Vers une solidarité entre les citoyens européens ?
p. 335-353
Texte intégral
1L’appel à la défense, modernisation ou réforme (selon les points de vue idéologiques) du « modèle social européen » fait désormais partie intégrante du débat public et politique européen. L’expression ne renvoie néanmoins pas à un corpus de données précises énoncées dans un document de référence : sa définition fait au contraire l’objet d’une controverse quant à savoir ce que recouvre exactement le « modèle social européen » sur le plan des contenus et des enjeux et quelle est donc sa portée politique. En effet, dès ses débuts1, l’expression de « modèle social européen » se pose comme l’alternative au modèle américain de capitalisme – dans l’objectif de développer une interaction européenne entre la croissance économique et la cohésion sociale – et est caractérisée par l’existence de valeurs sociales communes à tous les États membres (démocratie, liberté, dialogue social, égalité des chances, sécurité sociale et solidarité pour reprendre l’énumération de la Commission européenne en 1994). Dans le courant des années 1990 et avec les réflexions suscitées par la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (1989) et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000), ce sont les caractéristiques communes des États membres en matière de droit du travail et droit social qui sont mises en exergue. Depuis, l’usage de cette expression s’est élargi jusqu’à englober la diversité sociale des États membres comme richesse européenne à préserver, ainsi que le révèlent les conclusions de la présidence du Conseil européen de Lisbonne de mars 2000. Certains vont même jusqu’à évoquer l’existence de plusieurs « modèles sociaux européens » afin de souligner que c’est la grande diversité sociale qui constitue la règle dans l’Union européenne2.
2Cependant, l’expression de « modèle social européen » ne peut pas seulement s’analyser sur le plan des valeurs et des droits européens dits « sociaux » tels qu’ils sont exprimés explicitement dans le débat politique européen, elle renvoie également à ce qui peut lier socialement les citoyens européens entre eux, c’est-à-dire l’existence d’un modèle commun de société exprimant un certain degré de solidarité collective. Ce n’est donc pas seulement une citoyenneté statutaire qui est en jeu, mais également le sentiment d’appartenance et de responsabilité entre citoyens de l’UE, c’est-à-dire la dimension identitaire de la citoyenneté européenne. Sur cette base, nous soutenons dans une première section que les concepts de « citoyenneté » et « solidarité » sont corrélés et que cette corrélation est à chercher dans la naissance et le développement des systèmes nationaux de protection sociale, c’est-à-dire le développement des fonctions sociales de l’État. Cette hypothèse permet de problématiser la construction d’une solidarité européenne à travers les enjeux d’identité et d’intérêts communs.
3Après cette mise en perspective théorique, nous distinguons deux ordres différents d’analyse de la solidarité européenne. Le premier relève de l’analyse du discours et s’attache aux usages du concept de solidarité dans le corpus légal européen, cherchant à déterminer la portée juridique des références à une « solidarité européenne » dans les traités européens. Dans un deuxième temps, nous considérons les politiques de l’Union européenne dites « de solidarité » afin d’infirmer ou de confirmer les résultats issus de l’analyse des traités européens par un examen concret de ce qui se fait à l’échelle européenne en matière de solidarité. Enfin, nous exposons un cas d’antagonisme classique entre les déclarations visant à une solidarité européenne et l’objectif stratégique d’une « économie de la connaissance la plus compétitive » tel qu’il est énoncé dans la nouvelle stratégie socioéconomique décennale de l’UE (2000-2010), dite « stratégie européenne de Lisbonne » (§5 des Conclusions du Conseil européen de Lisbonne, mars 2000).
Perspectives théoriques
4La citoyenneté européenne est un sujet devenu commun tant dans les débats politiques – et notamment depuis l’institution d’une « citoyenneté de l’Union » par le traité de l’Union européenne (art.8) – que dans les débats scientifiques3. Mais il ne s’agit que de l’aspect politique de la citoyenneté européenne et principalement l’accès et la participation à l’exercice effectif de la démocratie (via la délicate question de la représentation politique). Si l’on suit le sociologue T. H. Marshall4 qui analyse la citoyenneté sous un angle purement statutaire (comme un ensemble de droits et de devoirs), la construction des États européens modernes5 a connu un développement en trois étapes, correspondant à trois générations de droits : l’octroi successif des droits civils garantissant la liberté individuelle, des droits politiques assurant la participation à l’exercice du pouvoir politique et des droits sociaux garantissant aux individus un certain niveau de bien-être économique et social. La « citoyenneté politique » ne serait donc qu’un pan de la citoyenneté à laquelle il faudrait associer la « citoyenneté sociale » exprimant l’extension des fonctions sociales de l’État (jusqu’à la constitution de systèmes sociaux nationaux) et fondée sur la reconnaissance de droits-créances de l’individu envers l’État (et non plus seulement de droits-libertés, tels que les droits civils et politiques).
5Cependant, cet État-providence et la « citoyenneté sociale » que Marshall y décèle est le fruit, il faut le rappeler, de luttes sociales : il s’agit plus d’une conquête que d’un octroi des droits sociaux6, ce que n’indique pas la perspective évolutionniste de Marshall. La diversité des systèmes sociaux nationaux n’est pas non plus prise en compte par Marshall. Pour prendre cette dimension en compte, Esping-Andersen7 consolide le concept de « citoyenneté sociale » en le considérant comme le coeur même de tous les Étatsprovidence et l’étaye en soulignant ses deux implications qui fondent la variété des systèmes sociaux : d’une part, ces droits sociaux reflètent une certaine démarchandisation du statut des individus par rapport au marché ; d’autre part, cette citoyenneté sociale implique une stratification sociale particulière8. Pour Esping-Andersen, la « citoyenneté sociale » n’est donc pas seulement constituée de droits sociaux, mais aussi des relations entre État, marché et société. Mais son analyse reste incomplète en ce qu’elle ne permet pas d’inclure un pan essentiel des questions relatives à la citoyenneté nationale : le sentiment d’appartenance et l’espace de responsabilités individuelle et collective.
