1 Quand il sera question de l’étude des milieux chez Watsuji, nous la désignerons par fūdoron ou fūdogaku, de manière à la distinguer de la mésologie de Berque.
2 Pour plus de détails sur ce sujet, consulter son article, « Offspring of Watsuji’s theory of milieu (fūdo) » (GeoJournal 60 (2004) 389-396), en plus de « La théorie de la médiance de Watsuji Tetsurō et son actualité » dans le présent volume.
3 Voir notamment à cet égard « Offspring of Watsuji’s theory of milieu (fūdo) ».
4 Augustin Berque, Le sauvage et l’artifice. Les Japonais devant la nature, Paris, Gallimard, 1986/97, p. 166.
5 Voir « Introduction. Renaturer la culture, reculturer la nature », dans Augustin Berque, Écoumène. Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Belin, 2000.
6 Berque veut désigner par « écoumène » la totalité des régions habitables sur terre. Comprenant tous les milieux humains, ce mot se substitue presque à la « terre » elle-même.
7 Watsuji Tetsurō, Fūdo (, Milieux), Tōkyō, Iwanami Bunko, 1979, p. 26. Nous utiliserons dorénavant la traduction d’extraits proposée par Berque quand cela est possible.
8 « Il s’agit donc d’une connaissance ontique dans la mesure où elle vise la particularité des êtres particuliers ; mais c’est une connaissance ontologique dans la mesure où elle saisit ces façons particulières en tant que modes conscients de soi de l’humain. Ainsi, la saisie de la structure particulière historique-médiale de l’humain devient une connaissance ontologique-ontique (, sonzaironteki-sonzaiteki). Dans la mesure où l’on s’interroge sur les types de milieux, il ne peut qu’en être ainsi » (Fūdo, p. 28).
9 Augustin Berque, « The Question of Space. From Heidegger to Watsuji »: Ecumene 3 (1996, no 4) 377.
10 Nous allons reprendre cette discussion plus tard dans la dernière moitié des sections 2 et 3.
11 En ce qui concerne l’interprétation du « moment » par Berque, voir Écoumène, p. 126-127.
12 Augustin Berque, « Offspring of Watsuji’s theory of milieu (fūdo) », p. 392.
13 Notons, par exemple, les phrases suivantes : « Nous pouvons trouver en outre des phénomènes de milieu dans toutes les expressions possibles de la vie humaine, les lettres, les arts, les religions, les coutumes, etc. Cela va de soi dans la mesure où le milieu est la façon de faire de l’entente propre de l’humain. C’est en tant que tels que nous saisissons les phénomènes du milieu. D’où il s’ensuit avec évidence que ceux-ci diffèrent des objets des sciences de la nature » (Fūdo, p. 17). À ce propos, Berque estime au plus haut point la distinction faite par Watsuji entre l’« environnement » (, kankyō) et le « milieu » (, fūdo) qu’il considère comme révolutionnaire car surmontant le dualisme qui existait jusqu’à alors.
14 Fūdo, p. 3.
15 Ainsi que le dit Berque, « ce qui frappe […] c’est que, fondamentalement, le propos de Watsuji n’est pas de nature causale. Il est de nature métaphorique » (Le sauvage et l’artifice, p. 55). Berque a deviné ce que veut dire Watsuji par son argument dans Fūdo ; il ne s’agit pas de déterminisme causal. Cependant, ce qui importe ici, c’est le sens d’adjectifs comme « métaphorique » ou « analogique » qui sont souvent attribués aux expressions de Watsuji.
16 Par conséquent, on doit remarquer, avant de mentionner la liaison de Watsuji et de Berque, qu’il y a une différence de point de vue entre Heidegger et Watsuji à propos de l’ontologie. « Chacun des deux projetant d’avance une certaine idée sur la manière d’être de l’existence humaine, leur programme académique, soit l’ontologie fondamentale, soit l’éthique comme science des hommes (, ningen no gaku toshite no rinrigaku) ne se réalisera qu’en se fondant sur de telles idées » (Mine Hideki, Haideggâ to nihon no tetsugaku (, Heidegger et la philosophie japonaise), Kyōto, Minerva Shobō, 2002, p. 69.
17 Fūdo, p. 3.
18 Fūdo, p. 4.
19 À propos de l’époque de la publication, il avait achevé le contenu du chapitre 2 pour les préparations du cours qui eut lieu à Kyōto Teikoku Daigaku (, l’Université impériale de Kyōto) après son retour au Japon dans la dernière moitié de l’année 1928 sous le nom de « Kokuminsei no kōsatsu nōto » (, Cahiers de réflexion sur les caractères nationaux), tandis que l’article « Fūdo » (, Milieux) correspondant au chapitre 1 parut plus tard dans la revue Shisō (, Idées), en avril 1930. Ce fait aussi nous montre que ces deux tâches demeuraient côte à côte dans sa conscience.
20 Écoumène, p. 126. Voir la note 10.
