Chapitre 13. L’imprimerie et le livre matériel
p. 367-406
Texte intégral
L’industrie de l’imprimerie
éric leroux
1Entre 1921 et 1961, l’industrie de l’imprimerie se situe au dixième rang de la production manufacturière canadienne (3,7 % de la production canadienne en 1960) et au huitième rang pour la création d’emplois, ce qui la place juste derrière l’alimentation, le bois, le fer et l’acier, et l’équipement de transport1. À partir du milieu du siècle, les innovations technologiques modifient les façons de faire de cette industrie. Les développements dans la fabrication du papier, un secteur connexe, participent également à cette évolution en ayant un impact sur la qualité des livres et des imprimés qui sortent des presses canadiennes.
L’imprimerie
2Au début des années 1920, aux fins du recensement décennal, le gouvernement canadien divise l’industrie de l’imprimerie en plusieurs secteurs. Les imprimeurs-éditeurs et les imprimeurs commerciaux représentent les deux secteurs les plus importants : les premiers impriment des journaux, des périodiques et des ouvrages sous leur propre raison sociale ; les seconds se consacrent surtout aux travaux de ville2. Les journaux à grand tirage tiennent une place essentielle dans la production des imprimeurs-éditeurs. En 1940, le tiers de tous les documents imprimés au Canada sont des quotidiens. Même si l’on assiste à la fermeture de plusieurs journaux dans la seconde moitié du siècle, cela est compensé par le fait que les tirages grossissent de façon substantielle. De plus, après la Deuxième Guerre mondiale, la taille des journaux augmente, ce qui contribue à faire croître le volume de production dans ce secteur. Enfin, alors qu’au Canada ce sont surtout les imprimeurs commerciaux qui publient des livres, au Québec les imprimeurs-éditeurs tirent aussi de larges bénéfices de la fabrication de manuels scolaires et de livres de prix qui constituent un marché très lucratif dans la province.
3Le secteur de l’imprimerie commerciale au Canada, deuxième en importance en ce qui concerne le volume, représente environ le tiers de toute l’industrie. Le marché des nouveautés étant trop marginal pour faire vivre les imprimeries commerciales, ces dernières doivent se rabattre sur les rééditions, l’impression de manuels scolaires et les travaux de ville, qui comprennent notamment la production d’enveloppes, d’en-têtes de lettres, de rapports annuels d’entreprises et de livres de comptabilité. En 1940, les livres ne constituent que 5 % de la production canadienne dans laquelle on compte même les livres blancs et les catalogues3. En 1950, la lithographie et des domaines spécialisés comme la clicherie, la xylographie et l’héliogravure représentent en importance les troisième et quatrième secteurs de l’imprimerie avec respectivement 10 et 8 % du marché.
4En 1936, l’industrie de l’imprimerie compte 2 205 établissements et emploie 35 445 personnes, pour une moyenne de 16 ouvriers par entreprise, les hommes représentant 78,5 % de la main-d’œuvre et les femmes 21,5 %. En 1946, une année au cours de laquelle les retombées de la Deuxième Guerre mondiale se font encore sentir, ces dernières comptent pour près de 30 % de la main-d’œuvre, mais cette proportion se stabilisera autour de 25 % au cours des années suivantes. Le cœur de l’industrie de l’imprimerie se trouve en Ontario, qui absorbe plus de la moitié des emplois et de la production canadienne de ce secteur. Le Québec arrive en deuxième place, suivi des provinces de l’Ouest, puis de la région atlantique. En 1936, les 943 établissements de l’Ontario assurent 54,5 % de la production canadienne, tandis que le Québec en fournit 22,5 %, le Manitoba 7,1 %, la Colombie-Britannique 6,5 %, l’Alberta 3,3 %, la Saskatchewan 2,4 % et les provinces maritimes 3,7 %4. Vingt ans plus tard, en 1956, la situation est toujours la même : l’Ontario et le Québec dominent largement en termes de nombre d’établissements, d’emplois et de production5.
5Les années 1960 voient la montée de petits ateliers spécialisés (quick printers) qui produisent à faible coût. Dans les années 1970, plusieurs petits imprimeurs créent des chaînes qui connaissent beaucoup de succès. La Printing House de Toronto, avec trois employés seulement au moment de sa fondation en 1962, va compter trente ans plus tard 56 franchises. Durant les années 1960 et 1970, l’industrie se divise ainsi en deux catégories : d’une part, une multitude de petits ateliers ne représentent qu’un faible pourcentage de la production totale ; d’autre part, quelques grandes entreprises fournissent la majeure partie de la production6. Au Québec, cependant, l’imprimerie Quebecor, créée en 1965 par Pierre Péladeau, et le Groupe Transcontinental, fondé en 1976 par Rémi Marcoux, illustrent le cas de ces petites entreprises qui au fil des ans deviennent des multinationales. En 1954, Péladeau avait acheté de Fides les presses du journal Le Canada et ouvert l’imprimerie Hebdo. À la fin des années 1950, les publications appartenant à Péladeau étaient tirées à 500 000 exemplaires chaque semaine. En 1971, grâce à l’achat d’imprimeries concurrentielles, comme l’imprimerie ontarienne Graphic Web, et à la construction de l’imprimerie Montréal-Magog, les Publications Quebecor s’imposent comme un joueur important sur le marché national.
Innovations technologiques
6Après les innovations technologiques majeures de la fin du XIXe siècle, dont la composition mécanique sur les linotypes et les monotypes représente le plus bel exemple, il faut attendre les années 1950 avant de voir l’industrie de l’imprimerie canadienne connaître une autre période de transformations technologiques importantes. La source de certains de ces changements remonte aux années 1920, mais la crise économique des années 1930 et la Deuxième Guerre mondiale qui a accaparé la machinerie industrielle au profit de la production de guerre ont ralenti considérablement l’évolution technologique dans ce domaine (voir illustration 13.1).
7Le procédé d’impression offset, qui se démarque par une plus grande capacité de production, par des coûts d’impression moins élevés et par une meilleure qualité de reproduction des illustrations, est sans contredit l’innovation technologique la plus importante7. À Toronto, Copp Clark utilise, dès 1945, une presse lithographique offset pour l’impression de ses livres et pour certains travaux de ville8. À partir des années 1950, l’impression offset est surtout prisée des imprimeurs commerciaux. Les premiers journaux à s’y convertir sont Le Journal de Montréal, en 1964, et le Sun de Toronto, en 1971. Trois ans plus tard, 74 quotidiens auront adopté cette nouvelle technologie9. Si plusieurs innovations rendent les presses des journaux plus productives, entre autres les presses rotatives, l’invention la plus marquante dans ce domaine demeure l’introduction de presses employant la couleur, comme la Goss Headliner et la Hoe Streamlined Color-Convertible, toutes deux mises sur le marché en 1945.
8Parmi les autres innovations technologiques de cette période, il faut souligner l’automatisation du travail de reliure qui permet de diminuer les coûts de production des livres. L’introduction de photocomposeuses en 1948, capables de reproduire des lignes de caractères sur film, amène la disparition progressive des caractères en plomb. L’apparition des clichés typographiques en caoutchouc et en plastique en 1950, obtenus par stéréotypie, conduit à l’invention de nouvelles presses rotatives à feuilles ou à bobines plus performantes. Enfin, l’utilisation, à partir des années 1950, de la teletype-setter pour la composition des textes mène aux ordinateurs des années 1960 et 1970. La lumière chasse le plomb avec l’amélioration des photocomposeuses qui peuvent soutenir une cadence de mille lettres à la seconde, dépassant largement les capacités d’un atelier complet de linotypes.
9Au quotidien Le Soleil de Québec, par exemple, les 130 typographes de l’atelier doivent laisser tomber le plomb et passer définitivement, en 1973, à la photocomposition utilisée depuis une dizaine d’années dans le contenu publicitaire du journal. Durant cette décennie, Le Soleil publie quatre éditions quotidiennes, les ateliers d’imprimerie fonctionnant jour et nuit. La grande majorité des typographes s’adaptent aux nouvelles linotypes automatiques que sont les Linotron. Vingt ans plus tard, l’infographie mettra un terme aux métiers de typographe et de linotypiste. Au Soleil, l’atelier d’imprimerie fermera définitivement ses portes en 1994, obligeant ainsi une quarantaine d’ouvriers de métier à se reconvertir ou à prendre leur retraite10.
L’industrie du papier
10Si la période de la Première Guerre mondiale est marquée au sceau de la prospérité dans le secteur des pâtes et papiers au Canada et plus particulièrement dans celui du papier journal11, la récession du début des années 1920 et encore plus la crise économique de 1929 provoquent un ralentissement considérable de cette industrie. La chute des prix se poursuit jusqu’au milieu des années 1930, le prix d’une tonne de papier journal passant de 114,70 $ en 1921 à 40 $ en 1934. On assiste alors à de nombreuses fusions de papetières, provoquant du même coup la naissance d’entreprises importantes sur le marché mondial, comme la Consolidated Paper Corporation au Québec qui, créée en 1931, peut produire quotidiennement 2 000 tonnes de papier journal et 500 tonnes de carton et autres papiers12.
11Au moment de la crise des années 1930, les quotidiens américains doivent réduire leur consommation de papier, ce qui oblige les papetières canadiennes, qui sont leurs fournisseuses, à diminuer leur production de papier journal de plus de 30 %. Les papetières fabriquant des papiers spéciaux, comme des papiers fins ou des papiers d’emballage, se sortent plus facilement de cette crise que les usines de papier journal13, même si celui-ci représente le principal produit de l’industrie, loin devant les autres types de papier14. Avant les années 1950, outre la Provincial Paper Company à Georgetown en Ontario, et la Howard Smith Paper Company à Cornwall en Ontario et à Beauharnois au Québec, très peu de papetières canadiennes produisent du papier destiné à la fabrication de livres. Ce marché, qui prendra son essor grâce aux innovations technologiques permettant aux papetières canadiennes d’être plus concurrentielles, demeurera toujours marginal en comparaison du marché du papier journal15.
12À cette époque, le plus important producteur de papier au Canada est l’International Paper qui contrôle également 20 % du marché américain du papier journal. En plus de ses usines aux États-Unis, cette compagnie de propriété américaine possède aussi, dans les années 1920 et 1930, des usines de papier journal à Trois-Rivières et Gatineau au Québec et à Dalhousie au Nouveau-Brunswick, et des usines de pâte sulfite blanchie à Kipawa au Québec et à Hawkesbury en Ontario16. Au tournant des années 1930, le Canada est devenu le premier producteur mondial de papier journal, prenant la relève des États-Unis. En 1940, la production canadienne est trois fois plus élevée que celle des Américains, et cinq fois plus en 1950. Le Canada, en 1938, est également le principal exportateur mondial de papier journal, contribuant pour 63,7 % des exportations des onze principaux pays producteurs. Vingt ans plus tard, en 1957, le Canada fournit 77,3 % du total des exportations, devançant largement les grands pays producteurs comme la Finlande (7,9 %), la Suède (3,7 %) et la Norvège (2,1 %)17. Il ne fait pas de doute que la pénurie mondiale de papier engendrée par la Deuxième Guerre mondiale a permis aux papetières canadiennes d’accroître substantiellement leur production et leurs exportations. Acteur important sur la scène internationale, l’industrie canadienne du papier journal fournit 87 % du marché mondial en 1965 et 72 % en 197018.
13Si, au Canada, le Québec se classe au premier rang des provinces pour la production de papier journal de 1955 à 1976 avec de grandes papetières — Compagnie de papier Rolland, Howard Smith Paper Mills Limited, E. B. Eddy et Kruger Pulp and Paper Limited19 —, on constate aussi une répartition de cette industrie sur l’ensemble du territoire canadien, notamment en Ontario, en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve20. Sur la scène canadienne, en 1972, l’industrie des pâtes et papiers arrive au premier rang des industries manufacturières. Le secteur du papier journal, pour sa part, se classe au quatrième rang des exportations21. À la fin des années 1970, le Canada possède 127 papetières : 59 au Québec, 37 en Ontario, 11 en Colombie-Britannique et 20 dans les autres provinces. En comparaison, les États-Unis, qui ont développé ce marché à partir des années 1960, comptent 820 papetières22, mais représentent encore le principal marché d’exportation du papier journal pour le Canada. Comme pour l’imprimerie, la fabrication du papier est essentiellement destinée au marché de la presse périodique alors que, comme nous l’avons vu, la production de livres n’y mobilise qu’une très modeste partie des activités.
