Chapitre 5. Le mariage
p. 111-138
Texte intégral
Les Chinois disent que le mariage a deux objets : le premier, de perpétuer les sacrifices dans les temples de leurs pères ; le second, la multiplication de l’espèce [...]. Un père éprouve un sentiment de honte et d’inquiétude s'il ne marie pas tous ses enfants [...]. Les encouragements extraordinaires donnés au mariage ont eu beaucoup d’influence. Ils ont contribué à diviser le produit immense de ce vaste empire en portions très petites. Et il en a résulté que la Chine est devenue plus populeuse, par rapport à ses moyens de subsistance, que ne l’est aucun autre pays du monde [...]. L’encouragement au mariage n’a pas été qu’un simple ajout à tant de misère noire, mais a complètement enrayé le bonheur que les autres auraient pu connaître.
Malthus, An Essay on the Principle of Population, 1826/1986, p. 129 (trad. P. et G. Prévost, I, p. 220, modif.).
L’héritage malthusien
1Pour Malthus, le mariage tardif, qu'il appelait l’obstacle préventif, était le contrôle préféré de la croissance de la population. Par contraste avec l’obstacle destructif, qui opérait par le vice ou la misère, l’obstacle préventif agissait en grande partie par la « contrainte morale », soit la décision individuelle de reporter le mariage jusqu’à ce qu’on puisse soutenir une famille. Cela non seulement encourageait l’épargne, mais décourageait la pauvreté. En restreignant la croissance de la population, on élevait le prix du travail et on assurait la prospérité générale1.
2Malthus reconnaissait que l’obstacle préventif n’opérait pas toujours par la contrainte morale. Dans certaines sociétés, l’obstacle du « prix » de la fiancée empêchait certaines femmes de se marier2. Dans d’autres sociétés, les femmes pouvaient se marier, mais la faible fécondité associée à la polygamie ou à la promiscuité paralysait la croissance de la population3. Cependant, il observa que seules les sociétés pratiquant la contrainte morale étaient capables de préserver des niveaux de vie élevés. Il fut donc le premier théoricien social à lier le bien-être de la société au mariage tardif et il préconisa ardemment la préservation d’une telle coutume4. Reconnaissant la pression biologique du désir du mariage plus fort chez les jeunes, Malthus affirmait qu’un amour plus mûr était le meilleur amour5.
3Ici encore, même si Malthus était bien au fait des formes variables du mariage et d’un « marché » matrimonial différencié par le sexe et la classe, l’étude de la nuptialité, spécialement celle du passé, continua de mettre l’accent sur l’efficacité de l’obstacle préventif par le truchement du mariage tardif6. Des études démographiques du mariage ont surtout mis l’accent sur les techniques et les calculs du statut conjugal et l’âge du mariage7. Exception faite de la recherche récente sur le divorce et le remariage, on a accordé peu d’attention aux différences sexuelles sur le marché du travail et à ses implications pour un système démographique8.
4En conséquence, en Chine, où le mariage était, croyait-on, universel et précoce, la relation matrimoniale est beaucoup moins étudiée par les démographes que la mortalité, et la préconception malthusienne du mariage chinois persiste encore aujourd’hui. D’une part, en raison d’une préférence primordiale et politique pour les enfants, on suppose que les jeunes gens se mariaient tôt ; d’autre part, en raison de la nature envahissante de la famille chinoise, ils étaient censés être capables de le faire virtuellement sans considération des circonstances économiques. Contrairement au système familial classique de l’Europe occidentale, où les individus devaient hériter des moyens de se marier ou de s’établir de manière indépendante (Hajnal, 1982 et Macfarlane, 1986), les couples chinois pouvaient se prévaloir des ressources du ménage multifamilial (Tawney, 1932 et Chao, 1986)9. Si la mortalité des nouveau-nés et des enfants peut avoir empêché la croissance de la population, la nuptialité a longtemps été perçue comme le plus puissant moteur pour propulser la croissance de la population et pour abaisser les niveaux de vie des Chinois.
Réalités chinoises
5La surmortalité des nouveau-nés et des enfants de sexe féminin a cependant eu des conséquences graves pour le « marché » matrimonial, les institutions et les pratiques matrimoniales dans la Chine impériale tardive et continue d’en avoir dans la Chine contemporaine. La pénurie de femmes, exacerbée par la pratique de la polygamie et la dissuasion du remariage des femmes, empêcha une proportion significative d’hommes dans le passé, et empêche encore certains hommes aujourd’hui, de se marier. En conséquence, le « marché » matrimonial différa beaucoup en fonction du sexe.
6Ce « marché » était également hypergame — au moins pour le mariage des femmes. Presque tous les fiancés ou leurs familles devaient fournir le « prix » de la fiancée afin de garantir le mariage. Très peu de fiancées ou de familles devaient fournir une dot, sinon pour conférer un statut spécial à leurs filles mariées, ou pour compenser le statut exceptionnellement bas ou élevé de la famille10. Comme les femmes se mariaient avec des individus plus aisés, le prix de la fiancée était relativement plus onéreux pour les hommes au bas de l’échelle sociale. La dot n’en demeurait pas moins essentielle dans l’élite sociale.
7Ainsi, les Chinois développèrent un large éventail de stratégies conjugales, comprenant des formes aussi variables du mariage que le lévirat et la « petite belle-fille ». En outre, en raison de la faible natalité et de la préoccupation à l’égard de la descendance patrilinéaire, ils instituèrent une variété de mariages uxorilocaux, à savoir l'adoption du gendre. En Chine comme en Occident, de nombreux types de mariage avaient existé dans un passé lointain. Mais alors que l’Occident se caractérisa par la prédominance du mariage monogame dès l’ère chrétienne (Goody, 1983), le mariage en Chine connut plusieurs formes.
Le mariage majeur
8Dans la forme de mariage chinois la plus commune et la plus approuvée, appelée mariage majeur, une femme se marie avec un homme et cohabite avec lui et sa famille11. Les mariages majeurs représentent aujourd’hui la vaste majorité des mariages. Même si nous n’avons pas de données statistiques pour l’ensemble de la Chine dans le passé, la proportion des mariages majeurs dans les populations historiques s’imposa de manière écrasante à la majorité des unions. Cependant, les modèles féminin et masculin du mariage majeur furent diamétralement opposés.
9 Le mariage majeur féminin. En Chine, les femmes se sont toujours mariées universellement et précocement, alors que les hommes se sont mariés tardivement ou pas du tout. Le mariage féminin correspond donc au modèle malthusien du mariage chinois, contrairement au mariage féminin en Europe de l’Ouest, qui avait lieu tardivement ou pas du tout. Le Graphique 5.1 présente la proportion des femmes, par groupe d’âge, qui ne se sont jamais mariées dans diverses populations européennes et chinoises, particulièrement au début du XIXe siècle. À l’âge de 20 à 24 ans, la plupart des femmes chinoises étaient déjà mariées, alors que la grande majorité des femmes européennes étaient encore célibataires. De 30 à 34 ans, pratiquement aucune femme chinoise n’était encore célibataire, alors que 30 % de leurs homologues occidentales étaient encore des « vieilles filles ».
