Un aspect de la pensée de Kobayashi Hideo au moment critique du nationalisme Japonais
p. 409-424
Texte intégral
1Le nationalisme est un problème à la fois simple et complexe dans la pensée de Kobayashi Hideo (1902-1983). Tout dépend de l’acception qu’on accorde au terme « nationalisme ». Avant d’entrer dans le sujet il convient donc d’examiner les termes japonais qui désignent différentes significations du mot « nationalisme ». Cette expression englobe en effet diverses manifestations de la conscience nationale et ses multiples acceptions s’expriment par différents termes japonais. Le kokka-shugi signifie un nationalisme fondé sur l’autorité primordiale de l’état (kokka), qui s’exerce souvent au détriment de l’épanouissement individuel de ses membres (kokumin). (Il faut savoir cependant que, suivant le régime, le kokumin peut être « sujet » comme sous la Constitution de Meiji ou « citoyen souverain » comme sous la Constitution actuelle du Japon.) Le kokusui-shugi souligne l’attachement exclusif, et souvent excessif, aux valeurs nationales, en les considérant supérieures à celles des autres civilisations. Il exalte un long et glorieux passé d’un État-nation et peut prendre une tendance chauvine. Le kokumin-shugi accorde une importance primordiale à la formation d’un État-nation fondé sur une unité ethnique ; il s’approche du minzoku-shugi qui désigne la volonté d’une collectivité plus large (peuples slaves, par exemple) de créer son propre État souverain et de le développer ; nous utilisons également l’expression nashonarizumu, qui n’est qu’une transcription phonétique du mot anglais nationalism avec toutes ses ambiguïtés. Ce sont des termes que la plupart des dictionnaires japonais actuels mentionnent comme expressions correspondant au terme « nationalisme ». De plus, le fait que les intellectuels japonais d’aujourd’hui ne peuvent que recourir au mot d’emprunt neishon (transcription phonétique du mot anglais nation) afin de désigner la conception globale de la « nation » est bien révélateur de la complexité du problème. L’éclatement du sens du mot « nationalisme » en différents termes japonais et l’absence d’une seule expression indigène équivalente de la « nation » signifient-ils l’indifférence traditionnelle des Japonais à cet aspect de leur existence ? Il ne faudrait pas conclure de façon trop hâtive, car il existe une expression particulièrement significative, à savoir yamato-damashii ou yamato-gokoro (esprit du Yamato), qui a une double connotation : cette expression fut utilisée tout d’abord par deux femmes écrivains, Murasaki-shikibu et Akazome-emon, de l’époque de Heian vers la fin du Xe siècle et au début du XIe siècle, afin d’écrire et défendre l’art indigène face à la domination écrasante de la culture chinoise dans la société japonaise de l’époque. Il s’agissait donc d’une expression de la conscience « nationaliste » de bon sens qui résiste à la présence dominatrice de la culture étrangère. Or, l’expression prit une connotation nettement ultranationaliste pendant les années 1930 et pendant la « grande guerre de l’Asie orientale » pour souligner la valeur morale propre aux Japonais, incarnée singulièrement par les soldats aptes à se sacrifier1.
2Kobayashi Hideo, homme de lettres, a eu toute sa vie durant une conscience très nette de la langue. Une telle banalité mérite-t-elle d’être répétée ? La réponse doit être affirmative, car c’est au niveau de la langue que le problème de la « prédestination nationale » a pris son importance pour lui. En d’autres termes, la langue maternelle joue un rôle déterminant aux yeux de cet écrivain : c’est sa langue maternelle, le japonais, qui a scellé son destin. Son enthousiasme pour certains écrivains et philosophes européens, comme Baudelaire, Rimbaud, Gide, Valéry, Alain, Bergson ou Dostoïevski, a bien aiguisé sa conscience d’être Japonais : plus il s’intéresse à la littérature occidentale, plus il se sent Japonais à cause de sa langue maternelle. Ce sentiment a formé pour ainsi dire la base même de son admiration future pour certaines œuvres classiques japonaises comme le Genji-monogakari (le Roman du Genji) ou le Tsurezuregusa (Les heures oisives). Il n’oubliera pas cette question de la langue étrangère par rapport à la langue maternelle, lorsqu’il va poursuivre ses réflexions sur les penseurs de l’époque d’Edo, en particulier Sorai, philologue sinisant intransigeant, et Norinaga, représentant des Études nationales (Kokugaku). En fait, l’ensemble de l’œuvre de Kobayashi, depuis ses écrits enthousiastes sur les poètes français du XIXe siècle jusqu’à sa longue réflexion sur les penseurs japonais des XVIIe et XVIIIe siècles, est soutenu par la même pensée : exercer un doute fondamental, associer l’esprit critique à l’imagination poétique, tout en accordant la primauté à la « magie » des mots, d’où cette prise de conscience de plus en plus déterminante concernant l’importance de la langue maternelle.
3La présente étude se propose d’examiner la position de Kobayashi Hideo du point de vue de la conscience nationale à travers plusieurs essais qu’il rédigea dans un contexte historique particulièrement troublant, à savoir pendant les quatre années qui se situent juste avant le déclenchement de la guerre du Pacifique en décembre 1941.
