Chapitre 4. Le facteur « international » en politique comparée
p. 87-113
Texte intégral
1La politique comparée est un champ récent de la science politique, mais elle est issue d’une longue tradition d’analyse empruntant à l’Antiquité grecque ou encore aux XVIIIe et XIXe siècles européens. La méthode comparative telle qu’elle est actuellement entendue est fort différente de ce qui était pratiqué à ces époques, notamment parce qu’elle a gagné en capacité d’affinement et de systématisation. Cependant, elle partage les mêmes préoccupations, c’est-à-dire proposer des explications aux similitudes et aux différences entre des pays, des institutions ou encore des processus politiques.
2Certaines des traditions de ce champ en science politique ont toujours accordé une attention à « l’international », mais il était également possible et courant d’être un « comparatiste » reconnu sans porter un intérêt au système international ou aux conséquences internes des phénomènes externes aux objets étudiés. La période pendant laquelle on parlait de comparative government pour désigner un champ s’intéressant essentiellement à l’étude des institutions le montre bien. Mais récemment, il est devenu de plus en plus difficile de laisser de côté cet « international », parce que les phénomènes transnationaux, les rapports transfrontaliers, ainsi que les institutions internationales et la gouvernance à niveaux multiples, s’imposent dans « le vrai monde » et influencent le programme de recherche des comparatistes. Dans ce court texte, nous présentons d’abord la politique comparée comme champ de la science politique, nous nous attelons ensuite, par le biais des principales approches en politique comparée, à mettre en exergue la manière dont certains comparatistes abordent le domaine de l’international et l’intègrent à l’explication des similitudes et des différences entre les phénomènes qu’ils comparent.
L’histoire et la spécificité de la politique comparée
3Les politologues se regroupent en plusieurs champs, à savoir la politique comparée, les relations internationales, les politiques publiques, les comportements électoraux, les idées politiques et ainsi de suite. Ces champs se distinguent en général par les objets qui intéressent leurs adeptes. Par exemple, les relations internationales sont identifiées surtout par un intérêt pour « les phénomènes sociaux internationalisés », notamment la paix et la guerre, le système international ou encore les organisations et institutions internationales. La politique comparée, au contraire, ne se distingue pas comme champ en science politique par ses objets de recherche. S’il en est ainsi, c’est parce que de tous ces champs, la politique comparée est le plus transversal, car elle fournit des outils méthodologiques essentiels à la discipline, notamment la méthode comparative. Elle se présente donc comme un dénominateur commun des politologues qui, quel que soit leur champ d’appartenance, ne peuvent s’en passer. Cette particularité explique la tendance à la confondre parfois avec d’autres champs comme les relations internationales.
4Cependant, la politique comparée est un champ à part entière en science politique, car elle a une histoire et dispose de traditions d’analyse qui la spécifient. La comparaison, en tant que pratique, est récurrente depuis très longtemps, le consensus voulant qu’Aristote (384-322 av. J.-C.) ait été le premier comparatiste. Mais il a fallu attendre vingt-quatre siècles pour que se mette en place ce champ au sein d’une science politique elle-même à créer. Dans ces processus, les traditions européennes et surtout françaises ne sont pas les mêmes que celles de l’Amérique du Nord.
5En Europe, si l’influence de la philosophie sur la science politique est chronologiquement la plus ancienne, avec l’héritage des auteurs classiques grecs tels que Platon ou Aristote, c’est cependant l’influence juridique avec l’étude des institutions et du pouvoir qui a été la plus forte, notamment dans le monde francophone. En France, dans les années 1940, de grands juristes comme Léon Duguit, Georges Burdeau ou Maurice Horiou ne voulaient pas d’une étude sociopolitique de la production du droit ou, en d’autres termes, d’une science politique. De nombreux auteurs lui refusaient le statut de discipline et la « prétendue science politique » n’était rien d’autre à leurs yeux que du droit constitutionnel. La science politique n’a donc gagné son autonomie dans le monde francophone que tardivement, c’est-à-dire dans les trois dernières décennies du XXe siècle1.
6La situation est différente dans le monde anglophone où la science politique s’est émancipée dès la fin du XIXe siècle. Les auteurs pionniers de l’époque, comme Walter Bagehot, Woodrow Wilson et beaucoup d’autres, s’intéressaient surtout à la question de la démocratie et de son développement. Ils constataient également l’importance des institutions, des constitutions et du droit pour le bon fonctionnement de la démocratie. Intellectuels engagés, ils pratiquaient ainsi une activité comparative classique, dominée par l’institutionnalisme. Ils essayaient de comprendre les différences entre les institutions qui fonctionnaient bien et celles qui éprouvaient des difficultés de gestion et de pratiques. Cette méthode était employée d’abord pour comprendre le modèle institutionnel et politique des pays européens et des États-Unis. Elle fut utilisée ensuite en vue de suggérer les meilleures institutions qui pourraient régir, par exemple, les pays qui étaient sur le point d’adopter le suffrage universel ; l’Allemagne ruinée par la guerre de 1914-1918 et, plus tard, les pays d’Asie et d’Afrique ayant acquis leur indépendance durant les années 1950-1960. En France comme dans le monde anglophone, néanmoins, l’international était rarement un facteur intervenant dans les travaux produits par ces études dites de « gouvernement comparé ».
7Alors que les études de gouvernement comparé remontent à très longtemps, la politique comparée n’est apparue aux États-Unis et au Canada qu’après 1945. À ce moment, un groupe de chercheurs rejetant l’institutionnalisme classique pour se concentrer sur les comportements et la culture politique s’imposa dans le milieu universitaire. Bien financés par les fondations américaines, de jeunes chercheurs comme Gabriel Almond, David Easton, Seymour Martin Lipset et Roy Macridis préparaient la « révolution behavioriste » qui finit par s’imposer dans les années 1950. Ils furent à même de mettre en œuvre leur programme pour la politique comparée, envoyant des étudiants sur le terrain en Afrique, en Asie et en Amérique latine, menant des enquêtes, mettant au jour des similitudes entre des systèmes politiques pourtant très différents.
8L’objectif des premiers behavioristes était d’éviter les « avatars » et les « spéculations » des institutionnalistes. Ils n’avaient aucunement l’intention de se tourner vers l’international. Mais les études développementalistes qui se sont inscrites dans la foulée du behaviorisme ont été parmi les premières à sortir des études de gouvernement comparé centrées sur l’Europe et l’Amérique du Nord pour s’intéresser aux nouveaux pays indépendants d’Afrique et d’Asie, mais toujours en portant une attention particulière aux facteurs internes comme la culture politique. De leur côté, les critiques du behaviorisme ont formé leur propre école de politique comparée, produisant des analyses comparatives structuralistes et historiques. Ils réagissaient contre les excès du behaviorisme, mais privilégiaient également des études empiriquement fondées à partir desquelles ils cherchaient à proposer des généralisations. C’est à partir de ce moment que l’attention portée aux facteurs internationaux s’affirma davantage, comme on le verra plus loin dans les travaux de pionniers comme Theda Skocpol.
