table de nuptialité, Québec, générations 1876-1886 à 1946-1951

Source : Duchesne, 1976.
TABLEAU 3.4. Surplus de célibataires à certains âges dans quelques générations féminines

Source : Tableau 3.3.
Quelques aspects de la conjugalité
17Au fil des décennies, les jeunes gens semblent avoir été de plus en plus nombreux à voir dans le mariage l’acte fondateur d’une famille distincte et indépendante de celles dont ils provenaient. C’est du moins ce que laisse supposer le corpus de correspondances amoureuses analysé par Hurtubise (1991). Au début du siècle, le thème dominant des correspondances était encore l’intégration aux familles d’origine : « Aimer, c’est prendre famille [...] L’amour entraîne l’intégration à une famille et, du point de vue du « je », la possession d’un conjoint et d’une nouvelle famille ; les nouveaux frères/sœurs apparaissent comme de nouvelles « richesses » et les parents comme un nouvel avoir irréductible au seul gain matériel ou économique d’ailleurs » (Hurtubise, 1991 :117-118). Après la Première Guerre mondiale, c’est au contraire la création d’un nouveau foyer qui devient le principal leitmotiv : « Aimer, c’est fonder une famille [...] Le rapport amoureux est, à partir des années 20, lié à la création d’une famille « autonome » dont les liens avec la famille d’origine seront vécus sous un mode différent de ce qui fut observé auparavant — voir dans certains cas comme rupture » (Hurtubise, 1991 :121). Vers les années 1950, le désir d’autonomie s’exprime encore plus nettement, en particulier au sujet des enfants : « Les enfants, ce n’est plus l’affaire de la parenté, de la mère et du père, des frères et des sœurs : c’est l’affaire du couple » (Hurtubise, 1991 :123). Selon Pineau (1976), l’aspiration à une conjugalisation de la famille avait été prise en compte par le législateur dès 1915, quand il avait modifié le droit de succession afin de donner au conjoint survivant une part substantielle de l’héritage en cas d’absence de testament.
FIGURE 3.1. Pourcentage de célibataires à 25 ans, l’année où le 25e anniversaire a été atteint

Source : Tableau 3.3.
18Les époux avaient généralement des responsabilités différentes dans le ménage. Le mari devait pourvoir aux besoins de la famille et devait donc exercer une activité qui, en ville, pouvait l’amener à s’absenter toute la journée. La femme devait s’occuper de la maison et des enfants et restait donc au foyer, du moins quand les enfants étaient petits ou que le revenu du mari était suffisant : « Durant toute la première moitié du xxe siècle, l’ensemble de la population féminine de la province de Québec, dans une unanimité remarquable, correspondait très bien à l’image de la femme au foyer. Mieux, cette représentation du rôle de la femme était considérée comme un idéal par les femmes que leur condition obligeait à un autre genre de vie, femmes de cultivateurs ou ouvrières » (Dumont-Johnson, 1971). Le passage à la société de consommation, l’exode vers les banlieues et la conjugalisation de la famille allaient fragiliser ce mode de vie en suscitant un accroissement rapide des besoins de la famille et une plus grande solitude de la femme au foyer (Langlois, 1990 ; Dagenais, 2000). Le féminisme, qui prônait le travail des femmes, fera du ménage pourvoyeur-ménagère une de ses cibles favorites dès les années 1950 aux États-Unis et dès les années 1960 au Québec.
19La direction matérielle de la famille était, en principe, assurée par le mari. Au début du siècle, le Code civil lui permettait de gérer seul les revenus et les biens de la famille si le couple vivait sous le régime de la communauté légale ; il lui permettait aussi de contrôler la gestion du patrimoine de sa femme en régime de séparation de biens. En 1931, le Code civil fut cependant remanié afin de permettre à la femme de gérer seule les biens acquis grâce à une activité indépendante de celle de son mari. Ces « biens réservés de la femme mariée » y étaient ainsi qualifiés : « Existent sous tous les régimes ; comprennent les produits du travail personnel de la femme, ses économies, les meubles et immeubles acquis en faisant emploi ; ne comprennent pas les gains résultant du travail commun des époux ; ne modifient pas les règles de contribution au ménage » (Lalonde, 1950 : 84). Bien entendu, ce qui se passait dans les familles pouvait être différent de ce qui était écrit dans le droit. Il semble, en particulier, que le budget familial était souvent géré par la femme. Selon une enquête sociologique effectuée au début des années 1960 (Moreux, 1969), il existait même un véritable matriarcat domestique dans de nombreuses familles de l’époque.
20En dehors de la maison, la capacité de la femme mariée était très limitée en raison d’un statut juridique qui la plaçait sous la dépendance de son mari. Au début du siècle, en effet, elle ne pouvait administrer de biens sans présenter en toute occasion une autorisation de son mari. En 1931, le législateur lui reconnut les droits nécessaires à l’administration de ses biens réservés : droit de vendre ou d’acheter en toute liberté, droit d’intenter une action en justice, etc. Mais, dans ses autres démarches, comme faire hospitaliser un enfant ou solliciter un emploi, la femme mariée et non séparée de corps se voyait toujours réclamer une autorisation préalable de son mari, ce dernier étant seul juridiquement responsable des dépenses qui pouvaient en résulter pour la famille. C’est seulement en 1964, au moment de l’adoption du projet de loi 16, que la femme mariée accéda à la pleine capacité juridique, ou peu s’en faut, et que fut aboli le principe de l’autorité maritale.