6En effet, il faut considérer toutes les dimensions de la citoyenneté, ainsi que nous y invite Jane Jenson9 qui définit la citoyenneté par une relation dynamique entre quatre éléments : les droits et leur accès, les responsabilités et l’appartenance. Il y a donc deux dimensions, l’une individuelle, l’autre collective, de la citoyenneté et cette dernière permet de prendre la dimension sociale de la citoyenneté en compte sans segmenter l’analyse en citoyenneté « civile », « politique » et « sociale » à l’instar de Marshall. D’un côté, la question de l’octroi des droits et de la garantie de leur accès relève du statut de l’individu face à l’autorité politique. De l’autre, les thématiques de l’appartenance et de l’espace de responsabilités sont déterminées par les relations de soutien mutuel et de solidarité qui existent entre les membres d’une communauté. L’étude de la citoyenneté européenne ne peut donc pas se limiter à celle des droits octroyés à l’échelon communautaire, mais bien s’ouvrir à l’examen des possibilités d’exercice de ces droits, de l’appartenance que cette citoyenneté révèle, mais aussi du partage des responsabilités ainsi induit. Nous voudrions ici approfondir la dimension collective de la citoyenneté européenne – et particulièrement l’espace européen des responsabilités sociales qui doit être rapproché du concept de solidarité.
7Ce qui nous intéresse au plus haut point dans cet espace européen de responsabilités, c’est le degré de responsabilité collective sur lequel se fonde l’intégration européenne, celui qui finalement détermine le caractère solidaire ou non de la société européenne. La solidarité peut en effet être entendue comme le « compromis capable de concilier l’indépendance individuelle et la cohérence collective sur la base d’une articulation des parts respectives de responsabilités individuelle et collective10 ». Plus précisément, et suivant l’état de l’art fourni par van Oorschot et Komter11, la solidarité est un état de relations entre individus et groupes où les gens font l’expérience d’un destin commun, soit parce qu’ils partagent la même identité comme membres d’une même collectivité et de ce fait ressentent un sentiment mutuel d’appartenance et de responsabilité, soit parce qu’ils partagent une utilité et ont besoin l’un de l’autre pour servir leurs intérêts collectifs. Toutefois, cette solidarité n’émerge pas spontanément entre les individus dans les sociétés industrielles modernes12, elle doit être organisée. Le développement des États-providence nationaux a ainsi consacré l’institutionnalisation d’une solidarité publique entre les membres d’une collectivité à des degrés variables selon les États, allant d’une solidarité envers les plus pauvres (cas des politiques de ciblage anglo-saxonnes) jusqu’à une solidarité entre tous les citoyens (cas des politiques redistributives suédoises) : la solidarité ne s’exprime donc pas toujours entre tous les citoyens.
8Mais qu’en est-il de l’échelon supérieur, qu’en est-il de l’Union européenne, cette entité politique à la fois supranationale et intergouvernementale selon les domaines et politiques ? L’organisation d’une solidarité européenne ne relève pas tant du développement d’une protection sociale supranationale (qui reste pour l’instant cantonnée au débat purement normatif) que de la construction d’un lien social entre les citoyens européens (qui elle est de l’ordre du débat politique actuel) – c’est-à-dire de l’identité partagée des citoyens européens et des intérêts communs qui les unissent. La question peut alors se formuler sur le plan de la légitimité, en vue de déterminer jusqu’à quel point solidarité et citoyenneté sont liées à l’échelle européenne : où se situe l’expression légitime de la solidarité collective européenne ? S’exprime-t-elle entre les personnes – et a fortiori entre les citoyens – ou entre les territoires ?
9La construction d’une solidarité européenne, fondée sur l’établissement d’une responsabilité collective elle-même basée sur une identité et une utilité communes, n’est pas explicitement au cœur des discussions politiques communautaires ainsi que la section suivante nous le démontre – même si elle est souvent présentée tant par la Commission européenne que par la littérature scientifique13 comme une valeur partagée par tous les États membres et qui constitue une spécificité du « modèle social européen ». Mais la variété (et l’évolution rétroactive) de ses interprétations et de la portée que lui accordent les traités européens prouve que la notion fait débat.
Portée et interprétations du concept de « solidarité » dans les traités européens
10Dans cette section, nous nous attachons à identifier les usages du concept de solidarité dans les traités européens exclusivement puisque c’est sur leur fondement que les institutions de l’UE ont la faculté d’adopter des actes législatifs. Un paragraphe est néanmoins dévolu à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce qu’elle a ensuite été intégrée dans le traité constitutionnel.
11L’accent est donc mis sur la conception globale que l’UE se fait de la solidarité et qui ensuite détermine ses applications dans les différentes politiques communautaires. Avant même l’émergence institutionnelle des Communautés économiques européennes, la solidarité relève du débat européen ainsi que le démontre le discours fondateur de Robert Schuman en 1950. Puis de traités en traités, c’est à la fois la portée et l’interprétation de la notion de solidarité qui varient dans les traités européens.