21 On le constatera facilement dans ses lettres très nombreuses adressées à sa femme et ses enfants. Ce qui s’y lit n’est pas autre chose que la confession du désir irrésistible de revoir sa famille de la part d’un homme qui, se trouvant à l’étranger, peut à peine avoir des relations avec les autres. Il était en quelque sorte condamné à l’exil. Voir Shokan (, Correspondance), dans Watsuji Tetsurō zenshū (, Œuvres complètes de Watsuji Tetsurō), vol. 25, Tōkyō, Iwanami Shoten, 1992.
22 Les limites auxquelles Watsuji est parvenu dans l’utilisation consciente de l’analogie peuvent toujours être discutées. Cependant, en mentionnant la Geistesklimatologie d’Herder dans le chapitre cinquième : « Fūdogaku no rekishiteki kōsatsu » (, Considérations historiques concernant la mésologie), il explique que l’« analogie » a contribué à construire la philosophie de l’histoire humaine contre la spéculation métaphysique. Voir Fūdo, p. 250-252.
23 Yuasa exprime un doute à l’égard de l’estimation faite de la culture japonaise dans Fūdo. Elle est, selon lui, comparable à celle de la culture de l’Asie de l’Est, du Sud, de l’Ouest ou d’Europe : « Envisagée en tant qu’étude comparative des cultures, son argument n’a-t-il pas une tendance à surestimer la culture du Japon sans conscience ? » (Yuasa Yasuo, Watsuji Tetsurō (), Tōkyō, Chikuma Gakugei Bunko, 1981/95, p. 158). Pourtant, on devra se défaire totalement de cette sorte d’opinion en tenant compte du fait que la compréhension d’autres milieux est impossible à moins qu’on ne se réfère à sa propre culture, ce qui ne correspond jamais à la surestimation de cette dernière.
24 Augustin Berque, Le sauvage et l’artifice, p. 55.
25 Ibid., p. 55-56.
26 Aristote, De Arte Poetica Liber, New York, Oxford University Press, 1965, 1457b, 16-19.
27 Fūdo, p. 174.
28 Certes, juste après son retour au Japon, l’intérêt de Watsuji se porta exclusivement sur la « rareté du Japon » (, nihon no mezurashisanihon no mezurashisa) (voir Fūdo, p. 187 s.). À ce propos, à l’opposé de Yuasa qui souligne la « surestimation de la culture japonaise » (voir note 23), Tsuda exprime cette opinion : « Fūdo n’a pas été décrit sur le plan de l’étude comparative des cultures. Il est au fond un discours particulier qui met en lumière la spécificité du “Japon” telle quelle ». Voir Tsuda Masao, Watsuji Tetsurō kenkyū (, Étude sur Watsuji Tetsurō), Tōkyō, Aoki Shoten, 2001, p. 62. Mais il a commis la même erreur que Yuasa en ce qu’il a méconnu l’essence de la typologie watsujienne qui s’appuie sur les « impressions de milieux divers ».
29 Voir mon article, « Tashikarashisa no chokkan — anarojî wo megutte » (, L’intuition de la probabilité. Autour de l’analogie), dans Genshōgaku Nenpō (, Annuaire de l’association japonaise des phénoménologues), vol. 16, 2000, p. 121. En considérant l’intuition bergsonienne comme un des types de l’analogie, j’ai développé une argumentation selon laquelle la sympathie pour la vie doit être équipée d’une structure analogique pour pouvoir fournir une perspective susceptible de surmonter l’anthropocen
30 Dans un ancien article, j’ai déjà adopté cette expression en japonais : kanfūdoteki sekai (). Voir « Fūdo no henyō to kankyō mondai » (, La transfiguration des milieux et le problème de l’environnement), dans Kamo Naoki et Tanimoto Mitsuo (éd.), Kankyō shisō wo manabu hitono tameni (, Pour ceux qui cherchent à apprendre l’idée d’environnement), Kyōto, Sekai Shisō-Sha, 1994, p. 139-140.
31 Fūdo, p. 54-55.
32 L’« insularité », un terme de Berque, signifie une « logique de la mondanité » qui fait du relatif l’absolu. Certes, si l’analogie manque de dynamisme, cela peut avoir une conséquence négative : l’absolutisation de la culture propre. Nous devons nous défendre toujours contre une éventualité de cette sorte. Voir « § 7, Les insularités de la singularité » et surtout p. 33, dans Augustin Berque, Écoumène.
33 La rencontre avec les autres ne peut empêcher de produire des expériences désagréables ou marquées par l’échec en ce qu’elle nous met devant nos erreurs ou insuccès de l’analogie. À cet égard, les documents laissés par Watsuji dont la majeure partie est constituée par sa correspondance témoignent de l’existence d’un homme typique du Japon qui, se situant dans le processus de modernisation de son temps, a toujours refusé la rencontre avec des hommes étrangers en face à face.