Vers le mariage facultatif (1969-1999)
21La Révolution tranquille, qui commence en 1960 et s’étend sur deux décennies, est une période de rejet du passé, de course à la modernité et d’ouverture à de nouveaux courants de pensée. L’Église catholique, jusque-là toute puissante, perd très rapidement le contrôle des collèges, des universités, des services sociaux et des établissements hospitaliers. De plus, ses conceptions et ses normes sont dénoncées comme oppressives et discriminatoires : le mouvement des femmes, alors en plein essor, s’en prend ainsi à « la conception chrétienne du mariage et de la famille conjugale qui reconnaît à l’homme la suprématie, maintien des interdits qui exposent la femme à un risque permanent de grossesse et, enfin, conçoit le mariage comme indissoluble » (Dandurand, 1988 :145). Le mariage et la famille deviennent dès lors des enjeux électoraux et politiques quasi permanents. Il en résulte de très nombreuses réformes législatives fédérales et provinciales qui s’échelonnent de 1964 à 1980 et qui effacent tous les repères de l’ancienne société : suppression de l’autorité maritale et émancipation juridique de la femme mariée, institution du divorce et d’un mariage civil optionnel, libre accès à la contraception et, en particulier, à la toute nouvelle pilule anovulante, levée partielle de l’interdit sur l’avortement, décriminalisation de l’homosexualité, reconnaissance des droits de l’enfant naturel, remplacement de l’autorité paternelle par l’autorité parentale et, enfin, dissociation du mariage et de la famille. C’est dans ce remue-ménage que prennent racine le déclin de la nuptialité, la montée de la divortialité et l’adoption de l’union libre.
Le déclin de la nuptialité
22Alors qu’il était très fréquent depuis la guerre, le mariage a été rapidement délaissé par les célibataires à partir de 1973. C’est ce que montre la figure 3.2 où sont reportés les indices synthétiques obtenus par sommation des taux de nuptialité de 15 à 49 ans (premiers mariages pour 1 000 hommes ou 1000 femmes à chaque âge). Dans les années 1940, ces indices annuels avaient dépassé le maximum observable dans une génération (1 000) en raison des surplus engendrés par la récupération des mariages retardés par la crise économique des années 1930 ou par la guerre. Ces indices étaient encore très élevés dans les années 1950 et c’est seulement chez les femmes qu’ils étaient passés sous la barre des 900 dans les années 1960. Leur chute a vraiment commencé en 1973 et a duré une dizaine d’années sans connaître de répit. En 1983, ils étaient tombés à moins de 500 pour les deux sexes. Leur évolution ultérieure a été marquée par de légères fluctuations, sauf en 1986,1991 et 1992 où les baisses ont été importantes. Leur valeur à la fin du siècle était de l’ordre de 350 chez les femmes et de 320 chez les hommes. Selon Duchesne (2000), ces valeurs récentes étaient parmi les plus faibles du monde occidental.
FIGURE 3.2. Indice synthétique de nuptialité, Québec, 1940-1998

Sources : 1940-1950 : Henripin et Péron, 1972 ;
1951-1998 : Institut de la statistique du Québec.
23En devenant moins fréquents, les premiers mariages sont aussi devenus plus tardifs (données non reproduites). En diminution dans les années 1950, l’âge moyen au premier mariage s’était ensuite stabilisé un peu au-dessus de 23 ans pour les femmes, de 25 ans pour les hommes. Puis, à partir de 1972, il a augmenté rapidement avec le temps. Chez les femmes, il a ainsi dépassé 24 ans en 1981, 25 ans en 1986, puis 26 ans en 1992 et, enfin, 27 ans en 1996. Chez les hommes, il franchissait aux mêmes moments les seuils de 26, 27, 28 et 29 ans. En 1999, il était proche de 28 ans chez les femmes et de 30 ans chez les hommes.
24Les premières générations féminines comptant dans leurs rangs une bonne proportion de réfractaires au mariage sont celles qui sont parvenues aux âges habituels du mariage vers le milieu des années 1970. En effet, la propension des célibataires de 20 à 30 ans à se marier dans l’année a été nettement plus faible dans les générations de 1951 à 1956 que dans les générations 1940 (figure 3.3). Le décrochage du mariage a été encore plus net dans les générations de 1956 à 1961. La proportion de femmes encore célibataires à 30 ans est ainsi passée de 17 % dans les générations 1940 à 26 % dans les générations de 1951 à 1956, puis à 37 % dans les générations de 1956 à 1961. Ce décrochage a encore pris de l’ampleur avec les générations i960, les deux tiers des femmes nées en 1961-1966 étant encore célibataires à 25 ans contre un peu moins du tiers de celles nées dans les années 1940.
25Ce recul du mariage est évidemment lié à la progression de l’union libre. Celle-ci a de plus en plus souvent remplacé le mariage en début de vie conjugale : ainsi, d’après l’Enquête sociale générale de 1995, le pourcentage de personnes choisissant l’union libre au moment de la formation de la première union serait passé de 21 en 1970-1974 à 47 en 1975-1979. puis à 64 en 1980-1984, à 70 en 1985-1989 et, enfin, à 80 en 1990-1994 (Dumas et Bélanger, 1997). Certes, parmi celles qui choisissent l’union libre, certaines épousent ensuite leur premier partenaire ou une autre personne, mais les mariages ainsi récupérés ont toujours été trop peu nombreux pour déclencher un mouvement de reprise de la nuptialité.
FICURE 3.3. Quotients de nuptialité de 15 à 29 ans des générations féminines québécoises de 1941-1946 à 1961-1966

Source : D’après des calculs de l’auteur.
26En fait, ce n’est pas seulement en début de vie conjugale que le mariage est apparu de moins en moins nécessaire, c’est aussi le cas à d’autres étapes de la vie conjugale, y compris à la naissance d’un premier enfant. En effet, d’après les statistiques de l’état civil, le pourcentage de célibataires parmi les femmes accouchant d’un premier enfant est passé de 14 en 1976 à 20 en 1980, puis à un peu plus de 40 en 1988 et à plus de 60 à partir de 1996. On peut dire que l’union libre est ainsi devenue un substitut au mariage dans la mesure où ce dernier était traditionnellement considéré comme le fondement de la famille.
La montée de la divortialité
27Le divorce est devenu accessible au Québec à la suite de l’adoption en 1968 d’une loi fédérale applicable dans tout le pays. En principe, toute personne désirant divorcer a pu dès lors en faire la demande dans la province, soit en accusant le conjoint d’un grave problème de comportement (alcoolisme, toxicomanie, violence, etc.) ou d’un manquement aux obligations du mariage (adultère, abandon de famille, etc.), soit en invoquant une séparation d’au moins trois ans (cinq ans si c’est le requérant qui en a pris lui-même l’initiative). Les personnes séparées de longue date ont ainsi pu régulariser leur situation dès 1969 ou 1970, tandis que les autres ont dû attendre l’écoulement des délais requis. Les gens peu fortunés ont aussi dû attendre quelques années, leur accès au divorce n’ayant vraiment été assuré qu’après l’adoption de la loi sur l’aide juridique en 1972. Il en a sans doute été de même de nombreux habitants de régions éloignées des grands centres urbains, l’appareil judiciaire ayant pris quelque temps à leur offrir des services proches de leur domicile. C’est donc de façon progressive que le divorce est devenu facilement accessible à tous ceux qui le désiraient.
