Politique incitative de féminisation du politique au Québec : un paradoxe dans un contexte sociétal féministe ?
p. 293-315
Texte intégral
1De nos jours, dans un grand nombre de pays, des instruments sont inventés pour féminiser les espaces de prise de décision politique : quotas dans les partis politiques, fondations pour financer les campagnes électorales des femmes, dispositifs législatifs, etc., qui s’inscrivent dans une politique mondiale d’équilibrage de la dimension participative de l’accès des femmes à la citoyenneté1. Dans ce contexte, le Québec s’est doté, en 1999, d’un programme, appelé À égalité pour décider, qui finance des projets de « sensibilisation, d’information et de formation visant à inciter les femmes à se porter candidates ». Ce programme représente la seule véritable « politique » concernant la féminisation de la prise de décision au Québec, mise en avant par le gouvernement dans son rapport pour la Conférence mondiale de Beijing + 10 en 20052. Il est adossé à la politique régionale de condition féminine et représente un million de dollars par an sur cinq ans, reconduit en 2004 et bonifié pour intégrer les projets spécifiques pour les femmes autochtones. C’est la première fois que le Secrétariat à la condition féminine gère un aussi gros budget, car, du fait qu’il constitue une structure transversale aux divers ministères, aucun domaine ne lui est attribué en propre. La question de l’accès des femmes à la citoyenneté semble donc constituer une question « transversale » et importante pour le gouvernement du Québec.
2Toutefois, cette politique présume les femmes désintéressées de la vie politique et insuffisamment outillées, intellectuellement et psychologiquement, pour faire face à cet univers, présenté comme un milieu professionnel et non comme un espace démocratique d’exercice de la citoyenneté. Le programme repose sur un présupposé libéral, celui de l’ouverture du monde politique aux femmes, toutes choses égales par ailleurs, comme si au Québec n’existait aucune barrière d’ordre systémique. En outre, il ne répond à aucune demande pressante du mouvement des femmes. Ces deux caractéristiques peuvent paraître fort paradoxales dans le contexte québécois, étant donné la prégnance du féminisme dans les pratiques politiques et l’existence d’études faisant état des obstacles systémiques et culturels à la féminisation du politique. Nous allons donc dans un premier temps voir en quoi cette politique peut être qualifiée de libérale, et dans un deuxième temps tenter d’expliquer, à travers le concept de régime de représentation politique, son apparition dans le contexte québécois et son implication pour le régime de citoyenneté des Québécoises.
La politique québécoise de féminisation du politique
3Cette politique présente plusieurs caractéristiques qui nous permettent de la qualifier de libérale, c’est-à-dire qui repose sur un présupposé de liberté individuelle sans tenir compte des rapports sociaux ni de l’environnement institutionnel, culturel ou historique, ce qui ne permet pas de questionner la construction sociale des identités traditionnelles liées au sexe. Il s’agit en particulier de sa dimension incitative et évolutive, qui attribue aux femmes la responsabilité de leur rareté dans le système politique, et du renforcement des représentations traditionnelles du féminin et du masculin dans les discours qui légitiment ce programme.
Une politique incitative et évolutive
4Le programme À égalité pour décider relève d’une politique incitative, des associations étant appelées à proposer des projets « d’activités de sensibilisation, d’information et de formation visant à inciter les femmes à se porter candidates », « de la constitution de banques de candidatures, de la mise sur pied de réseaux, de la production et de la diffusion d’outils de promotion3 ». Par exemple, en vue des élections municipales de novembre 2005, la Table de concertation du Bas-Saint-Laurent organise un colloque intitulé « Femmes et pouvoir municipal » ; le Comité de condition féminine de la Baie James met en place un service de « mentorat » et de soutien individuel ; la Table de concertation de la Gaspésie constitue une banque de 200 candidates intéressées et produit un « coffre à outils » avec un guide de la candidate4.
5Il n’y a guère d’obligations de résultats concrets, mais les taux d’insertion des participantes peuvent compter pour un renouvellement du financement. De ce fait, certains organismes, constatant l’importance de l’environnement politique, se sont mis à instaurer des relations avec les décideurs locaux, par exemple le Réseau des groupes de femmes Cbaudière-Appalaches, qui prévoit d’envoyer des lettres aux municipalités, et d’organiser des rencontres dans des conseils de maires. Mais d’une manière générale, l’axe « sensibilisation des institutions » du programme demeure peu abordé par les groupes, qui s’adressent surtout aux femmes. Toutefois, l’ensemble des acteurs sociaux peut être touché par leurs activités, étant donné que de plus en plus d’organismes ciblent les médias comme intermédiaires et organisent des conférences de presse ou payent des pages publicitaires. En 2005, le Réseau des femmes des Laurentides prévoyait même la production de six émissions de télévision sur le thème « Avez-vous le profil ? », puis de sept émissions autour de femmes politiques de la région5 De même, la Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec prévoit cinq émissions sur la place des femmes dans le monde municipal. Ces activités, imaginées pour répondre à l’exigence de diversification des projets soumis au Secrétariat, peuvent alors toucher des publics plus larges que ceux ciblés par le programme et inciter aussi l’électorat à faire confiance aux femmes politiques.
6En outre, cette politique de féminisation est présentée comme pouvant être évolutive. En raison de l’inscription du programme dans la politique régionale, la liste des instances visées est limitée au niveau local : municipalités, Conseils régionaux de développement (CRD), commissions scolaires, conseils d’administration régionaux, etc. Parmi ces instances, le palier municipal est considéré comme prioritaire « en raison de “l’effet domino” qu’il comporte par rapport aux autres instances6 », comme s’il fallait que les femmes s’habituent à cet univers politique de proximité avant d’accéder à des charges plus élevées. En réalité, ce postulat n’est pas vérifié dans le cas québécois où le palier provincial est un peu plus féminisé que les conseils municipaux (25 % de femmes députées en 1998, 30,4 % en 2003 contre 22 % de conseillères municipales en 1998 et 24,5 % en 2003). Cette dimension localisée du programme relève surtout de son inscription dans la politique de régionalisation plutôt que dans une approche plus globale de la question de la citoyenneté des femmes.
7On ne peut pas encore statuer correctement sur les résultats de cette politique, car elle n’a que cinq ans d’âge, mais elle n’obtient pas des résultats impressionnants : les taux de féminisation des municipalités du Québec poursuivent leur lente ascension (cf. Tableau 1). En comparaison, la loi française sur la parité de juin 2000, même si les bilans sont mitigés pour les élections législatives et pour l’accès des femmes aux postes de responsabilité (maires, premiers adjoints, présidents de région)7 a permis un bond quantitatif au-dessus de 40 % du nombre de conseillères municipales, de conseillères régionales et de députées européennes élues à la proportionnelle (scrutins de liste).
