Accès à la citoyenneté des immigrés et absence de reconnaissance
p. 125-149
Texte intégral
1La situation des immigrés en belgique, comme dans de nombreux pays européens, est assez exceptionnelle au regard des pays traditionnels d’immigration que sont le Canada ou les États-Unis. Entre 1960 et 1990, beaucoup d’immigrés résident de manière permanente dans un État qui n’est pas le leur, en adoptant majoritairement le niveau de vie du pays d’installation tout en gardant leur nationalité d’origine. Le mythe de l’immigration temporaire et la rigueur des codes de nationalité de nombreux pays (Allemagne, PaysBas, Belgique, Luxembourg, Suisse) ont maintenu les immigrés dans un statut précaire en raison de leur extranéité juridique. La conception des politiques migratoires européennes et la croyance des immigrés dans leur rapide retour au pays d’origine ont forgé le mythe de l’immigration provisoire européenne. Dès lors, l’accès des immigrés et de leurs descendants à la citoyenneté a été relativement tardif en Belgique, comme dans la plupart des autres pays européens.
2L’accès à la citoyenneté des immigrés peut se scinder en deux temps. Durant une première période, les immigrés vont connaître une extension de leurs droits tout en restant des étrangers juridiquement. Ce processus n'est pas spécifique aux étrangers. Entre 1960 et 1990, de multiples droits commencent à être reconnus à des groupes minoritaires, les immigrés. Toutefois, la citoyenneté pleine et entière reste réservée aux seuls nationaux en raison du couplage citoyenneté-nationalité. L’acquisition de tous les droits de citoyenneté n’est possible que moyennant l’accès à la nationalité. Au début des années 1980, la plupart des pays européens, dont la Belgique, prennent conscience de la permanence de l’immigration et de l’installation durable, sinon définitive, des immigrés et de leurs descendants. L’assouplissement des codes de la nationalité devient, dès lors, l’axe principal de la politique publique d’intégration. Les changements législatifs en la matière vont permettre à de nombreux étrangers issus de l’immigration d’acquérir la nationalité du pays où ils résident. Dès lors qu’ils accèdent à la nationalité de l’Etat de résidence, ces étrangers, devenus des nationaux, accèdent à la citoyenneté. Malgré des spécificités nationales, ce séquençage s’observe dans toute l’Europe. En Belgique, l’accroissement considérable de l’acquisition de la nationalité belge couplée à des opportunités politiques a permis une importante participation politique et, surtout, une représentation politique des personnes issues de l’immigration. Cependant, si cette dernière caractéristique peut être perçue comme l’indicateur de l’aboutissement de l’intégration des immigrés en Belgique et de leurs descendants1, l’égalité formelle ne s’est pas nécessairement convertie en égalité informelle pour tous. En effet, bien que disposant d’un accès aisé à la citoyenneté et d’une représentation politique significative, certaines personnes issues de l’immigration doivent, néanmoins, faire face à un déficit de reconnaissance qui ne fait pas d’eux, symboliquement, des citoyens égaux aux autres. Tout en jouissant des mêmes droits de citoyenneté, le déni de reconnaissance2 fait de ces personnes des citoyens à part, ou plus exactement des figures de « demi-nationaux » ou des « nationaux de papier », selon l’expression utilisée par les partis d’extrême droite.
De l’immigré au denizens
3L’accroissement des droits de citoyenneté des immigrés en Europe a conduit Tomas Hammar3 à suggérer l’existence d’une citoyenneté duale : l’une pour les nationaux, les citoyens, et une autre pour les immigrés possédant un titre de séjour à durée illimitée, les denizens (vs citizens). Cet auteur a avancé la représentation de la citoyenneté sous la forme de cercles concentriques : au centre se trouvent les citoyens (les nationaux), ensuite les denizens (les étrangers ayant des titres de séjour à durée illimitée) et enfin les étrangers (ceux qui ne disposent que de titres de séjour provisoire). Cette classification peut être complexifiée4, notamment à la suite de la construction européenne qui produit de la discrimination5, en créant dans chaque pays différentes catégories d’étrangers ayant un titre de séjour définitif, mais ne permettant pas d’accéder aux mêmes droits. Il est possible de reprendre le schéma des cercles concentriques d’Hammar en l’adaptant à la situation née après l’adoption du traité de Maastricht instituant l’Union européenne et la citoyenneté européenne. Cette hiérarchisation peut être représentée de la manière suivante : au centre, les citoyens (les nationaux) et, juste à la frontière externe, les citoyens européens, les ressortissants des États membres de l’Union européenne, puis viennent les denizens provenant de pays non membres de l’Union européenne, ensuite, les étrangers ne disposant que d’un titre de séjour provisoire et, enfin, les étrangers sans papiers6.
4Cette classification suppose un traitement juridique et sociologique différencié, ceux près du centre disposent de plus de droits et de garanties. Des droits différents sont associés à des catégories différentes d’étrangers, par exemple la liberté de circulation et d’installation. Toutefois, la proximité ou la distance entre les nationaux et les étrangers est moins liée à la durée d’installation qu’aux liens qu’entretiennent les États dont ils sont ressortissants. Ainsi, les Italiens, les Portugais, les Polonais ont quitté leur statut d’immigrés pour devenir des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne. Par contre, les immigrés algériens, marocains, turcs, nombreux, et installés depuis autant de temps que les travailleurs immigrés provenant du sud ou l’est de l’Europe dans plusieurs États européens, gardent leur statut d’immigrés. Des études comparatives7 se sont intéressées à cette extension des droits des immigrés en traitant des droits syndicaux, des droits sociaux, des droits de séjour, d’association et des droits politiques (droit de vote et d’éligibilité), suivant la perspective fructueuse des trois composantes de la citoyenneté proposée par T. H. Marshall8.
5Dans le domaine social, le principe de l’égalité de traitement entre les travailleurs immigrés et les nationaux en matière de salaires et de conditions de travail est affirmé dans tous les documents officiels. Toutefois, des différences subsistent principalement dans certains domaines de la sécurité sociale (chômage, pension, allocation familiale) où l’effectivité de l’égalité, fondée sur la réciprocité de droits, suppose que des accords bilatéraux sont signés, ce qui n’a pas toujours été le cas. Dans le domaine de la participation, Castles et Kosack9 ont montré que les travailleurs immigrés ont pris part à des actions sociales et politiques pour défendre leurs droits (grèves, manifestations, etc.). Par ces luttes, les immigrés dérogent à leur qualité attribuée de personnes soumises devant respecter l’hospitalité qui leur est consentie. C’est à la suite d’une grève sauvage aux usines Citroën de Forest, en 1969, qu’une motion est prise au Parlement belge reconnaissant explicitement le droit des travailleurs immigrés à recourir à la grève. La peur de l’expulsion a souvent freiné la mobilisation des travailleurs immigrés, et ce, d’autant que certains ont été rapatriés10 pour avoir participé à des activités politiques ou syndicales considérées comme portant atteinte à la sécurité publique. Si les immigrés entrent dans la participation par l’intermédiaire du travail, certains éléments structurels en conditionnent l’émergence et l’ampleur. Ainsi, les données comparées sur la participation des immigrés au syndicalisme européen11 démontrent que la mobilisation est moins associée à la nationalité d’origine des travailleurs immigrés qu’à la force (Belgique, Allemagne, Royaume-Uni) ou à la faiblesse (France, Pays-Bas) des syndicats. La démocratie dans l’entreprise s’est particulièrement affirmée lorsqu’au début des années 1970, les travailleurs acquièrent les mêmes droits que les nationaux de représenter des travailleurs lors des diverses élections professionnelles (Belgique 1972, Allemagne 1972, France, 1972). Les immigrés connaissent ainsi la première forme de citoyenneté par le travail.
