Arendt et Maruyama
Deux approches complémentaires du totalitarisme
p. 227-241
Texte intégral
1Les analyses arendtiennes du totalitarisme sont aujourd’hui bien connues. Un des intérêts de celles-ci a été la manière dont Hannah Arendt a pu rapprocher sous une même typologie deux régimes qui semblaient idéologiquement antithétiques : l’hitlérisme et le stalinisme. Nous aimerions joindre ici à l’acquis arendtien quelques-unes des remarques de Maruyama Masao concernant la variante japonaise du phénomène totalitaire : le régime ultranationaliste ou militariste des années 1930-1940. Aucun auteur sérieux ne peut encore nier aujourd’hui le caractère fasciste de ce régime1. Que cette variante japonaise du fascisme ait en outre atteint une dimension proprement totalitaire est ce qui semble bien ressortir d’un rapprochement entre les analyses dArendt et celles de Maruyama. L’intérêt de joindre le qualificatif de « totalitairetaire » à la description du fascisme japonais ne réside pas dans la formulation d’un nouveau grief à l’encontre d’un régime universellement condamné depuis des lustres, mais bien, à nos yeux, dans une preuve supplémentaire du caractère éminemment « moderne » du Japon du XXe siècle – compte tenu du fait que le totalitarisme est bien, comme le montre Arendt, un des fruits de la modernité. Or il me semble bien que cette modernité japonaise, encore parfois contestée, nous contraint à tenir compte du phénomène japonais dans toute discussion concernant la modernité et la critique de la modernité – compte tenu cette fois du fait que, si le Japon du XXe siècle, est bien moderne au même titre que l’Occident, il l’est en fonction d’un héritage culturel qui lui est propre et dont la prise en compte devrait pouvoir enrichir les discussions actuelles sur la modernité en Europe et sortir du caractère extrêmement itératif des arguments qui s’y font entendre.
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2Ce que Hannah Arendt a proposé dans Les origines du totalitarisme2 c’est, à partir d’un examen combiné du bolchevisme et du nazisme, une véritable typologie du totalitarisme. Il peut paraître regrettable, à première vue, que son analyse ne se soit pas également nourrie de l’ultranationalisme japonais. Mais ce défaut se transforme en avantage lorsqu’on constate qu’il permet finalement de mieux mettre en évidence la remarquable pertinence de la typologie arendtienne à partir du moment où l’on découvre que celle-ci, élaborée avec le regard fixé sur le stalinisme et l’hitlérisme, s’applique tout aussi bien au tennô-centrisme. C’est surtout entre national-socialisme allemand et ultranationalisme japonais que les rapprochements sont les plus manifestes, et c’est à ceux-ci que nous réserverons toute notre attention.
3S’il est vrai que le Japon ultranationaliste ne s’est pas acharné, comme l’Allemagne nazie, sur un peuple particulier, et certainement pas le peuple juif, c’est par contre bien, à l’instar du nazisme, par l’union du nationalisme et de la xénophobie qu’il a le mieux réussi à créer la cohésion intérieure du pays. En outre, la manière dont, dès l’annexion de la Corée en 1910, il a traité la population coréenne – c’est-à-dire comme un peuple de seconde zone, dont l’identité propre fut activement niée – nous permet peut-être de trouver, dans une certaine mesure, un analogue au traitement des Juifs en Allemagne, mais de manière nettement plus tempérée (à l’exception notable, en particulier, de l’intention génocidaire3). Quoi qu’il en soit de cette question trop grave et trop vaste pour être traitée ici adéquatement, il est clair qu’en ce qui concerne l’exaltation de la nation à l’aide d’une véritable idéologie identitaire, la mythologie shintō de l’origine divine du peuple japonais n’avait pas grand-chose à envier à la mythologie nazie de la supériorité de la race aryenne et que, dans les deux cas, elle s’appuyait sur une xénophobie alimentée par tous les moyens dont disposait la propagande impériale. Ainsi déjà les analyses arendtiennes concernant la généalogie de l’antisémitisme européen, dans le premier tome des Origines, peuvent-elles se révéler partiellement éclairantes pour l’étude du nationalisme japonais. Mais c’est surtout avec l’analyse de l’impérialisme, dans le tome II, que les analogies typologiques et structurelles deviennent frappantes.
