Chapitre 1. Un bilan de la sociologie de l'environnement en Europe
p. 25-48
Texte intégral
1Le but de ce chapitre est de dresser un état des lieux de la sociologie de l’environnement, de son développement passé et actuel, et de donner une interprétation de sa position, de ses principaux champs d’action et de quelques ambivalences qui s’en dégagent.
2La première section décrit la quasi-inexistence de « l’environnement » dans la sociologie classique et moderne et en esquisse une explication. La deuxième section montrera qu’il existe des traditions dans la pensée sociologique, qui sont certes peu utilisées, mais pourraient néanmoins constituer des approches fructueuses aux problèmes environnementaux. La troisième section donne une vue d’ensemble des principaux angles d’approche théoriques et des champs d’action de la recherche empirique, avant et après 1990. L’article conclut sur quelques ambivalences et omissions de la sociologie de l’environnement en Europe1.
La sociologie de l'environnement : une discipline jeune
3Pour mon hypothèse de travail, je définis la sociologie de l’environnement comme la partie de la sociologie qui s’intéresse aux problèmes de l'environnement. Ces problèmes touchent essentiellement les rapports entre l’homme et la société d’une part, et l’environnement physique d'autre part. Bien que ce soit récemment qu'ils ont été dénommés « environnementaux », il y va de la relation dialectique et problématique entre nature et culture, relation qui, quant à elle, est fondamentale et inéluctable.
4Le champ d’étude de la sociologie de l’environnement s’articule autour de trois grands axes : (a) les causes sociales des problèmes d’environnement, (b) les réactions sociales à ces problèmes, et (c) le développement de stratégies sociales et politiques pour les aborder et les résoudre. Ce dernier point, un ajout au programme de la sociologie de l’environnement, n’est pas sans risques, car il peut vous rendre suspect d'interventionnisme, d’ingénierie sociale ou d’une quelconque dérive de ce genre. Je reviendrai brièvement à la distinction en partie justifiée, mais aussi en partie artificielle, entre science analytique et explicative d’une part, et science à vocation résolutive d’autre part.
5Ces définitions nous mènent à une première constatation, à vrai dire sans grande originalité : c’est que lorsque, au début des années 1970, la problématique de l’environnement est apparue dans le public et dans les milieux politiques des pays occidentaux, la sociologie n’était pas préparée à l’analyser, à plus forte raison à l’expliquer. Bien que les sciences en général étaient mal équipées pour relever ce « nouveau » défi, les sciences sociales semblaient être particulièrement handicapées. De sorte que le débat entre spécialistes au cours des années 1970 s’est limité à disserter sur les principales origines de la « question de l'environnement ». Certains ont mis en évidence une cause unique qui, selon les auteurs, était la surpopulation (Ehrlich et Ehrlich, 1969), la technologie (Commoner, 1971 ; Schumacher, 1973), le capitalisme (Bahro, 1980 ; Bookchin, 1980 ; Gorz, 1977 et 1978 ; Touraine, 1978 ; Ullrich, 1979) ou la mentalité occidentale (White, 1967 ; Illich, 1973). D’autres, comme Meadows et al. (1972), ont développé des modèles dynamiques où intervenaient plusieurs causes, s’efforçant ainsi de démontrer une conjonction de différents facteurs qui ne simplifiait pas l’analyse.
6En reconnaissant leur mérite, d’un point de vue de la sociologie de l’environnement, on doit constater que ces publications et discussions procédaient davantage d’une volonté normative que d’une démarche empirique. Ils semblent avoir contribué à établir un catalogue des problèmes d’environnement et à les avoir mis sur l’agenda social et politique, plutôt que d’en avoir fait avancer l’analyse. À leur décharge, il faut dire que les conditions pour une telle analyse n’étaient pas vraiment réunies à l’époque. Que ce soit en sciences sociales en général ou dans le domaine de la sociologie en particulier, il n'existait à la fin des années 1960 et au début des années 1970 quasiment pas de concepts, paradigmes ou théories centrés sur la relation entre l’homme et son environnement, voire même où cette relation ait été tant soit peu formalisée comme constituant une problématique. La nature et l’environnement étaient alors inconnus en tant qu'objets d'étude, et l’environnement physique généralement une catégorie quasi oubliée des sciences sociales.
7On a beaucoup écrit sur cette quasi-inexistence de « l’environnement » en sociologie tant classique que moderne, et sur les raisons qui l’expliquent (entre autres : Buttel, 1986 et 2000a ; Barry, 1999 ; Catton et Dunlap, 1978 ; Dunlap et Catton, 1992 et 1994 ; Redclift et Benton, 1994 ; Redclift et Woodgate, 1997). Pour expliquer l’absence du volet physique dans la sociologie classique, la raison couramment invoquée est que cette discipline devait se libérer, s'émanciper de la domination des sciences naturelles et de celles d’entre les sciences sociales qui pratiquaient de fait les analogies et démonstrations relevant des sciences naturelles, comme par exemple de grandes parties de l’économie et de la psychologie (Benton, 1994). La nécessité d’une distanciation a entraîné de façon fortuite une accentuation exagérée du social et une dévalorisation de tout mode d’explication qui aurait été possible selon la méthode des sciences naturelles, sans parler du mépris professé à l’égard de tout déterminisme physique, biologique et géographique. Le célèbre adage de Durkheim selon lequel « il faut considérer des faits sociaux comme des choses... » (et par conséquent les expliquer à partir d'autres faits sociaux), est à la base d'une problématisation typiquement sociologique.
8Il y a cependant autre chose qu’une démarche d’émancipation scientifique de la sociologie classique. La sociologie est, de façon naturelle, le produit et le miroir de la société qu’elle étudie. Par conséquent, la sociologie moderne a été imprégnée de ce que j’ai appelé la « rhétorique de modernisation » (Leroy, 1983). Cette rhétorique procède, entre autres, de la conviction qu’une société moderne est une société totalement émancipée, dégagée de tout déterminisme physique, et que le social, lui aussi, échappe effectivement aux contingences physiques. Les catégories physico-spatiales (incluant la « densité matérielle » de Durkheim (1895) ou les Grundqualitaten de Simmel (1908), faisant référence à la localisation, à la dispersion et à la distance) ont été, il est vrai, jugées importantes dans une société prémoderne, mais sont sans objet dans une société moderne. Un extrait du livre De la division du travail social en dit long sur ce point : « [Dans une société moderne] les divisions territoriales sont donc de moins en moins fondées dans la nature des choses, et par conséquent perdent de leur signification. On peut presque dire qu’un peuple est d’autant plus avancé qu’elles y ont un caractère plus superficiel » (Durkheim, 1893). Les « divisions territoriales » sont ici emblématiques de toutes sortes de catégories physiques ou non anthropogènes, de la nature, de l’environnement, du paysage, des frontières physiques, éléments qui, tous, seraient supplantés par la modernisation technique et sociale. Et le degré atteint dans cette évolution devenait un facteur de modernité2.