9En France, l’analyse comparative a longtemps été laissée aux sociologues, dans un champ nommé sociologie comparative. Puis, à partir des années 1970, des pionniers français tels que Guy Hermet, Bertrand Badie, Jean-François Médard, Daniel-Louis Seiler, Yves Mény et Marie-France Toinet, commencèrent à produire des analyses politiques comparatives. Ils ont été suivis de nombreux autres chercheurs, aujourd’hui engagés dans l’enseignement et la recherche, de sorte qu’en Europe comme en Amérique du Nord, la politique comparée est devenue un champ à part entière de la science politique.
10Indépendamment des milieux universitaires, la politique comparée se caractérise à présent par la confrontation entre des institutions, des structures sociales et des comportements situés dans un temps et un espace spécifiques. La prise en compte de la dimension spatiale incline parfois la politique comparée à s’intéresser à l’international et fait qu’elle recoupe certaines branches des relations internationales, comme les travaux sur le transnationalisme. Mais de ce fait, elle prend ses distances par rapport aux hypothèses de l’universalité des comportements et se distingue alors d’autres démarches en relations internationales comme les analyses réalistes fondatrices de Hans Morgenthau. Ce dernier estime que la compréhension des relations internationales passe par le principe de l’intérêt national, exprimé en termes de puissance, qui, en plus d’être l’essence du politique, demeure fixe quels que soient le temps et le lieu.
11Un deuxième angle – plus important et permettant d’identifier le champ de la politique comparée et d’appréhender comment il traite « l’international » – nous montre qu’on ne peut éviter la question des facteurs pertinents afin d’expliquer les similarités et les différences entre les phénomènes que nous mettons en relation. Doit-on privilégier les cultures locales, les motivations des individus, l’histoire des contextes, les structures sociales, politiques et économiques… ou même les facteurs externes et « internationaux » ? Ce questionnement renvoie aux approches théoriques, c’est-à-dire aux diverses manières concurrentes utilisées par les comparatistes pour comprendre les facteurs qui expliquent les similitudes et les différences entre les pays, les processus et les institutions politiques. Nous pouvons en identifier cinq, chacune pouvant ou non intégrer les facteurs internationaux dans la comparaison : les approches historique, économique, culturelle, stratégique et institutionnelle2. Ces approches sont exposées dans ce texte sur la base des quelques thèmes-clés mobilisant les comparatistes : la formation de l’État moderne et des institutions et processus qui s’y sont élaborés ; la problématique du développement et les processus de changement politique ; la démocratie, le processus de la démocratisation et le rapport éventuel entre la démocratie et le développement.
L’approche historique et l’international : l’État et la guerre
12L’approche historique (appelée aussi l’analyse historique comparative) consiste, pourrait-on dire en simplifiant, à étudier l’histoire ainsi que les phénomènes contemporains en vue de montrer comment les sociétés fonctionnent et se transforment. Ses adeptes s’intéressent surtout à des objets macrosociologiques comme l’État, la démocratie ou le développement, qui sont considérés par Daniel-Louis Seiler comme « les gros rochers de science politique », à partir d’une perspective méthodologique selon laquelle, dans les mots de Theda Skocpol (1984), il faut voir grand (think big).
13Cette approche a une longue tradition au sein de plusieurs sciences sociales. Les pères fondateurs de la politique comparée du XIXe siècle, comme Karl Marx, Max Weber et Émile Durkheim, ont tous eu recours à l’histoire dans leurs travaux. Ensuite, au début du XXe siècle, d’éminents chercheurs européens comme Otto Hintze ou Marc Bloch ont produit des analyses historiques de grands phénomènes de transformation sociale. Les travaux d’Otto Hintze sur l’État ont inspiré de nombreuses recherches durant les dernières décennies du XXe siècle, alors que ceux de Marc Bloch sur l’histoire de la société féodale ont stimulé les analyses macrohistoriques en général. Plusieurs chercheurs, surtout dans le monde francophone, ont fait la découverte du sociologue Norbert Elias (1977), qui a proposé des thèses sur la sociogenèse et la psychogenèse des civilisations à partir des années 1930, mais qui étaient restées dans l’anonymat jusqu’à tout récemment.
14L’attention portée à l’international est présente dans certains de ces travaux fondateurs. Ainsi, la guerre est une des clés du processus de monopolisation qu’Elias place au cœur de la construction de l’État en Europe au sortir de la période féodale. De même, bien que Marx n’ait pas laissé une théorie des relations internationales en tant que telle, ses analyses des causes et des mécanismes de l’expansion capitaliste ont alimenté les théories de l’impérialisme et les analyses néo-marxistes du développement et du sous-développement.
15Dans les années 1980 et 1990, on assista à un renouveau des perspectives historiques chez les comparatistes. Des auteurs ont commencé à dialoguer entre eux sur des enjeux théoriques fondamentaux, mais aussi à débattre avec ceux qui utilisent d’autres approches (stratégique, économique, postmoderne) de questions ontologiques et épistémologiques. Ce renouveau de l’analyse historique comparative montre peu de signes d’essoufflement (voir Kohli 1995 ; Mahoney et Reuschemeyer 2003).
16L’émergence de l’approche historique en politique comparée s’est faite, comme cela arrive souvent en sciences sociales, en réaction aux perspectives explicatives dominantes du moment. Rejetant aussi bien un institutionnalisme classique axé sur le droit, qu’elle accusait de naïveté, que le behaviorisme, auquel elle reprochait d’être ahistorique et trop universalisant, une nouvelle génération de chercheurs dans les années 1970 se regroupa autour de l’idée que l’histoire devait être prise au sérieux et mise au centre des analyses en politique comparée.
17L’ouvrage qui a transformé les objectifs et les aspirations de l’analyse historique comparative, sans pour autant y intégrer pleinement l’international, est incontestablement celui de Barrington Moore (1969) sur Les origines sociales de la dictature et de la démocratie, qui traitait du rapport entre le développement économique et la démocratie. La distinction opérée par Moore entre les trois trajectoires distinctes d’entrée dans le monde moderne constituait une réponse directe à la perspective ahistorique, évolutionniste et téléologique de ses contemporains. Il a démontré qu’il pouvait exister plusieurs trajectoires menant aussi bien à des formes non démocratiques que démocratiques, y compris en Europe, et même en présence d’un haut niveau de développement économique. Moore a présenté ses généralisations sous la forme d’une grande carte couvrant de vastes terrains sur la base d’enquêtes détaillées sur des cas spécifiques. Cela signifie qu’il a prêté une attention soutenue non seulement aux détails historiques, mais surtout à un répertoire limité de configurations.