4On sait en effet que la nation japonaise à partir de Meiji s’est construite à l’image d’un modèle occidental composite : au nationalisme économique et au despotisme éclairé, à la manière de la Prusse bismarckienne, se joint l’impérialisme colonial, à la manière des capitalismes atlantiques. Moins soucieux que ces derniers du prétexte démocratique et du cadre juridique de celui-ci, le Japon impérial de la première moitié de l’époque Shōwa – dont l’expansionnisme militaire suit conjointement la logique coloniale des nations industrielles avancées et la logique annexionniste des empires européens continentaux – aura peu de scrupules lorsqu’il s’agira d’utiliser les mêmes principes : la croissance économique illimitée devient à la fois la finalité et le moteur de l’expansion, l’administration coloniale crée une bureaucratie dont le principe de gouvernement n’est pas la légalité mais le décret et dont les moyens d’action incluront la violence d’Etat, la cohésion sociale de la métropole est cimentée en déviant la conscience de classe (à l’échelle de la nation) en direction d’une conscience ethnique (à l’échelle de l’Empire) : l’unité tribale des membres de la nation dominante (présentée comme plus civilisée, voire ethniquement supérieure) face aux membres des nations dominées (« arriérées » et « inférieures »). Tous ces phénomènes, qu’Arendt analyse à propos des impérialismes européens du XIXe siècle finissant, nous les retrouvons dans l’impérialisme japonais du XXe siècle commençant. De part et d’autre, ils contribuent, de manière analogue, à préparer la Première Guerre mondiale, qui est à l’évidence une guerre entre impérialismes capitalistes rivaux. Et de part et d’autre ils contribuent à préparer l’idéologie fasciste ainsi que son organisation totalitaire : l’hypocrisie des démocraties capitalistes, qui sont en même temps des impérialismes exploiteurs et inégalitaires, alimente le mépris des Droits de l’homme et la perte de crédit de l’idéal démocratique ; l’administration coloniale crée une bureaucratie dont les méthodes contredisent les principes juridiques d’un Etat de droit et préfigurent les procédés totalitaires. Et enfin, en Europe comme au Japon, la montée de la puissance soviétique, durant les années 1920, est de plus en plus ressentie comme une menace face à laquelle le fascisme sera perçu comme le plus puissant rempart.
5Le système totalitaire s’instaure différemment en Russie, en Allemagne et au Japon – puisqu’il y a respectivement : une révolution violente (1917), des élections libres (1933) et une militarisation progressive du pouvoir (lente dès 1912, accélérée à partir de 1936)-mais, une fois en place, son fonctionnement et son intensification continue obéissent quasiment aux mêmes lois : massification et atomisation des classes sociales, suppression des droits et libertés, instauration d’un régime policier et d’un règne de la terreur en vue d’une domination totale de la population, robotisation de celle-ci, création d’une fiction idéologique afin de compenser le vide de sens occasionné par l’atomisation sociale et par la destruction de l’ordre ancien, substitution d’un mouvement de masse monolithique au système diversifié des partis, rupture par rapport au consensus juris international, militarisation du régime, mise en œuvre d’une politique étrangère visant de plus en plus ouvertement à la domination du monde, création de l’univers concentrationnaire et, pour terminer, fuite en avant de plus en plus suicidaire lorsque se profile l’effondrement final.
6Le rôle ici de la fiction idéologique est déterminant, car c’est elle qui va canaliser et sublimer la frustration des masses, endémique dans la société capitaliste, en même temps qu’elle va occasionner le ralliement des intellectuels dans cet étonnant phénomène qu’est, selon l’expression d’Arendt, « l’alliance provisoire entre la populace et l’élite4 ». En effet, la frustration des masses provient de la perte de sens dont les origines sont multiples et complexes, mais de toute façon liées aux bouleversements sociaux occasionnés par l’entrée précipitée dans le capitalisme industriel (« l’âge technique », selon l’expression de Heidegger). Il y a notamment le déracinement de populations d’origine rurale trop rapidement arrachées au mode de production artisanal, avec ses communautés structurées en classes et corporations, et trop rapidement précipitées dans le système d’exploitation industrielle, perdant toute possibilité de ralliement autour de partis d’intérêts communs, occasionnant ainsi l’atomisation sociale, c’est-à-dire la perte d’un ancrage social et le rejet de chacun sur l’isolement de son individualité propre ou, au mieux, de la cellule familiale. Les phénomènes complémentaires de massification et d’atomisation signifient la disparition des réseaux de relations humaines constitutifs d’un espace public et s’accompagnent d’un dépérissement des cultures populaires traditionnelles, tandis que la culture urbaine d’avant-garde s’aliène de plus en plus le public bourgeois dont la consommation culturelle devient alors toujours plus nostalgique de formes éculées. Milieux populaires aussi bien que milieux bourgeois souffrent ainsi d’une absence de sens, voire d’un vide existentiel. Bref, ils sont emplis d’une attente, imprécise mais forte, notamment de changement – attente qui les rendra également vulnérables à la fiction idéologique des discours prétotalitaires.
7Quant à l’élite intellectuelle de l’époque, en Europe comme au Japon, elle était animée, autant que l’aristocratie déchue, d’un profond mépris envers la bourgeoisie libérale sur laquelle reposait le système capitaliste qui avait conduit aussi bien aux conflits sociaux d’où avait résulté la révolution russe qu’aux rivalités impérialistes d’où était issue la Première Guerre mondiale. Derrière la façade de la respectabilité libérale, la bourgeoisie capitaliste agissait, à l’échelle planétaire, comme une bande d’escrocs, uniquement motivés par l’appât du gain. Cette perte de crédit du libéralisme aux yeux des intellectuels explique partiellement l’adhésion d’un grand nombre d’entre eux au discours fasciste qui avait au moins la franchise d’exprimer tout haut la logique hypocrite de l’impérialisme capitaliste : celle de la force et de la mêlée pour la domination du globe.