Des traités fondateurs de la Communauté européenne (TCE : 1957, révisés en 1986,1992 et 1997) au traité de l’Union européenne (TUE : 1992, révisé en 1997)14
12Dès les premiers débats sur le projet économique européen, la solidarité est au cœur même de l’idée d’une communauté économique européenne (CEE). C’est en effet l’établissement d’une solidarité de production entre l’Allemagne et la France – et plus largement entre les États membres de la future CEE – que soutient le projet européen, ainsi que l’énonce Robert Schuman dans sa déclaration fondatrice du 9 mai 1950. La solidarité est ainsi mobilisée comme un objectif économique européen : il s’agit de bâtir par étapes successives des solidarités concrètes sur un socle économique, de construire une relation de solidarité entre les États membres par le processus d’intégration économique européenne. De fait, le développement d’un système de coopération entre les États membres – d’abord sur une base de libéralisation des échanges, ensuite avec l’établissement d’un budget européen – encourage clairement une solidarité interétatique fondée sur les intérêts communs et définissant les obligations mutuelles des États membres. C’est sur le plan de la « mise en commun » des ressources économiques dans l’intérêt collectif des États membres, et donc à des fins utilitaires que la solidarité trouve sa place dans le projet européen initial.
13Néanmoins, jusqu’en 1992, les traités européens (CEE, CECA, CEEA, AUE) n’officialisent pas l’objectif de solidarité visé par R. Schuman15 Ce n’est qu’associée à l’appel pour une « cohésion économique et sociale » – et non sur le plan de la protection sociale – que la solidarité redevient explicitement un objectif de l’intégration européenne16 (art. 2 du TCE révisé 1992 et Protocole spécial additionnel no 15 du TUE 1992) mis en œuvre par l’établissement des Fonds structurels et de cohésion (voir plus bas). Cet appel à une « solidarité entre les régions défavorisées » renvoie à la nécessité économique de réduire les disparités de développement socioéconomique entre les régions européennes pour assurer le succès de la croissance et de l’intégration économiques européennes. Plus largement, ce sont les relations entre les États membres et leurs peuples qui sont visés par l’appel à la solidarité européenne (art. Ier §3 TUE 1992) en vue d’établir des relations interétatiques basées sur l’intérêt commun et le soutien mutuel.
14La législation européenne intègre donc depuis 1992 nommément la notion de « solidarité » dans son corpus : l’objectif de solidarité – tant dans ses visées économiques que relationnelles – déjà affirmé par Schuman obtient ainsi une reconnaissance européenne légale. Plus encore, dans un domaine très politique, le TUE requiert des États membres une « solidarité mutuelle » (et même une « politique mutuelle » dans la version consolidée de 1997) en vue de leur soutien actif et sans réserve envers la politique extérieure et de sécurité commune de l’UE (art. 11 §2 et 23 §1). Ce deuxième usage du concept de solidarité dans les traités européens ne sera pas traité ici dans la mesure où il ne relève pas des débats socioéconomiques européens.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000)
15Si la solidarité appartient aux dispositions légales européennes à titre d’objectif, elle n’a pas été consacrée comme un principe européen par les traités puisqu’elle ne trouve pas sa place dans l’énoncé des principes européens (liberté, démocratie, respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, État de droit) dans l’article 6 §1 de la version consolidée du TUE – ainsi que le confirme d’ailleurs le refus par la Cour de justice des Communautés européennes de reconnaître la cohésion économique et sociale comme un principe européen et non plus seulement comme un objectif17.
16Ce n’est que récemment, en 2000, que la solidarité a été consacrée comme un principe fondateur européen par la Charte des droits fondamentaux de18 dans son préambule déclare que « l’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité19 » et à ce titre détermine douze droits dits « de solidarité » qui concernent principalement les politiques européennes environnementale, sociale et de consommation. Cependant, ces droits de solidarité énumérés dans la Charte n’ont pas d’effet direct20 : ils ne relèvent pas directement du champ de compétence de l’UE mais ont le mérite de constituer une première étape dans la protection européenne des standards sociaux.
17Ainsi présentée comme une exigence morale fondée sur la personne (plutôt qu’un véritable principe juridique avec effet direct), la solidarité acquiert une nouvelle acception dans le processus d’intégration européenne. Au-delà de la solidarité entre les peuples proclamée dans le préambule du TUE et de la solidarité entre les États membres promue par le TCE et l’objectif européen de cohésion économique et sociale, la Charte se réfère à une signification sociale de la solidarité, dans ses rapports non pas tant avec la cohésion socioéconomique qu’avec la protection sociale21. Le contenu des droits reconnus dans le Titre IV permet de s’en assurer puisque ce sont véritablement les droits sociaux de la Charte qui trouvent place dans ce chapitre : quelques droits fondamentaux reconnus aux travailleurs, l’accès aux prestations de la sécurité sociale ainsi qu’aux services sociaux et les droits à la protection de la santé, de l’environnement et de la consommation. C’est donc plus sur le plan de la « justice sociale22 » et en lien avec les systèmes nationaux de protection sociale que le concept de solidarité a été utilisé dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Le traité établissant une Constitution pour l’Europe (2004)
18Si le traité établissant une Constitution européenne incorpore la Charte des droits fondamentaux de l’UE (et donc son acception de la solidarité en principe et droits), il nuance néanmoins le statut légal accordé au concept de solidarité. De principe fondateur et légitimant de l’UE dans la Charte, la solidarité devient une caractéristique commune qui prévaut dans les sociétés européennes :
L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes (art. I-2)23.
19En conséquence, bien que l’UE continue à appeler pour une solidarité entre les peuples à l’échelle internationale (art I-3 §4), la solidarité n’est donc plus considérée comme une valeur européenne et bénéficie d’encore moins de potentialités légales (à tel point que l’application de la solidarité ne s’envisage qu’à travers les droits inclus sous son intitulé dans le titre IV de la Charte). Cette régression du statut légal européen de la solidarité peut s’expliquer par l’impossibilité entre les participants à la Convention européenne de créer un consensus sur une définition claire et commune de la solidarité24.
