L’inscription des hauts faits de Yu le Grand
Histoire d’un faux
p. 123-158
Texte intégral
1L’établissement d’une base de données sur les estampages chinois conservés en Europe, au cours de ces dernières années, a été l’occasion de recenser une douzaine (quinzaine) d’estampages d’une inscription bien connue, considérée autrefois par beaucoup comme étant probablement la plus ancienne inscription chinoise gravée sur pierre, avant que le bon sens et les avancées archéologiques la reléguassent définitivement dans l’oubli. Parmi les différentes collections de documents se trouvant à Paris ou à Cologne, il fut possible d’identifier dix inscriptions différentes du même texte1.
2Les estampages chinois ne faisant pas partie des pièces importantes des musées ou des institutions savantes européens, furent longtemps complètement délaissés, souvent pas même inventoriés, au point qu’il n’est pas toujours possible à présent de connaître le lieu d’origine de la pierre sur laquelle a été pris un estampage si l’on ne dispose pas d’une documentation suffisante. Et tel est le cas pour cette inscription connue sous divers titres, notamment « stèle de Yu 禹碑 » ou « stèle de Goulou 岣嶁碑 ».
3La stèle de Yu a fait couler beaucoup d’encre au XIXe siècle en Europe, elle a également suscité des débats passionnés en Chine, pour des motifs un peu différents, mais toujours en raison de son ancienneté. L’inscription était en effet prise pour l’un des monuments les plus anciens de l’art d’écrire : la stèle avait été érigée ou bien l’inscription gravée sur un rocher, pensait-on (la question n’est pas tranchée, comme on le verra plus loin), du vivant ou peu après la mort du Grand Yu qui aurait maîtrisé les eaux du déluge avant de fonder la dynastie des Xia vers la fin du IIIe millénaire avant notre ère. L’inscription se trouvait sur le mont Heng, l’une des cinq montagnes sacrées, celle du Sud, dans la province du Hunan, l’un des lieux à partir desquels Yu le Grand aurait réussi à canaliser les eaux débordantes.
4Les exploits du héros Yu font partie intégrante des hauts faits mythologiques de la Chine ancienne et sont connus de tous. Ils sont rapportés d’une manière assez semblable dans plusieurs des grands textes de l’Antiquité, qu’il s’agisse du Livre des Documents, Shujing, du Mencius, des Discours sur l’État, Guoyu, des Printemps et Automnes du sieur Lü, Lü shi chunqiu ou du Huainan zi2. Ainsi, du Mencius :
Au temps de Yao, les eaux, arrêtées dans leur cours, avaient débordé et inondé l’empire. Le pays était plein de serpents et de dragons ; les hommes n’avaient pas d’endroit pour se fixer. Dans les terrains bas, ils se faisaient des huttes sur des pieux ; dans les terrains élevés, ils se creusaient des cavernes. Shun dit dans le Shujing : « Le débordement des rivières m’avertit de prendre garde. » Ce débordement des rivières est l’inondation qui eut lieu sous le règne de Yao.
Shun chargea Yu de remédier à ce mal. Yu creusa des canaux, et fit écouler les eaux dans la mer. Il chassa les serpents et les dragons, et les relégua dans les herbes des marais. Les eaux s’écoulèrent à travers les terres ; et formèrent le Jiang, la Huai, le Fleuve Jaune et la Han. Les obstacles (qui arrêtaient le cours de l’eau) étant écartés, les animaux nuisibles disparurent. La terre offrit à l’homme une habitation commode3.
5Yu naquit dans des conditions assez particulières, l’une des possibilités étant que sa mère soit tombée enceinte après avoir absorbé des graines. On raconte également qu’il succéda à son père Gun que l’empereur Yao avait chargé de remédier aux vastes inondations et qui avait échoué à faire refluer les eaux. Infatigable, Yu parcourut l’empire pendant des années sans rentrer chez lui, creusant ici, construisant des digues ailleurs et perçant les montagnes. Il fit si bien qu’il se mit à boiter, ses sautillements donnant naissance à une danse. Par son action, Yu fixa les neuf provinces de la Chine, permettant les communications et le versement du tribut par les habitants des provinces. Son rôle capital fit de lui presque un démiurge, du moins celui qui structura l’espace en le rendant habitable et en l’organisant. Il fut également le fondateur de la première dynastie considérée jadis comme historique. Héros mythologique, Yu était donc en même temps considéré comme un homme divinisé, souverain sage à l’égal des mythiques Yao et Shun :
Yu était un homme [actif, serviable, capable et diligent ; sa vertu n’évitait pas la peine ; sa bonté le rendait digne d’affection ; sa parole était digne de foi. Sa voix était l’étalon des sons ; son corps était l’étalon des mesures de longueur ; les mesures de poids dérivaient de lui. Très infatigable et très majestueux, il s’occupait de l’ensemble et des détails.4]
6Il n’est donc pas étonnant qu’une stèle consignant les mérites d’un tel héros, écrite au temps de celui-ci et probablement par Yu lui-même, ait retenu l’attention de bon nombre de lettrés. Le rapport que Yu entretient avec une pierre, une stèle ou une tablette est particulier. Non seulement la légende veut qu’il ait reçu une tablette de jade des mains de l’empereur Shun, d’un dieu ou même du ciel, mais encore lui-même serait né d’une pierre, ou bien son fils Qi. L’inscription de Yu présente cette particularité par rapport aux stèles qui apparaissent à partir de l’empire de Qin (221-) de ne pas avoir à coup sûr une fonction commémorative. Comme on le verra, son statut est ambigu, puisque l’on ne sait pas vraiment s’il s’agit des instructions que Yu reçoit, si ce sont les louanges qui lui sont tressées ou bien l’auto-proclamation de ses hauts faits par Yu lui-même. L’invariant est que l’écrit serait de la main du héros, de sorte que les récits qui entourent cette inscription et sa réception nous mènent plutôt de l’histoire au mythe que du mythe à l’histoire.
L’inscription de Yu le Grand en Europe
7Ce fut le père Amiot (1718-1793) qui, le premier, fit connaître l’inscription de Yu le Grand en France, en envoyant un (ou plusieurs ?) estampages à Paris, muni d’une transcription en caractères chinois modernes et d’une traduction en français. Cette inscription fut évoquée dans un Essai sur la langue et les caractères des Chinois dû au père Cibot en 1782 : « On y voit encore une apparence d’inscription, gravée sur le rocher percé dans lequel Yu le fit entrer. Soit que le tems l’ait effacé, soit que le rocher en croissant en ait altéré les caractères, on ne peut plus la lire. La tradition universelle en fait l’honneur à Yu, & il paroît par l’histoire, qu’on la lisoit il y a 2 000 ans. Les copies qu’on en avait tirées ne nous sont point parvenues5. » L’inscription fut ensuite publiée peu après à Londres, puis à Paris par Joseph (Giuseppe) Hager (1757-1819), avec la traduction de Joseph Amiot6, un peu plus tard, en 1811, à Berlin par Julius Klaproth (1783-1835) qui en donna une traduction en allemand7. Abel Rémusat en fit un compte rendu qui parut dans ses Mélanges asiatiques8. Alors que Hager, à la suite des jésuites de Pékin, considérait l’inscription de Yu comme non authentique, Klaproth prit le parti inverse et chercha à montrer l’évolution de l’écriture depuis les temps les plus anciens jusqu’aux temps modernes. Abel Rémusat ne prit pas parti, se contentant de louer son collègue allemand de ses connaissances. La version du texte de l’inscription différait sensiblement dans les travaux de Hager et Klaproth.
8Le débat allait se poursuivre au cours du XIXe siècle, accompagnant les idées émises sur l’ancienneté comparée de la Chine et de l’Égypte et sur celle de leurs systèmes d’écriture9. Guillaume Pauthier (1801-1873), aux idées audacieuses dans ce domaine, retraduisit le texte de l’inscription dans sa Chine ou Description historique, géographique et littéraire de ce vaste empire d’après les documents chinois en 1837 sans se démarquer beaucoup de la traduction d’Amiot et sans entrer dans les détails10.
9Samuel Wells Williams (1812-1884), connu comme éditeur du Chinese Repository et pour avoir fait progresser les techniques d’imprimerie en chinois pour le compte de l’American Board of Commissioners for Foreign Missions, traita également de l’inscription de Yu en 184811. Il adopte quant à son authenticité et son ancienneté une position relativement prudente, admettant que l’inscription est certainement très ancienne, peut-être même la plus ancienne qui existe dans le monde ; les historiens chinois ne la rejettent pas, mais ont parfois des doutes. Il s’agit effectivement de savoir si la civilisation chinoise est aussi ancienne que peuvent l’être celles du monde méditerranéen…. Le missionnaire James Legge (1815-1897), en traduisant les Classiques du confucianisme et plus particulièrement le Livre des documents, Shujing 書經, y consacre un peu plus tard quelques pages12. Évoquant les travaux herculéens attribués à Yu le Grand tels qu’ils sont décrits dans le fameux « Tribut de Yu 禹貢 » figurant dans le Shujing, il considère qu’ils relèvent de la légende et, ce faisant, il s’en prend à Christian Bunsen (1791-1860) qui estimait que Yu le Grand était un souverain aussi historique que Charlemagne et que le Tribut de Yu était un document aussi public et contemporain que ne sont les Capitulaires des rois des Francs13. Mais surtout il met en doute l’ancienneté de la stèle se rapportant précisément aux dits-travaux pour plusieurs raisons, comme celles que son existence ne se trouve mentionnée qu’à partir des Han postérieurs, que nul, sinon un taoïste, sous les Tang, ne l’aurait vu, que le grand penseur Zhu Xi 朱熙 (1130-1200) lui-même l’aurait cherchée sans la trouver, qu’elle n’aurait été découverte que grâce à un bûcheron et alors copiée et regravée. Tout cela, pour Legge, ne saurait être véridique. Néanmoins, il prend la peine d’en donner la reproduction et une traduction, tout en attirant l’attention sur le fait que tous les caractères de l’inscription n’ont sans doute pas été correctement identifiés. Cette appréciation négative n’est pas du goût de Guillaume Pauthier qui reprend la question en 186814. Il conteste formellement l’interprétation de Legge. Au-delà des considérations sur les objectifs supposés de la création des faux en Chine, où Pauthier montre une naïveté certaine, le vaillant orientaliste s’appuie sur les travaux des savants chinois et sur l’un des meilleurs épigraphistes qui soient, Wang Chang (1725-1806), auteur du Jinshi cuibian 金石萃編, véritable bible des spécialistes des inscriptions sur pierre. Pauthier traduit plusieurs extraits de la notice que Wang Chang a consacré à l’inscription de Yu, avec des erreurs énormes ; croyant corriger Legge, c’est lui qui se trompe lourdement, ne parvenant pas à reconnaître les noms des personnages cités. Reproduisant en fac-similé l’estampage qui est à sa disposition15, ainsi que la copie du texte empruntée à Wang Chang, il donne la transcription en caractères modernes ainsi qu’une nouvelle traduction du texte de l’inscription, assez différente de celle qu’il avait produite en 1837 et il reproche à Legge de n’avoir pas bien compris le sens de cette inscription. Voici ce que cela donne:
10J. Legge
I received the words of the emperor, saying, “Ah!