8Si l’on en vient maintenant au contenu propre de la fiction idéologique de chacun des grands mouvements totalitaires, on doit reconnaître les divergences : schématisation de la philosophie marxienne de l’histoire en Russie (avec une adaptation de circonstance au panslavisme messianique), vulgarisation en mode nietzschéen d’un évolutionnisme de type darwinien en Allemagne, et enfin simplification, politisation et militarisation de la doctrine shinto au Japon. Mais ces divergences de contenu n’empêchent pas les fictions idéologiques de jouer foncièrement le même rôle : l’intoxication des masses et la légitimation du pouvoir à l’aide de prétendues « Lois » historiques, naturelles ou divines, en tous les cas « supérieures » par essence aux lois humaines et au consensus juris qui règle les rapports entre les peuples comme il règle, en régime de droit, les rapports entre individus au sein d’un même État.
9La situation allemande durant la République de Weimar est très comparable à celle du Japon durant l’ère Taishō (1912-1926) où marxistes et conservateurs nationalistes, idéologiquement opposés, travaillent en fait ensemble à l'effritement d’un État de droit déjà nettement moins affirmé qu’en Allemagne. Durant la première partie de l’ère Shōwa (1926-1945), alors que se confirme la militarisation du régime, en même temps que sa tournure de plus en plus nationaliste et totalitaire, les intellectuels de gauche seront progressivement muselés tandis que ceux de droite oscilleront entre le silence (pour les plus modérés) et l’adhésion ouverte au régime (pour les plus opportunistes, sinon les plus extrémistes). Peu de résistance ferme donc, reconnaissons-le, en dehors des rares chrétiens ou bouddhistes convaincus, ou alors des quelques marxistes qui ne changèrent pas de bord. Alors, la question qui se pose est de savoir ce qu’avait de particulier la situation japonaise pour, à l’inverse de l’allemande, encourager le soutien d’une part aussi considérable de l’élite intellectuelle, dont les plus éminents philosophes de l’époque, alors qu’en Allemagne, pratiquement aucun philosophe d’envergure, Heidegger excepté, ne soutiendra sérieusement le régime nazi. Car, à la différence de la littérature révolutionnaire conservatrice en Allemagne qui s’est surtout développée durant l’époque de Weimar, au Japon, c’est non seulement en plein fascisme, mais jusqu’en pleine guerre que s’élabore la vision du monde des philosophes conservateurs nationalistes et notamment celle des idéologues du « dépassement de la modernité ».
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10C’est ici que la contribution de Maruyama Masao se révèle très précieuse dans sa recherche pour comprendre principalement deux choses : comment le fascisme avait pu se développer sur les fondements politiques établis par Meiji et comment des intellectuels japonais, formés depuis des décennies à la pensée occidentale, avaient pu sombrer si aisément dans la mythologie irrationaliste de la voie impériale. Nous nous baserons ici sur ses études, désormais classiques, réunies en un volume sous le titre : Gendai seiji no shisō to kōdō (Pensée et action dans la politique contemporaine5).
11Prenant ses distances par rapport au marxisme de nombre de ses collègues des années 1950 et 1960, Maruyama tente d’expliquer non seulement l’idéologie consciente du nationalisme japonais, mais aussi les valeurs et préjugés souvent inconscients qui la sous-tendent. Il s’agit pour lui de montrer que la période fasciste n’a pas simplement été, comme il est convenu de la présenter, une simple déviation, liée aux circonstances internationales, par rapport au mouvement fondamental de démocratisation qui caractériserait le Japon contemporain, mais qu’il a été bien plutôt l’expression de certains éléments sourdement inhérents à la sensibilité culturelle japonaise et qui, n’ayant jamais été sérieusement assumés ni surmontés, se seraient soudainement manifestés ouvertement et sans frein. Ainsi, tout en établissant des parallèles avec le nazisme et en soulignant comment les deux mouvements participent d’une même logique, ce qui met ses analyses au diapason avec celles de Hannah Arendt, il tend à souligner en même temps la spécificité du fascisme japonais. Par ailleurs, si, tout en ayant été formé à leur école, il se méfie des philosophies hégélienne et marxienne du sens nécessaire de l’histoire, il tient à conserver la foi dans une histoire comprise comme « le progrès vers la conscience et la liberté » telle qu’elle avait été exprimée dès l’époque des lumières et repensée par des auteurs comme Max Weber, Karl Mannheim, Fukuzawa Yukichi et Nakae Chomin.
