Présentation
p. 7-20
Texte intégral
1Lorsque l’ouvrage de Herbert Fingarette sur l’étude de la philosophie confucianiste parut en 1972, son impact fut immédiat et majeur. Écrit par un philosophe non sinologue, cela pouvait étonner. Pourtant son influence fut marquante tant sur la plan conceptuel que méthodologique. Il nous a semblé qu’il était grand temps pour le public francophone d’avoir accès, dans une version adaptée et mise à jour, à ce « classique » de la sinologie occidentale contemporaine.
2Né à New York en 1921, Herbert Fingarette passa toute sa vie adulte à Los Angeles et à Santa Barbara, où il vit encore aujourd’hui. Il obtint son doctorat en philosophie de l’Université de Californie à Los Angeles en 1949, puis enseigna la philosophie à l’Université de Santa Barbara jusqu’à sa retraite en 1990. En 1984, il fut le premier philosophe à recevoir le prestigieux prix Romanell de la célèbre société Phi Beta Kappa pour sa contribution insigne à l’enseignement et à la recherche dans les sciences humaines.
3Dès les débuts, ses intérêts philosophiques portèrent, dans la foulée du pragmatisme américain, sur des questions concrètes du comportement de la personne et non pas sur des problèmes purement conceptuels et livresques. Sa thèse de doctorat traçait déjà sa voie : comment dégager la dimension philosophique de la thérapie psychanalytique et, plus précisément, comment changer sa manière de vivre à partir d’une prise de conscience et d’une nouvelle compréhension de soi-même.
4Par la suite, ses réflexions, toujours basées sur la pratique psychanalytique, se concentrèrent sur la notion philosophique de responsabilité, étudiée sous différents angles dans plusieurs ouvrages et articles, notamment The Self in Transformation (New York, Basic Books, 1963) ; On Responsibility (New York, Basic Books, 1967) ; et Self-Deception (Londres, Routledge and Kegan Paul, 1969). Cette période fut aussi celle où Fingarette se tourna davantage vers la philosophie analytique, alors dominante sur la scène intellectuelle américaine. Mais Fingarette demeurera essentiellement un philosophe moraliste.
5L’ouvrage Confucius — The Secular as Sacred (1972) appartient à cette période de réflexion intense sur les divers aspects de la responsabilité personnelle : connaissance, authenticité, choix, décision, action, sens de l’obligation, loi, culpabilité, châtiment et repentir. Aux yeux de Fingarette, Confucius proposait une vision morale de l’homme où ces éléments étaient configurés d’une manière très différente en regard de la tradition philosophique occidentale et, plus précisément, américaine. Il étudia de manière approfondie, dans une perspective comparative, d’autres œuvres orientales, dont le Livre de Job (1978) et le Baghavad-Gita (1984).
6Au cours de la dernière phase de sa longue carrière universitaire, Fingarette élargit encore la base empirique de ses recherches en intégrant dans sa réflexion les dispositions légales touchant au comportement criminel et de dépendance à certaines substances, ainsi qu’à la responsabilité que ce comportement implique ; il s’intéressa particulièrement à l’alcoolisme. Parurent alors des études critiques solidement étayées comme The Meaning of Criminal Insanity (Berkeley, University of California Press, 1974); Mental Disabilities and Criminal Responsibility (avec Ann Fingarette Hasse, Berkeley, University of California Press, 1979); et Heavy Drinking: The Myth of Alcoholism as a Disease (Berkeley, University of California Press, 1988). Ce dernier ouvrage, le seul à viser le grand public, fut cité par les plus hauts tribunaux du pays et suscita un vif débat social pendant plusieurs années1.
7On peut mesurer l’importance, aux yeux de Fingarette, de l’enseignement des Entretiens de Confucius et leur influence sur sa pensée morale en notant qu’après la parution de Confucius — The Secular as Sacred en 1972, il publia cinq articles substantiels sur les Entretiens entre 1976 et 1991, mais rien d’autre sur le Livre de Job et le Baghavad-Gita.
8Fingarette vit donc dans le rite le thème central des Entretiens. Le rite, dont l’origine religieuse est reconnue, devient ici un concept philosophique révélant la structure de l’homme comme un être interrelationnel et intersubjectif. C’est dans ce « vecteur » relationnel du rite que s’actualisent les valeurs les plus hautes de l’enseignement confucianiste dans les cinq chapitres du livre de Fingarette : le sens du sacré (chapitre I) ; du bien (chapitres II et III) ; de l’authentique (chapitre IV) et du beau (chapitres I et v). Fingarette fait ressortir avec un rare bonheur le côté pratique, engagé et existentialiste de la philosophie de Confucius.
