Pratiques et stratégies pour un meilleur accès des femmes à la cité : considérations à partir du cas chilien
p. 317-334
Texte intégral
1Depuis une vingtaine d’années, le Chili est le cadre d’un débat sur la pertinence d’établir des mesures légales de discrimination positive afin de rétablir le déséquilibre existant entre les femmes et les hommes sur les listes électorales et dans les instances dirigeantes des partis politiques. En nous penchant sur ce contexte spécifique et sur le processus de construction d’un enjeu particulier – les quotas de genre en politique –, nous souhaiterions aborder la question de la promotion de l’accès des femmes à la cité, en examinant plus particulièrement les pratiques et les stratégies qui sont mises en œuvre par les différents acteurs attachés à la promotion de cet enjeu1. Bien que nous n’entrerons pas proprement dit dans le débat sur les quotas, nous exploiterons l’expérience du Chili afin de cerner trois types de pratiques et de stratégies. Cela nous aidera à discuter la pertinence de l’alternative entre autonomie et institutionnalisation, généralement mobilisée pour décrire les pratiques en faveur de l’émancipation des femmes et de l’égalité avec les hommes au Chili et en Amérique latine. En guise de conclusion, nous ébaucherons quelques pistes de réflexion quant aux éléments qui empêchent ou ralentissent la promotion d’un tel enjeu.
L’accès à la cité
2La reconnaissance formelle aux femmes des droits et des devoirs de citoyenneté (civils, politiques et sociaux) n’entraîne pas automatiquement leur pleine capacité à intervenir dans la gestion de la cité. Divers acteurs sociaux et politiques entendent parer à ce manquement de la démocratie en promouvant une meilleure inclusion des femmes dans la cité, en les encourageant à faire entendre leurs voix et à faire en sorte que ces voix comptent dans la gestion du « vivre-ensemble ». Young traduit cette dynamique d’intervention par la notion d’« inclusion politique » qui lui permet de dépasser la fausse opposition, selon elle, entre participation et représentation politique :
[A]ctive participation and political representation do not exclude one another, and sometimes even work together to produce policy outcomes. [...] The normative legitimacy of a democratic decision depends on the degree to which those affected by it have been included in the decision-making processes and have had the opportunity to influence the outcomes. Calls for inclusion arise from experiences of exclusion […]2.
3Siim préfère la notion d’agency qui attire mieux, selon elle, l’attention sur la capacité individuelle et collective des femmes (et de l’ensemble des individus) d’agir personnellement et politiquement sur la gestion de la cité :
[T]he notion of agency is a key to women’s active citizenship and refers both to individual actors and to the political influence of women’s collective agency. On the analytical level it is a way of connecting the different arenas of State, market and civil society and the different forms of participation, « from below » and « from above »3.
4En d’autres termes, la question de l’accès à la cité est relative à la double pratique de représentation et de participation politique des citoyens, vécue de manière individuelle ou collective, à travers l’espace politico-institutionnel ou celui de la société civile. La participation pourrait s’évaluer sur une échelle large brassant la participation purement symbolique, l’information, la consultation et « un véritable contrôle par en bas qui suppose [...] l’accès au processus de décision et le savoir-faire pour influencer ce processus4 ». La représentation politique pourrait quant à elle être définie comme « l’opération d’agrégation-conversion réciproque d’intérêts socio-économiques en intérêts politiques5 ».
5La promotion de l’accès à la cité peut donc être poursuivie à travers une multitude de comportements, d’actes, de logiques ou de formes d’action qui contribuent à améliorer l’une ou l’autre de ces facettes de la démocratie, et leur interaction, que nous résumerons grossièrement par les catégories « pratiques » et « stratégies » – la seconde mettant plus l’accent sur le caractère réfléchi ou intentionnel de la démarche. Ces pratiques et ces stratégies peuvent être menées du « dehors » de la cité ou du « dedans » puisqu’elles contribuent à déplacer les frontières d’exclusion tant externes (lorsqu’il s’agit d’un déni formel de citoyenneté et d’une exclusion formelle des processus de discussion et de décision politique) qu’internes (lorsque la citoyenneté est formellement reconnue tout en n’étant pas pleinement effective, par manque d’opportunités réelles d’influencer la gestion de la cité)6.
6Pour qu’une exclusion formelle ou effective soit renversée, il convient que cette exclusion soit reconnue, qu’elle soit formulée et qu’elle devienne un enjeu à travers un débat articulé entre des espaces « internes » (ou tout espace relativement limité quant à la diffusion de ses débats hors de ses murs), publics (impliquant l’opinion publique) et politiques. De fait, une question ne surgit pas d’elle-même : elle ne devient un enjeu qu’à la condition d’être rendue visible par des acteurs qui lui confèrent une légitimité et une relative urgence. La construction du débat autour d’un enjeu particulier correspond à cette mise en forme de la réalité. Nous nous pencherons sur les pratiques et les stratégies des acteurs révélées par le débat étudié – sans entrer toutefois dans le débat lui-même – en ayant à l’esprit le fait que ce processus de construction d’un enjeu n’est jamais linéaire ni clairement découpé en trois séquences (interne, publique et politique).
7S’il est tentant de vouloir établir un modèle présentant les différentes pratiques et stratégies, force est de constater que les modèles ne permettent pas de saisir les points de rupture, les transitions, les superpositions ou les sauts d’un type à l’autre. Le défi consiste non seulement à repérer ces diverses pratiques et stratégies, mais également à saisir les raisons de leur enchaînement, coexistence, succès ou échec. D’où la pertinence d’appréhender un objet à la lumière du contexte dans lequel il se développe et des capacités d’action des individus au sein de ce contexte.
