Thème 3. La gestion du rendement
p. 67-80
Texte intégral
FACTEURS CRITIQUES DE SUCCÈS
1L’évaluation du rendement est sans doute l’une des plus importantes activités de la fonction ressources humaines. Cependant, elle est aussi la plus délicate, car elle implique que le gestionnaire porte un jugement sur un subalterne, à partir du comportement observé et du travail réalisé par ce dernier. L’objectif ultime de cette démarche est, bien sûr, de maintenir et d’améliorer le rendement du personnel. Par contre, celle-ci peut avoir un effet tout à Élit inverse, si elle n’est pas menée avec un minimum de rigueur et de doigté. C’est peut-être et d’abord ce qui explique une partie de la réticence des gestionnaires à réaliser cette activité. Car, dans la plupart des cas, cette dernière se limite à une fréquence annuelle, restreinte à la plus courte durée possible. Souvent, celle-ci se vit comme une espèce de cauchemar, à travers lequel le gestionnaire rencontre chacun des employés, afin de lui communiquer ce qu’il a inscrit à son sujet dans le formulaire d’évaluation imposé par le Service des ressources humaines.
2Plusieurs facteurs critiques de succès sont liés à l’attitude des dirigeants et des gestionnaires, à la façon d’élaborer et d’implanter le système d’évaluation du rendement, à la qualité des outils utilisés, au niveau de communication établi avec les évalués et, enfin, aux caractéristiques de l’entrevue au cours de laquelle le supérieur communique à son employé les résultats du jugement évaluatif qu’il porte sur son rendement.
3D’abord, au niveau des attitudes, les hauts dirigeants doivent agir comme des modèles, privilégiant une gestion par la reconnaissance plutôt que par le contrôle. De cette manière, cela permet de donner tout son sens à l’activité d’évaluation qui vise à renforcer les comportements productifs et à aider l’employé à éliminer, ou à tout le moins à réduire, ceux qui nuisent à son rendement au travail.
Les hauts dirigeants doivent agir comme des modèles, privilégiant une gestion par la reconnaissance plutôt que par le contrôle. □
4Il faut aussi que les gestionnaires aient la volonté d’évaluer correctement. Volontairement et avec sincérité, ils doivent viser l’amélioration du rendement individuel, mais surtout aider l’employé à identifier et à corriger les lacunes constatées. De façon très pragmatique, cela revient à dire qu’à : chaque fois qu’un gestionnaire souligne à son employé un élément à améliorer, il l’informe en même temps de ce qu’il peut et entend personnellement faire pour l’aider à y arriver. Voilà un excellent moyen de faire preuve de sa bonne foi et montrer qu’il ne cherche pas à mettre seulement le doigt sur des éléments négatifs, mais bien qu’il veut aider l’employé à se développer.
5Dans l’élaboration du programme d’évaluation du rendement, il existe une règle d’or : les employés doivent participer. En termes clairs, cela signifie que ces derniers reçoivent toute l’information sur les tenants et les aboutissants du programme. De plus, ils ont la chance de s’impliquer activement dans la mise au point des instruments d’évaluation qui leur seront appliqués. Du reste, il faut toujours s’assurer que le système d’évaluation mis en place soit équitable non seulement en apparence, mais aussi dans les faits. Cela revient à dire qu’il s’applique uniformément à tout le personnel visé et que cela se fait de façon à ce que chacun ait l’impression qu’il en est ainsi.
6La détermination du niveau de rendement des employés exige que des normes soient fixées. Il s’agit là d’une des meilleures façons de s’assurer que le système d’évaluation soit équitable, en ce sens que les mêmes critères reconnus s’appliquent à tous. De plus, ces normes d’évaluation doivent être précises et réalistes. En effet, il faut qu’elles soient facilement identifiables, justifiables et perçues comme atteignables, tant pour les gestionnaires que pour l’ensemble des évalués.