18L’auteur a entrepris ces recherches afin de démontrer comment chaque histoire est dominée par une configuration particulière de classes, de régime politique et de révolution. Au terme de cette investigation, Moore pu alors généraliser et établir que la commercialisation de l’agriculture était un facteur causal clé. Quand cette commercialisation se produit, l’aristocratie foncière s’allie aux classes urbaines bourgeoises pour limiter l’appétit absolutiste et lancer une révolution démocratique. En l’absence de commercialisation de l’agriculture, deux autres cas de figure sont possibles : soit persiste une masse rurale qui sera mobilisée dans une révolution communiste, soit l’aristocratie assujettit les paysans et les contraint à rester sur les terres, situation qui, en présence d’une croissance industrielle, mène au fascisme.
19On peut aisément constater que les variables clés pour Moore étaient toutes d’ordre interne. Néanmoins, plusieurs chercheurs inspirés par son ouvrage se sont tournés vers une analyse du poids de « l’international », en cherchant à comprendre la part d’explication apportée par le système international d’États protecteurs de leur souveraineté. La formation de l’État moderne et national en Europe, enjeu clé de la politique comparée, permet particulièrement d’illustrer cette utilisation du facteur international.
20Dans un ouvrage publié en 1979, Theda Skocpol a abordé le sujet par une problématique cherchant à établir les causes communes de la réussite de trois révolutions sociales et politiques ayant ouvert la route à un État moderne : les révolutions française, russe et chinoise. Comme Barrington Moore, Skocpol analyse les relations entre paysans et propriétaires fonciers sur la base de leurs capacités d’organisation respectives. Afin d’identifier les conditions d’émergence de situations révolutionnaires, elle montre comment les relations économiques transnationales et le système international d’États en compétition influencent les transformations domestiques. Cette entreprise a donné lieu à une analyse qualifiée de « statiste », puisque, dans sa quête des conditions d’émergence des situations révolutionnaires, l’auteur se concentre sur les rapports entre l’État, ses structures administratives et sécuritaires et les classes sociales dominantes, tout en accordant une place centrale aux rivaux militaires externes. Du reste, Skocpol décrit l’État comme une entité Janus, à l’intersection des politiques domestiques et du système international d’États. Nous sommes ici en pleine opérationnalisation systématique du facteur international agissant comme une contrainte structurelle, et ce, au sein d’un des textes les plus marquants en politique comparée.
21Charles Tilly (1990), autre poids lourd de l’approche historique, nous propose une prise en compte du facteur international en retraçant le processus de développement politique en Europe de 990 à 1990. Tilly démontre comment l’activité guerrière et l’expansion commerciale ont conduit, au fil du temps, à la création de l’État, ainsi qu’à des types d’État particuliers, incluant les institutions de la démocratie représentative et les mécanismes de partage du pouvoir, piliers de la citoyenneté moderne. Donc, pour Tilly, l’émergence de la citoyenneté en Europe est le produit d’une forme d’entente entre l’État et les groupes de capitalistes naissants, qui étaient disposés à payer des impôts en échange de leur participation aux affaires publiques et de la garantie de leur protection par les forces armées. Celles-ci sont, bien entendu, constituées avant tout par l’État afin de protéger son territoire contre des agressions externes. La citoyenneté, liée à l’État moderne, n’apparaît en France ou en Grande-Bretagne que lorsque capital et contrainte existent et interagissent. Dans cette comparaison, apparaît la parfaite opérationnalisation du facteur international. En effet, Tilly montre que, dans les régions où dominent les cités-États fondées presque exclusivement sur les intérêts du capital, l’évolution est différente. Ces cas renforcent a contrario l’idée que l’interdépendance entre la politique intérieure et extérieure est à la base de l’émergence de l’État et de la citoyenneté modernes.
22Enfin, plus récemment, Thomas Ertman (1997) a proposé une autre thèse au sujet de la relation entre les facteurs internationaux, notamment la guerre, et les facteurs internes, en vue d’expliquer pourquoi les États européens apparus avant la Révolution française ont suivi des trajectoires différentes. Pourquoi certains États sont devenus absolutistes alors que d’autres sont devenus constitutionnels ? Qu’est-ce qui a permis à certains de développer des structures bureaucratiques alors que d’autres sont restés patrimoniaux ? Ertman propose deux facteurs explicatifs : l’un, interne, renvoie au gouvernement, et l’autre, externe, renvoie à la concurrence militaire. C’est l’interaction spécifique entre ces deux facteurs qui explique les variations à travers le continent européen.
L’approche économique et l’analyse de la relation entre économie et démocratie
23L’idée selon laquelle il existe un lien entre les formes politiques et économiques est profondément enracinée dans l’œuvre des penseurs politiques, et donc en politique comparée. La dimension économique est présente dans la plupart des écoles de la politique comparée, comme nous l’avons déjà vu chez des auteurs de l’approche historique. Pour Barrington Moore, par exemple, la structure de classes et les rapports économiques jouent un rôle important dans la trajectoire politique suivie par les pays étudiés. De même, Theda Skocpol explique que la position d’un pays dans la structure économique mondiale joue un rôle important dans la possibilité qu’y survienne une révolution. Chez Charles Tilly, c’est la concentration du capital qui est importante, car elle nourrit l’appareil guerrier sans lequel le processus de la formation de l’État moderne ne peut se produire.
24Cependant, les méthodes employées par Moore, Skocpol et Tilly diffèrent de celles élaborées par des auteurs concernés par l’« approche économique ». À l’inverse des premiers, qui donnent le primat aux développements historiques dans lesquels sont insérées les formes économiques, les seconds utilisent l’économie en tant que variable indépendante. Leurs travaux suivent deux types de stratégies. Il y a d’abord une variante libérale qui cherche à comprendre les fondements économiques – en termes de structures ou de distribution des biens et richesses – des formes politiques. Les développementalistes qui ont cherché à montrer comment les conditions économiques déterminaient les phénomènes politiques de grande ampleur, tels que la démocratie, le développement politique ou la construction de l’État, font partie de la variante « classique » de cette première stratégie. Dans les années 1960, des auteurs développementalistes se sont concentrés surtout sur la relation entre le développement économique (mesuré par des indicateurs comme le PNB par habitant ou les niveaux d’alphabétisation) et la démocratie. Plusieurs d’entre eux, notamment ceux croyant à l’immanence et à la linéarité du développement, ont intégré implicitement l’international, en postulant que le développement des pays du Tiers-Monde passe par la diffusion dans ces contrées du modèle occidental, voire du modèle anglo-américain, considéré comme le plus achevé (Badie 1994).