Models, seen from the point of view of practice, do not represent these shifts and transitions. Further, models lack a historical dimension that can situate the evolution of organizing activities within particular contexts. The question is why certain approaches predominate in specific periods while other times others might co-exist and are less visible or play a reduced social and political role. [...] Here we enter into the complex interaction between the forces of the wider context to shape practice and the power of human agency to override outside pressure7.
8Tenir compte du contexte revient à tenir compte « des arrangements institutionnels, des règles et des conceptions qui balisent au jour le jour les décisions politiques et budgétaires des gouvernements, la définition des problèmes par l’État et par les citoyens et les exigences de ces derniers8 ». En insistant sur les « régimes de citoyenneté » définis de la sorte, Jenson souligne le fait que c’est l’interaction entre différents éléments structurels et conjoncturels, d’ordre politique, économique, socioculturel et autres, qui va contribuer à poser la limite entre ce qui aura légitimement accès à la cité et ce qui en sera exclu, dans le cadre d’un espace-temps national, international et infranational particulier.
9Le concept de « reconfiguration » vient renforcer cette idée d’interaction9. Les reconfigurations correspondent aux transformations et aux réorganisations vécues par des acteurs en interaction et, par extension, à celles de leurs pratiques et de leurs rapports réciproques. La reconfiguration de l’État porte sur ses réorganisations internes tant verticales, sur le plan de la décentralisation et de la construction régionale, qu’horizontales, sur le plan de la répartition des pouvoirs entre les instances politico-institutionnelles élues et non élues. Elle porte aussi sur les transformations des relations qui touchent au partage des compétences et des responsabilités entre l’État et les acteurs non étatiques (famille, monde associatif, marchés). Les acteurs de la société civile se reconfigurent également. S’ils développent leurs stratégies en réaction à l’État, ils possèdent également une capacité de proposition, d’innovation et de création de solutions de rechange énergiques face à ce qui leur est donné. Dans ce sens, ils peuvent contribuer à modifier les paysages politiques en matière de représentations et de discours sur ce qui a droit de cité ainsi que sur le plan de la redéfinition des frontières d’exclusion/d’inclusion politique10.
Le contexte chilien
10Le II mars 1990, la démocratie revenait formellement au Chili. Après 17 ans de dictature, la représentation parlementaire est rétablie comme principal canal de transmission des intérêts et des demandes de la population, et les partis politiques redeviennent les principaux acteurs du jeu politique. Si la transition démocratique a été l’œuvre d’une négociation entre certains acteurs politiques (tel le Parti démocrate-chrétien) et le gouvernement militaire, la contestation sociale n’est pas à négliger. Dès l’année 1983, de larges pans de la société civile investissent l’espace public afin de critiquer le régime en place, en raison de son autoritarisme et de la répression, mais aussi de son modèle économique ultra-libéral. Aux côtés des syndicats et des fédérations d’étudiants, le mouvement de femmes joue un rôle essentiel dans la contestation du régime et la revendication de la démocratie.
11Bien que des collectifs féministes voient le jour bien avant le coup d’État de 1973, c’est véritablement dans les années 1980 que les femmes gagnent en voix dans l’espace public. Leur sortie de la sphère privée s’articule dans une lutte contre la répression, contre la crise économique ou contre le patriarcat. Peu à peu, une partie des militantes va se professionnaliser, « s’ONGéiser » et s’organiser en réseau régional (par le biais des Rencontres féministes d’Amérique latine et des Caraïbes), grâce à l’appui des agences de coopération internationale. Parallèlement, d’autres vont devoir faire face à la « double militance » (en faveur des femmes et des partis politiques) et à ses contradictions (militer en faveur de l’émancipation et de l’égalité tout en acceptant la discrimination au sein des structures partisanes).
12Avec le retour à la démocratie, une partie des demandes du mouvement des femmes est prise en compte par le gouvernement, avec la création d’un ministère des Femmes (le Service national de la femme/SERNAM, 1991) et le développement de politiques publiques d’égalité des chances. Ce contexte de valorisation des institutions publiques dans la lutte pour l’émancipation des femmes – notamment dans le chef des Nations Unies et de la coopération internationale – induit également une reconnaissance du rôle d’expertise des ONG féminines/féministes en matière de condition féminine. En contrepartie, le mouvement des femmes perd en visibilité et en reconnaissance comme acteur social et politique.
13En conséquence, un secteur du mouvement des femmes va se radicaliser et former le mouvement féministe autonome – en relation avec des collectifs et mouvements radicaux d’autres pays latino-américains –, rejetant toute « compromission » avec les institutions dites patriarcales (à savoir les institutions politiques ou économiques, nationales ou internationales) et s’opposant aux militantes « institutionnelles » qui voient en l’État et ses institutions des interlocuteurs crédibles dans la lutte pour l’émancipation des femmes. La cristallisation de ces deux options contribue à fragiliser le mouvement des femmes, déjà ébranlé par la disparition de l’ennemi commun (la dictature) et par la politique du consensus qui règne au Chili (et qui voit d’un œil méfiant toute mobilisation sociale). Le refus par la plupart des associations de femmes d’avoir à choisir entre l’autonomie et l’institutionnalisation conduit à une diversification de la mobilisation en faveur des femmes, vue à l’aube du XXIe siècle comme une constellation d’associations, de collectifs, de forums et de réseaux, féminins ou féministes, aux étiquettes, projets, pratiques et stratégies multiples11.