9.À partir de la fin du XIXe siècle, non seulement la sociologie, mais aussi l’économie, dans une large mesure la psychologie, et même la géographie, ont été dominées par cette rhétorique de la modernisation, dont l’emprise sur la pensée scientifique n’était que logique dans une société gagnée par la foi en la modernisation. Ce courant n’a fait que se renforcer au XXe siècle et surtout après la Seconde Guerre mondiale, entre autres par suite des conquêtes technologiques allant de la production en série des moteurs à explosion aux applications civiles de l’énergie nucléaire. Ce n’est pas par hasard si, d’une part, la modernisation à sens unique allait se trouver à l’origine de bon nombre de problèmes d’environnement, et si d’autre part, la formulation de problèmes d’environnement en termes de sciences sociales allait être — voire ne pouvait être — initialement que antimoderniste. C’est une évidence à la lecture de certains des auteurs cités ci-dessus (Bahro, Commoner, Gorz, Illich, Ullrich et autres).
10Quoi qu’il en soit, la première conclusion est que les écrits des « pères fondateurs » des sciences sociales, en ce qui concerne la sociologie du moins (Durkheim, Weber, Marx), ont, en tout état de cause, contribué à ce que le milieu physique soit négligé par la sociologie moderne (Konau, 1977), même s’ils ont abordé en passant la relation entre individu ou société et environnement3. Des confrères tels que Benton (1996), Dickens (1992), Prades (1987) et Murphy (1994 et 1997) nous ont d'ailleurs proposé de séduisantes relectures de cette sociologie classique. Dans d’autres cas, on assiste à de fiévreuses tentatives de « verdissement » des pères fondateurs, brandissant comme un quod erat demonstrandum que « tout cela se trouvait déjà chez les classiques ». Deuxième conclusion : le modernisme, encore renforcé après la Seconde Guerre mondiale, n’a fait qu’accentuer cette tendance à négliger le contexte physique de l’individu et de la société. En témoignent en sociologie le fonctionnalisme et, en géographie, la cassure entre les praticiens de la géographie humaine et ceux de la géographie physique. Quant aux économistes, on sait qu’ils « évacuaient » l’environnement du champ de leurs préoccupations comme une externality, comme Mishan le démontrait déjà en 1967. Ce sont précisément cet oubli de l’environnement physique et la façon péremptoire dont l’homme et la société étaient présentés comme totalement émancipés de ses contingences physiques, qui ont amené Dunlap à concevoir son « Human Exemptionalism Paradigm » (HEP) (Catton et Dunlap, 1978 et publications ultérieures). Avec ce paradigme très influent dans les sciences sociales, les auteurs dénoncent la présomption d’une position dichotomique qui institue l’homme comme étant libre de toute influence vis-à-vis de son environnement physique, en lui octroyant ainsi une place exceptionnelle, unique et donc dominante.
Traditions oubliées
11Au début des années 1970, la sociologie n’était donc pas intellectuellement préparée à une analyse de la problématique de l’environnement. Même sous l’empire de la rhétorique de modernisation, ce constat d’impuissance ne cesse pas de surprendre, car il existait bel et bien des traditions qui auraient pu être exploitées, et qui l’ont été d’ailleurs, mais rarement. Je n’en évoquerai que quelques-unes à titre d’exemple.
12Premièrement, je citerai l’écologie sociale ou human ecology. Que ce soit dans sa version d’origine américaine — l’école de Chicago —, ou dans une des versions développées en Europe, ce courant a servi de base d’investigation. Pour l’essentiel et sans que je puisse développer dans ce cadre la variété d’approches relevant d’elle, le paradigme de l’écologie sociale considère l'individu comme élément d’un système socioécologique raisonnablement intégré, donc peu dichotomique, et les circonstances physiques comme génératrices à la fois de possibilités et de contraintes (enabling et constraining factors). Les études de groupes sociaux ont montré comment des modifications de l'environnement physique ou des innovations technologiques influençaient le degré de liberté des acteurs sociaux et généraient de nouveaux modèles sociaux. L’écologie humaine se révélait ainsi proche de la géographie humaine et urbaine, de la sociologie rurale, etc., de sorte qu’elle aurait pu inspirer la sociologie de l’environnement bien davantage qu’elle ne l’a fait en réalité. Ceci explique aussi pourquoi Dunlap et Catton, lorsqu’ils développent leur New Ecological Paradigm (NEP) en guise de réajustement du HEP, se réfèrent avant toutes choses à l'héritage intellectuel de l’écologie sociale. Aujourd'hui encore, même en réfléchissant à la situation belge ou néerlandaise, que je connais bien, je ne saisis pas pour quelle raison la tradition de l’écologie sociale a été à peine exploitée en sociologie de l’environnement (Leroy et Nelissen, 1999). J’ai d’ailleurs l’impression qu’elle l’a été davantage dans la sociologie de l’environnement en France, en Italie et en Espagne (Pardo, 1999). Elle semble y fonctionner comme un paradigme fructueux dans des cas fort différents, mais qui tous concernent des changements sociaux au niveau local ou régional, y compris des situations de conflits, résultant directement de certaines évolutions de l’environnement physique. C’est surtout cette interaction dynamique qui inspire l’approche socioécologique.
13Ensuite, il y a deux autres traditions, associées à l’école française de sociologie qui, du moins à ma connaissance, ont été relativement peu utilisées par la sociologie de l’environnement. Il s’agit d’abord de la tradition de la « sociologie de l’espace » ou de la « construction de l’espace social », qui constitue en partie le prolongement de la tradition de Durkheim, Halbwachs, Mauss et une série d’auteurs plus récents. Ce courant se penche sur le processus de construction sociale de l’espace dans une perspective tantôt historico-culturelle, tantôt (néo)marxiste. Monopolville (Castells, 1974) et La production de l’espace (Lefebvre, 1974) restent des exemples à suivre en matière de réflexion socioécologique et d’analyse des processus de construction sociale de l’espace. En faisant abstraction de leur position idéologique, on y trouve aujourd’hui encore un instrument utile pour l’analyse, par exemple, de conflits politico-environnementaux résultant d’une modernisation économique locale ou régionale. Cependant, peu de chercheurs en ont exploité les possibilités intellectuelles.