6Bien que la liberté d’opinion soit un des principes fondateurs de la démocratie moderne, elle n’est pas un droit fondamental reconnu aux travailleurs immigrés au début des années 1960. En Allemagne, en Belgique et en France, la liberté d’opinion peut être réduite en vue de protéger l’ordre public et la sécurité. Les législations relatives au séjour des étrangers contiennent encore et toujours une disposition qui autorise, par simple décision administrative, les ministres compétents à décider de l’expulsion d’étrangers pour des raisons d’ordre public. D’autres droits civils n’ont été reconnus que tardivement. Ainsi, le droit de libre association entre étrangers n’est accordé qu’en 1981 en France et en 1984 en Belgique. Plus fondamentalement encore, la sécurité de séjour n’est véritablement garantie qu’avec les législations des années 1980. Ces lois ont institué principalement des titres de séjour permanent et des recours plus aisés auprès des tribunaux pour contester les décisions prises à l’encontre des étrangers (1980 en Belgique, 1984 en France et 1991 en Allemagne). En matière de droits politiques, malgré de nombreux débats et de nombreuses mobilisations, particulièrement des syndicats et des organisations immigrées, dans divers pays européens, seuls la Suède et les Pays-Bas ont accordé aux immigrés le droit de vote aux élections locales12. Après trente ans de débat, la Belgique a voté une législation en 2004 attribuant le droit de vote, mais pas d’éligibilité aux étrangers ressortissants des Etats tiers de l’Union européenne13. Bien que la construction européenne, et tout particulièrement la création d’une citoyenneté de l’Union, instituée par le traité de Maastricht, soit venue rompre le lien citoyenneté-nationalité, en garantissant une citoyenneté à des non-nationaux, en leur attribuant le droit de vote et d’éligibilité sur le plan local, la portée de cette avancée n’a eu aucune répercussion automatique pour ceux que les textes juridiques européens dénomment les ressortissants de pays tiers.
7Comment expliquer ce processus d’extension de la citoyenneté des immiimmigrés ? Certains auteurs interprètent ces réformes comme le résultat des mouvements sociaux14. D’autres15 y voient le prolongement des héritages institutionnels du processus de démocratisation spécifique à chaque État européen. Le poids de l’État-nation serait prépondérant. Enfin, certains16 insistent sur l’importance accrue des acteurs internationaux et l’incidence de décisions juridiques et politiques supranationales. Dans son étude comparée, Virginie Guiraudon17 démontre, pour sa part, que les réformes visant les droits des immigrés ont abouti lorsque les dirigeants politiques qui les défendaient ont rendu leur action peu visible ou lorsque ces réformes ont mobilisé peu d’acteurs administratifs ou judiciaires. Le processus qui visait à élargir au fur et à mesure les droits civils et sociaux des denizens et des étrangers pour s’approcher le plus des droits conférés aux citoyens n’a pas totalement abouti. Jusqu’à présent, des revendications minoritaires n’ont pas été prises en compte parce que le système actuel des partis est né, si on accepte la perspective de Lipset et Rokkan18, des conflits et clivages organisés au moment de l’extension du suffrage universel : Eglise-Etat, agriculture-industrie, propriétaires-ouvriers. Lors de la constitution des partis à la fin du XIXe et au XXe siècle, ni le clivage homme-femme ni le clivage nationaux étrangers n’étaient organisés, légitimes. Si les revendications des femmes ont abouti à l’extension de la citoyenneté politique à partir du principe de l’espace national, il n’en va pas de même, presque par définition, de la situation des denizens et des étrangers. L’accès à la citoyenneté entière passe par l’acquisition de la nationalité, mais dans un contexte complexe comme celui de l’Union européenne.
De l’étranger au citoyen
8Constatant la permanence de l’immigration, la Belgique et d’autres pays européens adoptent, à partir des années 1980, une politique d’intégration plus ouverte fondée notamment sur un assouplissement des modes de naturalisation. Deux modèles d’accès à la nationalité sont souvent opposés. Le premier, ouvert, repose sur le principe du droit du sol (jus soli) et le deuxième, fermé, repose sur le droit du sang (jus sanguinis). Les codes de nationalité régis par le droit du sol, caractéristiques des pays d’immigration, favorisent une inclusion nationale rapide, notamment des descendants des immigrés qui deviennent des nationaux s’ils naissent sur le territoire du pays d’installation. Les procédures de naturalisation ne réclamant qu’une brève période de transition pour devenir un national relèvent du même esprit. Par contre, en vertu du droit du sang, la citoyenneté à part entière se transmet par filiation. Les périodes de transition pour la naturalisation y sont longues et les conditions d’accès plus exigeantes. Ces deux modèles ne se trouvent pas à l’état pur. Cette distinction a notamment servi à opposer le modèle français reposant sur le droit du sol au modèle allemand reposant sur le droit du sang. Depuis 1980, les Etats européens disposant des législations les plus fermées les ont changées en adoptant le droit du sol et en assouplissant les conditions de naturalisation (Suède en 1980, Pays-Bas en 1984, Belgique en 1984, Espagne en 1991, Italie en 1992 et Allemagne en 1999). Une convergence des dispositifs juridiques, sans impliquer celle des fondements idéologiques et des justifications politiques, est à l’oeuvre en Europe. Tous les États tiennent particulièrement à rester souverains en la matière, démontrant de la sorte la légitimité permanente de l’État-nation. Cependant, à l’inverse d’auteurs insistant sur le poids déterminant des logiques historiques nationales, Patrick Weil19 démontre que les droits de la nationalité en Europe ne se réduisent pas à l’expression de conceptions différentes de la nation. Des pays comme la France et le Royaume-Uni ont des droits de la nationalité assez proches tout en ayant une représentation différenciée de la nation. Par contre, l’intégration de la conception sociologique de la nationalité, par l’incorporation de vagues migratoires, semble davantage à la base des récentes modifications des droits de la nationalité en Europe et la conscience d’être des États d’immigration est plus partagée au Royaume-Uni et en France qu’ailleurs en Europe.
9À partir de 1981, la Belgique met en oeuvre une véritable politique d’intégration. Celle-ci correspond à l’extension individuelle de droits égaux à ceux des Belges, principalement sur la base de l’acquisition de la nationalité belge. Elle naît en pleine période de racisme politique et institutionnel. Au cours de cette période, les centres de gravité de ce qui est communément qualifié de « problème des immigrés » se déplacent des zones industrielles de Wallonie et du Limbourg vers les villes, d’abord Bruxelles et ensuite Anvers. Par ailleurs, les immigrés visés par ces discours ne sont plus ceux provenant de l’Europe du Sud, mais les ressortissants du Maroc et de la Turquie. Après 1981, le discours politique sur l’intégration est consacré. Ce discours et les politiques publiques qui l’accompagnent possèdent une particularité, ils s’expriment comme une injonction paradoxale : « Vous pouvez rester, mais tout serait mieux si vous n’étiez pas là », « Restez, mais20 ». La première politique d’intégration structurelle entreprise par l’État est adoptée en 1984 par la modification du Code de la nationalité. Preuve de l’existence d’une injonction paradoxale, cette politique inclusive s’accompagne d’une politique incitative de retour et d’une politique autorisant les communes à pouvoir refuser l’accès de nouveaux étrangers sur leur territoire. La politique d’intégration s’institutionnalise à la suite de la création du Commissariat royal à la politique des immigrés (CRPI) en 1989. Cette institutionnalisation est l’occasion d’un consensus entre les élites sur la définition de l’intégration proposée par le CRPI. La définition assez large allie à la fois une visée assimilationniste (assimilation là où l’ordre public s’impose), un soutien à l’intégration sociale et un respect des différences culturelles dans l’espace privé. En Flandre, des auteurs21 critiquent la conception ethnocentrique, d’abord, et paternaliste22, ensuite, de cette définition. Selon eux, elle traduit une volonté assimilationniste devant traiter des symptômes de l’inadaptation de certains immigrés (place de la femme, mauvaise connaissance du néerlandais et fait d’être musulman). En outre, elle repose sur le paradoxe de revendiquer que les immigrés deviennent des Flamands tout en pensant qu’ils ne le seront jamais tout à fait.