4Précisons cependant qu’il ne s’agit pas ici de juger la position de Kobayashi Hideo par rapport à l’expansionnisme militaire de son pays. Il ne s’agit pas de défendre toutes les idées qu’il a exprimées dans ces circonstances, ni de condamner en bloc son œuvre, mais d’examiner sans préjugé ses écrits représentatifs de l’époque à la lumière du « nationalisme » afin de mieux saisir les caractéristiques de sa pensée.
prise de position
5Certains textes qu’a publiés Kobayashi Hideo durant cette période montrent bien son attitude singulière dans cette situation complexe. La pensée de cet écrivain véhément a pris à plusieurs occasions des expressions pour le moins surprenantes : certains propos draconiens qu’a osé formuler Kobayashi à propos de l’état de guerre ont frappé nombre d’intellectuels japonais. Ils révèlent la sincérité et l’authenticité de ce penseur, mais aussi une certaine limite. Ce caractère radical de sa démarche cognitive reste identique même face à cette gigantesque œuvre de violence et de destruction qu’est la guerre : essayer de comprendre la signification essentielle de la guerre et la destinée des hommes placés dans cette condition extrême. Il l’essaiera en tant qu’homme de lettres, à sa manière singulière. Kobayashi Hideo tente cette entreprise périlleuse, ne croyant que ce dont il peut être sûr, sans jamais se préoccuper véritablement de la cause politique. Il est aisé de critiquer a posteriori son attitude comme fuite irresponsable devant la réalité. Mais une chose est au moins certaine : le revirement « nationaliste » émotif ou idéologique si souvent observé chez les intellectuels contemporains2 ha pas de prise sur Kobayashi Hideo. À tort ou à raison, Kobayashi est cohérent dans sa ligne de conduite dans un champ de réflexion bien délimité.
6Son attitude en tant que rédacteur responsable de la revue Bungakukai pour la composition du numéro d’octobre 1937 est bien significative. Depuis le mois de juillet de la même année, le Japon se trouvait ouvertement en état de guerre contre la Chine. L’armée japonaise menait des opérations militaires de grande envergure sur le continent et occupait la quasi-totalité des villes importantes de la Chine du Nord. Tandis que les autres périodiques reprennent à la hâte les actualités à suite de l’éclatement de la guerre, Kobayashi affiche une autonomie de la création littéraire par rapport à la politique. « Seule notre revue garde son calme ; ici, tout se passe comme prévu », dit-il avec un réel plaisir3. Il est vrai que l’écrivain ne se lève pas pour protester contre cette guerre d’agression et se contente de souligner l’indépendance de la littérature face aux actualités militaires. Mais reconnaissons que son attitude est déjà exceptionnelle à l’époque. Elle montre la valeur ainsi que les limites de la vision de l’écrivain.
7Dans le numéro de novembre 1937 de la revue Kaizō, il publie un article intitulé « Sensō ni tsuite » (« De la guerre »). Quelques semaines après la publication de cet essai, la ville de Nankin (Nanjing) tombait entre les mains de l’armée japonaise.
8Kobayashi Hideo tente dans ce court texte de clarifier sa position fondamentale par rapport à cette crise politique et éthique. Deux idées importantes se révèlent dans ces pages percutantes, à propos de la relation entre la littérature et la guerre, d’une part, et du destin à assumer en tant que kokumin (membre d’un État-nation), d’autre part.
9L’auteur souligne d’emblée la difficulté de se laisser guider par l’intuition et l’imagination, facultés primordiales pour un écrivain, dans un contexte historique tout à fait nouveau créé par la guerre sino-japonaise. Il soulignera cette idée dans plusieurs de ses écrits, « Jihen no atarashisa » (« La nouveauté de l’Incident »), en août 1940, par exemple. Il ressent dans cette guerre menée sur le continent une nouveauté qui dépasse la compréhension habituelle : les Japonais se trouvent, selon lui, dans une situation extraordinaire, au sens premier de ce mot. Kobayashi est parfaitement conscient que ces hostilités entre le Japon et la Chine sont étroitement liées à la situation de l’Europe, c’est-à-dire à la convulsion politique des pays occidentaux qui se déchirent dans la dernière phase de l’impérialisme colonialiste.
10Que peut faire alors un homme de lettres dans un tel climat ? Il précise son idée sur la relation entre la guerre et la littérature dans les termes suivants :
Un rédacteur de revue m’a demandé ma préparation morale, en tant qu’homme de lettres, face à la guerre. Il m’est impossible de concevoir la détermination particulière que doit avoir un homme de lettres dans une telle situation. Si un jour je suis obligé de prendre un fusil, je le prendrai et mourrai volontiers pour mon pays. Je ne peux trouver une attitude plus déterminée ; il est d’ailleurs inutile d’y penser. Il me paraît absurde de prétendre qu’on prend le fusil en tant qu’homme de lettres. À la guerre, tout le monde se bat en tant que soldat. La littérature existe pour la paix et non pas pour la guerre. En temps de paix, les hommes de lettres peuvent prendre une position aussi complexe qu’ils le souhaitent. Mais, une fois entraînés dans la guerre, ils ne peuvent avoir qu’une seule attitude : il faut vaincre les ennemis quand on fait la guerre. Si vous constatez qu’aucune théorie littéraire ne vous indique une idée aussi simple, vous n’avez qu’à abandonner la littérature sans tarder4.
11Une prise de position étonnamment radicale, qui risque de paraître par trop simpliste. Faut-il interpréter ce texte comme expression démissionnaire d’un intellectuel qui abandonne sa capacité de juger et de critiquer ? Veut-il s’engager de façon aveugle pour une cause militariste au nom d’un quelconque nationalisme ? Au lieu de conclure à la hâte, il convient d’écouter davantage l’avis de notre auteur :
Nés au Japon pour y vivre, une fois dans la guerre, nous ne pouvons plus disposer librement de notre propre vie, quelle que soit la valeur que représente la vie pour chaque individu ; même au nom de l’humanité, cela n’est plus possible. C’est une vérité sévère. Mais face à un événement aussi impitoyable que la guerre, nous ne pouvons proposer qu’une constatation aussi intransigeante que celle-ci. Je ne sais ce qui se passera dans l’avenir. Mais, pour le moment, étant donné que l’appartenance à un Etat [kokumin] constitue l’élément de base des hostilités, la seule détermination possible doit être celle-ci, qui consiste à y faire face résolument en reconnaissant cette réalité. Toutes les autres attitudes sont erronées5.