8Toutefois, au Québec, la loi de 2001 sur les fusions municipales aurait dû précipiter une chute des taux de féminisation de ces assemblées, le nombre de postes de conseillères et de maires se raréfiant8 Or, comme le montrent les chiffres, ces taux ne sont pas transformés et les résultats des élections municipales de novembre 2001 confirment moins les craintes du Conseil du statut de la femme (CSF) que l’optimisme de la ministre Louise Harel qui, malgré son intérêt manifesté pour des mesures coercitives « si les partis ne font pas l’effort de chercher plus d’équilibre9 », n’a pourtant rien inscrit dans la loi sur les fusions municipales qui pourrait favoriser la parité et accélérer un processus de féminisation caractérisé par sa lenteur10 De fait, cette approche évolutive de la question, dans le programme À égalité pour décider, relève d’une autre philosophie que celle qui dénonce les obstacles à la candidature des femmes dressés par les partis politiques ou par les élus en place.
TABLEAU 1. Pourcentage de mairesses et de conseillères municipales au Québec (1998-2003)
mairesses | conseillères | |
1998 | 10,1 % | 22,0 % |
2000 | 10,4 % | 23,1 % |
2001 | 10,7 % | 23,8 % |
2003 | 11,6 % | 24,5 % |
Sources : Ministère des Affaires municipales, « Mairesses et maires, Conseillères et conseillers. Statistiques sur la représentation des femmes et des hommes aux instances électives municipales, 2001 », Site du ministère des Affaires municipales du Québec, statistiques, <http://www.mamm.gouv.qc.ca/pdf_mamm/legi/democratie/statistiques_200i.pdf>, page consultée le 15 mars 2005, et Secrétariat à la Condition féminine, « Les femmes et la prise de décision », Site du Secrétariat à la condition féminine, les fiches de Beijing +10, <http://www.scf.gouv.qc.ca/publications/Beijing_index.asp> (page consultée le 5 octobre 2006)
Un discours libéral
9Nous trouvons plusieurs indicateurs de la philosophie libérale qui sous-tend ce programme dans les discours tenus à son propos et lors des rencontres organisées par le Secrétariat à la condition féminine : le ceteris paribus au fondement du programme, l’accent sur l’individu et ses handicaps personnels, la notion d’égalité formelle avec l’idée d’adaptation à un modèle de pouvoir défini comme nécessairement masculin11.
10Tout d’abord, ce programme repose sur une explication du problème de la féminisation du politique par le désengagement des femmes envers la prise de décision, une analyse qui stipule, toutes choses égales par ailleurs, qu’il suffirait aux femmes de se motiver pour participer. Les deux membres du Cabinet de la ministre responsable de la Condition féminine en 2001, Linda Goupil, que nous avons rencontrées, attribuent l’entière responsabilité du problème aux difficultés personnelles d’empowerment des femmes, ainsi que le souligne clairement l’une d’entre elles :
Je pense que c’est l’essentiel du message que le gouvernement tente de passer, que dans le fond les femmes reconnaissent elles-mêmes quelles peuvent le faire, parce que nous on peut mettre des outils en place comme le programme pour justement les sensibiliser, les inciter, mais c’est sûr qu’il y a une reconnaissance personnelle, donc ça doit venir d’elles-mêmes12.
11En outre, le principal obstacle qui est pris en considération est l’environnement familial. Il faut « leur donner des outils pour justement concilier la famille, le travail et l’implication13 ». Réunies lors d’un colloque intitulé « À égalité pour décider, de la suite dans les idées », organisé le 7 avril 2001, des participantes aux formations soutiennent l’idée qu elles rencontrent avant tout des obstacles personnels14. Ainsi, certaines associations développent les notions de mentorat et de coaching, des modèles individualisés d’intégration :
Parce que souvent la priorité numéro un de la femme, c’est la famille, alors elles hésitent, ayant peur d’être obligées de délaisser la famille. Donc au niveau du programme, la sensibilisation, c’est montrer que, oui c’est possible, parce qu’il y a des femmes qui sont en vie, qui étaient mères de X enfants qui ont dit : « Bon bien, en acceptant peut-être qu’il y ait plus de poussière sur les murs ou ses meubles, c’est faisable ! » C’est un peu du mentorat, d’ailleurs il y a plusieurs projets qui parlent de mentorat. Parce que les femmes ont besoin aussi de voir des modèles qui ont su concilier ça15.
12Comme le montre cet extrait, l’environnement familial, le seul pris en considération, est de surcroît limité à la gestion des tâches ménagères et familiales, sans évocation du partage des tâches avec le conjoint.
13Dans cette perspective, l’enjeu des formations est d’adapter les femmes au système, de leur expliquer ses mécanismes et ses contraintes, pour quelles s’y plient. De ce fait, le modèle masculin de pouvoir est préservé, ainsi que le confirme la réflexion suivante d’une responsable de la mise en œuvre d’un projet À égalité pour décider pour le Réseau des femmes des Laurentides :
Donc dans le plan de formation du printemps 2000, il y avait une formation sur la dynamique du pouvoir dans une organisation. Qu’est-ce qui fait qu’une personne dans une organisation ait du pouvoir, comment l’exercer de manière constructive, étudier concrètement les jeux de pouvoir au sein d’une organisation, tout ça se traite en formation. Et par la suite, je pense qu’on va innover à ce niveau-là [...] On va les former à se réseauter, et on va aussi les informer sur l’éthique du golf. Et on va faire la même chose pour comment s’incorporer dans un cinq à sept ? Quand est-ce qu’on donne sa carte d’affaires ? Comment on engage la conversation avec quelqu’un qui n’est pas de notre milieu16 ?
14De même, lors du colloque d’avril 2001, les constats dressés sur l’exercice du pouvoir confirment cette vision, « le pouvoir n’est pas fait pour tout le monde », « l’exercice du pouvoir, c’est dur », « il faut cultiver des attentes réalistes », « apprendre à assumer son pouvoir17 ». Il n’y a aucune réflexion sur les contraintes du système et les améliorations que les femmes pourraient apporter, ni aucune référence à d’autres conceptions du pouvoir comme celles que les collectives de femmes ont développé dans les années 1980-199018, ni même l’idée, que l’on trouve dans plusieurs recherches québécoises, de la différence entre le pouvoir sur et le pouvoir de19…
15De surcroît, selon une autre conseillère de Linda Goupil, il ne faudrait plus que les femmes se sentent obligées de représenter les intérêts des femmes, ce qui, dans ce discours, semblerait représenter un obstacle à leur engagement :
Je pense que, quand un homme se présente, il ne représente pas les hommes en général, il représente un homme parmi les hommes. Je pense que pour les femmes c’est la même chose, et c’est d’ailleurs peut-être souvent ce qui fait peur aux femmes, c’est d’avoir l’impression d’avoir à représenter les femmes mais ce n’est qu’une femme parmi les femmes. Parce que, effectivement, les femmes sont, si on parle entre autres en politique, sont souvent très durement jugées. Parce que la population leur prête l’ensemble de la représentativité des femmes ! Ce qu’on ne demande pas à un homme20 !
16Ainsi, non seulement cette responsable ne manifeste aucune conscience féministe, mais encore les questions liées au genre ne sont pas considérées d’intérêt général.