14Une autre tradition trop rarement utilisée est celle de la géographie politique. Claval (1978), entre autres, en a démontré la richesse, que ce soit par son analyse des rapports de force entre centre et périphérie, par sa critique de l’incongruité des régions ou espaces sociaux, politiques, économiques — et, pourrions-nous ajouter, écologiques — ou encore par la manière dont elle aborde des problèmes tels que « espace et identité », « espace et domination », etc. Ce courant à son tour livre un outil intéressant en ce sens que les conflits environnementaux, vus sous l’angle de l'utilisation incompatible d’un espace, s'assimilaient à des conflits d’incongruité entre systèmes touchant à l’espace physique, à l’espace social et à l'espace comme objet politique.
15Deux conclusions s’imposent. Premièrement, on voit un peu partout en Europe, depuis les années 1970 et jusqu’à nos jours, éclore un courant de recherches qui s’inspire avantageusement d’une combinaison d’idées puisées dans ces traditions (voir Beato, 1998 ; Pardo, 1999 ; Friedrichs et Hollander, 1999 ; à propos de l’Italie, de l’Espagne et de l’Allemagne respectivement). Pour ma part, j’ai souvent été inspiré par ces traditions et le suis encore, surtout dans mes recherches sur les conflits environnementaux (Blowers et Leroy, 1994). Ayant dit cela, il faut constater, deuxièmement, que ces paradigmes n’ont jamais été dominants dans la sociologie de l’environnement, et, fait plus grave, que ces recherches sont restées fragmentées, et n'ont pas vraiment donné lieu à une accumulation de savoirs, ni à l’élaboration d’un vrai paradigme pour la sociologie de l’environnement.
16Reste la question de cerner les raisons pour lesquelles cette dernière, durant les décennies 1970 et 1980, a fait si peu de cas de ces traditions qui auraient pu être si pleines d’enseignements. Peut-être que la sociologie de l’environnement, tout comme la société en général, a cru, en partie sous l’influence de la terminologie alarmiste qui avait cours à l’époque, avoir affaire à un problème nouveau et spécifique, sans réaliser que cette problématique de l’environnement, dite nouvelle, n’était qu’une manifestation (spécifique, il est vrai) de la dialectique inéluctable entre l'homme ou la société et l'environnement physique, et enfin, entre culture et nature. Au lieu d’une telle problématisation (que la sociologie générale n’a pas engendré non plus, pour les raisons discutées ci-dessus), les sociologues engagés dans la recherche des problèmes de l’environnement se sont appropriés, au niveau épistémologique, la définition physico-réaliste qui avait cours en sciences naturelles. La sociologie de l’environnement n’a donc pas su reconnaître dans la problématique écologique une question sociale sui generis, et n’a donc pu lui donner un nom en tant qu’objet d’étude sociologique. En revanche, ainsi que nous allons le voir dans la section suivante, la sociologie a su aborder toutes sortes de réactions à cette problématique (prise de conscience de l'environnement, mouvements pour l’environnement, politique de l’environnement). Elle a nettement moins bien réussi à cerner la problématique de la relation individu-environnement et à la relier à d’autres questions, classiques mais négligées en sociologie, telles que les rapports entre individu et nature, entre société et environnement physique, et finalement entre nature et culture.
17Que la modernisation physique du tissu social n’implique nullement une victoire sur l’environnement physique, mais doit plutôt, précisément parce qu'elle touche à l’environnement, être perçue comme un appel à une modernisation en profondeur (tant politique que scientifique) de la relation entre l'homme et son environnement, n’est apparu comme une évidence qu'à la fin des années 1980, quand l’épistémologie voit le succès du postmodernisme et la sociologie la montée du constructivisme social. Nous allons y venir. L'antimodernisme des années 1970 avait bien discerné quelques causes de la problématique de l’environnement, mais est surtout resté un mouvement opposé aux courants dominants de la sociologie et des sciences sociales en général. C’est seulement vers la fin des années 1980, et surtout grâce aux paramètres fournis par la sociologie générale, que les problèmes d’environnement ont cessé d’être considérés comme matière spécifique et ont été répertoriés dans la problématique de la modernisation sociale.
Angles d'approche théoriques et champs d’action de la recherche empirique
18« La sociologie, c’est ce que font les sociologues. » On pourrait dire aussi de la sociologie de l’environnement qu’elle est ce qu'en font les sociologues de l’environnement. L’absence d’instruments d’analyse conceptuelle n’a pas empêché que la sociologie de l’environnement soit effectivement pratiquée, non seulement aux États-Unis, mais aussi, dès le début des années 1970, en Europe. Dans cette section, nous parcourerons brièvement les travaux réalisés, sans entrer dans les détails, mais en retenant aussi bien les champs d’action d’une exploration empirique que les théories qui ont été développées, et ce en distinguant, grosso modo, la période d’avant 1990 et celle d’après 1990.
La sociologie de l'environnement jusqu'aux alentours de 1990
19Les caractéristiques les plus marquantes de la sociologie européenne de l’environnement à la fin des années 1970 et pendant les années 1980 me semblent être : (a) la grande diversité d’angles d’approche théoriques et de thèmes empiriques, et (b) la pauvreté en cadres théoriques explicites. Je me risquerai néanmoins à un tour d’horizon.
20Dans les années 1970, nous l’avons dit, le débat était dominé par des analyses à forte tendance normative au niveau macrosocial. Se plaçant dans une perspective tantôt néomarxiste, tantôt antimoderniste, des auteurs tels que Habermas (1973), Gorz (1977 et 1978), Touraine (1978), Ullrich (1979) et bien d’autres en Europe ont caractérisé la problématique de l’environnement comme une composante d’une crise de société plus vaste. En effet, la question de l’environnement était symptomatique, d’une part, de la prolifération et de la forte présence d’un rationalisme économique sans nuances, et d’autre part, d’une coalition de fait entre l’État et le capitalisme, entre l'économie et la technologie. La sous-estimation de l’environnement allait de pair avec la dévalorisation de l’individu, de son travail, avec son impuissance sur le plan politique, etc. En bref, les premiers essais publiés dans le domaine de la sociologie de l’environnement — peut-être devrions-nous utiliser pour cette première phase, comme Buttel l’a fait à propos des États-Unis, le terme de protosociologie de l’environnement — comportaient des analyses structurelles des origines de la question environnementale semblables à celles que, entres autres, Schnaiberg (1980) a réalisées aux États-Unis. Ces analyses poursuivaient généralement un but normatif et politique plutôt qu'elles ne revêtaient un caractère empirique, et elles affichaient un certain pessimisme quant à la capacité de provoquer des changements à l'intérieur des structures existantes. Le changement ne pouvait venir que d'une « opposition extraparlementaire » d'une part, et du développement d’alternatives technologiques, économiques et politiques d’autre part. Ce n’est pas un hasard si Bahro et Ullrich, notamment, ont fortement influencé la doctrine des « Verts » allemands, particulièrement de ceux que l’on appellera par la suite les fundis.