7Quant aux outils de mesure, ils doivent être fiables et valides. Fiables, en ce sens que deux personnes différentes portent sensiblement le même jugement en se basant sur l’application des outils de mesure du rendement. Valides, parce que la mesure prise en compte est bien directement reliée au rendement. De façon plus pragmatique, cela suppose des critères d’évaluation précis, des échelles de notation connues et des indicateurs mesurables bien identifiés du rendement.
8Par la suite vient la communication avec les évalués pour s’assurer que ceux-ci ont une bonne connaissance et une nette compréhension du système d’évaluation. On parle ici de connaissance et de compréhension, pour bien faire ressortir le fait qu’il ne s’agit pas simplement d’informer le personnel de l’existence et du mode de fonctionnement du système d’évaluation. Ainsi, il faut que chacun comprenne bien l’objet, les assises et les objectifs du système, et que chacun reconnaisse qu’il est équitable pour tous. Cela veut notamment dire que les critères et les normes d’évaluation sont communiqués aux évalués et justifiés. Il est inconcevable qu’un employé soit évalué dans une classe particulière et qu’il ignore les critères à partir desquels on le juge.
9Finalement, l’étape la plus déterminante du programme d’évaluation du rendement est sans doute l’entrevue comme telle, au cours de laquelle le gestionnaire communique à l’évalué les résultats de son évaluation. En effet, la qualité de cette entrevue détermine souvent de façon définitive l’impact positif ou négatif qu’aura concrètement l’activité d’évaluation sur le rendement de l’employé. Pour assurer cette qualité, l’évaluateur doit toujours appuyer ses propos sur des faits, c’est-à-dire sur des résultats et des comportements précis. De plus, il doit avoir cette précision autant à propos des points forts de l’employé qu’à propos des éléments à améliorer. En effet, il faut toujours prendre pour acquis que l’employé sait très exactement ce qu’il a fait de bon et de moins bon. Il mettra donc en doute la rigueur de l’évaluation si, pour lui faire plaisir, l’évaluateur le complimente de façon injustifiée à ses yeux.
L’étape la plus déterminante du programme d’évaluation du rendement est sans doute l’entrevue comme telle, au cours de laquelle le gestionnaire communique à l’évalué les résultats de son évaluation. □
10L’évaluateur doit aussi savoir pratiquer l’écoute active, au point d’être en mesure de répéter le contenu exprimé et de refléter les sentiments ressentis par l’évalué tout au long de l’entrevue. Cela veut dire faire montre d’une écoute empathique et d’ouverture, pour entendre et comprendre la position exprimée par l’évalué, tout en étant prêt à remettre en cause le jugement porté. Finalement, en terminant la rencontre, il est nécessaire d’établir, conjointement avec l’employé, un plan d’action fixant des objectifs et identifiant des moyens pour améliorer le rendement de ce dernier. C’est là que l’évaluateur doit s’impliquer personnellement en précisant concrètement comment il entend activement aider l’employé dans la réalisation de ce plan d’action.
3.1 L’ÉVALUATION DU RENDEMENT À L’HÔPITAL DU BON SECOURS
Mise en situation
L’hôpital du Bon Secours a récemment embauché un nouveau chef du service de la formation et du développement des ressources humaines qui s’est aussitôt attardé au dossier de l’évaluation du rendement des employés, dossier prioritaire pour le directeur général qui tient à satisfaire les normes du Conseil canadien d’agrément des établissements de santé.
Le défi s’annonce cependant difficile à relever en raison de la résistance au changement manifestée par les syndicats et certains gestionnaires, encore marqués par certains événements passés. L’obligation de produire un plan de développement des ressources humaines et l’annonce prochaine de réductions budgétaires massives risquent d’accentuer le problème. Il faudra trouver une solution susceptible de répondre aux besoins de tous.