25La seconde tradition analytique préfère mettre les structures sociales, économiques ou politiques en relation avec une forme économique particulière ou un mode de production économique. La tradition d’analyse la plus longue est celle du marxisme et elle a conduit à une littérature riche sur le rôle de l’État dans les sociétés capitalistes, considéré comme un instrument au service des intérêts des classes dominantes. Toutefois, les analyses des conséquences des structures économiques sur les résultats politiques ne dérivent pas toutes du marxisme. Une manifestation récente de cette variante analytique est présente dans la littérature sur les « variétés de capitalisme », qui compare plusieurs types de réactions face à la mondialisation à partir de la manière dont les relations entre syndicats et patronat s’organisent (Hall et Soskice 2001).
26Dans ce bref texte, nous nous intéressons uniquement à la manière dont l’approche économique aborde le rapport entre le développement économique et la démocratie, et à la place accordée au facteur international3. Une première thèse4 suggère l’existence de préalables économiques à la démocratie. Un texte classique dans ce genre est celui de Seymour Martin Lipset (1963) qui soutient la thèse des préalables économiques à la démocratie. L’argument principal est qu’il existe une corrélation très forte, non loin du lien de causalité, entre le développement économique et la démocratie, le premier engendrant la deuxième. Lipset affirme donc que « plus le niveau de vie d’ensemble d’une nation se trouve élevé, plus grandes sont les chances que s’instaure un régime démocratique ». Une thèse inverse voit la démocratisation comme frein au développement. Cette perspective a émergé en même temps que celle de Lipset et a été popularisée par Samuel Huntington (1968). L’idée sur laquelle elle repose est la suivante : si un pays pauvre se démocratise, il devient difficile pour les gouvernants d’arbitrer en faveur de l’investissement nécessaire au maintien de la croissance économique.
27Dans les deux cas, les rapports identifiés n’impliquent que des facteurs internes. Néanmoins, chaque thèse a inspiré des études plus récentes qui mettent l’accent sur d’autres facteurs d’ordre international. Par exemple, nous constatons la présence de la notion de préalables à la démocratie dans la thèse de la complémentarité entre démocratie et économie de marché. L’idée de base est la complémentarité, et non la causalité unidirectionnelle. Pour des raisons de synchronisme, la thèse accorde une place importante aux interventions externes qui sont en mesure de promouvoir simultanément une économie de marché et des institutions politiques de « bonne gouvernance ».
28Cette thèse néolibérale a fait son apparition au moment précis où les expériences de transition démocratique ont atteint leur paroxysme dans un grand nombre de pays à travers le monde, notamment en Afrique ainsi qu’en Europe centrale et de l’Est. Cette période est aussi caractérisée par la politisation et la montée en puissance des institutions financières internationales, notamment celles de Bretton Woods. Compte tenu des conditions de faillite économique des pays engagés dans la démocratisation, les tenants de cette thèse ont proposé que la transition devait être soutenue par une aide économique que seuls les pays occidentaux capitalistes et les institutions financières internationales pouvaient fournir, ce qui leur a donné la possibilité de promouvoir leur système économique libéral. Par exemple, dans l’application de cette perspective au cas de l’Afrique, nous constatons que la « politique des conditionnalités » a été lancée à partir d’un rapport de la Banque mondiale (World Bank 1989) qui considérait la crise africaine comme une crise de gouvernance. La notion de « politique de conditionnalité » implique non seulement le renforcement des réformes économiques par le biais de programmes d’ajustement structurel, mais aussi un environnement politique et institutionnel de type occidental. La transition démocratique s’est donc dédoublée d’une transition économique (abandon de l’économie dirigée et adoption de politiques néolibérales), considérée comme un préalable ou du moins une composante indispensable à la démocratie.
29Au sein de la plupart des pays s’étant engagés dans la double transition économique et politique, les processus démocratiques ont éprouvé d’énormes difficultés, de sorte que le développement économique n’a pas toujours été au rendez-vous. À l’inverse, dans d’autres pays, notamment dans le cas des « miracles » asiatiques tels que Singapour, la Malaisie et maintenant la Chine, la dernière décennie s’est achevée sur une formidable croissance économique qui se poursuit aujourd’hui malgré la crise de 1998. Ces pays, dont les économies ont résisté à ces chocs beaucoup mieux que d’autres, comme le Japon par exemple, ont créé un revirement dans la littérature portant sur le lien entre la démocratie et le développement, de même qu’un revirement de la thèse qui privilégie les dictatures qui respectent le marché. On revient donc à la seconde thèse, celle de Huntington, sur l’incompatibilité entre le développement économique et la démocratie et, de ce fait, on affaiblit a priori la pertinence du facteur international dans l’analyse.
30Il s’agit là d’un paradoxe, car, pour certains, ce revirement des années 1990 s’explique par le fait que les investisseurs et possesseurs de capitaux – dont font partie les institutions financières internationales – sont des banques et sont, par conséquent, plus attachés aux profits qu’aux libertés qu’apporte la démocratie (Sindzingre 1995). Ces investisseurs et détenteurs de capitaux se sont vite rendu compte de la difficulté de faire des affaires dans un contexte démocratique caractérisé par des politiques d’austérité économique peu acceptables par les populations. La prise en compte des intérêts de ces bailleurs de fonds selon les pays engagés dans la démocratisation permet donc de comprendre l’articulation différente d’un pays à l’autre entre démocratisation et réforme économique.
L’approche culturelle : des problématiques identitaires à l’international
31Il y a une tendance grandissante en politique comparée à considérer la culture comme importante. Cette approche propose de recourir à des variables culturelles comme facteurs explicatifs prépondérants des différences et des similitudes entre des phénomènes politiques. La démarche ainsi adoptée permet alors d’analyser le développement, la formation de l’État ou de la démocratie non pas sous l’angle de l’économie ou des institutions, mais sous celui de la culture propre au contexte étudié. Cette approche vise donc à combler le vide créé par une prise en compte insuffisante, au sein des autres approches, des valeurs particulières d’une société et de l’identité collective des groupes.
32La signification du terme culture n’est pas évidente. Même les anthropologues, à l’origine des travaux sur la culture, ne s’entendent pas sur sa signification. La définition sémiotique est néanmoins la plus couramment admise. Celle-ci appréhende la culture comme un système de significations que les membres d’un groupe connaissent et utilisent dans leurs interactions. Cette définition met donc l’accent sur l’intersubjectivité ou, en d’autres termes, sur les codes facilitant les interactions dans une société sans que l’existence de ces codes implique un quelconque unanimisme.
33On peut soutenir plus précisément que les comportements, les institutions et les structures sociales sont des phénomènes culturellement construits. La culture est donc un ensemble cohérent de codes qui rend possible et limite à la fois ce que les gens qui la partagent peuvent faire ou même imaginer. Elle est importante non seulement parce qu’elle fournit des codes de signification à la plupart des membres d’une société, mais aussi parce qu’elle constitue pour les acteurs une base d’action politique et de reconnaissance pour leurs revendications. La culture permet de créer un sentiment d’appartenance à partir duquel s’opère la distinction entre ceux qui font partie de la collectivité et ceux qui lui sont étrangers. De ce fait, chez les tenants de cette approche, les dimensions identitaires se retrouvent au cœur de la comparaison du fonctionnement des démocraties et de l’action politique en général.