étude de cas. Thérien Frères
— Éric Leroux
14La maison Thérien Frères, l’une des imprimeries les plus importantes dans le domaine du livre au Québec au milieu du XXe siècle, est fondée le 10 mai 1927 avec l’acquisition par les frères J.-Alexandre et Ernest Thérien de l’imprimerie Le Commerce ltée, située dans le quartier Saint-Henri à Montréal. À ses débuts, l’entreprise effectue principalement des travaux de ville pour la municipalité, et produit des livres scolaires pour les communautés religieuses, et des imprimés publicitaires pour le docteur Fernando Boisvert, propriétaire du célèbre sirop Lambert contre la toux. Dans les années 1920, la maison imprime aussi des livres pour l’éditeur Louis Carrier, propriétaire des Éditions du Mercure23.
15Installé dans la rue Notre-Dame Est en 1932, l’atelier compte 45 employés en 1938. Il renferme une section d’imprimerie comprenant des linotypes et des monotypes, et un ensemble de presses à cylindres, à platine et offset, installées en 1932, permettant de reproduire les imprimés sans composition. La firme contient également un département de lithographie et de photolithographie et un atelier de reliure. « Son outillage moderne et varié lui permet de rivaliser avec les meilleures maisons du genre », écrit Rosario Bélisle, professeur à l’École technique de Montréal24. Avantage non négligeable dans une ville multiculturelle comme Montréal, plusieurs typographes de Thérien Frères sont polyglottes, ce qui rend possible la réalisation de travaux en plusieurs langues comprenant, selon Bélisle, même un livre en grec. À cette époque, en plus de devoir faire face à la crise des années 1930 qui touche durement les imprimeurs, Thérien Frères doit également combattre les nombreuses institutions catholiques qui, bénéficiant d’une main-d’œuvre à bon marché, font une vive concurrence aux imprimeurs laïques.
16Après s’être remise rapidement des pertes importantes subies lors d’un incendie en janvier 1938, et malgré le départ en 1941 d’Ernest Thérien, l’un de ses fondateurs, la maison profite largement du boom de l’édition québécoise au moment de la Deuxième Guerre mondiale et connaît dans les années 1940 et 1950 sa période la plus faste. Au début des années 1940, elle se spécialise dans l’impression de livres ; puis, en 1945, J.-A. Thérien acquiert les Éditions Lumen (qui deviennent les Éditions Chantecler en 1948), connues pour leurs ouvrages d’érudition publiés dans la collection « Humanitas » de la Faculté des lettres de l’Université de Montréal25.
17En 1948, l’imprimerie, qui compte alors 80 employés, déménage dans de nouveaux locaux, boulevard Saint-Laurent (au coin de la rue Jarry), qu’elle occupera jusqu’en 1979. L’édifice de deux étages, d’une superficie de 30 000 pieds carrés, est doté d’un système moderne de ventilation. En 1960, on élargit les cadres administratifs de l’entreprise et trois des fils de J.-A. Thérien sont nommés au conseil d’administration26. En dépit du décès de J.-A. Thérien en 1977, la maison continue de progresser sur le plan technologique. Elle est la première imprimerie canadienne à acquérir une presse offset à deux couleurs, ce qui réduit les coûts d’impression et facilite le travail des pressiers en permettant d’imprimer recto verso, de perforer et de numéroter plus de 8 000 exemplaires à l’heure. Deux ans plus tard, l’entreprise ajoute à ses équipements un mini-ordinateur modulaire Olivetti et une machine à photocomposition à affichage cathodique Linoterm.
18Enfin, avant d’être vendue en 1983, la maison se lance dans la production de livres d’art grâce à la collection « Signatures », éditée par l’ancien libraire Marcel Broquet et dirigée par André Fortier. Les deux premiers ouvrages sont consacrés au peintre Jean-Paul Ladouceur et au sculpteur Jean-Marc Blier. Thérien répondait ainsi « au besoin pressant que nous avions de nous procurer des ouvrages de grande qualité qui ne soient pas imprimés à l’étranger, mais ici même au Québec27 », écrit Fortier.
étude de cas. Les humbles débuts de la société Friesens
— Linda Bedwell
19La société Friesens, l’une des imprimeries les plus prospères au Canada, voit le jour dans un petit commerce, acquis en 1907 par David W. Friesen dans la petite communauté mennonite d’Altona, au Manitoba, qui faisait office à la fois de confiserie, de bureau de poste et de centrale téléphonique. Ses activités débutent modestement en 1933, lorsque David K. Friesen, le fils du fondateur, fait l’acquisition d’une petite presse Gordon alimentée manuellement et l’installe au sous-sol du commerce. Il offre 3 $ la semaine à un ami pour effectuer du travail d’imprimerie28. Deux ans plus tard, il achète une deuxième presse et déménage la production dans un nouvel édifice. À ses débuts, l’imprimerie est un travail ardu : la composition se fait à la main et, durant l’hiver, il faut faire du feu tôt le matin pour ramollir l’encre afin que les presses puissent être en état de fonctionner vers midi. En 1937, grâce à des fonds empruntés à un fermier à la retraite, le jeune Friesen achète l’autre imprimerie locale, agrandit l’édifice et fait l’acquisition d’une linotype29. Au cours des années suivantes, des emprunts similaires obtenus de la communauté mennonite favorisent la croissance de la société. Friesen répond à cet appui communautaire en imprimant, à partir de 1939, le journal mennonite de langue allemande Das Bergthaler Gemeindeblatt (1936-1972) (voir illustration 13.2). Friesen fonde également un hebdomadaire local, l’Echo d’Altona, en 1941. À partir du moment où, en 1951, David K. Friesen et ses frères Ted et Raymond rachètent les parts de leur père et se constituent en société commerciale sous le nom de D. W. Friesen & Sons, la firme se consacre entièrement à l’imprimerie ainsi qu’à des activités connexes, comprenant l’édition, la reliure, la lithographie, la gravure, la galvanotypie, la stéréotypie, de même que la fabrication et la vente de fournitures de papeterie30.
20Après l’incorporation de la société, les frères Friesen recherchent des secteurs de spécialisation. En plus de l’Echo, qui changera de main au milieu des années 1990, ils font paraître le Canadian Mennonite (1953-1970), qu’ils éditent de 1953 à 1962 et continuent d’imprimer jusqu’en 197031. Après un succès modeste avec la production de cartes postales et de revues, ils trouvent leur voie dans les annuaires scolaires, arrivant au troisième rang des producteurs de ce genre de publications au Canada en 197632. En 1959, en inaugurant une nouvelle imprimerie, ils font l’acquisition de presses offset et créent un service de lithographie pouvant offrir l’impression en couleur. De nouveaux investissements dans la technologie de l’impression couleur au cours des années 1970 entraînent un accroissement des ventes, qui passent de 3 400 000 $ en 1972 à 17 700 000 $ en 198033. En réponse au désir des petites communautés de commémorer leur fondation, les livres d’histoire locale constituent un nouveau débouché pour l’entreprise qui décroche des contrats en offrant gratuitement des « ateliers sur les monographies de petites localités » et en fournissant les services de représentants dont la tâche consiste non seulement à venir en aide aux comités locaux pour la production de telles publications, mais également pour en colliger les matériaux. À partir de 1974, la société crée son propre guide, Make History with Friesen Printers. Si la plus grande partie des monographies de petites localités qui en résultent sont publiées en anglais, quelques-unes paraissent également en français et en allemand34.
21À partir de 1980, Friesens, devenue une société appartenant à ses employés, poursuivra son expansion avec l’ouverture d’un bureau à Toronto en 1981, puis d’autres bureaux ailleurs au Canada et aux États-Unis. Cette entreprise familiale fondée sur des principes communautaires, sur la spécialisation et sur l’innovation technologique est devenue une réussite à l’échelle nord-américaine.
Les conditions de travail
christina burr et éric leroux
22Pendant tout le XIXe siècle, les travailleurs des imprimeries canadiennes ont eu des pratiques syndicales exemplaires. Capables de lire, d’écrire et de s’exprimer, ils ont naturellement pris la tête du mouvement ouvrier naissant. Les typographes ont même été les premiers à s’organiser, au début du XIXe siècle. Cent ans plus tard, presque tous les travailleurs de l’imprimerie (typographes, relieurs, pressiers, etc.) avaient leurs syndicats, en général des sections locales d’organisations « internationales » basées dans des villes américaines et affiliées à l’American Federation of Labor. Au XXe siècle, devant faire face à des changements technologiques sans précédent, les ouvriers canadiens de l’imprimerie feront les frais d’une double lutte de pouvoir — d’une part, entre leurs chefs locaux et les dirigeants de leurs syndicats sur la politique à suivre ; d’autre part, entre leurs syndicats et leurs employeurs sur le changement technologique —, assaisonnée de multiples aménagements touchant la durée de la journée de travail, la structure des métiers et la répartition des tâches entre les sexes.
La grève des 44 heures et les syndicats canadiens de l’imprimerie
23Au début des années 1870, les travailleurs des imprimeries de Hamilton et de Toronto ont mené le combat pour la journée de neuf heures. Tout de suite après la Première Guerre mondiale, la mobilisation reprend à l’échelle nord-américaine. Objectif : réduire à 44 heures la semaine de travail des imprimeurs de livres et de travaux de ville. En 1919, l’International Joint Conference Council of Commercial and Periodical Branches of the Printing Industry (IJCC) décrète qu’à compter du 1er mai 1921, la semaine de 44 heures s’appliquera dans tous les métiers du livre, sans baisse de salaire. L’IJCC regroupe trois associations patronales et quatre syndicats internationaux : les premières sont la Printers’ League of America, la section des ateliers fermés des United Typothetae of America (UTA) et l’International Association of Employing Electrotypers and Stereotypers ; les seconds sont l’International Typographical Union (ITU), l’International Brotherhood of Bookbinders, l’International Printing Pressmen and Assistants’ Union et l’International Stereotypers and Electrotypers’ Union.
24Peu avant l’entrée en vigueur de la résolution sur les 44 heures, les employeurs se dérobent. Invoquant la morosité de la conjoncture d’après-guerre, la section canadienne des UTA affirme qu’il serait « suicidaire » d’accepter une quelconque réduction des heures de travail. Au-delà de la question salariale, les UTA cherchent à faire admettre l’existence d’ateliers ouverts, non syndiqués, afin de combattre ce que certains patrons appellent la « tyrannie syndicale35 ». Les travailleurs y perdraient les droits acquis en matière d’organisation et de négociation collective. Du reste, même si les sections canadiennes de l’ITU étaient prêtes à céder, leur syndicat le leur interdirait au nom de sa « politique globale de réduction des heures de travail » ; en somme, elles n’ont « guère d’autre choix que la grève36 ».
25Le 1er juin 1921, s’ouvre au Canada un conflit dont la longueur n’aura d’égale que la dureté. Toronto, Hamilton, Ottawa et Montréal sont les villes les plus touchées. À la fin de décembre 1922, le Typographical Journal dénombre 913 grévistes en Ontario et 568 au Québec37. Après avoir réduit deux fois la cotisation de ses membres au fond de grève, l’ITU clôt son registre de grève le 5 juillet 1924, mettant fin au conflit38. Quelques petits ateliers canadiens ont octroyé la semaine de 44 heures, mais le bilan global est très négatif pour les travailleurs. Les indemnités ont coûté cher, les effectifs syndicaux ont fondu, les affaires ont périclité. Pendant la grève, beaucoup d’entreprises torontoises ont commencé à traiter avec les imprimeries de petites agglomérations comme Oshawa et Oakville ; la reprise du travail ne les ramène pas toutes au bercail. À Winnipeg, la grève se conclut par un retour au travail sans contrat pour les pressiers et par la ruine du syndicat local des relieurs ; la section 191 de l’ITU de Toronto est presque éliminée39. L’ITU n’a pas indemnisé les travailleurs des autres métiers du livre qui ont « déposé les outils » dans la cause des 44 heures : les sécessionnistes en tirent argument pour réclamer une rupture avec les syndicats internationaux40. Dans la plupart des catégories professionnelles touchées par cette guerre de trois ans, la négociation collective sera morte et enterrée.
26Les tensions entre l’ITU et ses affiliés canadiens se rallument en 1932 après un référendum favorable à la semaine de cinq jours dans le secteur de la presse. L’adoption de cette directive par les chefs syndicaux américains, sans égard à la conjoncture canadienne, provoque une scission de la section torontoise et une sécession temporaire des membres de Winnipeg et de Calgary qui fondent la Canadian Newspapers Employees’ Association (1937-1944). Les éditeurs canadiens finissent par accorder la semaine de 40 heures en 1937, avec réduction correspondante de salaire. Dans le secteur du livre et des travaux de ville, la semaine de 44 heures reste la norme jusqu’au milieu des années 194041. Par la suite, l’action syndicale se focalisera sur la maîtrise du changement technologique.