11Fondé en 1892, l’hôpital du Bon Secours compte aujourd’hui 3 290 employés répartis dans les catégories d’emploi suivantes :
- 55 % des employés dans la catégorie « soins infirmiers » (infirmiers, préposés aux bénéficiaires, éducateurs, etc.) ;
- 23 % des employés dans la catégorie « services techniques » (cuisine, buanderie, sécurité, entretien, etc.) ;
- 12 % des employés dans la catégorie « bureau » (secrétaires, commis, etc.) ;
- 6 % des employés dans la catégorie « services professionnels » (travailleurs sociaux, éducateurs physiques, etc.) ;
- 4 % dans la catégorie « cadre ».
12Au plan du statut de l’emploi, 55 % des employés occupent un poste à plein temps. Les autres sont inscrits sur une liste de rappel, ou occupent un poste à temps partiel. Au plan de la répartition des ressources financières, les salaires et avantages sociaux du personnel représentent 70 % du budget de fonctionnement de l’hôpital.
13Depuis bientôt deux semaines, Hélène Dupont est entrée en fonction à l’hôpital à titre de chef du Service de formation et de développement des ressources humaines à l’hôpital du Bon Secours. Bien que l’accueil qui lui a été réservé fut fort agréable, il y avait beaucoup de pain sur la planche, et cela la rendait anxieuse. Afin d’en connaître un peu plus sur le contexte organisationnel, elle a amorcé la semaine dernière la lecture du Guide d’orientation des cadres qui lui a été remis à son arrivée. Elle réalisa donc que depuis sa fondation, l’hôpital avait connu diverses phases qui ont affecté sa mission et, par conséquent, son personnel.
14Les cent premières années d’administration par la communauté religieuse ont été caractérisées par l’expansion. De fait, à cette époque, l’hôpital passa de 300 à 6 500 lits. L’hôpital avait alors pour mission de venir en aide aux femmes, et de fournir des soins aux malades psychiatriques et déficients intellectuels. Les années 1960 furent marquées par le début de la laïcisation. En 1974, l’hôpital releva du ministère des Affaires sociales, lequel favorisait la désinstitutionnalisation.
15Au cours des dix dernières années, deux conflits majeurs ont amené la mise en tutelle de l’hôpital. Le premier conflit était relié à une plainte qui avait été déposée par l’Ordre des infirmiers et infirmières du Québec au sujet du manque d’espace et de la vétusté des lieux, ce qui amena le gouvernement à imposer une restructuration en fonction des clientèles (soins psychiatriques, déficience intellectuelle, personnes âgées et services communautaires) et un acheminement progressif des déficients intellectuels hospitalisés vers les centres d’accueil et de réadaptation. Le second conflit était relié à une mésentente entre le personnel médical et l’administration, ce qui conduisit à une seconde mise en tutelle. Une nouvelle mission et de nouvelles orientations stratégiques furent alors élaborées, ce qui mena à la fermeture de 850 lits.
16L’histoire et les événements du passé demeurent incrustés dans la mémoire du personnel. Par conséquent, le climat de travail qui règne actuellement dans l’hôpital est caractérisé par l’insécurité et la méfiance envers la gestion. Hélène Dupont ne put alors s’empêcher de penser que l’arrivée du plan de développement des ressources humaines (PDRH), de même que les réductions budgétaires massives annoncées par le gouvernement essouffleraient certainement le personnel cadre. Dans de telles conditions, comment réaliser les mandats qui lui avaient été confiés ? La tâche était complexe, mais peu importe, elle se sentait capable de relever le défi !
17Puis, elle se pencha sérieusement sur la question de l’évaluation du rendement des employés. Le Service de formation et de développement doit élaborer, mettre à jour et voir à l’application des politiques et programmes de gestion et d’évaluation du rendement de l’ensemble du personnel cadre et non-cadre. En fouillant parmi une pile de documents, elle constata que les cadres de l’hôpital étaient assujettis depuis longtemps à un programme d’évaluation du rendement. Son prédécesseur avait d’ailleurs révisé et modifié le programme d’évaluation des cadres juste avant son départ. En ce qui a trait aux employés syndiqués, elle ne dénicha qu’un vieux formulaire d’évaluation du rendement datant de plusieurs années. Pourtant, elle savait que Nicole Paquin, une consultante en gestion des ressources humaines qui travaille sous sa responsabilité, tentait actuellement de concevoir, avec un chef d’unité des soins, un outil d’évaluation du rendement spécifique au personnel infirmier.