12Kobayashi Hideo affirme avec véhémence que le fait d’être né au Japon est un destin. Il considère la guerre comme une épreuve qui s’impose non seulement au capitalisme japonais mais aussi à tous les Japonais. Il renonce ainsi à toute possibilité de protestation contre la politique expansionniste du gouvernement japonais. Il écarte également l’idée de l’exil en déclarant qu’aucun autre pays ne lui paraît vraiment préférable à son pays. Pour les lecteurs occidentaux, habitués à l’exil des intellectuels opposants au régime ou à l’organisation des réseaux de résistance, ces propos de Kobayashi Hideo peuvent paraître nettement compromettants. Cela étant dit, il faut nous souvenir que l’exil en dehors du pays n’existait pratiquement pas dans l’histoire du Japon : les intellectuels japonais n’avaient ni leur Suisse, ni leur Amérique6
13.Quoi qu’il en soit, Kobayashi associe immédiatement son destin à celui de l’État-nation auquel il appartient. De ce point de vue, il est très fortement marqué par l’idée nationaliste. Imaginaire ou réelle, c’est la nation qui détermine son destin.
14L’aspiration à la paix n’est pourtant pas absente chez Kobayashi. Bien au contraire, elle est étroitement associée à sa résolution de se battre en tant que membre de la nation japonaise :
La guerre est une grande contradiction qui se pose dans notre vie. Qui pourra s’engager dans un combat sans aspirer à la paix ? [...] En tant qu’homme de lettres, on ne peut être que pacifiste inconditionnel. Il est donc normal que nous ressentions une contradiction difficile à surmonter lorsque la guerre s’impose comme aboutissement d’une logique politique. Je ne cherche pas à trouver dans ma tête une solution à cet état de déchirement antinomique. Qui espérerait pouvoir mener une vie sans contradiction ! Ce serait un rêve stupide. Je mourrai sans regret, si je dois mourir afin de sauver mes compatriotes. Je suis un simple être humain. Je ne suis ni saint, ni prophète7.
15Il est fort intéressant d’observer ici que Kobayashi, en tant que kokumin, ne pense qu’à « mourir » pour son pays. Dans L’imaginaire national, Benedict Anderson fait remarquer à juste titre que la « mort » et le « langage » acceptés comme destin jouent un rôle prépondérant pour le fondement du « nationalisme »8. Notre écrivain ne songe guère à acquérir une autre nationalité ; il ne croit pas pouvoir assimiler et maîtriser une langue étrangère aussi bien que sa langue maternelle. Dans ce sens-là, la pensée de Kobayashi est parfaitement enfermée dans un déterminisme nationaliste. Toutefois, rappelons une idée importante exprimée dans le texte cité. En attendant le moment où il serait obligé de sacrifier sa vie pour son pays en tant que kokumin, l’écrivain refuse de soumettre la littérature à la cause politique : au lieu de compromettre la littérature sous une pression extérieure quelconque, il l’abandonnera totalement et acceptera la mort, non pas en tant qu’homme de lettres, mais en tant que simple homme, membre de la nation japonaise qu’il considère comme la matrice de sa pensée et de son destin.
le peuple japonais sans parole
16En réalité, Kobayashi Hideo n’aura pas l’occasion de prendre les armes pour défendre son pays. Il continuera de s’exprimer en tant que critique et écrivain. Ses réflexions se développent souvent sur le sujet de l’expression linguistique.
17Un essai publié en 1939 sous le titre de « Manshū no inshō » (« Ce que j’ai ressenti en Mandchourie ») contient un passage représentatif qui exprime son idée sur cette question centrale. Après avoir souligné l’extrême complexité de la situation en Chine, Kobayashi Hideo évoque l’extraordinaire « sagesse » du peuple japonais qui maintient selon lui la cohésion nationale malgré les complications inouïes de la guerre et des tensions dans les relations internationales. Il n’attribue pas cette vertu à une quelconque union de sang qui travaillerait dans l’inconscient du peuple japonais. Il ne s’agit pas d’une idéologie nationaliste fondée sur le sang et la terre. Rappelons ici que Kobayashi Hideo, fervent lecteur de la littérature moderne, s’intéresse à André Gide, défenseur de l’hétérogénéité culturelle et ethnique et de la transplantation d’idées et de personnes provenant d’autres sociétés et d’autres cultures, plutôt qu’à Maurice Barrès, prophète nationaliste de la terre natale et du sacrifice pour la patrie9. Cependant il considère cette qualité des Japonais ordinaires comme résultat du mûrissement de la longue tradition, complexe et simple en même temps, qui a été forgée sous les influences extrêmement rapides de l’Occident que les Japonais ont vécues depuis Meiji. Le mot « sagesse » peut être choquant lorsqu’il se trouve utilisé pour qualifier le comportement d’un peuple qui est en train d’envahir un pays voisin. Il est vrai que Kobayashi n’anonce ouvertement aucune critique, aucune réserve par rapport à l’orientation expansionniste de son pays. Aucun de ses textes publiés pendant cette période n’exprime le moindre doute sur le fond même de la politique extérieure du Japon. Son esprit critique s’exercera uniquement à l’intérieur du cadre général qu’il considère comme une force majeure qui s’exerce au-delà de toute contestation possible.