L’essor des syndicats catholiques de l’imprimerie
27Au Québec, dans les années 1920, le conflit en faveur de la semaine de travail de 44 heures permet aux syndicats catholiques, présents sur la scène ouvrière depuis la Première Guerre mondiale, de profiter de la situation pour faire une percée dans le secteur42. À Montréal, les typographes sont partagés entre deux syndicats affiliés à l’ITU : les francophones sont rattachés à l’Union typographique Jacques-Cartier et les anglophones à la Montreal Typographical Union. La grève de 1921-1924 paralyse les travaux de l’Assemblée législative et s’attire des critiques virulentes du gouvernement libéral d’Alexandre Taschereau. En 1925, trois syndicats de Montréal, l’un formé de typographes et deux de pressiers, et le syndicat des imprimeurs-relieurs de Hull s’unissent pour fonder la Fédération catholique des métiers de l’imprimerie du Canada (FCMIC), affiliée à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), qui deviendra la Confédération des syndicats nationaux (CSN) au début des années 196043. En 1926, la Fédération fait paraître un périodique, Le Bulletin de l’imprimerie, dans le but d’informer ses membres des nouvelles techniques et d’améliorer la cohésion entre les divers syndicats en fournissant des renseignements sur l’évolution de chacun.
28Seuls les travailleurs catholiques sont admis dans ces syndicats, et la volonté de rassembler les travailleurs sur une base confessionnelle est un phénomène propre au Québec. Créés dans le but de contrer l’hégémonie des syndicats internationaux, les syndicats catholiques accusent ces derniers de soumettre les ouvriers canadiens à une direction étrangère et d’enrichir les puissants syndicats américains à même les cotisations syndicales des ouvriers canadiens. De plus, ils considèrent que les questions sociales sont avant tout des questions morales et religieuses qui relèvent du pouvoir de l’Église. Pour s’assurer de la docilité des syndiqués, l’Église encadre étroitement les syndicats en leur imposant des aumôniers pour veiller à ce que tout se déroule selon ses principes. À cela, il faut ajouter que les dirigeants catholiques reprochent aux syndicats internationaux leur recours trop fréquent à la grève et leur conception matérialiste de l’action syndicale. Les syndicats internationaux, de leur côté, favorisent la neutralité face aux religions, séparant questions sociales et questions religieuses44.
29Malgré leurs efforts, les syndicats catholiques ne réussissent pas en général à recruter beaucoup de travailleurs, du moins dans leurs premières années d’existence, principalement en raison du peu d’empressement qu’ils mettent à défendre les intérêts matériels de leurs membres. L’historien Luc Desrochers estime que les effectifs des syndicats catholiques dans ce milieu n’ont pas dépassé 15 % de ceux des syndicats internationaux qui, en 1929, regroupent 1 624 travailleurs de l’imprimerie répartis dans une dizaine de syndicats, tous situés à Montréal et à Québec45. Dans l’imprimerie, entre 1926 et 1934, les syndicats catholiques fondent seulement cinq syndicats, dont deux qui ne vivent qu’une année, ceux de Sherbrooke et de Joliette. En effet jusqu’aux années 1930, les syndicats internationaux regroupent les deux tiers des syndiqués québécois, et plus de 40 % dans les années 1940 et 1950. En comparaison, les syndicats catholiques, leurs principaux concurrents, représentent entre le quart et le tiers des syndiqués québécois pour les mêmes périodes46.
30Il faut attendre les années 1950 avant de voir un véritable changement se produire au sein des syndicats catholiques qui restent jusque-là très près du clergé et du patronat, préférant la conciliation à la confrontation. Avec l’arrivée de Gérard Picard et Jean Marchand à sa tête, en 1946 et 1947, la CTCC se radicalise. Ainsi, lorsque Gérard Filion, directeur du Devoir, met ses typographes en lock-out le 20 avril 1955 et les remplace par des briseurs de grève dans le but avoué de faire des économies, Picard n’hésite pas à démissionner du conseil d’administration du journal et à recommander aux journalistes, membres d’un syndicat catholique, de ne pas franchir les piquets de grève, et ce, même si les typographes sont membres de syndicats internationaux47.
31La contrepartie patronale des syndicats catholiques est l’Association des maîtres imprimeurs (AMI). Fondée à Montréal le 24 février 1934 et regroupant au départ 34 maîtres imprimeurs, l’AMI vise à « promouvoir et protéger les intérêts de l’industrie de l’imprimerie », à améliorer le rendement de l’industrie québécoise et à « coopérer avec les membres dans le but de maintenir des prix de vente assurant un profit légitime48 ». Comme l’AMI ne réunit que les imprimeurs de langue française, ceux de langue anglaise de la région de Montréal se regroupent au sein de l’Employing Printers’ Association. En 1937, l’AMI lance Le Maître imprimeur, journal destiné à défendre ses intérêts. Charlie Holmes en est le principal rédacteur jusqu’à ce qu’il quitte l’association en 194649. Jusqu’en 2006, le journal sera l’organe officiel de l’Association des arts graphiques du Québec (AAGQ).
32En 1937, sept imprimeurs de Québec fondent leur propre association patronale, laquelle fait place l’année suivante au Syndicat patronal de l’imprimerie de Québec, qui regroupe une trentaine d’ateliers de la ville50. D’autres associations sont créées dans les années 1930 et 1940, comme celle de la vallée de la rivière Saint-Maurice en avril 1938, et celles de Chicoutimi-Lac-Saint-Jean et d’Ottawa-Hull en 1941. En 1939, l’AMI et les différentes associations patronales du Québec fondent l’Association provinciale des maîtres imprimeurs, qui vise à défendre les intérêts des imprimeurs de la province. Cette association tombe en veilleuse au début des années 1950, et l’AMI joint les rangs du Conseil du patronat en 1964. Enfin, le 13 novembre 1977, l’AAGQ devient le nouveau porte-parole des imprimeurs québécois.
Technologie et division sexospécifique des métiers
33Au XIXe siècle, une division des tâches s’est opérée entre ouvriers et ouvrières de l’imprimerie et de la reliure : reléguant les femmes à des fonctions socialement perçues comme « non qualifiées » — alimentation des presses et, en reliure, pliage, collationnure et brochage —, les hommes ont monopolisé les emplois « qualifiés » et mieux payés — typographe, pressier, relieur et lithographe. Cette ségrégation s’est faite à travers des conflits sur la qualification, la technologie et la syndicalisation qui ont secoué les métiers de l’imprimerie. L’appropriation des fonctions techniques par les hommes a alors contribué à perpétuer le patriarcat dans le régime capitaliste industriel.
34Après la Première Guerre mondiale, les syndicats de l’imprimerie combattent avec succès la mécanisation et le changement technologique tout en protégeant les prérogatives des métiers masculins contre les assauts du capitalisme industriel ; mais les progrès inouïs des technologies d’impression et de reliure suscitent des différends cruciaux entre patrons et syndicats lors des négociations collectives, sur des enjeux comme la compétence syndicale, la formation professionnelle, l’apprentissage, la réorganisation du travail et les rapports entre les sexes.
35En 1944, un salarié du secteur de l’imprimerie gagne en moyenne 36 $ par semaine de 44 heures, et un travailleur de l’industrie manufacturière, 33,50 $ par semaine de 48 heures. Le salaire hebdomadaire moyen des salariées de l’imprimerie, par contre, est d’à peine 15,23 $51. Les ouvrières du livre sont très fortement concentrées dans la reliure, comme le montre le Tableau 13.1 sur les grands centres de production de livres du Canada entre 1921 et 1961. Conformément à la division sexospécifique apparue au siècle précédent dans ce domaine, les femmes exécutent des tâches de « façonnage » : pliage des feuilles imprimées, collationnure, couture avec ficelle ou ruban, brochage des cahiers. Ces travaux spécifiques exigent une très grande dextérité, de la précision et de la patience, qualités que les maîtres et compagnons relieurs persistent à considérer comme des vertus proprement féminines52. À l’exception de la dorure des couvertures, les hommes accaparent l’ornementation et les autres aspects du finissage, travail qui requiert la compétence d’un compagnon capable de marier le savoir-faire de l’artisan et l’inspiration de l’artiste.
36Dans les conventions collectives du XXe siècle, les salariées des ateliers de reliure font l’objet d’un classement distinct. Au printemps de 1952, après une grève de presque six semaines sur les salaires, la section torontoise 28 de l’International Brotherhood of Bookbinders and Bindery Women ratifie une convention collective reconnaissant quatre grandes catégories de travailleurs, dont les descriptions de tâches et échelles salariales renforcent les privilèges masculins. À preuve, le salaire minimum de chaque catégorie d’emploi : compagnon relieur, 1,93 $, conducteur de machines, 1,75 $, relieuse, 1,04 $, et conductrice de machine, 0,95 $. Aux termes de cette convention, le compagnon relieur est un artisan qualifié par quatre années d’apprentissage ; cette catégorie inclut les couverturiers, les massicoteurs et les conducteurs d’emboîteuses, de plieuses, de machines à doubler, à tranchefiler, à plier et à assembler. Les conducteurs doivent aussi avoir fait au moins quatre années d’apprentissage et pouvoir exécuter de façon « compétente » les tâches suivantes : encochement à la main, bordage, jaspage, gaufrage, endossure, arrondissage des coins, couvrure des plats, encollage, parangonnage et parure. Des relieuses, on exige deux ans d’apprentissage et l’exécution « compétente » des opérations suivantes : encochage à la machine, pagination, perforation, couture à la machine et à la main, reliure sans couture, collationnure manuelle, piqûre au fil métallique, comptage, collage à plat, conduite d’une petite plieuse et de machines à tranchefiler et à assembler, pliage manuel, piqûre à plat, couvrure à la main. Enfin, la catégorie des conductrices regroupe toutes les ouvrières qui n’ont pas la qualification de relieuse53.
Tableau 13.1 La main-d’œuvre des métiers du livre (suite)
Sources : Recensement du Canada de 1921, vol, 4, tableau 5 ; Recensement du Canada de 1931, vol, 7, tableau 41 ; Recensement du Canada de 1941, vol, 7, tableau 7 ; Recensement du Canada de 1951, vol, 4, tableau 6 ; Recensement du Canada de 1961, vol, 3, partie 1, tableau 7,
37Éditeurs et maîtres imprimeurs avaient commencé dès la fin du XIXe siècle à se plaindre du coût élevé de la main-d’œuvre dans les ateliers de composition. Après l’invention de la linotype par Ottmar Mergenthaler, en 1885, les machines à composer se sont rapidement imposées, provoquant une requalification et une réaffirmation du caractère masculin de la composition. À cause de la similitude entre la composition mécanique et la dactylographie exécutée par les employées de bureau, les employeurs ont voulu attribuer la nouvelle fonction aux femmes, ce qui aurait fait baisser le coût de l’opération. Pour parer cette menace, l’ITU en a réclamé et obtenu l’exclusivité pour ses membres, presque tous de sexe masculin, sous prétexte que la conduite d’une linotype exigeait la force physique d’un homme, puis a fixé des critères d’accès qui excluaient de facto les femmes typographes : apprentissage de cinq ans et emploi dans un atelier syndiqué au même salaire que les typographes de sexe masculin. Au lieu de faire front commun avec leurs compagnes d’atelier, les typographes syndiqués ont préféré défendre leurs intérêts corporatistes. En 1944, au Québec, l’apprentissage dans ce secteur dure six ans, et l’apprenti, payé la moitié du salaire d’un compagnon, ne peut travailler sur une machine à composer avant d’avoir accompli 9 900 heures de composition à la main54 et ne devient compagnon qu’après 12 000 heures d’apprentissage55.