Associate helper, aiding noble!
The islands and islets may now be ascended,
That were doors for the birds and beasts.
You devoted your person to the great overflowings,
And with the day-break you rose up.
Long were you abroad, forgetting your family;
You lodged at the mountain’s foot as in a hall;
Your wisdom schemed; your body was broken;
Your heart was all in a tremble.
You went and sought to produce order and settlement,
At Hua, Yue, Tai and Heng.
By adopting the principle of dividing the waters, your
undertakings were completed.
With the remains of a taper, you offered your pure sacrifice.
There were entanglement and obstruction, being swamped, and
removals.
The southern river flows on in its course;
For ever is the provision of food made sure;
The myriad States enjoy repose;
The beasts and birds are for ever fled away sort.”
11G. Pauthier (première traduction)
Le vénérable empereur dit : « Oh ! (mon) aide et (mon) conseiller, qui (me) soulagez dans l’administration des affaires ! les grandes et les petites îles, (tous les plateaux habités), jusqu’à leurs sommités, toutes les demeures d’oiseaux et de quadrupèdes, et tous les êtres existants sont au loin inondés. Vous, avisez (à cela, avec votre intelligence pénétrante) ; renvoyez (faites écouler) les eaux, et élevez (des digues, pour empêcher un nouveau débordement). »
« Il y a long-temps que (moi Yu) j’ai complètement oublié ma famille (pour réparer les maux de l’inondation) ; je me repose (maintenant) au sommet de la montagne Yue-lu. Par (ma) prudence et (mes) travaux, j’ai ému les Esprits. (Mon) cœur ne connaissait point les heures (du repos). C’est en travaillant sans cesse que je me reposais. Les montagnes Hua, Yue, Tai, Heng, ont été le commencement et la fin de (mes) entreprises. Après (mes) travaux accomplis, j’ai, au milieu (de l’été), offert un sacrifice en action de grâces. (Mon) affliction a cessé ; la confusion de la nature a disparu ; les grands courants qui venaient du midi se sont écoulés dans la mer ; les vêtements de toile pourront être confectionnés ; la nourriture, préparée ; les dix mille royaumes (tout l’univers) seront (désormais) en paix, et pourront se livrer éternellement à la joie. »
12G. Pauthier (deuxième traduction)
Je reçus le mandat de l’empereur qui (me) dit en poussant des soupirs :
(Mon) aide et (mon) conseiller, (mon) second parmi les grands de l’État :
« Les circonstances territoriales habitées par les populations sont (maintenant) abordables ;
Les oiseaux et les quadrupèdes y trouvent (maintenant) un accès facile.
Vous, avisez, de votre personne, à maîtriser les grandes eaux de l’inondation.
Que votre intelligence pénétrante se développe (dans cette grande tâche) ; allez et réussissez (dans votre entreprise). »
Pendant longtemps j’ai oublié ma famille ;
J’avais établi ma demeure principale dans le flanc de la montagne Yuelu,
D’où je ne cessais de circuler, au point que mes forces finirent par en être brisées ;
Mon esprit n’avait pas un moment de repos.
Je ne faisais qu’aller et venir pour faire niveler les eaux et consolider les travaux (des endiguements).
Aux (montagnes) Hua, Yue, Tai et Heng,
J’employai dès le principe la division du travail, en le faisant concourir au même but.
J’ai terminé ma tâche en offrant, le second mois, un sacrifice sans victimes.
Mon affliction a cessé en même temps que les troubles occasionnés (par les grandes eaux).
Les grands fleuves du midi sont réglés et s’écoulent (maintenant) dans la mer.
Les vêtements nécessaires sont confectionnés ; la nourriture (des populations) préparée ;
Tous les États jouissent du repos et de la tranquillité.
Les animaux sautent de joie et courent dans toutes les directions.
13Pauthier ajoute à sa deuxième traduction un commentaire, en indiquant que le texte, qui a tous les caractères de ceux de la plus haute antiquité chinoise, est presque entièrement dénué de formes grammaticales auxquelles il faut suppléer à la lecture. Il ajoute que l’inscription est gravée en neuf colonnes de neuf caractères sauf la dernière colonne qui n’en a que cinq et que cette disposition n’est pas due au hasard, puisque Yu divisa l’empire en neuf provinces et qu’il fit fondre neuf vases et que le nombre cinq est également en quelque sorte cabalistique. Pauthier ne s’était pas rendu compte que les diverses versions de l’inscription de Yu, regravées dans des provinces éloignées les unes des autres, n’avaient pas une disposition uniforme, comme le déclare précisément Wang Chang tout au début de sa notice16.
14Malgré son enthousiasme, Pauthier ne fut guère suivi en Europe dans son authentification de l’inscription de Yu (il ne le fut pas plus dans son étude qui venait à la suite et qui concernait les « rapports de similitude entre certains caractères de l’inscription de Yu et des caractères de même signification des anciennes inscriptions assyriennes ou médo-scythiques »17, et l’inscription fut bientôt versée au magasin des faux oubliés.
L’inscription de Yu le Grand en Chine
15Si l’inscription s’est trouvée également contestée en Chine même comme témoignage de l’antiquité, elle n’en est pas moins demeurée, par ses nombreuses copies gravées, une pièce largement répandue chez les collectionneurs d’estampages qui l’ont acceptée comme un signe véritable des exploits passés de Yu le Grand. Toutefois lettrés et collectionneurs avertis se sont partagés sur la valeur de l’inscription et, tout en en possédant un exemplaire, certains ont émis des doutes parfois sérieux, alors que d’autres, beaucoup plus rarement, n’y apportèrent aucun crédit. Pour y voir plus clair, il faut savoir d’abord quand et comment apparut cette inscription. Il suffit pour cela de parcourir les notes que les collectionneurs lui ont consacrées dans leurs catalogues et leurs recueils divers.
La stèle de Yang Shen
16Quoique la gravure sur pierre des exploits de Yu et l’existence d’une inscription qui les rapporte soient signalées dans de rares textes assez anciens, l’inscription que l’on connaît réellement, physiquement, et qui a fait l’objet de tant de débats n’est pas mentionnée avant le milieu du XVIe siècle, sous les Ming. Autant dire qu’elle n’apparaît réellement qu’à cette époque. Yang Shen 楊慎 (1488-1559), qui fut membre du Hanlin yuan et fut exilé pendant 35 ans au Yunnan, fournit la plus ancienne notice détaillée sur l’inscription de Yu du mont Heng dans son Jinshi guwen 金石古文 (1554). Il donne une transcription du texte en caractères modernes et en propose un commentaire :
17Le Mémoire sur le mont Heng, Hengshan ji, de Xu Lingqi 徐靈期 (Ve siècle) indique que Yu des Xia dirigea les eaux en les canalisant et que l’on grava une pierre sur laquelle fut inscrite sa renommée au sommet d’une montagne. Le Commentaire au Livre des eaux, Shuijing zhu 水經注, de Li Daoyuan 酈道元 (469 ?-527) précise que Yu maîtrisa les inondations et que l’on sacrifia des chevaux sur le mont Heng ; alors il obtint une tablette d’or avec des caractères de jade18. Note : considérer les caractères de jade parce qu’il a conduit les eaux et rétabli l’ordre. On disait aussi que c’était un texte d’une écriture magnifique sur une tablette d’or, etc. Liu Yuxi 劉禹錫 (772-842), dans son poème « Envoi à Lü Huaguang de Hengzhou 寄吕衡州化光 », déclare : « Par la tradition, j’ai entendu dire que sur le sommet de Zhu Rong 祝融, il y avait une inscription du divin Yu. C’était une pierre ancienne aux qualités de pierres précieuses. Son écriture mystérieuse avait la forme de dragons et de tigres ». Cui Rong 崔融 (653-706) dit : « Ah ! Yu le Grand en s’illustrant s’est rendu digne de la vertu céleste. Des tracés de dragons se répartissent sur les côtés, une écriture en spires se trouve gravée sur une tablette. » Dans un poème de Han Tuizhi 韓退之 (appellation de Han Yu 韓愈, 768-824), il est dit : « Au faîte du mont Goulou, se trouve la stèle du divin Yu. Les caractères verts sur la pierre rouge ont un aspect étrange », et aussi « J’ai cherché et fouillé partout dans mille et dix mille [lieux pour savoir] dans quel endroit elle se trouvait. Dans les arbres verts de la forêt, les singes compatissaient19. » Eh bien, il l’a cherchée et n’est pas parvenu à la voir. Sous les Song, Zhu Huiweng 朱晦翁 (appellation de Zhu Xi, 1130-1200) et Zhang Nanxuan 張南軒 (appellation de Zhang Shi 張拭, 1133-1180) se rendirent ensemble au pic du Sud, Nanyue (c’est-à-dire le mont Heng), pour la chercher et ne la trouvèrent pas. Par la suite, Huiweng composa son Examen des différences dans les textes de Han [Yu], Hanwen kaoyi 韓文考異, où il déclare que le [sujet du] poème de Tuizhi est une erreur fondée sur des rumeurs. En fait il aurait dû juger d’après ce qu’il avait entendu et vu. « La Géographie des beaux endroits », Yudi jisheng 輿地紀勝, de Wang Xiangzhi 王象之 (mort après 1221) indique que la stèle de Yu se trouvait sur le sommet du Goulou, puis a été transférée sur le sommet Yunmi 雲密 dans le district du mont Heng. Jadis, un bûcheron vit la stèle une fois et ensuite personne ne put la trouver. Pendant l’ère Jiading des Song (1208-1224), un lettré de Shu (Sichuan), qui aimait les choses étranges et qui ne craignait pas l’altitude, entreprit de monter jusqu’au lieu où elle se trouvait et, avec du papier humecté, en préleva le texte de soixante-douze caractères qu’il fit graver dans un temple taoïste de Kuizhou 夔州 (Sichuan). Par la suite, cette gravure fut détruite. Plus récemment, Zhang Jiwen 張季文 (dyn. Ming), qianqian (assistant du censorat ?), qui était à Changsha, obtint de voir l’inscription, etc. C’est pendant l’ère Jiading des Song que He Zhizi 何致字, appellation Ziyi 子一, fit [re-]graver cette inscription dans l’académie Yuelu 嶽麓書院20. Les caractères en sont brillants et obscurs à la fois et donnent à croire qu’il s’agit d’un objet divin que l’on doit garder. Autrefois, des gens aimant l’antiquité, comme Han [Yu], Liu [Yuxi], Zhu [Xi] et Zhang [Shi], cherchèrent à voir [cette inscription] mais ne purent la trouver. Moi, ayant été exilé dans les territoires frontaliers, j’ai eu l’occasion de rester en repos et de me distraire [avec cette inscription]. Quelle merveille et quelle chance ! Alors, je l’ai copiée (拓)21 et regraver et j’ai fait installer [cette stèle] sur le pic Wanzhao 晚照 du mont Fahua 法華 à Ningzhou 甯州 (près de Kunming au Yunnan) et j’ai fait ériger un kiosque appelé Kiosque de Goulou22.