10La politique d’intégration s’institutionnalise non pas en raison de l’existence du CRPI, mais à la suite d’une fenêtre d’opportunité23 résultant de la superposition de trois dynamiques. La première tient à la construction d’une définition paradigmatique24 de l’intégration des immigrés. Le contenu de cette définition s’élabore en 1991 en tenant compte d’une double demande : celle de plus de sécurité (physique, sociale et identitaire) formulée par l’électorat d’extrême droite et le Vlaams Blok et celle de plus de reconnaissance exprimée par des jeunes issus de l’immigration lors de révoltes urbaines25. Ces deux événements infléchissent la définition politique de l’intégration en lui assignant une connotation sécuritaire (lutter contre l’insécurité que représentent les descendants des immigrés) et une connotation sociale (lutter contre l’exclusion sociale que vivent notamment les descendants des immigrés). Le paradigme de la définition politique de l’intégration allie ainsi une dimension de surveillance et une d’émancipation. La deuxième dynamique tient à la construction des politiques publiques, elle-même caractérisée par une continuité et une rupture. La continuité se vérifie dans les assouplissements apportés à la législation sur la nationalité. La rupture concerne les politiques sociales qui se voient renouvelées et, surtout, complétées par des politiques urbaines visant des « groupes à risque » dans des quartiers définis comme défavorisés. Ces politiques urbaines se structurent autour de deux pôles : la prévention en matière d’insécurité et la compensation en matière de lutte contre les désavantages sociaux. La mise en oeuvre de ces nouvelles politiques urbaines repose sur le principe de la mobilisation des acteurs locaux qui sont appelés à travailler en partenariat, en particulier les institutions publiques et les associations privées. Elles vont favoriser, à l’instar des politiques américaines du président Johnson de lutte contre la pauvreté, le développement d’une nouvelle catégorie sociale, une welfare class26. La troisième dynamique tient au calendrier électoral, et tout particulièrement au choc des élections du 24 novembre 1991 qui voit la première progression de l’extrême droite, surtout en Flandre. Le nouveau gouvernement est contraint de proposer de nouvelles politiques capables de répondre aux demandes formulées par les électeurs. La politique institutionnalisée d’intégration des immigrés en Belgique est construite ainsi autour de trois axes : l’assouplissement des modes d’acquisition de la nationalité, la création de politiques publiques spécifiques et l’élaboration des nouvelles politiques urbaines. Nous ne nous intéresserons ici qu’à la première.
11Le Code de la nationalité est changé à plusieurs reprises27, toujours dans un sens d’assouplissement des conditions (1984,1991,1995,1998, 2000). Les changements ont plus souvent été apportés de manière dérivée, à savoir comme une réponse à la mise à l’agenda de l’attribution du droit de vote aux étrangers sur le plan local. À l’opposition sur ce dossier répondait la construction d’un consensus sur l’assouplissement de l’accès à la nationalité belge. Deux changements distincts ont conduit à l’accroissement considérable du nombre d’étrangers devenus citoyens belges. D’une part, l’instauration du principe du jus soli en 1984 (double jus soli) et son élargissement en 1991 (jus soli simple) expliquent les deux pics statistiques des changements de nationalité : 83 421 acquisitions de la nationalité belge en 1985 et 46 368 en 1992. D’autre part, l’assouplissement des conditions de naturalisation et surtout l’élargissement, depuis 2000, des personnes pouvant recourir à la procédure dite de déclaration (tout étranger ayant résidé plus de sept ans en Belgique peut bénéficier de la nationalité belge). Le premier changement a surtout produit ses effets en Wallonie et en Flandre, auprès des plus anciennes immigrations. Par contre, le deuxième changement a surtout affecté la Région de Bruxelles-Capitale.
12L’incidence de cette politique est considérable. Ainsi, entre 1988 et 2002, 434 814 étrangers sont devenus belges, parmi lesquels 150 197 pour la seule Région de Bruxelles-Capitale, ce qui représente 34,6 % de l’ensemble des acquisitions de la nationalité. Toutefois, le changement y est plus significatif puisqu’il porte sur un nombre d’habitants plus réduit qu’en Flandre et en Wallonie. Les effets de ces changements sont au moins de deux ordres. D’une part, ils sont à la base de la transformation de la représentation démocratique dans la Région de Bruxelles-Capitale et dans les communes bruxelloises. En effet, le nombre d’électeurs s’est accru et on a vu apparaître, surtout depuis 1994, des élus issus de l’immigration. Tant les enjeux politiques qu’électoraux ont dû tenir compte de cette nouvelle donne. Au sein d’une région bilingue, ce changement de nationalité modifie les rapports entre les deux communautés linguistiques et politiques et, par conséquent, ces étrangers devenus Belges deviennent aussi des instruments dans les conflits intercommunautaires. Leur appartenance linguistique et politique devient un enjeu communautaire davantage formulé par les néerlandophones que par les francophones, les premiers cherchant à connaître les identités d’appartenance et les seconds étant convaincus de leur attachement supposé naturel à la francophonie.
13Les changements des législations ont aussi influencé les manières de penser l’intégration. Cette dernière a longtemps souffert d’un déficit de contenu dans la mise en oeuvre de la première réforme. Interpellé sur la définition de l’intégration, J. Gol, ministre de la Justice en 1984, répond : « Je vous dirais que je ne sais pas exactement ce que pourraient être les critères d’intégration, mais je reconnais aussitôt clairement une absence de volonté d’intégration28 » Jusqu’en 2000, les autorités politiques ont mis un filtre à l’acquisition de la nationalité en instaurant le questionnaire sur la « volonté de s’intégrer » dont l’interprétation a été laissée à l’appréciation du Tribunal dans un premier temps et à la Commission des naturalisations de la Chambre ensuite. Cette dernière a établi une jurisprudence sur divers indicateurs de la « volonté d’intégration » tels que la connaissance d’une des langues nationales, les contacts avec la population belge, l’intégration sociale et l’intégration culturelle. Cette jurisprudence s’est imposée en raison de l’appréciation différenciée portée par les parquets à des indicateurs semblables. Alors que les parquets avaient tendance, par exemple, à estimer que le port d’un voile ou d’une djellaba constituait une entrave à la « volonté d’intégration », la Commission de la Chambre a considéré que ce type d’indices devait être évalué à la lumière d’autres indicateurs29. Avec la disparition du questionnaire dans la procédure de naturalisation depuis la réforme de 2000, il n’existe plus que des critères objectifs (durée de résidence, etc.) pour apprécier l’intégration. Le programme de l'inburgering (citoyennisation) proposé en Flandre vient introduire les composantes supposées nécessaires (langue, histoire et législation nationales, etc.) à l’inclusion dans l’espace national.
Participation et représentation politique
14Au cours des 10 dernières années, la Belgique a connu de nombreux changements sur le plan de la représentation politique. D’une part, la proportion de femmes a fortement augmenté parmi les parlementaires et les ministres et, d’autre part, les personnes issues de l’immigration sont aussi plus largement représentées. Bien qu’il s’agisse de deux processus différents, ces changements répondent tous les deux à un souci d’une représentation démocratique plus équitable. Néanmoins, si la représentation politique des femmes a bénéficié d’une politique préférentielle30 déterminée par la loi (parité pour les premières places électorales, au moins un tiers de femmes sur les listes électorales et au moins une ministre dans tous les gouvernements fédéraux et régionaux), il n’en va pas de même pour les personnes issues de l’immigration. Dans certaines circonstances, les deux processus se cumulent. La représentation politique des femmes issues de l’immigration semble bénéficier d’une plus grande légitimité dans l’opinion publique et contrecarre la double, voire la triple exclusion (appartenances sexuelle, ethnique, de classe) quelles subissent. L’accroissement de la représentation politique des personnes issues de l’immigration constitue un indicateur de la recherche d’une représentation équitable. Notre attention se concentre sur les migrants les plus stigmatisés, à savoir ceux issus des immigrations marocaine et turque31.
15La participation et la représentation politique des citoyens issus de l’immigration s’affirment à partir des élections communales de 199432. En l’absence de données statistiques officielles sur les origines ethniques, le mode de recueil de données se fonde sur l’approche patronymique qui consiste à dépouiller les listes des candidats aux élections et à identifier sur la base du nom l’origine nationale antérieure à l’acquisition de la nationalité belge. Bien que cette méthode ne soit pas exempte d’erreurs, elle permet de donner quelques indications sur la représentation politique des personnes issues de l’immigration en Belgique.