20Si la solidarité n’est plus envisagée sous un angle de protection sociale, mais reste associée à l’objectif de cohésion économique et sociale (art. I-3 §3), le traité établissant une Constitution européenne lui offre également une nouvelle acception en introduisant l’expression de « solidarité entre les générations » : « elle (l’UE) combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant » (art. I-3 §3). Nous pouvons rapprocher cette interprétation générationnelle de la solidarité à l’essor du concept de « développement durable » dans le discours européen. L’idée sous-jacente relève de l’extension progressive des réseaux de responsabilité fondée sur le respect mutuel de la « dette sociale » (popularisée par l’idéologie solidariste sous la Troisième République française) envers toute la société européenne où chaque citoyen est redevable aux générations passées, présentes et futures, ce qui implique la réparation des inégalités héritées des sociétés passées25.
Une solidarité européenne entre les territoires
21Au-delà des polémiques normatives sur la pertinence de l’existence d’une solidarité à l’échelon supranational, le commentaire du statut et contenu du concept de solidarité dans les traités européens (qui définissent le cadre de l’action légale des institutions européennes) met en exergue les controverses qui agitent la définition d’une « solidarité européenne ». Néanmoins, cette analyse révèle une constante dans le discours européen : la proclamation de la solidarité européenne renvoie toujours à une solidarité entre les territoires, qu’il s’agisse des territoires nationaux ou régionaux. En 1957, l’appel à la solidarité européenne repose sur la concrétisation d’une solidarité de fait entre les États membres par le biais de l’intégration européenne. Et depuis 1992, cette solidarité entre les États membres se double de l’appel à une cohésion économique et sociale entre les régions européennes. Si la cohésion socioéconomique constitue un objectif de redistribution classique26 en vue d’un renforcement de la solidarité européenne, elle vise à réduire les disparités entre le développement des différentes régions et non à compenser les inégalités sociales entre personnes. La solidarité interpersonnelle au sein d’un groupe (ou d’une société) pour regrouper les individus autour d’une identité partagée et d’intérêts communs – telle qu’elle est pratiquée au sein des États membres (via la constitution d’États-providence) – n’a pas cours dans le débat européen.
22L’analyse des politiques européennes dites « de solidarité » pose un constat identique : par ses politiques redistributives d’un côté et sociales de l’autre, l’UE met en œuvre une solidarité plus spatiale que personnelle. Au-delà du processus d’intégration européenne qui a développé une relation globale de solidarité entre les États membres, on peut déceler la construction d’une solidarité européenne dans trois politiques de l’UE : la politique agricole commune (PAC), la politique régionale (aussi appelée politique de cohésion) et la politique sociale. Les deux premières sont des politiques redistributives alors que la dernière est considérée comme une politique de régulation. Les deux types de politiques démontrent chacune la restriction de la construction d’une solidarité européenne aux territoires et non aux personnes.
23Les politiques de redistribution relèvent de la compétence exclusive de l’UE, ce sont donc des politiques communautaires, décidées sur le plan supranational, visant à redistribuer une partie des ressources mises en commun par les États membres. Par comparaison avec les systèmes politiques nationaux, les ressources financières que l’UE peut envisager de redistribuer sont néanmoins limitées puisque le budget de l’UE est modeste si on le compare aux budgets nationaux (moins de 1,1 % du PIB total de l’Union européenne des 25 États membres)27. Cependant, environ 80 % du budget européen était dévolu en 2004 aux dépenses en matière de redistribution à raison de 45 % pour la politique agricole commune et 35 % pour la politique régionale28. En matière de politique régionale, la redistribution est assurée par cinq instruments financiers (les Fonds européen de développement régional, Fonds social européen, Fonds européen d’orientation et de garantie agricole, Instrument financier d’orientation de la pêche29 en coordination avec le Fonds de30). Les ressources européennes sont directement transférées aux régions (et non laissées à la discrétion des États membres), ce qui génère une solidarité européenne interrégionale et non interétatique31 : la solidarité européenne s’effectue sur le plan territorial subnational. Le cas de la politique agricole commune est plus délicat puisque la redistribution concerne effectivement des personnes – les agriculteurs–, mais considérées en leur qualité d’agents économiques d’un secteur particulier et non comme des citoyens. Et l’évolution actuelle de la PAC réformée (en date des accords du 26 juin 2003) ne laisse pas supposer le maintien d’une véritable politique de solidarité sectorielle.
24À l’inverse, la politique sociale européenne n’inclut aucune redistribution entre les citoyens, entre les employeurs et les travailleurs ou entre les riches et les pauvres. Le cœur des pouvoirs redistributifs des États-providence domestiques – responsables de la fourniture de biens et services sociaux (assurance sociale, santé, éducation, logement...) – reste sous le contrôle des États nationaux. C’est pourquoi la politique sociale européenne est considérée comme une politique de régulation visant à compenser les failles du marché et non pas à redistribuer les ressources32. La sensibilité politique des questions sociales et la diversité des systèmes sociaux nationaux empêchent une compétence communautaire exclusive en matière sociale. L’intégration européenne reste dès lors marquée par une « asymétrie constitutionnelle » (pour reprendre les termes de Fritz W. Scharpf33) entre les politiques économiques – fortement intégrée – et de protection sociale – maintenue à l’échelle nationale. Dans l’ambition d’améliorer la coordination entre ces politiques (et ainsi remédier à l’asymétrie constitutionnelle), l’UE a élaboré en mars 2000, lors d’un conseil européen extraordinaire à Lisbonne, un nouveau mode de gouvernance européenne : la « méthode ouverte de coordination34 ». Néanmoins, cette nouvelle méthode de gouvernance ne vise pas à établir une solidarité supranationale, mais à organiser les différentes solidarités nationales : elle ne cherche qu’à améliorer la coordination entre les États membres (par la définition d’objectifs communs et les mécanismes de benchmarking et policy learning) pour favoriser à terme une meilleure convergence dans la manière de penser les politiques sociales nationales (à défaut d’une convergence dans la façon de mettre en œuvre la protection sociale). Avec la stratégie de Lisbonne, l’UE confirme ainsi vraiment que la solidarité européenne n’est pas fondée sur le besoin d’un « demos européen », mais sur la bonne organisation et le bon déroulement de la solidarité nationale dans chaque État membre.