38Quand s’amorce la crise des années 1930, les éditeurs manifestent un regain d’intérêt pour les technologies nouvelles, surtout celles qui permettent de court-circuiter l’atelier de composition. Dans un article décrivant l’impact potentiel de la télécomposition sur les coûts de production, la revue patronale Canadian Printer and Publisher affirme que ce nouveau procédé « représente une menace pour le conducteur de composeuse56 » puisque la saisie y est séparée de la fonte des caractères. Quelques années plus tôt, la même revue a déjà cru voir dans la photocomposition une « menace » pour le linotypiste57. Auparavant, les apprentis typographes se spécialisaient jusqu’à un certain point comme linotypistes faisant la composition, comme imposeurs montant les pages (voir illustration 13.3) ou correcteurs d’épreuves vérifiant l’exactitude. En passant à la photocomposition, les uns se sont reconvertis en clavistes, et les autres, en metteurs en pages ou en conducteurs de photocomposeuse. La nouvelle machine ressemble, du reste, à une linotype dont on aurait remplacé le creuset par un appareil photo. Le savoir-faire du typographe demeure indispensable pour aligner les caractères et organiser chaque page, mais au lieu de travailler avec du métal en fusion, l’artisan utilise une pellicule photo. L’expansion rapide du procédé offset accroît l’attrait de la photocomposition pour les éditeurs58.
39L’ITU, en revanche, peut légitimement craindre une contestation de son hégémonie par l’Amalgamated Lithographers Union ou par l’International Photo-Engravers’ Union, puisque les dessinateurs commerciaux maîtrisent aussi les techniques de mise en pages et de pelliculage. Le 15 décembre 1954, l’ITU signe avec la seconde association un pacte qui répartit les compétences sur la photocomposition. Les typographes reçoivent l’exclusivité du codage, du traitement de la pellicule et du montage de l’épreuve positive corrigée. Au congrès de 1955 à Boston, les délégués de l’ITU décident de mettre en place un programme national de formation pour préserver les effectifs syndiqués et le contrôle syndical des emplois dans l’imprimerie. L’été suivant, l’International Photo-Engravers’ Union, en congrès à Montréal, affiche sa détermination à conserver l’entière maîtrise des procédés de photogravure, de clichage et de gravure59. Déqualifiés, c’est-à-dire privés du droit d’exploiter leur formation première, les compositeurs se voient offrir une nouvelle spécialisation. Ils obtiennent un droit de regard sur l’application et la gestion de cette nouvelle technologie et préservent leurs privilèges sexospécifiques60. Comme l’indique le Tableau 13.1, les hommes conservent en effet la haute main sur les tâches qualifiées — composition, photogravure, lithographie, impression offset —, tandis que les femmes restent confinées aux emplois moins payés et moins qualifiés de la reliure.
40« La stratégie de l’ITU sur le changement technologique, explique Sally Zerker, consistait à revendiquer systématiquement la compétence, mais chaque section devait quand même en débattre avec les employeurs dans le cadre des négociations collectives61. » Pendant les années 1950, la photocomposition est l’enjeu de plusieurs conflits attributifs de compétence dans l’industrie canadienne de l’imprimerie. Au cours des deux décennies suivantes, c’est l’informatique naissante qui fait problème, car elle menace de court-circuiter le typographe en éliminant le tapuscrit du processus de production. L’installation des premiers ordinateurs et procédés informatiques est l’une des causes de la grève de six ans qui frappe les journaux torontois en 1964 et du conflit qui paralyse La Presse de Montréal en 1971. La section torontoise de l’ITU « est [alors] incapable d’étendre ses attributions aux nouveaux ordinateurs et se voit donc exclue des imprimeries des trois quotidiens de Toronto ». L’émiettement des tâches traditionnelles du typographe s’accélère dans les années 197062. Même en 1980, la micro-informatique n’a pas encore propulsé l’édition canadienne dans l’ère de la publication assistée par ordinateur, des obstacles considérables barrant le chemin : coût du matériel et des logiciels, manque de formation du personnel et incompatibilité entre machines de traitement de texte des bureaux et machines à composer des imprimeries.
étude de cas. La formation des imprimeurs : l’École des arts graphiques de Montréal
— Éric Leroux
41Bien que le compagnonnage soit un système de formation qui perdure encore, au fur et à mesure que le XXe siècle se déploie, on voit apparaître de nouvelles filières de formation destinées à soutenir le développement de l’imprimerie canadienne. En 1910, l’International Typographical Union, dont le siège social se trouve aux États-Unis et à laquelle plusieurs syndicats locaux sont affiliés, offrait des cours par correspondance sur la typographie, le design, l’harmonisation des couleurs, la composition, la mise en pages et l’imposition63. Dans les années 1920, l’Union typographique Jacques-Cartier s’occupe aussi de formation professionnelle, et cet intérêt se concrétise encore davantage avec le lancement, en octobre 1936, du journal Le Typo. En 1942, à Québec, des cours d’arts graphiques sont organisés par le syndicat catholique de la capitale, cours qui prendront en réalité la forme de conférences publiques. Alors que certaines initiatives sont prises dans d’autres villes, comme à Sherbrooke à l’été 194464, c’est l’École des arts graphiques de Montréal qui deviendra le principal centre de formation des imprimeurs de la province.
42En 1913, la Royal Commission on Industrial Training and Technical Education du gouvernement fédéral avait accentué la tendance à la formation technique. À la fin de la décennie suivante, des écoles professionnelles de l’Ontario forment des diplômés compétents dans des domaines comme l’imprimerie et la reliure, la linotypie et la lithographie65. Des cours semblables sont offerts dans les écoles techniques du Québec. La plus importante d’entre elles est l’École technique de Montréal qui fonde, en 1925, une section d’imprimerie, la première à voir le jour au Québec66. À son ouverture, seuls des cours de composition typographique manuelle sont offerts aux élèves qui doivent passer alternativement une semaine en cours et une semaine en atelier chez un employeur où ils mettent en pratique les notions théoriques acquises67. En 1926, on décide d’offrir aussi des cours de pressiers, mais uniquement en soirée. C’est seulement en 1938 que l’École fait l’acquisition d’une intertype et d’une monotype pour permettre l’enseignement de la composition mécanique68.
43En 1942, on fusionne les sections d’imprimerie et de reliure pour former une nouvelle institution, l’École des arts graphiques de Montréal. Louis-Philippe Beaudoin est nommé directeur de cette école établie dans les anciens locaux de l’École du meuble, elle-même située à l’École technique69. Des cours de dessin, de maquette et de gravure s’ajoutent au programme avec l’embauche du graveur Albert Dumouchel70. Formatrice des premiers maquettistes et graphistes québécois dans les années 1950, l’École participe activement à une transformation matérielle du livre qui permet aux éditeurs québécois de se démarquer du modèle traditionnel hérité de la France, sujet abordé par Guy de Grosbois dans l’article suivant.
44Le 20 octobre 1956, l’École des arts graphiques emménage dans de nouveaux bâtiments, rue Saint-Hubert, au nord du boulevard Crémazie, et change de nom, devenant l’Institut des arts graphiques de Montréal. Ayant coûté 4 000 000 $, dont 1 000 000 $ pour l’équipement et l’outillage, l’Institut peut accueillir 400 élèves en cours du jour et 1 500 en cours du soir. Il s’agit là de l’école la plus vaste, la plus moderne et la mieux équipée du genre au Canada. Plusieurs champs d’études sont ajoutés au programme afin de couvrir l’ensemble des activités de l’imprimerie. L’École « comprend des ateliers d’offset, de photogravure, de stéréotypie, de galvanoplastie, de compositions manuelle et mécanique (linotypie et monotypie), de typographie, de presses, de sérigraphie, d’héliogravure, de photographie, de lithographie, etc.71 ». Au début des années 1970, l’Institut est intégré au Cégep Ahuntsic, qui prendra officiellement en charge l’enseignement des métiers de l’imprimerie et des arts graphiques.
Les arts graphiques au Québec
guy de grosbois
45L’année 1918 constitue une date charnière dans l’histoire des arts graphiques au Québec avec la parution des 12 numéros de la revue montréalaise Le Nigog. Cette publication d’avant-garde dont la maquette est conçue et dessinée par un grand artiste au faîte de sa carrière, Ozias Leduc, cristallise la querelle esthétique qui opposera les parisianistes aux régionalistes dans l’entre-deux-guerres.
46Jusqu’au milieu du siècle, des générations d’artistes formés en Europe sont marquées par leur séjour outre-mer ; leurs œuvres, l’art du livre particulièrement, en témoignent. De grandes expositions parisiennes, comme celle des Arts décoratifs et industriels modernes en 1925 et l’Exposition universelle de 1937, font sentir leur influence. Ainsi, en 1926, on organise à Montréal une grande « Exposition du livre français et canadien » où l’on trouve pas moins de 2 500 livres, en majeure partie des illustrés modernes et des reliures d’art signées. Pour soutenir cette exposition, le libraire Cornélius Déom fait l’acquisition d’environ 600 ouvrages dont un bon nombre proviennent de l’éditeur et relieur d’art René Kieffer ; ces ouvrages se retrouveront plus tard dans des collections privées. Le jeune Louis-Philippe Beaudoin entrevoit alors la possibilité de développer la reliure d’art au Québec et devient le premier boursier de la province à faire des études dans ce domaine à l’École Estienne de Paris.
47L’influence du modèle européen se fait sentir aussi dans la facture des imprimés, livres, périodiques et programmes de spectacles où l’on reconnaît les tendances de l’art déco et des formes géométriques inspirées du cubisme. Le choix des caractères et l’introduction de la couleur dans les couvertures montrent bien la fluidité et la recherche consciente de la nouveauté et de l’expérimentation visuelle. Pensons notamment à Figurines (1918) d’Édouard Chauvin, à Ateliers (1928) de Jean Chauvin et à des illustrés photographiques comme Voyage autour du monde (1923) de Charles Avila Wilson.
48Parallèlement à ce courant européen se développe une esthétique du terroir illustrée par des œuvres publiées hors commerce sur papier de luxe, comme Les bois qui chantent (1930) de Gonzalve Desaulniers et Un homme et son péché (1933 et 1935) de Claude-Henri Grignon, ou par des œuvres éditées à l’étranger, mais dont l’influence est attestée, comme l’édition de Maria Chapdelaine de Louis Hémon illustrée par Clarence Gagnon (1933) et aujourd’hui convoitée par la plupart des collectionneurs. Les contes pour enfants, les romans d’aventures, illustrés par James McIsaac et Rodolphe Duguay, de même que les reliures de Marguerite Lemieux et de Vianney Bélanger participent de ce courant de l’évocation et de la transmission de la tradition. De son côté, Jean-Marie Gauvreau, animateur et défenseur des arts populaires et de l’artisanat, organise pas moins de 200 expositions dans les années 1930, laissant parfois place aux arts du livre, imprimerie et reliure notamment72.
49C’est aussi durant cette période que l’on commence à s’intéresser à l’histoire de l’art graphique au Canada. En 1929, paraît à Montréal la première édition de The Introduction of Printing into Canada (L’introduction de l’imprimerie au Canada, 1957) d’Ægidius Fauteux par les soins de la Compagnie de papier Rolland, dans une facture de qualité qui n’est pas sans rappeler La chasse-galerie (1900) d’Honoré Beaugrand, l’un des premiers livres de luxe parus au Québec. Suivent L’ouvrier relieur au Canada (1933) de Louis Forest, puis Gutenberg et l’imprimerie (1940) de Philippe Beaudoin avec les illustrations de Louis Archambault. Des articles sont également publiés sur ces questions dans Le Maître imprimeur, la revue Technique et Le Livre et ses amis, revue de bibliophilie française73.
50En 1942, c’est au sein de l’École technique qu’apparaît l’École des arts graphiques, la première du genre en Amérique du Nord74. Avant cette date, les illustrateurs provenaient souvent des Écoles des beaux-arts de Montréal et de Québec. Des artistes peintres comme Jean-Paul Lemieux, Alfred Pellan et Simone Aubry ont illustré de nombreux ouvrages avant 1945. À partir de la fondation de l’École des arts graphiques, les illustrateurs reçoivent une formation distincte axée sur une pratique moins encline à l’interprétation et, paradoxalement, plus proche d’un art autonome. Ce n’est pas le fruit du hasard si les premiers livres d’artistes publiés au Québec remontent à cette époque. Dorénavant et jusqu’aux années 1970, c’est là que s’acquiert la formation théorique et pratique des arts de l’imprimé : arts publicitaires (graphisme), illustration (gravure), imprimerie, typographie et reliure. À partir des années 1950, sous l’influence d’Albert Dumouchel, se met en place une école de la gravure québécoise qui favorise l’essor de la production de livres d’artiste. Les revues d’étudiants, comme Ateliers d’arts graphiques, Impressions et, jusqu’à un certain point, Forge (Université McGill), réflètent ce nouveau courant. On voit ainsi émerger à Montréal des éditeurs-typographes qui, ayant reçu leur formation au Québec, vont se perfectionner à l’École Estienne à Paris, tels Roland Giguère (Éditions Erta), André Goulet (Éditions Orphée) et Gaston Miron (Éditions de l’Hexagone). D’autres artisans viennent d’outre-Atlantique, comme Pierre Guillaume et Claude Haeffely.