28On constate d’ailleurs que les premières années d’application de la loi ont été des années de progression du divorce (figure 3.4). L’indice synthétique de divortialité, qui résume la divortialité de l’année sous la forme d’un pourcentage de couples finissant par divorcer, est en effet passé de 8,8 % en 1969 à 36,1 % en 1975. Il est ensuite resté relativement stable pendant quelques années, indiquant par là même que la loi avait atteint son plein effet. Certes, il y a eu une nouvelle flambée de divorces dans les années 1981-1983, mais il s’agit là du résultat des mesures exceptionnelles prises à l’époque pour traiter les demandes demeurées trop longtemps en attente d’une décision (Dumas et Péron, 1992). D’ailleurs, en 1984 et 1985, la divortialité est revenue à son niveau antérieur.
29Une nouvelle loi fédérale adoptée en 1985 et mise en application en juin 1986 a considérablement facilité le divorce en le rendant plus rapide, moins coûteux et, autant que possible, moins dramatique. Elle a permis aux couples d’obtenir le divorce après un an de séparation au lieu d’attendre au moins trois ans pour en faire la demande. Elle a aussi considérablement allégé les procédures en autorisant les couples à fixer eux-mêmes les conditions et les effets de la rupture, le juge se contentant alors de vérifier la validité des ententes ainsi conclues. Enfin, la nouvelle loi a ordonné de rendre les effets du divorce indépendants des torts respectifs des époux.
30Les divorces sont alors devenus plus précoces, le mode de leur distribution se situant à 3 ou 4 ans de mariage et non plus à 4, 5 ou 6 ans comme auparavant (Duchesne, 2000). Il sont aussi devenus plus fréquents : depuis lors, en effet, l’indice synthétique est demeuré proche de 50 %, ce qui fait du Québec un des leaders mondiaux en la matière. Il faut noter cependant qu’aucune promotion de mariages n’a encore été exposée à une telle divortialité tout au long de son histoire et, par conséquent, qu’aucune d’entre elles n’a encore enregistré une telle proportion de divorcés en son sein. Le record serait actuellement détenu par les promotions formées vers 1975 et serait de l’ordre de 33 % à 25 ans de mariage.
FIGURE 3.4. Indice synthétique de divortialité pour 100 mariages, Québec, 1969-1997

Source : Institut de la statistique du Québec.
31Le divorce n’entraîne pas la dissolution de la famille et ne crée donc pas une nouvelle famille qui serait différente de l’ancienne. En effet, selon la Loi sur l’autorité parentale de 1977, les parents doivent continuer à coopérer après le divorce pour élever et éduquer leurs enfants, chacun conservant ses droits et devoirs envers eux. La garde des enfants peut d’ailleurs être partagée entre les ex-époux s’il n’y a pas de conflit entre eux. En cas de garde individuelle, celle-ci est souvent confiée à la mère au nom de l’intérêt de l’enfant et le père doit alors verser une pension alimentaire pour les enfants. Depuis la réforme du droit de la famille de 1980, le parent gardien peut continuer à occuper la maison familiale même si celle-ci appartient à l’ex-époux.
32Par ailleurs, le divorce ne met pas fin à l’obligation alimentaire envers le conjoint, du moins pas nécessairement. En effet, la loi fédérale sur le divorce de 1968 a étendu cette obligation conjugale à l’après-mariage en la rendant toutefois conditionnelle à l’existence de besoins non satisfaits : quand il en a les moyens, le conjoint le mieux nanti doit venir en aide au moins fortuné si celui-ci ne peut subvenir seul à ses besoins. Tout en maintenant cette obligation de solidarité jusqu’à l’accession du conjoint dépendant à l’autonomie financière, la loi sur le divorce de 1985 a permis l’octroi d’une pension en guise de compensation pour les difficultés financières résultant du mariage et de son échec. Dans l’arrêt Moge c. Moge de 1992, la Cour suprême du Canada a développé cette théorie de l’obligation compensatoire en précisant que la pension devrait être fixée de manière à garantir à sa créancière le même niveau de vie que pendant le mariage, de manière aussi à l’indemniser des préjudices qu'elle a subis et subira dans sa carrière si elle a cessé, interrompu ou réduit son activité pour s’occuper des enfants (Castelli et Dallard, 1993). La proportion d’ex-épouses recevant une pension alimentaire pour elles-mêmes aurait cependant diminué au fil du temps en raison principalement de la plus faible durée des mariages, de la plus grande présence des épouses sur le marché du travail, de la priorité accordée aux pensions alimentaires des enfants ainsi que de l’effet des mesures de protection de la résidence familiale et du partage du patrimoine.
33À la différence de la séparation de corps, le divorce donne accès au remariage. C’est d’ailleurs pour permettre aux divorcés catholiques de se remarier que le Québec a institué en 1968 un mariage civil optionnel. Les remariages de divorcés constitueront la très grande majorité des mariages civils dans les années suivantes, les autres mariages restant principalement des mariages religieux malgré la chute de la pratique du culte (Baillargeon, 1987). Tout comme celle des célibataires, la nuptialité des divorcés chutera brutalement dans la seconde moitié des années 1970 et au début des années 1980 pour osciller à partir de 1983 autour d’une tendance persistante, mais modérée, à la baisse. C’est ce qu’indique l’évolution de l’indice synthétique résumant cette nuptialité par un pourcentage de divorcés finissant par se remarier (figure 3.5). Le déclin de la nuptialité des divorcés est également lié à l’adoption de l’union libre, adoption d’autant plus fréquente que la loi de 1968 avait imposé une longue période d’inéligibilité au remariage à tous ceux qui voulaient divorcer sans accuser leur conjoint d’être responsable d’une situation intolérable.