25Les États membres et les institutions européennes s’accordent donc sur l’organisation d’une solidarité supranationale européenne entre les territoires seulement (nationaux et régionaux) et non entre les personnes alors même qu’à l’échelon national, la légitimité des États-providence est fondée sur une solidarité entre les personnes dans un espace commun.
Entre solidarité et compétition européennes des territoires
26La construction d’une solidarité européenne des territoires doit relever le défi concurrent de l’accroissement de la compétitivité. Dans le contexte du dernier élargissement de l’UE et de la discussion autour de la directive européenne des services35, les appels à une compétitivité accrue36 ont ravivé le spectre du dumping social interne37, risque inhérent à la compétition intra-européenne : les écarts entre les systèmes sociaux nationaux de l’Europe élargie induisent-ils une pression sur les coûts salariaux et une érosion de la protection sociale des États membres ? À ce titre, le dumping social constitue un excellent point d’achoppement pour discuter de la confrontation entre solidarité et compétition européennes des territoires.
27Le dumping social résulte de la volonté d’un État ou d’une entreprise de bénéficier d’un avantage comparatif de compétitivité en raison d’une réglementation sociale moins contraignante ou d’une protection sociale moins coûteuse permettant d’obtenir des baisses de prix des produits à l’exportation et entraînant des distorsions de concurrence assez importantes qui influencent le choix des investissements et réimplantations d’entreprises. Sur le plan communautaire, deux thèses s’opposent sur l’effectivité du dumping social intracommunautaire et elles reflètent deux conceptions différentes de l’Europe sociale selon la référence à un « modèle social européen » ou à des « modèles sociaux européens », c’est-à-dire selon que l’on mette l’accent sur ce qui rapproche les États membres en matière sociale (leurs caractéristiques communes qui établiraient la spécificité du « modèle social européen ») ou ce qui les différencie (la diversité de leurs approches et institutions sociales nationales qui constituerait plusieurs « modèles sociaux européens »).
28Pour les uns, le dumping social est un mythe38 : la relative homogénéité sociale européenne – fondée sur l’existence de niveaux de développement et de protection sociale relativement proches entre les États membres – et le fonctionnement du marché unique européen produiraient une harmonisation sociale par le haut et peu de délocalisations d’entreprises. Tant dans le milieu scientifique39 que le milieu politique40, la plupart tendent à distinguer certains éléments communs à tous les systèmes sociaux nationaux qui permettent de définir à l’opposé du « modèle social américain » un « modèle social européen » caractérisé par un niveau de rémunération et de protection sociale élevé (valable pour tous les États membres). Mais le contenu de ce « modèle social européen » reste pour une part indéterminé : les éléments reconnus communs à tous les États membres varient selon les points de vue41.
29Pour les autres, le dumping social intracommunautaire existe déjà42 : la fragmentation sociale de l’UE en coût du travail, droit du travail, protection sociale et rôle des partenaires sociaux influence la stratégie des agents économiques (à la recherche d’un avantage comparatif) et pourrait potentiellement entraîner une délocalisation des entreprises et un alignement vers le bas des législations sociales. Les nombreuses recherches comparatives contemporaines ont effectivement fait la preuve de la variété non seulement des capitalismes en Europe43 mais également des systèmes sociaux européens caractérisés par différentes façons aussi bien de faire la protection sociale (variété des institutions) que de la penser (variété des principes et objectifs)44. Et l’avènement du marché unique en 1992 et de l’Union économique et monétaire en 1999, en privant les États membres de la zone euro de leur marge de manœuvre monétaire et budgétaire, les pousse à déplacer la concurrence sur le terrain social en utilisant la protection sociale comme une variable d’ajustement de la politique économique, c’est-à-dire en exerçant une forte pression sur les salaires et sur le coût du travail. Cette stratégie induit des risques d’abord de distorsions de concurrence (entre les États membres adoptant une politique salariale accommodante et les autres) puis de surenchère en vue de limiter la progression des salaires et de réduire les avantages sociaux45.
30Cette question du dumping social ne soulève pas seulement l’enjeu social de l’élargissement mais également de l’approfondissement de l’UE. Quel sens donne-t-on à la construction européenne ? Constitue-t-elle un espace d’échanges économiques ou de solidarité fondée sur la cohésion sociale ? L’UE a tenté de répondre à cette question par l’élaboration d’une stratégie socioéconomique qui vise un tel objectif de conciliation entre l’économique et le social : la « stratégie européenne de Lisbonne ». En mars 2000, sous la présidence portugaise, un sommet européen extraordinaire est consacré aux enjeux prioritaires de l’emploi, la réforme économique et la cohésion sociale. Les conclusions de la présidence établissent ce qui est communément appelé depuis lors la « stratégie européenne de Lisbonne », qui définit un nouvel objectif socioéconomique stratégique pour l’UE, alliant le besoin d’une croissance économique forte (et d’une compétitivité accrue) avec la nécessité de plus d’emploi et de cohésion sociale.