21Jusqu'en 1990 environ, très peu de perspectives théoriques seront élaborées en matière de sociologie de l’environnement. Dans le même temps, bien sûr, la recherche empirique a connu une certaine activité. Les relevés effectués à l’époque et aujourd’hui (Barraqué et al., 1998 ; Diekmann et Jaeger, 1996 ; Leroy, 1983 ; Leroy et Nelissen, 1999 ; Lowe et Rüdig, 1986 ; Pardo, 1999) nous font clairement comprendre que cette recherche empirique, bien contraire aux publications de tendance normative citées ci-dessus, traitait à peine des causes et s'intéressait surtout à trois types caractéristiques de réactions sociales à la problématique de l’environnement. Surtout entre 1974 et 1985, ce sont des problèmes concrets ou des situations conflictuelles en matière d’environnement qui ont donné matière à étude. L’énergie nucléaire et les travaux d’infrastructure de grande envergure ont été à l’époque, en maints endroits d’Europe occidentale, l’enjeu de véritables batailles rangées.
22Classées dans un ordre ascendant du niveau micro au niveau macro et de l’éphémère vers le plus institutionnalisé, on peut distinguer trois catégories de recherches que nous allons développer. Les analyses portant sur les attitudes face à l’environnement, sur la volonté d’engagement dans une action pour l’environnement, sur le comportement favorable à l’environnement, etc. La recherche s’est inspirée d’une tradition soit sociologique, soit psychologique, qui remonte au début des années 1970. Mais, au début en tout cas, la base théorique était peu présente. Les travaux s'attachaient essentiellement, suivant en cela l’exemple américain, à établir si les phénomènes décrits étaient ou non en corrélation avec une série de variables démographiques, avec des convictions politiques, etc. Dans certains cas, les chercheurs ont tenté, à partir de la thèse du postmatérialisme d’Inglehart (1977), de déceler des changements significatifs dans les échelles de valeurs et leur corrélation avec des tranches d’âge et des couches socioéconomiques. Lorsque les études étaient pilotées par les pouvoirs publics, elles portaient fréquemment sur la façon dont les gens percevaient la politique menée par les autorités et sur le rôle de l’information et de l’éducation concernant l’environnement. Au cours des années 1990, l’appréhension du risque et l’expérience vécue du risque sont restées des leitmotivs de ce type d’enquêtes. Celle récemment publiée sous le titre L'environnement : ce qu’en disent les Français (MATE, 1999) s’inscrit dans cette tradition, tout comme Kuckartz (1998) pour l’Allemagne et Lindén et Rinkevicius (1999) pour la Suède et la Lituanie font preuve du caractère international et toujours vivant de ce champ d’étude. Les analyses portant sur le mouvement écologiste, à base théorique plus affirmée, portaient sur le rôle du mouvement en tant que nouvel acteur social et politique. Dans la grande majorité des pays européens, la recherche a surtout tenté de discerner les orientations politico-idéologiques ainsi que la diversité des tendances au sein du mouvement. Il s'est avéré vain de chercher une correspondance avec les clivages politiques traditionnels (gauche/droite, conservateur/progressiste, étatique/antiétatique). Il faut dire que, du point de vue idéologique également, le mouvement constituait un phénomène nouveau, quoique apparenté à d'autres mouvements sociaux apparus de fraîche date (le mouvement estudiantin, le mouvement pour le tiers-monde, le mouvement pacifiste, etc.), avec lesquels il avait également des affinités dans le domaine de la stratégie politique.
23Dans de nombreux pays, tant du point de vue sociologique que de celui des sciences politiques, les travaux se sont aussi intéressés à la stratégie de ce mouvement en général, et de ses groupes et organisations en particulier. Tantôt la fonction d’acteur était examinée en priorité, notamment à l’aide de l’approche de la mobilisation des ressources (McCarthy et Zald, 1976), tantôt c’était le système politique et les possibilités qu’il donne aux mouvements sociaux qui devenaient le premier paramètre (Kitschelt, 1986 ; Kriesi et al., 1992). Eu égard au fait que les systèmes d’organisation politique varient d’un pays à l’autre, et à la manière dont chacun d’eux se positionne face au mouvement pour l’environnement, les voies politiques ouvertes à celui-ci dans les différents pays d’Europe étaient très variables. Ces possibilités, à leur tour, présentaient de fortes affinités électives avec des idéologies et des stratégies déterminées. À titre d’exemple, les différences de contexte institutionnel et de culture politique font que les mouvements écologistes ont un tout autre visage suivant que l’on se trouve en Allemagne, en Espagne, au Royaume-Uni ou en France.
24Troisième aspect découlant logiquement de ce qui précède : l’influence et les effets concrets du mouvement pour l’environnement, en particulier son impact sur des décisions spécifiques et sur le système politique en général. Buttel constate, en ce qui concerne les États-Unis, que l'influence du mouvement est systématiquement surestimée par les sociologues de l’environnement (Buttel, 2000a). Même si en Europe aussi, beaucoup d’auteurs semblent avoir un préjugé favorable en ce qui concerne l’impact du mouvement écologiste, la situation de ce dernier varie tellement d’un pays à l’autre qu’on n’en peut venir à une conclusion aussi générale. Des auteurs comme Arts (1998), Jamison et al. (1991), Kitschelt, (1986), Lowe et Goyder (1983) donnent une image très nuancée en utilisant aussi différentes perspectives théoriques.