10Ce modèle de la femme chinoise est confirmé par l’analyse de l’âge moyen au premier mariage à diverses époques et dans diverses populations. Le Tableau 5.1 présente un sommaire des résultats de la recherche. Jusqu’à une période aussi récente que les années 1960, l’âge moyen au premier mariage se situait, dans une bande étroite, entre 16 et 19 ans. La seule exception, l’âge de 21 ans pour les filles de la lignée impériale, est sans doute due au « marché » matrimonial féminin pour les classes supérieures (Lee, Wang et Ruan, 2001). En Chine comme ailleurs, presque personne ne voulait marier une princesse. Cependant, en dépit de cette réalité, les femmes, au cours de la période impériale tardive, se mariaient en plus grand nombre que les femmes occidentales. Nonobstant leurs origines sociales, elles se mariaient 5 à 10 ans plus tôt.
GRAPHIQUE 5.1. Proportion des femmes jamais mariées, par groupe d’âge et par pays ciblés, vers 1800
Sources : Chine (Liaoning) : Lee et Campbell (1997) ; Suède : Hofsten et Ludstrom (1976) ; Norvège : Statistisk Sentralbyra (1980) ; Angleterre : Hinde (1985) ; Danemark : Statens Statistiske Bureau (1905).
11Cependant, depuis les années 1950, cet écart a commencé à se rétrécir, l'âge au mariage s’élevant en Chine (Wang et Tuma, 1993). En 1950, malgré un âge légal de 18 ans pour le mariage féminin, l’âge moyen du mariage féminin était juste au-dessus de 17 ans, s'élevant lentement à près de 20 ans en 1970 et bondissant à 23 ans en 197912. Cette dernière hausse reflétait une politique gouvernementale de planification familiale, mise en œuvre en 1973 et qui préconisait le mariage tardif. Depuis, l’âge du mariage féminin n'a pas augmenté davantage, demeurant à un niveau comparable à l’âge moyen du premier mariage chez les femmes occidentales13.
TABLEAU 5.1. Chine : âge moyen des femmes au premier mariage, selon les périodes et les populations ciblées
Période |
Lieu |
Âge moyen |
Nombre |
1550-1850a |
Zhejiang |
17,6/19,1 |
1 994/1 078 |
1640-1900 |
Beijing |
20,7 |
12 942 |
1774-1840b |
Liaoning |
18,3 |
812 |
1929-1931 |
Chine du Nord |
17,2 |
841 |
1929-1931 |
Chine du Sud |
18,7 |
919 |
1950-1954 |
Chine |
17,5 |
46 233 |
1960-1964 |
Chine |
19,1 |
46 233 |
1970 |
Chine |
19,7 |
46 233 |
1982c |
Chine |
22,4 |
2 677 408 |
1990c |
Chine |
22,1 |
327 555 996 |
1995c |
Chine |
22,6 |
3 625 859 |
Sources : Zhejiang : Harrell et Pullum (1995, p. 146), de deux lignées différentes ; Beijing : Lee, Wang et Ruan (2001) ; Liaoning ; Lee et Campbell (1997) ; Chine du Nord et du Sud : Notestein et Chiao (1937) ; Chine, 1950-1970 : Wang et Yang (1996) ; Chine, 1982,1990,1995 : SSB (1987 ; 1993 ; 1997), calculé à partir des données brutes des recensements et de l’enquête « One-per Hundred ».
a. À l’exception de la noblesse de Beijing, qui enregistrait la date de naissance et de mariage des individus de sexe féminin, la plupart des sources généalogiques historiques n’enregistrèrent pas de données sur les filles qui se mariaient à l’extérieur ou les belles-filles qui se mariaient à l’intérieur des familles. Les calculs de Harrell et Pullum sont donc basés sur des évaluations indirectes en soustrayant un intervalle estimé avant la première naissance de 4,6 à 4,7 ans.
b. L’âge du mariage est obtenu en soustrayant 1,5 de 19,78 sur.
c. L’âge moyen au mariage.
12La proportion des femmes non mariées est demeurée stable au cours des trois derniers siècles. Le Tableau 5.2 compare le pourcentage de femmes qui ne s’étaient jamais mariées avant 30 ans durant les périodes étudiées et les populations majeures pour lesquelles les données sont disponibles. En dépit de l’augmentation substantielle de l’âge du mariage, la proportion de femmes ne s’étant jamais mariées avant l’âge de 30 ans a à peine changé, donnant un modèle de « convergence arrêtée »14. En comparaison, 15 % des femmes occidentales demeurent célibataires à l’âge de 40 ans, alors que seulement 1 % des femmes chinoises sont célibataires à l’âge de 30 ans. En d’autres mots, la majorité des femmes chinoises reportent la vie conjugale, mais n’y renoncent pas.
TABLEAU 5.2. Chine : femmes célibataires avant l’âge de 30 ans, selon les tranches d’âge, les périodes et les populations ciblées
Période |
Lieu |
% |
Nombre |
1640-1700 |
Beijing |
4,0 |
1 664 |
1741-1760 |
Beijing |
4,0 |
2 215 |
1774-1873a |
Liaoning |
1,0 |
3 014 |
1801-1820 |
Beijing |
4,0 |
2 753 |
1929-1931a |
Chine du Nord |
0,0 |
19 801 |
1929-1931a |
Chine du Sud |
0,1 |
22 637 |
1900-1925 |
Chine |
2,2 |
7 215 |
1945-1949 |
Chine |
1,1 |
5 877 |
1955-1959 |
Chine |
1,2 |
8 018 |
1982 |
Chine |
1,0 |
84 381 |
1990 |
Chine |
1,0 |
6 923 442 |
1995 |
Chine |
1,2 |
124 877 |
Sources : Beijing : Lee, Wang et Ruan (2001) ; Liaoning : Lee et Campbell (1997, p. 85) ; Chine du Nord et du Sud : Notestein et Chiao (1937, p. 378) ; les cohortes de naissance 1900-1959 : Wang et Tuma (1993) ; Chine, 1982, 1990, 1995 : SSB (1987, 1993, 1997), calculé à partir des données brutes des recensements et du sondage « One-per-Hundred ».
Note : 1900-1925,1945-1949 et 1955-1959 sont des cohortes de naissance.
a. Femmes âgées de 30 à 34 ans.
13Comme l’âge moyen au premier mariage a augmenté, le modèle du mariage s’est comprimé à l’intérieur d’une bande plus étroite, plutôt que de simplement se déplacer vers un âge plus avancé (Wang et Tuma, 1993). Évidemment, la pression et l’importance du mariage sont encore perçues par les femmes ou leurs familles de manière aussi forte aujourd’hui que par le passé. Cela est vrai même dans les milieux urbains où l’âge de la femme au mariage a augmenté de manière significative. En 1990, par exemple, seulement 2,3 % des femmes urbaines âgées de 30 ans étaient célibataires en comparaison des 15 % de leurs homologues en Occident (Hofsten et Lundstrom, 1976 ; Wang et Tuma, 1993).