31Le débat se pose donc sur le plan de la « cohésion sociale, territoriale et économique » et de « compétitivité accrue » de l’espace européen. Ces deux objectifs avérés de l’UE sont-ils contradictoires et donc concurrents ? Entre le discours officiel communautaire et les débats politiques tant des arènes européennes que nationales, il y a place pour un débat vif avec des positions fort contrastées. Ainsi la stratégie de Lisbonne, devenue depuis 2000 la référence en matière d’intégration sociale européenne (ce qu’il est possible de réaliser, ce que l’on envisage de faire et ce que l’on ne peut certainement pas exiger des États membres), nous promet que ces objectifs peuvent être complémentaires et qu’une telle conciliation est non seulement possible mais recommandée par l’UE. Reste qu’au-delà de la possibilité et de la nécessité, il y a la phase de mise en œuvre : en l’absence de coordination des politiques sociales nationales, il est impossible d’imaginer concilier le social (non intégré à l’échelle supranationale) et l’économique (fortement intégré à l’échelon supranational avec l’Union économique et monétaire). Or, la stratégie de Lisbonne introduit également un nouvel instrument de gouvernance européenne – la méthode ouverte de coordination – qui ambitionne de maintenir la diversité sociale nationale tout en endiguant les risques de compétition sociale entre États membres. Face à la reconnaissance de la diversité sociale et aux réticences nationales de délégation de compétences sociales à l’UE, il n’était en effet pas envisageable de persévérer dans l’objectif plus qu’hypothétique d’une convergence européenne. Mais alors la stratégie de Lisbonne constitue-t-elle, tel qu’elle le prétend, l’alternative à la concurrence effrénée entre « competition states »46 ou, au contraire, participe-t-elle au développement d’une « solidarité compétitive »47 bien loin de la solidarité sociale historique et nationale ? Les recherches en cours tant sur l’économie politique (peu sociale) de l’UE48 que sur les difficultés de mise en application nationale des objectifs de la stratégie de Lisbonne49 ne permettent pas encore de se prononcer définitivement mais ne laissent pas augurer une réponse solidaire européenne.
Vers quelle solidarité européenne entre les citoyens ?
32Il n’y a donc pas une conception de la « solidarité européenne » mais plusieurs qui s’affrontent sur la portée et l’interprétation qu’il faut lui donner. Si nous n’avons pas inclus dans notre analyse l’examen des conflits sociopolitiques sous-jacents à l’introduction de chacune des références à la solidarité européenne ici invoquées, l’ampleur avec laquelle l’interprétation de la solidarité européenne (solidarité économique, solidarité entre les États membres, cohésion économique et sociale, solidarité entre les générations) varie dans les textes légaux européens nous permet de souligner le caractère éminemment politique de la solidarité. L’absence patente de tout consensus politique en la matière – révélée par les revirements de la portée juridique de cette solidarité européenne (d’objectif à principe ou valeur puis à caractéristique commune) – conforte cette vision.
33La construction d’une solidarité européenne constitue donc un enjeu, un enjeu politique et social de taille, puisque c’est elle qui fonde les relations de responsabilité entre les membres d’une société : cette question est non seulement relative à la détermination du niveau de la responsabilité collective (européen supranational, national ou régional) mais également des bénéficiaires concernés (citoyens ou territoires). Dans le cas de l’Union européenne, il s’agit de savoir qui est prêt à être responsable (avec toutes les implications notamment budgétaires) de quoi parmi les échelons locaux, régionaux, nationaux et européens. Il s’agit également de déterminer quelles relations lient les citoyens européens, quelle cohésion sociale les rassemble pour former une société européenne. La première section de cet article a pu démontrer l’indécision relative au degré de responsabilité sociale européenne tandis que la deuxième section établissait le caractère territorial de la conception d’une solidarité européenne puisque le débat s’énonce en termes d’objectifs européens contradictoires (cohésion économique, sociale et territoriale d’une part, compétitivité européenne d’autre part). Tant la fragmentation nationale continue de la politique sociale européenne que l’absence de protection sociale centralisée sur le plan européen génèrent une économie de plus en plus compétitive qui force à repenser le concept européen de solidarité.
34On est donc loin, à l’échelon supranational européen, de l’institutionnalisation d’une solidarité entre les citoyens, semblable à celle qui lie, à l’échelle des États-providence nationaux, les personnes reconnues comme membres de la collectivité. Dans un contexte général de mondialisation économique, c’est sur le territoire que l’Union européenne met l’accent dans sa construction d’une solidarité européenne et non sur le citoyen, contrairement à la situation nationale où la citoyenneté est au cœur de la construction de l’État-providence. Nous avons mis en évidence l’un des facteurs explicatifs de cet état de fait : l’absence de consensus entre les États membres de l’UE sur une harmonisation sociale européenne en raison de la diversité nationale des systèmes sociaux (et donc de la variété des conceptions de la solidarité). À cela s’ajoutent des facteurs complémentaires parmi lesquels la sensibilité politique des questions sociales puisqu’elles touchent au fondement même d’une société (dimension collective de la citoyenneté) et donc constituent un enjeu électoral essentiel dont les États membres ne veulent pas se départir (en transférant cette compétence à l’échelon supranational). L’Union européenne jouit ainsi d’une dimension individuelle fragmentaire de la citoyenneté européenne (l’établissement d’élections européennes, l’octroi de droits civils et politiques aux citoyens européens malgré leurs difficultés d’application) mais manque totalement d’une dimension collective de la citoyenneté qui lui permettrait de définir son identité et d’asseoir sa légitimité.
Notes de bas de page
1 L’expression de « modèle social européen » est introduite par le livre blanc de la Commission européenne « Politique sociale européenne - Une voie à suivre pour l’Union », COM(94) 333, rédigé et publié sous la présidence de Jacques Delors en 1994.
2 Voir par exemple, André Sapir, « Globalisation and the Reform of European Social Models », Background document for presentation at ECOFIN Informai Meeting in Manchester under the British Presidency of the EU, 9 septembre 2005, ensuite publié dans Bruegel Policy Brief, 2005/01.