51Parmi les autres signes de la professionnalisation croissante des arts graphiques figure au premier plan la création d’une identité visuelle des collections. Les collections des éditeurs, déjà présentes chez Beauchemin et chez Fides avant les années 1960, par exemple avec la « Collection du Nénuphar » (Fides, 1944-) dont la maquette évoque subtilement les motifs de la ceinture fléchée (voir illustration 7.5), se distinguent de plus en plus par leur graphisme original. Les maquettistes et dessinateurs de couvertures prennent une place grandissante dans la conception matérielle du livre. Retenons entre autres la production des studios Jacques Gagnier, qui conçoivent les maquettes des Éditions du Jour, ou encore le travail des studios Gilles Robert, créateurs des couvertures de livres publiés aux Éditions HMH. En 1968, les studios Robert réalisent une remarquable édition de luxe d’Une saison dans la vie d’Emmanuel de Marie-Claire Blais, présentée sous étui. Les Éditions du Noroît, Art global et les Éditions La Frégate viennent à leur manière repousser les limites de cet art.
52L’Exposition universelle de Montréal en 1967 a eu des répercussions durables au chapitre du design tant graphique qu’industriel. Des petits papiers (ephemera) jusqu’aux affiches, l’inscription du savoir-faire québécois dans un courant international s’est amplifiée75. À partir des années 1970, la formation technique des graphistes se fait essentiellement dans les collèges et les universités, parfois sous le chapeau des arts visuels, parfois sous celui du design proprement dit. Nous assistons alors à une autonomisation certaine de la profession. L’émergence de l’édition québécoise sur la scène internationale et sa participation annuelle au Salon du livre de Paris et à la Foire de Francfort parachèvent la démarche de consolidation du design québécois dans le domaine de l’imprimé.
étude de cas. Le livre d’artiste au Québec
— Claudette Hould
53Au Québec, le domaine du livre d’artiste, largement ouvert à toutes les catégories de créateurs, relève toujours de l’art et des métiers du livre. Le premier recensement de cette production singulière, ambivalente et poly-forme par définition, révèle que la quasi-totalité des livres d’artistes publiés au Québec entre 1900 et 1980 répondent à la définition du livre de graveur, avec la particularité supplémentaire que les graveurs ont conservé au processus de fabrication son caractère manuel à toutes les étapes de la création et qu’ils ont privilégié la collaboration avec des typographes76. La plupart de ces artistes sont à la fois les initiateurs, concepteurs et réalisateurs de l’idée artistique et leurs propres éditeurs.
54Dès 1931, Robert Choquette introduit une esthétique européenne du livre dans son long poème sur l’histoire de l’humanité, Metropolitan Museum. Typographié par Charles A. Bernard et accompagné de 13 bois gravés d’Edwin Holgate, ce livre constitue un projet révélateur des multiples transformations artistiques de l’époque et témoigne de la connivence entre le jeune poète canadien-français et les artistes et artisans canadiens-anglais de l’École des beaux-arts de Montréal77.
55Les recherches dans les métiers du livre remontent à peine aux années 1950. Après la Deuxième Guerre mondiale, des expériences modernistes sont tentées grâce à des artistes habités par la poésie. Dès lors, leur développement est rapide et les expérimentations spectaculaires. Le graveur, poète et typographe Roland Giguère fonde non seulement les Éditions Erta, avec Faire naître en 1949, mais il anticipe aussi les développements formels du livre d’artiste en imprimant, en 1975, Abécédaire, un volumen de 18 mètres de long enroulé sur deux bobines de bois et déposé dans un coffret.
56À côté d’une activité étroitement liée à la gravure et à l’estampe, tributaire de la collaboration de tous les artisans du livre, on découvre, grâce à des artistes engagés dans le mouvement underground-overground des années 1970, des œuvres insolites et percutantes. Plusieurs titres sont publiés aux Éditions Cul Q et une douzaine de livres sont lancés aux Éditions de l’Œuf par l’artiste-éditeur Yrénée Bélanger. De rares livres véhiculent l’engagement politique ou social des écrivains et des artistes, tel le travail collectif pour Corridart où s’est exprimée la protestation contre la censure de la ville de Montréal à l’égard des œuvres d’art disposées le long de la rue Sherbrooke lors des Jeux olympiques de 1976 : écrivains et artistes ont alors enseveli leurs interventions sous forme d’un ouvrage simulant une grande stèle funéraire (voir illustration 13.4). Déjà de savants montages et d’ingénieuses constructions inventées par des relieurs, comme Pierre Ouvrard, misent sur le visuel et arrivent à transformer un livre en livre-objet, mieux, en installation.
57Aussi rare que le livre engagé, le livre-trace — trace d’une manifestation d’art, d’une installation, d’une performance, d’une exposition — où l’artiste reprend et prolonge son parcours créateur dans un livre. C’est le cas de 3 Plantations, premier livre de performance constitué de reproductions des photographies de l’action de Pierre Boogaerts, présenté en novembre 1973 à la galerie Véhicule Art de Montréal, qui est longtemps demeuré l’exception.
58Le travail de recherche et de réflexion sur l’art, sur le multiple et sur les techniques de l’estampe mené dans les ateliers et dans les écoles d’art intégrées aux universités a souvent trouvé dans le livre une voie de recherche collective comme celle des sérigraphes de l’Atelier Graff marquant l’action soutenue d’un Pierre Ayot. Le fait que de plus en plus d’artistes se soient constitués éditeurs pour diffuser eux-mêmes leurs propres livres a contribué à l’essor du genre : le nombre des éditions triple du début des années 1970 au début des années 1980 et, dans les années 1990, il s’accroîtra encore grâce à une plus grande diversification, à la multiplication des livres-objets, à la parution de livres sans texte, bref à l’appropriation artistique du livre dans toutes ses formes et significations.
Les presses artisanales
richard landon
59Définir avec précision ce qui caractérise les livres provenant de presses privées artisanales est difficile, même si les créateurs et les collectionneurs de tels ouvrages en reconnaissent les qualités particulières. Selon Will Rueter :
Il est difficile d’expliquer et, parfois, de justifier le métier d’art que constitue l’imprimerie hors commerce. Au point de départ, il y a le désir profond d’imprimer des textes de son choix ; mais parvenir à la forme visuelle qui épousera étroitement un texte par le choix méticuleux des caractères, du papier et des matériaux de reliure constitue aussi une grande responsabilité et un défi78.
60Un autre imprimeur canadien affectionne « le fait qu’un livre aménage, pour une ou deux personnes, un espace intime » propice à l’exploration d’une œuvre d’art79. Contrairement aux presses commerciales tournées vers la mécanisation et le marché, les presses privées produisent de façon artisanale des éditions limitées, conçues avec créativité, souvent exécutées en collaboration avec des graphistes. Inspirées par le mouvement britannique Arts and Crafts et par les œuvres de William Morris, ce type de presses émerge au Canada dans les années 1930 avec la fondation de la Golden Dog Press à Toronto. Entre 1933 et 1939, son propriétaire J. Kemp Waldie publie huit titres, dont l’étude novatrice de Marie Tremaine intitulée Early Printing in Canada (1934). Sa publication la plus travaillée, Engravings for Macbeth (1939), comporte 14 gravures sur bois de Laurence Hyde.
61On attribue souvent à Robert R. Reid, qui compte parmi les plus éminents typographes et concepteurs de livres au Canada, le mérite d’avoir conçu l’un des plus beaux livres jamais imprimés au pays, The Lawrence Lande Collection of Canadiana (Montréal, Fondation Lawrence Lande, 1965). En 1946, Reid fonde à Vancouver The Private Press of Robert R. Reid. Il collabore avec l’artiste George Kuthan à la réalisation de Kuthan’s Menagerie (1960), une production particulièrement remarquable publiée à l’enseigne de Nevermore Press et pour laquelle les talents de plusieurs imprimeurs-artisans sont mis à contribution dans l’impression des linogravures multicolores de Kuthan. La maison même de ce dernier, Honeysuckle Press, ne lancera qu’un ouvrage, Aphrodite’s Cup (1964), mais une véritable prouesse d’impression avec 25 gravures sur linoléum sans texte d’un érotisme explicite. Le dynamisme de la Colombie-Britannique dans le domaine des presses privées s’accroît en 1978 avec la création par Jan et Crispin Elsted de la Barbarian Press, qui célébrera son 25e anniversaire en 2003.
62Un fait particulièrement remarquable dans le contexte de l’après-guerre en Ontario — deuxième centre actif en matière de presses privées au Canada anglais — est la fondation par Gus Rueter de la Village Press à Thornhill, en 1957. Avant sa fermeture, en 1965, Rueter publie 10 ouvrages, parmi lesquels on compte Poems de David Donnell (1961), une œuvre poétique originale d’un auteur de la région, ce qui souligne le rôle important de ces presses au Canada dans la promotion d’ouvres créatrices de conceptions artistiques variées. En 1959, conjointement avec le typographe Carl Dair, concepteur du seul caractère canadien original de l’époque, décrit dans la deuxième étude de cas qui suit sur la police de caractères Cartier, et Douglas Lochhead, bibliothécaire au Massey College de la University of Toronto, Rueter fonde la Guild of Hand Printers, une association libre d’imprimeurs non commerciaux de la région. À l’occasion, la Guild publie des recueils de leurs travaux sous le nom de Wrongfount, dont le numéro le plus élaboré est le Wrongfount Six : “Carl Dair” in Quotes (1968), lequel rassemble les productions de quelque 20 imprimeurs et concepteurs. Sur la scène des presses artisanales torontoises des années 1960, on trouve également la Heinrich Heine Press de Peter Dorn, en activité de 1963 à 1972, et la Roger Ascham Press de Greg McDonagh, fondée en 1964, à qui l’on doit la publication de cinq ouvrages d’envergure avant 1980, dont les Millwood Road Poems (1970) de Douglas Lochhead.
63Trois presses artisanales du sud de l’Ontario, fondées dans les années 1960 et toujours en activité au troisième millénaire, démontrent que ce mode de publication est devenu peu à peu un modèle de collaboration et d’innovation. À Toronto, en 1960, Richard Outram et Barbara Howard lancent la Gauntlet Press dans l’intention d’éditer la poésie d’Outram illustrée avec les gravures sur bois de Howard. Deux ans plus tard, Will Rueter (fils de Gus), étudiant en art et futur concepteur de livres bien connu, fonde l’Aliquando Press. Exécutant lui-même toutes les étapes de la production, de la conception à la reliure, en passant par la composition et l’impression, Will Rueter élabore un style typographique novateur qui réunit différents caractères. Il publie plusieurs recueils de poésie canadienne contemporaine et exprime son credo dans une brochure intitulée Order Touched with Delight (Toronto, 1976), un exposé bien articulé traçant le portrait de l’ensemble des livres produits sur sa presse. En 1969, à Stratford, le graveur Gerard Brender à Brandis fonde la Brandstead Press en vue de faire paraître des livres exhibant directement ses gravures « sans vitre intercalée80 ». En 1977, sa production comprend des œuvres subtilement intégrées, entre autres April Snowstorm de Madzy Brender à Brandis, composée avec les caractères Della Robbia et Kennerley et illustrée de 13 gravures sur bois. Ayant fabriqué à la main le papier de ce volume, l’artiste en a exécuté presque tous les aspects matériels.
64En Ontario, le Salon des arts du livre de 1977, dont rend compte le catalogue Reader, Lover of Books, Lover of Heaven (1978), a inspiré en 1979 la création, à Grimsby, de Wayzgoose, un festival annuel de l’imprimerie et des métiers connexes. En 1980, Marilyn Rueter constate que « l’imprimerie artisanale se porte mieux qu’à aucun autre moment depuis les années 195081 ». Les activités de l’Alcuin Society, présentées dans le texte suivant, constituent un bon exemple de la sensibilité des Canadiens à la conception et à l’édition de beaux livres.