25Dernière catégorie enfin, située vers le milieu des années 1980 dans divers pays d’Europe occidentale, la politique de l’environnement est devenue elle aussi objet d'étude pour les spécialistes des sciences sociales. Je ne qualifierai pas ces recherches de « sociologique », non pas qu’elles ne le méritent point, mais parce qu’elles sont, plus encore que la recherche sur les attitudes et les mouvements, pluridisciplinaires. Aux sociologues sont venus s’ajouter des juristes, des économistes, des spécialistes en sciences politiques et administratives et en relations internationales. Cette pluridisciplinarité, au cœur des sciences sociales, n’est d’ailleurs pas évidente. Dans certains pays, il y a une longue tradition de divisions claires — et même une sorte de clivage — entre sciences sociales et sciences politiques. Il est assez symptomatique que Michael Redclift et moi-même ayons provoqué une certaine stupeur en 1997 à Woudschoten, lors de la Conférence du Research Committee Environment and Society de l’ISA (International Sociological Association), en suggérant qu’une session de la Conférence de Montréal en 1998 soit consacrée à la politique de l’environnement. Notons que, par la suite, c’est sans la moindre difficulté que nous avons pu faire présenter, au cours de cette même session de 1998, une série de communications intéressantes, tant européennes qu'américaines, sur la politique de l’environnement.
26Il ne s’agit pas seulement, dans ces querelles entre sociologie et sciences politiques, d’un différend de frontière sur l’objet matériel des disciplines, mais d’une certaine ambiguïté sur la fonction même de la recherche : s’agit-il d’une étude sur la politique de l’environnement ou en faveur d'une politique de l’environnement ? Le but est-il d’analyser et d’expliquer les chances de succès et les risques d’échec des interventions des pouvoirs publics et des autres acteurs, ou bien de parfaire l’efficacité et la légitimation de ces actes ? Est-ce une étude sur une réaction sociale typique de la problématique de l’environnement, attitude menant progressivement à une institutionnalisation ou à la mise à l’épreuve de stratégies de remédiation ? En d’autres termes, le clivage entre la sociologie et la science administrative est-il de même nature que celui qui existe entre science et expertise ? Ou peut-être les deux en même temps, révélation sur le terrain d’un Janus des sciences sociales avec son double visage : à la fois bouffon et conseiller du roi (Leroy, 1995).
27Initialement, et en partie encore aujourd’hui, l'étude sur la politique de l’environnement examine principalement la manière dont les problèmes concrets d’environnement — pollution de l’air, problème des déchets, dégradation des sites naturels — sont combattus par les pouvoirs publics, soit au niveau local, national ou européen (Mayntz, 1977 ; von Moltke, 1979). Une bonne partie des enquêtes réalisées durant les années 1980 concernent la mise en œuvre et l'efficacité de cette politique et formulent, dans la même foulée, des suggestions en vue d’améliorer les instruments, l’organisation et les mesures concrètes sur le terrain (entre autres Bennett, 1991 ; Boehmer-Christiansen et Skea, 1991 ; Knoepfel et Weidner, 1986). Cette analyse continue évidemment dans les années 1990 (Barraqué et Theys, 1998 ; Jänicke, 1993 ; Lascoumes, 1994 ; Weale, 1992). Toutefois, nous verrons que les changements intervenant dans la politique de l’environnement d’une part, et la prise en compte de nouvelles impulsions théoriques d’autre part, auront pour effet de déplacer sensiblement les préoccupations. J’y reviendrai.
28Ce tour d’horizon de la recherche empirique jusqu’aux alentours de 1990 est forcément très sommaire et peu nuancé, alors qu’il est censé rendre compte de trente années de travaux réalisés dans un certain nombre de pays d'Europe. En m’excusant ainsi pour les omissions inévitables dans ce bref survol, une première constatation porte sur la grande diversité des champs d’investigation empirique et sur la variété des théories utilisées. Cependant, les trois grandes catégories distinguées ci-dessus semblent utiles pour classer les travaux d’un point de vue empirique, en les considérant comme l’analyse de trois types de réactions sociales face à la problématique de l’environnement. Deuxièmement, si l’on se place dans une perspective théorique ou métathéorique, il faut constater que l’étude s’articule pour une large part sur des théories intermédiaires, mais fondées dans leur immense majorité sur le paradigme de l’acteur rationnel et le choix rationnel. C’est-à-dire que les questions d’environnement, leurs causes sociales et les réactions sociales qu’elles déclenchent sont considérées, explicitement ou implicitement, comme la traduction de la tension intrinsèque entre le rationnel individuel et l’irrationnel collectif. Ceci est à la base de l’explication du comportement face à l’environnement, de l’apparition du mouvement pour l’environnement et de son apport. Le rôle essentiel de la politique de l'environnement consiste alors à mettre en œuvre des accommodements qui concilient l’intérêt propre de l'individu et l’intérêt de la collectivité à long terme.
La sociologie de l'environnement après 1990
29Autant il était malaisé, dans la section précédente, de condenser une multiplicité de données relatives à une période révolue depuis longtemps, autant il est difficile, pour une période plus récente, de préjuger de ce que l’on en retiendra comme tendances majeures. Cette section se limitera donc à l’identification des lignes de force qui se dégagent de l’évolution récente de la sociologie de l’environnement.
30En 1986, l’année de Tchernobyl, paraissent deux ouvrages donnant le coup d’envoi d’une perspective théorique qui trouve ses racines dans la sociologie générale mais est cependant directement applicable à la politique de l’environnement. Par la suite, ces ouvrages devaient influencer la sociologie de l’environnement à des degrés très divers. Ils ont pour titre Oekologische Kommunikation (Luhmann, 1986) et Risikogesellschaft (Beck, 1986). Le premier, poursuivant sur la base de la théorie des systèmes, trouvera relativement peu d’écho et est, à ma connaissance, très peu utilisé pour les études empiriques (voir Diekmann et Jaeger, 1996 ; Buchinger, 1997). Ce relatif manque de succès tient peut-être à ce que la théorie des systèmes est perçue comme quelque peu désuète, et au fait que l’ouvrage est relativement difficile d’accès.
31La société du risque de Beck a connu un sort nettement meilleur. Dans cet ouvrage, Beck formalise la problématique de l’environnement comme un problème de modernisation. La modernisation unilatérale de la technologie, de l’économie et de la politique butte contre ses propres limites, ce qui requiert une nouvelle avancée qualitative de la modernisation, que Beck et d’autres appellent « réflexive ». L’attrait et l’intérêt de cet ouvrage sur le plan sociologique résident avant tout dans la manière dont Beck formule les risques liés à l’environnement comme risques sociaux en plaçant les « High Consequence Risks » au même niveau que les problèmes de l’individualisation, de l’érosion de la sécurité qu’offraient les institutions sociales et les milieux associatifs classiques, de l’impuissance des institutions politiques traditionnelles et des turbulences qui secouent la société en général. Cela situe les problèmes d’environnement et leur analyse dans un contexte sociologique actuel, mais de modèle classique.