34La culture a occupé une place importante dans les travaux de certains pères fondateurs, et plus particulièrement dans ceux d’Alexis de Tocqueville et de Max Weber. L’intérêt pour la culture est évident dans l’ouvrage classique de Tocqueville De la démocratie en Amérique. En cherchant ce qui fait la spécificité de la démocratie américaine (en comparaison avec celle de la France avec laquelle il la compare implicitement, mais constamment), il trouve le particularisme américain dans les mœurs puritaines et, plus particulièrement, dans deux éléments qui distinguent les Américains, « l’esprit de liberté et l’esprit de religion » (Tocqueville 1961, 90). D’une part, les fondateurs des États-Unis étaient « retenus dans les liens les plus étroits de certaines croyances religieuses » qui structurent totalement la vie de la société. D’autre part, loin d’être aristocratiques, les Américains ont « un goût naturel pour la liberté […] mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle, invincible » (Tocqueville 1961, 141). Pour Tocqueville, c’est la combinaison de ces facteurs qui a donné naissance à un esprit public et à un penchant pour la démocratie dans ce pays.
35Dans la même logique, quoique sur d’autres thèmes, Max Weber a accordé une place importante à la manière dont la variable culturelle explique des configurations sociales spécifiques. L’un des travaux les plus connus de Weber à cet égard est son ouvrage L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, dans lequel il établit une forte corrélation entre le protestantisme et l’émergence de l’esprit capitaliste. Il s’agit pour lui de « montrer comment certaines pratiques religieuses peuvent déterminer l’apparition d’une mentalité économique et, par là même, constituer une cause fondamentale de changement social ». Ces travaux fondateurs ne présentent pas d’intérêt marqué pour l’international. Cependant, plus récemment, l’intérêt croissant pour ces questions a donné lieu à plusieurs travaux qui permettent d’établir un pont avec l’international.
36Un premier exemple de ces travaux est fourni par Robert Putnam et ses collègues qui s’inspirent des travaux d’Alexis de Tocqueville, en ce sens qu’ils cherchent les fondements culturels d’une démocratie solide. Au départ, Putnam s’est intéressé au cas de l’Italie du Sud et aux formes d’actions collectives qui y prévalaient. Putnam et ses coauteurs voulaient rendre compte des différences entre les démocraties locales fonctionnelles du nord de l’Italie et celles plus moroses du sud, alors que les deux régions ont vu fonctionner les mêmes institutions de gouvernements régionaux créés dans le pays en 1970 (Putnam, Léonardi et Nanetti 1993). Ces différences ont été appréhendées à l’aide du concept de « capital social », qui « désigne les aspects de la vie collective qui rendent la communauté plus productive, soit la participation, la confiance et la réciprocité ». La démonstration est complexe (notons que Putnam a recours aussi aux institutions et aux rapports de force politiques), mais on peut la résumer ainsi : les institutions régionales identiques implantées en Italie fonctionnent différemment en raison du niveau différent de capital social dont dispose chaque région. En gros, les régions de l’Italie du Sud sont moins performantes et plus corrompues que celles du Nord en raison d’une richesse moindre en capital social, qui s’explique en partie par la domination étrangère des Habsbourgs et Bourbons, qui, entre 1504 et 1860, ont cultivé la division pour mieux régner (Putnam et al. 1993, 136).
37Robert Putnam a ensuite généralisé son argument du capital social aux États-Unis. Il soutient ainsi que les faiblesses de la démocratie américaine résultent d’un bas niveau de capital social. Ce type d’analyse conduit à proposer aux décideurs politiques, à la manière de Tocqueville, de promouvoir les réseaux de capital social dans le but de réaliser le développement économique, et la bonne gouvernance suivra. Ici, le rapport à l’international est non pas un postulat de recherche, mais plutôt un effet non désiré, puisque c’est exactement le type de politique préconisé par Putnam et ses collègues que la Banque mondiale, s’inspirant de ces travaux, met en œuvre actuellement dans diverses régions du monde5. L’objectif poursuivi est l’amélioration de la bonne gouvernance auprès des communautés locales et des pays pauvres par le biais de la promotion d’une société civile dotée d’un fort capital social.
38Un deuxième exemple est fourni par les travaux consacrés à l’émergence de l’Union européenne en tant qu’institution supranationale. De prime abord, on doit s’entendre sur le fait que les identités nationales sont construites plutôt qu’innées. Depuis longtemps, les comparatistes ont reconnu l’importance de la construction culturelle d’une identité nationale pour la formation de l’État moderne. Pour Stein Rokkan (1975) par exemple, les identités nationales ont résulté des efforts de nation-building, orientés en particulier vers l’unité linguistique : les pays qui n’ont qu’une seule langue bénéficient d’une identité nationale d’autant plus forte. Plus récemment, bien que la notion d’imaginaire national de Benedict Anderson (1996) ne soit pas acceptée par tous les auteurs qui réfléchissent sur le nationalisme, l’idée que les identités nationales se créent de façon dynamique et sont des constructions modifiables a atteint un large consensus. Ce consensus est partagé autant par les chercheurs qui étudient les mouvements nationalistes aspirant ou non à la souveraineté de leur peuple (par exemple, Jenson et Papillon 2000) que par ceux qui proposent l’apparition d’identités postnationales ou transnationales.
39L’étude de la construction européenne et la comparaison entre la forme d’organisation territoriale en émergence et d’autres types d’organisation appellent forcément à une réflexion sur la redéfinition des frontières, sur l’obsolescence ou non de la souveraineté, sur la redéfinition des forces transnationales et finalement, sur la reconfiguration éventuelle du système interétatique européen et des relations internationales en général. Il en est ainsi de la littérature sur la construction sociale de l’identité européenne qui insiste sur la stratégie identitaire de l’Union européenne. Il est aussi à noter que la Commission européenne a entrepris sciemment de promouvoir l’idée de citoyenneté européenne. Dans cette optique, elle a développé des symboles et des politiques en vue d’encourager l’émergence d’un sentiment d’appartenance à l’Union. Parmi ces symboles, notons le passeport commun, l’hymne européen, l’inscription de la citoyenneté européenne dans des traités et les programmes comme Erasmus encourageant les échanges entre jeunes Européens en vue de faire disparaître les hostilités entre communautés nationales (Wiener 1998 ; Petit 2002).