étude de cas. L’Alcuin Society
— Jim Rainer
65L’Alcuin Society est fondée en 1965 à Vancouver par Geoffrey Spencer, un directeur commercial, avec l’appui de Basil Stuart-Stubbs, bibliothécaire à la University of British Columbia, de Sam Black, professeur de beaux-arts à la même université, et de Bill Duthie, patron de Duthie Books. Les cofondateurs poursuivent les objectifs suivants : « défendre les intérêts des collectionneurs de livres et promouvoir l’appréciation des beaux livres en publiant des œuvres inusitées et intéressantes dans des éditions limitées de belle facture82 ». Cela laisse entendre que la Société se concentrera sur les aspects matériels de l’édition : maquette, typographie, calligraphie, illustrations, papier, impression et reliure.
66Le nom de la Société a été choisi pour rendre hommage à Alcuin de York (vers 735-804), éminent pédagogue, érudit et théologien anglais qui, nommé par Charlemagne abbé de Saint-Martin-de-Tours, s’employa à encourager l’étude et la préservation des documents anciens. En son honneur, l’Alcuin Society s’engage dans une multitude d’activités éducatives. Elle organise des conférences, des ateliers, des expositions, des voyages et des concours. Elle édite depuis sa fondation un bulletin trimestriel, Amphora, et publie quantité de documents-souvenirs et d’affiches.
67Durant ses 11 premières années d’existence, elle poursuit aussi, sous la conduite de Stuart-Stubbs, un programme d’édition qui donne lieu à neuf livres : à une seule exception, ce sont toutes des réimpressions de canadiana rares, épuisés en librairie, présentant en soi une valeur historique ou littéraire. Le premier, A Theatrical Trip for a Wager! Through Canada and the United States (1861; réimpr. 1966) du capitaine Horton Rhys, est tiré à 500 exemplaires sur presse typographique et relié à la main. Wil Hudson et Nick Schwabe ont réalisé la maquette et l’impression, Sam Black, les illustrations, et Robertson Davies a signé la préface. Les huit titres suivants, publiés à tirage limité, dont Hetty Dorval d’Ethel Wilson (1947 ; réimpr. 1967), Belinda; or, The Rivals: A Tale of Real Life d’Abraham S. Holmes (1843; réimpr. 1970) et Flowers in Heraldry de Vera Ibbett (1977), sont de superbes exemples de livres d’art83. Chaque exemplaire du Hetty Dorval est signé par l’auteur. Le livre de Holmes contient 16 splendides reproductions d’aquarelles réalisées dans le Haut-Canada entre 1827 et 1840 ; celui d’Ibbett, imprimé en Belgique, vaut à la réputée calligraphe anglaise son admission à la Society of Scribes and Illuminators. Les autres titres connaissent de modestes tirages de 375 à 500 exemplaires, alors que la première édition de Flowers in Heraldry est imprimée à 2 300 exemplaires.
68En 1981, la Société relèvera d’un cran son soutien à l’édition de qualité en créant son prix annuel, le Book Design Award, prix qui honore les graphistes canadiens qui réussissent à exprimer le contenu intellectuel d’un livre dans leur conception graphique et à atteindre une qualité d’exécution correspondante. Les genres admissibles sont la prose d’imagination, l’essai, la poésie, le livre illustré, le livre pour enfants, l’ouvrage de référence et l’édition à tirage limité.
Le design du livre au Canada anglais
randall speller
69Dans les premières décennies du XXe siècle, au Canada anglais comme en Grande-Bretagne, la responsabilité des décisions relatives aux exigences matérielles et esthétiques de la fabrication du livre incombe largement à l’éditeur. C’est lui qui choisit les manuscrits, approuve les budgets et, s’il a quelques connaissances en typographie ou en conception graphique, s’efforce d’esquisser une mise en pages inspirée des pratiques courantes d’impression84. Les autres détails de la fabrication sont laissés aux mains inexpertes de vendeurs, secrétaires, gérants, voire présidents de société85. On confie rarement la conception graphique d’un livre à des graphistes ou typographes indépendants ; le plus souvent, ces détails matériels de la production sont laissés entre les mains du fabricant. Le choix du papier et de la police de caractères relèvent du typographe, selon ce qui est disponible dans l’atelier. Si la reliure est confiée à une société distincte, la sélection des matériaux et du lettrage de couverture s’effectue selon les disponibilités et le budget alloué. À Toronto, des firmes bien connues comme Hunter, Rose et T. H. Best se spécialisent dans l’impression et la reliure sur mesure. Parmi les plus grands éditeurs anglophones du Canada, seule la Ryerson Press imprime et relie ses livres en recourant à son propre échantillon de caractères, à son atelier de reliure et à son équipe d’artisans expérimentés.
70Dès 1918, les jaquettes constituent une caractéristique bien établie du livre canadien-anglais. Utilisées d’abord et avant tout pour protéger la couverture entoilée et souvent mises au rebut après l’achat, elles sont essentielles aux campagnes de publicité et aux étalages de librairie. Même si de nombreuses jaquettes ne comportent que du texte, elles sont souvent le seul élément du livre contenant des illustrations ou des ornements confié à la production extérieure, une pratique qui se perpétue encore aujourd’hui. Après la Première Guerre mondiale, les éditeurs qui veulent offrir des livres de plus belle tenue font appel à des illustrateurs et à des dessinateurs publicitaires. Bien que pour limiter les coûts on fasse usage des illustrations avec parcimonie, plusieurs artistes du Groupe des Sept, J. E. H. MacDonald, Franz Johnston, F. H. Varley et Lawren Harris, avec d’autres artistes importants comme C. W. Jefferys et C. M. Manly, vont contribuer à donner une nouvelle allure au livre des années 1920 en utilisant des images et des paysages canadiens.
71À l’emploi de la Ryerson Press, de J. M. Dent et de McClelland and Stewart à Toronto, J. E. H. MacDonald est l’illustrateur le plus influent de l’époque86. Il concentre spécifiquement son travail sur les éléments illustrés et les ornements du livre (pages de titre, pages de garde, en-têtes de chapitre, illustrations, lettrage et jaquettes) plutôt que sur la conception graphique d’ensemble qu’il laisse à d’autres, comme le choix de la maquette et de la typographie. Les enluminures, illustrations et lettrage à la main de MacDonald portent la marque de l’esthétique avec ses formes en à-plat, décoratives et à motifs. Jusqu’au milieu du siècle, le mouvement Arts and Crafts, avec sa « prédilection pour la composition à la main plutôt qu’à la machine », auquel adhèrent avec enthousiasme les dessinateurs publicitaires du Canada anglais, exerce une influence déterminante sur l’iconographie et la conception graphique des livres. Entre 1900 et 1940, à la photographie et à la composition mécanique, les graphistes préfèrent l’illustration et le lettrage fait à la main87.
72Dans l’entre-deux-guerres, des innovations typographiques sont également mises de l’avant, mais peu d’entre elles recueillent l’adhésion des éditeurs. Le métier d’artisan était lié à la tradition puisqu’on l’apprenait auprès d’aînés expérimentés. Il n’y aura pas d’école de métiers avant la fondation à Montréal, en 1942, de l’École des arts graphiques, et les écoles de beaux-arts n’offrent alors que des cours d’initiation à la typographie, à l’illustration, au lettrage et au dessin. Le travail de Bertram Brooker (voir illustration 13.5) et de J. W. G. (Jock) Macdonald atteste néanmoins que les artistes sont de plus en plus au fait des tendances internationales. Thoreau MacDonald (fils de J. E. H.) pratique un style de transition qui se concentre davantage sur la typographie et le dessin, comme en fait foi son travail pour la couverture du Catalogue of Fine, Graphic, and Applied Arts de la Canadian National Exhibition en 1930 et 1935 (voir illustration 13.6). Il prend grand soin d’orner texte et image, d’équilibrer la mise en pages et de choisir le papier idéal88. La nature lui inspire des illustrations dépouillées, tandis que son lettrage stylisé et net « trahit une manière plus moderniste que celle de ses prédécesseurs immédiats89 ». Les Graphic Publishers (1925-1932) d’Ottawa utilisent pareillement la typographie et l’ornementation des pages de garde pour créer une image distinctive.
73Si les graphistes inventifs des années 1920 poursuivent leur travail dans les années 1930, la crise économique signe la mort de plusieurs innovations. L’illustration périclite en partie à cause de l’importance des coûts. Les livres de cette période contiennent souvent des ornements typographiques et picturaux standardisés qu’on puise dans les stocks des ateliers, et les éditeurs recyclent des illustrations vieilles d’une décennie90. Aux dires d’un certain critique, les livres ne sont dans la plupart des cas qu’un fouillis « de caractères disgracieux, de papier prétentieux, de couvertures hideuses et d’ornements ineptes91 ». Le lourd « papier d’édition antique », à la gouttière souvent non tranchée, est à la mode. Avant 1945, malgré le dynamisme d’une puissante industrie papetière, seules quelques compagnies canadiennes fabriquent des papiers d’édition : en Ontario, la Provincial Paper Company de Georgetown et la Howard Smith Paper Company de Cornwall produisent les papiers d’édition bouffant et antique92 ; au Québec, la Compagnie de papier Rolland produit également des papiers fins destinés à l’édition. Habituellement, on importe des États-Unis les autres types de papier.
74La Deuxième Guerre mondiale provoque une profonde transformation sociale, économique et technologique. L’effort de guerre stimule l’économie alors même qu’un nationalisme fébrile fait augmenter les ventes de titres canadiens. Mis au défi par un outillage d’impression désuet et par la pénurie de matériaux de reliure, de papier et de main-d’œuvre, certains éditeurs estiment néanmoins opportun, tant pour les affaires que pour des motifs culturels, de produire en temps de guerre « des livres canadiens graphiquement bien conçus et agréables esthétiquement93 ». Les illustrations et la typographie de Frank Carmichael pour Thorn-Apple Tree (1942) et The Higher Hill (1944) de Grace Campbell, tous deux publiés à Toronto par la filiale canadienne de Collins, témoignent du nouvel esprit patriotique dans la production de livres.
75Le besoin de changement après la guerre annonce de nouveaux développements et les éditeurs cherchent des manières novatrices de fabriquer des livres. Dans le monde anglo-saxon, les éditeurs britanniques montrent la voie en embauchant certains des typographes les plus en vue d’Europe pour diriger des ateliers de conception graphique nouvellement créés. Après 1945, on commence à enseigner sérieusement la typographie dans les écoles de beaux-arts britanniques, une mesure qui aura de profondes répercussions au Canada une décennie plus tard. Des articles sur l’importance du graphisme dans la fabrication des livres et des messages publicitaires font leur apparition dans la presse professionnelle. L’augmentation des coûts de production du livre, le choix limité de caractères, les presses de faible puissance, des réserves insuffisantes de papier et des ateliers de reliure débordés forcent les éditeurs à explorer des avenues inédites et de nouvelles technologies94. Il faut investir des sommes considérables pour acquérir des presses à haute performance et des matériaux de meilleure qualité. Un rendement supérieur et une production plus rapide font douter de la qualité du produit au moment où les traditions artisanales commencent à se perdre95. Les illustrations et ornementations deviennent de plus en plus coûteuses et démodées ; on considère la photographie plus efficace et plus moderne. En outre, la supériorité de plus en plus marquée des livres américains de conception soignée et séduisante, aux jaquettes accrocheuses qui ont fière allure en bibliothèque et en magasin, menace les ventes canadiennes et britanniques. Sans se ruiner, « les Canadiens […] doivent rivaliser avec les standards américains en adoptant des normes de fabrication équivalentes, attrayantes et raffinées96 ».
76Pour mieux s’adapter à ces réalités économiques, les éditeurs se tournent vers les graphistes professionnels. La conception graphique du livre prend son essor sur le plan commercial lorsque les éditeurs se rendent compte que les livres dont l’impression laisse à désirer par un mauvais choix de caractères et de papier ne sont pas rentables. En utilisant les ressources et les produits offerts sur le marché, les graphistes peuvent concevoir à moindre coût des livres plus attrayants et mieux fabriqués. Selon John Morgan Gray : « La solution réside dans un usage plus imaginatif des matériaux, une exécution plus soignée [… et dans] des exigences plus professionnelles97. » Le passage du dessin publicitaire au graphisme constitue « un virage fondamental, l’accent étant mis désormais sur le graphisme [et] la fonction […] plutôt que sur l’illustration [et] l’image98 ».