14La revendication des quotas de genre en politique a émergé dans le cadre du débat sur la « double militance ». Au départ, c’est un enjeu porté par les féministes présentes dans les partis politiques. Progressivement, la question des quotas va rallier le monde associatif des femmes, quelques parlementaires, le SERNAM, les chercheurs, quelques journalistes et le président Lagos lui-même. Néanmoins, malgré le dépôt de trois propositions parlementaires en la matière (en 1997, 2002 et 2003), cet enjeu n’a pris de l’importance qu’avec la candidature de Michelle Bachelet à la présidence, dans la mesure où la présence et le rôle des femmes en politique ont occupé, malgré elle, le devant de sa campagne et de la contre-campagne. Très vite cependant, la question d’une législation en matière de quotas s’est vue conditionnée par celle d’une réforme du scrutin électoral, devenant dès lors, pour les secteurs progressistes, un des principaux enjeux de la prochaine législature12. Nous n’entrerons pas dans le détail de ce débat : nous examinerons plutôt les pratiques et les stratégies de promotion de l’enjeu des quotas.
Pratiques et stratégies pour un meilleur accès des femmes à la cité
15Trois catégories de pratiques et de stratégies ont été relevées dans le débat sur les quotas au Chili. Si on peut les concevoir dans un rapport dialectique comme trois étapes qui s’enchaînent et se dépassent, elles doivent aussi être envisagées comme trois options stratégiques simultanées (dans le sens où l’une ne supprime pas l’autre). Bien que formulées à partir d’un terrain particulier, ces conclusions pourraient être testées dans d’autres contextes et par rapport à d’autres enjeux.
Le militantisme à travers la mobilisation sociale
16Le choix de la dénomination de cette première stratégie s’avère délicat. En effet, lorsqu’on aborde les stratégies d’émancipation des femmes, en Amérique latine, c’est généralement le couple autonomie/institutionnalisation qui est utilisé pour décrire la réalité. L’autonomie est censée faire référence aux pratiques du mouvement des femmes et l’institutionnalisation aux pratiques menées à partir de l’espace politique formel. La réalité est cependant beaucoup plus complexe, même si nombre d’auteurs ont embrassé avec engouement cette alternative rigoureuse. Si nous souscrivons à l’idée d’institutionnalisation (en tant que construction des enjeux en politiques publiques), dans la mesure où elle fait largement consensus tant sur le terrain que dans les écrits théoriques, nous préférons ne pas lui opposer la stratégie d’autonomie du fait que cette notion a fort évolué au fil des mobilisations et présente dès lors plusieurs visages, pour finalement être (ré)investie et revendiquée par un secteur radical du mouvement féministe chilien (les féministes autoproclamées autonomes).
17Plusieurs notions pourraient décrire cette première stratégie : militantisme, mobilisation sociale, action collective, activisme, engagement, community organizing, etc.13. Notre choix se porte sur le militantisme, en vertu de l’autocatégorisation des individus engagés dans cette stratégie, qui se définissent comme « militants ». Nous limitons toutefois le militantisme à celui réalisé à travers la mobilisation sociale, et ce, afin de faire la distinction avec les actions menées au départ d’autres espaces (politique formel, académique, institutionnel international, etc.) parfois aussi envisagées dans le langage commun comme « militantes » (surtout en matière d’égalité des chances et de féminisme). La définition de l’organisation communautaire donnée par Rubin et Rubin aide à préciser cette stratégie :
Community organizing is a searchfor socialpower and an effort to combat perceived helplessness through learning that wbat appears personal is often political. [...] Community organizing creates a capacity for democracy and for sustained social change. [...] Community organizing means bringing people together to combat shared problems and to increase their say about decisions that affect their lives14.
18Le militantisme féminin/féministe se caractérise initialement par son autonomie par rapport aux partis politiques15. Il est rapidement le cadre d’un questionnement sur la « double militance » pour les femmes et les partis politiques. D’une part, du fait que ce qu’il reste des structures partisanes se trouve dans la clandestinité ou en exil, et qu’une partie de leurs militantes prolongent leur engagement au sein du mouvement des femmes. De l’autre, en vertu de la volonté de certaines de se détacher des clivages politiques traditionnels16. Paradoxalement, ce militantisme autonome par rapport aux acteurs politiques s’accommode de la tutelle des secteurs progressistes de l’Église catholique qui offrent leur protection à de nombreuses organisations de la société civile en opposition à la dictature.
19Le mouvement des femmes chiliennes se situe d’emblée dans une relation d’opposition à l’État, étant donné que l’État est alors celui de la dictature de Pinochet. Bien qu’il corresponde à une volonté de faire le lien entre le personnel et le politique, le militantisme est mené hors de l’espace politique formel et contre le pouvoir d’État. Notons néanmoins que cette caractéristique concerne de manière générale l’ensemble de la mobilisation des femmes à cette époque, à l’échelle internationale. Si, au départ, il s’agit d’une stratégie qui se veut détachée des appartenances partisanes, l’autonomie du militantisme va évoluer en trois tendances : une logique non partisane au sein de collectifs ou de rassemblements de femmes voulant dépasser les appartenances idéologiques ; une logique militante et partisane, avec le maintien ou le « retour » de certaines féministes dans les structures des partis (clandestins, en exil ou rétablis) qui continuent néanmoins leur engagement au sein de la mobilisation sociale ; et une logique autonome radicale qui va étendre son opposition aux partis politiques aux autres types d’institutions considérées comme les instruments du patriarcat (État, mais aussi bailleurs de fonds internationaux, ONG, etc.).