18Ce texte de Yang Shen se retrouve avec quelques variantes ou additions dans le Danqian zonglu 丹鉛總錄 (Notes générales de cinabre et de plomb) du même auteur. Il y est précisé que sous les Song, pendant l’ère Jiading, le lettré du Sichuan fut guidé par le bûcheron et fit estamper (以紙打) la stèle. Yang ajoute, de son propre chef, que l’inscription n’a pas soixante-douze caractères, comme le mentionne le Yudi jisheng, mais soixante-dix-sept23.
19Yang Shen fournit l’essentiel des données concernant la recherche et la découverte de l’inscription de Yu. Signalée seulement à partir du Ve siècle, l’inscription fut recherchée sans succès sous les Tang, mais jamais vue avant le XIIIe siècle. C’est seulement alors qu’elle fut estampée et regravée au Sichuan, puis à l’académie Yuelu au Hunan. Yang Shen ne nous éclaire cependant pas sur l’origine de la copie ou de l’estampage qu’il se procura et qu’il fit regraver. Selon certains auteurs, notamment Xiong Yu 熊宇 (docteur en 1517), contemporain de Yang Shen, ce ne serait d’ailleurs pas Yang Shen qui aurait mis au jour l’inscription, mais le préfet de Changsha, Pan Diefeng 潘疊峯 (nommé aussi Pan Jian 鑑 ou Pan Yi 鎰), qui redécouvrit la stèle gravée sous les Song à l’académie Yuelu en 153424 alors que l’on sait que Yang Shen écrivit, pour sa part, un « Chant de l’inscription de Yu » daté de1532. D’autres sources indiquent que la stèle fut découverte sur le sol lors de la restauration de l’académie Yuelu en 1534 ou bien que Pan Yi la mit au jour parmi les ronces en 1533 (an guisi). On ne précise pas pour quelle raison (destruction ou disparition ?), elle fut regravée en 1581 par le guancha Guan Daxun sur le mont des Tambours de pierre, Shigu shan, au Hunan toujours. Cette stèle disparut à son tour et fut une nouvelle fois regravée au début de l’ère Kangxi (1662-1722) derrière le palais du dieu du tonnerre au mont Goulou, puis sur la terrasse Wangri du sommet de Zhu Rong25.
20L’une des premières questions que l’on peut se poser est celle du lieu où pouvait se trouver l’inscription. Liu Yuxi indique que l’inscription aurait été gravée au sommet de Zhu Rong du Hengshan, tandis que, dans le Yudi jisheng de Wang Xiangzhi, il est dit que l’inscription se trouvait sur la cime du Goulou avant d’être transférée sur la cime Yunmi. Si l’on se reporte à un autre ouvrage de géographie, le Nanyue zongsheng ji de Chen Tianfu (XIIe siècle), il n’est fait aucune mention de la stèle ou de l’inscription à propos du sommet de Zhu Rong. Lorsqu’on arrive à la cime Goulou, l’ouvrage signale un kiosque érigé en mémoire d’un taoïste qui, aux dires de Han Yu, avait vu l’inscription. Mais il est rappelé que selon le Hengshan ji la stèle de Yu se trouvait sur le sommet Yunmi. C’est donc sur celui-ci que devait se trouver l’inscription de Yu :
21C’est une écriture entièrement en forme de têtards. Jadis, un bûcheron vit un mur de pierre avec deux dragons qui s’entremêlaient au dessus de la stèle, leurs yeux jetant des éclairs. La pierre était lisse et les caractères brillants. Ses yeux ne purent les distinguer correctement. Il prit peur et se sauva sans s’arrêter. Par la suite, personne ne la vit plus…26
22Chen Tianfu souligne ensuite, par l’intermédiaire d’un poème de Bi Tian 畢田 (XIe siècle), les difficultés de déchiffrement de l’inscription qui, de surcroît, se trouve dans un endroit peu accessible, obscurci par les nuages, immergée parmi des arbres en fleurs, des branches qui s’entrecroisent et des herbes parfumées. Les oiseaux et les singes ajoutent au mystère avec leurs cris étranges.
La découverte de la stèle sous les Song
23Cette atmosphère participe des conditions assez particulières de la découverte de l’inscription. Celles-ci, brièvement évoquées par Yang Shen, se trouvent détaillées dès le XIIIe siècle dans les Notes d’un fonctionnaire de province, Youhuan jiwen 游宦紀聞, de Zhang Shinan 張世南 (mort après 1230) :
24He Xianliang 何 賢 良, de nom personnel Zhi, appellation Ziyi, en l’an renshen de l’ère Jiading (1212) s’est promené aux montagnes du Sud. Il s’est rendu au pied de la cime de Zhu Rong. D’après la Carte des pics et des montagnes, Yueshan tu 嶽山圖, la stèle de Yu se trouvait sur le mont Goulou27. Il se renseigna auprès d’un bûcheron. Celui-ci lui dit qu’en ramassant du bois en haut, il avait vu un mur de pierre avec quelques dizaines de caractères. He pensa que ce ne pouvait qu’être cette stèle. Il suivit [le bûcheron] qui le guida et traversa d’abord un véritable écran d’obscurité, puis franchit un ou deux petits torrents. Il dut se frayer un chemin dans les broussailles et parvint à l’endroit de la stèle. Elle était couverte de mousse et de lichens qu’il enleva. Il put lire environ 50 caractères en écriture sigillaire. Hormis les caractères guiyou 癸酉, tous étaient difficiles à déchiffrer28. Ce qu’en disait Han Changli était que [les caractères] « étaient semblables à des têtards au corps courbé ou à de l’ail qui se déploie en se renversant, à des faisans qui voltigent ou à des phénix qui se posent, ou encore à des dragons qui s’agrippent ». Leur forme et leur aspect étaient effectivement étranges et particuliers. Ils étaient hauts et larges d’environ 5 pouces. Ayant réussi, il se rendit au marché pour acheter [des feuilles de papier ?] éparses afin de copier l’inscription. Il reproduisit les caractères deux fois. Quoique l’encre fût tantôt dense, tantôt pâle et donc inégale, les traits n’apparaissaient pas trop confus. Une fois rentré à l’hôtel il rassembla [les feuilles] en volumes. He, en passant par Changsha, en offrit un au shilian Cao Yanyue 曹彥約 (1157-1228), avec le texte de la « Deuxième stèle du moine Banzhou composé et calligraphié par Liu Zihou 柳子厚 (Liu Zongyuan 柳宗原, 773-819)29. L’autre copie, il la fit connaître comme une devise et en jouit comme d’un bien précieux. Cao était si heureux qu’il ordonna à l’administrateur du mont Heng de se mettre à la recherche des [deux] inscriptions. Celle de la stèle de Liu [Zongyuan] se trouvait dans le monastère Shangfeng 上封寺. Le moine Fayuan 法圓 informa qu’elle avait été brisée par le gel et les grandes neiges des hivers précédents. Quant à la stèle de Yu, depuis longtemps les gens ne l’avaient pas vue. Aussi, soupçonnait-on que He s’en était emparé pour duper Cao. En conséquence, He fit regraver l’inscription [de Yu] sur une énorme pierre à l’arrière de l’académie Yuelu. L’administrateur expliqua seulement que la stèle de Liu était venue là, à l’école de la commanderie30.
25Cette anecdote constitue, avec le poème de Han Yu, le fondement des discussions interminables sur l’inscription de Yu et son authenticité. On constate à sa lecture que l’affaire n’est pas claire. Ce n’est plus sur la cime Yunmi, mais sur la cime Goulou que la stèle se trouvait. Si He Xianliang l’a vue et copiée, en deux exemplaires, personne ne l’a retrouvée après lui. La stèle que la postérité connaîtra est celle qui a été regravée à l’académie Yuelu, d’après une copie qui semble plus probablement avoir été effectuée à main levée que par estampage. Ce sont les estampages qui en furent pris et les regravures qui en furent faites qui subirent l’examen attentif des savants.