9On ne saurait surestimer l’impact du livre de Fingarette, non seulement auprès des philosophes, mais également auprès des sinologues américains et anglo-saxons. Parmi les nombreux commentaires soulignant le côté novateur et le rôle charnière de cet ouvrage, ceux de Herrlee G. Creel et Roger T. Ames me semblent particulièrement significatifs. Creel, au terme d’une longue carrière d’enseignement de la philosophie et de la langue classiques chinoises à l’Université de Chicago, écrit : « Au cours de mes 50 ans d’étude de Confucius, je n’ai pas mémoire d’avoir lu, d’un autre savant, ouvrage plus stimulant que celui du professeur Fingarette2. » Plus près de nous, Ames, l’un des chefs de file des études philosophiques chinoises aux États-Unis, écrit :
Herbert Fingarette, dans ses recherches et publications sur Confucius, a plus accompli pour stimuler la discussion sur la philosophie confucianiste dans les cercles philosophiques que tout autre savant occidental. La multiplication des études philosophiques sur Confucius depuis l’apparition du petit livre de Fingarette, Confucius — The Secular as Sacred, reflète l’ampleur avec laquelle Fingarette, par l’autorité de son nom et de sa réputation, a contribué à faire de la pensée de Confucius un champ reconnu de recherche philosophique3.
10Comme le laisse voir la mise à jour bibliographique en fin de volume, l’intérêt suscité par les écrits de Fingarette n’a en rien diminué avec le passage du temps. Il s’est même accru grâce à la vigoureuse reprise des études confucianistes en République populaire de Chine, où elles avaient pendant plusieurs décennies été découragées ou prohibées. Se dessine ainsi une convergence entre les chercheurs de la « Chine du centre », de la « Chine de la périphérie » (Taiwan, Singapour, Hong Kong, Macao, communautés chinoises d’outremer) et de plusieurs pays d’Occident, ouvrant la perspective de ce que certains appellent « la troisième phase du néo-confucianisme ».
11À défaut de pouvoir présenter ici même les travaux les plus importants publiés depuis une génération — soit depuis 1972 —, nous avons choisi quatre œuvres représentatives qui ont abordé de manière substantielle le thème central de l’ouvrage de Fingarette, soit la notion de rite.
12Léon Vandermeersch est l’auteur qui traite de la manière la plus complète et la plus approfondie la notion de rite dans la société, la culture et la philosophie chinoises anciennes, notamment dans les Entretiens de Confucius. Plus du tiers de son magistral ouvrage Wangdao ou la Voie royale (Publications de l’École française d’Extrême-Orient, 2 vol., 1977 et 1980) est consacré aux rites. Sur le sens du rite dans l’enseignement de Confucius, il écrit :
Le mot rite li était celui qui revenait le plus souvent dans les discours du Maître après celui d’humanité ren [...]. Ce qui frappe [...], c’est le souci d’épurer totalement le ritualisme de tout relent de superstition. Confucius [...] exposait sa doctrine sans aucune référence au surnaturel [...]. Cependant, si Confucius achève ainsi de vider les rites de tout leur ancien sens religieux, ce n’est nullement pour leur enlever toute signification, mais bien au contraire pour renforcer d’autant leur sens moral [...]. Ainsi, la conception confucéenne de la moralité associe, disons même identifie, le formalisme et la sincérité. Tel[le] est la subtilité d’une philosophie des rites incompréhensible pour la pensée occidentale téléo-logicienne opposant la forme et l’intention, mais qui s’inscrit dans le droit fil de la mentalité chinoise morphologicienne, dont elle représente la réflexion éthique4.
13On trouvera dans mon commentaire sur les chapitres I et II une analyse des théories de Vandermeersch. On doit également prendre en compte plusieurs chapitres pertinents dans d’autres ouvrages et articles de l’auteur, notamment, Études sinologiques (Paris, Presses universitaires de France, 1994).