20Avec la perspective de l’élection d’un gouvernement civil, les partisanes de la « double militance » vont s’attacher à constituer une « masse critique » afin d’influencer les partis progressistes et de pousser les demandes des femmes dans leur programme gouvernemental. Dans un tel contexte, la position radicale des féministes « autonomes » s’aiguise en critiquant le jeu du lobbying politique par les « institutionnelles ». À l’aube du retour à la démocratie se précise donc l’alternative autonomie versus institutionnalisation qui va peser sur le devenir du mouvement des femmes au Chili dans les années 199017. Cependant, la majorité des organisations de femmes ne se retrouvent pas au sein de ce débat. En effet, seule une petite fraction d’associations défend l’autonomie radicale face à une fraction à peine plus nombreuse de féministes complètement intégrées dans les institutions. Disons que les organisations de femmes « ni... ni... » reposent sur une autonomie qu’on pourrait qualifier de « souple » ou d’« ouverte » : elles se considèrent autonomes dans l’élaboration de leur action tout en acceptant une interaction avec les institutions d’État ou internationales, mais sans être institutionnelles pour autant. Comment expliquer cela ?
21Jusqu’au milieu des années 1980 (voire un peu après), le mouvement des femmes au Chili se déploie dans des activités de mobilisation, de conscientisation, de formation et d’éducation. Le projet du militantisme dit « de base » est de rassembler le plus grand nombre dans une critique radicale de la situation en place et d’amener le changement social par la participation des personnes concernées par la réalité dénoncée. Toutefois, si le projet initial du militantisme des femmes des années 1970-1980 n’est pas de mobiliser l’État et d’obtenir l’inscription des enjeux à l’agenda politique, les activités de conscientisation, d’éducation au changement culturel et de formation contribuent néanmoins à former un nouvel acteur politique et à dégager un accès public et politique pour certaines revendications. Peu à peu, la position initiale d’opposition à l’État évolue vers une certaine ouverture aux institutions étatiques, car la perspective d’un retour à la démocratie est de plus en plus concrète dès 1986. Le retour à la démocratie va en outre modifier les perspectives de financement. En effet, les agences de la coopération internationale vont limiter, voire supprimer leurs fonds, car elles considèrent que c’est dorénavant à l’État démocratique de prendre le relais. Cependant, le gouvernement démocratique maintient le modèle économique néolibéral impulsé par Pinochet. L’État ne va donc pas subsidier pour autant les associations de la société civile : elles seront « appuyées » en échange de services ou d’expertise.
22Nombre d’organisations communautaires, de collectifs et autres groupes d’affinités vont donc se spécialiser et se professionnaliser afin de se convertir en ONG, soit par choix idéologique soit par tactique instrumentale et, ce faisant, vont passer du registre de la confrontation (non violente) et de la spontanéité à celui d’un partenariat fluctuant au gré des appels à projets de la part de l’administration publique et d’une organisation plus sophistiquée. Ce processus d’« ONGéisation » marque de manière générale les pratiques d’organisation communautaire et de militantisme développées dès les années 1960 de par le monde18. Enfin, le contexte international dessiné par les Nations Unies insiste de plus en plus sur la représentation politique, l’action directe et le rôle de l’État dans la poursuite de l’égalité entre hommes et femmes. Dans ce contexte, des militantes vont même faire le pari de porter leurs revendications au sein d’institutions réputées patriarcales, dont les institutions politiques. Avant de poursuivre sur la pratique du partenariat, examinons celle de l’institutionnalisation.
L’institutionnalisation
23Cette stratégie traduit la volonté d’intégrer, physiquement ou symboliquement, les structures de l’État afin de provoquer le changement en matière d’égalité de genre à partir de cet espace. Cela rejoint l’idée de la « politique de la présence19 » qui plaide pour une présence plus importance de femmes au sein de l’espace politique formel, de sorte à atteindre une « masse critique » suffisante pour pouvoir influencer, en tant que femmes ou féministes, la prise de décision et la gestion politique. Il s’agit donc d’une stratégie au départ et au sein de l’État, ce qui justifie le concept de « féminisme d’État » ou « institutionnel20 ».
24Au Chili, cela correspond à la constitution du SERNAM, à l’élaboration de politiques publiques d’égalité des chances (axées sur quatre priorités : famille, violence, participation économique et politique) et à la volonté d’intégrer une lecture de genre à toute la législation et l’action politique. Cette institutionnalisation s’est réalisée avec le soutien, voire l’aide directe des mouvements de femmes, puisque ces institutions sont le fruit de leurs revendications et qu’une partie des militantes s’y intégrera. Les rapports entre la majorité des militantes et l’État perdent leur dimension de conflictualité et l’État devient women friendly21.
25S’il s’agissait pour les militantes, au départ, d’un choix sur la meilleure façon de faire avancer les choses en matière d’égalité et d’émancipation, il apparaît que l’alternative entre la mobilisation autonome et l’institutionnalisation va au-delà d’une question de tactique. Elle révèle des stratégies reposant sur deux façons complètement distinctes de poser la question de l’émancipation des femmes. Selon Gargallo22, la stratégie d’institutionnalisation correspondrait à un « féminisme du possible » qui se base sur le principe d’égalité - et d’égalité des chances - entre les femmes et les hommes dans la participation à la collectivité et la représentation de leurs intérêts. Cette option se poserait implicitement sur le plan du « rattrapage » et reposerait dès lors sur le paradigme masculin de l’humanité. À l’inverse, la stratégie d’autonomie relèverait d’un « féminisme utopique » qui refuse de définir les femmes uniquement dans leur rapport inégalitaire aux hommes et se base sur l’identité en tant que femme et sur « l’entre-femmes » plutôt que sur les institutions. Si l’on est tenté de rapprocher ces catégories des féminismes « de l’égalité » et « de la différence » (avec toutes les critiques et les précautions qu’impose la mise en vis-à-vis de ces deux notions), il convient de noter qu’en Amérique latine, les concepts se voulant universels se heurtent inévitablement à l’hétérogénéité et à la complexité de sociétés marquées par la colonisation, l’évangélisation, le métissage, l’esclavagisme, la domination culturelle, la misogynie, voire la sexophobie, etc. Bien que ces catégories « importées » aient eu une certaine influence, leur confrontation avec les références locales, tels la théologie de la libération ou le contexte socioéconomique et ethnique, fait que les féministes latino-américaines cherchent leur identité à partir de leurs propres réalités, en composant et recomposant les catégories23. Dans ce sens, l’option radicale féministe que l’on aurait tendance à définir « en termes d’autonomie et d’utopie, c’est-à-dire, comme une lutte de femmes indépendantes des hommes, des partis, des États, des institutions internationales et des Églises, qui ait pour but l’éradication du système patriarcal raciste et capitaliste24 » se heurte à la complexité et à la diversité des contextes d’action des militantes. Si l’autonomie par rapport aux hommes et aux partis politiques se trouve bien au fondement de l’utopie, cela ne signifie pas toujours, cependant, un rejet absolu ou une critique totale des institutions. En cela, l’idée de « féminismes dissidents » devrait être préférée, pour toute l’Amérique latine, à celle de féminisme « radical » ou « autonome », ce qui laisserait de l’espace, entre les dénommées institutionnelles et les autoproclamées autonomes, aux autres voix féminines/féministes : lesbiennes, indiennes, afro-descendantes, éco-féministes, altermondialistes, etc.