14 Le mariage majeur masculin. Un sondage sur les mentalités mené en 1991 auprès de citadins de Baoding, au Hebei, établit que les quatre cinquièmes des femmes jamais mariées et les six septièmes des hommes déjà mariés croyaient encore qu’une femme doit se marier pour connaître une vie pleine et heureuse15. Ainsi, les hommes chinois croient à l’institution du mariage au moins aussi fortement que les femmes chinoises, et plus que les hommes d’autres sociétés asiatiques16. Cependant, alors que les femmes ont été capables de se marier facilement et précocement, la pénurie de femmes et le coût du mariage a empêché un grand nombre d’hommes de se marier. Le Graphique 5.2 montre la proportion des hommes mariés selon l’âge dans différentes populations européennes et chinoises du début du XIXe siècle. Si les hommes chinois se mariaient un peu plus tôt, quelque 20 % de tous les hommes dans toutes les sociétés n’étaient pas encore mariés à l’âge de 30 ans. Même vers l’âge de 40 à 45 ans, en Chine et en Occident, 10 à 15 % des hommes étaient encore célibataires. Le mariage masculin ne correspondait tout simplement pas au modèle malthusien du mariage chinois. En fait, les hommes chinois n’étaient pas plus enclins à se marier que les hommes occidentaux17. Mais alors que le célibat masculin en Chine était dû d’abord à ce que les démographes appellent « le resserrement de l’accès au mariage », la non-disponibilité des femmes et le célibat masculin en Europe étaient dus à l’évitement du mariage.
GRAPHIQUE 5.2. Proportion d’hommes jamais mariés, par groupe d’âge et par pays ciblés, vers 1800
Sources : Voir le Graphique 5.1.
TABLEAU 5.3. Chine : hommes ne s’étant jamais mariés, selon les périodes et les populations ciblées
Sources : Beijing : Lee et Wang (2000) ; Anhui : Telford (1994, p. 936) ; Liaoning : Lee et Campbell (1997) ; Chine du Nord et du Sud : Notestein et Chiao (1937) ; les cohortes de naissance de 1900 à 1959 : Wang et Tuma (1993) ; Chine, 1982, 1990, 1995 : SSB (1987 ; 1993 ; 1997), calculé à partir des données brutes des recensements et du sondage « One-per-Hundred ».
Note : 1900 à 1925,1945 à 1949 et 1955 à 1959 représentent les cohortes de naissance.
Note : Les registres généalogiques sont connus pour avoir sous-enregistré les célibataires au moment de la compilation, puisque ceux-ci n’ont pas de progéniture susceptible de rappeler leur mémoire des siècles plus tard.
a. Proportion des célibataires de plus de 20ans.
b. Âges : de 30 à 34 ans et de 40 à 44ans.
c. Âge : de 30 à 35 ans.
15En fait, le célibat masculin semble être un phénomène universel en Chine, indépendamment du temps et du lieu. Le Tableau 5.3 compare la proportion des hommes jamais mariés à l’âge de 30 et 40 ans, pour des périodes et des populations choisies. Du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle, 10 à 20 % de tous les hommes n’étaient pas mariés. Les seules exceptions étaient les nobles de l’empire Qing dont le taux de célibat atteignait près de 13 %. Ce phénomène de célibat continue encore aujourd’hui. En 1995, à l’âge de 30 ans, alors que pratiquement toutes les femmes étaient mariées, près de 8 % des hommes chinois étaient encore célibataires. Même à l’âge de 40 ans, environ 5 % des hommes chinois ne s’étaient jamais mariés (SSB, 1997, p. 412).
16Cependant, à la suite de la diminution de l’infanticide féminin depuis la fin du XIXe siècle, le taux de mariage des hommes s’est accru de manière considérable. D’après le Tableau 5.3, au début du XXe siècle, la proportion des hommes de 30 ans qui ne s’étaient jamais mariés avait baissé de près de la moitié, soit de 20 à 10 %. Une enquête à grande échelle menée entre 1929 et 1931 rapporta que moins de 12 % des hommes âgés de 30 à 34 ans dans la Chine du Nord et moins de 8 % dans la Chine du Sud étaient célibataires (Barclay et al., 1976)18. Une enquête rétrospective encore plus vaste menée en 1988 constata aussi que moins de 14 % des hommes nés entre 1900 et 1925 étaient encore célibataires à 30 ans et seulement 7 % d’entre eux ne s’étaient pas encore mariés à l’âge de 40 ans (Wang et Tuma, 1993). Si la proportion des hommes non mariés continua de décroître à la fin du XXe siècle et davantage au XXIe siècle, cet accroissement du nombre de mariages masculins date cependant de plus d’un siècle.
17Si la proportion des hommes mariés fut comparable en Chine et en Occident, les hommes chinois se sont historiquement mariés plus tôt. Le Tableau 5.4 résume l’âge moyen du mariage masculin pour les périodes et les populations dominantes disponibles. Du XVIe au XIXe siècle, les hommes chinois se marièrent en moyenne à l’âge de 21 ans, les hommes occidentaux à l’âge de 26 ans ou plus, en fonction de leur nationalité. Cet écart, cependant, se rétrécit durant la seconde moitié du XXe siècle à mesure que l’âge moyen au mariage pour les hommes comme pour les femmes s’accrut de manière continue. En 1996, en Chine, l’âge moyen des hommes au mariage était de 25 ans, à peu près le même qu’en Occident. Contrastant avec « la convergence arrêtée » des femmes chinoises, les hommes chinois et occidentaux se marient maintenant dans des proportions comparables et au même âge.
18Cependant, si l’âge moyen des hommes lors du mariage n’était qu’un peu plus élevé que celui des femmes, la variation était beaucoup plus grande dans les détails statistiques. En conséquence, les modèles d’âge des femmes et des hommes au premier mariage étaient radicalement différents. Le Graphique 5.3 montre le modèle d’âge traditionnel du mariage pour les femmes et les hommes nés entre 1900 et 1925. Pour les femmes, le taux du premier mariage s’élève continûment après l’âge de 15 ans et atteint sa plus haute cote vers l’âge de 20 ans pour chuter de manière abrupte par la suite. Pour les hommes, le modèle est totalement différent. Le taux s’élève à un haut niveau (mais seulement à un tiers de celui des femmes) vers l’âge de 20 ans, et demeure alors à peu près stable pour au moins les 10 années suivantes, de l’âge de 20 ans à plus de 30 ans.
TABLEAU 5.4. Chine : âge moyen des hommes à leur premier mariage, selon les périodes et populations ciblées
Période |
Lieu |
Âge moyen |
Nombre |
1520-1661a |
Anhui |
21-22 |
8 205 |
1550-1850b |
Zhejiang |
20,9-22,4 |
1 994/1 078 |
1700-1900 |
Beijing |
20,9 |
918 |
1774-1840c |
Liaoning |
20,8 |
1790 |
1929-1931 |
Chine du Nord |
20,3 |
743 |
1929-1931 |
Chine du Sud |
20,7 |
857 |
1900-1925 |
Chine |
22,2 |
6 538 |
1945-1949 |
Chine |
23,6 |
6 295 |
1982d |
Chine |
25,2 |
2 883 147 |
1990d |
Chine |
23,4 |
350 973 807 |
1995d |
Chine |
24,4 |
3 701 787 |
Sources : Anhui : Telford (1992) ; Zhejiang : Harrell et Pullum (1995) ; Beijing : Lee, Wang et Ruan (2001) ; Liaoning : Lee et Campbell (1997) ; Chine du Nord et du Sud : Notestein et Chiao (1937) ; les cohortes de naissance de 1900 à 1925 et de 1945 à 1949 : Wang et Tuma (1993) ; Chine, 1982,1990,1995 : SSB (1987 ; 1993 ; 1997), calculé à partir des données brutes des recensements et du sondage « One-per-Hundred ».