18Nous percevons cependant une nuance, une tonalité qui révèle une certaine résistance : sans prendre une position ouverte contre la guerre, Kobayashi reste au moins fidèle au principe d’un homme de lettres qui accorde une importance primordiale au problème de la langue. « Or, actuellement, cette sagesse ne fait qu’agir et ne parle point, dit-il. Aucun penseur n’a parlé d’elle avec justesse. Je ne peux penser autrement. Sans dire un mot, le peuple japonais fait face à l’incident de la Chine. Voilà la caractéristique la plus frappante de cette affaire10. »
19La signification de « sans dire un mot » est évidente dans le contexte. Cela ne signifie pas l’obéissance aveugle et muette d’un peuple amorphe. Kobayashi Hideo veut dire que ni homme politique, ni militaire, ni intellectuel, ni homme de lettres (y compris lui-même) n’ont su donner une expression juste à la qualité remarquable de chaque Japonais, comme un Dostoïevski avait su le faire pour l’âme slave. Faut-il rappeler que notre auteur se passionne depuis 1933 pour l’écrivain russe et publie une longue série d’essais consacrés à sa vie et à ses œuvres entre 1935 et 1937 ? Dès qu’il voit un Russe en arrivant en Mandchourie, il l’associe à un personnage de Dostoïevski et croit le comprendre de l’intérieur. Les Chinois ont certes leur Lu Xun. Mais La véridique histoire d’Ah Qne lui permet pas de comprendre la foule chinoise réfugiée qu’il rencontre au cours de son voyage. Quant aux Japonais qui assument leur destin, ils n’ont pas encore leur écrivain, capable de faire comprendre leur qualité. Aussi, Kobayashi s’inquiète : le vrai drame que le peuple japonais est en train de vivre ne sera pas compris par d’autres peuples, et cela pour longtemps. Mais de quelle « qualité » s’agit-il ? Kobayashi lui-même ne peut répondre à cette question de façon satisfaisante. Il observe seulement certains comportements de ses compatriotes, qui témoignent à ses yeux de la possibilité de vivre avec dignité même dans une situation anormale.
20Kobayashi dénonce par contre sans détour tous les clichés des discours et courants de pensée nationalistes qui cherchent à faire l’éloge de l’esprit du Japon et qui tentent de mobiliser le peuple sous des slogans prétentieux. Il rejette avec véhémence les fondements idéologiques et positions ultranationalistes du Nippon-shugi (nipponisme) ou la propagande du kokumin-seishin-sōdōin-undō (mouvement de mobilisation générale de l’esprit du peuple) qui s’évertuaient à valoriser à tout prix la culture nationale. En même temps, il critique avec autant de force les assises philosophiques de l’humanisme (hyūmanizumō) fondé selon lui sur une notion abstraite d’humanité11. Nous retrouvons ici la démarche de pensée qui lui avait déjà servi à critiquer à maintes reprises des formules vides, faussement scientifiques et savantes avec lesquelles bien des intellectuels aimaient jongler, notamment parmi des marxistes japonais. C’est également une autocritique sévère par rapport à la littérature moderne japonaise qui n’a pas su donner, selon lui, une expression moderne à l’âme des Japonais contemporains.
21Dans un article publié en 1939 sous le titre de « Gakusha to kanryō » (« Savants et fonctionnaires »), Kobayashi Hideo cite l’œuvre de Nishida Kitarō qu’il considère comme un cas exceptionnel. Or, tout en appréciant l’effort du philosophe qui s’efforça de formuler la pensée traditionnelle de l’Asie dans un système à l’occidentale, Kobayashi Hideo y constate une solitude maladive. « M. Nishida était obligé de poursuivre un monologue s’appuyant uniquement sur sa sincérité. Dieu sait combien ce genre de sincérité enfermée dans un cycle clos de monologue incessant devient trompeur. La solitude de M. Nishida qui ne peut rencontrer aucune résistance de la part des autres a fini par créer un système étrange et monstrueux, non rédigé en langue japonaise, encore moins en langue étrangère. La faute n’incombe pas à son talent, ni à son esprit inventif12. » Kobayashi Hideo y voit une tragédie qu’a jouée un homme qui possède l’âme authentique d’un penseur.
22Comme nous l’avons vu, Kobayashi considère l’état de guerre entre le Japon et la Chine comme l’aboutissement d’une longue tradition de pensée qui a subi de très fortes pressions de la part de la modernité occidentale. Et dans cette grande tragédie, il constate que le peuple japonais agit sans parole. Il faut examiner maintenant ce que Kobayashi Hideo a vu dans les territoires occupés et quelles furent ses réflexions sur les conditions de vie sous l’occupation japonaise. Ne risque-t-il pas de tomber lui aussi dans une solitude « maladive » dans ces circonstances particulièrement défavorables pour un écrivain ?