26Dans la foulée de l’institutionnalisation « du féminisme », le processus de différenciation, de professionnalisation et de complexification du militantisme féminin/féministe se poursuit. Le mouvement des femmes des années 1980 fait place, dans les années 1990, à une diversification des pratiques et des identités féministes. À côté de la radicalisation ou dissidence de certaines positions, le renforcement d’une relation privilégiée entre les institutions et le monde associatif, et les transformations des contextes et des acteurs semblent ouvrir la voie à une troisième stratégie : la construction d’alliances intersectorielles qui hésitent encore, au Chili du moins, à se muer en partenariat véritable.
Partenariat et construction d’alliances intersectorielles
27La reconfiguration de l’État et du mouvement des femmes, mais aussi celle du cadre international et des modes de financement font que, désormais, les ONG nécessitent la reconnaissance et la légitimité de leur projet de la part des bailleurs de fonds pour pouvoir survivre. Leur action de mobilisation s’efface de plus en plus à côté de leurs nouvelles tâches d’expertise, de service et d’advocacy auprès des institutions politiques, qui leur permettent de se situer dans une relation de partenariat. Peu à peu, les ONG de femmes vont être obligées de [et vont s’obliger à] s’axer plus sur la professionnalisation et la spécialisation de leurs membres que sur la sensibilisation du reste des militantes. Ainsi, la représentation de l’ensemble des militantes par des expertes prend le pas sur la participation au sein d’une mobilisation massive. Le projet de changement social passe dorénavant par la satisfaction de certains besoins et intérêts immédiats. Et la critique du système se fait moins radicale face à la recherche du consensus avec les institutions. En définitive, militer au sein de la mobilisation « autonome » n’implique progressivement plus, pour la plupart des militantes, une situation de rejet total de l’espace politique, ni un refus d’interaction avec l’État. L’attention des groupes de militantes porte désormais plutôt sur la reconnaissance en tant que partenaire légitime et respecté. Nous devrions néanmoins affiner la différenciation en observant l’arrivée d’une « troisième génération d’associations » – aux côtés des collectifs « autonomes » et des ONG d’expertises et de services – qui entendent centrer leur action sur le contrôle social et une critique indépendante (tant positive que négative) de l’action des institutions (par exemple, l’examen attentif de l’élaboration des lois nationales ou la prise en compte des droits des femmes dans la justice internationale)25.
28Cette réalité de terrain confirme donc qu’une lecture de la promotion d’un meilleur accès des femmes à la cité uniquement sur les plans des conflits et du consensus, ou de l’autonomie et de l’institutionnalisation, n’est pas satisfaisante, car elle ne permet pas de situer les pratiques et les stratégies de la majorité des militantes, qui se positionnent entre les militantes autonomes et les féministes intégrées aux institutions. Il est plus intéressant d’appréhender la mobilisation sociale dans ses trois dimensions interne, inter et externe26. Les pratiques et stratégies « internes » d’une organisation militante ou d’un mouvement social sont celles qui sont construites à l’intérieur de cet espace et qui reposent essentiellement sur la consolidation d’un réseau, l’éducation au sens large et la mobilisation de masse. Les pratiques et stratégies « inter » sont celles qui cherchent à établir des liens avec d’autres formes de mobilisation sociale et de jeter des ponts entre les revendications portées par différents groupes militants. Enfin, les pratiques et stratégies « externes » représentent celles qui sont développées par rapport à l’extérieur du mouvement et visent notamment les acteurs politiques. Cette approche proposée par Dobrowolsky aide à concevoir une troisième catégorie découlant de la reconfiguration du militantisme au sein d’une mobilisation sociale face à l’institutionnalisation des pratiques pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui aide à nuancer les pratiques et les stratégies des organisations de la société civile qui pourraient paraître incohérentes ou contradictoires si l’on restait dans le registre du militantisme « autonome ». Notons que, si cette troisième tendance semble correspondre à la plupart des pratiques et stratégies menées en vue d’améliorer l’accès des femmes à la cité27, elle ne supprime ni le militantisme dans une mobilisation sociale autonome (radicale ou non) ni l’institutionnalisation.
29Face à la difficulté d’accès au débat public et politique de certaines thématiques (représentation politique, droits sexuels et reproductifs), et face à la faiblesse du monde associatif dans un partenariat inégal avec les institutions, c’est l’adage « l’union fait la force » qui semble être devenu la stratégie première afin d’augmenter l’influence dans la gestion de la cité28. C’est une stratégie qui correspond également mieux au visage du féminisme chilien postdictature, tel « un champ d’action expansif, polycentrique et hétérogène » fait d’une diversité d’individualités, de groupes, d’institutions et de réseaux thématiques ou géographiques, portant tous à leur façon le projet d’émancipation des femmes29.