12La première difficulté pour comprendre la spécificité du nationalisme japonais, explique Maruyama, réside dans la nature mixte de celui-ci : à certains égards, il participe de la logique du nationalisme européen moderne à l’image duquel il a voulu se construire, mais à d’autres égards il participe du nationalisme asiatique auquel il est historiquement apparenté. Le nationalisme asiatique (celui de la Chine, de l’Inde et des peuples de l’Asie du Sud-Est), dont le point culminant s’est en fait manifesté dans l’immédiat après-guerre, est un nationalisme de type révolutionnaire et anticolonial : il s’agit d’une lutte de libération par rapport à l’impérialisme occidental et par rapport aux éléments des classes dirigeantes locales qui avaient fait preuve d’allégeance à l’égard de celui-ci. Or le Japon, bien qu’il partage l’idéal asiatique d’une lutte anti-impérialiste, se distingue des nations d’Asie, premièrement en ce qu’il n’a pas été proprement colonisé par l’Occident, mais seulement tenu en laisse économiquement et politiquement, deuxièmement en ce que sa lutte d’indépendance nationaliste a été menée par l’élite dirigeante plutôt que par le peuple ou les bourgeois et, troisièmement, en ce qu’il a voulu assurer sa propre autonomie en effectuant une sorte de surenchère du nationalisme européen, ce qui incluait précisément l’expansion coloniale, et ce, notamment en direction de l’Asie. Le nationalisme japonais a ainsi, comme l’exprime Maruyama, « perdu sa virginité6 » : voulant se mesurer aux Occidentaux, il a commis les mêmes excès qu’eux. En outre, n’étant pas issu d’une base populaire, mais de l’ancienne élite dirigeante, il a reproduit rapidement tous les travers de l’exploitation capitaliste et ensuite de la mise au pas propre à l’étatisme extrême. Mais par rapport à l’Occident, à son tour, le nationalisme japonais apparaît de manière ambiguë. En effet, la conscience nationale des divers Etats-nations d’Europe s’est construite sur le fond d’une commune appartenance, une même civilisation, remontant à la visée d’universalité de l’Église catholique et de l’Empire romain, et constitutive de la conscience implicite d’une véritable « Société des Nations », corrélative d’une universalité partagée par toutes les nations appartenant à cette Société. Par contre, en Asie, chacune des grandes nations asiatiques (Inde, Chine, Japon) est en même temps une civilisation relativement autonome, malgré des influences réciproques, et qui forme donc un monde relativement fermé, ethnocentrique, sommé précisément de s’ouvrir au monde international par la rencontre, souvent conflictuelle, avec l’Occident. Le Japon s’est éveillé à la conscience nationale moderne non seulement dans l’espoir de se libérer de l’emprise occidentale (comme les autres pays asiatiques), mais (à la différence de ses voisins) dans le souci de s’intégrer à la société internationale que composaient ensemble les nations d’Occident. De sorte que si le nationalisme japonais a effectivement partagé à ses débuts, avec ses voisins asiatiques, la volonté d’« expulser les barbares », afin d’éviter d’être victime de l’unique loi connue jusque-là des relations entre les peuples, vaincre ou être vaincu, et s’il a voulu à cette fin construire sa puissance selon le principe du « savoir occidental, âme japonaise » ou encore « nation prospère, puissante armée », sa nature s’est progressivement complexifiée par sa volonté d’être reconnu à égalité avec les Occidentaux, ce qui a signifié l’adoption, outre des moyens matériels ou techniques de la puissance occidentale, de certains éléments juridiques du consensus juris qui règle les rapports entre les nations. Mais lorsque, dès le début du XXe siècle, le Japon eut atteint le niveau économique et industriel des pays occidentaux, les tensions sociales qu’avait causées sa trop rapide industrialisation, plutôt que de le conduire dans la voie occidentale de l’émancipation progressive et de la souveraineté populaire, l’entraînèrent dans une politique réactionnaire et nationaliste où ce furent l’impérialisme colonial occidental et ses méthodes prétotalitaires qui furent adoptées et radicalisées. La contradiction du libéralisme occidental entre l’expansion capitaliste (conduisant à l’exploitation, à l’impérialisme colonial et à la massification) et la démocratisation (conduisant, en métropole, à l’émancipation et à l’égalité des droits) fut résolue au Japon, après une brève ébauche de libéralisation politique (ère Taishō), au profit du premier élément. Ce mouvement conduisit le Japon sur la pente que l’on sait, causant, par la même occasion, son isolement de cette société internationale à laquelle il avait si ardemment souhaité appartenir (le retrait symbolique de la Société des Nations de 1933).
13La fascisation du Japon impliquait, comme en Allemagne, une cohésion nationale forcée qui jugulerait les aspirations émancipatrices. Une telle cohésion lut obtenue non seulement par l’enthousiasme expansionniste (colonisations, annexions et guerres extérieures) qui firent oublier les tensions internes et l’oppression qui leur était corrélative, mais aussi par une éducation et une propagande qui exaltèrent l’attachement à la manifestation concrète de l’unité japonaise : la personne de l’Empereur. Or, comme le souligne Maruyama, cette tendance existait en fait dès la restauration de Meiji et ne fut que radicalisée à l’époque fasciste. De sorte qu’il faut relativiser la tendance de certains historiens et japonisants à présenter Meiji unilatéralement comme l’époque japonaise des « lumières », le moment fondateur d’un mouvement de démocratisation, libéralisation, émancipation et rationalisation dont l’ultranationalisme n’aurait été qu’une déviation passagère et accidentelle. La réalité est qu’un mouvement dirigiste et nationaliste semble bien plutôt être la toile de fond de toute l’époque dite de « modernisation », et cela explique partiellement la facilité avec laquelle s’est installé le fascisme. C’est bien cette prédisposition au fascisme, remontant à Meiji et sans doute au-delà, qu’il s’agit de mieux comprendre7.