Note : 1900 à 1925, 1945 à 1949 et 1955 à 1959 sont des cohortes de naissance définies par le moment de la naissance et non du mariage, en comptabilisant seulement ceux qui se sont mariés avant 35 ans.
a. L'âge du mariage est déduit de l'âge du père à la naissance de son premier fils (moins cinq ans).
b. L'âge du mariage est déduit de l'âge du père à la naissance de son premier fils (moins 4,6 ou 4,7 ans) avec des correctifs en fonction du type de mariage.
c. Estimation en déduction de 1,5 sui des 22,3 sur enregistrés.
d. Signifie l’âge moyen au mariage.
19Ce contraste entre l’âge des femmes et celui des hommes lors du mariage est amplifié par les contraintes culturelles touchant au remariage des femmes. Le Tableau 5.5 résume, ici encore, l’information disponible en Chine. Comme en Occident, le remariage était plus courant chez les hommes que chez les femmes. De plus, les proportions en Chine étaient comparables à celles de l’Europe. Dans l’Europe ancienne, environ un tiers de tous les veufs et un cinquième de toutes les veuves se remariaient19. Dans la population paysanne du Liaoning, les proportions de remariage étaient d’un tiers pour les veufs et d’un dixième pour les veuves. Si les différences paraissent encore plus grandes dans le cas des membres de l’élite, cela était peut-être dû à un enregistrement biaisé20.
20L’interdit du remariage des femmes a persisté durant tout le XXe siècle. Même au début du XXe siècle à Taiwan, où le remariage des femmes était plus répandu que dans d’autres régions, la plupart des veuves ne se remariaient pas (A. Wolf, 1981)21. Plus récemment, sur le continent chinois, le remariage ne représente pas plus de 2 % de tous les mariages féminins. Dans l’ensemble, le remariage est encore beaucoup moins fréquent qu’en Occident, où les remariages comptaient pour un cinquième de tous les mariages dans le passé, et comptent pour près de la moitié de tous les mariages aujourd’hui22.
GRAPHIQUE 5.3. Chine : moyenne d’âge au mariage selon le sexe, cohortes de naissance de 1900 à 1925
Source : Wang et Tuma (1993).
TABLEAU 5.5. Chine : remariage, périodes et populations ciblées
Sources : Anhui : Telford (1994) ; 1750 Jiangsu, Guangdong, Hunan : Liu Ts'ui-jung ; Beijing : Lee, Wang et Ruan (2001) ; Liaoning : Lee et Campbell (1997) ; Taiwan : A. Wolf (1981) ; Chine continentale, 1980,1990 : Feng Fanghui (1996).
Note :Comme les sources historiques, excepté celles du Liaoning, ne font pas de distinction entre les mariages polygames et monogames, certains des remariages tiennent compte des épouses supplémentaires de maris polygames.
a. Basé sur les nobles Qing, y compris les mariages polygames.
b. Hommes et femmes devenus veufs entre 26 et 30 sur, qui se remarièrent au cours des trois années suivantes.
c. L’échantillon est en termes de femmes par année.
d. Les chiffres se réfèrent au total des remariages pour les deux sexes.
21En outre, le désir des célibataires et des veufs pour de jeunes fiancées a entraîné plusieurs variations dans la différence d’âge entre époux. La plupart des couples se mariaient à peu près au même âge, mais certains hommes qui se remarièrent étaient beaucoup plus âgés que leurs épouses et quelques-uns étaient beaucoup plus jeunes qu’elles. Pour des hommes plus âgés cherchant à se remarier, la préférence pour une fiancée approchant la vingtaine dominait tout autre souci au sujet de la différence d’âge. De manière comparable, pour les jeunes gens cherchant à se marier pour une première fois, le désir de se trouver une fiancée éclipsait tout souci au sujet de l’âge de celle-ci. En conséquence, la contrainte du « marché » matrimonial s’imposant aux veufs comme aux célibataires n’était pas le nombre de femmes non mariées à cause de leur âge mais le nombre de femmes non mariées qui étaient de jeunes adultes.
22Ce triple modèle de mariage masculin est illustré par une analyse de 1 790 premiers mariages du Liaoning rural. Si les maris étaient en moyenne de 1,8 an plus âgés que leurs femmes, on notait un large éventail de différence d’âge entre les époux, déterminée non par l’âge de la fiancée lors du mariage, mais par celui du fiancé. Apparemment, les hommes ou leurs familles étaient seulement intéressés par de jeunes adultes fiancées. En conséquence, il n’y avait pratiquement pas de mariage entre des enfants ou des adolescents. L’image populaire de la « fiancée-enfant » chinoise n’était tout simplement pas vraie pour cette population du Liaoning. À une exception près, les 77 hommes qui se marièrent avant l’âge de 14 sui avaient des épouses plus âgées qu’eux ; les trois quarts de celles-ci étaient plus âgées que leur mari, de quatre ans ou plus. La plupart des quelque 1 300 hommes qui se marièrent entre 15 et 25 ans, épousèrent, comme on s’y attendait, des femmes de leur âge ou plus jeunes qu’eux, même si la proportion d’épouses plus âgées était encore considérable. Les 400 hommes qui se marièrent plus tardivement prirent des épouses beaucoup plus jeunes23.
Variété des institutions
23Si le postulat de Malthus sur l’universalité du mariage en Chine doit être précisé, sa description du désir profond des Chinois pour le mariage est fondamentalement correcte. Il en est de même de sa représentation de leur motivation. Les Chinois voulaient se marier pour perpétuer leur lignée et pour avoir un soutien dans leur vieillesse. Si leur désir de se marier et d’avoir des enfants est, sur un certain plan, universel, il était tout aussi important pour la société chinoise. On trouve des traces du désir de perpétuation biologique dans la plupart des cultes ancestraux au IIIe millénaire avant J.-C. (Ho, 1975, p. 322-327). Dès le Ier millénaire avant J.-C., de nombreux textes mentionnaient explicitement la nécessité du mariage et des enfants. La célèbre maxime de Mencius voulant que, de toutes les fautes d’impiété filiale, la pire soit de ne pas avoir de descendance masculine, est peut-être le témoignage le plus probant de cette croyance24.
24En conséquence, les Chinois développèrent une variété de formes de mariage dont l’étude ne fait que commencer. Outre le mariage majeur, les anthropologues distinguent habituellement deux autres catégories de mariage chinois. D’abord, le mariage de la petite belle-fille, où la femme emménage durant son enfance dans la famille de son mari et se marie seulement plus tard ; ensuite, le mariage uxorilocal, où l’homme, à la suite de son mariage, emménage dans la famille de sa femme25. De plus, des études récentes ont mis en lumière la pratique de la polygamie parmi l’élite et du lévirat parmi les pauvres.
25 La polygamie. – La polygamie, soit le mariage d’un homme avec plusieurs épouses, fut surtout, en Chine, un comportement de l’élite. L’exemple le plus saillant fut la noblesse Qing, où plus d’un tiers des mariages étaient polygames. Toutefois, parmi les groupes généalogiques de l’élite, seulement 10 % des mariages masculins étaient polygames26. Par contraste, l’analyse de plus de 4 000 mariages chez les paysans du Liaoning aux XVIIIe et XIXe siècles conclut à un taux de polygamie d’environ 1 pour 1 000, et les taux pour les paysans de Taiwan au début du XXe siècle étaient légèrement supérieurs (A. Wolf et Huang, 1980 ; Lee et Campbell, 1997). Comme les paysans représentaient la vaste majorité de la population de la Chine, il est peu probable que plus de 1 ou 2 % des mariages masculins aient été polygames27.