L’adoption de l’union libre
34Le déclin de la nuptialité des célibataires et des divorcés a entraîné un véritable effondrement du système matrimonial, du moins aux âges les plus jeunes (figure 3.6). En 1966, la proportion de femmes déjà mariées s’élevait à 45 % à 20-24 ans et à 79 % à 25-29 ans, puis se maintenait entre 84 et 89 % aux âges supérieurs ; de plus, la proportion de femmes encore mariées était très proche de la proportion précédente jusqu’à l’âge de 45 ans environ. Trente ans plus tard, la situation était tout autre. D’une part, la proportion de femmes déjà mariées n’était plus que de 10 % à 20-24 ans, de 34 % à 25-29 ans et de 55 % à 30-34 ans. D’autre part, la proportion de femmes encore mariées était devenue très nettement plus basse que la proportion précédente chez les femmes dans la trentaine ou la quarantaine. C’est seulement chez les femmes les plus âgées que l’on notait en 1996 de plus fortes proportions qu’en 1966, tant dans la catégorie des femmes déjà mariées que dans celle des femmes encore mariées. L’effondrement du système matrimonial est évidemment lié à l’adoption de l’union libre.
FIGURE 3.5. Indice synthétique de nuptialité des divorcés et des divorcées, Québec, 1975-1995

Source : Institut de la statistique du Québec.
35L’émergence de l’union libre au tournant des années 1970 est inséparable d’autres faits qui ont rendu cette union envisageable et socialement acceptable comme prélude ou alternative au mariage. Portées par les nouvelles idéologies du temps — néoféminisme, contre-culture, doctrine des droits et libertés —, les valeurs d’égalité et de liberté ont alors pris le dessus sur toutes les autres. Les conduites dictées par les conventions sociales du passé ont ainsi régressé rapidement, comme l’atteste la chute de la pratique religieuse : le pourcentage de catholiques assistant à deux offices religieux ou plus par mois est passé de 88 en 1965 à 46 en 1975 (Caldwell et Gauthier, 1990). En même temps, les fréquentations ont empiété sur le mariage en devenant encore plus intimes grâce à la disponibilité de moyens de contraception modernes qui ont éliminé le risque de grossesse non désirée, grâce aussi à l’abaissement de l’âge de la majorité à 18 ans qui, dès 1972, a affranchi les plus jeunes du contrôle qu’exerçaient auparavant les parents et les adultes restés attachés aux anciennes normes morales ou religieuses. Par ailleurs, le mariage a perdu l’exclusivité qu’il détenait en matière familiale à la suite de l’octroi du droit d’adoption aux personnes non mariées en 1969 et de la reconnaissance des droits des enfants et parents naturels en 1970. De plus, allant au-delà de la conception du divorce comme remède aux situations intolérables, la loi de 1968 a donné d’emblée à chacun la liberté de rompre son mariage au prix d’une longue période d’inéligibilité au remariage. Enfin, préparée dès 1971, puis débattue dans les médias en 1973 et adoptée en 1975, la Charte des droits et libertés de la personne a édicté de nouvelles règles de la vie en société en proscrivant, notamment, les distinctions selon l’état matrimonial ou selon les circonstances de la naissance dans tous les cas où ces distinctions pourraient être sources de discrimination.
FICURE 3.6. Proportions de femmes déjà mariées et de femmes mariées, Québec, 1966 et 1996

Source : Institut de la statistique du Québec.
36Comme on l’a vu, la nuptialité a ensuite chuté de façon très spectaculaire. Certes, la croissance du chômage des jeunes hommes dans la seconde moitié des années 1970 et le début des années 1980 a dû entraîner l’ajournement de nombreux mariages. Certes, aussi, l’orientation d’un nombre croissant de jeunes vers les carrières professionnelles a dû avoir le même effet à cause de la prolongation des études qui en a résulté. Néanmoins, la raison principale de la chute a été la forte progression de l’union libre parallèlement à la diffusion d’une nouvelle conception des rapports amoureux.
37D’après Hurtubise, les correspondances amoureuses des années 1970 sont centrées sur « la recherche du bonheur personnel et du développement individuel » (Hurtubise, 1991 :124) et ne font plus mention d’un foyer ou d’une famille à fonder : « Le lien amoureux implique deux individus cherchant à se compléter, à se développer, à se faire plaisir mais jamais à produire une entité [conjugale et familiale] distincte comparable à celle identifiée aux périodes antérieures » (Hurtubise, 1991 :124). Comme le montrent les témoignages recueillis lors de l’Enquête sur le désir d’avoir des enfants, ces nouveaux traits du rapport amoureux ne sont pas perçus comme des obstacles à la cohabitation : « C’est au nom de l’idéal amoureux autant que pour des motifs de préparation scolaire et professionnelle que peut être reporté le moment où les compagnons de vie amoureuse acceptent de se voir et de se considérer mutuellement comme conjoints » (Bernier, 1996). L’union libre est alors incluse dans les fréquentations ; elle précède la naissance du couple et, a fortiori, la préparation de projets de mariage ou de reproduction.
38Une fois bien implantée, l’union libre a continuellement progressé jusqu’à la fin du siècle. La détérioration des conditions de vie des jeunes y a contribué en allongeant constamment la période de la vie allant de l’âge de la majorité à l’âge de l’accession à un emploi stable et rémunérateur. Certaines dispositions fiscales et sociales y ont également contribué en désavantageant les couples mariés des milieux modestes. Le renforcement des obligations du mariage a pu également dissuader les personnes désireuses de vivre en régime de séparation de biens. Le changement majeur de cette période est cependant le choix de l’union libre comme lieu de fondation de la famille : après exclusion des cas de recomposition familiale, les données de l’Enquête sociale générale de 1995 révèlent, en effet, que la proportion de couples en union libre à la naissance du premier enfant a grimpé de 7 % dans les années 1970 à 22 % dans les années 1980, puis à 31 % en 1990-1995 (Lapierre-Adamcyk et al., 1999). Les mêmes statistiques indiquent toutefois qu’un peu plus de la moitié des partenaires en union libre s’étaient mariés avant d’avoir leur premier enfant.