3 Voir Paul Magnette, La citoyenneté européenne, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1999; Richard Bellamy et Alex Warleigh (dir.), Citizenship and Governance in the European Union, Londres et New York, Continuum International Publishing Group, 2001.
4 T. H. Marshall, Citizenship and Social Class and Other Essays, Cambridge, Cambridge University Press, 1950.
5 Toutefois T. H. Marshall se fonde sur l’exemple anglais et masculin qu’il généralise à outrance.
6 Excepté pour le cas de la Prusse où, dans le contexte politique des années 1880 caractérisé par un gouvernement conservateur, une forte opposition sociale-démocrate et les tentatives d’unification allemande, le chancelier Bismarck développe une législation sociale de type progressiste en vue de garantir l’ordre social sans transférer les pouvoirs des classes dirigeantes à la majorité populaire.
7 Gøsta Esping-Andersen, The Three Worlds of Welfare Capitalism, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1990.
8 À partir d’une réflexion sur la citoyenneté sociale, l’auteur identifie trois critères communs à tout État-providence mais variables en intensité : la démarchandisation, la stratification sociale et le ratio public-privé. Esping-Andersen propose de parler de « démarchandisation » lorsque les moyens d’existence des individus ne dépendent pas du marché et de « stratification sociale » pour exprimer la relation entre la citoyenneté et la classe sociale.
9 Jane Jenson, « The European Union’s citizenship regime. Creating norms and building practices », Comparative European Politics, vol. 5, no 1, 2007; Jane Jenson et Martin Papillon, « The Changing Boundaries of Citizenship: a Review and a Research Agenda », Background Paper, Ottawa, Réseaux canadiens de recherches en politiques publiques, 2001, en ligne : <http://www.cprn.org/documents/2096_en.pdf> (page consultée le 5 octobre 2006).
10 Colette Bec et Giovanna Procacci (dir.), De la responsabilité solidaire, Paris, Syllepse, 2003, p. 9.
11 Wim Van Oorschot et Aafke Komter, « What is it that des...? Theoretical perspectives on social bonds », Sociale Wetenschappen, vol. 41, no 3, 1998, p. 5-24.
12 Ibid.; Michael Hechter, Principles of Group Solidarity, Berkeley, CA, University of California Press, 1988.
13 Maria Jepsen et Amparo Serrano Pascual, « The European Social Model: An exercise in deconstruction », Journal of European Social Policy, vol. 15, no 3, 2005, p. 231-245; Daniel Vaughan-Whitehead, EU Enlargement versus Social Europe? The Uncertain Future of the European Social Model, Cheltenham, Glos, Edward Elgar Publishing, 2003.
14 Le traité de Nice qui révise les traités de la Communauté européenne et de l’Union européenne en 2000 ne mentionnant aucun changement dans les articles concernant la solidarité, nous l’excluons de notre analyse.
15 Si ce n’est pour évoquer dans le préambule soit « la solidarité qui lie l’Europe et les pays d’outre-mer » (Traité de la Communauté européenne) soit la nécessité « d’agir avec cohésion et solidarité afin de défendre plus efficacement ses intérêts communs et son indépendance » dans le concert international (Acte unique européen).
16 Les déclarations (déclaration relative à la coopération avec les associations de solidarité et à l’UEO du TUE 1992 et la déclaration relative au bénévolat du TUE 1997) ne sont pas prises en compte dans l’analyse.
17 Joël Molinier (dir.), Les principes fondateurs de l’Union européenne, Paris, Presses Universitaires de France, 2005, p. 23.
18 Approuvée par le traité de Nice puis incorporée dans le traité établissant une constitution européenne.
19 Sur l’absence de pertinence de la distinction valeurs-principes dans le discours européen, cf. ibid.
20 Ibid. ; Agustin José Menendez, « The Sinews of Peace : Rights to Solidarity in the Charter of Fundamental Rights of the European Union », Ratio Juris, vol. 16, no 3, 2003, p. 374-398.
21 C’est d’ailleurs à ce titre que l’introduction de ce nouveau principe a été fortement contestée pendant les discussions de la Convention (chargée d’élaborer la Charte), le délégué britannique arguant que le terme de solidarité n’existe pas en anglais, à tout le moins pas avec la même signification qu’en français ou en allemand. Guy Braibant, La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Paris, Seuil, 2001, p. 40.
22 J. Molinier (dir.), 2005, p. 260.
23 Il s’agit en fait de l’article 6 du TUE amendé par l’ajout des principes d’égalité et liberté.
24 J. Molinier, p. 271-272.
25 Jacques Donzelot, L’invention du social : essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Seuil, 1994.
26 Simon Hix, The Political System of the European Union, Basingstoke, Macmillan, 1999, p. 256.
27 Le budget prévisionnel pour 2007-2013 finalement accepté au Conseil européen de décembre 2005 est de 862,3 milliards d’euros soit 1,045 % du PIB de l’UE.
28 Commission européenne, DG Budget, Rapport sur l’allocation des dépenses de l’UE par État membre en 2004, septembre 2005, en ligne : <http://europa.eu.int/comm/budget/library/documents/revenue_expenditure/agenda_2000/allocrep_2004_ft.pdf> (page consultée le 15 mars 2006).
29 Le Fonds européen de développement régional (FEDER) contribue à aider les régions en retard de développement, celles en reconversion économique et en difficultés structurelles ; le Fonds social européen (FSE) intervient dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi ; le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) contribue au développement et à l’ajustement structurel des zones rurales en retard de développement ; l’Instrument financier d’orientation de la pêche (IFOP) soutient les évolutions structurelles du secteur de la pêche.