17Enfin, soulignons qu’il n’y a aucun contrôle prévu sur les contenus pédagogiques, les critères étant la pertinence et le caractère novateur du projet, la qualité (rigueur, réalisme), l’impact, le partenariat de financement, la crédibilité de l’organisme21 Les organismes participants sont relativement variés. À côté de centres de femmes et de tables régionales de concertation, on trouve également des organismes nouvellement créés, comme Femmes, Politique et Démocratie (1998), ou du secteur économique, comme la Chambre de commerce de Montréal. Celle-ci, dans sa plaquette La représentation équitable des femmes dans les conseils d’administration des entreprises et des institutions (2001), présente l’enjeu sur le plan de la « reconnaissance » du niveau d’études atteint par les femmes et de leur potentiel de travail, et de « question de modernité ». Les entreprises sont appelées à faciliter l’accès des femmes aux tribunes et aux réseaux, la Chambre s’engageant à favoriser le réseautage des femmes entre elles, à les « préparer à remplir une fonction d’administratrice » et à les mettre en contact avec les entreprises à la recherche de candidates. L’ensemble du projet repose sur le présupposé que les hommes, qui occupent 93,3 % des postes d’administrateurs des entreprises publiques québécoises, n’accueillent pas de femmes dans leurs conseils par méconnaissance de ces dernières. Il suffirait de les faire se rencontrer...
18Pour résumer, ce programme, qui constitue la seule politique québécoise au titre de l’accès des femmes à la prise de décision politique et représente un budget important, relève d’une politique purement incitative, qui repose sur des présupposés typiquement libéraux comme la neutralité de l’environnement politique, le modèle masculin du pouvoir et sur une image encore traditionnelle qui ne remet pas en question la répartition des activités ménagères et éducatives dans la famille. La première question qui se pose concerne donc la validité de cette analyse selon laquelle au Québec, en particulier, ce seraient les femmes qui refuseraient de s’engager en politique, et les hommes qui, motivés, peineraient à trouver des candidates. Puis, nous avons cherché à comprendre plus précisément l’apparition d’un tel programme, qui n’a rien de très féministe dans ses prémisses, alors qu’il est implanté dans un espace politique où le féminisme est réputé avoir imprégné les mentalités et les modes de gouvernance22.
Les paradoxes de cette politique
19Cette politique de féminisation du politique de type libéral au Québec présente quatre paradoxes principaux, d’ordre analytique, institutionnel, culturel et théorique, ce qui n’exclut pas qu’il y en ait d’autres.
Un paradoxe analytique
20Le programme part du présupposé selon lequel, malgré un milieu politique ouvert à leur participation, les Québécoises refuseraient de s’engager plus nombreuses. En nous interrogeant sur la validité de cette analyse, nous avons constaté qu’elle repose sur le discours des hommes politiques plutôt que sur des recherches empiriques. En effet, dès le début des années 1980, le Parti québécois (PQ) et le Parti libéral du Québec (PLQ) s’engagent dans des efforts de féminisation des candidatures, une démarche qui trouve ses origines dans les pressions des femmes à l’intérieur des partis23. Ainsi, pour les élections de 2002, Violette Trépanier, responsable du recrutement au PLQ, nous confirme l’intérêt de son parti pour les candidatures féminines24. Élus en avril 2003, les Libéraux du Québec comptent 28,9 % de femmes parmi leurs députés et l’Assemblée nationale, 30,4 % de femmes. Ces chiffres, qui ont suivi une lente ascension depuis 1976, sont tout à fait remarquables si l’on pense qu’il n’y a aucune mesure coercitive ou politique particulière pour y parvenir. Le fait que cette lente féminisation soit possible, simplement par des engagements moraux de la part des dirigeants des partis politiques, entretient la croyance dans la vertu d’une stratégie incitative.
21Cependant, contrairement à ces apparences, les obstacles systémiques existent au Québec. D’une part, la féminisation des assemblées a plutôt stagné dans les années 1990 (les conseillères sont 18 % en 1989, 22 % en 1998). Le système de répartition stéréotypée des rôles sociaux entre hommes et femmes et la fermeture du milieu municipal représentent les principaux obstacles perçus par les conseillères municipales25. En 2003, une enquête sur le PQ et le PLQ montre que des militantes de ces deux partis ont déjà pensé être candidates, mais demeurent très peu sollicitées, en tout cas, « moins que les gars26 ».
22Par ailleurs, une fois en politique, la vie des politiciennes québécoises n’est pas toujours facile. Par exemple, dans un ouvrage intitulé À l’école du pouvoir, treize conseillères municipales de la Ville de Montréal, élues du Rassemblement des citoyens de Montréal sous le maire Jean Doré (1986-1994), témoignent des difficultés qu’elles ont éprouvées, alors qu’elles appartenaient à un parti politique municipal très progressiste27. Enfin, nous avons rencontré Michelle Houle-Ouellet, qui a suivi, dans les années 1990, le dossier politique de l’Association féminine d’éducation et d’action sociale (AFEAS), une fédération d’associations féminines locales créée en 1966, qui développe dès les années 1970 une politique d’intégration des femmes dans les instances de prise de décision locale. Cette responsable des activités politiques de l’Association sur le plan provincial, explique que les clubs politiques féminins créés par des AFEAS locales dans les années 1990, modèles pouvant être évoqués comme ancêtres du programme À égalité pour décider, se sont heurtés à l’aspect non partisan, qui limite la constitution d’une équipe de campagne pour les candidates, à la dépendance financière envers l’État, qui accorde plutôt ses subventions aux projets novateurs, et à la résistance des hommes politiques une fois atteint le seuil de 20 % de femmes28.
23Le programme À égalité pour décider s’appuie finalement sur une impression d’ouverture des hommes politiques québécois, plutôt que sur une évaluation de l’efficacité des tentatives de formation politique des femmes des années 1980-1990. Or, dans le contexte institutionnel québécois, ce défaut d’analyse est plutôt paradoxal.
Un paradoxe institutionnel
24Ce décalage entre les expériences de femmes politiques ou groupes de femmes, et l’analyse qui sous-tend la stratégie adoptée, est surtout paradoxal du fait qu’en pratique, les politiques gouvernementales font l’objet de concertations des divers acteurs, en particulier des groupes de femmes, des universitaires, et du Conseil du statut de la femme (CSF). Au Québec, la gestion partenariale des politiques en destination des femmes est particulièrement développée à la fin des années 1990, ainsi que l’atteste la manière dont sont décidées les politiques d’équité salariale en 199629, les garderies à 5 $ en 1997,30 etc. Pourtant, le programme À égalité pour décider n’a pas fait l’objet d’une consultation classique31. Au CSF, Lucie Desrochers, chargée de recherches spécialisée sur la représentation politique, m’a confirmé l’absence de consultation du Conseil sur ce programme précis, alors que l’organisme, dans ses avis successifs sur la question, insistait plutôt sur les « facteurs culturels » comme cause de la sous-représentation des femmes, et demandait des efforts aux partis politiques de se contraindre à la parité des comités de recrutement. En outre, il soutenait l’idée, présente dans les recommandations de la Commission royale d’enquête sur le financement des partis au Canada, d’instaurer une prime au financement des partis qui présentent des candidatures féminines32, ainsi qu’un remboursement pour frais de garde33. Mais cette idée de financer des formations ne faisait pas l’objet de ses recommandations.