choses vues
23Les tomes VI et VII des Œuvres complètes de Kobayashi Hideo publiées en 1968 par les éditions Shinchō-sha comprennent plusieurs essais consacrés à ses séjours dans les zones occupées : Corée, Mandchourie et Chine13
24Le principe que l’auteur applique dans ces écrits est simple et rigoureux : rester strictement sur le plan de l’observation objective de ce qu’il voit sans se lancer dans une spéculation idéologique. Il s’efforce de regarder la réalité telle quelle est, sans la déformer par aucun préjugé. L’écrivain écarte délibérément ce qui est extraordinaire et exceptionnel. Il se trouve certes sous le régime d’exception. Il est convaincu cependant que la véritable pensée, valable pour les humains, ne naît pas de l’extraordinaire. II trouvera son modèle chez le philosophe français Alain, ce soldat courageux qui savait rester philosophe sur le champ de bataille comme il l’était dans la vie quotidienne14. C’est une attitude tout à fait opposée à celle de certains journalistes qui cherchent avant tout à rapporter des événements sensationnels et peu habituels qui sont destinés à satisfaire la curiosité du public. La position d’observateur de Kobayashi s’oppose également à la volonté du gouvernement, des dirigeants politiques et des idéologues ultranationalistes démagogiques, qui souhaitent formuler des idées de circonstance correspondant à la nécessité du temps de guerre15
25Contrairement à beaucoup de reporters ou journalistes, Kobayashi refuse de se rendre sur le front et dans des zones trop fraîchement marquées par des traces de violentes batailles. Il le refuse d’autant plus qu’il peut les « visiter » sans risque, avec des moyens de transport commodes16. Rappelons ici ce qu’il a écrit à propos de la guerre. S’il s’y engage, il ira avec un fusil, non pas avec une plume.
26Son esprit critique n’épargne ni ses compatriotes qui profitent de la situation sans vergogne17 ni les dirigeants des institutions de différents niveaux qui ne savent pas se mettre en face de la situation nouvelle et qui se cantonnent dans leur pseudo-volontarisme inadapté18. Il observe différents genres de Chinois, mais n’exprime pratiquement jamais de mépris contre les Chinois en général. Il ne critique que très peu leur comportement19. Ici, le critère de son jugement n’est pas la distinction ethnique, mais se place sur le plan humain. Rien de plus éloigné de la pensée de Kobayashi Hideo que le racisme, la conscience de supériorité raciale ou culturelle, ou l’arrogance du vainqueur ou du colonisateur face au sujet colonisé et assujetti20.
27Par contre, Kobayashi Hideo apprécie certains militaires japonais pour qui l’acte de guerre constitue la vie quotidienne. Car ces rares personnes que l’écrivain admire ne vivent pas dans l’exceptionnel : elles regardent le monde avec un regard serein en dehors de toute excitation singulière, toute attente frivole21. Nous retrouverons la même « sérénité » dans l’essai inspiré par la photo du bombardement de Pearl Harbor, Sensō to Heiwa (Guerre et Paix), publié en 194222. Il est vrai que l’écrivain idéalise à plusieurs reprises l’image de certains soldats japonais en les appelant heitai-san : heitai (soldat) est accompagné par ce san qui ajoute une tonalité de sympathie et de confiance23, tandis qu’il emploie sans hésiter des termes militaires comme zanteki tōbatsu (nettoyage des soldats ennemis rescapés) par exemple24. Ses essais ne montrent aucune haine, aucun complexe de supériorité ethnique face à ce peuple voisin. Il observe avec beaucoup d’intérêt, voire de sympathie émerveillée, les activités des Chinois ordinaires qui s’activent avec énergie et avec ingéniosité pour survivre, non sans ruse quelquefois.
28Il s’intéresse en particulier aux enfants chinois. Ils ne sont pas toujours idéalisés comme incarnation de l’innocence. Mais, pour la plupart des cas, l’écrivain considère ces jeunes enfants avec bienveillance et avec sympathie. Ils sont évoqués dans tous les essais relatant des impressions sur les zones visitées.
29Les jeunes Japonais sont aussi présents. Le problème très sérieux qui se pose à la politique expansionniste du Japon en Mandchourie, par exemple, est évoqué de façon très concrète sous forme de décalage entre la mentalité de certains dirigeants adultes, sérieux mais incompétents, et celle des garçons engagés comme colons exploitants dans les champs de la Mandchourie25. Kobayashi Hideo ne se mêle pas directement de la politique, mais ne tolère pas les aberrations qu’elle put commettre.
30Il se rend à Nanjing plusieurs mois après la chute dramatique de la ville et le massacre qui s’ensuivit. Quelques impressions consignées par l’écrivain sur les lieux de ces événements26 montrent bien la perspicacité d’un regard de poète et en même temps les limites et aveuglements de sa pensée.
31Il convient donc de relire plus en détail l’essai intitulé « Kōshū yori Nankin » (« De Hangzhou à Nanjing »), publié dans le Genchi-hōkoku (Rapport direct des fronts), bulletin mensuel de Bungei-shunjū, numéro de mai 1938, afin de dégager les caractéristiques de la réflexion de Kobayashi pendant cette période.
32De Shanghai où il séjournait, l’écrivain ne voulait pas tout d’abord aller à Nanjing, tandis que bien des Japonais s’y rendaient pour fêter l’instauration du nouveau gouvernement. Kobayashi, lui, préférait aller à la ville de Hangzhou pour remettre le prix littéraire Akutagawa à Hino Ashihei, auteur de plusieurs romans décrivant la vie des soldats.