14L’ouvrage de David L. Hall et Roger T. Ames, Thinking Through Confucius (Albany, Sate University of New York Press, 1987), propose une interprétation rigoureusement philosophique des Entretiens et envisage le texte comme un tout homogène et cohérent mettant, pour ainsi dire, en veilleuse son caractère composite et évolutif. L’analyse conceptuelle approfondie est la contribution insigne de cet ouvrage, mais elle est parfois rendue ardue en raison du vocabulaire inédit et novateur utilisé par les auteurs. Ils écrivent au sujet du rite :
Le point focal des actions rituelles se déplaça des rapports des êtres humains avec le surnaturel aux rapports opérant entre les membres de la société humaine [...]. Confucius insista pour confiner ses remarques aux seules implications sociales de ces actions rituelles [...]. Li, en commençant avec sa signification la plus ancienne, celle de sacrifices par lesquels le souverain établissait un rapport avec la divinité, a toujours eu une forte portée relationnelle. L’action rituelle établit les conditions et les engagements relationnels à chaque niveau de l’expérience humaine, commençant par le dialogue introspectif de l’individu et s’étendant aux matrices sociales et politiques les plus larges5
15Tout en reconnaissant la contribution de Fingarette à notre connaissance de l’enseignement de Confucius, Hall et Ames lui reprochent d’avoir traité du rite sans y inclure la notion de yi 義, habituellement traduit par « sens de la justice », mais qu’ils rendent par l’anglais « signification » (ce qui donne sens). Pour eux, le yi est le concept même du sens moral dans l’enseignement de Confucius ; définir le li 禮 seulement en rapport avec le ren 仁 (humanité, le zhong 恕 (loyauté) et le shu 恕 (réciprocité), comme le fait Fingarette, c’est fausser les concepts. Pour eux, seul le yi peut fournir une norme évaluative des rites — de leur origine et de leur pratique. Cette critique n’est pas sans fondement, mais elle semble prendre une importance démesurée en raison de la prépondérance que les auteurs accordent yi dans leur interprétation de la pensée de Confucius.
16Anne Cheng, dans son Histoire de la pensée chinoise (Paris, Seuil, 1997), consacre son plus long chapitre à Confucius et aux Entretiens et propose une interprétation novatrice, qui tient compte des plus récents travaux de recherche sur le confucianisme et sur les Entretiens en particulier. C’est à mon avis l’une des présentations les plus pénétrantes et les plus synthétiques de l’enseignement de Confucius parues au cours des dernières décennies. Elle écrit, au sujet de l’esprit rituel des Entretiens :
Confucius opère au sujet de li un « glissement sémantique », passant du sens sacrificiel et religieux à l’idée d’une attitude intériorisée de chacun, qui est conscience et respect d’autrui, et qui garantit l’harmonie des relations humaines, qu’elles soient sociales ou politiques. Le champ d’action des rites se déplace des relations entre l’humain et le surnaturel vers celles qui existent entre les humains eux-mêmes. Mais malgré ce glissement, le caractère sacré du li est préservé dans toute sa puissance et son efficace : il y a en fait déplacement du sacré du domaine proprement religieux vers la sphère de l’humain6.
17Sur le rapport entre le rite et le sens de la justice, qui, comme on l’a vu, posait problème pour Hall et Ames, on pourrait s’inspirer avantageusement du passage suivant d’A. Cheng :
Tout le contenu notionnel de yi comme sens du juste (justice mais aussi justesse) — sens de ce qui est approprié dans une situation particulière, de ce qu’il convient de faire en situation — concourt à l’associer à li, « l’acte signifiant » par excellence. À eux deux, l’esprit rituel et le sens du juste dessinent les contours de l’univers éthique confucéen7.
18On voit ici la possibilité d’une synthèse entre la notion de li comme acte primaire chez Fingarette et la nécessité du principe moral explicite de yi exigé par Hall et Ames.
19Sans nul doute l’ouvrage récent le plus important sur les Entretiens a été écrit par E. Bruce Brooks et A. Taeko Brooks sous le titre de The Original Analects. Sayings of Confucius and His Successors (New York, Columbia University Press, 1998). Il s’agit d’une véritable percée qui, reprenant et complétant des théories déjà connues, montre de manière rigoureuse et bien étayée que les 20 chapitres des Entretiens furent rédigés de manière cumulative (accretion theory) à partir de la mort de Confucius en 479 av. J.-C. jusqu’à la fin de l’école de Lu en 249 av. J.-C. Il s’agit, à mon avis, d’un livre charnière qui, en s’attaquant au problème de la nature même du texte des Entretiens, suscitera une nouvelle vague de réflexions, de débats et de publications. Nous retenons, dans ce texte extrêmement dense, trois thèmes fondamentaux où les auteurs apportent une contribution originale majeure : 1) la traduction annotée des 20 chapitres des Entretiens ; 2) la théorie incrémentielle : chaque chapitre des Entretiens est analysé sous quatre rubriques : a) le nombre de paragraphes et d’interpolations, b) la langue et la forme, c) la date et le contexte, d) l’auteur ou le compilateur ; 3) la structure évolutive du contenu des Entretiens à la lumière du développement de la culture intellectuelle et matérielle de la Chine des Printemps et des Automnes.