Les translittérations de l’inscription
26Cet examen passe par l’étude du contexte, mais également du texte que Yang Shen fut le premier à déchiffrer. Par la suite, d’autres savants proposèrent leur lecture de caractères dont il faut bien dire qu’ils sont loin du style sigillaire connu et plus encore des formes écrites plus anciennes des inscriptions sur bronze ou des inscriptions oraculaires sur os et carapaces que l’on ignorait au temps de Yang Shen et de ses successeurs. Tour à tour, Shen Yi 沈鎰 (XVIe siècle), Lang Ying 郎英 (1487-vers 1566), Yang Shiqiao 楊時喬 (1531-1609) s’y attaquèrent en divergeant sur une bonne partie des caractères : Yang Shen et Shen Yi divergent sur 15 caractères, Yang Shen et Lang Ying sur 20, Yang Shen et Yang Shiqiao sur plus de 5031. La signification ne peut qu’en être sensiblement affectée…
27À l’époque où Yang Shen écrit son éloge de l’inscription de Yu qu’il fait regraver au Yunnan, au milieu du XVIe siècle32, d’autres regravures sont effectuées en plusieurs lieux. À plusieurs reprises on indique d’abord que Yang Shen fit également graver la même stèle à Chengdu au Sichuan. Mais il apparaît qu’il y a eu en fait deux stèles au Yunnan, l’une à l’est d’Anning, près de Kunming, dans le monastère Fahua 法華寺, l’autre dans le monastère Yita 一塔寺 (appelé encore Santa 三塔 ou Chongsheng 崇聖) à Dali33. Un estampage de l’inscription provenant, selon Édouard Chavannes, de Dali est conservé à la Société asiatique (SA13). Le texte, assez mutilé, comprend 9 colonnes de 9 caractères, sauf la dernière qui n’en compte que 5. L’inscription ne porte pas de colophon ou même de date. Il est possible qu’il s’agisse d’un estampage de la stèle regravée par Yang Shen. D’après la copie du « Chant de la stèle de Yu », Yubei ge, rédigé en 1532 par Yang Shen dont une copie a été regravée à Dangyin (Henan), on peut supposer que Yang Shen fit graver l’inscription au Yunnan au plus tard en cette année-là34. Quelques années plus tard, d’autres gravures apparaissent, en 1541 à Kuaiji, près de Shaoxing, Zhejiang (MG913), en 1544 à Dangyin au Henan (par exemple l’estampage conservé à la Bibliothèque nationale de Chine), en 1548 à Beichuan au Sichuan (MG914)35. D’une manière quelque peu inattendue, les regravures se présentent dans une disposition différente. La gravure de 1541 adopte une mise en texte en 6 colonnes de 13 caractères, sauf pour la dernière qui n’en a que 12. Plus tard, au XIXe siècle, le texte peut comporter 7 colonnes (voir tableau 1 ci-dessous). Le nombre de stèles de l’inscription de Yu finit par atteindre peut-être plusieurs dizaines (cf. liste provisoire au tableau 2, p. 152). Ce qui est remarquable, c’est la liberté prise dans la mise en texte des diverses gravures, cela malgré une volonté de reproduire des fac-similés qui seuls sont susceptibles de transmettre, par leur fidélité, la lettre de l’inscription. Il y a probablement plusieurs explications. L’une qui vient à l’esprit est que les regravures ont pu être effectuées non à partir d’un estampage entier et fidèle (au moins à la « regravure » originale de Yang Shen), mais à partir d’estampages montés en albums, dont les caractères ont été découpés, de sorte que l’on ne pouvait plus savoir combien de caractères étaient contenus dans une colonne. On peut penser également, à la lecture des diverses notes des connaisseurs, que certaines copies furent faites à main levée et non par estampage. Plusieurs regravures comportent la translittération de chaque caractère en écriture régulière à côté ou au dessous des caractères « anciens ».
Note3737
Premières appréciations (XVIe-début XVIIe siècle)
28Mais revenons au discours sur l’inscription et son ancienneté à propos de laquelle la plupart des grands collectionneurs et spécialistes des inscriptions sur pierre ont laissé un témoignage. Contemporain de Yang Shen, Zhan Ruoshui 湛若水 (1466-1560), qui fut en poste à Nankin, raconte qu’un lettré lui fit don en 1535 d’une copie (mo 摹) de l’inscription du Hengshan38. Zhan Ruoshui constata que l’écriture ne ressemblait pas au style sigillaire ou à celui des tambours de pierre des Zhou et, quoique versé dans les choses anciennes, il ne put identifier un seul caractère. Il ne parvint à lire que quatre caractères à la fin, 右帝禹刻 qui étaient d’une gravure postérieure. Ces 4 caractères forment effectivement le début d’un colophon qui est peut-être celui qui figure sur l’estampage conservé à l’Institut des hautes études chinoises, IH1144, estampage d’une regravure tardive, probablement du XIXe siècle. Zhan cite les textes relatifs aux exploits de Yu au mont Heng et remarque que leurs propos concordent. Les hauts faits de Yu rapportés par les textes confirment sa venue au mont Heng et la gravure d’une pierre en commémoration de ces exploits. Cette stèle, écrit-il, est bien celle dont il est fait mention dans les textes (qui, par parenthèse, ne sont pas antérieurs au Ve siècle de notre ère). Les formes écrites d’allure ancienne (parce qu’illisibles ?) plaident en faveur de l’authenticité. Les quatre caractères qui suivent datent probablement, pour Zhan Ruoshui, de l’époque où un taoïste aurait vu la stèle, d’après Han Yu, c’est-à-dire sous les Tang. Les choses merveilleuses du monde sont considérées comme des trésors venus du ciel et, nécessairement, après une longue période où elles demeurent cachées dans la terre, elles resurgissent39.
29Ni Xiong Yu 熊宇, préfet de Changsha et auteur d’une note sur la stèle de Yu de l’académie Yuelu40, ni Shen Yi, ni Lang Ying, ni Yang Shiqiao, ne doutent, Shen Yi et Yang Shiqiao se contentant d’expliquer le sens du texte qu’ils ont translittéré. Lang Ying consacre l’une de ses notes du Qixiu leigao 七修類稿 à l’inscription de Yu et s’attache à montrer que les deux caractères guiyou cités dans le Youhuan jiwen de Zhang Shinan des Song devaient être des ajouts postérieurs pour la bonne raison qu’ils ne figurent pas dans les gravures ou les estampages existants. Il signale par ailleurs que le ministre Gu Dongqiao 顧東橋 (Gu Lin 顧璘, 1476-1545) et le préfet Ji Pengshan 季彭山 ont écrit à propos de l’inscription41. Le premier estimait que l’ardeur que Yu manifesta pour réguler le flux des eaux se traduisait dans la forme des caractères de l’inscription qui présentait des ondulations aquatiques42.
30Le doute concernant l’authenticité de l’inscription de Yu prend corps avec Wang Shizhen 王世貞 (1526-1590), qui fut vice-ministre de la guerre à Nankin. Celui-ci est perplexe devant l’écriture de l’inscription dont le contenu ne s’accorde pas avec les sources historiques. Il en fait un écrit comparable au récit du voyage du roi Mu découvert dans une tombe de Ji (Shandong), Mu Tianzi zhuan 穆天子傳, qui, quoique ancien car datant probablement de la dynastie Qin, est considéré comme une historiette. Cette inscription ne vaut certainement pas les inscriptions de la montagne Yi 嶧山 ou de Langye 琅峫 qui sont les marques réelles de la dynastie des Qin43. Pour autant, Wang ne saurait admettre une quelconque supercherie44. Il possédait trois estampages de l’inscription de Yu : le premier, ancien, n’était pas accompagné d’une translittération ; le second était la version de Shaoxing, c’est-à-dire celle regravée en 1541 avec un colophon de Zhang Mingdao et les translittérations de Shen Yi et Lang Ying ; le troisième était un tirage d’une version xylographiée venant de Changsha accompagnée de plusieurs textes. De ces divergences et des commentaires de Shen Yi, Wang Zhen conclut que l’inscription que l’on connaît n’a pas été rédigée par Yu et n’est pas de sa main. Elle n’est probablement pas antérieure au royaume des Qin45.
31Au début du XVIIe siècle, Zhao Han 趙崡 (licencié en 1585), grand collectionneur d’inscriptions et auteur d’un florilège consacré aux estampages, Shimo juanhua 石墨鐫華, possédait deux estampages différents de l’inscription de Yu. Il rappelle d’abord que la stèle gravée à l’académie Yuelu a connu deux regravures, l’une faite à Anning au Yunnan par Yang Shen, l’autre effectuée plus récemment au mont Qixia 棲霞山, près de Nankin, par Yang Shiqiao. L’un des estampages, dont la gravure est endommagée, comporte un colophon difficile à lire où est mentionné He Zhizi, l’« inventeur » de l’inscription. C’est donc la version originale, tandis que l’autre vient de la regravure postérieure de Yang Shiqiao. Wang Shizhen, ajoute-t-il, possédait lui aussi deux estampages avec des translittérations différentes. Il s’agissait peut-être des deux gravures de He Zhizi et de Yang Shen. Si l’on n’a pu rétablir le texte original, c’est parce que l’on ne possédait pas l’original de l’inscription mais seulement des copies46.
Dénégation
32L’un des quelques spécialistes qui contestent formellement l’authenticité de l’inscription de Yu est Guo Zongchang 郭宗昌 (mort en 1652). Dans sa petite histoire de l’épigraphie, Jinshi shi 金石史, il consacre deux notices à « la fausse stèle des Xia du mont Heng, Xia Hengyue yanbei 夏衡岳贗碑 ». Dans la première, il soutient l’argument de Wang Shizhen et l’analogie que ce dernier fait avec le Récit du voyage de l’empereur Mu. Dans la seconde, il déclare :
Pour ce qui est de cette stèle, je ne peux accepter l’affliction ou les railleries des gens qui discutent en faisant des rapprochements forcés. Aussi ai-je examiné le texte qui est tout-à-fait semblable aux historiettes des Tang. C’est pourquoi j’ai entièrement consigné ci-dessous le texte de l’inscription de Yu… [suit la translittération du texte d’après Yang Shen] Il comporte 77 caractères. Seraient-ce des mots de Yu de Tang ? Pendant l’ère Dali des Tang (766-779), un homme se rendit seul à la Terrasse des Phénix et vit quelqu’un qui, seul avec une femme, chantait à l’unisson. Le son pénétrait jusqu’au faîte des nuages. Quand le chant cessa, l’homme s’approcha et vit deux bêtes, l’une semblable à un sanglier, au corps particulièrement grand et imposant, de couleurs diverses, l’autre semblable à un dragon, petit, au corps tout entier et tout jaune. L’homme, effrayé, se sauva. Il rencontra par hasard un voyageur à qui il parla de son aventure. Ensemble ils allèrent en silence, mais il n’y avait plus rien. Ils virent seulement une liasse d’un écrit sur bambou jeté sur le sol. Ils le prirent et regardèrent les planchettes de bambou dont l’écriture avait presque disparu au point que l’on ne pouvait plus la distinguer, sauf au début, en écriture des scribes, où on lisait… [suivent 32 caractères d’un texte peu clair]. Si l’on regarde l’inscription de Yu, en quoi est-ce différent ? En voyant cet exemple, on comprend mieux qu’il s’agit d’un faux47.