33« L’idée de visiter Nanjing ne me tentait pas tellement. D’après bien des histoires qu’on m’avait racontées, j’ai pressenti qu’il ne devrait y avoir rien d’intéressant pour moi. La réalité a prouvé la justesse de mon pressentiment. » Kobayashi y découvre le regard singulièrement sombre des habitants. Dans des ruelles, dans des bars, l’écrivain est singulièrement frappé par cette physionomie fermée et hostile. Les habitants de cette ville sont visiblement traumatisés par les événements encore frais dans leur mémoire. Mais Kobayashi ne pousse pas plus loin son investigation sur ce qui s’est passé quelques mois auparavant. La fin de l’essai est d’une densité presque insoutenable. Malgré la légèreté des touches de l’essayiste, grâce à ce regard qui capte juste ce qu’il faut et par la puissance de ce style volontairement retenu, les lecteurs ressentent presque physiquement l’atmosphère difficile à respirer de Nanjing, à l’été 1938. L’essentiel de la pensée de notre auteur se trouve décidément dans les détails de son écriture :
J’ai visité également de récents champs de bataille comme Chūzan-mon [Porte Zhongshan], Kōka-mon [Porte Guanghua] ou Chūka-mon [Porte Zhonghua]. Sur la Kôka-mon, j’ai passé de longs moments, assis sur un sac rempli de terre. Mes idées divaguaient. Nanjing était déjà en été.
Lorsque jetais allé voir les abris antiaériens du monastère Keimei [Jiming], de nombreuses cigales chantaient déjà en abondance. La muraille était horriblement longue. Je n’avais pas pu imaginer sur combien de lieues elle s’allongeait.
Le ciel parfaitement clair ; de l’autre côté du canal qui se trouvait juste en-dessous du mur s’étendaient en vert vif la plaine et des collines. Le mont Shikin [Zijin] se dressait avec netteté ; il donnait l’impression d’être assez proche. Le célèbre mausolée Chūzan [Zhongshan] se trouvait là comme une pierre gigantesque encastrée au flanc de la montagne. Cela ne me tentait pas particulièrement d’y aller.
Juste à côté de la porte se trouvait un passage pour l’assaut, détruit par des bombes. Comme je ne voyais personne à qui demander, je ne pouvais savoir comment les batailles s’étaient déroulées ici.
Des tranchées se trouvaient creusées avec un intervalle de cinq à six mètres. On voyait par-ci, par-là des objets dispersés : une casquette, une ceinture en cuir, une cage d’oiseau à moitié détruite par le feu, etc. Des os d’un soldat chinois qu’on n’avait pas pu enterrer se trouvaient là, plantés comme des bâtons. Il y avait un beau fémur brun ; il était lisse et translucide, éclairé par le rayon de soleil ; il y avait une vertèbre, humide comme si elle était couverte de bitume. Des mouches tourbillonnaient en grand nombre et l’air luisant était lourd de puanteur.
Deux officiers sont venus ; ils m’ont demandé de les photographier. J’ai pris une photo devant une pancarte sur laquelle se lisait une inscription : la Porte prise par la troupe Miyawaki. Lorsque j’étais en train de les cadrer, l’un d’eux m’a demandé si le mont Shikin se trouvait bien dans le champ visuel. C’était une des manies militaires qui avait jailli. J’ai ri en répondant d’un ton militaire : Oui, mon commandant ! Il s’est rendu compte de son excès ; il a ri à son tour.
Lorsque je suis revenu à l’hôtel, la nuit était déjà tombée. Au-dessus de la ville sans lumière, la lune se levait. Sur une rivière qui dégageait une odeur puante, grand nombre de chauves-souris voltigeaient. J’ai pris une bière dans un restaurant chinois. J’ai donné dix sous [sen] à chacune des trois serveuses chinoises qui travaillaient là ; en buvant de la bière joyeusement, elles se parlaient très fort en une langue que je ne comprenais pas. J’ai commandé du porc laqué pour moi-même et pour ces femmes. Dans mon assiette, la moitié du porc n’était que de la graisse. Dans leurs assiettes, tous les morceaux étaient de la vraie viande. La discrimination était tellement flagrante que je ne pouvais m’empêcher de rire27.
34Tous les éléments qui intéressent l’auteur se trouvent dans cet extrait : éléments de la nature, monuments historiques, écritures laissées par la guerre sur la terre, comportements bien significatifs des miltaires japonais et des gens du peuple chinois... Ce passage illustre parfaitement l’attitude de notre auteur à l’égard de la guerre d’agression menée par son pays contre la Chine. Kobayashi Hideo, en tant qu’écrivain et kokumin, sujet japonais, assumera jusqu’au bout son sort d’être né Japonais. Une attitude critiquable du point de vue des intellectuels idéalistes qui prennent à leur charge toutes les injustices et tous les malheurs qui se produisent sur la terre. Mais Kobayashi Hideo sait regarder sans préjugé les choses telles qu’elles sont. Certes, nous ne pouvons trouver chez ce penseur une indignation humaniste contre la guerre, ni une protestation virulente contre la barbarie. Lorsqu’il découvre des décombres, il note ce fait aussi simplement que possible, sans commentaire. Il capte avec une sérénité singulière différents aspects des œuvres humaines et s’adresse avec ses mots précis, avec son style concis, à chaque individu. Il saisit avec précision des détails et des sensations qu’ils provoquent : odeur, luminosité, couleurs, sons, etc. Chaque petit détail apparemment insignifiant provoque une résonance profonde et communique directement à ses lecteurs la dimension de la tragédie qui se joue. Prenez ce beau fémur brun, lisse et translucide, éclairé par le rayon de soleil, d’un soldat chinois. Cet os ne rappelle-t-il pas des os de son ami Nakahara Chūya qu’il a ramassés après l’incinération ? Ce fémur planté n’évoque-t-il pas le poème poignant de Nakahara : « Mes os », dans lequel le poète contemple son squelette exposé dans la nature ? Il ne parle pas dans cet essai de la conscience nationale, du massacre de la population chinoise par l’armée de Guangdong (Kuantung), du prix de la victoire japonaise. Moins il en parle, plus nous comprenons les données de sa méditation, tendant vers le mutisme, sur la relation entre le particulier, le national et l’universel.