16Depuis 1999, des citoyens issus de l’immigration sont élus à tous les paliers de pouvoir (local, régional et fédéral). Lors des élections législatives de 2003, ils sont cinq à être élus directement à la Chambre et deux au Sénat, qui compte également quatre sénateurs provenant des parlements régionaux. Ces personnes, à l’exception d’une, sont élues sur les listes des deux partis socialistes. Cinq sont élues sur des listes flamandes et six sur des listes francophones. Parmi ces 11 élus fédéraux, 7 sont d’origine marocaine, 2 d’origine turque, 1 d’origine algérienne et 1 d’origine congolaise. Les femmes sont plus nombreuses parmi les élus, contrairement à ce qui est observé pour les Belges autochtones. En effet, elles sont trois à la Chambre et cinq au Sénat. En 2003, le gouvernement compte aussi la première secrétaire d’Etat d’origine marocaine. Cependant, celle-ci doit quitter rapidement son poste à la suite d’une controverse, alimentée par les médias, concernant une information incorrecte quelle a fournie au sujet de son niveau d’études. En juillet 2004, une secrétaire d’Etat d’origine congolaise est nommée aux Affaires familiales au sein du gouvernement fédéral et une Belge d’origine marocaine devient ministre de la Culture de la Communauté française de Belgique.
17La Région de Bruxelles-Capitale connaît en matière de représentation des personnes issues de l’immigration une situation particulière. La proportion des citoyens issus de l’immigration y est très élevée et, de plus, la représentation politique de cette catégorie de la population y est la plus forte et visible. Qu’il s’agisse des élections communales ou régionales, la progression de la représentation politique des citoyens issus de l’immigration y est constante depuis la moitié des années 1990. Alors qu’en 1994, il y avait 72 candidats d’origine étrangère sur les listes des partis traditionnels, ils sont 272 en 2000. De même, le nombre d’élus passe de 14 à 90, soit de 2 % des élus à 13,8 %. Durant les élections de 2000, la compétition pour capter le « vote préférentiel ethnique » a été importante. Anticipant l’expression du vote préférentiel, tous les partis traditionnels de gauche et de droite ont mis des citoyens issus de l’immigration sur leur liste. Toutefois, il n’y a pas eu d’élus sur toutes les listes. Le poids structurel des partis prime ; ce sont les partis les plus institués qui emportent le plus de votes. Les élus sont très majoritairement inscrits dans des partis francophones (96,7 %), et essentiellement au PS (42,2 %) et à ECOLO (35,6 %). Comme en 1994, la plupart de ces nouveaux élus sont d’origine maghrébine, les élus turcs ou des pays d’Afrique subsaharienne restent très marginaux. Le score important en termes de voix de préférence permet à certains candidats d’être élus même s’ils occupaient une mauvaise position sur la liste électorale. L’accroissement de la représentation politique a pour effet que la proportion des élus issus de l’immigration se rapproche de la part des minorités ethniques au sein de la population (Saint-Josse, 48,2 % ; Molenbeek, 29,3 % ; Bruxelles-Ville 27,7 %). Les élections de 2000 marquent l’entrée dans le corps électoral d’une proportion non négligeable de personnes jusqu’alors exclues du système démocratique, en particulier dans les communes où les étrangers étaient plus nombreux que les Belges. Dorénavant, ces anciens immigrés devenus citoyens belges peuvent voter. En outre, la forte proportion de jeunes ayant atteint l’âge de la majorité parmi la population d’origine immigrée a contribué à accroître l’importance de cette population au sein des électeurs. Les élections locales de 2000 ont également vu apparaître les premiers postes d’échevin (adjoint au maire) attribués à des élus d’origine immigrée. Ainsi, douze élus sont devenus échevins, dont la moitié sont des femmes, et gèrent des matières très diversifiées.
18Les mêmes processus ont été observés lors des élections régionales de 1995, de 1999 et de 2004. En 1995, quatre citoyens issus de l’immigration ont été élus sur 75 sièges (10,7 %) au Parlement de Région de Bruxelles-Capitale. Trois de ces élus sont d’origine marocaine et un d’origine tunisienne. Les quatre ont été élus sur des listes francophones (trois au PS et un à ECOLO). Parmi ces quatre élus ne figure qu’une seule femme, qui a, toutefois, obtenu le plus de voix de préférence. En 1999, le nombre d’élus passe de quatre à huit, dont quatre élus socialistes, deux verts et deux libéraux. Les femmes sont trois sur huit et l’une d’elles réalise le meilleur score préférentiel parmi les élus issus de l’immigration. La plupart de ces élus appartiennent aux partis écologistes (ECOLO et Agalev) et aux partis socialistes (PS et SP.a). Ces partis ont eu, traditionnellement, un programme politique plus favorable aux immigrés et ils ont défendu l’extension du droit de vote aux élections locales à tous les étrangers résidant en Belgique jusqu’à l’adoption de cette loi en décembre 2003. À Bruxelles, la prédominance francophone des citoyens issus de l’immigration a pour effet qu’ils sont surtout présents et élus sur les listes francophones. Les immigrés et leurs descendants en devenant Belges ont ainsi accru la proportion des francophones par rapport aux Flamands. La diminution de la représentation politique des partis écologistes après 2000 n’a pas eu d’effet sur la représentation des citoyens issus de l’immigration. Leur proportion a continué à augmenter, le parti socialiste ayant capté beaucoup de ces nouveaux politiciens. La progression de la représentation politique des citoyens issus de l’immigration s’est poursuivie lors des élections régionales de 2004. En effet, le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale compte désormais 20 élus d’origine immigrée sur 89 députés régionaux, soit 22,5 % des sièges, ce qui correspond à leur représentation au sein de la population. Parmi ces 20 élus, 13 sont des hommes et 7 des femmes. Ils sont majoritairement d’origine marocaine. Le relatif équilibre entre les partis est maintenant rompu puisque, parmi ces 20 élus, 15 le sont au seul parti socialiste francophone, 2 au parti chrétien, 2 au parti libéral et 1 au parti socialiste flamand. Cette forte représentation politique au sein du parti socialiste est encore plus appréciable quand on voit qu’ils y sont majoritaires. En effet, sur les 27 élus socialistes, 15 sont issus de l’immigration. Le score personnel réalisé par un de ces élus lui a permis d’accéder à un poste de secrétaire d’Etat au sein du gouvernement régional. Preuve d’une relative professionnalisation du personnel politique, les députés régionaux d’origine étrangère élus en 1995 ont été réélus en 1999. Ici aussi, il est clair que les voix de préférence expliquent souvent l’élection des candidats d’origine étrangère même si, dans certains cas, les voix de préférence font perdre des places aux candidats par rapport à leur position initiale sur la liste.
Les opportunités politiques de cette représentation politique
19Après une période d’absence de participation et de représentation politiques, comment expliquer la situation présente qui prouve l’accès des immigrés à la citoyenneté politique ? La Belgique partage avec d’autres pays européens des causes communes à cette émergence de nouveaux représentants issus de groupes minorisés. Cependant, la Belgique, et tout particulièrement avec la situation bruxelloise, connaît des causes spécifiques qui la particularisent. Cette émergence tardive tient avant tout à une législation sur la nationalité belge qui ne favorisait pas l’acquisition de la citoyenneté belge. L’accroissement considérable des « nouveaux Belges » comme les qualifient fréquemment les médias a conduit à la participation politique et également à une forme de représentation. Toutes les réformes du Code de la nationalité belge ont eu un impact très important, notamment en augmentant considérablement le nombre d’électeurs. Comme nous l’avons dit précédemment, plus de 150 000 étrangers sont devenus Belges entre 1988 et 2002 dans la Région de Bruxelles-Capitale, et plus de la moitié des Marocains et des Turcs à Bruxelles sont devenus Belges durant ces années.
20Le fait de devenir électeur ne suffit pas à comprendre l’accroissement de la représentation politique. En Belgique, on peut considérer que les partis ont ouvert leurs portes aux citoyens issus de l’immigration pour des raisons politiques. Les causes politiques de l’ouverture des partis sont de deux types. Le premier tient à la compétition importante qui se joue à Bruxelles entre les Flamands et les francophones. Il était très important pour les partis francophones de capter ce nouvel électorat qui, par ailleurs, s’exprime très majoritairement en français. Accroître la proportion des francophones en faisant des « nouveaux Belges » des électeurs, des candidats et des élus francophones, permettait de freiner les ambitions flamandes d’assujettir la Région Bruxelles-Capitale à la Flandre et à la Wallonie. C’est pour ces mêmes raisons que la loi sur le droit de vote a été soutenue par tous les partis francophones, même ceux de droite, alors que seul le parti socialiste flamand l’a votée. La compétition entre Flamands et francophones tient aussi à une représentation très différenciée du multiculturalisme entre les deux communautés linguistiques belges. La représentation politique des citoyens issus de l’immigration n’est pas seulement un enjeu pour ces nouveaux citoyens, elle peut être instrumentalisée par les composantes nationales dominantes dans la lutte sur le devenir même de Bruxelles et de la Belgique.