39Les figures 3.7 et 3.8 donnent la fréquence de l’union libre chez les célibataires et les divorcés au recensement de 1996. La proportion de femmes célibataires vivant en union libre était de 25 % à 20-24 ans, de 47 % à 25-29 ans, de 52 % à 30-34 ans et de 47 % à 35-39 ans. Chez les jeunes divorcées, cette proportion était comprise de 41 à 44 % entre 25 et 39 ans. Chez les hommes divorcés, la proportion se situait de 44 à 48 % entre 30 et 49 ans. Au total, les unions libres représentaient le quart de l’ensemble des unions.
40En ajoutant les unions libres aux mariages, on obtient des proportions de femmes ayant un conjoint qui sont nettement plus basses qu’en 1966, du moins pour les âges inférieurs à 50 ans (figure 3.9). La formation des unions n’a pourtant pas ralenti entre-temps, bien au contraire : les résultats de l’Enquête sociale générale de 1995 ont montré, en effet, que la moitié des jeunes Québécoises concluaient une première union avant 22 ans et 91 % avant 30 ans (Lapierre-Adamcyk et al., 1999). Mais ces unions sont très fragiles : plus du quart d’entre elles sont rompues avant 5 ans quand il s’agit d’unions libres, ce qui a été de plus en plus souvent le cas (Le Bourdais et Marcil-Gratton, 1996 ; Lapierre-Adamcyk et al., 1999). Même après la naissance d’un enfant, le risque de rupture de l’union demeure élevé, beaucoup plus élevé d’ailleurs dans le cas d’une union libre que dans celui d’un mariage direct (Neill et Le Bourdais, 1998). Cette très grande instabilité des unions contemporaines fait qu’à tout âge de plus en plus de personnes se retrouvent sans conjoint, soit temporairement, soit durablement. Sous-jacent à la crise du mariage, le déclin de la conjugalité pourrait bien en constituer l’épilogue.
FIGURE 3.7. Proportions de célibataires vivant en union libre selon l’âge et le sexe, Québec, 1996

Source : Recensement du Canada, 1996.
Les enjeux
41Parallèlement à la diffusion des nouveaux comportements conjugaux au sein de la population, il y a eu dans les trois dernières décennies du siècle tout un travail législatif qui a délesté les institutions du mariage et de la famille du poids d’une longue tradition culturelle et religieuse. D’une part, le législateur a dissocié les deux institutions en donnant aux enfants les mêmes droits, quelles que soient les circonstances de leur naissance. D’autre part, il a donné aux époux les mêmes droits et les mêmes devoirs, puis il leur a imposé un régime matrimonial plus contraignant que celui existant dans les autres provinces canadiennes (Bailey, 1999). Par ailleurs, il a progressivement accordé aux partenaires en union libre les mêmes avantages sociaux qu’aux personnes mariées, sans les soumettre aux mêmes obligations. Bien entendu, toutes ces réformes ont changé les enjeux du mariage et celles qui s’annoncent pourraient bien en provoquer l’abolition en tant qu’institution civile.
FIGURE 3.8. Proportions de divorcés vivant en union libre, Québec, 1996

Source : Recensement du Canada, 1996.
FIGURE 3.9. Proportions de femmes ayant un conjoint, Québec, 1966 et 1996

Source : Institut de la statistique du Québec.
Le mariage et la famille
42Parmi les réformes des années 1970, les plus lourdes de conséquences pour le mariage sont sans doute celles qui concernent le statut de l’enfant. On sait qu’auparavant on distinguait trois catégories d’enfants : les enfants légitimes qui, nés ou conçus pendant le mariage, bénéficiaient de droits spécifiques, tel celui d’hériter un jour de leurs ascendants et collatéraux ; les enfants illégitimes qui, nés hors mariage, étaient très pauvres en droits familiaux ; et, enfin, les enfants adoptifs que la loi de 1924 avait intégrés à la famille sans leur donner tous les droits des enfants légitimes. Les premières mesures visant à abolir ou à atténuer ces inégalités de statut datent du tournant des années 1970 :
Si la première loi québécoise concernant l’adoption remonte à 1924, il faut attendre 1969 pour que soit sanctionnée une loi sur l’adoption qui tienne compte prioritairement de l’intérêt de l’enfant adoptif et lui confère les mêmes droits que ceux dont jouissait l’enfant légitime. Le sort de l’enfant naturel fut adouci en 1970, lorsque des amendements au Code civil vinrent clarifier et accroître les droits et obligations des enfants et des parents naturels. Malgré cette intervention législative, l’enfant naturel n’avait toujours pas le même statut que l’enfant légitime, puisqu’il n’avait de droits qu’à l’égard de ses père et mère, à l’exclusion de ses autres ascendants. Qui plus est, en l’absence de testament l’instituant légataire, il ne pouvait recueillir la succession de ses parents ni, à plus forte raison, de ses grands-parents (Joyal, 1987 :157).
43Les droits qui manquaient encore à l’enfant illégitime lui ont finalement été accordés à la suite de la refonte en 1980 du droit de la famille. Depuis, l’enfant issu d’une union libre ou né hors union possède les mêmes droits que s’il était né dans le mariage.
44La réforme du statut de l’enfant illégitime clôt un très long chapitre de l’histoire du mariage. En effet, depuis des temps immémoriaux, le mariage remplissait une fonction discriminante que l’on a ainsi résumée : « Les rites de mariage sont institués [...] pour officialiser, pour socialiser la procréation. Désignant qui sont les pères, ils ajoutent une autre filiation à la filiation maternelle, seule évidente. Ils distinguent des autres les unions licites, ils attribuent aux enfants qui en naissent le statut d’héritiers, c’est-à-dire des ancêtres, un nom, des droits » (Duby, 1981 : 23). Dépouillé de cette fonction, le mariage a cessé d’être le fondement de la famille et a ainsi perdu une grande partie de sa raison d’être en tant qu’institution civile. Néanmoins, il a été conservé en tant qu’union contractuelle entre un homme et une femme.