26En outre, l’analyse récente de la fécondité polygame au sein de la noblesse Qing indique que le comportement conjugal dans plusieurs mariages de ce type était susceptible de ressembler à de la monogamie, au moins en termes de relations conjugales (Lee et Wang, 2000). La plupart des hommes polygames couchaient avec seulement une de leurs épouses à la fois, chacune à son tour, indépendamment du nombre total de leurs femmes. La noblesse Qing, en d’autres mots, pratiquait en partie la polygamie pour compenser la difficulté de divorcer facilement. Par conséquent, chaque nouvelle femme augmentait la fécondité de seulement un enfant. Dans l’ensemble, les nobles monogames qui vivaient jusqu’à 45 ans et avaient trois épouses n’avaient en moyenne que 4,6 enfants. Les nobles polygames qui vivaient jusqu’à 45 ans avaient en moyenne 6,8 enfants. Les équivalents occidentaux étaient de 8 à 10 enfants pour les hommes monogames et de 15 à 25 enfants pour les hommes polygames. La fécondité monogame en Chine représentait seulement la moitié de la fécondité occidentale. La fécondité polygame équivalait à peine au tiers de la fécondité occidentale28.
27On peut s’étonner du faible niveau de fécondité liée à la polygamie. Le Graphique 5.4 cerne la fécondité conjugale masculine par groupe d’âge : la fécondité polygame y apparaît de 20 à 30 % plus élevée que la fécondité monogame. Cependant, les courbes de la fécondité par groupe d’âge commencent seulement à diverger radicalement quand les hommes atteignent le milieu de la trentaine, au moment où la fécondité monogame décline rapidement. Les hommes polygames à la fin de la quarantaine avaient la fécondité des hommes monogames du milieu de la trentaine ; à la fin de la cinquantaine, ils avaient la fécondité des hommes monogames du début de la quarantaine. L’âge moyen de la dernière naissance pour les hommes polygames était de 45 ans, 10 ans de plus que celui des hommes monogames. Les hommes avaient clairement recours à la polygamie pour prolonger leur période reproductive le plus tard possible dans leur maturité, plutôt que pour accroître leur fécondité. La caricature voluptueuse du mariage chinois polygame « traditionnel » est aussi, en grande partie, un fantasme occidental moderne, ironiquement de plus en plus accepté en Chine29.
GRAPHIQUE 5.4. Modèle d’âge de la fécondité chez les hommes monogames et polygames, lignée impériale Qing, 1700-1840
Source : Wang, Lee et Campbell (1995).
28 Le mariage de la petite belle-fille. – Les mariages « mineurs » alternatifs, comme le mariage de la petite belle-fille et le lévirat, étaient beaucoup plus répandus, au moins chez les paysans et dans certaines régions. Ils permettaient d’obtenir des fiancées sans les frais associés au mariage majeur. Dans le mariage de la petite belle-fille (tongyangxi), une femme était adoptée durant son enfance, habituellement avant l’âge de 10 ans et élevée comme une future belle-fille30. La plupart des parents avaient recours à cette forme de mariage pour des raisons économiques. Du côté de la fiancée, on évitait ainsi d’avoir à élever sa propre fille et, du côté du fiancé, on faisait l’économie du prix élevé d’une fiancée et des dépenses du mariage31. Certains trouvaient aussi dans de tels mariages une manière convenable de s’assurer que les belles filles étaient véritablement bien intégrées dans leurs familles32.
29Ces mariages étaient particulièrement populaires dans certaines régions de Taiwan, où ils représentaient près de la moitié de tous les mariages (A. Wolf et Huang, 1980, p. 124-125 ; Chuang et Wolf, 1995). Ils semblent aussi avoir été répandus ailleurs en Chine, au moins au cours de la période impériale tardive33, même si le pourcentage des mariages de petites belles-filles documentés au début du XXe siècle est plutôt faible, peut-être en raison de la baisse antérieure de l’infanticide féminin et de la plus grande disponibilité des fiancées. Selon une enquête sur l’utilisation nationale du sol menée vers 1930, de 5 à 10 % de tous les mariages du Moyen-Yangzi et environ de 0,5 à 1 % de tous les mariages dans le nord de la Chine étaient des mariages de petites belles-filles (A. Wolf et Huang, 1980, p. 329). Si ces proportions sont faibles, des faits épars suggèrent une plus grande prédominance de tels mariages pour des populations spécifiques, même dans le nord et le nord-est de la Chine.
30 Le lévirat. – Même s’il n’y a pas d’études quantitatives ou de statistiques sur le lévirat (shoujihun), dans lequel un homme acquiert une épouse par héritage lors du décès d’un parent plus âgé, comme le frère ou le père, on trouve de nombreux exemples documentés remontant même au Ier millénaire avant J.-C. (Gu, 1982). En fait, la relation amoureuse d’un des mariages les plus célèbres dans l’histoire chinoise est celle d’un empereur du VIIIe siècle, Xuanzong, de la dynastie Tang, et de Yang Guifei, sa belle-fille. Même si cette forme de mariage fut interdite à plusieurs reprises, elle perdura, surtout parmi les populations non Han comme les Mandchous et les Mongols, mais également chez les Han (Ding, 1988). Quoique le mariage de la petite belle-fille et le lévirat soient maintenant tous deux interdits en République de Chine nationaliste (Taiwan) et en République populaire de Chine, en raison de la relation conjugale tendue et de l’exploitation des femmes34 ils continuent d’être pratiqués, du moins à l’occasion, chez les paysans pauvres (Yan Xunxiang, 1992).
31 Le mariage uxorilocal. – Par contraste, le mariage uxorilocal, où un homme épouse une femme et emménage dans la famille de celle-ci, a perduré et, dans certains cas, a augmenté, surtout dans la Chine urbaine. Le Graphique 5.5 montre la proportion de femmes mariées par groupe d’âge qui, en 1991, continuaient de vivre avec leur famille après le mariage35. Des années 1960 aux années 1990, les arrangements de vie commune uxorilocaux représentaient de 5 à 8 % de tous les mariages dans les régions rurales et de 7 à 10 % de tous les mariages dans les régions urbaines (CASS, 1994). Même si ni les hommes ni les femmes ne changent leurs noms, on s’attend à ce que les gendres corésidants assument la responsabilité de soutenir leurs beaux-parents et d’en prendre soin36.
GRAPHIQUE 5.5. Chine : mariages uxorilocaux, en fonction de l’âge de la femme, 1991
Source : CASS (1994, Tableau 3.1b).
32Dans l’ensemble, les arrangements des mariages uxorilocaux ou proto-uxorilocaux en Chine contemporaine correspondent aux proportions du passé, soit 10 %, avec une marge d’erreur de 5 %, de tous les mariages. Comme environ 20 % de tous les mariages ne produisirent pas de fils, étant donné les taux démographiques d’un système de prétransition (Wrigley, 1978), il semble qu’environ la moitié de toutes les familles sans fils eurent recours à l’adoption d’un gendre37. L’autre moitié choisit probablement d’adopter un fils. De tels arrangements dans l’adoption d’un gendre varièrent du transfert complet d’allégeance par le gendre de sa famille biologique à sa famille résidentielle à l’allégeance partagée ou même à l’allégeance contractuelle temporaire. Comme nous le verrons dans le chapitre 7, les formes d’adoption du gendre étaient aussi variées que les formes d’adoption d’un fils. L’hypergamie masculine, en l’occurrence, coexista parallèlement à l’hypergamie féminine.