33Pour Guo Zongchang, l’affaire est entendue et le mystère non plus éclairci par des explications hasardeuses, mais tout simplement réduit à une pure fantaisie. C’est également l’avis de Gu Yanwu 顧炎武 (1613-1682) qui ne retient pas l’inscription dans son Jinshi wenzi ji 金石文字記 mais en traite en même temps que des tambours de pierre des Zhou, déclarant que l’inscription est un faux sans aucun doute, « les caractères étant étranges et ne s’accordant pas avec les règles [de l’écriture], les mots étranges et non conformes aux principes, les rimes étranges et ne s’accordant pas avec l’antiquité »48.
34Ces deux lettrés allaient-ils être suivis dans leur jugement catégorique par la postérité ? Eh bien non ! Pas vraiment. Les avis seront partagés, mais surtout le problème aura tendance à se déplacer de celui de l’authenticité du témoignage exprimé par la stèle à celui de sa transmission et à la fidélité des copies.
Résistances et adhésions
35Parmi les nombreux auteurs qui se sont intéressés à l’inscription de Yu à la fin des Ming et sous les Qing, assez peu nombreux sont ceux, on l’a dit, qui se sont prononcés fermement en faveur d’une forgerie. C’est d’abord le cas de Wang Shihan 汪師韓 (né en 1707, docteur en 1733). Wang Shihan constate d’abord que l’exemplaire de Kui, c’est-à-dire la stèle regravée sous les Song dans un temple taoïste du Sichuan, n’existe plus et qu’il y manquait, disait-on, cinq caractères par rapport à la stèle des Song gravée à l’académie Yuelu au Hunan qui n’a été regravée qu’au début des Ming. Zhang Jiwen, assistant du censorat, alors qu’il était à Changsha, en aurait obtenu le texte d’un lettré de Shu (Sichuan) dont on ignore le nom. Par la suite, on a fait par erreur de ce lettré des Ming un lettré des Song. L’histoire qui veut qu’en 1534 le préfet de Changsha Pan Yi 潘鎰 (Pan Diefeng) ait retrouvé la stèle des Song de l’académie Yuelu ne concorde pas avec ce qui précède. Quant à la version du mont Heng, elle est apparue sous les Ming, entre 1522 et 1566, et se trouve, selon Wang Shihan sur la cime Goulou derrière le palais du dieu du tonnerre. Wang Shihan conteste les propos de Zhan Ruoshui qui prétendait que la stèle originelle se trouvait dans une grotte dans la montagne et qu’il avait fallu que quelqu’un se couchât sur le dos pour l’estamper ( ?) ; ceux qui en eurent connaissance furent peu nombreux et c’est la raison pour laquelle le texte de l’inscription ne s’était pas répandu. La multiplicité des translittérations et leurs divergences importantes contribuent à la suspicion49.
36Ce point de vue négatif est partagé par Jiang Yu 江昱 (1706-1775) qui a examiné la stèle de Goulou en 1758 et constaté qu’elle n’avait pas la même forme ni des dimensions comparables à celle de l’académie Yuelu. Celle du sommet Goulou est étroite et non carrée, haute de 5 pieds 4 pouces et large de 3 pieds 8 pouces. Pour lui aucun doute, il s’agit d’une contrefaçon50.
37L’avis du grand lettré Qian Daxin 錢大昕 (1728-1804) va dans le même sens. Dans ses Notes épigraphiques du hall Qianyan, il estime que Han Yu n’est certainement pas allé à la recherche de la stèle de Yu et que la regravure effectuée par He Zhizi était un faux admis comme tel dès cette époque. C’est la raison pour laquelle l’inscription est tombée alors dans l’oubli pour plusieurs siècles, jusqu’au début des Ming. La diffusion de regravures dues à Yang Shen, Yang Shiqiao et An Rushan 安如山 (né en 1505) n’est certainement pas un argument qui plaide en faveur de l’authenticité de l’inscription et Qian Daxin d’ajouter : « J’ai eu l’occasion de voir l’inscription de la salle de pierre du seigneur Teng des Han reproduite dans le Xiaotang jigu lu 嘯堂集古 錄51. L’écriture est tout-à-fait semblable à celle-ci. Les deux sont des faux des Song52. » Si l’intuition de Qian Daxin nous paraît juste, son argumentation reste cependant assez courte. Un peu plus tard, un autre lettré, Hong Yixuan 洪頤煊 (1765-1837), ne s’attarde pas non plus à chercher des preuves. Il semble surtout connaître l’inscription elle-même par la regravure de l’ère Kangxi due à Mao Huijian (1666). Assez curieusement, comme d’autres érudits, il s’étonne que l’écriture ne soit pas plus proche de celle des Qin ou du style sigillaire, dont l’époque est pourtant bien éloignée de celle de la dynastie Xia53.
38Il n’en demeure pas moins que spécialistes et connaisseurs ne considèrent pas tous, loin de là, l’inscription de Yu comme un faux. Sans doute embarrassés d’avoir à contester un tel monument, beaucoup se partagent entre une acceptation prudente, sans entrer dans un débat difficile, et la recherche d’arguments qui, bien souvent, ne font qu’ajouter au mystère.
39Dans le premier camp, Zhu Yizun 朱彝尊 (1629-1709) qui souligne que lorsque He Zhizi présenta la copie de l’inscription qu’il avait découverte à Cao Yanyue sous les Song, les gens de l’époque ne le crurent pas et c’est pour cette raison qu’il en fit graver le texte à l’académie Yuelu. En fait il ne prend pas parti : prudent, il se contente d’enregistrer l’estampage avec les autres54. C’est également le cas de Zhao Shaozu 趙紹祖 (1752-1833) qui s’est procuré un estampage de la version du mont Qixia près de Nankin où il est allé examiner la stèle gravée par Yang Shiqiao. Toutefois, par manque de temps, écrit-il, il ne l’a pas estampée et s’est contenté d’acheter un estampage sur le marché. Zhao Shaozu admet que des vestiges aussi anciens qu’une telle inscription puissent encore exister et il l’enregistre donc dans ses notes sur les inscriptions55.
40Dans le camp des défenseurs, certains s’attachent à rendre plausible la réapparition tardive de l’inscription. Wu Daoxing (fl. après 1550), dans une assez longue note, reprend plusieurs arguments et estime que l’on ne peut s’appuyer sur les divergences de lecture de l’inscription pour refuser de croire que celle-ci est de la main de Yu56. L’un des arguments avancés par les attaquants était que les grands épigraphistes des Song que furent Ouyang Xiu 歐陽修 (1007-1072) et Zhao Mingcheng 趙明誠 (1081-1129) n’ont pas mentionné cette inscription dans leur catalogue respectif57. Pour Sun Chengze (1593-1675), cet argument n’est pas décisif, pas plus qu’en ce qui concerne Zheng Qiao 鄭樵 (1104-1162), puisque la stèle n’avait pas encore été retrouvée au temps des deux premiers et pas suffisamment connue pour être récupérée dans le Jinshi lüe de Zheng Qiao58.
41D’autres, plus aventureux, insistent sur l’aspect surnaturel de l’inscription relative à un personnage de statut divin. Ainsi, Li Jisheng 李繼聖 (actif sous Qianlong) déclare que l’inscription ne se trouvait pas sur une stèle mais gravée sur le rocher. Les éléments qu’apporte ce dernier nous plongent une fois de plus dans le merveilleux :
La stèle du roi Yu du sommet du Goulou a été gravée au temps des Ming à l’école Xinquan 新泉精舍 de Jinling (Nankin), à l’académie Ganquan 甘泉書院 de Yangzhou, au mont Fahua dans la préfecture d’Anning à Dian (Yunnan). Toutes [ces stèles] sont des regravures de la stèle de [l’académie] Yuelu. C’est [le texte de] celle de l’école Xinquan qui a été translittéré par trois auteurs, Yang Shen, Shen Yi et le vice-ministre Yang Shiqiao. Dans le Cuiji lu 粹璣錄 de Liu Xian 劉顯 (481-543) des Liang, [on raconte que] lorsque le fils de l’empereur Gaozu des Qi, Xiao Shuo 蕭鑠, reçut en fief la principauté de Guiyang 桂陽 (Hunan), un homme des montagnes, Chengyi 成翳, se promena au mont Heng et découvrit la stèle de Yu. Il la copia et l’offrit au prince. Celui-ci y attacha un grand prix et choisit une très belle pierre pour faire regraver [l’inscription]. On put ainsi la voir. Mais, dans son Wuzong chanlin guankong lu 五宗禪林觀空錄, Xu Yan 徐彥 (dyn. Tang), déclare : « Le sixième patriarche [du Chan] Huineng 慧 能 (638-713) avait pour disciple Xingsi 行思 (mort en 740). [Xing-]si transmit son [enseignement] à Xiqian 希遷 (700-790) au Hunan. [Xi-]qian monta au sommet Goulou du mont Heng avec son disciple Yongtan 永曇. Une nuit, il se leva pour uriner et vit soudain un rayon d’une lumière brillante qui perçait la fenêtre jusqu’au mur comme du feu. Il prit peur et sortit. Il vit que cette lumière venait de la cime du pic. Plantes et pierres étaient toutes rouges. Quelque temps après, [la lumière] s’éteignit. Le lendemain, tous les disciples, portant des pioches, grimpèrent [au sommet] pour voir et obtenir la pierre. [Il y avait] une grotte qui était couverte par la végétation. Ils coupèrent les ronces et pénétrèrent dans la grotte. Sur le mur étaient écrits des caractères en forme de têtards, grands comme le poing, qu’ils ne purent lire. Comme ils se souvenaient que la stèle de Yu s’était transmise sur la montagne, ils en firent le tour pour la chercher sans la trouver et craignirent que ce fût elle [l’inscription qui était dans la grotte]. Tanmo 曇默 évoqua la haute antiquité au cours de laquelle il n’y avait pas encore d’inscription sur stèle. Tous dirent : l’érection de cette pierre a accru la croyance dans les mérites de Yu le Grand, mais ce n’était pas une stèle, c’était la pierre d’une falaise sculptée59.