Le nouveau mariage
45Les conditions de fond du mariage ont été peu modifiées. L’âge minimal au mariage a été repoussé à 16 ans pour les deux sexes tandis que l’autorisation des parents n’est plus nécessaire qu’avant 18 ans. Les interdits de parenté ont été réduits au minimum et ne concernent plus que les frères ou sœurs et les parents en ligne directe. L’absence de tout autre lien matrimonial est toujours exigée, bien que la polygamie soit permise dans les pays d’origine de certains immigrants. Enfin, le mariage est resté interdit aux conjoints de même sexe, mais la population semble favorable à la levée de cet interdit, la seule question en suspens restant celle de l’adoption. Ce sont surtout les rapports entre époux qui ont fait l’objet de réformes.
46Une première série de réformes a conduit à l’instauration de l’égalité des droits et devoirs des époux. Le principe d’une telle égalité a d’abord été inscrit dans la Charte des droits et libertés de la personne de 1975 et les dispositions juridiques qui n’y étaient pas conformes ont ensuite été éliminées par la Loi sur l’autorité parentale de 1977 et par le nouveau Code civil de 1980. C’est donc seulement au moment où les couples à deux revenus d’emploi sont devenus majoritaires dans la population qu’a disparu du Code civil l’ancien mariage « où le mari avait la charge de faire vivre la famille et, en contrepartie, disposait du pouvoir de direction » (Castelli et Dallard, 1993 : 68). Dans le nouveau mariage, le mari et la femme contribuent tous deux aux charges du ménage en proportion de leurs ressources et dirigent conjointement le ménage et la famille ; en outre, la femme ne prend plus le nom de son mari, mais conserve le sien, et son nom peut être attribué aux enfants, soit seul, soit en association avec celui du père.
47D’autres réformes, plus étalées dans le temps, ont été consacrées à une révision en profondeur des régimes matrimoniaux. Ces réformes s’apparentent à celles entreprises plus tôt dans quelques pays et ainsi décrites :
[Elles] peuvent se caractériser par la mise en œuvre d’une influence accrue du mariage et de la famille sur les rapports économiques des époux. Cette influence a une double manifestation. La première se trouve mise en relief par l’essai de synthèse des idées antithétiques d’indépendance et de communauté d’intérêts dans les régimes dits en participation. La seconde dépasse le niveau des régimes matrimoniaux, tel que compris jusqu’à nos jours, pour établir ce qu’on a convenu d’appeler régime matrimonial primaire ou régime matrimonial impératif de base applicable à tous les ménages indépendamment du régime matrimonial proprement dit qu’ils adoptent (Caparros, 1966 : 299).
48Au Québec, l’idée d’indépendance était déjà présente dans le régime légal de la communauté de biens puisque les biens séparés de la femme ne retombaient dans la communauté qu’à son décès ou à celui de son mari. La même idée a été intégrée dans le nouveau régime légal adopté en 1969, celui de la société d’acquêts ; ce régime permet en effet à chacun des époux de conserver la propriété et la gestion de ses revenus, de ses épargnes et de ses biens jusqu’au partage en fin d’union de ce qui a été acquis depuis la célébration du mariage. Les mesures impératives, applicables quel que soit le régime matrimonial, ont été prises au moment de la refonte partielle du Code civil en 1980. La plus significative est celle qui interdit l’aliénation de la résidence familiale par un seul des conjoints et qui en réserve l’usage ou la propriété au parent gardien après la rupture. Une autre mesure, également significative, est celle qui prévoit le versement d’une prestation compensatoire à la femme qui aurait contribué au succès d’une entreprise appartenant à son mari sans en tirer profit durant le mariage. Ce régime impératif de base a été parachevé en 1989 par la Loi sur le patrimoine familial qui impose, à la fin de l’union, le partage de la valeur nette des résidences, des meubles et des automobiles du couple ainsi que des droits accumulés dans les régimes de retraite et les fonds de pension. En incluant ainsi dans le patrimoine familial tous les biens ordinaires de la plupart des ménages, le législateur a considérablement réduit la portée des régimes conventionnels de séparation de biens.
49La Loi sur le patrimoine familial a suscité une vive controverse au moment de son adoption. Selon ses partisans, la loi devait être rétroactive afin de rendre moins pénibles les effets économiques d’un divorce pour les femmes déjà mariées en séparation de biens. Sur leur avis, le législateur décidait donc d’invalider toutes les ententes patrimoniales conclues dans le passé, sauf dans le cas où les époux seraient tous deux d’accord pour signer dans les 18 mois un acte notarié les exemptant de l’application de la loi. Pour ses adversaires, cette loi adoptée à la hâte était excessive et à contre-courant : « N’est-ce pas à l’occasion de l’affrontement sur le principe de la liberté de tester que s’est faufilée subrepticement, grâce à un groupe de personnes bien intentionnées, l’idée d’une loi empruntée à l’Ontario, portant sur un pseudo-patrimoine familial à partager entre les époux, alors même que la province voisine et inspiratrice venait d’abroger ladite loi compte tenu de ses effets pervers ? » (Pineau, 2000 :16). Selon eux, il aurait été possible de traiter les cas litigieux sans remettre en jeu tous les contrats existants et sans prendre le risque d’éloigner désormais du mariage, ou du remariage, des personnes qui l’auraient envisagé sous un véritable régime de séparation de biens (Provost, 1994). Quoi qu’il en soit, cette loi a imposé un modèle unique de mariage, celui où les époux renoncent à leur indépendance économique pour former une petite société coopérative dont le capital sera à partager en parts égales en fin d’union.
Le scénario de la fin ?