32En second lieu, des concepts tels que la « modernisation réflexive », les sub-politics et autres ouvrent des perspectives très porteuses d’espoir, même si Beck, personnellement, se montre quelque peu pessimiste quant à l’aptitude de la société à s’attaquer à la problématique de l’environnement. Désormais, si une série d’institutions sociales classiques (y compris, d’ailleurs, les sciences) n’offrent plus les mêmes garanties de sécurité, le citoyen, en revanche, est en mesure, bien davantage que par le passé, de donner un sens et une forme à son existence. La fragmentation relative de l’État et de la société crée des ouvertures sur de nouveaux modèles sociaux. Selon Beck, des mouvements sociaux neufs à vocation de sub-politics ont un rôle primordial à jouer dans la réalisation de l’indispensable mutation sociale et politique. On ne niera pas, d’autre part, ce que peut avoir de motivant au point de vue sociologique — malgré un léger flou quant au choix du type de démarche — la prise de conscience que le remède passe, non pas par l'opposition à la modernisation, mais par une avancée nouvelle et résolue dans le sens de la modernisation.
33Huber (1982 et autres publications) et développée ensuite sous des formes diverses, affiche clairement son optimisme et a été favorablement accueillie, entre autres en Allemagne et aux Pays-Bas (Hajer, 1995 ; Mol, 1995 ; Spaargaren, 1996). La problématique de l’environnement y est surtout exposée comme résultant du choc entre le rationnel de l’économie et celui de l’écologie. La réconciliation n'est possible qu'à travers de nouveaux développements technologiques en économie. Le rôle des pouvoirs publics — en tout cas dans les versions les plus courantes de la modernisation écologique — sera modeste, se limitant à fournir un cadre politico-économique favorable. Les mécanismes économiques, tels que le soutien à une production et à une consommation respectueuses de l’environnement, entre autres en utilisant le mécanisme du prix favorisant l’offre et la demande sur un marché libre de plus en plus acquis à la cause de l’environnement, sont considérés comme des instruments essentiels de la modernisation écologique. D’autres auteurs mettent davantage l’accent sur de nouvelles formes d’intervention des pouvoirs publics que requiert pareille conversion du marché et des rapports sociaux (Janicke, 1993). Ici non plus, pas question d’antimodernisme ni de plaidoyer pour une désindustrialisation, mais au contraire, pour une infrastructure économico-technologique foncièrement rénovée.
34La thèse de la société du risque d’une part et celle de la modernisation écologique d’autre part sont sans doute les courants dominants dans le débat de la sociologie de l’environnement des années 1990 (Spaargaren et al., 2000). Bien différentes l’une de l’autre, ces thèses sont aussi bien éloignées des positions idéologiques que l’on a connues dans les années 1970. Au lieu d’une position antimoderniste, elles prennent une position au-delà du modernisme, dite postmoderniste. Quant à la thèse de la société du risque, elle a inspiré un peu partout en Europe une longue série, encore ininterrompue, de recherches, s’échelonnant du niveau des perceptions et des réactions individuelles, en passant par le niveau des précautions et les mesures politiques à prendre face à ces risques, pour aller jusqu’au niveau des conséquences politico-institutionnelles à l’échelle mondiale.
35Il est trop tôt pour en faire un bilan, soit sur le plan théorique, soit sur le plan empirique, soit en ce qui concerne son utilité pratique (Leroy et van Tatenhove, 2000). Quant à la thèse de la modernisation écologique, elle se rapproche nettement plus des factions modérées du mouvement écologiste et des parties de l’économie soucieuses de l’environnement. Il s’ensuit d’ailleurs que la « modernisation écologique » ressemble parfois davantage à un programme politique qu’à un cadre d’analyse scientifique. En même temps, cette thèse n’a pas un caractère politique très prononcé ; elle est même en partie apolitique, en ce sens que les problèmes de pouvoir et d’influence, d’inégalité et autres, y sont peu ou pas formalisés en tant que problèmes (Leroy et van Tatenhove, 2000). Selon Hajer (1995), d’ailleurs, ce sont justement ces caractéristiques réconciliatrices qui expliquent largement le succès de cette thèse. Theys (2000) et Legay (2000), dans leurs réactions sur l’article sur la modernisation écologique de Buttel (2000b), impliquent une argumentation et une critique similaires. Néanmoins ce courant, lui aussi, inspire manifestement une série de recherches, surtout dans le nord-ouest de l’Europe. Reste à voir dans quelle mesure ces idées se révéleront également attrayantes pour d’autres régions du monde et pourront être exploitées avec profit dans les travaux empiriques.
36Entre-temps, la recherche empirique a continué, en s’inspirant de temps à autre de ces nouveaux courants théoriques, mais en maintenant, bien sûr, le même cap que dans les années 1980. Comme nous l’avons indiqué, elle a inclus, premièrement, l’étude de la formation et de l’incidence des attitudes vis-à-vis de l’environnement. Ce type d’investigation a d’ailleurs, en englobant les concepts d’appréhension et de communication des risques, rehaussé son contenu théorique et sa valeur d’indicateur social. Les recherches de Kuckartz (1998) et de Lindén (1999), citées ci-dessus, et une série d’enquêtes dans les pays membres de l’UE en font preuve. Deuxièmement, les enquêtes sur le rôle du mouvement écologiste et des partis verts se poursuivent comme précédemment, mais avec une extension empirique et théorique. C'est-à-dire que la recherche maintenant porte plus sur les initiatives locales en rapport avec l’environnement, qu’elles soient ou non dans le cadre de l’Agenda 21, et elle tient en compte le rôle modifié, peut-être même accru, des organisations non gouvernementales (ONG) dans la politique et la société, rôle modifié en relation avec la modernisation dont on parlait ci-dessus.