14À cette fin, il faut tout d’abord mieux cerner la psychologie d’un mouvement dont Maruyama souligne qu’il n’avait pas de structure idéologique aussi clairement exprimée que le nazisme. Composé surtout d’une série de slogans (« Huit coins, un toit », « Étendre la voie impériale à tous les coins de la terre », « Établir la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale », « Inculquer la civilisation et l’esprit japonais aux jeunes frères asiatiques sous-développés »), sa doctrine n’était pas toujours évidente et pourtant l’idéologie avait une remarquable efficacité psychologique et conditionnante. C’est qu’une logique, un esprit et une force largement inarticulés animent l’idéologie du fascisme japonais et lui donnent son étonnante cohésion, susceptible de guider le pays avec résolution malgré l’irrésolution de la classe politique apparente (gouvernements démissionnaires et cabinets ministériels s’y succèdent à une cadence ahurissante, tandis que des factions rivales se disputent le pouvoir chez les politiciens comme chez les militaires). Maruyama écrit : « En regardant les développements depuis un point de vue macroscopique, on peut certainement découvrir une séquence consistante de causes et d’effets dans le développement de l’impérialisme japonais durant cette décennie. Mais vu microscopiquement toutefois, les choses apparaissent comme le résultat d’une vaste accumulation de décisions illogiques8. » Et c’est précisément parce que la planification était mal conçue que les décideurs japonais se laissèrent guider par des événements qui semblaient dictés d’ailleurs.
15Déjà très révélateur est le rôle de l’État dont le fonctionnement, Maruyama y insiste, remonte à la restauration de Meiji : à la différence de la neutralité axiologique de l’État européen libéral (laissant à la sphère privée la question des choix éthiques et confessionnels et se contentant d’un rôle public, juridique et technique d’arbitrage entre les individus), l’État japonais depuis Meiji a constamment ambitionné de contrôler les valeurs morales subjectives autant que les lois objectives ou externes, sans laisser beaucoup de place pour une conscientisation morale ou civique ni pour une démocratisation, ce qui prédisposa le peuple à subir le « fascisme d’en haut » des années 1930-1940 et la mobilisation totale des esprits qui se produisit durant cette époque. Toute question personnelle ou privée n’était jamais reconnue en tant que telle, mais était d’emblée une affaire publique : la vie privée du citoyen était ramenée au devoir moral du sujet. N’encourageant en rien l’intériorisation d’un espace privé de liberté individuelle, l’État japonais préservait les valeurs sociomorales confucéennes (piété filiale et loyauté envers le supérieur et envers le groupe), politisait les valeurs sacrées du shinto et les intégrait dans un système de plus en plus étatisé où l’empereur symbolisait l’union de l’autorité spirituelle et politique. Le contrôle par l’État des valeurs subjectives (morales, spirituelles, politiques, esthétiques) allait si loin qu’il restait très peu de place en fait pour la liberté intellectuelle et toute recherche scientifique ou philosophique devait contribuer au « bien de la nation ». Ce qui explique comment la formation essentiellement occidentale des intellectuels japonais, de Meiji jusqu’au début de Shōwa, était précisément cela : « intellectuelle » seulement, et elle n’allait pas, ou très peu, jusqu’à transformer de l’intérieur leur perception éthico-politique des choses ni leur conscience civique et leur sens de la responsabilité personnelle.
16Une ombre de réprobation recouvrait tout ce qui avait un caractère privé, non seulement sur le plan, par exemple, de l’amour, mais aussi et surtout sur celui de l’enrichissement personnel, au point que le capitalisme japonais n’a pu se développer que dans le cadre du service de l’État – ce qui le prédisposait d’ailleurs au dirigisme nationaliste d’un Friedrich List bien plus qu’au libéralisme d’un Adam Smith9. Ce type d’étatisme, où nulle autorité n’est supérieure à celle de l’État, s’il évoque l’absolutisme de Hobbes, est en fait plus radical que lui, car ce dernier était basé sur un pur pragmatisme et même, à la limite, sur l’arbitraire du souverain, alors que le système impérial japonais prétendait incarner des valeurs en soi, normatives, absolues et consignées par l’autorité d’une tradition séculaire et indiscutable. Elles étaient incarnées par l’empereur, considéré littéralement comme l’essence du kokutai (« organisme national ») et « la culmination éternelle du vrai, du bien et du beau à travers tous les âges et tous les lieux » (Araki Sadao10). C’est pourquoi toute politique nationale, c’est-à-dire impériale, dans un tel contexte, ne peut être que juste et bonne. Et toute remise en cause à son égard, au nom de valeurs qui ne lui sont pas inhérentes, ne peut que mener à un conflit politique avec lui.