18Lorsqu’elle consulta sa montre, il était près de midi. Elle abandonna alors ses lectures pour se rendre à la cafétéria des employés. Son plateau en main, elle se dirigea vers la table d’un groupe de gestionnaires et se joignit à eux pour le repas. Au cours de la conversation, quelqu’un aborda le sujet de l’évaluation du rendement du personnel. Elle apprit, à travers les échanges qui s’ensuivirent, que l’implantation du programme des cadres n’était pas encore complétée. Certains gestionnaires ne recevaient aucune évaluation de leur rendement de la part de leurs supérieurs hiérarchiques. De plus, le succès du programme semblait assez mitigé. Les cadres ne se montraient ni très satisfaits ni très enthousiastes. La plupart des cadres ne procédaient à aucune évaluation du rendement de leurs employés. Une minorité d’entre eux utilisaient le vieux formulaire qu’ils modifiaient selon leurs besoins spécifiques. Un gestionnaire du groupe avait, de sa propre initiative, conçu son système d’évaluation du rendement. Ses employés semblaient avoir bien accueilli le changement et participaient volontiers, depuis déjà quelques années, aux rencontres d’évaluation du rendement.
19Hélène quitta finalement la cafétéria en compagnie de l’adjoint responsable du secteur de la psychiatrie de courte durée. Ce gestionnaire d’expérience la mit en garde contre la résistance des syndicats lace à l’élaboration d’un éventuel programme d’évaluation du rendement du personnel. Près d’une douzaine de syndicats différents représentent les intérêts des employés de l’hôpital, mais c’est le syndicat qui compte le plus grand nombre de membres qui risque de manifester le plus de résistance. L’adjoint confia aussi à Hélène qu’il avait participé, il y a plusieurs années, à la conception du programme d’évaluation du rendement des syndiqués. II déplorait le fait que la direction de l’hôpital ait dû renoncer à cette initiative à la suite des contestations syndicales.
20Hélène retourna songeuse à son bureau. Passant devant le bureau de Nicole Paquin, elle lui demanda en quoi consistait l’aide qu’elle apportait aux chefs des soins. Elle apprit alors que le service offrait, à l’occasion, un soutien aux cadres qui souhaitaient mettre sur pied un programme d’appréciation du rendement de leur personnel. Nicole lui mentionna que de nombreux chefs de service avaient exprimé leur désir de se doter d’un tel programme.
21En sortant du bureau, elle croisa sa secrétaire. Celle-ci lui rappela avec empressement quelle avait rendez-vous avec le directeur général, le Docteur Dufresne, en début d’après-midi. « Quelle précieuse collaboratrice pensa-t-elle, j’avais complètement oublié ! »
22En poste depuis deux ans, le directeur général travaille avec acharnement à rehausser l’image de l’hôpital et à inculquer de nouvelles valeurs de gestion. Le personnel de l’hôpital en est bien conscient, car son discours véhicule continuellement ses convictions à l’égard de la communication, du respect, de la confiance et de la qualité. Il débuta d’ailleurs l’entretien en louangeant les vertus d’un service de qualité. Il indiqua ensuite clairement qu’il souhaitait que l’hôpital se conforme aux normes du Conseil canadien d’agrément des établissements de santé. Il précisa aussi à Hélène que l’évaluation du rendement des employés constituait une des normes à satisfaire. Ainsi, il lui signifia qu’il s’attendait à ce qu’un programme d’évaluation du rendement du personnel syndiqué soit mis sur pied au cours des prochaines années. La rencontre prit fin sur une note cordiale, le Docteur Dufresne lui laissant le champ libre pour procéder comme elle l’entendait. Hélène prendra le temps de réfléchir davantage sur la question. La nuit lui portera peut-être conseil.