42Le fait que la fabrication des stèles ait été inconnue de la haute antiquité n’effraie pas Lin Tong 林侗 (1627-1714). Il ne s’agit donc pas pour lui d’une stèle à l’origine, mais d’une inscription qui a pris la forme d’une stèle lors de sa regravure. Il évoque un ami, Liu Aoshi 劉鰲石 qui s’était réfugié au pied du sommet de Zhu Rong lors des troubles qui accompagnèrent la prise du pouvoir par les Mandchous et y resta plusieurs années. Ce Liu se rendit à l’endroit où était la stèle et fut enchanté. Comment serait-il possible que l’on ait été capable d’imiter une telle merveille ? La pierre disait-il n’était ni ronde ni carrée, large de 8 à 9 pieds, longue d’environ une toise. Adossée à la falaise, son sommet émergeait du haut de la cime de Goulou. Il y avait un trou entre les deux premiers caractères chengdi60.
43Comme Lin Tong, Jiang Yourong 江有溶 (XVIIIe s. ?) fait de cette inscription le vestige d’une œuvre prodigieuse, surnaturelle. Le taoïste qui l’avait vue, selon le poète Han Yu n’était certainement pas un véritable adepte taoïste mais l’incarnation d’un esprit61. Ye Yibao 葉奕苞 (actif début XIXe siècle), pour sa part, remarque toutefois que ses caractères ne ressemblent pas à ceux d’une autre inscription attribuée à Yu et reproduite dans le fameux recueil de modèles de calligraphie Chunhua ge tie 淳化閣帖, ils ressemblent plutôt à ceux du Tableau de la forme véritable des cinq pics, Wuyue zhenxing tu 五嶽真形圖. À vrai dire, l’argument ne manque pas d’étonner. D’une part, si l’inscription de douze caractères attribuée à Yu le Grand incluse dans le Chunhua ge tie (j. 5)62 était considérée sous les Song comme probablement authentique et retenue dans plusieurs recueils de calligraphies, notamment le Jiang tie 絳帖 et le Ru tie 汝帖63, elle ne l’était plus dans les recueils de la dynastie Ming. En revanche, elle est reproduite d’après une copie de format réduit dans un recueil xylographique qui contribua à accroître l’intérêt des amateurs pour l’épigraphie, le Jinshi suo 金石索 dû à Feng Yunpeng 馮雲鵬 et Feng Yunyuan 風雲鵷 imprimé vers 1745. Elle s’y trouve associée à l’inscription du Goulou64. D’autre part, les cinq caractères évoquant les cinq pics sacrés du Wuyue zhenxing tu ont sans doute été considérés par beaucoup comme des caractères fantaisistes65.
44En accordant à l’inscription une naissance mystérieuse, voire divine, plutôt qu’en recherchant un fondement historique, les défenseurs de l’inscription amplifient l’ambigüité de la nature de l’inscription originelle. Ne pouvant en déchiffrer de manière assurée les caractères, on ne peut avoir qu’une opinion peu fondée sur son contenu. S’agit-il en réalité d’une inscription commémorant les mérites de Yu après qu’il a canalisé les eaux envahissantes ou bien le texte exprime-t-il les instructions révélées à Yu pour accomplir sa tâche ? Le mystère qui entoure le lieu, la dissimulation de l’inscription aux yeux des hommes, sa disparition et sa réapparition dans des conditions obscures, la multiplication de copies différant les unes des autres, incitent à en faire un objet divin. Le déchiffrement même de l’inscription, qui donne lieu à des divergences sensibles, est inscrit dans un climat extraordinaire. Wu Yujin 吳玉搢 (1699-1774), qui a quelque difficulté à se faire une opinion claire, raconte que c’est par un songe que Shen Yi put lire l’inscription. Peu après l’avoir acquise, il rêva qu’un grand homme, c’est-à-dire Yu lui-même, lui remettait un vase ancien sur lequel figurait une inscription en caractères sigillaires. Le matin, au réveil, il put les réciter comme s’il les connaissait depuis toujours. C’est également au cours d’un rêve que Yang Shen comprit le sens d’un passage du texte. Faut-il donc compter, dit Wu Yujin, sur les démons et les esprits, le rêve et le sommeil, pour constituer des preuves66 ?
Résignation
45Le grand maître des inscriptions sur pierre, Wang Chang 王昶 (1725-1806), auteur de l’admirable Jinshi cuibian 金石萃編 (préface de 1805), n’est guère convaincu par ce genre de fariboles. Il ajoute à quelques-unes des principales notes déjà écrites sur l’inscription de Yu ses considérations personnelles. Il observe d’abord que les estampages conservés dans les diverses collections varient dans leurs dimensions comme dans la mise en texte de l’inscription. Lui-même en possède quatre exemplaires, l’un du Yunnan et un autre de Chengdu, qui viennent des copies de Yang Shen ; puis un de Changsha, c’est-à-dire de l’académie Yuelu, recopié on ne sait par qui ; enfin un de Xi’an, regravé par Mao Huijian. Wang Chang sait faire la part des choses et reconnaît que l’on ne dispose pas de preuves indubitables pour faire pencher la balance. Il amène cependant un autre texte dans le débat, tiré du Gujin yuelu 古今樂錄 du moine Zhijiang 智匠 des Chen (557-589) dans lequel est évoqué Yu le Grand et son ascension au mont Kuaiji67, occasion de la rédaction d’un chant assez semblable à ce que l’on peut comprendre des translittérations de l’inscription du Goulou. Mais au fond, pense Wang Chang, que sait-on véritablement de ces pièces musicales de la haute antiquité ? Pour ce qui est de l’écriture, ajoute-t-il, le temps de Yu n’était encore pas bien éloigné de celui au cours duquel on utilisait le procédé de nouage des cordelettes : que sait-on des livres des Trois Augustes et des Cinq Empereurs cités dans le Zhouli ? Comment reconnaître des caractères disparus depuis 4000 ans ? On ne peut ajouter foi aux propos d’auteurs qui forcent les interprétations, raturent, corrigent, falsifient et présentent des écrits disparus comme authentiques. Wang Chang ne conclut pas clairement son propos, mais on peut comprendre que s’il retient cette inscription dans son recueil et en conserve des estampages, c’est à la fois par le thème qu’elle porte et par l’importance qu’elle a prise chez les connaisseurs. Il en consigne donc scrupuleusement la translittération en notant les leçons proposées par Shen Yi, Yang Shen et Lang Ying. Mais, signe de sa méfiance, il en traite au juan 2 de son ouvrage et non au juan 1, après les tambours de pierre des Zhou, qui devraient venir ensuite s’il avait suivi l’ordre chronologique qu’il a adopté pour l’ensemble68.
46Les sérieuses réserves de Wang Chang ne sont pas partagées par Li Zuoxian 李佐賢 (docteur en 1835). Après avoir été à demi convaincu et à demi incrédule, il en vient à considérer que ceux qui doutent de l’authenticité de l’inscription sont dans l’erreur. Tous ceux qui en ont parlé n’ont vu que des copies, des regravures qui ne reproduisaient pas fidèlement l’inscription originelle. Ni ceux qui doutent, ni ceux qui croient en son authenticité ne disposent de suffisamment de preuves. Ce n’est qu’en recourant à des estampages sûrs que l’on pourrait se prononcer69. Cependant, ce type d’opinion devient rare. Après Wang Chang, si l’on inscrit encore l’inscription de Yu dans les recueils épigraphiques, on ne lui accorde plus guère de crédit, un spécialiste de l’épigraphie tel que Yan Kejun 嚴可均 (1762-1843) se contentant, par exemple, de renvoyer au développement de Wang Chang70.
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47Au milieu et dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le sort de l’inscription de Yu en Chine est réglé. Alors que plusieurs orientalistes occidentaux se passionnent pour l’antiquité de la Chine et s’interrogent sur ce monument épigraphique qui pourrait représenter le plus ancien témoignage de l’écriture chinoise, la stèle de Goulou n’attire plus guère l’attention des érudits chinois, sauf des compilateurs des monographies locales de la province du Hunan ainsi que du Yunnan d’où viennent les gravures qui ont été le plus souvent discutées. Mais alors, elle n’y figure que comme témoin historique, non pour elle-même mais pour le débat qu’elle a suscité.
48En résumant les données et les arguments avancés par les uns et les autres, l’authenticité de l’inscription est sérieusement mise à l’épreuve, notamment par Wang Bosui 王伯綏71. L’opinion du moine Chongen 崇恩 (1803-vers 1849) est encore mesurée. Il n’admet plus les propos de Han Yu, pas plus que les histoires se rapportant à Zhu Xi et Zhang Shi. Il ne croit plus au trop beau récit de He Zhi. Mais il ne met pas en doute la réalité des exploits de Yu, pas plus que leur inscription sur pierre. Ce qu’il conteste, c’est l’âge de l’inscription qui s’est transmise depuis les Ming, voire depuis les Song. On n’a affaire, pour lui, qu’à des copies successives, et donc dénaturées, d’une inscription originale72.
49Mais en réalité, ce n’est plus seulement la période ancienne de l’existence de la stèle, celle des Han aux Song, qui est condamnée, car prisonnière d’anecdotes sulfureuses, c’est aussi celle qui suit la « redécouverte » de l’inscription sous les Ming. Il y a d’abord trop d’imprécisions et de divergences dans les récits et les poèmes anciens pour retenir quoi que ce soit de positif. L’un nous parle d’une stèle, bei, l’autre d’une inscription, ming, tantôt stèle tantôt mur de pierre ou rocher. L’un évoque sa découverte par un adepte taoïste, l’autre par un simple bûcheron. La gravure de l’inscription sous les Song, telle qu’elle est relatée, n’est guère claire : on ne sait si c’est à Kuizhou au Sichuan qu’elle a été gravée ou à l’académie Yuelu au Hunan. Les multiples regravures exécutées au Yunnan et au Sichuan, puis presque aussitôt après au Jiangsu, au Zhejiang et au Henan, ont pour conséquence que les collectionneurs ne possédaient souvent que l’estampage de l’une d’entre elles. Comment étudier un écrit aussi ancien, unique et mystérieux à partir d’une copie au troisième ou quatrième degré ?