25Comme nous l’a confié Léa Cousineau, sous-ministre associée à la ministre Louise Harel, responsable de la condition féminine en 1998, le programme À égalité pour décider relève d’une décision prise à huis clos, en Conseil des ministres34.
Un paradoxe culturel
26Ce paradoxe institutionnel est complété par un paradoxe plus culturel, concernant la conception de la féminisation du politique au Québec depuis les années 1980, en particulier depuis l’affaire des Yvettes. En effet, à la suite d’une « gaffe » de la ministre de la Condition féminine, Lise Payette, en 1980, les femmes du Parti libéral du Québec mobilisent de nombreuses femmes pour le « Non » au référendum, en reliant l’identité de femme au foyer à la défense du fédéralisme. Les Québécoises faisant ainsi leur entrée dans la vie politique35, l’idée de présence des femmes en politique est d’emblée reliée à celle de la représentation des intérêts des femmes. Autant l’AFEAS que la Fédération des femmes du Québec (FFQ) organisent, dans les années 1980, des formations et des colloques avec leurs propres membres, afin qu’elles investissent les divers lieux de prise de décision pour y défendre leurs intérêts. Par exemple, en 1987, dans le bulletin de la FFQ, se trouve cette exigence : « Il faut plus de femmes en politique, mais pas n’importe lesquelles. La FFQ doit encourager celles qui minimalement adhèrent à ses objectifs36 ».
27Dans les années 1990, les chercheurs en science politique37, le Conseil du statut de la femme, qui défend la féminisation des instances élues pour que la présence des femmes permette « de mieux tenir compte des intérêts des38», et les femmes politiques elles-mêmes (87 %) continuent à relier politique de présence et représentation des intérêts39. Par exemple, Diane Bourgeois, présidente du Comité d’action politique des femmes du Parti québécois de 1995 à 2000, élue députée du Bloc québécois, cherche en 2001 à constituer une commission parlementaire sur les droits des femmes à Ottawa. En entrevue, elle critique justement l’approche libérale qu’ont adoptée des Canadiennes : « Je me souviens d’un manifeste qui venait des femmes libérales du Canada où on disait aux femmes comment s’habiller, comment se coiffer, quel type de cache-cernes s’acheter. Nous, ce n’était pas ça du tout. Parce qu’on considère que ça, c’est jouer le jeu des hommes40. » Pourtant, c’est exactement le type de formation que Lysiane O’Sullivan, du Réseau des femmes des Laurentides, compte proposer dans le cadre du programme À égalité pour décider, en 2001, sous le titre « un styliste pour mon image »41.
28Enfin, cette « culture » féministe, qui relie présence et représentation, est particulièrement manifeste dans les demandes, par certaines tables de concertation des groupes de femmes, d’un siège réservé au sein des Conseils régionaux de développement (CRD). En 2000, 13 conseils sur 16 comptent un siège « femmes ». La plupart des CRD se dotent également de Comités « femmes et développement régional » qui travaillent avec les tables42. Comme le souligne Dominique Masson, le siège « femmes » relève d’une forme de représentation politique tout à fait originale, qui combine des mécanismes d’une « politique de présence » et d’une « politique des idées43 ».
29Ainsi, le rejet, dans les discours, de ce rôle de représentation, par les femmes politiques, des questions liées au genre et l’élargissement du recrutement des participantes aux formations à des femmes ordinaires, non-militantes féministes, vont à l’encontre de cette culture féministe que l’on rencontre déjà dans le contexte de la régionalisation, ainsi que dans les milieux associatifs ou dans les discours des femmes politiques. Cette dimension contre-culturelle du programme est d’autant plus paradoxale qu’il représente un projet porté par une ministre péquiste, Louise Harel, et sa conseillère, Léa Cousineau, toutes deux réputées féministes et appartenant à la génération du boom féministe des années 1970-1980.
Un paradoxe pour la théorie
30Finalement, cette politique du gouvernement québécois représente un paradoxe par rapport aux politiques de féminisation d’autres pays, qui, en général, font suite à des mobilisations de femmes. Le mouvement des femmes québécois n’a jamais revendiqué sur ce sujet. En 2002, Françoise David, ancienne présidente de la FFQ, ne connaît pas le programme44. Interrogée sur ce point, Léa Cousineau, sous-ministre responsable du dossier, affirme qu’il s’agit d’une volonté ministérielle de débloquer du financement pour concrétiser l’axe « représentation équitable » de la Cinquième orientation de la politique de régionalisation en matière de condition féminine. Elle suggère ainsi d’expliquer ce phénomène de manière institutionnaliste, en considérant que ce programme s’inscrit dans la logique de développement du féminisme d’État, suffisamment important au Québec pour se passer de pressions des féministes dans la diversification de ses activités. La question demeure de savoir pourquoi, pour arriver à la Conférence de Beijing +5 avec un dossier correct, elles ont préféré une interprétation libérale de l’axe « prise de décision » à une interprétation plus féministe.
31D’un autre côté, Évelyne Tardy adopte une analyse stratégique, expliquant que Louise Harel aurait négocié ce programme, à l’occasion des élections provinciales de 1999, en échange de son acceptation du poste de ministre des Affaires municipales responsable du délicat dossier des fusions municipales. Sachant les risques que comportait cette politique pour les femmes, elle aurait cherché à parer les critiques des milieux féministes sur ce point particulier de sa réforme45. Cette interprétation invite donc à observer les interactions entre politiciennes au gouvernement et mouvement des femmes pour comprendre le jeu des acteurs en présence.
32Nous avons alors tenté de réunir ces deux exigences de prise en considération du féminisme d’État au Québec et du jeu entre le gouvernement et le mouvement des femmes en utilisant le concept de régime genré (du mot anglais gendered, sexué) de représentation politique.
L’explication par le régime genré de représentation politique
33Nous soutiendrons ici que cette politique peut se comprendre comme l’un des éléments du passage d’un régime genré de représentation politique de forme institutionnalisée à un régime de forme plus libérale. Un régime genré de représentation politique constitue une configuration institutionnelle supposément stable d’agrégation-conversion des intérêts et des identités d’ordre socio-économique, liés au sexe, en intérêts et identités d’ordre politique, dans des espaces pluriels de représentation46. En se donnant une idée du régime genré de représentation politique qui caractérise l’accès des femmes à la citoyenneté au Québec et la dimension « féministe » de son contexte sociétal dans les années 1990, nous tenterons de percevoir les éléments permettant de comprendre ce programme comme un élément de libéralisation du régime.