17L’identification de la moralité avec le pouvoir va alors si loin que le critère de la moralité devient le degré de pouvoir. Or, comme le citoyen n’a manifestement pas de prise sur le pouvoir de l’État, c’est ce dernier qui sera indiscutablement le site de toute évaluation, et ce, de manière d’autant plus confiante qu’il sera plus fort et plus victorieux sur le plan de la politique intérieure comme sur le plan extérieur. C’est ainsi que, au niveau des relations internationales, le Japon s’alliera toujours au plus puissant, indépendamment de toute moralité, et lorsque, à l’époque fasciste, il se sentira lui-même suffisamment puissant, d’une part il adoptera la politique du « fait accompli », et d’autre part il n’aura aucun scrupule à sortir du consensus moral et juridique d’une Société des Nations, ouvertement méprisée, afin de pouvoir agir selon la loi du plus fort. Dès avant le fascisme, et donc bien avant l’exemple nazi, la règle implicite est que la force fait loi, non les principes. Mais à la différence du machiavélisme nazi qui prit un plaisir satanique à piétiner ouvertement la « moralité bourgeoise », la politique nationale japonaise n’aura pas clairement conscience de son amoralisme. Davantage : c’est au nom d’une moralité suprême et d’un sens particulièrement scrupuleux du devoir que la politique nationale sera menée, et ce, à tous les degrés de la hiérarchie. Les démagogues nippons de la voie impériale croyaient finalement à leurs propres slogans. C’est d’ailleurs ce qu’ils affirmèrent pour leur défense lors de leur procès : « Ils firent le mal en croyant servir le bien. » Par ailleurs, les dirigeants nazis étaient généralement des marginaux issus de la populace11 alors qu’une aura de respectabilité aristocratique entourait le sommet de la hiérarchie nipponne – les véritables rōnins ou hors-la-loi manœuvraient ici dans l’ombre, occasionnant les « faits accomplis » que les dirigeants devaient alors ratifier. C’est pourquoi le sens de la responsabilité personnelle sera plus facile à induire à l’occasion des procès de Nuremberg qu’il ne le sera à l’occasion des procès de Tōkyō : la différence entre les deux contextes culturels, écrit Maruyama, est celle d’une intériorisation morale (la Moralität hégélienne) qui n’avait jamais vraiment été développée au Japon, contrairement à l’Allemagne où il avait fallu la détruire pour laisser libre cours au cynisme nazi12.
18L’individu japonais, en régime impérial, n’est pas un sujet libre mais un sujet de l’empereur et l’inflexibilité de son comportement recouvre souvent une profonde faiblesse de caractère, voire une absence de personnalité. Son rôle social comme son comportement moral sont conditionnés par sa place au sein d’une hiérarchie déterminée par sa proximité relative à l’empereur qui est le siège suprême, non pas de la légitimité mais, plus simplement, du pouvoir absolu. Et c’est bien entendu au sein de l’armée impériale, « essence de la nation », que sera le plus développé le sens de ce devoir « vertical », de sa moralité propre et de la fierté typique qui l’accompagne (les militaires, étant hiérarchiquement plus proches de l’Empereur que les civils, auront à l’égard de ces derniers un mépris qui ne sera dépassé que par celui qu’ils éprouveront pour les représentants des autres peuples). La « structure en oignon », dont parle Arendt à propos de l’organisation totalitaire, trouve ici encore une manifestation typique : stalinisme, hitlérisme et tennôcentrisme ont en commun d’établir une hiérarchie où le chef est le centre aveugle d’où découle l’autorité, de degré en degré, sans qu’aucun niveau de la hiérarchie (bureaucratique ou militaire) puisse se sentir responsable et où – Maruyama le souligne particulièrement à propos du système impérial – chaque niveau reporte sur le niveau qui le suit l’oppression qu’il subit à partir du haut. Et par effet de retour se développe alors, selon un paradoxe seulement apparent, une tendance par laquelle « le bas gouverne le haut » : la frustration de la base tend à exiger implicitement de la hiérarchie une position toujours plus dure, en matière d’aventurisme expansionniste par exemple, afin de légaliser un activisme toujours plus exacerbé des échelons les plus bas. Ce sont chaque fois le même « système d’irresponsabilité » et le même « transfert d’oppression » qui fonctionnent, mais alors qu’en Europe ils avaient été obtenus au prix d’une dictature, c’est-à-dire par l’union volontaire d’un despotisme conscient, d’une destruction de la société civile et d’un étouffement de la moralité privée qui alimentent le sens de la responsabilité politique personnelle, au Japon, un tel sens, à peine embryonnaire parce que étranger à la moralité sociale ambiante, n’avait pratiquement pas à être détruit. Les principaux décideurs politiques, ministres et membres de l’oligarchie militaro-industrielle, plutôt que de se comporter en individus responsables, se considéraient comme étant eux-mêmes portés par des lois dont ils n’étaient que les vecteurs (la mission historique du Japon, la dette envers les ancêtres, mais aussi les exigences de la base, les forfaits des rōnins).