30 Le Fonds de cohésion aide, depuis 1994, les Etats membres les moins prospères de l’Union (dont le produit national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire) à réduire les disparités économiques et sociales en finançant des projets consacrés à l’environnement ou aux infrastructures de transport.
31 S. Hix, 1999, p. 260.
32 Giandomenico Majone, La Communauté européenne : un État régulateur, Paris, Montchrestien, 1996 ; S. Hix, 1999 ; Mario Telò, L’Etat et l’Europe : Histoire des idées politiques et des institutions européennes, Bruxelles, Editions Labor, 2005.
33 Fritz W. Scharpf, « The European Social Model: Coping with the Challenges of Diversity », Journal of Common Market Studies, vol. 40, no 4, 2002, p. 645-669.
34 Burkard Eberlein et Dieter Kerwer, « Theorising the New Modes of European Union Governance », European Integration Online Papers (EIoP), vol. 5, no 5, 2002, en ligne: <http://eiop.or.at/eiop/texte/2002-005a.htm> (page consultée le 5 octobre 2006) ; Mario Telò, « Governance and Government in the European Union : The Open Method of Coordination », dans Maria Joao Rodriguez (dir.), The New Knowledge Economy in Europe, Cheltenham, Glos, Edward Elgar Publishing, 2002, p. 242-271; Claudio Radaelli, « The Open Method of Coordination : A new governance architecture for the European Union? », Swedish Institute for European Policy Studies, no 1, 2003, en ligne : <http://www.sieps.se/_pdf/Publikationer/2003/2003i.pdf> (page consultée le 5 octobre 2006); Janine Goetschy, « L’apport de la méthode ouverte de coordination à l’intégration européenne », dans Paul Magnette (dir.), La Grande Europe, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2004, p. 141-167.
35 Directive dite « Bolkestein », du nom de son premier initiateur, le commissaire néerlandais Fritz Bolkestein ; voir Raoul Marc Jennar, « La proposition de directive Bolkestein », Courrier hebdomadaire du Crisp, no 1890-1891, 2005/25.
36 La stratégie de Lisbonne a effectivement fixé comme objectif stratégique pour la décennie 2000-2010 de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et une plus grande cohésion sociale », Conseil européen, Conclusions de la présidence portugaise, 2000.
37 Par sa construction fondée dès le départ sur le développement d’un marché commun entre États membres, l’UE a créé l’existence potentielle d’un double dumping (entre autres social) : un dumping intracommunautaire entre les États membres et un dumping extracommunautaire avec les autres États de la communauté internationale non membres de l’Union européenne.
38 Voir Gilles Sintes, La politique sociale de l’Union européenne, Bruxelles, Presses Interuniversitaires Européennes, 1996.
39 Voir Colin Hay, Matthew Watson et Daniel Wincott, « Globalisation, European Integration and the Persistence of European Social Models », Working paper 3/99, POLSIS, University of Birmingham, 1999 ; F. W. Scharpf, 2002; D. Vaughan-Whitehead, 2003.
40 Depuis les années 1990, l’expression de « modèle social européen » défini en termes de caractéristiques sociales communes aux États membres s’est ancrée dans le discours communautaire, notamment par les interventions des commissaires successifs de la DG Emploi et Affaires sociales.
41 Pour une revue des débats, voir M. Jepsen et A. Serrano Pascual, 2005.
42 Mateo Alaluf, « La compétition territoriale, nouvel avatar de la concurrence pour un dumping social permanent », L’Année sociale2004, Bruxelles, L’Institut de Sociologie, ULB, 2005, p. 153-154.
43 Vivien Schmidt, The Futures of European Capitalism, Oxford, Oxford University Press, 2002.
44 Voir G. Esping-Andersen, 1990; Maurizio Ferrera, « Modèles de solidarité, divergences, convergences: perspectives pour l’Europe », Swiss Political Science Review, vol. 2, no 1,1996, p. 55-72; Bernhard Ebbinghaus, « Does a European Social Model Exist and Can it Survive? », dans Gerhard Huemer, Michael Mesch et Franz Traxler (dir.), The Role of Employer Associations and Labour Unions in the EMU. Institutional Requirements for European Economic Policies, Aldershot, Ashgate, 1999, p. 1-26 ; F. W. Scharpf, 2002.
45 Si une région de la zone euro est frappée par un choc asymétrique, pour rééquilibrer cette situation, l’État membre qui subit ce choc ne peut pas compter sur un relâchement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne à sa seule intention, ni sur une solidarité européenne qui s’exprimerait par des transferts financiers communautaires (puisque actuellement il n’existe pas d’instruments à cet effet), ni même sur la mobilité géographique des travailleurs pour faire face à l’augmentation du chômage (des études ont prouvé la faible mobilité des travailleurs en UE). Il ne lui reste qu’une seule solution : diminuer le coût de l’emploi dans la région défavorisée pour bénéficier d’un avantage comparatif afin d’attirer chez lui les investissements étrangers.
46 Bob Jessop, The Future of the Capitalist State, Cambridge, Polity Press, 2002.
47 Wolfgang Streeck, « Competitive Solidarity: Rethinking the European Social Model », MPIfG Working Paper 99/8, Köln, Max-Planck-Institut für Gesellschaftsforschung, 1999.
48 Gilles Raveaud, « Economie politique de la Stratégie européenne pour l’emploi », Thèse de doctorat, Université de Nanterre, 2004.
49 Jonathan Zeitlin et Philippe Pochet avec Lars Magnusson (dir.), The Open Method of Co-ordination in Action: The European Employment and Social Inclusion Strategies, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2005.
Auteur
Aspirante du FNRS (Fonds national de la recherche scientifique) auprès de l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles où elle prépare une thèse de doctorat sur la difficile construction d’une solidarité sociale européenne.
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