Quelques caractéristiques du régime institutionnalisé de représentation politique - 1976-1999
34Nous avons repéré quatre dimensions du régime de représentation politique des Québécoises, des années 1976-1999, permettant de le qualifier de « régime institutionnalisé » : l’existence d’un organisme chargé d’analyser les questions de genre et de représenter les groupes de femmes ; l’institutionnalisation des relations entre gouvernement, groupes de femmes, universitaires ; l’intensification des solidarités entre féministes des espaces pluriels de représentation politique ; et le soutien de cette solidarité par un registre discursif partagé avec les autres acteurs indépendantistes.
35Le Conseil du statut de la femme est un organisme créé en 1972 qui réalise l’interface entre l’État, les groupes de femmes, les universitaires et les médias. La présidente et dix membres proviennent des milieux communautaires, universitaires et syndicaux, sur proposition de ces derniers et les ministres qui sont en partie liée avec les affaires sociales, l’éducation, la justice, en sont membres d’office. Entre 1975 et 1985, le CSF développe ses services aux femmes ordinaires, diffuse un journal mensuel gratuit, La Gazette des femmes (1979), et son service Consult’action « offre un soutien aux groupes organisés ou en voie de formation pour définir leurs besoins, rechercher et développer les ressources du milieu et présenter des projets47 ». Ainsi s’instaure un dialogue concret entre le Conseil, qui voit ses budgets enfler48 et les groupes de femmes. Chargé en 1976 de réaliser l’étude en vue d’une politique d’ensemble, Pour les Québécoises, égalité et indépendance, le CSF devient aussi une institution experte sur les intérêts des femmes, une administration militante, partenaire de l’État pour toutes les recherches concernant des politiques publiques et des réformes juridiques liées aux questions de genre.
36Par ailleurs, dès la fin des années 1970, les groupes de femmes s’organisent en coalitions, puis, dans les années 1980, les 13 grandes fédérations féminines du Québec s’unifient, constituant le Groupe des 1349. Ainsi, l’expertise des milieux féministes s’institutionnalise, les groupes sont organisés, mieux financés et consultés, notamment par des partenariats sur les dossiers avec des répondantes en condition féminine des divers ministères. Par ailleurs, les liens entre recherche féministe et milieux associatifs sont également institutionnalisés, l’organisme Relais-femmes servant d’interface pour la recherche-action et la formation continue des membres des groupes. Les universitaires féministes viennent ainsi alimenter les analyses des féministes du milieu associatif et soutenir la construction des intérêts liés au genre.
37Dans les années 1990, des féministes font le saut en politique, par exemple, Lise Leduc, présidente du Comité d’action politique des femmes du PQ, également présidente du Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT). Elles font inscrire dans le programme du PQ toute une série de revendications : équité salariale, versement automatique des pensions alimentaires, garderies, et conservent des relations avec leur milieu d’origine. De leur côté, les médias s’intéressent aux féministes, transformant en vedettes des présidentes d’organismes, en particulier Françoise David, présidente de la FFQ de 1994 à 2001, ce qui facilite la circulation de l’information et la diffusion des idées féministes.
38Enfin, en toile de fond, les politiques liées au genre reposent sur le concept d’indépendance collective (comme l’indépendance nationale) et le mode de légitimation sur la parole des opprimées, une conception qui s’inscrit dans le registre discursif indépendantiste50. Lever les obstacles à l’indépendance entre dans une rhétorique de la non-domination et s’accompagne d’un raisonnement qui vise la représentation des intérêts des femmes par les femmes elles-mêmes. Les solidarités entre féministes des divers milieux reposent alors sur cette idée que la citoyenneté pleine et entière des Québécoises passe par la codéfinition et la cogestion de la politique d’indépendance du pays, donc de la politique en général.
Les facteurs du changement de régime
39Trouvant leur origine dans les bouleversements politiques et économiques du tournant des années 1990 et la manière dont le Québec est affecté, des réactions en chaîne expliquent les transformations de ce régime institutionnalisé. Nous verrons surtout deux dimensions importantes de ces changements, la dimension discursive et la dimension relationnelle et leurs conséquences pour les féministes d’État, identifiées comme actrices principales de la politique de féminisation.
40La mondialisation et la vague de démocratisation au tournant des années 1990 alimentent les débats constitutionnels, le discours sur le pluralisme, et la diffusion du néolibéralisme. Les mobilisations des féministes québécoises autour du projet constitutionnel pour l’indépendance, entre 1992 et 1995, posent la question de la féminisation du politique sur le plan du pluralisme et de l’intégration du projet féministe dans le projet de société québécoise. Ainsi, les questions de la féminisation des instances élues et de la mise en œuvre d’une politique féministe intègrent de plain-pied le discours indépendantiste. La Fédération des femmes du Québec (FFQ) représente alors pour le PQ un allié important, qui le soutient au moment du référendum de Charlottetown (1992), puis au moment du référendum sur l’indépendance (1995). Dès 1995, Lucien Bouchard, premier ministre, s’engage dans une politique de féminisation des postes de responsabilité faisant l’objet de nominations par le gouvernement. La Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires est votée en 1995, la Loi sur l’équité salariale, qui vise à corriger le manque à gagner des femmes qui occupent des emplois sous-payés, parce que féminisés, en 1996 et, en septembre 1997 est créé, à partir des expériences communautaires existantes, un réseau de Centres de la petite enfance (CPE) offrant des services de garde universels et à contribution réduite.
41Par ailleurs, en mai 1992, le forum féministe « pour un Québec féminin pluriel » pose directement la question de la pluralité des situations des femmes51. À la suite du forum, le nouveau thème prioritaire de lutte de la FFQ devient la pauvreté et le soutien aux femmes doublement discriminées. Ce renouveau de la FFQ trouve aussi sa source dans les déceptions face au régime institutionnalisé de représentation politique. Malgré les pressions du Groupe des 13, malgré les diverses relations entretenues avec les ministères, les chiffres attestent de l’entretien des inégalités liées au genre52. En 1995, la FFQ organise la Marche du Pain et des Roses, apportant au gouvernement une dizaine de revendications pour lutter contre la pauvreté, lequel accepte d’accorder une augmentation du salaire horaire minimum. Par ailleurs, le gouvernement péquiste, qui avait promis une démocratisation des processus de prise de décision par la participation intense des partenaires sociaux, syndicats, patronat, groupes communautaires et groupes de femmes à l’élaboration des politiques publiques, crée le Comité d’orientation et de concertation sur l’économie sociale auquel participent les groupes de femmes.
42Cependant, devant l’étranglement financier de l’État québécois, le gouvernement, après 1995, s’engage dans une politique de déficit zéro, qui conduit à des compressions budgétaires importantes dans les domaines de la santé et de l’éducation, selon les recettes néolibérales transnationales. De ce fait, les relations, entre le mouvement des femmes et le gouvernement, se détériorent. Du côté de la FFQ, l’alliance avec le PQ se fonde sur le projet féministe et progressiste lié à l’indépendance. Mais, lors du sommet socioéconomique de l’automne 1996, le gouvernement refuse de s’engager à ne pas appauvrir, par ses compressions budgétaires, les personnes appartenant au premier quintile de la population, autrement dit les 20 % les plus pauvres. Mouvement communautaire et mouvement des femmes décident alors de ne pas poursuivre les discussions. Sous couvert d’un même vocabulaire, les sens mis dans les concepts divergent. Par exemple, la notion de pauvreté est comprise sur le plan étatique dans un sens strictement économique quand le mouvement des femmes l’investit d’un sens beaucoup plus social, ce qui rejaillit dans le débat sur la sécurité du revenu53. Après 1996, les instances de concertation sur l’économie sociale sont dédoublées et une conception « entrepreneuriale » de l’économie sociale déterminera finalement l’orientation des projets politiques54.