77Le changement est manifeste dès la fin des années 1940 : après la guerre, effectivement, la « réapparition des papiers de qualité, des reliures en toile [et] l’abondante utilisation des caractères métalliques incitent à l’expérimentation et à l’innovation99 ». Né au Canada, mais formé en Europe, Carl Dair est un chaud partisan de la conception typographique (voir illustration 13.7). De son côté, Paul Arthur dessine en 1948 la maquette de la célèbre collection de poésie « Indian File » de McClelland and Stewart. Quant à Arthur Steven, il devient en 1949 le premier directeur artistique à temps complet de la Ryerson Press100. Ces réalisations individuelles coïncident avec la fondation, en 1947, du Art Directors Club of Toronto (ADCT), un organisme qui fera « beaucoup pour hausser le niveau de créativité dans l’art de l’édition101 ». Destinées à la grande industrie de la publicité et de l’impression commerciale, les expositions de l’ADCT, qui accorde des prix dans diverses catégories, ont lieu chaque année de 1949 à 1964. Les éditeurs tentent alors des expériences en matière de graphisme, et les dirigeants de société se mettent à réviser les critères d’« excellence » dans la production du livre. Les innovations du modernisme européen « font bientôt vibrer une corde sensible102 », et les éditeurs peuvent ainsi démontrer qu’« utilisée ingénieusement, la typographie peut à elle seule suggérer plusieurs messages et états d’âme103 ».
78Jusqu’au milieu des années 1950, l’industrie canadienne ne fait appel qu’à un petit nombre de dessinateurs ou de typographes de formation pour résoudre ses problèmes. L’arrivée de graphistes européens comme Frank Davies en 1951 et John Gibson en 1952, puis Frank Newfeld, Leslie (Sam) Smart et Antje Lingner en 1954, transforme l’industrie104. Deux Canadiens d’origine, Paul Arthur et Allan Fleming, rentrés d’Europe en 1955, viennent augmenter le groupe des typographes et maquettistes formés à l’étranger. Tous trouvent bientôt un emploi dans des firmes torontoises, d’où le dynamisme économique et visuel des années 1955 à 1965. Avec la création en 1956 de la Society of Typographic Designers of Canada (TDC), les graphistes canadiens se dotent d’un instrument pour échanger des idées, promouvoir et améliorer la qualité de la conception graphique du livre canadien et regrouper tous ceux qui évoluent dans le domaine. En plus de réunions et de conférences, la TDC tient sept expositions annuelles avec jury, de 1958 à 1964, pour souligner la qualité de l’impression des livres, des périodiques et des travaux d’affaires. Ces expositions itinérantes et les comptes rendus qu’elles suscitent contribuent à hausser à un niveau inégalé le prestige de la typographie et de la conception graphique du livre, à tel point que le grand public lui-même s’y intéresse et en discute. Concernant l’influence grandissante du graphisme, mentionnons entre autres exemples le cas de la maison vancouvéroise Klanak Press de William McConnell qui a fait appel à l’art typographique de Takao Tanabe.
79Les graphistes des années 1960 « ont trouvé au Canada un véritable jardin d’Éden105 », se rappelle Frank Newfeld. Une poignée de professionnels de formation, capables d’élaborer leurs propres règles, parviennent à la reconnaissance internationale pour la production de livres commerciaux dont la conception graphique est la plus belle jamais produite au Canada. La maquette de Newfeld pour The Chequered Shade (McClelland and Stewart, 1963) de Roy Daniells remporte la médaille de bronze à l’Internationale Buchkunst-Austellung de Leipzig en 1965 ; l’année suivante, sa maquette pour Within the Zodiac (McClelland and Stewart, 1964) de Phyllis Gotlieb rafle l’argent. Créateur en 1967 du caractère Cartier, première police de caractères canadienne, Carl Dair figure « au premier rang » du palmarès des Fifty Books of the Year pour Design with Type (University of Toronto Press, 1967). L’Economic Atlas of Ontario (University of Toronto Press, 1969) de Geoffrey Matthews obtient une mention pour le « plus beau livre du monde » à Leipzig en 1969. Ces experts canadiens comblent le fossé entre l’illustration décorative et la conception typographique fonctionnelle.
80L’âge d’or du graphisme s’achève toutefois vers la fin des années 1960. D’abord, une poussée de nationalisme insufflée par l’imminence du centenaire de la Confédération provoque une onde de choc dans la littérature canadienne et suscite l’apparition de nouvelles maisons indépendantes, comme le décrit David McKnight au chapitre 11. Si plusieurs tenants de l’écriture expérimentale accordent plus d’importance au prix de vente du livre qu’à sa conception graphique, occasionnellement de magnifiques exemples de maquette originale sortent néanmoins de ces maisons. Jeff et Carol Wakefield conçoivent une planche remarquable pour la couverture et la page de titre de Body (Anansi, 1970) de Robert Flanagan, tandis que les couvertures marquées de traces de pneus par Victor Coleman pour son Parking Lots (Talon Books, 1972) témoignent d’une créativité audacieuse106. Sous la direction d’Allan Fleming, une maison aussi réputée que la University of Toronto Press produit également des livres extraordinaires. À la même époque, un phénomène va pourtant à l’encontre de tels efforts, soit la croissance exponentielle de la demande du livre en format de poche, bon marché et d’une conception graphique lamentable, au moment même où les enfants du baby-boom deviennent des étudiants universitaires. Une exception à signaler : la couverture de la « New Canadian Library » conçue par Frank Newfeld (voir illustration 7.4). La reliure sans couture (par collage ou brochage) devient la règle à mesure que les ateliers se modernisent en se dotant de nouveaux équipements qui permettent des opérations automatisées ou partiellement automatisées. Grâce à l’élimination de la couture et des plats cartonnés, les frais de reliure sont sensiblement réduits107.
81Dans les années 1970, les innovations technologiques et les changements radicaux dans la structure générale du commerce du livre canadien annoncent d’autres métamorphoses du livre matériel au Canada anglais. Chaque élément du livre est transformé par les nouvelles technologies, depuis la jaquette jusqu’à la page de texte imprimé. Dans la production du livre, où la typographie a conservé quelques privilèges, l’impression en offset devient graduellement la norme. Dès 1972, on estime que la production de livres en offset est cinq fois plus importante que la production en typographie et, à la fin de la décennie, il semble que « le monde du métal fondu et de l’impression en relief ait été totalement balayé108 ». La photographie et la photocomposition, de même que la composition automatique, jouent un rôle de plus en plus important dans l’illustration et la mise en pages. Les polices de caractères traditionnelles sont remplacées par d’autres mieux adaptées aux nouvelles technologies. « Le style suisse international », avec sa « typographie sans sérif, justifiée à gauche et délimitée par un gabarit fonctionnel », gagne en popularité109, spécialement dans les publications du gouvernement fédéral. En 1966, la TDC change de nom et adopte celui de Graphic Designers of Canada pour refléter le mandat des graphistes qui ne se limite plus aux livres, mais englobe toutes les formes d’information et de communication visuelles.
82Au début des années 1970, le milieu de travail à l’intérieur des maisons d’édition se transforme aussi à mesure que les sociétés prennent de l’expansion et se bureaucratisent, d’où la nécessité d’une plus grande centralisation des contrôles. Comme on produit une plus large variété et un plus grand nombre de livres, les concepteurs graphiques doivent prendre en charge une saison entière plutôt que des titres individuels110. Les échanges quotidiens entre l’éditeur, le graphiste et l’équipe de production ne sont désormais plus possibles. Les rapports avec les fournisseurs se transforment également : les délais de production étant beaucoup plus serrés, on est souvent à court de papier. Une nouvelle tendance s’impose, celle de faire imprimer des livres à l’extérieur du pays, spécialement pour l’impression couleur de qualité supérieure.
83La conception graphique du livre n’est cependant pas sans défenseurs. Le Book Promotion and Editorial Club publie, en 1972, The Look of Books 1972. En 1970, pour encourager les graphistes, éditeurs et imprimeurs de livres canadiens à entretenir des normes de qualité élevées, l’organisme lance un concours et tient des expositions jusqu’en 1973. Créé en 1974 par le ministère de l’Industrie, de la Main-d’œuvre et du Commerce, Design Canada prend la succession du Club en organisant des expositions jusqu’en 1976. L’Alcuin Society fera revivre cette tradition de prix et d’expositions en 1981.
84Faisant partie intégrante de la production du livre dans les années 1980, l’ordinateur introduira de nouveaux défis et offrira des promesses dans cette industrie en rapide mutation dont la technologie fascine le grand public. Néanmoins, à mesure que s’affadira l’effet de la nouveauté, que l’uniformisation et le manque de variété typographique deviendront patents, les entrepreneurs redécouvriront la nécessité économique et esthétique du graphisme. En 2000, le lancement de la police de caractères Cartier Book témoignera d’un regain d’intérêt pour la typographie numérique. Des instruments de graphisme automatisés feront aussi leur apparition et démontreront que même lorsqu’une nouvelle technologie devient disponible, le graphisme demeure « d’une cruciale pertinence économique pour l’édition111 ».
étude de cas. Le Cartier, première police de caractères canadienne
— Rod McDonald
85La première police de caractères romains de facture canadienne est mise en circulation le 1er janvier 1967, à l’occasion du centenaire de la Confédération, comme cadeau de son concepteur, Carl Dair112. Le projet a pris forme un matin de 1955, alors que Dair mentionnait en passant à Allan Jarvis, conservateur de la Galerie nationale du Canada, qu’exception faite du syllabaire cri fabriqué par le révérend James Evans à Norway House en 1840113, aucun Canadien n’avait jamais conçu de caractères typographiques. Jarvis a alors suggéré à Dair de présenter une demande de subvention au gouvernement pour faire des études à l’étranger dans le but de créer un caractère typiquement canadien. En 1956, nanti d’une bourse de 4 000 $ du Programme outremer du gouvernement canadien, Dair quitte le pays pour les Pays-Bas où il étudie le graphisme typographique, la taille des poinçons et la fonte, sous la direction du graveur P. H. Rädische, à la fonderie Joh. Enschedé en Zonen de Haarlem. Pendant cet « apprentissage », il apprend à tailler à la main et à mouler des caractères selon une technique pratiquement inchangée depuis l’époque de Gutenberg. Dair rentre à Toronto en 1957 avec une compréhension plus nette de la difficulté de traduire de grands dessins de lettres en de très petits caractères susceptibles d’être assemblés avec bonheur en mots.
86La plus remarquable caractéristique du Cartier, du nom de l’explorateur Jacques Cartier, est son fort style calligraphique. Calligraphe accompli, Dair réussit à concilier la liberté de lettres prestement dessinées, qui semblent souvent « danser » sur la page, avec la discipline rigoureuse de la gravure de formes figées dans le métal. Pendant son séjour en Europe, Dair a acheté deux pages d’un livre imprimé à Florence en 1482 par Antonio Miscomini, étant frappé par le fin ajustement des lettres et le lourd empattement du caractère de Miscomini, particularités qu’il incorpore à son romain. Par ailleurs, l’italique Cartier semble être largement inspiré de l’écriture manuscrite de Dair lui-même.
87Quand vient le moment de fondre les caractères, des représentants de Mono Lino Typesetting de Toronto persuadent Dair de produire le Cartier pour la photocomposition plutôt que pour la fonderie. Mergenthaler Linotype du New Jersey fabrique alors des caractères en verre utilisés dans ses nouveaux films de photocomposeuses. Durant une année entière, Mono Lino détient les droits exclusifs du Cartier, après quoi Linotype l’offre sur les marchés internationaux.
88Des commentaires prudents et polis accueillent le Cartier à sa sortie. Dans l’ensemble, on loue son romain pour son originalité et sa lisibilité. L’italique a moins de succès, la plupart des créateurs estimant qu’il est trop mince et qu’il tranche trop avec le romain. Desservi par cette absence d’italique convenable et d’au moins une face grasse, le Cartier est finalement considéré comme un pis-aller lorsque vient le moment de choisir une police de caractères canadienne. Mais, grâce à l’effort de Rod McDonald, le Cartier sera totalement retravaillé, parachevé et lancé sous le nom de Cartier Book en 2000. Cette refonte apportera une solution à plusieurs problèmes relevés dans le graphisme original. C’est ce caractère qui a été retenu pour la composition des trois volumes de l’Histoire du livre et de l’imprimé au Canada/History of the Book in Canada.
Notes de bas de page
1 B. Dewalt, Technology and Canadian Printing, p. 86.
2 Ibid., p. 87-88.
3 Ibid.
4 Canada, Bureau fédéral de la statistique, Section des forêts, Report on the Printing Trades in Canada, 1936, p. 1, et Tableau 2, p. 6-7 ; 1946, p. 1-2.