Stratégies collectives et individuelles
33La combinaison d’un marché matrimonial différencié par le sexe, d’une tradition de mariage hypergame pour les femmes et parfois même pour les hommes, et d’une multiplicité de types de mariage, signifiait que la nuptialité pouvait être aussi finement différenciée que la mortalité, surtout pour les hommes, et cela aux deux extrémités de l’éventail social. Dans la noblesse Qing et dans d’autres groupes généalogiques, la probabilité du mariage différait clairement en fonction du degré de noblesse des individus. Il en était ainsi de l’âge du mariage. Si seulement 6 % des fils de la haute noblesse n’étaient pas encore mariés à l’âge de 30 à 34 ans, cette proportion au sein de la petite noblesse était le double, soit 12 %, aux XVIIIe et XIXe siècles (Lee, Wang et Ruan, 2001). De la même manière, seulement 5 % des fils de fonctionnaires lettrés de plus de 20 ans dans l’Anhui n’étaient pas encore mariés, tandis que 15 % des fils de non-fonctionnaires lettrés étaient encore célibataires (Telford, 1994)38. Les fils de petite noblesse commençaient en moyenne à s’unir deux ans plus tard que les fils de la haute noblesse. Les fils de non-fonctionnaires lettrés se mariaient trois ans plus tard que les fils de fonctionnaires lettrés.
34Parmi les gens du peuple, le mariage était un privilège d’autant plus apprécié que relativement peu d’hommes avaient la chance de se marier (Lee et Campbell, 1997). L’accès au mariage se faisait en fonction de l'accès aux ressources, distribuées de manière inégale par le ménage et par l’activité. Plus élevée était l’occupation ou la position dans le ménage, meilleures étaient les chances de se marier. Dans le Liaoning rural, par exemple, les chefs de ménage de familles multiples avaient 75 % plus de chances de se marier que les autres membres du ménage. Les chefs de lignée de groupes avaient trois fois plus de chances de se marier que les autres membres des groupes. L’activité était encore plus déterminante en raison de l’importance d’avoir un revenu stable dans une société hypergame. Une fois l’âge et la position dans les hiérarchies du ménage et des lignées pris en compte, les chances de se marier pour les soldats, les officiels des villages et les artisans ruraux étaient respectivement de neuf, cinq et quatre fois plus grandes que celles des hommes œuvrant dans d’autres métiers. Quel que fût leur âge, les hommes ayant une profession avaient plus de chances de se marier que les autres hommes. En fait, les soldats et les officiels étaient les seuls hommes dans la population à accéder au mariage universel. Tous les officiels étaient mariés entre 36 et 40 sui, comme l’étaient tous les soldats entre 46 et 50 sui. Même dans les villages du Liaoning rural, le mariage était manifestement hypergame. Le revenu était apparemment un aspect de l’attrait masculin. L’étaient peut-être aussi l’apparence physique et le pouvoir officiel.
35La stratification sociale du mariage masculin persiste dans la Chine contemporaine. Au début des années 1980, les hommes non mariés étaient encore des personnes défavorisées socialement et économiquement, en termes d’éducation et de résidence. Alors que seulement 0,5 % des hommes ayant une formation universitaire étaient non mariés à l’âge de 40 ans, la proportion parmi les analphabètes ou semi-analphabètes était de 15 % (SBB, 1987, p. 3326-3381). Cet écart augmenta légèrement dans les années 1980, parallèlement aux aggravations des inégalités économiques et sociales. En dépit des améliorations dans la probabilité du mariage pour la population dans son ensemble, le pourcentage des célibataires parmi les analphabètes et les semi-analphabètes s’éleva, de 25 à 29 % à l’âge de 30 ans et de 15 à 19 % à l’âge de 40 ans. Un analphabète sur cinq en Chine était encore célibataire à l’âge de 40 ans (SBB, 1993, p. 3 : 217, 232).
36Contrastant avec l’Occident, où le mariage est devenu une institution de plus en plus fragile, cette institution en Chine est demeurée tenace au cours du XXe siècle en dépit de deux révolutions politiques et de bouleversements socioéconomiques sans nombre39. L’apparition de l’amour romantique et le déclin de la famille patriarcale confucéenne ont fait en sorte que les rapports parent-enfant ont été remplacés par les rapports époux-épouse comme le lien affectif le plus important. En conséquence, la recherche d’un conjoint est devenue une occupation obsessive non seulement pour les parents et la parenté, mais aussi pour les amis, les collègues et autres connaissances. Les multiples moyens de rencontres, répandus dans la culture populaire mondiale, sont encore nouveaux en Chine, mais déjà bien développés à Taiwan.
37En fait, si tous les Chinois ne planifient pas leur fécondité ni ne contrôlent la survie de leurs enfants, tous planifient le mariage de leurs propres descendants et, souvent, celui d’autres personnes. Dès la naissance d’un enfant, les parents sont obsédés par les possibilités de mariage de ce fils ou de cette fille. Cette obsession affecte, à son tour, les autres décisions démographiques de la famille, notamment combien de garçons et de filles on veut avoir et élever. Le calcul du mariage diffère, bien sûr, selon la classe et le sexe. Par exemple, dans les familles pauvres, les filles obtiennent le « prix » de la fiancée tandis que les familles riches doivent payer une lourde dot. Plus une famille est riche, plus la dot est élevée. L’obligation de fournir une dot est exacerbée par la nature hypergame du mariage féminin, dans la mesure où les hommes chinois préfèrent ou épousent le plus souvent des fiancées de statut égal ou inférieur. En conséquence, tout comme les hommes au bas de l’échelle sociale sont laissés sans épouse, les femmes au sommet de l’échelle sociale doivent attendre plus longtemps pour trouver un conjoint. C’était le cas pour la noblesse impériale, qui éprouva de si grandes difficultés à trouver des maris pour ses filles qu’elle créa un système de mariage appelé zhihun, qui imposait littéralement des mariages arrangés à des jeunes hommes célibataires de bonne famille (Ding, 1998).
38Pour un garçon, le calcul nécessaire pour assurer un mariage est encore plus complexe. Étant donné la rareté constante des fiancées et des ressources économiques nécessaires pour entrer en lice comme épouses, les parents doivent choisir, soit d’élever une petite belle-fille, soit de prendre le risque de trouver et de financer une épouse convenable pour leur fils quand il devient adulte. Ces difficultés étaient décuplées pour chaque fils supplémentaire qui survivait. Une famille pauvre qui décidait de ne pas adopter une petite belle-fille pouvait éviter le coût d’un mariage majeur par le lévirat ou l’union uxorilocale. Même si ces formes de mariage ne semblent pas avoir été répandues parmi les familles plus fortunées, certaines choisirent de donner quelques-uns de leurs fils en adoption. Les hommes chinois moins fortunés, tout comme leurs homologues occidentaux, demeuraient célibataires ou recouraient à des formes de mariage autres que le mariage majeur.
39La joie d’avoir plusieurs fils fut donc étouffée par la perspective angoissante d’avoir à honorer plusieurs mariages. Il n’est pas surprenant que certains parents, prévoyant que l’arrangement du mariage de leurs enfants allait être de par trop onéreux, préférèrent les tuer ou les vendre afin d’éviter de telles obligations40. Le coût émotionnel de mesures aussi extrêmes et le coût du mariage rendirent probablement la contrainte conjugale plus raisonnable.