21Le deuxième type de cause politique tient au clivage social et économique. La Région de Bruxelles-Capitale est très clivée socialement. Bien qu’il s’agisse de la capitale du pays, c’est une ville relativement pauvre. Dans les quartiers du centre résident la plupart des immigrés qui représentent aussi une très grande partie des classes populaires bruxelloises. Les classes bourgeoises, les élites internationales et européennes vivent majoritairement dans les communes périphériques, tout en travaillant à Bruxelles. Entre 1970 et 1980, les emplois industriels ont fortement diminué et l’augmentation de ceux dans les services n’a pas compensé les emplois détruits. Parmi les trois régions, Bruxelles a le taux de chômage le plus élevé. Il concerne en particulier les jeunes, et surtout ceux d’origine immigrée. Ces derniers sont souvent insuffisamment qualifiés et racialement discriminés lors de la recherche d’un emploi. Jusqu’en 2000, en écartant les immigrés des élections, on écartait également une large part des classes populaires. Traditionnellement, l’électorat bruxellois était plutôt libéral et conservateur. Les socialistes n’étaient dominants que dans quelques municipalités. L’accroissement des élus d’origine immigrée est à la base d’un bouleversement considérable de l’échiquier politique à Bruxelles. Les libéraux qui étaient historiquement dominants sont supplantés par les socialistes qui deviennent le premier parti de la région. Ce changement politique tient aussi à une régression des partis écologistes. Les premières données sorties des urnes33 viennent confirmer l’effet du vote des citoyens issus de l’immigration dans ce changement politique. Plus de 55 % des personnes qui se déclarent musulmans disent avoir voté pour le parti socialiste. De même, ceux qui votent pour la première fois, et dont une grande partie est d’origine immigrée, ont voté pour les socialistes. Dans un contexte de gouvernance à plusieurs niveaux (accroissement du rôle de l’Union européenne, diminution de l’action de l’État fédéral, augmentation de l’action locale et régionale), les luttes intercommunautaires et les luttes entre partis deviennent des opportunités pour les groupes minoritaires34. Ils peuvent plus favorablement revendiquer une place politique et la défense de certains intérêts. Cette opportunité est d’autant plus favorable qu’en Belgique, la loi électorale limite la tendance des partis à contenir l’émergence de représentants de groupes minoritaires. Dès lors, les partis anticipent les effets positifs de cette opportunité en l’utilisant à leur propre fin.
22Cependant, parmi les causes politiques, il convient de donner un rôle prépondérant aux lois électorales elles-mêmes. La forte représentation politique des minorités tient avant tout à la forte participation électorale. Ceci découle de la loi elle-même : le vote est obligatoire en Belgique. Par rapport à d’autres pays, notamment les Etats-Unis, les personnes les plus précarisées ne sont pas sous-représentées. La loi électorale en Belgique fournit une opportunité pour l’émergence de ce qu’on qualifie de « vote préférentiel ethnique ». Le système électoral est plus ou moins proportionnel. Les électeurs peuvent voter soit pour la liste (un parti) soit pour des candidats d’une même liste. Dans ce deuxième cas, ils émettent des votes de préférence. Il faut noter qu’il n’y a pas de limite aux votes de préférence. Le classement sur la liste électorale soumise à l’électeur exprime les préférences du parti concernant les personnes qui devraient être élues ; les premières devant avoir plus de chances que les dernières. La possibilité offerte aux électeurs de formuler des préférences conduit à réduire l’importance du classement issu des compromis au sein des partis entre candidats concurrents en renvoyant à l’électeur la concurrence entre ces mêmes candidats. Sans entrer dans les détails techniques de la loi électorale, il faut préciser que le mode de comptage des bulletins de vote favorise les votes préférentiels. Le nombre de sièges attribués à un parti dépend du nombre de suffrages exprimés et un chiffre d’éligibilité est fixé. Les candidats sont élus s’ils atteignent ce chiffre d’éligibilité. Toutefois, le classement de la liste détermine, dans un premier temps, l’ordre des personnes élues. Il n’y a que la moitié des votes exprimés pour la liste (et pas un ou des candidats) qui profitent aux personnes en tête de liste qui n’ont pas atteint le chiffre d’éligibilité. Lorsque cette réserve est épuisée, les candidats élus sont ceux qui ont obtenu le plus de voix de préférence. Ce système explique que des citoyens issus de l’immigration ont été élus alors qu’ils avaient une mauvaise place dans le classement initial de la liste. Ces derniers ont été élus en raison des votes de préférence.
23Sans jamais avoir été démontrée dans la mesure où on ne sait pas qui vote pour qui, l’émergence de la représentation politique de ces citoyens a été expliquée par l’existence d’un vote ethnique. Deux sens différents peuvent être attribués au vote ethnique. Le premier est celui de la « préférence ethnique », des électeurs d’origine immigrée choisissent des candidats de même origine ethnique qu’eux. Selon cette définition, le vote pour un parti d’extrême droite de la part d’un électeur qui rejette les immigrés s’apparente à une « préférence ethnique ». Le deuxième résulte d’une autre pratique. Certains électeurs non issus de l’immigration peuvent exprimer un vote de préférence pour un candidat d’origine étrangère, non par intérêt, mais pour soutenir la diversité culturelle des représentants du peuple. Il s’agit alors d’une « préférence symbolique » motivée par un choix de valeur. C’est le même phénomène que lorsque des hommes votent préférentiellement pour des femmes. Le succès des candidats d’origine immigrée tient sûrement à la combinaison de la « préférence ethnique » et de la « préférence symbolique », motivation qui s’ajoute bien sûr à celle de la meilleure compétence ou représentativité. Il faut aussi rappeler que cette préférence se concentre sur les partis démocratiques à vocation gouvernementale. Ainsi, les candidats sur les listes d’extrême gauche ou sur les listes de partis ethniques (comme les deux petits partis musulmans) ne bénéficient pas de ces votes de préférence. La préférence joue là où il y a du pouvoir à distribuer.
24Contrairement au modèle développé par Fennema et Tillie35 aux Pays-Bas, ce ne sont pas les représentants des groupes ethniques disposant du plus haut degré de participation à la vie associative qui sont élus. Si tel était le cas, ce serait les Belges d’origine turque qui seraient le plus souvent élus, or ce sont les Marocains qui le sont. Ces derniers sont numériquement les plus nombreux à Bruxelles et sont dispersés dans plusieurs communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Si certains lient la plus grande implication politique des Belges d’origine marocaine, par rapport à ceux d’origine turque, à une meilleure connaissance du français36, il est possible d’avancer une autre explication. Pour lutter contre les processus d’exclusion et de marginalisation à Bruxelles, de nombreuses politiques sociales et urbaines ont été mises en oeuvre. Ces politiques à vocation sociale et sécuritaire37 visent à lutter contre les désavantages sociaux, en particulier ceux des jeunes d’origine immigrée, et les peurs que ces jeunes produisent dans les espaces publics. Ces politiques ont créé de nouveaux métiers de la ville (médiateur social, éducateur de rue, steward urbain, etc.). Ces politiques publiques ont constitué un vivier d’emplois pour de nombreux jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, issus de l’immigration et devant faire face à la discrimination raciale à l’embauche dans le secteur privé et public. Le social est devenu l’alternative au chômage. Ces politiques publiques ont ainsi favorisé l’émergence d’une welfare class, c’est-à-dire un groupe social qui vit directement des politiques publiques et qui en tire les principaux bénéfices. En permettant à certains jeunes bénévoles, étudiants, chômeurs, souvent très dynamiques, de trouver un emploi en devenant animateurs ou travailleurs sociaux, ces nouvelles politiques locales construisent aussi des relations d’allégeance mobilisables à certains moments, notamment lors des élections locales. Par la proximité que ces travailleurs du social entretiennent avec les autorités politiques, ils se forgent un capital social dense et mobilisable. De nombreux candidats d’origine immigrée, essentiellement au parti socialiste, occupent ou ont occupé un emploi dans le cadre de ces politiques sociales. Ceux qui apparaissent des leaders ou des entrepreneurs dans ces politiques sociales sont soit attirés par le politique, qui devient le prolongement de leur engagement social, soit absorbés par les partis en quête de relais dans la population d’origine immigrée.