30La capacité d’influencer la gestion du « vivre-ensemble » ne passe plus seulement par un travail d’éducation et de conscientisation ou par une intégration aux institutions politico-institutionnelles ; elle passe désormais aussi par la capacité d’établir des liens entre les différents secteurs. Cette stratégie ne s’axe donc pas sur une des deux modalités de l’inclusion politique, la participation ou la représentation, mais sur leur articulation complémentaire. Elle vise à construire des « alliances intersectorielles30 » entre des acteurs qui portent les mêmes revendications au sein d’espaces professionnels ou militants différents (les mondes associatif et politique, mais aussi les universités, la presse, les tribunaux, le corps médical, etc.). En d’autres termes, l’action intersectorielle rassemble « des ressources de divers secteurs d’activités, possédant des mandats complémentaires et des fonctionnements parfois différents, afin de mettre en place un plan d’action global pour résoudre un problème complexe31 ».
31Cette notion nous semble la plus pertinente face à la réalité du terrain chilien. D’autres concepts du même ordre ne répondent pas à nos attentes pour décrire et comprendre la situation chilienne, tels le « triangle de l’empowerment » mettant en relation les féministes, les fémocrates (fonctionnaires de l’égalité des chances) et les femmes politiques32 ou le « triangle de velours33 » reliant les féministes des mondes politique, académique et associatif34. Ces deux « triangles » évacuent les alliés non féministes, voire « non-femmes » des pratiques et stratégies pour un meilleur accès des femmes à la cité. Mazur quant à elle préconise bien l’alliance avec des acteurs non féministes (hommes ou femmes) dans l’élaboration d’une politique féministe35. Son écueil réside, selon nous, dans son maintien dans le registre du féminisme comme unique possibilité de promotion d’un enjeu en rapport avec les femmes. Or, au Chili, la mobilisation féministe (dans toute sa diversité) n’est qu’un des secteurs de la mobilisation des femmes des années 1980 (aux côtés des femmes des quartiers populaires et des défenseurs des droits humains) et actuelle (aux côtés de celles qui refusent ou n’ont pas conscience de l’« étiétiquette » féministe parmi les femmes de partis politiques ou de syndicats, les déléguées étudiantes, les altermondialistes, les queers, etc.).
32La notion de construction d’alliances intersectorielles permet de passer outre à ces insuffisances, en supposant l’idée que l’avancée vers la pleine liberté et égalité des femmes et des hommes n’est pas le fait d’un seul acteur (mobilisation ou institutions), ni d’un seul groupe d’acteurs (les féministes de l’un ou l’autre espace). Sur le terrain, cette stratégie s’est incarnée, par exemple, dans la pratique des « tables technicopolitiques intersectorielles » lancées par une association féministe (Instituto de la Mujer) qui mène un lobbying pour les quotas auprès des acteurs susceptibles d’intervenir dans les débats publics et politiques (parlementaires, scientifiques, journalistes, militants, etc.).
33Au Chili, les relations entre l’État et le monde associatif se basent aujourd’hui essentiellement sur des formes de collaborations ponctuelles et peu formelles, par le biais de recherches ou activités co-organisées ou financées par les institutions publiques. L’intersectorialité est de mise sur certaines questions, mais relève plus des réseaux informels et privés que d’une volonté de formaliser les collaborations entre les secteurs. Les blocages au développement d’une relation plus formelle de concertation, voire de partenariat solide entre l’État et le monde associatif féminin/féministe proviennent de plusieurs éléments : faiblesse de la société civile autonome, manque de visibilité et de reconnaissance par l’État, les médias et la société, méfiance réciproque, suspicion de récupération de la mobilisation des femmes par l’État, manque de moyens, etc. Ces éléments constituent autant de difficultés à entrer dans une collaboration formelle faite de respect, de confiance et de reconnaissance mutuelle, comme partenaires égaux se partageant le pouvoir et les responsabilités.
34L’apparition et la reconfiguration de ces trois catégories de pratiques et de stratégies s’expliquent par le mélange de ruptures et de continuités qui ont caractérisé le terrain chilien depuis une trentaine d’années. Du point de vue socioéconomique, c’est la continuité qui prime : les transformations politiques se sont faites dans un cadre néolibéral maintenu, voire approfondi. Cela s’est traduit par un désengagement de l’État sur le plan du social et par un partage accru des responsabilités avec le marché, les associations ou les familles. En ce qui concerne le monde associatif, le retour à la démocratie a signifié la fin ou, du moins, la réduction du financement de la coopération internationale, ce qui a « motivé » ou obligé les associations de femmes à se tourner vers d’autres bailleurs de fonds. Cependant, l’accent mis sur cette complémentarité entre l’État et la société civile par le gouvernement Lagos (2000-2006) et par la candidate présidentielle de centre gauche Bachelet, mais également par Pinera, le candidat des libéraux et des conservateurs, indique que le Chili d’aujourd’hui s’éloigne de plus en plus du Chili néolibéral laissé par Pinochet... sans pour autant revenir en arrière. Des concepts tels que la « responsabilité sociale des entreprises », invitant les entreprises à financer en partie le monde associatif, ouvrent la voie à un dépassement du néolibéralisme implanté par les Chicago Boys.
35Le niveau politique est marqué par la rupture. Pendant les années de dictature, la société civile et la contestation sociale sont fortes, mais dans un contexte de répression et d’interdiction de l’activité partisane. Avec le retour de la démocratie, c’est une nouvelle logique politique qui s’installe et s’impose aux mondes politique et associatif : celle du consensus et de la neutralisation des différences et du conflit, par volonté de dépasser les pratiques anciennes et, jusqu’à l’arrestation de Pinochet à Londres (en 1998), par peur d’un retour en arrière. En outre, la prééminence des partis sur les autres acteurs sociopolitiques et le manque d’autonomie du SERNAM alimentent les difficultés d’accès à la cité de certaines revendications en rapport avec la condition féminine ou les rapports de genre.