Notes de bas de page
1 « Le temps passé en privation serait employé à des épargnes. On contracterait des habitudes de sobriété, de travail et d’économie ; et en peu d’années, l’homme industrieux se trouverait en état d’embrasser du mariage, sans en redouter les suites. Cette action constante de l’obstacle préventif [...] donnerait une valeur réelle à l’augmentation des salaires et aux sommes épargnées par l’ouvrier avant l’époque du mariage » (1826/1986, p. 475 ; trad. P. et G. Prévost, II, p. 208).
2 Cela était particulièrement vrai en Asie centrale. « Comme chez ces peuples [Tartares] [...] les parents gardent leurs filles jusqu’à ce qu’ils puissent les vendre, celles-ci se marient souvent fort tard [...]. La difficulté d’acheter des femmes doit diminuer le nombre de mariages pour les classes pauvres, d’autant plus que le prix demeure élevé à cause de la polygamie des riches » (1826/1986, p. 88 ; trad. P. et G. Prévost, I, p. 170).
3 Ainsi, pour le Moyen-Orient et la Perse, « on observe en général qu’en Turquie, les familles chrétiennes sont composées d’un plus grand nombre d’enfants que les familles mahométanes qui pratiquent la polygamie. C’est là sans doute un fait extraordinaire. Car quoique la polygamie, en distribuant les femmes d’une manière inégale, tende à diminuer la population de tout le pays, les chefs de famille qui ont plusieurs femmes devraient naturellement avoir un plus grand nombre d’enfants que ceux qui n’en ont qu’une » (1826/1986, p. 113 ; trad. P. et G, Prévost, I, p. 202). Malthus mentionna la promiscuité comme un obstacle à la natalité dans les îles des mers du Sud (ibid., p. 51 et 54 ; trad. P. et G. Prévost, I, p. 121 et 125).
4 « C’est le devoir de tout individu de l’espèce humaine de ne songer au mariage que lorsqu’il a de quoi suffire aux besoins de sa progéniture ; et cependant, il faut que le désir du mariage conserve toute sa force, qu'il entretienne l’activité et qu’il engage le célibataire à acquérir par son travail le degré d’aisance qui lui manque » (1826/1986, p. 472 ; trad. P. et G. Prévost, II, p. 206).
5 « Il n’y a peut-être aucune époque où la nature inspire à cet égard plus d’inquiétude qu’à la fin de l’adolescence » (1826/1986, p. 477 ; trad. P. et G. Prévost, II, p. 211). Cependant, « la jeunesse est si disposée aux sentiments tendres, qu’il est difficile à cet âge de distinguer une passion vraie et durable d’un feu passager » (1826/1986, p. 478 ; trad. P. et G. Prévost, II, p. 213). En conséquence, « Si cet usage de retarder le mariage] devenait général [...] un amour chaste et pur [...], loin de s’éteindre par la satiété, se soutiendrait avec constance pour briller avec plus d’éclat et ne finir qu’avec la vie » (1826/1986, p. 476 ; trad. P. et G. Prévost, II, p. 209-210).
6 Cela explique en partie l’étude des enfants nés hors mariage, dont Laslett (1977) fut un pionnier ; la bâtardise fut très répandue durant certaines périodes parmi les populations européennes. Le phénomène des enfants illégitimes fut beaucoup moins important dans l’étude du comportement de la population chinoise parce que le phénomène était moins répandu — excepté dans la province insulaire de Taiwan sous l’occupation japonaise (Barrett, 1980).
7 Le développement par Hajnal (1953) de l’âge moyen au mariage en offre un exemple. Voir Flinn (1981, p. 27-31), pour un aperçu sommaire de l'Europe prémoderne et P. Smith (1974) pour l’Asie contemporaine.
8 Voir, par exemple, Cherlin (1994) et Goldscheider et Waite (1991) sur les populations américaines et Dupâquier et al. (1981) sur une variété de populations historiques.
9 Chao (1986) est un exemple prééminent et explicite de cette logique malthusienne. Commentant les obstacles au mariage en Occident, il écrit (p. 8) : « Le système de famille traditionnel chinois agissait différemment. L’un était aiguillé par la perpétuation de la famille... le second par la force du sentiment familial, à savoir l’obligation incontournable pour une famille de soutenir ses membres qui n’avaient pas de revenu ou de travail. La famille comme institution devint souvent une entité d’affaires composée de nombreux ouvriers, une source d’emploi et une base de distribution du revenu intrafamilial. En conséquence, au lieu d’influer comme un régulateur automatique, le système familial chinois tolérait la surpopulation. »
10 Chez l’élite, par exemple, la dot différenciait souvent le statut de l’épouse. Les concubines n’apportaient aucune dot. De plus, elles étaient souvent achetées dans une transaction ouvertement commerciale, différente de la transaction impliquant le « prix » d’une fiancée.
11 Les termes mariage majeur et mariage mineur furent élaborés par Arthur Wolf. Voir A. Wolf et Huang (1980) pour leur étude du mariage majeur et mineur en Chine, notamment dans la province insulaire de Taiwan.
12 Même s’il n’y avait pas de politique d’Etat au sujet de l’âge du mariage, la prohibition du mariage arrangé contribua sans doute beaucoup à cette hausse précoce de l’âge du mariage.
13 Aux États-Unis, l’âge moyen pour le premier mariage des femmes à la fin des années 1980 était de 23,7 ans (US Bureau of Census, 1997, p. 105).
14 Ce modèle, tel qu’il est observé par Whyte (1990, p. 184), « laisse entendre que les coutumes du mariage chinois commencèrent à changer dans la direction de modèles bien connus des sociétés plus modernes avec plus ou moins de succès en raison du conservatisme ».
15 Le sondage sur les hommes et les femmes mariés âgés de 20 à 69 ans, mené par des sociologues de l’Université du Michigan et l’Université de Pékin, posait délibérément cette question : « Est-ce qu’une femme peut vivre une vie pleine et heureuse sans se marier ? »
16 Le mariage est apparemment beaucoup moins populaire au Japon. Dans l’enquête nationale de 1994 sur le travail et la vie familiale, seulement 18 % des hommes et 26 % des femmes déjà mariés furent d’accord avec cette proposition : « Les femmes doivent se marier pour avoir des vies pleines et heureuses » ; 50 % des hommes et 49 % des femmes étaient dans l’incertitude, mais 32 % des hommes et 15 % des femmes n’étaient pas d’accord (communication personnelle de Noriko Tsuya).
17 Telford (1992a) fut le premier à remarquer la similitude dans la probabilité du mariage chez les hommes en Chine et en Europe de l’Ouest.
18 Ces améliorations dans les possibilités de mariage des hommes ne se produisirent pas de manière uniforme dans toute la Chine au début du XXe siècle. Dans une localité du nord de la Chine, Dingxian, en 1930, 20 % de tous les hommes étaient encore célibataires (Gamble, 1954).
19 Même si les chiffres varient du tout au tout en fonction des circonstances particulières des populations ciblées, ces proportions semblent être typiques des populations étudiées par Dupâquier et al. (1981, p. 50,169,260, 275-277, 294-295, 300, 329 et 359).