23Le lendemain matin, fraîche et dispose, Hélène reprit le dossier de l’évaluation du rendement du personnel là où elle l’avait laissé hier. Elle se mit alors à réfléchir à la situation.
Je dois mettre en œuvre un programme pour le personnel syndiqué. Le climat et le moment sont-ils propices ? Les cadres sont débordés et essoufflés par les changements incessants survenus au cours des dernières années. Ils ne verront pas tous d’un bon œil l’arrivée de ce nouveau programme. Ceux qui sont satisfaits de leur propre programme rétorqueront sans doute que le développement d’un nouveau programme est inutile. Par ailleurs, d’autres gestionnaires croient fermement en cet outil de gestion des ressources humaines et voudraient qu’il soit formalisé. D’un autre coté, les employés sont particulièrement inquiets de l’annonce des suppressions de postes. La méfiance des syndicats ne facilitera pas les choses. De tradition, ceux-ci se sont systématiquement opposés à toutes les initiatives de gestion de l’hôpital. Ils ont, entre autres, tenté de boycotter l’enquête sur le climat de travail et le projet de réingénierie des processus au service des achats. Il ne faut donc pas compter sur leur appui, il faudra plutôt les contourner.
***
24Cette longue réflexion l’amena à la conclusion suivante : l’évaluation du rendement ne fait pas partie de la culture de l’hôpital, et la plupart des employés ne ressentent pas le besoin de recourir à un tel outil de gestion. Elle se dit intérieurement qu’il ne lui restait plus qu’a répondre à la question suivante : « Quelles sont les options possibles et comment faut-il procéder pour satisfaire à la fois les attentes du directeur général et celles des employés ? »
3.2 LA SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE LA RIVE GAUCHE
Mise en situation
Soucieux de répondre aux nouveaux défis du transport en commun, le directeur général de la Société de transport de la Rive Gauche entend, entre autres, améliorer les processus de gestion des ressources humaines.
À la suite d’une discussion avec sa conseillère en gestion des ressources humaines, il décide d’entreprendre une révision en profondeur du système d’évaluation du rendement du personnel de la Société, en procédant d’abord à un sondage auprès des gestionnaires. Les résultats de ce sondage font ressortir les nombreuses lacunes du système d’évaluation du rendement du personnel présentement en vigueur dans l’organisation. Le directeur général donne à la conseillère en gestion des ressources humaines le mandat de proposer les modifications qui s’imposent pour en faire un outil de gestion efficace. La tâche est imposante.
25La Société de transport de la Rive Gauche a pour mission d’offrir des services de transport en commun aux habitants des cinq villes avoisinantes. Elle dessert un territoire de 2 012 kilomètres carrés et une population de 328 620 habitants. Depuis vingt ans, le territoire a connu un taux de croissance démographique exceptionnel. La clientèle de la Société de transport de la Rive Gauche est principalement composée de travailleurs et d’étudiants qui effectuent en moyenne 68 220 déplacements par jour.
26Les affaires de la Société de transport de la Rive Gauche sont administrées par un conseil d’administration composé des maires des cinq municipalités desservies et de sept représentants des usagers. La Société possède et gère deux centres d’exploitation qui regroupent trois garages d’une capacité totale de 324 autobus. Chacun de ces centres dispose d’un atelier d’entretien mécanique des véhicules. Le centre administratif, situé à proximité des centres d’exploitation, abrite les bureaux de la Société de transport.
27Au cours des dernières années, la direction a procédé à une restructuration qui a mené à une réduction de personnel. À la fin du dernier exercice financier, la Société de transport de la Rive Gauche employait 799 personnes dont 580 chauffeurs, 112 employés d’entretien, 46 employés de bureau, 4 vendeurs de tickets et 57 cadres.