40Un troisième exemple d’approche culturelle faisant la part belle à l’international est fourni par les travaux de Bertrand Badie sur les territoires, la souveraineté et l’État. Concernant l’État, Badie démontre la difficulté d’introduire de l’extérieur, à la suite des processus coloniaux et impérialistes, ou à la suite des guerres et des conquêtes, certaines innovations institutionnelles dans des cultures qui leur sont étrangères. L’introduction de l’État, invention occidentale, est donc restée artificielle dans les sociétés colonisées de l’Afrique et du monde musulman. Selon Badie, l’État apparaît comme « une pâle copie des systèmes politiques et sociaux européens les plus opposés, un corps étranger » (Badie et Birnbaum 1982, 162-63 ; Badie 1985). Il attribue l’échec de cette importation à l’écart culturel entre le modèle et le contexte d’installation, dont on a ignoré la spécificité.
L’approche stratégique, la rationalité et l’international
41L’approche stratégique connaît une popularité dans la science politique nord-américaine en général, et plus particulièrement en politique comparée depuis les années 1970. L’approche stratégique découle d’un mouvement de retour à l’acteur en réaction aux approches structurelles dominantes véhiculées pendant plusieurs décennies chez les structuro-fonctionnalistes et les tenants des approches historique, économique et culturelle. Dans celles-ci, en effet, il y a toujours une réticence à considérer les acteurs capables de choisir des stratégies et d’agir. L’idée préconisée ici conçoit plutôt des acteurs écrasés par le poids des « structures » économiques, culturelles ou par les déterminants historiques. À l’inverse de ces approches qui abordent les phénomènes sur le plan systémique pour intégrer ensuite l’acteur, l’approche stratégique commence sur le plan individuel, plus précisément avec l’individualisme méthodologique, voire le postulat de la rationalité de l’acteur, pour ensuite tendre vers une version de l’institutionnalisme (Birnbaum et Leca 1986). L’approche stratégique est dominée par la théorie du choix rationnel, puisqu’elle considère les acteurs et leurs actions comme les variables explicatives principales. Les modèles de la théorie du choix rationnel les plus adaptés à la politique comparée sont les modèles empiriques. Ceux-ci postulent l’existence d’individus rationnels élaborant des stratégies afin d’atteindre leurs buts dans un contexte caractérisé par des contraintes. Ces modèles postulent également qu’avant d’agir, les individus essayent d’anticiper les décisions que prendraient les autres acteurs. L’épistémologie est ici celle de l’individualisme méthodologique, sans que l’accent ne soit mis sur les choix individuels eux-mêmes. Au contraire, on focalise sur les conséquences de l’agrégation de choix collectifs. En d’autres termes, ici, la théorie du choix rationnel tente de mettre au jour les microfondements de l’action au sein des macroprocessus.
42Pour les comparatistes, faire de l’approche stratégique une approche véritablement utile à la comparaison requiert ainsi une acception souple de la rationalité ainsi que l’apport d’une dose d’institutionnalisme. Dans sa présentation synthétique de cette approche en politique comparée, Margaret Levi ajoute par ailleurs qu’en dépit de la convergence de plusieurs perspectives analytiques vers une forme ou l’autre d’analyse institutionnelle, « une ligne de démarcation perdure néanmoins. Les rationalistes sont presque toujours prêts à sacrifier la nuance au profit de la généralisation et les détails au profit de la logique ; un raccourci que la plupart des autres comparatistes refuseraient de prendre » (Levi dans Lichbach et Zuckerman 1997, 21).
43L’approche stratégique est utilisée pour répondre à des problématiques très diverses et à des objets fort variés. Cependant, contrairement aux tenants des approches historique et culturelle, ceux de l’approche stratégique n’hésitent pas, dans la construction de leur échantillon, à réunir des cas situés dans des espaces et des temps extrêmement variés, du fait précisément de leur postulat de l’universalité des comportements. Comme dans les autres approches passées en revue ici, les analyses produites par l’approche stratégique sont habituellement fondées sur l’utilisation de variables internes. Néanmoins, il existe des études stratégiques qui intègrent le facteur international pour comprendre la démocratie et le développement.
44Ainsi, en appliquant des principes tirés des théories économiques du commerce international, Ronald Rogowski (1989) laisse entendre qu’une exposition prolongée au commerce international a des types d’impacts différents sur les stratégies de gouvernance démocratique, selon la disponibilité de terres, de main-d’oeuvre et de capital. Le soutien apporté au suffrage universel par le capital et les travailleurs semble plus probable dans les situations où le capital et la main-d’oeuvre sont abondants, mais où les terres sont rares. Lorsque le capital et la terre sont abondants, mais que la main-d’œuvre est rare, l’ouverture au commerce international risque de mener à des stratégies de suppression des droits des travailleurs et de protectionnisme de la part de leurs organisations. Rogowski, en tentant de comprendre les stratégies politiques internes, introduit dans ce travail comparatif dans le temps et dans l’espace – car l’auteur s’oppose aux évidences des XIXe et XXe siècles et a recours à des données aussi bien de l’Antiquité que du XVIe siècle – l’hypothèse selon laquelle le commerce international a un effet sur les politiques internes.
45Plus récemment, d’autres comparatistes utilisant l’approche stratégique (Bates et al. 2002) ont intégré l’idée hobbesienne d’un « état de guerre de tous contre tous » pour comprendre la relation entre la stabilité politique et le bien-être des populations. L’état de guerre et les crises de régime peuvent mener au désordre et à l’effondrement de l’État. Avec le soutien de la Banque mondiale entre autres, Bates et ses collègues se sont intéressés à ces sociétés dans lesquelles ce n’est pas la souveraineté qui est la norme, mais la violence. Ils ont cherché des covariations entre la richesse et la violence en comparant l’Angleterre du XIIIe siècle aux pays en voie de développement post-1945, se basant notamment sur les Kikuyu du Kenya et la révolte des Mau-Mau. La violence non monopolisée et l’état de guerre de tous contre tous ont des conséquences internes, car ils produisent un affaiblissement du bien-être social.
46Un dernier exemple de l’intérêt pour l’international au sein de l’approche stratégique est fourni par l’ouvrage d’Élinor Ostrom (1990). L’auteure s’intéresse à la gouvernance conjointe en matière de gestion des ressources naturelles, celle-ci étant devenue une préoccupation importante ayant des impacts environnementaux d’envergure internationale. Ostrom recherche les conditions dans lesquelles ce défi d’une gestion en commun, voire transfrontalière, a été ou non résolu de manière satisfaisante. Son travail représente une vaste comparaison entre des situations comme les systèmes d’irrigation et de gestion de l’eau, des forêts ou encore des pêcheries. Elle s’intéresse aussi bien aux cas de réussite que d’échec en matière de gestion de ressources communes (common pool problems). Ostrom pense que ni l’État ni le marché, agissant seuls, n’ont eu de succès sans équivoque. Elle utilise donc une analyse stratégico-institutionnelle pour démontrer que les problèmes sont parfois mieux résolus par des organisations communautaires plutôt que par un État utilisant la coercition ou par un marché libéral.