19Et l’empereur lui-même, dans la mesure où son rôle ressemblait formellement plutôt à celui d’un monarque constitutionnel, ne concentrait pas véritablement le pouvoir en sa personne, et s’il en signifiait bien le centre et le sommet, ce centre était vide. Il symbolisait plutôt le pouvoir aux yeux de toute la hiérarchie et il en était le prétexte. Comme en outre il était le descendant des dieux, le continuateur d’une tradition ancestrale et l’incarnation des valeurs éternelles, il n’était finalement que le vecteur d’une dimension plus haute : loin d’être le créateur des normes il en était seulement l’instrument. L’expression même de « restauration » de Meiji manifeste bien cette conviction de retourner à un ordre ancien, immémorial, que le pouvoir shogunal avait momentanément dévié. L’absoluité de l’empereur était à la mesure de la vocation du Japon : soumettre la planète entière à une hiérarchie des nations dont la meilleure approximation est le rapport de suzeraineté du système féodal et selon laquelle le rang et le pouvoir de chaque nation seraient déterminés par sa plus ou moins grande proximité qualitative au Japon.
20Ainsi, conclut Maruyama, l’État japonais depuis Meiji était-il prédisposé au fascisme. La période fasciste japonaise est celle qui va approximativement de 1935 à 1945 et qui se caractérise par la radicalisation de l’étatisme des trois quarts de siècle qui précèdent. Maruyama insiste : « À l’époque de la guerre du Pacifique la dictature de Tōjō avait réduit la liberté politique autant que possible, pratiquement au point zéro. Et pourtant les conditions essentielles pour cet état de choses avaient toutes existé auparavant ; en ce qui concerne l’évolution fasciste, cette période était simplement un développement en volume et ne différait pas en qualité de la période précédente13. »
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21Nous n’allons pas pouvoir tirer ici toutes les conséquences des analyses de Maruyama concernant le fascisme japonais mais simplement en souligner une parmi les nombreuses perspectives quelles ouvrent. Maruyama montre comment l’ultranationalisme japonais est bien, en partie du moins, une conséquence de la modernisation occidentalisante de Meiji. Celle-ci aurait donc davantage emprunté aux potentalités totalitaires de la modernité européenne qu’à ses potentalités proprement humanistes et émancipatrices. Nous nous voyons ainsi invités à réinterroger cet aspect peu engageant d’une modernité européenne dont on aurait tort de ne souligner que la dimension progressiste. Cette attitude paradoxale de l’ouvrage de Maruyama sur le fascisme japonais rappelle le paradoxe de son précédent ouvrage important : l’étude sur le néoconfucianisme de l’époque Tokugawa14. Maruyama y montrait l’apparition des prémices d’une conscience politique moderne de type progressiste et humaniste – cela même que l’étatisme de Meiji aurait balayé. Cette conscience politique moderne autochtone, c’est-à-dire indépendante de toute influence européenne, ne suggère-t-elle pas de prospecter les potentialités inexploitées d’une autre modernité ou de dimensions inexplorées de la modernité–susceptibles à leur tour d’enrichir les débats souvent délicats qui se poursuivent sur les thèmes de la modernité et son éventuel dépassement ?
Notes de bas de page
1 Que le système impérial japonais des années 1936-1945 soit bien un fascisme, malgré certaines particularités, est une évidence, particulièrement sur le plan de l’idéologie affichée : tous ces mouvements ont en commun, écrit Maruyama, « le rejet de la vision du monde propre au libéralisme individualiste, à la politique parlementaire qui est l’expression politique du libéralisme, ils insistent sur l’expansion territoriale, ont tendance à glorifier la militarisation et la guerre, mettent en avant des mythes de la race et de l’essence nationale, rejettent la lutte des classes basée sur le totalitarisme et combattent le marxisme » (Maruyama Masao, Thought and Behaviour in Modern Japanese Politics, Oxford, Oxford University Press, 1963, p. 35). De plus ils renvoient finalement dos à dos le capitalisme et le socialisme parce qu’ils y voient le même principe d’un matérialisme sans aucune élévation sacrée. Cependant, on sait que, dans la pratique, les fascismes s’allieront tous très cyniquement au grand capital et que, pour mieux combattre l’ennemi démocratique, ils pactiseront avec les communistes soviétiques durant la Seconde Guerre mondiale.
Aux côtés de ces éléments de base qui sont communs, certaines particularités distinguent le fascisme japonais : l’insistance sur la structure familiale, laquelle est étendue à toute la nation, comprise comme une communauté de familles, toutes apparentées et centrées autour de la famille impériale. Cette insistance, outre le fait qu’elle consigne la fusion du privé et du public, renforce plusieurs choses : la conviction d’appartenir à un même sang, l’analogie commode entre la vertu filiale et la loyauté envers le supérieur, l’adhésion des populations rurales, encore nombreuses, chez qui la cellule familiale est première. Or les populations rurales, déjà héritières d’une longue tradition de jacqueries paysannes, s’inquiétaient de l’expansion industrielle et urbaine qui se faisait à leurs dépens, et le mouvement fasciste réussit très habilement à séduire les provinces à l’aide de clichés traditionalistes et agrairiens, telle la glorification de la famille, ou encore de promesses démagogiques (naturellement non tenues), telles que la décentralisation et l’autonomie accrue des communautés rurales. La préoccupation agrairienne est sans doute l’une des différences les plus importantes du fascisme japonais par rapport au fascisme allemand qui, lui, sans négliger une importante base rurale, se préoccupait surtout de récupérer la classe ouvrière. Ensuite, une autre particularité du fascisme japonais par rapport au nazisme, et qui le rapproche cette fois de l’idéologie soviétique : le prétention de libérer l’Asie de l’impérialisme occidental. Cette libération était censée avoir lieu par la création de la Sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale qui fut en réalité, comme chacun sait, un prétexte à l’impérialisme nippon.