28Désireuse de satisfaire les demandes de plus en plus élevées de ses usagers, la Société de transport de la Rive Gauche a, depuis quelques mois, investi des sommes considérables dans la restructuration de son réseau de transport et axé ses efforts sur l’amélioration de ses systèmes d’information et de ses procédés de travail.
29Il y a environ 18 mois, le nouveau directeur général a identifié les nouveaux défis du transport en commun comme suit :
- répondre adéquatement aux besoins de la population en matière de transport en misant sur la qualité des services offerts ;
- promouvoir le transport en commun auprès de la population comme moyen d’amélioration de la qualité de vie ;
- améliorer les processus de gestion des ressources humaines ;
- développer la compétence des employés afin qu’ils participent activement et efficacement à la réalisation de la mission et des objectifs de l’organisation.
30Après avoir été responsable du contrôle de la qualité pendant neuf ans, Germain occupe maintenant le poste de contremaître de l’entretien mécanique de la flotte d’autobus. Il a toujours été reconnu comme un employé compétent et efficace. Dans le cadre de ses nouvelles fonctions de contremaître, Germain doit effectuer l’évaluation du rendement de Viateur, un des ses employés. Viateur a 53 ans et il compte près de 27 ans d’expérience comme mécanicien à la Société.
31Depuis sa nomination comme contremaître, Germain a rencontré Viateur à trois reprises pour lui indiquer les améliorations qu’il souhaitait le voir apporter dans son travail. Germain a constaté que Viateur prend toujours beaucoup plus de temps que ses collègues pour accomplir le même genre de tâches qu’eux, et que son travail a souvent besoin d’être repris.
32Comme Germain veut indiquer son insatisfaction au moyen de l’évaluation du rendement, il a consulté la conseillère en gestion des ressources humaines, Marie-Paule, afin de vérifier si le comportement et la piètre qualité du travail de Viateur pouvaient faire l’objet d’une sanction. Marie-Paule informa Germain que toutes les évaluations qui avaient été faites par les supérieurs immédiats de Viateur au cours des huit dernières années avaient été satisfaisantes, qu’aucun commentaire négatif n’apparaissait à son dossier personnel et que, dans ces circonstances, il était très difficile d’envisager une sanction. Viateur pourrait très bien prétendre qu’il s’agit plutôt d’un conflit de personnalité avec son nouveau contremaître.
33De retour à son bureau, Germain décida d’appeler Jean-Paul, qui est contremaître à la Société de transport de la Rive Gauche depuis douze ans. Il a supervisé le travail de Viateur pendant trois ans. « Le travail de Viateur a toujours laissé à désirer, dit-il. Je suis même très heureux qu’il ne soit plus un de mes employés. » Il conseilla aussi à Germain de ne pas mettre trop d’énergie sur le cas de Viateur. « Ça ne sert à rien de vouloir utiliser le système d’évaluation du rendement pour corriger certaines lacunes chez un employé, ajouta-t-il. La direction des ressources humaines a toujours donné raison à l’employé suite à des pressions de la part du syndicat. »
34Au fil de sa conversation avec Jean-Paul, Germain avait pris des notes. Il semblait donc que :
- la direction de la Société de transport n’accordait pas toute la crédibilité requise aux gestionnaires qui décelaient des problèmes de rendement chez leurs employés ;
- la direction des ressources humaines fournissait peu de soutien aux gestionnaires qui voulaient apporter des correctifs à des situations problématiques ;
- aucune formation en évaluation du rendement n’avait jamais été dispensée aux gestionnaires ;
- la fiche d’évaluation du rendement qu’on utilisait depuis 15 ans n’était pas adaptée aux besoins et ne permettait pas de valider les tâches et les comportements ;
- l’exercice d’évaluation annuelle ne servait qu’à donner plus de travail aux gestionnaires, puisque des mesures concrètes n’avaient jamais été prises après une mauvaise évaluation du rendement d’un employé ;
- l’avancement salarial et la progression dans la classe d’emploi étaient indépendants de l’évaluation du rendement.
