Avant-propos
p. 17-20
Texte intégral
La nature du projet
1L’objet de ce volume est de décrire et d’expliquer les changements socio-économiques, culturels et politiques qui ont affecté la société québécoise depuis 1960. Comme nous souhaitions que le tableau qui s’en dégage soit le plus complet et approfondi possible, l’on comprendra aisément que l’ampleur du projet nécessitait la collaboration de plusieurs spécialistes des sciences sociales. Le regard spécifique porté par chacun(e) des collaborateurs (trices) sur cette réalité sociale en mouvement s’exprime à l’intérieur d’un champ d’études où économistes, sociologues et politicologues côtoient démographes, anthropologues et analystes des relations industrielles.
2L’avantage de voir ces diverses contributions réunies est précisément la vision globale d’une société qui ressort de l’ensemble. Ainsi les auteurs, choisis pour leur intérêt et leur expertise dans un domaine particulier, étaient invités à examiner l’évolution des comportements, des situations ou des événements propres à leur spécialité. Il leur était ainsi permis de comparer les trois dernières décennies en suivant la chronologie, décennie par décennie, ou de proposer leur propre périodisation, pourvu qu’elle couvre l’ensemble de la période, c’est-à-dire 1960-1992.
3D’autre part, nous avons insisté auprès de chacun des auteurs pour que leur étude des transformations intervenues au Québec soit centrée sur trois aspects : les tensions, les enjeux et les défis ayant marqué la période en cause. Selon nous, une telle approche permet de mieux saisir la dynamique d’une société en dévoilant les résistances, les conflits et les rapports de pouvoir inhérents au phénomène du changement social. De plus, les collaborateurs(trices) étaient invités à faire un peu de prospective, en tentant de déterminer les défis auxquels la société québécoise devrait vraisemblablement faire face d’ici la fin de la décennie qui nous mènera au seuil du XXIe siècle.
4En bref, il s’agit donc d’un ouvrage de référence brossant un tableau assez complet, nous semble-t-il, du Québec contemporain et de son évolution récente, ses caractéristiques structurelles et culturelles, ses institutions, ses classes sociales, ses mouvements sociaux, etc., en faisant appel à plusieurs des meilleurs spécialistes des sujets traités.
5Les textes se regroupent en quatre grandes parties : d’abord l’économie et le travail, puis le secteur social, le volet culturel et, enfin, le domaine politique. Chacune de ces parties comprend un certain nombre de thèmes correspondant aux chapitres.
Les prédécesseurs
6Pour mieux cerner les caractéristiques fondamentales de l’ouvrage, il nous semble utile de le situer par rapport à ses prédécesseurs, c’est-à-dire les recueils de textes ayant, au moment de leur publication, des objectifs assez semblables aux nôtres, notamment cette volonté de tracer un portrait de la société québécoise le plus complet possible.
7C’est ainsi qu’il convient de rappeler trois de ces ouvrages. Le premier fut le fruit d’un symposium tenu à l’Université Laval, il y a exactement quarante ans. Il s’agit des Essais sur le Québec contemporain, publiés sous la direction de Jean-C. Falardeau en 19531, dont l’objectif principal était d’examiner l’incidence de l’industrialisation sur la société québécoise. Rédigés spécialement pour les circonstances, c’est-à-dire dans le cadre d’une des manifestations entourant le centième anniversaire de l’Université Laval, les textes avaient alors été commandés aux auteurs et ils avaient paru dans leur version intégrale. L’ensemble comprend douze chapitres, dont plusieurs sont accompagnés de commentaires.
8Le second, publié en langue anglaise en 1964, par une maison d’édition de Toronto2, ne paraîtra que sept ans plus tard dans sa version française. Dans leur anthologie, La société canadienne-française3, Marcel Rioux et Yves Martin regroupent d’abord des textes portant sur la genèse et l’évolution du Canada français, alors que la seconde partie étudie les structures sociales pendant la période 1940-1960. Dans leur introduction générale, ils soulignent que « les principaux niveaux de la réalité sociale y sont considérés, mais plusieurs cases sont restées vides, soit à cause de l’absence de travaux dans certains domaines, soit que d’autres fussent trop spécialisés » (p. 11). Par ailleurs, notons que si les vingt-cinq articles que comporte l’ouvrage sont présentés de manière intégrale, ils avaient tous paru antérieurement dans des livres ou des périodiques.
9Enfin, la seconde édition du volume Le Québec en textes, sous la direction de Gérard Boismenu, Laurent Mailhot et Jacques Rouillard, paraissait à l’automne 19864. La première partie de ce recueil de textes porte sur les années 1940-1960, tandis que la deuxième couvre la période 1960-1985. Cette fois, les auteurs font usage d’extraits d’articles ou de livres déjà publiés afin d’atteindre leur objectif, soit de « recomposer la réalité multidimensionnelle du Québec » (p. 8). Signalons l’approche multidisciplinaire utilisée et un trait distinctif par rapport aux volumes abordés précédemment : on a eu recours, entre autres, à des textes rédigés par des essayistes et des critiques littéraires ainsi que par des poètes. Cependant, environ les deux tiers du livre sont constitués des mêmes textes sélectionnés pour la première édition, parue en 1980.