2 Hannah Arendt,Les origines du totalitarisme, tome I : Sur l’antisémitisme, Calmann-Lévy, 1973, tome II : L’impérialisme, Fayard, 1982, tome III : Le système totalitaire, Seuil, 1972 (édition originale : The Origins of Totalitarianism, New York, 1951).
3 Le problème mériterait en vérité une étude à part. Les nazis ont voulu nier l’identité juive de manière tellement radicale qu’ils en sont arrivés au projet monstrueux d’une suppression physique de tous ses représentants. Les militaristes japonais, par contre, ont voulu nier l’identité coréenne par une prétendue « japonisation » des Coréens – laquelle signifiait en vérité une soumission inconditionnelle (mais à peine plus radicale que la soumission des Algériens par la France coloniale).
4 Hannah Arendt, op. cit., tome III, p. 50 sq.
5 Publié un première fois en 1961, republié plusieurs fois avec des ajouts jusqu’à l’édition définitive de 1997. Les citations renvoient à la traduction anglaise, précédemment citée.
6 Maruyama Masao, « Nationalism in Japan: Its Theoretical Background and Prospects », in Thought and Behavior in Modern Japanese Politics, op. cit., p. 137.
7 Maruyama écrit : « Ainsi nous pouvons voir qu’une des caractéristiques majeures qui distinguent la forme japonaise de fascisme de sa forme européenne était le caractère progressif de son développement. Le fascisme ha pas éclaté sur la scène depuis la base comme en Italie et en Allemagne. Les dirigeants du fascisme japonais n’étaient pas obligés de manipuler ou contrer un mouvement prolétaire puissant ; et, en l’absence de l’arrière-fond de démocratie bourgeoise, ils furent capables d’effectuer une consolidation relativement aisée du pouvoir d’Etat à partir du haut en amalgamant des groupes de support qui existaient déjà. »
Voir dans les développements politiques des années 1930 une rupture soudaine et fortuite, une perversion historique, au cours d’une « “évolution vers la démocratie” ce n’est pas seulement refuser de voir la continuité fondamentale avec la période précédente de “parti du gouvernement”. Une telle vue manque de prendre en compte le courant souterrain particulier dans la pensée et la structure sociale qui avait existé dans la vie politique japonaise depuis la restauration de Meiji et qui sanctionna l’avance du fascisme japonais » (Maruyama Masao, op.cit., p. 82-83).
8 Ibid., p. 87. C’est également la conclusion qu’il faut tirer de l’ouvrage de Michel Vie,Le Japon et le monde au XXème siècle, Paris, Masson, 1995.
9 Sur le rôle joué au Japon par la théorie économique de List, de Meiji à nos jours, voir Bernard Stevens, « L’autre capitalisme : le système nippoasiatique », Les Temps modernes, 591, décembre 1996-janvier 1997.
10 Cité par Maruyama Masao, op. cit., p. 8.
11 Hannah Arendt, op. cit., tome III.
12 Il est certain qu’il existait également un cynisme caractéristique des dirigeants nippons, notamment lorsqu’il s’agissait de considérer les moyens pratiques pour telle ou telle fin politique. Mais un tel cynisme, contrairement à l’Allemagne, ne se manifestait jamais publiquement et se retrouvait toujours enrobé d’une moralisation (Maruyama Masao, op. cit., p. 93).
13 Ibid., p. 33-34.
14 Maruyama Masao, Essais sur l’histoire de la pensée politique au Japon, Paris, PUF, 1996.
Auteur
Européen né en Indonésie, Bernard Stevens est chercheur et professeur aux universités de Louvain-la-Neuve et de Liège en Belgique, directeur de programme au Collège international de philosophie à Paris. Invité à plusieurs reprises à diverses universités chinoises et japonaises (notamment Fujian, Tōkyō et Kyōto), il centre ses recherches sur le phénomène du métissage de la pensée philosophique dans les cultures non occidentales. Outre des contributions à diverses revues philosophiques (Études phénoménologiques, Revue philosophique de Louvain, Esprit, Les Temps modernes, Heidegger Studies), il est l’auteur de trois ouvrages : L’apprentissage des signes. Lecture de Paul Ricœur (Dordrecht, Kluwer, 1990), Une introduction historique à la philosophie (deux tomes, Namur, Éditions Artel, 1993), Topologie du néant. Une approche de l’école de Kyōto (Louvain-Paris, Peeters, 2000). Il est en outre traducteur de Heidegger et de Nishida.
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Mythe et philosophie à l'aube de la Chine impériale
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