20Selon les auteurs, les 20 chapitres auraient été rédigés au rythme de 2 chapitres par génération — en moyenne — entre la mort du Maître en 479 av. J.-C. et la destruction de l’école de Lu en 249 av. J.-C., soit une période de 230 ans. L’ordre des chapitres dans les éditions reçues ne correspond pas du tout à l’ordre chronologique de leur composition que les Brooks reconstruisent comme suit : iv (–479) ; v-vi (–460) ; vii-viii (–436) ; I (–405) ; x-xi et iii (–342) ; xii (–326) ; xiii (–322) ; ii (–317) ; xiv-xv et i (–294) ; xvi (–287 à–285) ; xvii (–270) ; xviii (–262) ; xix (–253) ; xx (–249). Les dates sont données selon le terminus ad quem.
21Les auteurs reconnaissent eux-mêmes le caractère hypothétique de cette périodisation des 20 chapitres des Entretiens. On peut, par exemple, se demander si, malgré la structure unifiée qu’ils pensent trouver dans la plupart des chapitres, il n’aurait pas fallu donner une plus grande importance aux paragraphes. Ceci eût favorisé une analyse plus fine et plus rigoureuse de la langue, du style et des idées. L’étude basée sur le chapitre semble parfois un peu floue et « orientée » ; le regroupement structurel (sections, grappes) des paragraphes à l’intérieur de chaque chapitre semble souvent plutôt forcé.
22Ce qui assure, toutes choses considérées, l’unité des Entretiens, c’est qu’à chaque époque, les nouvelles générations de disciples incorporées dans l’école de Lu — une institution qui exista pendant plus de deux siècles — visèrent à reformuler, à développer ou à augmenter certains principes et certaines applications de l’enseignement de Confucius en les adaptant à des situations et à des problèmes que Confucius n’avait pas connus. Mais d’après les Brooks, on ne saurait plus, à strictement parler, considérer les Entretiens, excepté le chapitre IV, comme contenant l’enseignement direct et systématique de Confucius. Cette conclusion, malgré son apparente logique, semble dépasser ce qu’on pourrait appeler, faute de mieux, le jugement prudentiel.
23Le nombre effarant de postulats, de déductions, d’implications mis en œuvre par les auteurs de cet ouvrage laisse le lecteur quelque peu perplexe et désemparé et conduit à des conclusions apparemment elliptiques comme le commentaire suivant sur le chapitre IV, 13, portant sur le rite :
C’est la seule mention dans LY [Entretiens] IV de li « rectitude rituelle ; courtoisie » (et la seule instance au Ve siècle av. J.-C. de rang « céder aux autres ») [...] qui devient prépondérante dans les chapitres plus tardifs. Le débat sur la question de savoir si c’est le ren ou le li qui est central dans le confucianisme est ainsi résolu : le ren est central dans Confucius alors que le li est central dans le confucianisme. Cependant, la courtoisie, donner préséance aux autres, est l’une des valeurs de Confucius, et il n’accepterait pas de lui donner une place simplement symbolique. Ou bien elle est efficace ou bien elle ne l’est pas, et si elle ne l’est pas, il n’en a que faire8.
24On trouve dans cet ouvrage assez peu d’analyse conceptuelle. Les concepts sont surtout mentionnés pour établir ou confirmer des dates, ce qui semble donner des déductions logiquement faibles, car les idées ne sont pas des artéfacts archéologiques. Par exemple, si Confucius a véritablement utilisé le terme de li tel que rapporté dans l’actuel chapitre IV des Entretiens, que voulait-il dire par là ? Le fait qu’il parle de li en référence au gouvernement est significatif. Que faut-il entendre par là ? Comme il ne prend pas la peine de définir le li, on peut supposer qu’il considère la notion déjà connue et qu’il a dû en parler en d’autres occasions, dont les propos n’ont pas été retenus dans le chapitre IV — mais peut-être dans d’autres chapitres. C’est faire porter à ce seul texte un fardeau sémantique extrêmement lourd que d’y voir la solution définitive du rapport entre le li et le ren (bienveillance, humanité).