43La logique partenariale est alors défendue par certaines féministes au pouvoir, qui y voient encore le moyen de parvenir à limiter les dégâts libéraux55 ; elle est de plus en plus critiquée du côté du mouvement des femmes, comme forme d’instrumentalisation du secteur communautaire56. Dans un régime institutionnalisé de représentation politique, la légitimité provient, pour les féministes d’État, du soutien du mouvement féministe accompagné de son expertise. Dans le régime en transition, ce mode de légitimation est ébranlé et doit désormais satisfaire deux exigences de neutralité, puisque la question des intérêts des femmes est fortement politisée : la première sur le plan identitaire, et seuls les textes internationaux garantissent une montée en généralité suffisamment importante pour pouvoir couvrir les besoins de toutes les femmes, dans leur pluralité ; la seconde sur le plan des intérêts, et le recours préalable à des expertises en analyse différenciée selon les sexes, sur toutes les politiques publiques, permet d’évacuer la dimension proprement politique de la construction des intérêts liés au genre.
Quelques dimensions du nouveau régime libéral de représentation politique
44Nous pouvons dégager des dimensions plus discursives et des dimensions plus institutionnelles du nouveau régime qui se met en place. La principale dimension discursive qui caractérise le nouveau régime repose sur le mode de légitimation des politiques liées au genre. Jusqu’en 1997, les documents du Secrétariat à la condition féminine inscrivent son action dans une continuité historique nationale et provinciale. Tel est le cas par exemple de la Politique en matière de condition féminine57 de 1993, qui se réfère à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, réalisée en 1970, à la politique d’ensemble de la condition féminine Pour les Québécoises, égalité et indépendance, à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, votée en 1975, qui possède la primauté sur les autres lois de la province et garantit aux femmes la non-discrimination, et aux divers programmes d’accès à l’égalité58. À partir de 1997, ce sont désormais les textes internationaux qui légitiment les propositions et les projets. Dans la cinquième orientation de la politique de régionalisation, ajoutée à la politique d’ensemble de la condition féminine, intitulée « Femmes et développement », l’axe « participation des femmes à la prise de décision » fait référence à la notion de démocratie paritaire du Conseil de l’Europe, interprétée selon une conception non pas collective de l’implication politique des femmes, mais individuelle, accompagnée d’un discours de la responsabilité et de l’adaptabilité.
45De même, le second axe, l’analyse différenciée entre les sexes (ADS), une grille d’analyse des politiques publiques pourtant travaillée en collaboration avec le gouvernement du Canada, est légitimée en référence au programme d’action de la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing59, à l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), et à l’Agence canadienne de développement international (ACDI). L’importance du mode de légitimation transnational est réaffirmée en 2003, avec la substitution de la notion d’ADS par la terminologie « approche intégrée de l’égalité » (AIE) adoptée par le Conseil de l’Europe. La généralisation à tous les ministères de TAIE, qualifiée par La Presse de « réingénierie des sexes60 », fait prendre conscience au grand public de l’importance du changement que ce nouveau discours implique. L’Intersyndicale des femmes, en décembre 2003, déplore la tournure bureaucratique et procédurière de l’activité gouvernementale, tandis que l’universitaire Pierrette Bouchard s’inquiète du discours légitimant l’AIE, qui attaque ouvertement les approches féministes qui précèdent61. Finalement, l’incitation des femmes à participer à la prise de décision et les statistiques sexuées pour vérifier que les politiques publiques ne désavantagent pas les femmes ou les hommes représentent désormais les deux facettes complémentaires d’une même politique libérale de représentation politique. Cette politique réduit la question de la citoyenneté des femmes à leurs motivations personnelles d’une part, et à l’expertise administrative d’autre part, sans reconnaître la dimension collective et sociale des rapports sociaux, dépolitisant ainsi toute activité de représentation des intérêts et des identités liés au genre.
46Les dimensions institutionnelles de ce nouveau régime découlent en partie de ces dimensions discursives. Ce tournant n’est pas seulement à imputer aux contraintes financières qui pèsent sur l’État québécois, même si elles comptent, puisque cette nouvelle conception du travail politique en direction des femmes génère des coûts financiers assez faibles, l’expertise en analyse différenciée devant être produite par l’administration. Mais, les intérêts « corporatistes » des féministes d’État interviennent aussi. Elles sont d’autant plus intéressées par la restructuration du régime de représentation politique, quelle leur permet de s’imposer comme « traductrices », en langage gouvernemental, des revendications du mouvement des femmes. Au moment de la Marche mondiale des femmes, ainsi qu’en témoigne Léa Cousineau, ce nouveau rôle d’intermédiaire joué par les féministes d’État est devenu source de malentendus, les femmes en mouvement attendant des négociations directes avec leur gouvernement62.
47En outre, du fait que des femmes libérales se trouvent au pouvoir, la légitimité du discours libéral n’appartient plus seulement aux textes internationaux, mais se fonde directement sur leur mandat politique. Par ailleurs, les sièges réservés aux intérêts des femmes, dans les Comités régionaux de développement, disparaissent avec le remplacement de ces institutions par des Conférences régionales des élus (2003). De surcroît, le Conseil du statut de la femme voit menacé son rôle d’expert auprès du gouvernement. En 2003, son avis Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes tente de prendre en considération les exigences libérales de restructuration du régime de représentation politique. Il propose, entre autres, une approche « sociétale », qui consiste à « mobiliser les différents acteurs sociaux en intégrant davantage les hommes », à travers une table des partenaires de l’égalité, encore appelée Conseil de l’égalité, qui regrouperait des représentants des milieux syndicaux, gouvernementaux, regroupements régionaux, municipalités, milieu des affaires et de la santé63. Mais le mouvement des femmes n’est pas mentionné comme partenaire potentiel, niant ainsi complètement son activité de représentation des citoyennes. Devant le tollé soulevé, une commission parlementaire « sur le concept d’égalité et la politique en condition féminine », est mise en place à l’automne 2004 pour régler le différent concernant à la fois l’avenir du CSF et la nouvelle orientation politique que propose l’organisme.
Consolidation ou contestation du nouveau régime libéral ?