37Dans l’analyse de la politique de l’environnement également, l’ordre des priorités s’est modifié parallèlement à d’importants changements opérés dans cette politique elle-même. Ils touchent d'abord au contenu de cette politique. Utilisant des paramètres comme « durable » ou « intégral », la politique de l'environnement a créé des liens beaucoup plus étroits avec, entre autres, la politique agricole, la politique industrielle, la politique de l’énergie et celle de l'aménagement du territoire. Cette extension du contenu va de pair avec un élargissement considérable du champ d’action, du nombre et du type d’acteurs impliqués (Weale, 1992). Au lieu de se circonscrire à des acteurs et des experts du secteur public, la nouvelle politique de l’environnement est développée et mise en œuvre avec le concours de toutes sortes de partenaires économiques et représentants de la vie associative : groupements d’agriculteurs, défenseurs du patrimoine naturel, entreprises et citoyens. De Lund à Lisbonne, de Leeds à Lublin, dans quasiment tous les pays européens fleurissent des exemples de cette nouvelle politique, que ce soit en matière de traitement des déchets, de protection de la nature, de renouvellement du tissu urbain, etc. Parfois, ces initiatives sont placées sous l’étendard et sous les auspices de l’Agenda 21, de Natura 2000 ou d’autres programmes internationaux et européens. Dans ces projets, « participation » est un mot clé.
38L’évolution est en cours en France également : en tant que membre du Conseil scientifique auprès du Programme de recherche « Concertation, Décision et Environnement », initié par le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, j’ai pu constater que le programme lui-même et une large majorité des propositions d’études soumises au Conseil étaient précisément consacrées à des projets de politique novatrice de ce genre, c’est-à-dire à des analyses de l’émergence et du fonctionnement de dispositifs innovateurs de concertation et de décision. Autre phénomène remarquable de cette nouvelle politique de l’environnement : les pouvoirs locaux et régionaux jouent — y compris dans des pays à tradition fortement centralisatrice — un rôle nettement plus important que l’État central. Il est notoire que la politique de l’environnement ne se résume plus aujourd’hui à des concordances écologiques et physiques. La nécessité de tenir en compte les caractéristiques locales et régionales, et le besoin d’identification politique sur une échelle régionale interviennent également pour une grande part dans le développement et l’application de cette nouvelle politique de l’environnement.
39En bref, la modernisation de la politique de l’environnement englobe des innovations de contenu, de dispositifs, d’organisation et de compétences. En plus, cette innovation déborde largement le cadre de la politique de l’environnement, mais s’inscrit dans une modernisation politique qui, elle-même, résulte des changements dans les rapports de force entre l’État, le marché et la société civile (Leroy et van Tatenhove, 2000). Il en découle toute une variété de nouveaux « arrangements » ou dispositifs institutionnels. Ces derniers constituent le principal objet de l’enseignement et de la recherche de mon groupe d’étude (van Tatenhove, Arts et Leroy, 2000).
40La recherche sur la politique de l’environnement, et surtout sur les changements de contenu de cette politique, a connu un autre développement, davantage à vocation paradigmatique, inspiré par une combinaison de sociologie politique et de sociologie cognitive, avec, en toile de fond, le constructivisme social. Ce type d’étude porte entre autres sur les variations historiques et géographiques de la description, de l'argumentation et de la structuration des problèmes de l’environnement (naming and framing) (Hannigan, 1995), en faisant notamment appel à la tradition des social problems en sociologie. Si elle se place dans un contexte politicoinstitutionnel et s’accompagne, par exemple, d’une étude comparative de différents pays, cette recherche débouche sur d’intéressantes analyses des différentes manières de formuler les problèmes d’environnement et d'en déterminer ensuite les voies de solution (Boehmer-Christiansen et Skea, 1991). Ce faisant, il ne s’agira pas seulement de tracer les lignes d’une gestion quotidienne, mais aussi d’analyser l’importance et l’intérêt stratégiques de l’action discursive (Hajer, 1995 ; Rudolf, 1998). Et cette dernière, à son tour, fait surgir de nouvelles questions sur le rôle de la connaissance (scientifique et autre) dans l’étude des problèmes et de la politique de l’environnement, et sur la manière de gérer cette connaissance qui, entre autres, figure comme source de pouvoir pour ceux qui participent aux processus de décision (Irwin, 1995).
Un bilan de la sociologie de l'environnement : ambivalences et omissions
41En ces quelques trente années où la problématique de l’environnement est inscrite à l’ordre du jour des préoccupations sociales, la sociologie européenne de l’environnement a connu une évolution non négligeable. Néanmoins, aussi bien sur le plan international qu’à l’échelon national, la sociologie de l'environnement ne constitue qu’une petite branche de la sociologie, a fortiori des sciences sociales. Aujourd’hui, avec le Research Committee 24, Environment and Society, organe de l’International Sociological Association et le Comité de recherche 23 Environnement et Développement durable de l’Association internationale des sociologues de langue française (AISLF), elle jouit d’une position bien établie et reconnue internationalement. Et si la sociologie de l'environnement se trouve encore quelque peu en retrait au niveau international, on voit se créer de plus en plus de plates-formes de concertation, d’associations de fait et d’autres accords de coopération, même transfrontaliers, par exemple au sein de l’Association européenne de la sociologie (ESA). Du reste, la position qu’occupe la sociologie, et plus largement, les sciences sociales de l’environnement dans un pays déterminé, est largement tributaire de la manière (politique et scientifique) dont sont traités les problèmes environnementaux, du rôle des organisations écologistes et des partis verts, de l’espace discursif attribué dans le débat aux praticiens des sciences sociales, etc., bref, des ouvertures du système scientifico-politique.
42Ceci m’amène à une deuxième conclusion ou plutôt à une considération : nous sommes généralement enclins à apprécier la position de la sociologie de l'environnement à l’aune de la sociologie générale. Compte tenu des petites joutes académiques qui se déroulent au sein des groupements internationaux et nationaux de sociologues, cette attitude peut se comprendre. Mais nous devons toujours avoir présent à l’esprit que pour l’immense majorité des sociologues de l’environnement, ce ne sont pas d'autres sociologues qui ont constitué le groupe de référence privilégié. En effet, peu de sociologues de l’environnement travaillent dans les cénacles académiques et les départements de sociologie. Un bien plus grand nombre d’entre eux prennent part, à titre professionnel ou comme citoyens, à des activités très diverses touchant à l’environnement, au sein du mouvement pour l’environnement, dans la politique de l’environnement : ils développent des stratégies pour gagner de l’influence, communiquent ou rassemblent des informations sur l’environnement, élaborent des processus de prise de décision, aident à mettre sur pied des programmes-pilote, etc. Dans tous les cas, leur activité ne se confine pas à des milieux voués prioritairement aux sciences naturelles, mais se déploie en plus là où apparaissent des besoins concrets de connaissances. Davantage que toutes les théories sociologiques du monde, la façon de répondre à ces appels est de nature à orienter l’évolution et la marche en avant de la sociologie de l’environnement ainsi que ses thèmes et paradigmes de prédilection. C’est une réalité que j’ai en tout cas pu vérifier aux Pays-Bas (Leroy, 1995). Le phénomène est d’autant plus remarquable que, comme je l’ai indiqué, le thème de la « politique » n'a été intégré que tout récemment dans le programme du CR 24 de l’ISA et que, dans certains pays, il subsiste encore un fossé entre sociologie et politique, entre science analytique et science créatrice de projets ou concepts, entre le scientifique et l’expert. Sous cet angle, il est frappant que le thème de l’interdisciplinarité, qui focalise l’attention dans la plupart des colloques sur l’environnement, n’ait pas joué jusqu’ici un rôle significatif dans la sociologie de l'environnement, bien qu'une évolution soit en train d'apparaître sous l’influence des discussions sur le rôle de la connaissance, sur la transdisciplinarité (Thompson-Klein et al., 2000), etc.