L’originalité de l’ouvrage
10Les textes ici rassemblés couvrent tous, sauf celui portant sur la Révolution tranquille, les transformations majeures qui ont fait du Québec la société que nous pouvons observer aujourd’hui, après un peu plus de trente ans de changements. C’est dire que les auteurs ont tenu compte des événements de la décennie 1980-1990, mais aussi de ceux qui sont intervenus depuis et cela, jusqu’au moment où nous écrivons ces lignes, soit en juin 1992. On n’a donc pas à se demander si l’ouvrage est à jour. D’une certaine manière, cette question ne se pose pas puisque, comme nous l’expliquions dans la présentation du projet, les collaborateurs(trices) devaient s’efforcer, chacun dans son domaine, de repérer les défis que le Québec doit relever au cours des prochaines années, à la lumière des difficultés et des problèmes survenus pendant les trois dernières décennies.
11D’autre part, soulignons qu’il s’agit exclusivement de textes originaux et intégraux, et non d’extraits d’articles ou de volumes déjà publiés. Au-delà du fait que tous les textes sont inédits, et à ce titre susceptibles de susciter de l’intérêt et peut-être quelques débats, il nous semblait important qu’ils paraissent dans leur version intégrale. En effet, cette formule permet de mieux saisir la pensée de l’auteur dans son contexte, et de connaître les balises ou les limites qu’il s’est imposées.
12En troisième lieu, comme le plan d’ensemble de ce recueil a été mis au point par nos soins, il nous a fallu effectuer le choix définitif des thèmes à traiter, et rechercher l’appui et l’engagement de personnes en mesure de rédiger les articles souhaités. Comme nous avons reçu un accueil favorable, nous pouvons croire que l’ouvrage est assez complet.
13Enfin, nous aimerions signaler un dernier trait original de l’ouvrage, soit le caractère unifié de l’ensemble. Ceci a été rendu possible grâce au fait que l’invitation à participer au projet était assortie d’une grille d’analyse simple (tensions, enjeux, défis), que chaque collaborateur(trice) s’est efforcé(e) de respecter.
Apport
14Nous espérons que ce volume contribuera significativement au champ des études sur le Québec. En plus de l’ampleur des articles et de la variété des sujets, on pourra constater l’effort d’analyse et de synthèse réalisé par chacun des auteurs qui ont tenu compte des recherches de plus en plus nombreuses dans les divers secteurs traités. En effet, le développement et l’institutionnalisation des sciences sociales au Québec ont favorisé et enrichi nos connaissances sur le fonctionnement de notre société, même s’il reste encore des phénomènes ou des domaines à explorer ou à approfondir, comme, par exemple, celui des classes sociales. À ce propos, nous attirons l’attention du lecteur sur la brève bibliographie, placée à la suite de chaque chapitre ; mise au point par les collaborateurs(trices), elle indique les livres et articles les plus importants publiés sur le sujet.
15Enfin, comment ne pas souligner la maîtrise dont les auteurs ont fait preuve dans le traitement de leur sujet, contribuant ainsi, chacun à sa façon, à l’œuvre commune ? Il en résulte un ouvrage de référence qui, nous l’espérons, sera utile à un large public.
Bibliographie
Références
1. Falardeau, J.-C. (dir.) (1953), Essais sur le Québec contemporain, Québec, Les Presses Universitaires Laval.
2. Rioux, M. et Y. Martin (1964), French-Canadian Society, Toronto, McClelland and Stewart.
3. Rioux, M. et Y. Martin (1971), La société canadienne-française, Montréal, Hurtubise HMH.
4. Boismenu, G., L. Mailhot et J. Rouillard (1986), Le Québec en textes. Anthologie 1940-1986, Montréal, Éditions du Boréal.
Auteur
Professeur de sociologie au Département des sciences sociales du Cégep de Trois-Rivières.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L'économie circulaire
Une transition incontournable
Mélanie McDonald, Daniel Normandin et Sébastien Sauvé
2016
Les grandes universités de recherche
Institutions autonomes dans un environnement concurrentiel
Louis Maheu et Robert Lacroix
2015
Sciences, technologies et sociétés de A à Z
Frédéric Bouchard, Pierre Doray et Julien Prud’homme (dir.)
2015
L’amour peut-il rendre fou et autres questions scientifiques
Dominique Nancy et Mathieu-Robert Sauvé (dir.)
2014
Au cœur des débats
Les grandes conférences publiques du prix Gérard-Parizeau 2000-2010
Marie-Hélène Parizeau et Jean-Pierre Le Goff (dir.)
2013
Maintenir la paix en zones postconflit
Les nouveaux visages de la police
Samuel Tanner et Benoit Dupont (dir.)
2012
La France depuis de Gaulle
La Ve République en perspective
Marc Chevrier et Isabelle Gusse (dir.)
2010