35Nous savons que peu de temps après le déclenchement de la guerre du Pacifique en décembre 1941, Kobayashi commence à publier une série d’essais sur les œuvres classiques de la littérature et de la pensée japonaises. Dans ces essais, il développe une sorte de dialogue imaginaire entre les âmes surgissant de la tradition nationale et un homme moderne qui est allé jusqu’au bout de l’examen de la conscience de soi à la lumière de la littérature et de la philosophie occidentales28. Les propos que Kobayashi tint à la fameuse table ronde sur le développement de la modernité, « Kindai no chōkoku », en juillet 1942 révèlent sans ambiguïté que son nationalisme n’a aucun rapport avec le kokusui-shugi, ou l’ultranationalisme puriste29.
36La conscience nationale joue bien entendu un rôle déterminant dans la pensée de Kobayashi Hideo. Son idée du destin lié à la nationalité et à la langue maternelle est certes problématique : nous pouvons changer de nationalité et acquérir d’autres langues que la langue maternelle. Kobayashi Hideo est dans ce sens très fortement conditionné par un certain kokka-shugi, soit par une identification presque totale avec le militarisme expansionniste du Japon dans les années 1930 qui ne mette nullement en question les raisons et conséquences de cette politique. S’il partage cette adhérence à l’idéologie dominante avec une bonne partie des intellectuels et des artistes japonais de cette époque, il demeure néanmoins un des rares écrivains qui a su maintenir une cohérence et une continuité dans sa pensée.
37Si le nationalisme existe dans la pensée de Kobayashi Hideo, il travaille non pas pour nous opposer par des déchirements raciaux ou ethniques, mais pour nous enrichir par la diversité des cultures. Le jeune Kobayashi Hideo, lecteur passionné de Rimbaud, rejoint l’auteur perspicace du Mujō to iu koto (Ce qu’on appelle l’impermanence). Nous constatons sans aucune ambiguïté la même attitude, lorsque l’écrivain exposera plus tard ses réflexions pénétrantes, pleines de respect et de sympathie, à l’égard d’Ogyū Sorai, sinologue déterminé, comme à l’égard de Motoori Norinaga, défenseur flamboyant des valeurs nationales.
Bibliographie
Bibliographie
Kobayashi Hideo Zenshū (Œuvres complètes de Kobayashi Hideo), Tōkyō, Shinchō-sha, 1968, notamment les tomes IV et VII.
Kobayashi Hideo, Issatsu no kōza (Cours en un volume), Tōkyō, Yūseidō, 1984. Voir en particulier, Inaka Etsuko : « Kobayashi Hideo to Shōwa jūnendai » (« Kobayashi Hideo et les années dix de l’ère Shōwa ») et Tsuzuki Hisayoshi : « Senjika no Kobayashi Hideo » (« Kobayashi Hideo pendant la guerre »).
Yoshimoto Takaaki, « Kobayashi Hideo no hōhō », dans Yoshimoto Takaaki zen-chosakushū (Œuvres de Yoshimoto Takaaki), Tōkyō, Keisō-shobō, 1968, tome VII.
Notes de bas de page
1 Voir Ninomiya Masayuki, « Le “yamato-damashii” et l’esprit critique », Corps écrit, 17, « Représentations du Japon », 1986.
2 Voir Miyakawa Tōru, Nihon seishin-shi e no joron (Introduction à l’histoire de la pensée au Japon), Tōkyō, Kinokuniya-shoten, 1979, en particulier le chapitre III, « Nihon e no kaiki » (« Retour au Japon »), p. 93-182.
3 Voir Ninomiya Masayuki, La pensée de Kobayashi Hideo : un intellectuel japonais au tournant de l’Histoire, Genève/Paris, Librairie Droz, 1995, p. 21-22.
4 Kobayashi Hideo, Kobayashi Hideo zenshū (Œuvres complètes de Kobayashi Hideo), Tōkyō, Shinchō-sha, 1968, tome IV, p. 288.
5 Ibid., tome VI, p. 289. Plus de soixante ans après, la guerre du Kosovo prouve que l’idée des Droits de l’homme peut surpasser les frontières. Mais il faut reconnaître que c’est un cas encore très particulier même dans le monde d’aujourd’hui. La guerre de la Tchétchénie montre crûment la limite de cet idéal.
6 Voir à ce sujet mon article « Exil impossible, exil en syncope des Japonais contemporains », Littérature de l’exil, 45,1997, p. 42-46.
7 Kobayashi Hideo, op. cit., tome IV, p. 292.
8 Benedict Anderson, L’imaginaire national, trad. de Pierre-Emmanuel Dauzat, La Découverte, 1996, p. 148.
9 Kobayashi Hideo est le premier traducteur au Japon des Prétextes d’André Gide, dans lesquels Gide critique la pensée traditionaliste et fixée sur les mythes nationaux de Maurice Barrès. Voir « À propos des Déracinés », « La querelle du peuplier (Réponse à M. Maurras) » et « La Normandie et le Bas-Languedoc », in Kobayashi Hideo zen-honyaku, Tōkyō, Kōdansha, 1981, p. 393-409.
10 Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome VII, p. 19.