L’approche institutionnelle : le facteur international dans la démocratisation
47L’histoire de la politique comparée nous montre que non seulement l’approche institutionnelle est la plus ancienne, mais qu’elle est prédominante encore aujourd’hui, notamment sous la forme du nouvel institutionnalisme. Le fait de mettre l’accent sur les institutions permet aux comparatistes de corriger certaines insuffisances identifiées dans la littérature en raison de la prédominance des approches historiques, économiques et culturelles empreintes de structuralisme, et à la suite de l’intermède behavioriste et sa forte tendance fonctionnaliste. Comme le dit Peter A. Hall, « le holisme caractéristique des visions dominantes du système politique dans l’après-guerre a favorisé la montée en force du fonctionnalisme » (Hall 2003, 377). Pour mieux comprendre l’apport des nouveaux institutionalistes, rappelons que pour les fonctionnalistes, par exemple, chaque phénomène s’explique par les conséquences qu’il produit. Dans cette perspective, la présence d’un dispositif institutionnel dans l’État moderne comme dans un système tribal s’explique par sa contribution au fonctionnement efficient du système politique ou social. De ce fait, les fonctionnalistes se contentent de repérer un nombre limité d’institutions sur la base, par exemple, des fonctions de légitimation ou de représentation des intérêts. En ce qui concerne les limites du structuralisme, il suffit de se rappeler le holisme qui en émane et qui implique un manque d’intérêt pour les choix, les stratégies et l’action.
48Une première vague du néo-institutionnalisme en politique comparée a donné lieu à la naissance des études stato-centrées, dont un exemple pionnier est représenté par la première offensive polémique entreprise dans l’ouvrage Bringing the State Back In (Evans, Reuschemeyer et Skocpol 1985). En prenant le contre-pied des marxistes et des behavioristes, ces études considèrent que l’État moderne est un acteur à part entière. Nous avons déjà vu cette proposition dans l’ouvrage de Theda Skocpol, qui a vite inspiré une foule d’analyses du rôle de l’État dans le développement à Taiwan, en Afrique, en Amérique latine tout comme en Europe occidentale.
49L’étude de la relation entre l’État et la société est devenue ensuite une problématique qui a conduit à une floraison de recherches et à l’émergence de nombreuses variantes au sein de l’approche institutionnelle6. Contrairement aux anciens institutionnalistes, les néo-institutionnalistes s’intéressent à des thématiques plus variées et plus complexes, qui peuvent couvrir l’État et les institutions formelles, comme en gouvernement comparé, mais aussi la démocratisation, les luttes pour le pouvoir politique, le rôle des grandes entreprises, des firmes multinationales et des flux transnationaux, ainsi que les politiques publiques et la problématique de l’État-providence (Lecours 2002). Cependant, en dépit des divergences, certains points de convergence existent, puisque ces perspectives institutionnaliste et néo-institutionnaliste « cherchent toutes à élucider le rôle joué par les institutions dans la détermination des résultats sociaux et politiques » (Hall et Taylor 1997, 469).
50Peter A. Hall et Rosemary Taylor (1997) comptent parmi ceux qui ont essayé de mettre de l’ordre dans cet univers complexe. Ils ont proposé de distinguer trois perspectives revendiquant toutes une appellation néo-institutionnaliste : l’institutionnalisme historique, l’institutionnalisme du choix rationnel et l’institutionnalisme sociologique. Dans chaque version du néo-institutionnalisme, il existe des analyses qui prennent en considération les facteurs et les processus « internationaux », ainsi que d’autres qui les ignorent, selon l’objet analysé. Nous nous contenterons ici d’une brève analyse des deux objets prisés par les comparatistes : le marché et la démocratisation.
51Dans un texte annonçant « l’arrivée » du néo-institutionnalisme, Peter Katzenstein (1985) décrit le rôle de l’État dans les petits pays qui, comme l’Autriche et la Suisse, tentent d’atténuer leur vulnérabilité économique et leur dépendance vis-à-vis du marché et du commerce mondial. Ces pays ont développé des politiques internes qui fonctionnent bien, tout en mettant en place des dispositifs institutionnels permettant d’allier, d’une part, une ouverture nécessaire sur le monde et, d’autre part, des mesures internes compensatoires et des politiques de développement industriel flexibles. Selon Katzenstein, les stratégies adoptées par l’Autriche et la Suisse ainsi que les capacités étatiques qu’ils ont développées et leur manière de lier l’État aux acteurs sociaux, distinguent clairement les petits États européens des grands pays industrialisés du vieux continent, ces derniers étant préoccupés presque exclusivement, et ce jusque dans les années 1980, par leur situation interne. Néanmoins, dans le même ouvrage, Theda Skocpol et Margaret Weir montrent le rôle des élites étatiques œuvrant au façonnement des différentes trajectoires empruntées par la Suède, la Grande-Bretagne et les États-Unis en matière de politiques sociales dans les années 1930 et 1940, et ce, sans référence à la politique extérieure.
52L’approche néo-institutionnelle est particulièrement importante dans les democratization studies, terme désignant à la fois la « transitologie », qui réfère au changement de nature des régimes politiques, et la « consolidologie », qui s’intéresse au degré d’institutionnalisation des règles définissant ces régimes7. D’un point de vue analytique, un consensus relatif existe sur deux points : sur la définition procédurale de la démocratisation et sur l’idée qu’elle émane d’un processus complexe, incertain et réversible. La nouvelle perspective institutionnelle a permis d’étudier la démocratie suivant l’idée, explicitée par James March et Johan Olsen (1984), qu’elle ne dépend pas uniquement des conditions sociales et économiques, mais aussi (voire surtout) de l’architecture institutionnelle.
53Le néo-institutionnalisme étant le produit de réflexions d’auteurs venant d’horizons disciplinaires variés, leur conception de ce qu’est une institution et l’opérationnalisation du facteur institutionnel se déploie sur un spectre très large, embrassant aisément l’international. C’est ainsi que l’approche institutionnelle appliquée à l’étude des processus de démocratisation dispose d’une grande capacité à intégrer les facteurs externes dans l’analyse. Pour expliquer l’occurrence de la démocratisation, l’accent peut être mis certes sur les innovations institutionnelles, les procédures juridiques, les règles du jeu, mais aussi sur un ensemble de facteurs internationaux. Cette propension vient du reste de l’emprunt des transitologues aux travaux sur les changements institutionnels de Stephen Krasner (1984), qui les attribue largement à des chocs externes.
54Les processus de diffusion des idées politiques et des modèles institutionnels d’un pays ou d’un continent à l’autre sont un premier exemple d’intégration du facteur international dans les comparaisons des transitions fondées sur l’approche institutionnelle. Les pays affectent leurs voisins et inversement, de sorte que la transition politique peut être appréhendée comme le produit d’un processus de contagion politique (par exemple, Adam Przeworski 1991). Ainsi, l’exécution de Nicolas Ceucescu en Roumanie en 1988, la chute du mur de Berlin en 1989, ou encore les émissions de la British Broadcasting Corporation (BBC), sont considérées comme des catalyseurs de la démocratisation en Europe de l’Est et en Afrique. Par exemple, Michael Bratton et Nicolas Van de Walle (1997) ont démontré que, plus un pays a des voisins qui expérimentent un processus de transition, plus ce pays a des chances de s’y engager à son tour.