36Toutefois, ces difficultés à interpeller l’opinion publique ne s’expliquent pas tant par la faiblesse des secteurs progressistes que par l’alliance des secteurs conservateurs présents dans les assemblées politiques, l’Église catholique, le monde des entreprises et la presse, et leur capacité à verrouiller le débat. Le rôle de l’Église catholique dans la configuration de cette alliance est à relever, dans la mesure où elle renforce les traits culturels marianistes et machistes véhiculés par la culture métisse36.
37Dès lors, la répercussion des discours des associations progressistes féminines et féministes sur l’opinion publique est largement inférieure à l’écho fait aux discours des partis politiques de tous bords, des pouvoirs publics et des secteurs religieux. Les négociations symboliques relatives aux identités et aux rôles sexués sont donc inscrites au sein de rapports de pouvoir marqués par la propriété (ou non) des moyens de communication et par des négociations politico-économiques, dans un contexte de désarticulation de la participation citoyenne et des mouvements sociaux. Ces questions mériteraient un examen approfondi, car, s’il est pertinent de comprendre comment l’enjeu d’un meilleur accès des femmes à la cité est porté, il s’avère probablement encore plus intéressant (scientifiquement ou politiquement parlant) de saisir comment cet enjeu est décrié, bloqué ou rendu invisible.
Notes de bas de page
1 Traiter de la catégorie « femmes » revient à supposer qu’il existe une perspective sociale surdéterminée par l’appartenance au genre féminin. Le danger collatéral de l’usage de cette catégorie générique est de se limiter à une identité unidimensionnelle des « femmes », laissant de côté des appartenances ethnico-raciales, socioéconomiques ou liées à la sexualité, à l’éducation, à l’âge, etc. Un double mouvement réducteur transforme ainsi « les femmes » en « La Femme », et cette dernière en « une femme » blanche jouissant d’un certain niveau d’éducation et de ressources financières, hétérosexuelle et, généralement, progressiste. Déconstruire la figure du citoyen « neutre et universel » implique non seulement de considérer les rapports de pouvoir entre les genres mais aussi d’envisager ces rapports dans leur intersection avec d’autres inégalités.
2 Iris Marion Young, Inclusion and Democracy, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 3-6.
3 Birte Siim, Gender and Citizenship. Politics and Agency in France, Britain and Denmark, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 4.
4 Sherry Arnstein, citée dans Jacques Donzelot et Catherine Mével, « La participation : entre construction d’un pouvoir et accomplissement d’un devoir. Les corporations de développement communautaire et le développement social urbain », Lien social et Politiques, no 48, automne 2002, p. 81-93, à la p. 86.
5 Bruno Théret, cité dans Pascale Dufour, « Transformations récentes des démocraties occidentales : de quoi parlons-nous ? Pour une approche intégrée et comparée », présentation au Colloque annuel de la Société québécoise de science politique, Montréal, Université de Montréal, 26-28 mai 2004, p. 1-40, en ligne : <http://www.unites.uqam.ca/sqsp/pdf/con-gresAnn/congres2004_dufour.pdf> (page consultée le 5 octobre 2006), p. 20.
6 I. M. Young, 2000, p. 55.
7 Éric Shragge, Activism and Social Change, Peterborough, Broadview, 2003, p. 72.
8 Jane Jenson, « Le nouveau régime de citoyenneté du Canada : investir dans l’enfance », Lien social et Politiques, no 44, automne 2000, p. 11.
9 Lee Ann Banaszak, Karen Beckwith et Dieter Rucht (dir.), Women’s Movements Facing the ReconfiguredState, New York, Cambridge University Press, 2003.
10 Alexandra Dobrowolsky, « Shifting States. Women’s constitutional organizing across time and space », dans L. A. Banaszak, K. Beckwith et D. Rucht (dir.), 2003, p. 114-140.
11 Sonia Álvarez, « Los feminismos latinoamericanos se globalizan en los noventa : retos para un nuevo milenio », dans Maria Luisa Tarrés (dir.), Género y cultura en América latina. Cultura y participación politica, vol. I, Mexico, El Colegio de México, 1998, p. 89-133 ; Teresa Valdés, De lo social a lo politico. La action de las mujeres latinoamericanas, Santiago, LOM, 2000 ; Bérengère Marques-Pereira et Sophie Stoffel, « Féminismes d’Amérique latine », dans Éliane Gubin et al. (dir.), Le siècle des féminismes, Paris, L’Atelier, 2004, p. 399-409 ; Marcela RÍOS, Lorena Godoy et Elizabeth Guerrero, Un nuevo silencio feminista ? La transformation de un movimiento social en el Chileposdictadura, Santiago, Centro de Estudios de la Mujer / Cuarto Propio, 2003.
12 Pour preuve, le séminaire organisé par le SERNAM sur « une future réforme du système électoral et la représentation politique des femmes » (décembre 2005), réunissant des experts issus des mondes universitaire, politique et associatif, chiliens et étrangers, confirme la réorientation des demandes des femmes en matière de représentation politique – ou, du moins, la subordination du projet de loi des quotas à une transformation du modèle électoral. Pour les développements de ce débat, voir Sophie Stoffel, « Le débat chilien sur la représentation politique des femmes et sur le projet d’une “loi des quotas” », dans Bérengère Marques-Pereira et Sophie Stoffel (dir.), Représentation politique des femmes au Chili, Paris, Groupe d’Études latino-américaines – Institut de Sociologie/L’Harmattan, Cahiers du GELA-IS, no 5, 2005, p. 21-49.