11 Ibid., tome VII, p. 42 et 66, « Giwaku I, II » (« Doutes i et ii »), publiés en 1939.
12 Ibid., tome VII, p. 84.
13 Il a effectué en effet au moins trois voyages dans ces régions avec une idée très précise : aller voir sur place avec ses propres yeux ce qui se passe là-bas. Le premier voyage a eu lieu de février à avril 1938. Kobayashi Hideo était engagé par la revue Bungei-shunjū comme correspondant et a remis le prix Akutagawa au romancier Hino Ashihei pour son Funnyotan (Histoires scatologiques). Le lauréat se trouvait sur le front de Hangzhou comme caporal de l’armée de terre. Ce voyage donna notamment :
« Kōshū » (Hangzhou), publié dans la revue Bungei-shunjū, numéro de mai 1938 ;
« Kōshū yori Nankin » (« De Hangzhou à Nanjing »), publié dans le Genchihōkoku (Rapport direct des fronts), bulletin mensuel de Bungei-shunjū, numéro de mai 1938 ;
« Soshū » (« Suzhou »), publié dans la revue Bungei-shunjū, numéro de juin 1938.
Ces essais se trouvent dans Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome IV. Le deuxième voyage date d’octobre 1938 : Kobayashi Hideo séjourne pendant un mois en compagnie d’Okada Harukichi en Corée, en Mandchourie et dans les régions nord-est de la Chine. De cette expérience, il rédige en particulier :
« Manshū no inshō » (« Ce que j’ai ressenti en Mandchourie »), publié dans les numéros de janvier et février 1939 de la revue Kaizō ;
« Keishū » publié dans le numéro de juin 1939 du Genchi-hōkoku (Rapport direct des fronts), bulletin mensuel de Bungei-shunjū.
Voir Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome VII.
La troisième visite fut organisée dans le cadre de la « Campagne des hommes de lettres pour soutenir les combattants ». Kobayashi Hideo partit du Japon le 2 août 1940 pour donner des conférences dans plusieurs villes de la Corée et de la Mandchourie. Une de ses conférences est publiée dans la revue Chūō-kōron (numéro de novembre 1940) sous le titre de « Bungaku to jibun – Bungei-jūgo-undō-kōen » (« La littérature et moi – conférence donnée au cours de la Campagne des hommes de lettres pour soutenir les combattants ») (Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome VII).
14 Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome VII, p. 107. Rappelons que l’article consacré à la traduction japonaise de Souvenirs de guerre d’Alain se termine par la citation du passage suivant : « Les travaux de la guerre pouvaient seuls me consoler de la guerre. Hors de l’action, jetais bien près du désespoir. Et je ne veux pas écrire l’histoire d’un citoyen en révolte ; de telles pensées sont sans lien, sans règles, et sans limites ; je ne les aime point. Au contraire, dans les difficultés et les dangers de la guerre, j’avais plutôt l’humeur égale ; l’imagination se trouvait bornée par le fait » (Alain, Les passions et la sagesse, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1960, p. 502.
15 Voir « Shina yori kaerite » (« Retour de la Chine »), mai 1938, in Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome IV, p. 349 et « Jihen to bungaku » (« Incident et littérature »), juillet 1939, in ibid., tome VII, p. 57.
16 « Kōshū » (« Hangzhou »), mai 1938, in ibid., tome IV, p. 307.
17 « Kōshū yori Nankin » (« De Hangzhou à Nanjing »), mai 1938, in ibid., tome IV, p. 328-329.
18 « Manshū no inshō » (« Ce que j’ai ressenti en Mandchourie »), janvier-février 1939, in ibid., tome VII, p. 23-27.
19 « Hangzhou », in ibid., tome IV, p. 317. La critique de l’auteur à l’égard de deux moines chinois à l’esprit excessivement cupide et commerçant est plutôt humoristique.
20 Kobayashi tient néanmoins parfois des propos flatteurs à l’égard des soldats japonais qui sont accompagnés par des préjugés au sujet des étrangers, comme les Indiens, Ecossais, Anglais ou Américains, mais ce genre de touche « chauvine » ne va jamais très loin. Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome IV, p. 319 ou « Jūgun kisha no kansō » (« Souvenirs d’un correspondant de guerre »), juillet 1938, in ibid., tome IV, p. 355.
21 Ibid. p. 308, 354.
22 Voir Ninomiya Masayuki, La pensée de Kobayashi Hideo : un intellectuel japonais au tournant de l’Histoire, op. cit., p. 43-50. Nous lisons : « Je ne prétends pas que ceux qui sont sur le champ de bataille eurent un regard identique à celui du Bouddha, mais ne pouvons-nous penser qu’ils possèdent un regard d’une extraordinaire sérénité, dégagé des idées préconçues qui nous encombrent dans la vie quotidienne ? »
23 Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome IV, p. 309-311, etc.
24 Ibid., tome IV, p. 307, 311, etc.
25 Ibid., tome VII, p. 22-27.
26 Voir, parmi d’autres, Honda Katsuichi, The Nanjing Massacre, trad. de Karen Sandness, Armonk (N.Y.), M. E. Sharpe, 1999.
27 Kobayashi Hideo zenshū, op. cit., tome IV, p. 337.
28 Voir Ninomiya Masayuki, La pensée de Kobayashi Hideo : un intellectuel japonais au tournant de l’Histoire, op. cit.
29 Ibid., p. 15-93.
Auteur
Professeur titulaire à l’Université de Genève. Parmi ses nombreuses publications, on note deux livres récents : Kobayashi Hideo no Koto (Kobayashi Hideo, Tōkyō, Iwanami-shoten, 2000) et La pensée de Kobayashi Hideo : un intellectuel japonais au tournant de l’histoire (Genève, Librairie Droz, 1995). Ses recherches actuelles portent sur la littérature japonaise du XXe siècle et ses relations avec les littératures européennes.
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