55L’effet des guerres internationales sur la démocratisation est un deuxième angle qui permet d’appréhender l’importance de la prise en compte de l’international en politique comparée et plus précisément dans l’approche institutionnelle. Cette explication est classique pour comprendre les démocratisations de la deuxième vague, que Samuel Huntington (1991) situe entre 1946 et 1962. La démocratisation de certains pays comme l’Allemagne et le Japon ne se comprend que si l’on prend en compte l’effet catalyseur de la victoire des Alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Même certaines démocratisations de la troisième vague, notamment celle de l’Argentine (la guerre des Malouines perdue contre l’Angleterre en 1982) et du Portugal (les guerres coloniales en Afrique lusophone qui ont conduit les jeunes officiers lassés à renverser la dictature de Marcelo Caetano en 1974) sont à analyser comme une prise en compte des facteurs internationaux pour comprendre la politique intérieure.
56Un autre angle de comparaison des processus de démocratisation reposant lourdement sur l’utilisation de l’international concerne l’impact des organisations régionales. En Europe du Sud, la démocratisation des années 1970 se comprend à partir d’une analyse de la construction européenne et de ses normes uniformisantes sur les plans institutionnel et politique. March et Olsen (1984, 167) avaient déjà montré ces processus d’ajustement institutionnels domestiques qui s’imposent lorsque les normes internes entrent en conflit avec des normes externes dominantes. Utilisant ce type de perspective, Philippe Schmitter (1986) a montré que la démocratisation en Espagne, en Grèce et au Portugal se comprend aussi comme la mise en conformité des normes de gouvernance internes à ces pays avec les normes démocratiques centrales dans la construction européenne.
57La politique de la carotte et du bâton des pays occidentaux et l’action des institutions financières internationales en matière de promotion de la démocratie présentent un dernier angle de l’opérationnalisation du facteur international par certains tenants de l’analyse institutionnelle en politique comparée. Cette politique se constate à travers la popularisation de la notion de gouvernance par la Banque mondiale (World Bank 1989) qui conditionne ainsi la réussite des politiques de restructuration économique en Afrique à des réformes institutionnelles ; les politiques de conditionnalité démocratique mises en œuvre au début des années 1990 par les bailleurs de fonds occidentaux ainsi que les incitatifs promis par ces derniers sous la forme des primes à la démocratie aux pays engageant des réformes politiques (Gazibo 2005). Ces éléments révèlent tous à quel point, d’un point de vue empirique comme analytique, le facteur international est reconnu et opérationnalisé pour comprendre les transitions vers la démocratie dans les pays s’y étant engagés au début des années 1990.
Conclusion : l’interpénétration croissante des champs
58Au regard de ce qui précède, il apparaît que le rapport de la politique comparée à l’international est évident, mais qu’il ne saurait être appréhendé de manière univoque et simpliste. D’abord, puisque la politique comparée ne se définit pas principalement par ses objets (même si elle a ses objets privilégiés) et, étant donnée l’importance de l’espace et du temps dans la démarche comparative, la prise en compte de l’international n’est pas surprenante. Au contraire, elle enrichit considérablement l’exhaustivité des conclusions auxquelles cette démarche parvient. Ensuite, dans l’étude comparative de certains phénomènes comme les révolutions, la construction de l’État, les institutions en voie d’étatisation (comme l’Union européenne), ou encore la démocratisation, l’introduction du facteur international est inévitable, quoiqu’il ne soit pas toujours obligatoire. Comme le remarque James Caporaso (2000, 699), une des différences entre la politique comparée et les relations internationales tient au fait que dans la première, à l’inverse de la seconde, l’attention demeure généralement centrée sur des pays, des aires régionales et des affaires domestiques qui structurent la division du travail au sein du champ.
59Que peut-on conclure alors ? Les rapprochements sont-ils suffisants pour parler d’une fusion entre la politique comparée et les relations internationales ou d’une transdisciplinarité nécessaire ? Les différences sont-elles encore si importantes qu’il faille parler de champs étanches ? Aucune des deux réponses ne semble rendre compte des dynamiques interdisciplinaires en cours. Comme on le sait, la distinction interne et externe longtemps postulée en relations internationales tend à s’évanouir. Simultanément, comme certains des travaux de politique comparée cités ci-dessus le démontrent, l’interne et l’externe tendent à s’interpénétrer. Pour ces raisons et puisque la méthode comparative est un dénominateur commun offrant aux politologues des outils permettant d’analyser des objets de plus en plus résistants à un traitement disciplinaire strict, la transdisciplinarité est une réalité incontournable. Cependant, les frontières sont plus mouvantes qu’inexistantes, car, pour revenir au point de départ de ce chapitre, la politique comparée et les relations internationales n’ont, pour l’instant, ni la vocation ni les outils nécessaires pour battre exactement les mêmes sentiers.
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Wiener, Antje (1998), European Citizenship Practice: Building Institutions of a Non-State, Boulder, Westview Press.
World Bank (1989), Sub-Saharan Africa: From Crisis to Sustainable Growth, Washington (DC), World Bank.
Notes de bas de page
1 L’École libre des sciences politiques a été créée en France en 1870. Elle est devenue l’Institut d’études politiques de Paris en 1945. Malgré son nom, le projet à cette époque était moins de promouvoir une discipline que de mettre en place une institution capable d’offrir un enseignement pluridisciplinaire en vue de former des cadres administratifs polyvalents.
2 Ces approches sont exposées dans Mamoudou Gazido et Jane Jenson, La politique comparée : fondements, enjeux et approches théoriques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2004.
3 Il s’agit du choix, parce que l’approche économique inclut les analyses de beaucoup d’autres dimensions de l’international, par exemple celles qui font appel aux rapports de dépendances ou au système-monde. Voir les présentations dans Gazibo et Jenson (2004, chapitres 5 et 8).
4 Les thèses identifiées ici sont proposées par Guy Hermet (1996).
5 Pour un exemple parmi plusieurs, voir Fatema Mernissi, Social Capital In Action : The Case of the Ait Iktel Village Association, en ligne à l’adresse <http://www.worldbank.org/wbi/mdf/mdf1/socialcp.htm>.
6 Pour une revue incluant un regard sur le Sud comme sur le Nord, voir Kohli (2002).
7 Les propos qui suivent sont tirés de Gazibo (2002).
Auteurs
Professeur agrégé au Département de science politique, Université de Montréal.
Professeure titulaire au Département de science politique, Université de Montréal.
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