35Jean-Paul termina sa conversation avec Germain en lui mentionnant que le système n’était pas motivant pour les employés performants. « Même si j’ai toujours fourni une prestation de travail supérieure à la moyenne, dit-il, mes supérieurs m’ont toujours accordé la cote satisfaisant. »
36Perplexe, Germain retourna au bureau de Marie-Paule pour lui faire part de sa conversation avec Jean-Paul. Marie-Paule lui confia qu’effectivement, peu de gestionnaires avaient jusqu’ici utilisé le système d’évaluation avec sérieux. « Pour la plupart d’entre eux, le processus d’évaluation du rendement n’est qu’une formalité exigée par l’employeur, dit-elle, et je suis très inquiète des conséquences d’une telle attitude pour l’organisation. Avec le temps, le système a perdu toute crédibilité aux yeux des gestionnaires qui souhaitaient l’utiliser pour suggérer des changements de comportements ou pour motiver les employés et stimuler la productivité. De plus, les employés ne manifestent aucun intérêt pour le système et refusent même, sur recommandations de leur syndicat, de signer les fiches d’évaluation pour montrer jusqu’à quel point ils s’en dissocient. La tolérance d’une telle situation par la direction de la Société et la direction des ressources humaines discrédite ce genre d’outil de gestion et laisse croire que le niveau de rendement n’a aucune importance pour l’organisation. »
37Le lendemain, Marie-Paule communiqua avec Germain pour lui manifester son intention d’aborder le problème de l’utilisation du système d’évaluation du rendement dans l’organisation avec son supérieur, le directeur général des ressources humaines.
38C’est d’ailleurs à la suite de cette discussion avec Marie-Paule que le directeur général des ressources humaines décida d’entreprendre une révision en profondeur du système d’évaluation du rendement de la Société. On commença par effectuer un sondage auprès des gestionnaires. L’analyse des résultats permit de dégager les conclusions suivantes sur le système d’évaluation du rendement de la Société :
- le système est perçu comme peu utile, et même inutile, par une très bonne proportion de gestionnaires ;
- le système ne permet pas de stimuler la productivité ;
- le système ne favorise pas la mobilisation du personnel ;
- le système ne contribue pas à la progression du personnel dans l’organisation ;
- le système ne suscite pas l’amélioration des compétences et des comportements des employés ;
- l’évaluation de rendement n’est pas réalisée de façon uniforme d’un gestionnaire à l’autre ;
- l’évaluation de rendement est perçue par les gestionnaires comme une corvée.
***
39Marie-Paule a reçu le mandat d’examiner en profondeur le système d’évaluation de rendement et de proposer les modifications qui s’imposent. La direction de la Société de transport de la Rive Gauche appuie entièrement la révision du système d’évaluation du rendement : elle s’est engagée à le promouvoir et à en assurer l’application. Comme la tâche est imposante, Marie-Paule est heureuse d’apprendre quelle pourrait compter sur votre expérience et votre disponibilité pour la seconder.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'éducation aux médias à l'ère numérique
Entre fondations et renouvellement
Anne-Sophie Letellier et Normand Landry (dir.)
2016
L'intégration des services en santé
Une approche populationnelle
Lucie Bonin, Louise Belzile et Yves Couturier
2016
Les enjeux éthiques de la limite des ressources en santé
Jean-Christophe Bélisle Pipon, Béatrice Godard et Jocelyne Saint-Arnaud (dir.)
2016
La détention avant jugement au Canada
Une pratique controversée
Fernanda Prates et Marion Vacheret (dir.)
2015
La Réussite éducative des élèves issus de l'immigration
Dix ans de recherche et d'intervention au Québec
Marie McAndrew (dir.)
2015
Agriculture et paysage
Aménager autrement les territoires ruraux
Gérald Domon et Julie Ruiz (dir.)
2014