20 Dans une étude de 49 groupes généalogiques, 11,5 % des hommes déjà mariés s’étaient remariés. Par contraste, 32 des 49 groupes n’enregistrèrent aucun remariage féminin. Parmi les 17 qui le firent, les remariages comptaient seulement pour 0,5 à 8,6 % de tous les mariages féminins (Liu Ts’uijung, 1992,1, p. 48).
21 Le pourcentage des femmes qui se remarièrent varia en fonction de leur âge au moment de leur veuvage. Parmi les veuves de 24 ans ou moins, lors de la mort de leur mari, 58,5 % se remarièrent ; dans le groupe de femmes âgées de 30 à 34 ans à la mort de leur mari, seulement 30,3 % se remarièrent (A. Wolf, 1981, p. 141).
22 Aux États-Unis, par exemple, 46 % de tous les mariages au milieu des années 1980 étaient des remariages (US Bureau of Census, 1997, 106).
23 Un autre exemple plus récent du modèle divergent du mariage des hommes et des femmes est celui de Dingxian (Ding Hsien) dans la province du Hebei. Une enquête sur 776 couples, menée de 1926 à 1933, conclut que toutes les femmes étaient mariées avant 23 ans, alors que seulement 66,3 % des hommes du même âge étaient mariés. Même à 39 ans, seulement 90 % des hommes étaient mariés. Cependant, une proportion extraordinairement élevée des hommes qui se marièrent le firent très jeunes — pratiquement un sur six à l'age de 14 ans et presque la moitié, 47,5 %, avant 17 ans. En conséquence, dans 70 % des couples, la femme était plus âgée que le mari (Gamble, 1954, p. 41).
24 « Trois choses sont contraires à la piété filiale. La plus répréhensible est de n’avoir pas d’enfants » (Meng zi, VII, p. 313 ; trad. S. Couvreur, p. 482).
25 Arthur Wolf fut le premier à définir ces différentes formes de mariage et à les analyser en détail (Wolf et Huang, 1980).
26 Les proportions varient, bien sûr, en fonction de la lignée. Parmi les 8 295 hommes mariés dans les lignées de Tongcheng, province de l’Anhui, 7,5 % avaient déclaré plus d’une femme (Telford, 1992a, p. 27), alors que les proportions pour cinq autres généalogies étudiées par Liu Ts’ui-jung s’étalent entre 8 % pour les Xu de Wuchang (Hubei) et 26 % pour les Mai de Xiangshan (Guangdong, 1995b, p. 105).
27 L’affirmation précédente était de 10 % (Naquin et Rawski, 1987, p. 108). Ce chiffre, qui semble trouver sa source dans la recherche de Liu Ts’ui-jung (1983), ne tient pas compte, pour l’élite, du statut masculin d’une grande partie de sa population généalogique et ne distingue pas la polygamie dans le remariage des veuves.
28 Voir Wilson (1984) pour la fécondité monogame. Selon Bean et Mineau (1986) et Bean, Mineau et Anderson (1990), les mariages polygames mormons incluaient en moyenne 3,9 épouses avant 1820, 2,9 épouses entre 1820 et 1839, et 2,4 épouses entre 1840 et 1859, avec 6,3, 7,3 et 7,6 enfants nés de chaque femme respectivement. Cela implique que chaque mari mormon qui vécut jusqu’à l’âge de 45 ans eut en moyenne 24,6 enfants avant 1820, 21,2 enfants entre 1820 et 1839, et 18,2 enfants entre 1840 et 1859.
29 L’histoire de Su Tong dans le film Epouses et concubines (réalisé par Zhang Yimou, Chine/Hong Kong/Taiwan, 1991) est un bon exemple d'une telle distorsion historique.
30 L’étude d’Arthur Wolf portant sur 848 mariages de petites belles-filles de la région de Haishan à Taiwan (Wolf et Huang, 1980) conclut à un éventail d’âge de 2 à 8 ans ; celle de Guo Songyi (2000) pour deux années (1736 et 1745), dans la capitale [Beijing], releva 55 cas de petites belles-filles, dont 80 % furent adoptées avant l’âgé de 10 ans. Par contraste, Feng Erkang (1986) cite seulement 12 exemples spécifiques à travers toute la Chine, mais avec un âge moyen de 11 ans, c’est-à-dire 12 sui (p. 309-310). Dans la mesure où ces mariages de petites belles-filles plus âgées étaient répandus (5 des 12 exemples de Feng avaient 14 ans ou plus), on pourrait les considérer comme une excuse pour éviter les dépenses d’un mariage majeur.
31 Selon une monographie locale du début du XIXe siècle de la préfecture de Jixi, province de l’Anhui, « Les pauvres sont forcés de donner leurs filles en adoption. Ces filles adoptives deviennent des fiancées une fois devenues grandes » (cité par Feng Erkang, 1986, p. 310). D'après une monographie locale du milieu du XIXe siècle de la préfecture de Ganzhou, province du Jiangxi, les gens se mariaient de cette manière « afin que les familles de fermiers n’aient pas à prévoir de payer le “prix” de la fiancée et que les familles pauvres puissent éviter la douleur d’avoir à tuer leurs filles » (cité par Guo Songyi, 2000).
32 A. Wolf et Huang (1980) apportent des preuves documentaires sur ce type de relations familiales souvent plus harmonieuses, mais moins chaleureuses.
33 A. Wolf et Huang (1980) fournissent un large éventail d’anecdotes démontrant la prédominance des mariages uxorilocaux au cours du XIXe siècle (p. 1-15 et 326-339).
34 Ces deux formes de mariage sont considérées comme de l’exploitation, parce que les fiancées n’ont à peu près aucune liberté de choix, un droit garanti par la Constitution chinoise. Voir A. Wolf et Huang (1980) pour une ethnographie détaillée des petites belles-filles à Taiwan.
35 Nous remercions Guo Zhigang de nous avoir fourni ces matériaux.
36 Les noms de famille sont devenus particulièrement compliqués au cours des récentes années, en raison d’une révolution dans le concept de la paternité et de la lignée. Il est maintenant possible pour les enfants de prendre le nom de famille de leur mère sans aucune procédure formelle d'adoption.
37 Au Japon, la proportion des mariages uxorilocaux dans le passé était beaucoup plus considérable — près de 30 % dans certaines populations de l’ère Tokugawa (Kurosu et Ochiai, 1995).
38 Ces proportions sont issues d’une variété de généalogies de la préfecture de Tongcheng dans l’Anhui central et couvrent des périodes entre 1300 et 1850. Elles ne sont donc pas directement comparables à la noblesse Qing, qui était enregistrée d’une manière beaucoup plus complète.
39 Même en tenant compte de la hausse récente dans la fréquence de divorce, la Chine demeure l’un des pays avec le plus faible taux de rupture. En 1989, par exemple, le taux global de divorce (nombre de divorces pour 1 000 mariages) était de 0,68, comparé à 4,7 aux États-Unis ; 2,86 en Angleterre ; 1,9 en France ; 1,2 au Japon et 0,96 à Singapour (Wu Deqing, 1995).
40 Waltner (1995) étudie le lien entre l’infanticide et la dot dans la dynastie Ming et au début de la dynastie Qing. Il présente une variété de preuves sous forme d’anecdotes.
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Mythe et philosophie à l'aube de la Chine impériale
Études sur le Huainan zi
Charles Le Blanc et Rémi Mathieu (dir.)
1992
La Chine imaginaire
Les Chinois vus par les Occidentaux de Marco Polo à nos jours
Jonathan D. Spence
2000