50L’attitude du législateur à l’égard de l’union libre semble avoir été guidée par deux principes particulièrement conciliants. Le premier principe a consisté à « [p]réserver une réelle liberté de choix pour les couples, c’est-à-dire ne pas régir dans le Code civil les rapports privés entre les conjoints de fait par des règles particulières et automatiques » (Lepage, 1994 : 207). Contrairement aux époux, les conjoints de fait peuvent donc vivre ensemble, puis se séparer, sans avoir d’obligations légales particulières l’un envers l’autre, et sans que leur union ait d’effets patrimoniaux. S’ils le désirent, ils peuvent certes se lier par contrat, mais ce contrat ne comporte aucune clause obligatoire et ils sont libres de choisir eux-mêmes leurs obligations mutuelles durant l’union et à la séparation. Le second principe a consisté à « rechercher la neutralité des lois sociales vis-à-vis du choix du mariage et de l’union libre » (Ibid. : 208). On présume alors que l’union libre devient assimilable à un mariage à la suite de la naissance d’un enfant ou au bout d’un certain temps de vie commune. Dans les programmes d’assistance sociale, la durée retenue est généralement d’un an. Dans les programmes d’assurance sociale, elle est habituellement de trois ans si le couple n’a pas d’enfant et d’un an s’il en a, à condition cependant que l’union soit connue de l’entourage et qu'elle ne coexiste pas avec un mariage non dissous ; les mêmes règles s’appliquent aux régimes complémentaires de retraite depuis 1990. De cette façon, les conjoints de fait peuvent bénéficier, au bout d’un certain temps, de la plupart des avantages sociaux consentis aux personnes mariées tout en étant dispensés des obligations du mariage.
51Mariage et union libre pourraient cependant cesser d’être à la source d’avantages sociaux particuliers. On sait qu’une grande partie du droit social a été conçue à l’époque où presque tout le monde se mariait et où il existait une grande interdépendance entre époux en raison de la complémentarité de leurs rôles dans la famille ; pour cette raison, il comprend de nombreuses mesures de compensation des conséquences économiques d’un accident, d’une longue maladie ou du décès de l’un des époux. Plus récemment, ces acquis sociaux ont été étendus aux unions libres hétérosexuelles, puis, en 1999, aux unions homosexuelles. De nombreuses dispositions du droit social contemporain sont ainsi fondées sur la notion de conjugalité et c’est ce qui est remis en cause aujourd’hui par la Commission du droit du Canada. Selon la présidente de la Commission, « les catégories juridiques du mariage et de la conjugalité sont peut-être dépassées » en raison de l’actuelle diversité des modes de vie (Des Rosiers, 2001). Après avoir fait remarquer que « le fait que les politiques publiques s’appuient sur le mariage, ou même la conjugalité, a eu, et continue d’avoir, des conséquences néfastes qui minent les rapports personnels », elle note que de telles politiques sont contraires aux valeurs fondamentales de la démocratie : « Le fait d’insister sur un modèle de rapports humains qui crée des difficultés symboliques ou subtiles, ou pratiques ou financières pour tout autre style de vie est incohérent avec une vision de liberté. C’est également contraire à une hypothèse d’égalité » (Des Rosiers, 2001). Bref, au lieu de favoriser la vie de couple par des avantages réservés aux conjoints, les politiques gouvernementales devraient être neutres vis-à-vis de tous les styles de vie impliquant une interdépendance économique ou affective entre adultes. Seraient ainsi placés sur le même plan les couples, les fratries, les autres groupes de parents, les colocataires non apparentés, etc. Traité de la même façon que les partenariats non conjugaux, le couple cesserait d’être considéré comme la cellule structurante de la société.
52On pourrait alors incorporer le mariage dans une nouvelle institution civile regroupant tous les partenariats reconnus par la loi, c’est-à-dire l’abolir en tant qu’institution distincte. Sans le proposer explicitement, la présidente de la Commission du droit du Canada évoque en ces termes les bienfaits qui en résulteraient pour les enfants : « Selon moi, cette insistance à considérer le mariage comme concept fondamental contribue au sentiment de perte, de tristesse et même de désastre des enfants lorsque leurs parents se séparent. C’est comme si le droit renforçait l’image de l’échec. Si, au lieu de positionner les rapports matrimoniaux au centre de la vie de famille, on proposait que les rapports parentaux, ou même le réseau de proches, deviennent le paradigme fondamental, le point de mire passerait de l’échec matrimonial à l’évolution d’arrangements pour procurer des soins attentifs. La séparation et le divorce des parents pourraient être vus comme une réorganisation des horaires plutôt que comme une brisure familiale » (Des Rosiers, 2001). Ainsi, c’est au nom de l’intérêt de l’enfant que pourrait disparaître un jour une institution civile que l’on croyait destinée à le socialiser et à le protéger.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
BIBLIOGRAPHIE
Bailey, M. 1999. Le mariage et les unions libres. Ottawa, Commission du droit du Canada [En ligne], <http://www.lcc.gc.ca/ff/themes/pr/cpra/bailey/bailey_main.asp> (page consultée le 10 juin 2003).
Bailargeon, J.-P. 1987. « Les mariages religieux, 1976-1985 », Recherches sociographiques, XXVIII, 2-3.-341-348.
10.7202/001056ar :Bernier, L. 1996. « L’amour au temps du démariage », Sociologie et sociétés, XXVIII, 1 :47-61.
Caldwell, G. et M. Gauthier. 1990. « Institutions religieuses », dans S. Langlois, éd. La société québécoise en tendances, 1960-1990. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture : 347-353.
10.7202/1004234ar :Caparros, E. 1966. « Antithèses et synthèse des régimes matrimoniaux », Les cahiers de droit, 7, 2 : 289-306.
Castelli, M.-D. et E.-O. Dallard. 1993. Le nouveau droit de la famille au Québec. Projet de code civil du Québec et loi sur le divorce. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université Laval, 527 p.
Dagenais, D. 2000. La fin de la famille moderne, signification des transformations contemporaines de la famille. Québec (Sainte-Foy), Les Presses de l’Université Laval, collection Sociologie contemporaine, 276 p.
Dandurand, R. B. 1988. Le mariage en question. Essai sociohistorique. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 189 p.
Des Rosiers, N. 2001. Le concept de la conjugalité dans les lois et politiques sociales ? Notes pour une allocution prononcée dans le cadre de la conférence International Society of Family Law, Kingston (Ontario), du 14 au 16 juin 2001. Ottawa, Commission du droit du Canada [en ligne], <http://www.lcc.gc.ca/fr/pc/speeches/20010614.asp> (page consultée le 10 juin 2003).
Duby, G. 1981. Le chevalier, la femme et le prêtre : le mariage dans la France féodale. Paris, Hachette, 311 p.