48La stratégie incitative de formation politique pour féminiser les lieux de prise de décision au Québec est ancienne, mais elle a changé de fondements théoriques. Au départ conçue pour que les femmes des partis politiques et des groupes de femmes s’impliquent de manière à représenter les intérêts des femmes et un projet féministe de société, elle repose après 1999 sur une rhétorique libérale qui, au contraire, dépolitise la question de la représentation des intérêts et des idées féministes, pour simplement adapter des femmes « désintéressées » à un système politique supposé accueillant. Le paradoxe vient donc moins de la dimension incitative de la politique que de sa dimension libérale, que l’on ne peut comprendre, dans le contexte féministe québécois, que par l’analyse des autres changements qui affectent le régime institutionnalisé de représentation politique.
49Toutefois, cette libéralisation du régime n’est peut-être qu’un moment de transition. Un pôle contestataire développe ses arguments contre le nouveau régime. Dans le cadre de la demande de scrutin proportionnel, l’association Démocratie et féminisme, créée en 2002, prône la parité en politique, accompagnée de la création d’une commission à l’Assemblée nationale qui serait chargée des liens avec le mouvement des femmes. En outre, un nouveau parti politique, Option citoyenne ! est lancé en 2004, avec un projet de société écologiste, féministe et altermondialiste. Les tensions avivées par la politique ultralibérale du gouvernement Charest ont finalement contribué à faire émerger, de manière plus radicale, des revendications de démocratisation du régime de représentation politique et des réflexions sur la citoyenneté des femmes qui abondent dans un sens féministe, comportant un rééquilibrage entre représentation par les élus et représentation par les groupes, entre construction des intérêts par l’expertise administrative et construction des intérêts dans le débat politique, entre incitation à prendre sa place et obligation de respecter la parité.
Notes de bas de page
1 Union interparlementaire, « Plan d’action pour remédier aux déséquilibres actuels dans la participation des hommes et des femmes à la vie politique », Genève, Union interparlementaire, 1994.
2 Secrétariat à la condition féminine, « Les femmes et la prise de décisions », Site du Secrétariat à la condition féminine, les fiches de Beijing +10, en ligne : <http://www.scf.gouv.qc.ca/publications/Beijing_index.asp> (pageconsultéele5octobre2006).
3 Secrétariat à la condition féminine, Programme de soutien financier : A égalité pour décider. Guide d’information, Québec, Le Secrétariat, 1999, p. 12.
4 Ce guide traite les thèmes suivants : quelques statistiques, les motivations, la disponibilité, le support nécessaire, le Code municipal, l’éligibilité, les différents rôles, la campagne électorale, les ressources disponibles. Cf. Réseau des tables régionales de groupes de femmes du Québec, Recueil des activités organisées par les tables régionales de groupés de femmes en lien avec les élections municipales 2005, octobre 2004, p. 13, en ligne : <http://reseautablesfemmes.qc.ca/pdf/reseau/flash_nouvelles/recueilactivitestables_electionsmunicipales.pdf> (page consultée le 5 octobre 2006).
5 Ibid., p. 19.
6 Secrétariat à la condition féminine, « À égalité pour décider. De la suite dans les idées. Les faits saillants du colloque tenu à Québec le 7 avril 2001 », Site du Secrétariat à la condition féminine, en ligne : <http://www.scf.gouv.qc.ca/pdf_fr/faits%20saillants%20-%20colloque.pdf> (page consultée le 5 octobre 2006), p. 12.
7 Les postes de responsabilité ne sont pas soumis à la loi. En revanche, celle-ci s’applique aux élections législatives sous forme de sanctions financières, un dispositif qui a bien moins d’effets que l’obligation d’alternance hommes-femmes dans les scrutins de liste. La proportion de femmes députées à l’Assemblée nationale passe de 10,9 % en 1997 à 11,8 % en 2002, mais si l’on prend en considération la formation majoritaire, le chiffre de 2002 est tout de même le double de celui de la précédente législature de droite (5,9 % en 1993).
8 Conseil du statut de la femme, « Les restructurations municipales : un défi d’équité pour les femmes » (décembre 2000), Site du Conseil du statut de la femme, avis, en ligne : <http://www.csf.gouv.qc.ca/telecharg/avisles%20restructrurationsmunicipales.pdf> (page consultée le 25 septembre 2005).
9 Françoise Guénette, « Plus optimiste que nostalgique. Entretien avec Louise Harel », La Gazette des femmes, vol. 23, no 3, sept.-oct. 2001, p. 26-27.
10 Ministère des Affaires municipales, « Mairesses et maires, Conseillères et conseillers. Statistiques sur la représentation des femmes et des hommes aux instances électives municipales, 2001 », Site du ministère des Affaires municipales du Québec, statistiques, en ligne : <http://www.mamm.gouv.qc.ca/pdf_mamm/legi/democratie/statistiques_2001.pdf> (page consultée le 15 mars 2005).
11 Concernant les indicateurs des diverses conceptions de l’égalité, voir Isabelle Giraud, « Pour une grille de lecture féministe des politiques sociales », Utinam no 5, 2001-2002, p. 87-114.
12 Entretien anonyme n o1, Québec, le 29 juin 2001.
13 Ibid.
14 Secrétariat à la Condition féminine, 1999, p. 12.
15 Entretien anonyme no 1, Québec, le 29 juin 2001.
16 Entretien avec Lysiane O’Sullivan, St-Jérôme, le 10 juillet 2001.
17 Secrétariat à la Condition féminine, 1999, p. 13.
18 Marta Anadon et al., « Les collectives de femmes : une démocratie sororale », Nouvelles pratiques sociales, vol. 3, no 2, automne 1990, p. 57-70.
19 Micheline De Sève, « Invitation à “co-partager” le pouvoir », dans Évelyne Tardy (dir.), « Femmes et pouvoir », Montréal, Université du Québec à Montréal, 1995, p. 63-75.
20 Entretien anonyme no 2, Québec, le 29 juin 2001.
21 Secrétariat à la Condition féminine, 1999.
22 Voir Yolande Cohen, « Le rôle du mouvement des femmes dans l’élargissement de la citoyenneté au Québec », dans Alain-G. Gagnon (dir.), Québec : État et société, Montréal, Québec Amérique, 1994, p. 173-194 ; Diane Lamoureux, « NOS luttes ont changé nos vies. L’impact du mouvement féministe », dans Gérard Daigle et Guy Rocher (dir.), Le Québec en jeu. Comprendre les grands défis, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1992, p. 693-709.
23 Évelyne Tardy, Égalité hommes-femmes ? Le militantisme au Québec : le PQ et le PLQ, Montréal, Hurtubise HMH, 2003.
24 Entretien avec Violette Trépanier, Montréal, le 27 juin 2001.
25 Évelyne Tardy, Les femmes et les conseils municipaux du Québec, Montréal, Hurtubise HMH, 2002, p. 92-93.
26 Évelyne Tardy, 2003, p. 198.
27 Nicole Lacelle (Propos recueillis par), À l’école du pouvoir, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 1999.
28 Entretien avec Michelle Houle-Ouellet, Ste-Anne-des-Lacs, le 10 juillet 2001.
29 Marie-Thérèse Chicha, « L’adoption et la mise en œuvre de la loi québécoise sur l’équité salariale : l’existence d’un double standard », Lien social et Politiques-RIAC, no 47, printemps 2002, p. 85-95.