25La « déconstruction » et la « reconstruction » des Entretiens proposées par les Brooks sont appuyées par des arguments historiques, textuels et philosophiques convaincants. Elles permettent de préciser le sens, jusque-là ambigu, de plusieurs passages en les replaçant dans leur contexte sociohistorique propre — parfois postérieur d’un ou de deux siècles à Confucius. Plus généralement, elles permettent de mieux identifier l’enseignement spécifique de Confucius et celui, parfois incohérent, de ses disciples plus ou moins éloignés. L’ouvrage des Brooks renouvelle donc notre compréhension des Entretiens et de l’enseignement de Confucius en les déployant dans un large éventail sociopolitique, temporel et historique. Mais le rapport de causalité suggéré par les Brooks entre des événements et des situations historiques, d’une part, et des énoncés des Entretiens, d’autre part, semble parfois discutables.
26Fingarette, dans le sillage de Arthur Waley, était lui-même sensible à cet aspect « évolutif » des Entretiens, mais l’état des connaissances du texte des Entretiens au moment où il écrivit son étude ne lui permit pas de pousser plus loin ses analyses — chose qu’il aurait certainement faite si, par hypothèse, l’ouvrage des Brooks était paru plus tôt.
27Dans le présent ouvrage, nous cherchons d’abord à rendre compte de l’interprétation proposée par Fingarette dans sa propre cohérence interne. Il pensait trouver un « air de famille » entre les principales notions traitées dans les neuf premiers chapitres des Entretiens et c’est sur cette base seule qu’il a établi son interprétation de la notion de li. Nous avons respecté ce choix.
Dispositions éditoriales
Transcription phonétique
28Fingarette utilisa le système de transcription phonétique Wade-Giles, celui en vigueur à son époque dans le monde anglo-américain. Depuis, la plupart des pays ont adopté le système de transcription phonétique pinyin , mis sur pied par les Chinois en 1957, pour les publications aussi bien scientifiques que vernaculaires. Dans le présent ouvrage, nous utilisons partout le pinyin. Il a donc fallu remplacer les transcriptions phonétiques de Fingarette par le pinyin. Par exemple, les caractères (loyauté et fidélité), transcrits phonétiquement chung-hsin en Wade-Giles par Fingarette, sont ici transcrits phonétiquement zhongxin en pinyin.
Caractères chinois
29L’ouvrage original de Fingarette ne comporte aucun caractère chinois, excepté le beau caractère li (rite) calligraphié sur la couverture. Nous avons ajouté les caractères pour les expressions chinoises et pour les noms propres de personne dans la traduction et dans les commentaires en adoptant la procédure suivante : nous insérons les caractères après le pinyin à la première occurrence de l’expression chinoise dans la traduction et dans le commentaire d’un chapitre donné ; par la suite, nous n’utilisons que le pinyin. La même procédure est appliquée dans chacun des chapitres.
Bibliographie
30La bibliographie présentée dans l’ouvrage de Fingarette, paru, nous le rappelons, en 1972, s’arrête en 1963. Les ouvrages les plus prisés par Fingarette furent les traductions des Entretiens par James Legge (1895) et Arthur Waley (1938) et l’étude de Herrlee G. Creel, Confucius and the Chinese Way (1960). Il utilise également les travaux de Shigeki Kaizuka et de Daniel Leslie. Il cite, à l’occasion, les travaux d’autres sinologues. Mais il est évident qu’il se refuse à faire œuvre d’érudition et tient seulement compte des ouvrages sinologiques portant sur les sujets spécifiques dont il traite dans son livre. Sur les 24 titres énumérés dans sa bibliographie, il n’en cite effectivement qu’environ la moitié. Cependant, certains titres cités ne sont pas listés dans sa bibliographie strictement sinologique.
31Depuis 1972, un nombre considérable d’ouvrages sur Confucius et sur ses Entretiens ont été publiés. Pour le bénéfice du lecteur, nous avons ajouté à la bibliographie une trentaine de titres publiés depuis cette date qui portent sur la thématique de l’ouvrage de Fingarette. Ces ouvrages ont servi à mettre à jour la bibliographie de Fingarette et à rédiger nos commentaires sur chaque chapitre.