50Pour ce qui est de la seconde phase, la date de la redécouverte de l’inscription par le préfet de Changsha, Pan Yi, n’est pas même fixée, puisque l’on mentionne un an jiawu, 9e année de l’ère Jiajing, alors que cette 9e année est un an gengyin, soit 1530 et non 1534. Ce décalage est peut-être à la source de la double théorie qui fait de l’inventeur tantôt Pan Yi, tantôt Yang Shen.
51La question de la fidélité des copies de l’écrit de Yu, à partir d’une transcription à main levée ou à partir d’un estampage, se pose également, et de là, celle de la lecture de l’inscription. Par ailleurs, pourquoi les textes divergent-ils sur le nombre même de caractères de l’inscription, qui, s’ils ne sont pas lisibles, sont suffisamment distincts pour que l’on puisse les compter ? L’un avance une cinquantaine de caractères, l’autre 72, avant que le compte s’arrête finalement à 77. Faut-il relier le nombre 72 à celui que l’on suppose représenter les 72 sommets du Hengshan ? En s’attaquant au déchiffrage du texte, le désaccord surgit dans l’identification des caractères. Celui-ci entraîne bien évidemment de nouveaux désaccords sur la structure même du texte qu’il fallut bien établir. Yang Shiqiao, pour sa part à la fin du XVIIe siècle, reconstruisit le texte en deux paragraphes et chercha à fixer les périodes en se fondant sur les rimes. Le premier paragraphe contenait ainsi, selon lui, deux périodes de quatre caractères, puis trois de trois caractères, le second quinze périodes de quatre caractères. Sa lecture fut loin d’être acceptée par tous, mais surtout, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, plus personne en Chine ne cherchait à éclaircir la signification du texte. Pour les uns, il s’agissait d’un faux pur et simple, pour les autres, le signe dégradé de hauts faits auxquels on pouvait croire, mais dont le témoignage présent n’était au mieux qu’un pâle succédané.
Tableau 2 — Liste des gravures de l’inscription de Yu d’après les recueils d’épigraphie
Gravure | Auteur | Date |
Hunan, Hengshan, Yuelu shuyuan | He Zhi 何致 | 1212 |
Yunnan, Ningzhou et Dali | Yang Shen 楊慎 | vers 1530 |
Sichuan, Chengdu | Yang Shen 楊慎 | apr鑚 1530 |
Jiangsu, Nankin, acad駑ie Xinquan | Zhang Xiang 張襄 | vers 1535* |
Zhejiang, Shaoxing, Yuling | An Rushan, Zhang Mingdao | 1541 |
Henan, Dangyin | Zhang Yingji 張應吉 | 1544 |
Jiangsu, Nankin, Qixia shan | Yang Shiqiao 楊時喬 | vers 1600 |
Henan, Jixian | Lu ? 璐 ? | 1573-1620 |
Shaanxi, Xi’an, | Mao Huijian 毛會建 | 1666 |
Hubei, Wuchang, Huanghe lou | Mao Huijian 毛會建 | 1666 ? |
Shandong, Huangxian | Li Fan 李藩 | 1662-1722 |
Zhejiang, Shanyin, Yousheng guan | Zhou Feng qi 周鳳歧 | ? |
Jiangsu, Yangzhou, acad駑ie Ganquan | Rong Men 容璊 | ? |
? | M. Gao 高氏 | ? |
Shandong, Changshan | ? | ? |
Henan, Guide | ? | ? |
Notes de bas de page
1 Ces estampages sont conservés surtout au musée Guimet (8 exemplaires), mais également à la Société asiatique, à l’Ecole française d’Extrême-Orient, à l’Institut des hautes études chinoises du Collège de France et au musée d’art asiatique de Cologne.
2 Sur les travaux de Yu le Grand, on peut se référer bien sûr aux Danses et légendes de la Chine ancienne de Marcel Granet, 2e éd., Paris, Presses universitaires de France, 1959, t. 2, p. 466-579, aux « Légendes mythologiques dans le Chou-king » de Henri Maspero, Journal asiatique, 1924, p. 47-51 du tiré à part, ou encore à la traduction du Shiji de Sima Qian par Edouard Chavannes, Les Mémoires historiques de Se-ma Ts’ien, vol. 1, p. 97 sq. Le mythe du déluge est traité par Rémi Mathieu, « Yu le Grand et le mythe du déluge dans la Chine ancienne », T’oung Pao, 78 (1992), p. 162-190, et, plus récemment et d’une manière extensive, par Mark Edward Lewis, The Flood Myths of Early China, Albany, State University of New York Press, 2006.
3 Meng tzeu, 3, 2, trad. Couvreur, in Les Quatre Livres, réimpr. Taichung, Kuangchi Press, 1972, p. 450-451.
4 Sima Qian, Shiji, trad. Chavannes, Les Mémoires historiques, t. 1, réimpr., Paris, A. Maisonneuve, 1967, p. 99.
5 Mémoires concernant l’histoire, les sciences, les arts, les mœurs, les usages, etc… des Chinois par les missionnaires de Pékin, tome 8, Paris, Nyon l’aîné, 1782, p. 140 et 192-193, note 8 dont le passage cité provient. L’envoi d’un estampage à Paris contredit le fait que les copies « ne nous sont point parvenues ».
6 J. Hager, Explanation of the elementary Characters of the Chinese, Londres, 1801 ; Monument de Yu ou la plus ancienne inscription de la Chine, suivie de trente-deux formes d’anciens caractères chinois, avec quelques remarques sur cette inscription et sur les caractères, Paris, 1802. Sur Hager, orientaliste italien d’origine allemande, venu à Paris pour s’attaquer à la préparation d’un dictionnaire chinois, voir, Hartmut Walravens, in Bio-bibliographisches Handbuch zur Sprachwissenschaft des 18. Jahrhunderts, 4 (1996), p. 24-31.
7 J. Klaproth, Chin Iu paï tching i, Inschrift des Yü, überstezt und erklärt, Berlin, 1811. Sur Klaproth, qui passa pour espion et laissa une image contrastée, voir Henri Cordier, « Un orientaliste allemand, Jules Klaproth », Comptes rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1917, p. 297-308 ; Hartmut Walravens, Julius Klaproth (1783-1835), Leben und Werk, Wiesbaden, O. Harrassowitz, 1999.
8 Abel Rémusat, Mélanges asiatiques, Paris, Dondey Dupré, 1825, p. 272-276.
9 On trouve un bon résumé des idées émises sur ce sujet dans Henri Cordier, Histoire générale de la Chine et de ses relations avec les pays étrangers depuis les temps les plus anciens jusqu’à la chute de la dynastie mandchoue, vol. 1, Paris, Geuthner, 1920, p. 9-19.
10 Seul le premier volume de cet ouvrage fut publié.
11 S. Wells Williams, The Middle Kingdom, a survey of the geography, government, education, social life, arts, religion, etc. of the Chinese Empire and its inhabitants, New-York, Londres, 1848, vol. 2, p. 203-204.
12 J. Legge, The Chinese Classics, vol. 3, Prolegomena, Hong Kong, 1865, p. 67-73.
13 Chr. Bunsen, auteur d’Egypt’s Place in Universal History, Londres, 1848.
14 G. Pauthier, « Mémoires sur l’antiquité de l’histoire et de la civilisation chinoises, d’après les écrivains et les monuments indigènes », deuxième mémoire, Journal asiatique, avril-mai 1868, p. 302-349.
15 Pauthier décrit l’estampage comme une copie imprimée en blanc sur fond noir, ce qui montre qu’il ne différencie pas clairement les techniques de la xylographie et de l’estampage.
16 L’inscription de Yu reproduite par G. Pauthier, qui ne paraît pas disposer de colophon, pourrait bien être la version de Yang Shen gravée au Yunnan, voir cidessous.
17 Pauthier, ibid., p. 350-366.
18 Ce passage se trouve au j. 38, éd. corrigée par Wang Guowei, Taibei, Xinwenfeng, 1987, p. 1194. Il existe une variante avec le caractère 王 au lieu de 玉, ce qui se traduit par un écrit en caractères royaux sur une tablette de jade. La note de Yang Shen montre que la compréhension de ce passage faisait problème, l’expression yuzi ayant pris le sens de « belle écriture ».
19 Cf. « Goulou shan 岣嶁山 » in Han Changli quanji 韓昌黎全集, j. 3, Taibei, Xinwenfeng, 1977, p. 54-55. Le texte complet du poème est le suivant :
« Au faîte du mont Goulou se trouve la stèle du divin Yu.
Les caractères verts sur la pierre rouge ont un aspect étrange,
Semblables à des tétards au corps courbé ou à de l’ail qui se déploie en se renversant,
À des faisans qui voltigent ou à des phénix qui se posent, ou encore à des dragons qui s’agrippent.
Ce fut une affaire imposante dont l’empreinte est restée si secrète
Que les génies n’ont même pas pu l’apercevoir.
Seul un taoïste est monté et, par chance, a pu la voir.
J’y suis allé et j’ai soupiré, pleurant à chaudes larmes.
J’ai cherché et fouillé partout dans mille et dix mille [lieux pour savoir] dans quel endroit elle se trouvait. Dans les arbres verts de la forêt, les singes compatissaient. »
20 Académie fondée vers la fin du Xe siècle où enseignèrent notamment Zhu Xi et Zhang Shi.
21 On a pris l’habitude de traduire systématiquement le caractère 拓 par estamper. Il est cependant extrêmement fréquent qu’il puisse désigner la copie d’un document sans que celui-ci soit estampé. Ici, il est loin d’être certain que la copie résulte d’une opération d’estampage.
22 Jinshi guwen, j. 1, éd. du Xuegu zhai jinshi congshu, p. 1a-2b.
23 Danqian zonglu, j. 2, éd. du Wenyuan ge Siku quanshu, p. 6b-8a, vol. 855, p. 339-340.
24 Xiong Yu, Yuelu shuyuan shibi Yubei ji 嶽麓書院石壁禹碑記, cité dans Xiang-cheng fanggu lu, éd. du Jinshi yudi congshu, p. 2a.
25 Jiang Xun 江恂, Qingquan xianzhi 清泉縣志, 1763, j. 22, p. 1b ; Zhang Xiufu 張修府, Qingquan xianzhi 清泉縣 志, 1869, j. 10, p. 6b-7a.