13 Érik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, Repères, no 207, 2002 ; E. Shragge, 2003.
14 Herbert Rubin et Irene Rubin, cités dans E. Shragge, 2003, p. 41.
15 Remarquons que le militantisme en faveur de l’accès des femmes à la cité peut également être mixte.
16 Lisa Baldéz, « Nonpartisanship as a political strategy », dans Victoria González et Karen Kampwirth (dit.), Radical Women in Latin America. Left and Right, University Park, PA, Penn State University Press, 2001, p. 273-297.
17 Les années 1994-1996 vont creuser les différences jusqu’à cristalliser la rupture. Les réunions préparatoires à la IVe Conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 1995 et les Rencontres féministes d’Amérique latine et des Caraïbes de 1993 (Salvador) et de 1996 (Chili) sont le théâtre de débats houleux et de conflits personnels entre féministes de tous bords.
18 E. Shragge, 2003.
19 Anne Phillips, The Politics of Presence, Oxford, Oxford University Press, 1995.
20 Sophie Watson (dir.), Playing the State, Londres, Verso, 1990; Dorothy Stetson et Amy Mazur, Comparative State Feminism, Londres, Sage, 1995; Vicky Randall et Georgina Waylen (dir.), Gender, Politics and the State, Londres, Routledge, 1998; Amy G. Mazur, Theorizing Feminist Policy, New York, Oxford University Press, 2002.
21 Susan Franceschet, Women and Politics in Chile, Londres, Lynne Rienner, 2005.
22 Francesca Gargallo, Ideas feministas latinoamericanas, Mexico, Universidad de la Ciudad de México, 2004.
23 F. Gargallo, 2004.
24 Ochy Curiel, Sabine Masson et Jules Falquet, « Féminismes dissidents en Amérique latine et aux Caraïbes », Nouvelles Questions Féministes, vol. 24, no 2, 2005, p. 6.
25 Comme nous le suggérait Lorena Fries, la présidente de l’association Humanas (interview par l’auteure, Santiago, 22 novembre 2005).
26 A. Dobrowolsky, 2003.
27 Ce qui n’est pas le cas d’autres thématiques telles que la violence de genre, fort portée par le SERNAM et les institutions politiques (lois de 1994 et 2005 sur la violence intrafamiliale), ou les droits sexuels et reproductifs, et ce, malgré le dépôt d’une proposition parlementaire en la matière (issue d’un forum de la société civile en 2000) et le lancement houleux par le ministère de la Santé d’une campagne de prévention du sida. En 2005, qui ne se contentait pas d’appeler à l’usage du préservatif mais invitait à plus de dialogue et d’écoute en matière de sexualité, en mettant en scène des personnes de tout âge et de toute option sexuelle affirmant : « Face au sida, je choisis ma position. »
28 d’idéalisation ou de naïveté ici : l’action politique et sociale des Chiliennes reste marquée par des ruptures, des incompréhensions ou des difficultés à se reconnaître, à s’accepter et à se réunir, ce qui pourrait être envisagé comme une conséquence « parasite » de l’étendard « le personnel est politique » ou comme une confusion, parfois, entre l’identité « comme personne » des militantes et leurs fonctions au sein des institutions.
29 S. Álvarez, 1998, p. 93.
30 Béatrice Haalsa, « A strategic partnership for women’s policies in Norway », dans Geertje Lycklma à Nijeholt, Virginia Vargas et Saskia Wieringa (dir.), Women’s Movements and Public Policy in Europe, Latin America and the Caribbean, New York, Garland, 1998, p. 167-189; E. Shragge, 2003.
31 Francine Ouellet, Marguerite Paiement et Pierre Tremblay, cités dans Jean-François René et Lise Gervais, « Les enjeux du partenariat aujourd’hui », Nouvelles pratiques sociales, vol. 14, no 1, juin 2001, p. 20-30, à la p. 22.
32 Virginia Vargas et Saskia Wieringa, « The triangle of empowerment », dans G. Lycklma à Nijeholt, V. Vargas et S. Wieringa (dir.), 1998, p. 3-23.
33 « The velvet refers to the fact that almost all of the players are female in a predominantly male environment. The softness offers considerable vagueness about inputs and loyalties. The poles of the triangle are held down by feminist bureaucrats and politicians ([...] labelled as “femocrats”), trusted academics, and formally organized voices in the women’s movement. » Alison Woodward, « The MacDonaldization of the international women’s movement: bad aspects of good practices », Actes du colloque Études féministes en Belgique – 1997/2000, Bruxelles, Sophia, décembre 2000, p. 385.
34 A. Woodward, 2000.
35 « In order for feminist policy to be formulated, non-feminist decision makers [...] had to provide some level of support to feminist ideas and feminist policy proposals. Non-feminist allies included women and men who were outside feminist advocacy coalitions », A. Mazur, 2002, p. 191.
36 La rencontre forcée entre les cultures précolombiennes (valorisant la terre-mère), la conquête espagnole et l’évangélisation (prônant le culte de la Vierge Marie) aurait débouché sur le marianisme, ou la survalorisation de la « femme mère », ce qui aurait, à son tour, donné naissance au machisme et aux rôles sexués toujours en vigueur, Sonia Montecino, Madres y huachos. Algorías del me stizaje chileno, Santiago, Editorial Sudamerica, 2001.
Auteur
Assistante à l’Université libre de Bruxelles. Elle est doctorante en sciences politiques au Centre de sociologie politique et membre du Groupe d’études latino-américaines de l’Institut de sociologie. Sa recherche doctorale porte sur le féminisme d’Etat au Chili.
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