De l’accès à la citoyenneté au maintien du déni de reconnaissance
25L’inclusion politique des descendants des immigrés par la relative importante représentation politique ne s’est pas vraiment accompagnée d’une véritable politique de reconnaissance de citoyens, reconnaissance des dimensions symboliques (culture et religion). Autrement dit, cette diversité de la représentation politique ne s’est pas accompagnée d’une politique du multiculturalisme, ou mieux encore de ce que Will Kymlicka38 dénomme une citoyenneté multiculturelle qui permettrait de concilier le libéralisme et les droits des minorités. Sa formalisation de la citoyenneté multiculturelle trouve un bon terrain d’application en Belgique, simultanément Etat multinational et État polyethnique. Pourtant, les revendications qui s’inscrivent dans l’affirmation identitaire des minorités issues de l’immigration peinent à être entendues et reconnues. Ainsi, ces dernières ont relativement peu bénéficié de droits polyethniques et, encore moins, de droits spéciaux. Le recours aux droits spéciaux et aux droits polyethniques suppose la mise en oeuvre de pratiques et de politiques & affirmative action. Ce recours nécessite l’existence d’un paradigme des modes de répartition des biens sociaux et, plus particulièrement, des biens publics, acceptant et légitimant les pratiques de compensation entre groupe majoritaire et groupes minoritaires. Bien que la Belgique soit un État qui se constitue et se réforme en référence systématique à la lutte contre la discrimination, et en veillant à protéger les minorités, ces dernières ne concernent que les deux minorités nationales principales. Les minorités issues de l’immigration de ce point de vue ne forgent pas un groupe constitutif ; elles sont vouées à se dissoudre dans les clivages existants de la Belgique. Ainsi, les minorités ethniques ne disposent pas du même avantage quant à l’accès à des biens politiques, culturels et symboliques que les minorités nationales39. Même si la prégnance des piliers belges s’effrite, plus on s’approche du sommet du système politique et plus la cristallisation des piliers est forte. Dès lors, les minorités ethniques sont forcées de s’inscrire dans les piliers existants, même si certains espèrent, par exemple, pouvoir constituer un pilier musulman.
26En matière de reconnaissance de la différence, la Belgique semble adopter deux modèles distincts, l’un apparemment ouvert et l’autre apparemment fermé. Une différenciation dans le discours et dans les dispositifs relatifs à la gestion du multiculturalisme apparaît sur le plan des communautés. En Communauté française domine un discours inspiré du « républicanisme français » de l’intégration qui tend à nier les spécificités culturelles et l’origine des immigrés et de leurs descendants alors qu’en Flandre, à l’instar des PaysBas, la reconnaissance de la diversité culturelle est admise et l’existence de minorités ethniques affirmée. Depuis 1990, la Flandre promeut une politique de reconnaissance et de soutien aux associations issues de l’immigration qui s’organisent autour d’une identité ethnique. En 1996, la politique des immigrés se transforme en politique des minorités (Minderhedenbeleid). Cette dernière reconnaît l’existence de groupes ethnoculturels et trois groupes cibles sont définis : les allochtones, les réfugiés et les gens du voyage. Cette nouvelle orientation politique est très largement inspirée du modèle néerlandais40. Le soutien apporté aux associations ethniques témoigne de la conviction flamande selon laquelle le maintien et le développement d’une identité propre chez les descendants des immigrés stimulent leur émancipation. Jusqu’à présent, la Communauté flamande a voulu soutenir le développement d’organisations ethniques afin de stimuler la concertation. Reste à savoir si cela se fera encore longtemps, car, depuis 2004, une réorientation semble en cours, notamment à la suite du développement d’une politique dite d’inburgering (citoyennisation) qui impose aux nouveaux migrants non européens de suivre des modules de formation comportant des cours de néerlandais, de connaissance de la société belge et des séances d’orientation sur le marché du travail.
27Du côté francophone, le discours relatif aux immigrés est identique en Wallonie et à Bruxelles. Les minorités ethniques ne sont reconnues ni dans les faits ni dans les discours. La politique spécifique est relativement marginale. La politique d’intégration est davantage inscrite dans des politiques de ciblage territorial fondées sur des critères sociaux. Les termes « d’allochtones » et de « minorités culturelles » sont absents des discours ordinaire, politique, médiatique et scientifique, privilégiant les termes malgré tout impropres de « personnes d’origine étrangère ». Sur le plan de l’action publique, la Wallonie a mis en oeuvre des actions et des dispositifs qui favorisent l’action sociale. Des associations d’immigrés sont financées dans le cadre de cette politique, parce quelles proposent des activités d’insertion sociale (alphabétisation, formation professionnelle, etc.) et non parce quelles soutiennent une identité ethnique. À Bruxelles, la politique publique cherche à promouvoir la cohésion sociale, terme supposé recouvrir les clivages socioéconomiques et culturels de la ville. Comme en Wallonie, l’auto-organisation des minorités ethniques n’est pas financée. Les associations des minorités ethniques reçoivent des subsides pour leurs actions généralistes (amélioration du niveau scolaire, formation, animations sociales et sportives, citoyenneté, etc.). Il existe un refus de soutenir des activités touchant au domaine de l’identité, du moins dans les discours.
28La divergence des paradigmes des politiques publiques et des actions financées en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles ne doit pas cacher une certaine convergence. Les minorités ethniques ne peuvent pas avoir d’existence dans l’espace public. Leur spécificité peut être maintenue, voire soutenue comme en Flandre, dans l’espace de la société civile, mais elles ne peuvent se constituer en groupes autonomes revendiquant une légitimité à exister comme les autres piliers de la société belge. La situation en Flandre pourrait être qualifiée de multiculturalisme inégalitaire et celle de la Communauté française de multiculturalisme méritocratique. Toutefois, l’analyse des actions financées tend à montrer une grande similarité. Ainsi, des actions culturelles sont également financées du côté francophone sans être explicitement inscrites dans les priorités de la politique publique. Le principe du « faire sans dire » semble dominer la politique francophone qui la rapproche dans les faits de la politique néerlandophone. Il est, dès lors, assez difficile de considérer que le modèle flamand est ouvert et le modèle francophone fermé, et ce, d’autant plus qu’en Flandre, l’expression du racisme dans l’opinion publique et dans l’opinion politique, notamment en raison de la forte représentation politique du parti d’extrême droite Vlaams Belang, y est plus marquée.
29Le déni de reconnaissance peut s’observer sur deux plans distincts. Le premier concerne l’immigration en général, le second, plus spécifique, touche les immigrés musulmans. Alors que la Belgique connaît des vagues migratoires depuis les années 1920, aucune mémoire de ce phénomène social et culturel n’est entretenue. Ainsi, les cours d’histoire, les manuels scolaires ne contiennent aucune information sur l’immigration. Cette question n’est abordée que dans le cadre des cours d’actualité, le plus souvent en étant posée comme « le problème des immigrés ». Il n’existe aucun musée de l’immigration malgré de multiples projets et déclarations politiques. L’histoire de l’immigration ne semble guère faire partie de l’histoire de la Belgique. Même dans les cursus universitaires, les cours relatifs à l’immigration étaient absents jusqu’à il y a peu. Les commémorations des dates de la signature des deux principales conventions bilatérales, celle avec l’Italie de 1946 et celle avec le Maroc de 1964, ont certes été célébrées. Toutefois, aucune entreprise systématique de recueil de la mémoire, des objets, des récits, des photos, etc. n’a été promue par les autorités publiques. Cette faible inscription de l’histoire et de la mémoire des migrations dans la transformation de la société belge ne peut être perçue par les immigrés que comme une occultation collective de leurs souffrances et blessures morales.