Référence aux ouvrages
32Nous donnons la référence complète à la première occurrence d’un titre d’ouvrage ou d’article dans un chapitre et dans le commentaire. Par la suite, nous donnons le titre en abrégé. Par exemple, nous écrivons à la première occurrence, Anne Cheng, Les Entretiens de Confucius, Paris, Seuil, 1981, p. 28 ; par la suite, on trouvera A. Cheng, Les Entretiens, 1981, p. 32. Pour fins de cohérence, nous avons utilisé le même procédé pour les titres cités par Fingarette.
Dates
33Les dates avant notre ère (c’est-à-dire avant Jésus-Christ) sont habituellement précédées du signe « – ».
Éditions des Entretiens
34Fingarette cite les Entretiens « par chapitre et paragraphe », suivant en cela la convention sinologique ; par exemple, Entretiens, 9 : 1 réfère au chapitre 9, paragraphe 1, de l’ouvrage. Nous avons légèrement modifié cette convention en utilisant les chiffres romains pour le chapitre — pratique communément acceptée dans la sinologie française. La référence donnée ci-haut devient alors : Entretiens, IX, 1. Le mot Entretiens est habituellement omis de la référence, puisqu’il est toujours sous-entendu.
35Une question plus délicate et plus importante porte sur le nombre variable de paragraphes dans chacun des 20 chapitres des Entretiens dans l’original chinois, variation attribuable au découpage des paragraphes. Dans certaines éditions, un paragraphe est scindé en deux ou deux paragraphes sont réunis en un seul, ce qui ajoute ou soustrait un paragraphe au chapitre, par rapport au chapitre correspondant dans d’autres éditions. La numérotation et la séquence des paragraphes peuvent donc varier d’une édition à l’autre, d’où la nécessité de bien identifier, pour le lecteur, l’édition chinoise utilisée comme textus receptus de la traduction. Fingarette ne nous renseigne pas sur ce point important. Il est possible qu’il ait utilisé le texte chinois qui accompagne la traduction de James Legge ou encore le texte chinois édité par Herrlee G. Creel dans son Literary Chinese by the Inductive Method II (Chicago, The University of Chicago Press, 1939). Dans le présent ouvrage, nous utilisons l’édition Lunyu zhengyi (Le sens correct des Entretiens) préparée par Liu Baonan (1791-1855) (complétée en 1866) et publiée dans la collection Zhuzi jicheng (Collection raisonnée des philosophes). C’est dire que le numéro du paragraphe dans tel ou tel chapitre peut différer de celui de Fingarette. Dans ce cas, nous ajoutons entre [] le numéro indiqué par Fingarette ; par exemple, XII, 21 dans le Lunyu zhengyi correspond à XII, 22 dans Fingarette ; nous écrivons alors XII, 21 [22]. La même pratique est adoptée lorsque nous nous référons aux traductions d’autres sinologues ou à d’autres éditions chinoises.
Notes de bas de page
1 La plupart des données biographiques sont empruntées aux chapitres « Biographical Note » (p. xiii-xiv) et « Following an Unmapped Way : A Brief Philosophical Autobiography » (p. xxi-xxxvii) de Mary I. Bockover (dir.), Rules, Rituals and Responsibility. Essays Dedicated to Herbert Fingarette, Lasalle (Illinois), Open Court, 1991.
2 Herrlee G. Creel, « Discussion of Professor Fingarette on Confucius », dans Henry Rosemont Jr et Benjamin I. Schwartz (dir.), Studies in Classical Thought, numéro spécial, Journal of the American Academy of Religion, vol. 47, no 3, 1979, p. 407 (trad. C. Le Blanc).
3 Roger T. Ames, « The Focus-Field Self in Classical Confucianism » dans Roger T. Ames, Wimal Dissanayake et Thomas P. Kasulis (dir.), Self as Person in Asian Theory and Practice, New York, State University of New York Press, 1994, p. 195 (trad. C. Le Blanc).
4 L. Vandermeersch, Wangdao, 1980, p. 513-515.
5 D. T. Hall et R. T. Ames, Thinking Through Confucius, 1987, p. 86-89 (trad. C. Le Blanc).
6 A. Cheng, Histoire de la pensée chinoise, 1997, p. 70.
7 Ibid., p. 71.
8 E. B. Brooks et A. T. Brooks, The Original Analects, 1998, p. 16 (trad. C. Le Blanc). La même thèse est répétée à la page 254.
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