26 Chen Tianfu, Nanyue zongsheng ji, j. shang, éd. du Wanwei biecang, p. 4b-9b.
27 On a vu plus haut que ce n’était pas le cas pour le Nanyue zongsheng ji.
28 Le texte n’est pas clair : on peut comprendre que rien n’était déchiffrable hormis les deux caractères guiyou, mais il est écrit wai guiyou 外癸酉.
29 Cf. Liu Zongyuan ji, j. 7, Pékin, Zhonghua shuju, 1979, vol. 1, p. 167-169.
30 Zhang Shinan, Youhuan jiwen, j. 8, éd. du Congshu jicheng, p. 49.
31 On trouve les quatre translittérations réunies dans plusieurs monographies locales, par exemple Hengshan xianzhi 衡山縣志 (1875) de Wen Yueying 文嶽英, j. 41, p. 2a-5a. (repr. in Shike shiliao xinbian, 3e série, vol. 14, p. 219-221 ; Shanhua xianzhi (1877) de Zhang Xianlun, j. 29, p. 1a-6a (repr. in Shike shiliao xinbian, 3e série, vol. 14, p. 121-123) ; Hunan tongzhi (1885) de Guo Songtao et Zeng Guoquan, j. 259, p. 1a-14a (repr. in Shike shiliao xinbian, 2e série, vol. 11, p. 7741-7748).
32 La stèle se trouvait près du monastère Chongsheng 崇聖寺, appelé encore monastère aux trois stûpa, Santa si 三塔寺. Xie Zhaozhi 謝肇淛 (1567-1624), Dianlüe 滇略, j. 2, éd. du Wenyuan ge Siku quanshu, vol. 494, p. 18a (p. 113).
33 Cen Yuying 岑毓英, Wang Wenshao 王文韶, Yunnan tongzhi 雲南通志, 1894, j. 212, p. 1b (repr. in Shike shiliao xinbian, 3e série, vol. 23, p. 49).
34 Voir l’estampage du « Chant » reproduit dans Beijing tushuguan cang Zhongguo lidai shike taben huibian, vol. 55, p. 3. Les éditeurs indiquent la 11e année Jiajing (1532) comme date de gravure alors qu’il s’agit de la date à laquelle a été écrit le texte. Cette stèle accompagne probablement l’inscription de Yu elle-même, regravée à Dangyin par Zhang Yingji en 1544. Cf. ibid., p. 95.
35 On peut se demander si cette stèle de Beichuan est celle qui aurait été gravée à l’initiative de Yang Shen. Observons que le texte y est disposé en 6 colonnes et non en 9.
36 Les abréviations sont les suivantes : SA Société asiatique ; MG : Musée Guimet ; BT : Bibliothèque nationale de Chine ; EF : École française d’Extrême-Orient ; IH : Institut des hautes études chinoises du Collège de France ; KM : Musée d’art asiatique de Cologne.
37 Cette version de l’inscription est étudiée dans Du Chunsheng 杜春生, Yuezhong jinshi ji 越中金石記, préface 1830, j. 6, p. 46a-47b.
38 Selon Sun Chengze 孫承澤, Gengzi suoxia ji 庚子瑣夏記, j. 4, éd. du Xuegu zhai jinshi congshu, p. 14b, Zhan Ruoshui fit regraver l’inscription à l’école Xinquan (Nankin).
39 Zhan Ruoshui, « Yubei xu 禹碑序 », in Ganquan wenji 甘泉文集, éd. de 1681, j. 21, p. 46b-48a, in Siku quanshu cunmu congshu, 4, vol. 57, p. 95-96.
40 Xiong Yu, op. cit., p. 2a.
41 Lang Ying, Qixiu leigao, éd. Ming, j. 22, p. 9a-10a, repr. in Siku quanshu cunmu congshu, 3, vol. 102, p. 603.
42 Cf. Jiang Yourong, Da Yu bei ba 大禹碑跋, cité dans Xiangcheng fanggu lu, éd. du Jinshi yudi congshu, p. 3a.
43 Sur ces inscriptions, voir E. Chavannes, « Les inscriptions des Ts’in », Journal asiatique, 1893, p. 473-521.
44 Wang Shizhen, Yanzhou sibu gao 弇州四部稿, j. 134, éd. du Wenyuan ge Siku quanshu, vol. 1281, p. 217.
45 Wang Shizhen, Yanzhou xugao 弇州續稿, j. 166, éd. du Wenyuan ge Siku quanshu, vol. 1284, p. 395.
46 Zhao Han, Shimo huanhua, j. 1, éd. du Zhibuzu zhai consghu, p. 1a-b.
47 Guo Zongchang, Jinshi shi, j. shang, éd. du Zhibuzu zhai congshu, p. 2a-3b.
48 Gu Yanwu, Jinshi wenzi ji, j. 1, éd. de l’ère Jiaqing, p. 2b-3a (repr. in Shike shiliao xinbian, 1re série, vol. 12, p. 9192).
49 Wang Shihan, Hanmen zhuixue 韓門綴學, s.l., n.d., j. 5, p. 1a-2a.
50 Jiang Yu, Xiaoxiang tingyu lu 瀟湘聽雨 錄, j. 6, éd. de 1763, p. 4a-8b, Siku quanhu cunmu congshu, 3e série, vol. 116, p. 683-685.
51 Il s’agit du Xiaotang jigu lu de Wang Qiu 王 俅 (fin XIe-déb. XIIe siècle), éd. du Xu guyi congshu, p. 70.
52 Qian Daxin, Qianyan tang jinshi wenzi bawei 濳研堂金石文字跋尾, j. 1, éd. de Changsha des Qing, p. 1a (repr. in Shike shiliao xinbian, 1re série, vol. 25, p. 18733).
53 Hong Yixuan, Pingjin dubei ji 平津讀碑記, zaixu 再續, éd. de 1826, p. 1a.
54 Zhu Yizun, Pushu ting jinshi wenzi bawei, éd. 1885, j. 2, p. 1a-b.
55 Zhao Shaozu, Jinshi wenchao 金石文鈔, éd. 1802, j. 1, p. 1a-2a.
56 Wu Daoxing, Yubei bian 禹碑辨, cité dans Xiangcheng fanggu lu, éd. Jinshi yudi congshu, p. 2b-3a.
57 Jigu lu 集古錄 et Jinshi lu 金市錄.
58 Sun Chengze 孫承澤, Gengzi suoxia ji 庚子瑣夏記, j. 4, éd. du Xuegu zhai jinshi congshu, p. 14b-15a.
59 Li Jisheng, Yubei bian 禹碑辨, cité dans Xiangcheng fanggu lu, éd. du Jinshi yudi congshu, p. 4a-b. Cette note ne figure pas dans le Xungu zhai wenji 尋古齋文集 réimprimé dans le Siku jinhuishu congshu, 4e série, vol. 168.
60 Lin Tong, Laizhai jinshike kaolüe, j. shang, éd. du Wenyuan ge Siku quanshu, p. 1a-2b, vol. 684, p. 3-4.
61 Jiang Yourong, Da Yu bei ba 大禹碑跋, op. cit., p. 3a.
62 Cette inscription se trouve au début du j. 5 de la regravure du Chunhua ge tie exécutée sous les Ming, mais ce juan de l’époque des Song a disparu, de même que les j. 2, 3, 5 et 10. Cf. Qi Gong, Wang Jingxian, éd., Zhongguo fatie quanji, Wuhan, Hubei meishu chubanshe, 2002, vol. 1.
63 Qi Gong, Wang Jingxian, op. cit., vol. 2, p. 7 et vol. 4, p. 17. Dans son étude des modèles de calligraphie, Nancun tiekao 南村帖考, Cheng Wenrong 程文榮 (XIXe s.) adopte comme faux aussi bien ces douze caractères attribués à Yu que l’inscription du Goulou, éd. 1845, Feng tie, p. 11a-12b.
64 Feng Yunpeng, Feng Yunyuan, Jinshi suo, Shisuo, 1, Ziyang, Suigu zhai, 1832, p. 1a-4a.
65 Il existe plusieurs gravures de ce « tableau », dont une avec un colophon daté de 1682 conservée au Beilin de Xi’an.
66 Wu Yujin, Jinshi cun, éd. de 1819, j. 2, p. 2a-3b. Voir aussi Zhang Xianlun, Shanhua xianzhi, 1877, j. 29, p. 5a (repr. in Shike shiliao xinbian, 3e série, vol. 14, p. 123).
67 Les fragments de cet ouvrage ont été réuni notamment par Ma Guohan 馬國翰 dans le Yuhan shan fang ji yishu, j. 31. Ce passage n’y figure pas.
68 Wang Chang, Jinshi cuibian, éd. de 1872, j. 2, p. 2.
69 Li Zuoxian, Shiquan shuwu jinshi tiba 石泉書屋題跋, éd. Fangshan shanfang congshu, p. 1a-b.
70 Yan Kejun, Pingjin guan jinshi cuibian 平津館金石萃編, j. 1, éd. du Wanxie zhai congshu, p. 1a.
71 Wang Bosui, “Yubei kao 禹碑考”, cité dans Jiaqing tongzhi 嘉慶通志, repris in Hunan tongzhi, 1885, op. cit., p. 9a-11a (7745-7746).
72 Chongen, “Shen Yu Goulou bei 神禹岣嶁碑”, in Xiangnan jingshe jinshi qi 香南精舍金石契, ms. de 1900, repr. in Shike shiliao xinbian, 2e série, vol. 6, p. 4982.
Auteur
Directeur d’études à l’École pratique des hautes études, Paris. Il a été membre, puis directeur de l’École française d’Extrême-Orient. Son intérêt l’a porté à l’étude de l’histoire du livre chinois, d’abord au XXe siècle, puis manuscrit (du Ve au Xe siècle) et à nouveau imprimé (du VIIIe au XIIe siècle). Il s’est engagé depuis une dizaine d’années dans la préparation d’une base de données électronique sur les estampages chinois conservés en Europe, dont les premiers éléments ont été publiés en cédéroms et dont l’ensemble sera disponible bientôt en ligne.
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