5 Canadian Printer and Publisher, janvier 1959, p. 72-73.
6 B. Dewalt, Technology and Canadian Printing, p. 114.
7 Les informations techniques qui suivent sont tirées de B. Dewalt, ibid., p. 90-108 et 119-134 ; A. Devost, L’imprimerie au Québec, p. 207-225 ; R. Lechêne, L’imprimerie, de Gutenberg à l’électron, p. 139-150.
8 C. J. Eustace, « Developments in Canadian Book Production and Design », p. 48.
9 B. Dewalt, Technology and Canadian Printing, p. 123.
10 L.-G. Lemieux, Le roman du Soleil, p. 235-242.
11 G. Piédalue, « Les groupes financiers et la guerre du papier au Canada 1920-1930 », p. 224.
12 J.-P. Charland, Les pâtes et papiers au Québec 1880-1980, p. 135.
13 Ibid., p. 135-137.
14 R. Létourneau, « Analyse conjoncturelle des expéditions de l’industrie canadienne du papier journal », f. 10.
15 C. J. Eustace, « Developments in Canadian Book Production and Design », p. 48.
16 J.-P. Charland, Les pâtes et papiers au Québec 1880-1980, p. 136.
17 Ibid., p. 141.
18 R. Létourneau, « Analyse conjoncturelle des expéditions de l’industrie canadienne du papier journal », f. 6.
19 Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers/Canadian Pulp and Paper Association, dans Association des industries forestières du Québec, L’évolution de l’industrie québécoise des pâtes et papiers, p. 1-8.
20 Atlas historique du Canada, vol. III, planche 50.
21 Selon l’Association canadienne des producteurs de pâtes et papiers/Canadian Pulp and Paper Association, Tables de statistiques 1975, p. 31, renseignement signalé dans R. Létourneau, « Analyse conjoncturelle des expéditions de l’industrie canadienne du papier journal », f. 8-9.
22 J.-P. Charland, Les pâtes et papiers au Québec 1880-1980, p. 159.
23 Le Maître imprimeur, juin 1977, p. 3 ; mai 1979, p. 19 ; juin-juillet 2001, p. 17 ; J.-A. Fortin (dir.), Biographies canadiennes-françaises, p. 1063 ; J. Michon (dir.), HÉLQ, vol. 1, p. 21.
24 R. Bélisle, « Visite à la Maison Thérien Frères limitée », Technique, janvier 1938, p. 9-12 et 25.
25 Le Maître imprimeur, juillet 1951, p. 9 ; J. Michon (dir.), HÉLQ, vol. 1, p. 13.
26 Le Maître imprimeur, mai 1947, p. 3 ; juin 1977, p. 3 ; mai 1979, p. 19.
27 Ibid., mai 1979, p. 22.
28 D. K. Friesen, « Executive Message », p. [iv].
29 J. Thiessen, « Friesens Corporation », p. 21 et 22.
30 Ibid., p. 26.
31 Curwin Friesen à l’auteure, 12 avril 2005; J. Thiessen, ibid., p. 36-37.
32 J. Thiessen, ibid., p. 30.
33 Ibid., p. 116.
34 Friesen Printers, Make History with Friesen Printers, p. 9 et 27-44.
35 E. F. Baker, Printers and Technology, p. 301-302; S. F. Zerker, The Rise and Fall of the Toronto Typographical Union, p. 178.
36 S. F. Zerker, ibid., p. 203.
37 Typographical Journal, février 1923, p. 150.
38 Ibid., juin 1921, p. 670-671 ; avril 1924, p. 490-491 ; juillet 1924, p. 2.
39 Communications, Energy and Paperworkers Union, « Local 191 − an ITU Local, 1900 to 1930 ».
40 H. A. Logan, Trade Unions in Canada, p. 110.
41 Ibid., p. 111.
42 Y. Belzile, « La grève des typographes de Montréal (1921-1924) ». Et sur le Mouvement des 44 heures, voir S. F. Zerker, The Rise and Fall of the Toronto Typographical Union, p. 178-204.
43 B. Dansereau, « Le mouvement ouvrier montréalais, 1918-1929 », p. 233.
44 J. Rouillard, Les syndicats nationaux au Québec de 1900 à 1930, p. 222-231.
45 L. Desrochers, « Les facteurs d’apparition du syndicalisme catholique dans l’imprimerie, 1921-1945 », p. 253-255 ; et Canada, Ministère du Travail, Rapport annuel sur les organisations du travail au Canada, p. 206.
46 J. Rouillard, Histoire du syndicalisme au Québec, p. 131-210.
47 Le Devoir, 23, 25 et 26 avril 1955.
48 Association des arts graphiques du Québec, fonds AMI, « Règlements de l’Association des maîtres imprimeurs de Montréal (section française) », 1934, p. 6.
49 Le Maître imprimeur, janvier 1946, p. 3.
50 Ibid., novembre 1938, p. 1.
51 F.-A. Angers et R. Parenteau, Statistiques manufacturières du Québec 1665-1948, p. 148-152.
52 E. F. Baker, Technology and Woman’s Work, p. 181-182; J. R. MacDonald (dir.), Women in the Printing Trades, p. 3-5; M. Van Kleeck, Women in the Bookbinding Trade, p. 38.
53 Canadian Printer and Publisher, avril 1952, p. 68; août 1953, p. 27 et 42-43.
54 A. H. Barker, The Apprentice of Tomorrow, p. 3.
55 J. Delorme, « L’imprimerie », Technique, janvier 1944, p. 21.
56 Canadian Printer and Publisher, septembre 1931, p. 43.
57 Ibid., février 1928, p. 52-53.
58 Ibid., juillet 1945, p. 19-20.
59 Ibid., septembre 1956, p. 86 et 88.
60 C. Cockburn, Brothers: Male Dominance and Technological Change, p. 114-115 et 120.
61 S. F. Zerker, The Rise and Fall of the Toronto Typographical Union, p. 250.
62 B. Dewalt, Technology and Canadian Printing, p. 139.
63 « Section 2: Correspondence Course of the International Typographical Union », dans Canada, Royal Commission on Industrial Training and Technical Education, Report, vol. 4, p. 2052.
64 Le Maître imprimeur, octobre 1942, p. 8 ; août 1944, p. 1.
65 F. S. Rutherford, « What Technical Schools Have Done to Meet the Recommendations of the Royal Commission on Technical Education », p. 17.
66 A. Frigon, « Notre nouvelle école d’imprimerie », Technique, février 1926, p. 5.
67 Prospectus de l’École technique de Montréal, Montréal, [1930 ?], p. 13.
68 « L’École des arts graphiques de la province de Québec », Technique pour tous, octobre 1956, p. 46.
69 Le Maître imprimeur, août 1942, p. 1.
70 « L’École des arts graphiques de la province de Québec », Technique pour tous, octobre 1956, p. 46.
71 Ibid., p. 47.
72 A.-A. de Sève, Hommage à Jean-Marie Gauvreau.
73 Marcel Dugas, « Louis Forest, relieur canadien », Le Livre et ses amis, no 8, juin 1946, p. 56-57 ; G. de Grosbois, « Pour une histoire de la reliure québécoise ».
74 S. Beaudoin-Dumouchel, La première école d’arts graphiques en Amérique.
75 Voir M. H. Choko, P. Bourassa et G. Baril, Le design au Québec.
76 C. Hould et S. Laramée, Répertoire des livres d’artistes au Québec, 1900-1980.
77 S. Bernier, Du texte à l’image, p. 187-224.
78 W. Rueter, « Introduction », p. [3].
79 G. Brender à Brandis, cité dans A. J. Horne et al., Fine Printing, p. 24.
80 G. Brender à Brandis, cité dans Reader, Lover of Books, p. 26.
81 M. Rueter, « The Private Press in Canada », p. 113.
82 University of British Columbia Library, Rare Books and Special Collections, Alcuin Society papers, carton 1, dossier 2, « Announcing the Establishment of The Alcuin Society », [1965].
83 Les références bibliographiques complètes figurent dans Alcuin Society, The Alcuin Society : A Compilation of Its Publications.
84 W. Toye, « Book Design in Canada », p. 53.
85 J. M. Gray, Fun Tomorrow, p. 175.
86 Voir R. Stacey avec H. Bishop, J. E. H. MacDonald, Designer.
87 W. Novosedlik, « Our Modernist Heritage », [1re partie], p. 31.
88 T. MacDonald, Notebooks, p. 100 et 102-103.
89 W. Novosedlik, « Our Modernist Heritage », [1re partie], p. 31.
90 S. Pantazzi, « Book Illustration and Design », p. 24.
91 M. E. Edison, Thoreau MacDonald, p. 22.
92 C. J. Eustace, « Developments in Canadian Book Production », p. 48.
93 G. Campbell, « William Collins during World War II », p. 64.
94 C. J. Eustace, « Developments in Canadian Book Production », p. 47-48.
95 W. H. Clarke, « An Art, a Craft, and a Business », p. 22-24.
96 G. Campbell, « William Collins during World War II », p. 57.
97 J. M. Gray, « English Language Publishing in Canada 1945-1955 », Canadian Library Association Bulletin, vol. 11, juin 1955, p. 295.
98 B. Donnelly, « Mass Modernism », p. 6.
99 J. M. Gray, « English Language Publishing in Canada 1945-1955 », Canadian Library Association Bulletin, vol. 11, juin 1955, p. 295.
100 Voir R. Speller, « Arthur Steven at the Ryerson Press ».
101 P. Duval, « Word and Picture », p. [20].
102 W. Novosedlik, « Our Modernist Heritage », [1re partie], p. 32.
103 « Blurbism », Saturday Night, 13 décembre 1949, p. 24.
104 Voir R. Speller, « Frank Newfeld »; M. Biagioli, « Humble Servant ».
105 F. Newfeld, « Book Design and Production », p. 34.
106 K. Scherf, « A Legacy of Canadian Cultural Tradition », p. 135-136.
107 C. J. Eustace, « Developments in Canadian Book Production », p. 49.
108 B. Dewalt, Technology and Canadian Printing, p. 119.
109 W. Novosedlik, « Our Modernist Heritage », [2e partie], p. 82.
110 F. Newfeld, « Book Design and Production », p. 26.
111 D. Williamson, « Book Design », p. 48.
112 Voir D. McLeod (dir.), « Carl Dair Special Issue ».
113 Voir J. M. Banks, « “Pas seulement des auditeurs” », p. 304-305.
Auteurs
Professeur adjoint à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal. Ses intérêts de recherche portent principalement sur l’histoire de l’imprimerie au Québec et sur l’histoire des ouvriers et des métiers du livre au Canada.
Bibliothécaire à la référence et à l’orientation des usagers à la Killam Library de la Dalhousie University. Elle a été récemment diplômée (MLIS) de la Dalhousie School of Information Management, où elle a été assistante de recherche pour le volume II de l’HLIC/HBiC.
Professeure agrégée d’histoire à la University of Windsor, termine un ouvrage sur Petrolia, en Ontario, et amorce un projet sur la dimension culturelle de l’exercice physique chez les femmes.
Libraire de livres anciens à Montréal. Titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université de Montréal, et d’un diplôme en études avancées en histoire de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris, il prépare un ouvrage sur l’histoire matérielle du livre.
Professeure à la retraite du Département d’histoire de l’art de l’Université du Québec à Montréal où elle est maintenant professeure associée, est spécialiste de l’histoire du livre d’artiste au Québec. Elle travaille sur l’iconographie durant la Révolution française et a publié, en 2005, un ouvrage intitulé La Révolution par l’écriture : les « Tableaux historiques de la révolution française », une histoire éditoriale d’information, 1791-1817.
Directeur de la Thomas Fisher Rare Book Library et professeur au Department of English de la University of Toronto. Ses recherches portent sur l’histoire du livre et la bibliographie. Il a publié Literary Forgeries and Mystifications (2003).
Après une carrière de 37 ans dans l’industrie forestière, a pris sa retraite en 1992 de la compagnie Fletcher Challenge Canada. Membre de la direction de l’Alcuin Society depuis 1991, il a été président de cette institution de 1993 à 2004.
Bibliothécaire à l’Art Gallery of Ontario à Toronto. Il s’intéresse à l’illustration et au design du livre canadien au XXe siècle, notamment durant les années postérieures à la Deuxième Guerre mondiale.
Typographe et concepteur de polices de caractères, entre autres pour les magazines Maclean’s et Chatelaine. Le Cartier Book, dont il est le créateur, fondé sur la première police de caractères romains canadienne, le Cartier, a été retenu pour la composition de l’HLIC/HBiC. Il a enseigné la typographie au Sheridan College, à l’Ontario College of Art and Design et à la NSCAD University.
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