Duchesne, L. 2000. La situation démographique au Québec — Bilan 1999. Rétrospective du xxe siècle. Québec, Institut de la statistique du Québec, collection La démographie, 292 p.
Duchesne, L. 1998. La situation démographique au Québec, édition 1998. Québec, Bureau de la statistique du Québec, collection Statistiques démographiques, 256 p.
10.7202/600725ar :Duchesne, L. 1976. « Les tables de nuptialité du Québec établies à partir des recensements de 1971, 1961 et 1941 et un aperçu des tendances récentes de la nuptialité des générations », Cahiers québécois de démographie, 5, 3 : 169-198.
Dumas, J. et A. Bélanger. 1997. Rapport sur l’état de la population du Canada, 1996. Les unions libres au Canada à la fin du xxe siècle. Ottawa, Statistique Canada, collection La Conjoncture démographique, no 91-209-XPF au catalogue, 192 p.
Dumas, J. et Y. Péron. 1992. Mariage et vie conjugale au Canada. Ottawa, Statistique Canada, collection La Conjoncture démographique, catalogue 91-534F Hors série, 167 p.
Dumont-Johnson, M. 1971. « Histoire de la condition de la femme dans la province de Québec », dans M. Dumont-Johnson, M. W. Labarge et M. E. MacLellan. Tradition culturelle et histoire politique de la femme au Canada. Études préparées pour la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada. Ottawa, Information Canada.
Henripin, J. et Y. Péron. 1972. « Évolution démographique récente du Québec », Annuaire du Québec : 202-219.
10.4000/books.ined.17587 :Henripin, J. 1954. La population canadienne au début du xviiie siècle : nuptialité, fécondité, mortalité infantile. Paris, Institut national d’études démographiques et Presses Universitaires de France, collection Travaux et documents de L’ined, cahier no 22, 129 p.
Hurtubise, R. 1991. « La parenté dans les rapports amoureux : analyse d’un siècle de correspondances amoureuses au Québec (1860-1988) », dans B. Bawin-Legros et J. Kellerhals, éd. Relations intergénérationnelles : parenté, transmission, mémoire. Genève et Liège, Université de Genève et Université de Liège : 115-124.
Joyal, R. 1987. « La famille entre l’éclatement et le renouveau : la réponse du législateur », dans R. B. Dandurand, éd. Couples et parents des années quatre-vingt. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, collection Questions de culture, no 13 : 147-161.
Lacoursière, J. 1995. Histoire populaire du Québec. Québec, Éditions du Septentrion, 4 vol.
Lalonde, C.-H. 1950. Abrégé du code civil de la province de Québec en tableaux synoptiques. Montréal, Wilson et Lafleur, 130 p.
Langlois, S. 1990. « L’avènement de la société de consommation : un tournant dans l’histoire de la famille », dans D. Lemieux, éd. Familles d’aujourd’hui. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture : 89-113.
Lapierre-Adamcyk, É., C. Le Bourdais et N. Marcil-Gratton. 1999. « Vivre en couple pour la première fois : la signification du choix de l’union libre au Québec et en Ontario », Cahiers québécois de démographie, Numéro spécial sur « L’union libre », 28, 1-2 : 199-227.
10.3138/jcfs.27.3.415 :Le Bourdais, C. et N. Marcil-Gratton. 1996. « Family Transformations Across the Canadian/American Border : When the Laggard Becomes the Leader », Journal of Comparative Family Studies, xxvii, 2 : 415-436.
Lemieux, D. et L. Mercier. 1989. Les femmes au tournant du siècle, 1880-1940 : âges de la vie, maternité et quotidien. Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 398 p
Lepage, F. 1994. « La famille et l’union libre font-elles bon ménage ? », dans G. Pronovost, éd. Comprendre la famille. Actes du symposium québécois de recherche sur la famille. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université du Québec : 197-210.
Linteau, P.-A., R. Durocher et J.-C. Robert. 1989. Histoire du Québec contemporain. 2 vol. Montréal, Boréal, collection Boréal compact, nos 14 et 15.
Moreux, C. 1969. Fin d’une religion ? Monographie d’une paroisse canadienne-française. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 485 p.
Neill, G. et C. Le Bourdais. 1998. Dissolution des premières unions fécondes au Canada : une analyse de risques dans un contexte de changements. Communication présentée à la Chaire Quetelet 1998, Louvain-la-Neuve, Belgique, 24-27 novembre 1998, 24 p.
Pineau, J. 2000. Le nouveau code civil et les intentions du législateur. Montréal, Les Éditions Thémis, 39 p.
Pineau, J. 1976. Mariage, séparation, divorce : l’état du droit au Québec. Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 289 p.
10.2307/j.ctv18ph3fs :Provost, M. 1994. « Le mariage et l’union libre au Québec : quelle(s) politique(s) doit-on suivre à l’aube du xxie siècle ? », dans G. Pronovost, éd. Comprendre la famille. Actes du symposium québécois de recherche sur la famille. Sainte-Foy, Les Presses de l’Université du Québec : 127-144.
Auteur
Professeur honoraire et expert-démographe au Département de démographie de l’Université de Montréal, s’est particulièrement intéressé aux indicateurs démographiques de santé et à l’évolution du mariage et de la famille au Canada. Il est membre du Centre interuniversitaire d’études démographiques (cied). perony@sympatico.ca
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'éducation aux médias à l'ère numérique
Entre fondations et renouvellement
Anne-Sophie Letellier et Normand Landry (dir.)
2016
L'intégration des services en santé
Une approche populationnelle
Lucie Bonin, Louise Belzile et Yves Couturier
2016
Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé
Jean-Christophe Bélisle Pipon, Béatrice Godard et Jocelyne Saint-Arnaud (dir.)
2016
La détention avant jugement au Canada
Une pratique controversée
Fernanda Prates et Marion Vacheret (dir.)
2015
La Réussite éducative des élèves issus de l'immigration
Dix ans de recherche et d'intervention au Québec
Marie McAndrew (dir.)
2015
Agriculture et paysage
Aménager autrement les territoires ruraux
Gérald Domon et Julie Ruiz (dir.)
2014