30 Jane Jenson, « Les réformes des services de garde pour jeunes enfants en France et au Québec : une analyse historico-institutionnaliste », Politiques et Sociétés, vol. 17, no 1-2,1998, p. 193-216.
31 Léa Cousineau, sous-ministre chargée du dossier, aurait recueilli cette demande lors d’une tournée pour la Cinquième orientation en condition féminine de la politique de régionalisation auprès des CRD, des répondantes régionales en condition féminine et des tables régionales de concertation. Entretien avec Léa Cousineau, Montréal, le 23 juillet 2001.
32 Kathy Megyery (dir.), Les femmes et la politique canadienne. Pour une représentation équitable, Commission royale d’enquête sur la réforme électorale et le financement des partis, Montréal, Wilson & La fleur, 1991.
33 Conseil du statut de la femme, « Pour une réelle démocratie de représentation – avis sur l’accès des femmes dans les structures officielles du pouvoir », Québec, Gouvernement du Québec, 1994.
34 Entretien avec Léa Cousineau, Montréal, le 23 juillet 2001.
35 Micheline Dumont, « Les Yvettes ont permis aux femmes d’entrer dans l’histoire politique », L’Action nationale, vol. 80, no 8,1991, p. 1041-1045.
36 La Petite Presse, vol. 6, no 1, sept. 1987, p. 4.
37 Manon Tremblay et Réjean Pelletier, Que font-elles en politique ? Sainte-Foy, Québec, Presses de l’Université Laval, 1995 ; Chantal Maillé, Vers un nouveau pouvoir : les femmes en politique au Canada, Ottawa, Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme, 1990.
38 Conseil du statut de la femme, 1994, p. 11.
39 Manon Tremblay, « Les femmes et la représentation politique vues par des députées et députés du Québec », Recherches féministes, vol. 6, no 2, 1993, p. 89-114.
40 Entretien avec Diane Bourgeois, Bois-des-Fillions, le 26 juin 2001.
41 Entretien avec Lysiane O’Sullivan, St-Jérôme, le 10 juillet 2001.
42 Andrée Boucher, « Quand les tables parlent, les tables régionales de groupes de femmes : défis et perspectives », Document des Tables régionales de groupes de femmes du Québec, automne 1999.
43 Dominique Masson, « Gouvernance partagée, associations et démocratie : les femmes dans le développement régional », Politique et Sociétés, vol. 20, no 2-3, 2001, p. 99-100.
44 Entretien avec Françoise David, Montréal, le 8 mai 2002.
45 Évelyne Tardy, 2002, p. 25.
46 Isabelle Giraud, « Mouvements des femmes et changements des régimes genrés de représentation politique au Québec et en France, 1965-2004 », Thèse de doctorat, Montréal et Paris, Université de Montréal, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, 2005, p. 28-34.
47 Lucie Desrochers, Le Conseil du statut de la femme avec les Québécoises depuis 20 ans, Québec, Conseil du statut de la femme, 1993, p. 12.
48 Les budgets doublent entre 1975 et 1978 (de 0,5 à 1,2 M$) et augmentent régulièrement, jusqu’en 1982, puis doublent pratiquement (de 2,7 à 4,5 M$) entre 1986 et 1992. Anne Revillard, « Vers une démocratie de la famille ? Féminisme d’État et politiques de la famille au Québec », Mémoire de DEA, École normale supérieure de Cachan, 2003, chapitre 3, encadré 6.
49 Il s’agit de l’AFEAS, la FFQ, l’Association des femmes collaboratrices, Au bas de l’Échelle, le Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail, le Regroupement québécois des centres CALACS, Concert’action, le Collectif des femmes immigrantes, la Fédération des associations de familles monoparentales du Québec, le FRAPPE, le Regroupement des maisons d’hébergement et de transition pour femmes victimes de violences, l’R des centres de femmes et le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec. Voir Chantal Maillé, Les Québécoises et la conquête du pouvoir politique, Montréal, Éditions Saint-Martin, 1990.
50 Diane Lamoureux, L’amère patrie. Féminisme et nationalisme dans le Québec contemporain, Montréal, Les Éditions du remue-ménage, 2001.
51 Voir Pour changer le monde. Le forum « Pour un Québec féminin pluriel », Montréal, du 29 au 31 mai 1992, Montréal, Les éditions Écosociété, 1994.
52 Louise Motard et Lucie Desrochers (dir.), Les Québécoises déchiffrées, portrait statistique, Ste-Foy, Québec, Conseil du statut de la femme, Publications du Québec, 1995.
53 Fédération des femmes du Québec, « Une vraie réforme de la sécurité du revenu doit être un outil de lutte contre la pauvreté », Mémoire présenté à la Commission des affaires sociales par la Fédération des femmes du Québec, le 21 mai 1998 », Site de la Fédération des femmes du Québec, mémoires et rapports, en ligne : <http://www.ffq.qc.ca/pub/reforme-revenu.html> (page consultée le 5 octobre 2006).
54 Peter Graefe, « Roll-out Neoliberalism and the Social Economy », Communication présentée à la conférence annuelle de l’Association canadienne de science politique, juin 2005, Site de l’Association canadienne de science politique, communications 2005, en ligne : <http://www.cpsa-ascp.ca/papers-2005/Graefe.pdf> (page consultée le 10 août 2005), p. 16-17.
55 Ariane Émond, « Confidences d’ex-ministres », La Gazette des femmes, vol. 19, no 5, janv.-fév. 1998, p. 8-10.
56 Martine D’Amours, « Le partenariat, ça marche ? », La Gazette des femmes, vol. 18, no I, mai-juin 1996, p. 20.
57 Secrétariat à la condition féminine, La politique en matière de condition féminine, Québec, Publications du Québec, 1993.
58 Il s’agit de divers programmes de discrimination positive visant à assurer une représentation équitable de trois groupes cibles (des femmes, des minorités visibles et des Autochtones) mis en place par le gouvernement du Québec dans tous ses ministères selon la Loi sur la fonction publique du Québec de 1986, et, à partir de 1989, par les entreprises qui contractent avec l’État québécois.
59 Organisation des Nations Unies, Programme d’action de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Beijing, 1995, New York, Nations Unies, 1995.
60 « La réingénierie des sexes », La Presse, 25 septembre 2003.
61 Pierrette Bouchard, « L’approche intégrée de l’égalité : contexte et perspective critique », 25 février 2004, Site de Sisyphe, en ligne : <http://sisyphe.org/article.php3iid_articles946> (page consultée le 5 octobre 2006).
62 Entretien avec Léa Cousineau, Montréal, le 23 juillet 2001.
63 Conseil du statut de la femme, Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes, Québec, Conseil du statut de la femme, 2004, p. 9-10.
Auteur
Maître-assistante en études genre à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève. En 2005, elle a soutenu sa thèse intitulée Mouvements de femmes et changements de régimes genrés de représentation politique au Québec et en France, 1965-2004.
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