30Le déni de reconnaissance concerne prioritairement ceux qui jusqu’il y a peu étaient les étrangers les plus stigmatisés, à savoir les descendants des immigrés marocains et turcs. Le déni le plus fort se marque bien sûr par l’expression du racisme et plus encore par la discrimination raciale et ethnique, particulièrement sur le marché de l’emploi et dans l’accès au logement. Bien que les descendants de ces migrants soient représentés politiquement, beaucoup parmi eux n’ont pas encore une chance égale d’accès à certaines ressources. La surreprésentation politique d’une minorité s’allie à la sousreprésentation d’une majorité dans l’emploi, par exemple. En outre, de nombreuses revendications spécifiques ne trouvent aucune solution aisée. Ces revendications portent autant sur des questions culturelles que religieuses, et concernent prioritairement l’identité de musulman. Quelques exemples peuvent être cités à cet égard. Le plus visible, objet de passions politiques, est bien sûr le port du voile dans les écoles. Depuis le premier recours à un tribunal pour trancher la question en 1989, le port du voile à l’école est toléré, parfois, sans être reconnu. Entre la revendication relative à la liberté religieuse défendue par les parents des élèves musulmanes et l’interdiction du voile par les autorités scolaires, en raison du principe de neutralité à afficher à l’école, les juges ont été appelés à statuer. La jurisprudence belge ne suit pas une ligne de conduite cohérente. Certaines décisions des juges ont donné raison aux parents et d’autres aux écoles. Les autorités politiques n’ont pas un point de vue univoque, et plutôt que de se lancer dans une législation à la française, privilégient les négociations locales, laissant aux établissements scolaires, sur la base d’un règlement d’ordre intérieur, la possibilité de répondre aux demandes. Sur le marché de l’emploi, le port du voile est souvent refusé. Dans l’emploi public, la discrimination de l’employeur est justifiée sur la base du principe de neutralité des institutions publiques et sur le marché de l’emploi privé, les employeurs mobilisent des arguments de rentabilité économique tels que l’effet négatif sur le client pour expliquer l’interdiction41. L’indétermination en la matière qui se marque par une attitude paradoxale combinant tolérance et interdiction témoigne de la difficulté à reconnaître comme un droit, dans l’espace public, une pratique que les jeunes femmes musulmanes considèrent comme une liberté fondamentale dont l’exercice ne peut être limité à l’espace privé.
31D’autres exemples témoignent de ce que les musulmans, notamment, considèrent comme un déni d’estime et de reconnaissance : la construction médiatique, parfois réductrice, d’un « danger musulman » extérieur et intérieur, particulièrement après le 11 septembre alimentant la formation de l’islamophobie42. Celle-ci, forme particulière du racisme, connaît un large développement plus dans les discours que dans les actes. Le Rapport annuel de 2002 du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme43 constate une libéralisation d’un discours radicalement hostile à l’islam. Il note une montée des agressions verbales, mais aussi physiques. De nombreux faits sont rapportés concernant tant l’islamophobie que l’antisémitisme : l’assassinat d’un couple de Marocains à Schaerbeek, d’un jeune professeur marocain à Anvers, l’agression physique de rabbins, l’attaque de synagogues et de mosquées, les insultes racistes. Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme constate aussi que 7,5 % des 1316 dossiers ouverts pour des plaintes invoquent la religion comme base de discrimination. Ces discours de disqualification sont perçus par les citoyens belges musulmans comme une atteinte à leur identité et contribuent à forger des blessures morales. En 2003, une attention spécifique a été portée tant aux plaintes liées à des actes antisémites qu’à celles liées à des actes islamophobes et arabophobes. La proportion des plaintes pour le même motif a connu une augmentation en 2003. Les évènements du 11 septembre et le contexte international dominé par « la peur de l’islam » accentuent les différends et heurs entre les non-musulmans et les musulmans.
32En matière de sépulture, les musulmans revendiquent des parcelles spécifiques dans les cimetières. En Belgique, aucun cimetière privé n’a été créé et les conflits entre laïcs et catholiques avaient conduit à un compromis visant à ne pas créer des aires spécifiques dans les cimetières communaux. La législation et la jurisprudence ne donnent pas autorité aux communes de procéder au partage des terres du cimetière en fonction des convictions philosophiques ou religieuses. La création de parcelles spécifiques pour les juifs ou les musulmans suppose de prendre des dispositions légales sur le plan régional. L’aménagement de lieux d’ensevelissement permettant la pratique des rites funéraires devient un problème urgent dont l’acuité ne fait qu’augmenter. Bien que certaines parcelles musulmanes existent, une circulaire est adressée aux communes, en 1997, reconnaissant officiellement la possibilité de constituer des parcelles musulmanes. Cependant, cette question n’a pas encore trouvé de solutions satisfaisantes d’autant plus que des injonctions de l’islam ne peuvent être respectées entièrement, obligeant les musulmans à rapatrier les corps de leurs défunts dans les pays d’origine des immigrés. Cependant, cette pratique devient de plus en plus difficile pour les « deuxième et troisième générations », ainsi que pour les convertis.
33Durant les fêtes religieuses du Yom Kippour ou de l’Aïd El Kebir, de nombreux élèves ne vont pas à l’école. Dans la mesure où la Communauté française de Belgique ne reconnaît pas ces deux jours comme fériés, les élèves doivent justifier leur absence, notamment par des certificats médiaux. L’abattage rituel lors de l’Aïd El Kebir n’a pas encore trouvé non plus une solution définitive entre les exigences de la santé publique et celles des rites religieux. Enfin, les transformations architecturales de certaines mosquées ne vont pas sans poser des problèmes. L’autorisation de construire un minaret dans une mosquée est soumise à des exigences qui sont parfois perçues comme injustes en comparaison d’autres cultes. À toutes ces situations s’ajoute une relative inégalité de traitement entre les cultes en matière de reconnaissance des lieux de culte, des autorités religieuses, etc.
34L’acquisition de la nationalité a permis à de nombreux étrangers de devenirs des citoyens belges. Toutefois, l’absence de reconnaissance, d’une part, de la mémoire de l’immigration comme phénomène collectif, et d’autre part, de certaines spécificités culturelles et religieuses des citoyens issus de l’immigration tend à montrer que l’accès aux droits égaux ne s’est pas accompagné de l’estime de l’autre. Cette discordance entre la dimension formelle de la citoyenneté et la dimension informelle et symbolique de la reconnaissance conduit à entretenir le sentiment d’injustice et de mépris qu’expriment des personnes aux groupes minorisés issues de l’immigration. La citoyenneté multiculturelle suppose une égalité de respect et d’opportunités que l’égalité formelle ne peut assurer seule.
Notes de bas de page
1 Milton Gordon, Assimilation in American Life, New York, Oxford University Press, 1964.
2 Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Passages », 2000.
3 Tomas Hammar, Democracy and the Nation State, Aldershot, Avebury, 1990.
4 Marco Martiniello, « Citizenship of the European Union », dans Rainer Bauböck (dir.), From Aliens to Citizens. Redefining the Legal Status of Immigrants in Europe, Aldershot, Avebury, 1994, p. 29-47.
5 Étienne Balibar, Les frontières de la démocratie, Paris, La Découverte, 1992.
6 Andrea Rea, « Les immigrés et la citoyenneté de l’Union européenne », dans Mario Telò et Paul Magnette (dir.), Repenser l’Europe, Bruxelles, Éditions de l’Université libre de Bruxelles, 1994, p. 85-101.
7 Tomas Hammar (dir.), European Immigration Policy, Cambridge, Cambridge University Press, 1985 ; Zig Layton-Henry (dir.), The Political Rights of Migrant Workers in Western Europe, Londres, Sage, 1990.
8 T. H. Marshall, Citizenship and Social Class and Other Essays, Cambridge, Cambridge University Press, 1950.
9 Stephen Castles et Godula Kosack, Immigrant Workers and Class Structure in Western Europe, New York, Oxford University Press, 1973.
10 Anne Morelli, « L’appel de la main-d’œuvre italienne dans les charbonnages et sa prise en charge à son arrivée en Belgique dans l’immédiat après-guerre », Revue belge d’histoire contemporaine, vol. XIX, n° 1-2,1988, p. 83-130.
11 George Minet, « Marginalité ou participation ? Migrants et relations professionnelles en Europe occidentale », Revue internationale du Travail, vol. 117, n° 1,1978, p. 25-39.
12 Olivier Le Cour Grandmaison et Catherine Withol de Wenden (dir.), Les étrangers dans la cité. Expériences européennes, Paris, La Découverte, 1993.
13 Andrea Rea, « Le droit de vote des étrangers non-européens : la fin d’une saga belge », L’Année sociale 2004, Bruxelles, Institut de sociologie, ULB, 2005, p. 59-66.
14 Robert Gallissot, Nadir Boumaza et Ghislaine Clément, Ces Migrants qui font le prolétariat, Paris, Méridiens Klincksieck, 1994.
15 Roger Brubaker, Citizenship and Nationhood in France and Germany, Cambridge, MA, Harvard University Press, 1992 ; Christian Joppke, Immigration and the Nation-state. The United States, Germany and Great Britain, New York, Oxford University Press, 1999.
16 Rainer Bauböck, Transnational Citizenship, Aldershot, Edward Elgar, 1994 ; Yasemin N. Soysal, Limits of Citizenship : Migrants and Post-national Membership in Europe, Chicago, University of Chicago Press, 1994.
17 Virginie Guiraudon, Les politiques d’immigration en Europe, Paris, L’Harmattan, 2000.
18 Seymour M. Lipset et Stein Rokkan (dir.), Party Systems and Voters Alignments, New York, The Free Press, 1967.
19 Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française de la Révolution à nos jours, Paris, Grasset, 2002.
20 Andrea Rea, Immigration, État et citoyenneté. La formation de la politique d’intégration des immigrés de la Belgique, Thèse de doctorat en sociologie, Département de sciences sociales, politiques et économiques, Université libre de Bruxelles, 1999.
21 Jan Blommaert et Jan Verschueren, Het Belgische migrantendebat, Antwerpen, International Pragmatics Association, 1992.
22 Bob Van Den Broeck et Marie-Claire Foblets (dir.), La faillite de l’intégration ? Le débat multiculturel en Flandre, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2004.
23 John W. Kingdon, Agendas, Alternatives and Public Policies, Boston, Little Brown, 1984.
24 Peter A. Hall, « Policy Paradigms, Social Learning and the State. The Case of Economi Policymaking in Britain », Comparative Politics, vol. 25, n° 3,1993, p. 275-296.
25 Andrea Rea, Jeunes immigrés dans la cité. Citoyenneté et politique publique, Bruxelles, Éditions Labor, 2001.
26 Frances F. Piven et Richard A. Cloward, Regulating the Poor: The Functions of Public Welfare, New York, Vintage Books, 1971.
27 Frank Caestecker et Andrea Rea, « DeBelgische nationaliteitwetgeving in de twintigste eeuw. Een terugkeer naar de zelfbewuste natie of het koesteren van het wantrouwen? », dans Marie-Claire Foblets, René Foqué et Michel Verwilghen (dir.), Naar de Belgische nationaliteit — Devenir Belge, Bruxelles/Antwerpen, Bruylant/Maklu, 2002, p. 69-118.
28 Sénat, « Compte-rendu analytique », séance du 19 juin 1984, p. 888-889.
29 Jean-Claude Muberuka et Béatrice Chapaux, « La naturalisation dans le droit belge de la nationalité », Revue du droit des étrangers, n° 97,1998, p. 14-35.
30 Petra Meier, « Discrimination positive ou discrimination persistante ? Les rapports de genre et la représentation politique », dans Marco Martiniello et Andrea Rea (dir.), Affirmative action. Des discours, des politiques et des pratiques en débat, Louvain-la-Neuve, Academia-Bruylant, 2004, p. 231-252.
31 Nous utiliserons la catégorie de « citoyens (ou de personnes) issus de l’immigration » pour identifier ces personnes. Il s’agit bien d’une catégorie analytique qui pourrait se rapprocher de celle plus officielle au Canada de « minorités visibles ».
32 Marco Martiniello, « Les élus d’origine étrangère à Bruxelles : une nouvelle étape de la participation politique des populations d’origine immigrée », Revue Européenne des Migrations Internationales, vol. 14, n° 2, 1998, p. 123-149 ; Dirk Jacobs, Marco Martiniello et Andrea Rea, « Changing Patterns of Political Participation of Citizens of Immigrant Origin in the Brussels Capital Region: The October 2000 Elections », Journal of International Migration and Intégration, vol. 3, n° 2, 2002, p. 201-221.
33 Pascal Delwtt et al., « Le profil des candidats francophones aux élections régionales et européennes du 13 juin 2004 », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2005, n°1880-1881, p. 1-65.
34 Doug McAdam, Sidney G. Tarrow et Charles Tilly, Dynamics of Contention, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
35 Meindert Fennema et Jean Tillie, « Political participation and political trust in Amsterdam: Civic communities and ethnie networks », Journal of Ethnie and Migration Studies, vol. 25, n° 4, 1999, p. 703-726.
36 Dirk Jacobs, Karen Phalet et Marc Swyngedouw, « Social Capital and Political Participation among Ethnie Minority Groups in Brussels. A test of the civic community argument of Fennema and Tillie », Communication présentée aux ECPR Joint Sessions, Turin, mars 2002.
37 Yves Cartuyvels, Philippe Mary et Andrea Rea, « L’État social-sécuritaire », dans Luc Van Campenhoudt et al. (dir.), Réponses à l’insécurité, Bruxelles, Éditions Labor, 2000, p. 407-429.
38 Will Kymlicka, Multicultural Citizenship. A Liberal Theory of Minority Rights, Oxford, Clarendon Press, 1995.
39 Marco Martiniello et Andrea Rea, « Piliers, minorités ethniques et pluralisme en Belgique », dans Marco Martiniello et Andrea Rea (dir.), 2003, p. 253-281.
40 Dirk Jacobs, « Immigrants in a Multinational Political Sphere: The Case of Brussels », dans Rogers Alisdair et Jean Tillie (dir.), Multicultural Policies and Modes of Citizenship in European Cities, Aldershot, Ashgate, 2001, p. 107-122 ; Dirk Jacobs et Andrea Rea, « Construction et importation des classements ethniques. Allochtones et immigrés aux Pays-Bas et en Belgique », Revue Européenne des Migrations internationales, vol. 21, n° 2, 2005, p. 35-59.
41 Nadia Ben Mohamed, « Les femmes musulmanes voilées d’origine marocaine sur le marché de l’emploi », dans Fabienne Brion (dir.), Féminité, minorité, islamité, Louvainla-Neuve, Academia-Bruylant, 2004, p. 49-62.
42 Hassan Bousetta (dir.), Rompre te silence, Bruxelles, Éditions Labor, 2002.
43 Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, Vers la diversité, Rapport annuel, Bruxelles, 2002.
Auteur
Andrea REA enseigne en science politique et en sciences sociales à l’Université libre de Bruxelles. Directeur du GERME (Groupe d’études sur l’ethnicité, le racisme, les migrations et l’exclusion), il a dirigé, avec Marco Martiniello, Affirmative Action. Des discours, des politiques et des pratiques en débat en 2004.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'économie circulaire
Une transition incontournable
Mélanie McDonald, Daniel Normandin et Sébastien Sauvé
2016
Les grandes universités de recherche
Institutions autonomes dans un environnement concurrentiel
Louis Maheu et Robert Lacroix
2015
Sciences, technologies et sociétés de A à Z
Frédéric Bouchard, Pierre Doray et Julien Prud’homme (dir.)
2015
L’amour peut-il rendre fou et autres questions scientifiques
Dominique Nancy et Mathieu-Robert Sauvé (dir.)
2014
Au cœur des débats
Les grandes conférences publiques du prix Gérard-Parizeau 2000-2010
Marie-Hélène Parizeau et Jean-Pierre Le Goff (dir.)
2013
Maintenir la paix en zones postconflit
Les nouveaux visages de la police
Samuel Tanner et Benoit Dupont (dir.)
2012
La France depuis de Gaulle
La Ve République en perspective
Marc Chevrier et Isabelle Gusse (dir.)
2010