43Peut-être le souci de s’aligner à tout prix sur la sociologie générale — au demeurant bonne inspiratrice, comme je l’ai indiqué — est-il une des causes du débat, à mon avis légèrement surfait, entre le réalisme physique et le constructivisme social ? J’ai déjà commenté ce débat (Leroy, 1995) et je me contenterai de rappeler quelques éléments : (a) il est désormais évident que ni un réalisme étriqué, ni un constructivisme poussé à l'extrême ne sont des positions tenables ou même fructifiantes ; (b) la teneur du débat crée souvent l’impression qu’une question ontologique est en jeu, au lieu d’une question épistémologique ; (c) c’est justement parce qu’il s’agit d’un problème épistémologique que je voudrais l’aborder de façon modérément pragmatique. Cela veut dire que, pour certaines questions épistémologiques, par exemple l’importance stratégique de l’action discursive ou des connaissances scientifiques, une perspective de constructivisme social s'avérera indispensable.
44Enfin, j’aimerais souligner deux thèmes qui, à mon avis, ne sont pas encore suffisamment mis en évidence, voire même ont été oubliés par la sociologie européenne de l’environnement. Une différence assez frappante par rapport à la sociologie de l'environnement américaine est qu’elle a récemment inscrit dans son champ de recherche la notion d’environmental justice, et que, jusqu'à présent, l’Europe a consacré peu d’attention à l’environnement et aux inégalités sociales et politiques. D’Enzensberger (1974) à Beck (1986), la réflexion semble dominée par l’idée que les problèmes d’environnement concernent tout un chacun, alors que, du point de vue de la géographie sociale ou politique et de la situation socioéconomique, il subsiste des inégalités manifestes dans la répartition des risques liés à l’environnement et dans la distribution des chances d’accéder à la connaissance scientifique et aux forums de prise de décision (Blowers et Leroy, 1994 ; Irwin, 1995). Une initiative a récemment vu le jour concernant les problèmes de localisation, l’utilisation des sols et les réactions frileuses de type NIMBY — « Pas dans mon jardin » — (Davy, 1997), mais le champ à explorer est évidemment beaucoup plus vaste. Une enquête, tant à l’intérieur des pays qu’à l’échelon international, sur la corrélation entre l’environnement et les inégalités sociales serait, je crois, de nature à promouvoir également la prise en mains par le monde politique d’un grand nombre de problèmes environnementaux.
45En dehors de cela, répétons-le, la sociologie de l’environnement n’accorde encore qu’une attention limitée aux problèmes de l’interdisciplinarité et de la transdisciplinarité (c’est-à-dire, susciter le besoin de connaissance par le canal d’une synergie entre science et société, et s’unir pour mettre ces idées neuves en application). Cette carence est peu compréhensible, car cette nouvelle conception de la sociologie de l’environnement, que les théoriciens éprouvent si peu le besoin de systématiser, est en fait mise en œuvre sur le terrain par les praticiens. Je suis persuadé que, du point de vue des sciences sociales, il ne s’agit pas tellement de démêler les problèmes épistémologiques rendant complexe une coopération entre disciplines scientifiques divergentes. Il me paraît plus fondamental de déterminer comment donner un contenu et une forme à l’interdisciplinarité afin de combiner au mieux la rigueur scientifique et une démarche aussi appropriée et efficace que possible en termes politiques et sociaux.
46Dans cette dernière section, je n’ai voulu que suggérer quelques éléments de programme pour une recherche européenne en sociologie de l’environnement. Il faut souhaiter, pour assurer son succès à l'avenir, que cette recherche s’appuie sur un état des lieux plus précis de la sociologie de l’environnement, rendant compte de la situation dans différents pays et définissant avec précision leurs besoins en connaissances, à la fois sur le plan scientifique et sociopolitique.
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Notes de bas de page
1 Mes remerciements vont aux collègues avec lesquels j’ai eu, en préparant cet article, des échanges de vues, lors de congrès, par l’intermédiaire de leurs publications et informations, ou par leurs commentaires sur des versions antérieures de ce texte : Eva Buchinger (Autriche), Fred Buttel (États-Unis), Kirsten Hollander (Allemagne), Mercedes Pardo (Espagne), Fulvio Beato (Italie), Anna-Lisa Lindén (Suède), Leonardas Rinkevicius (Lituanie), Bernard Barraqué, Pierre Lascoumes, Laurent Mermet, Agnès Pivot et Yannick Rumpala (France).
2 Barry (1999, p. 81) cite Goldblatt, qui écrit à ce sujet : « L’enjeu écologique primordial pour la théorie classique n’était pas la question de l’origine de la dégradation environnementale contemporaine, mais plutôt comment les sociétés prémodemes avaient été fortement déterminées par leur environnement naturel et comment il se faisait que les sociétés modernes en étaient arrivées à transcender ces limites ou s’étaient affranchies de leur milieu “naturel” ».
3 Barry (1999), remontant plus loin encore, examine le rôle de la nature et de l’environnement dans les racines historico-culturelles de la société occidentale et dans la philosophie politique et sociale classique du monde occidental depuis le Siècle des lumières. On lira également avec profit Simmons (1993), autre adepte d’une approche culturelle de l’histoire.
Auteur
Sociologue (Université de Louvain, Belgique) et s’est engagé depuis 1976 dans des recherches sociologiques et politiques sur l’environnement, soit sur le mouvement écologiste, soit sur la politique de l’environnement. Il a obtenu son doctorat en 1983 de l’Université d’Anvers. Depuis 1985, il travaille aux Pays-Bas, où il est devenu professeur en sciences politiques et sociales de l’environnement à l’Université de Nimègues en 1994 (Faculté des sciences de la gestion). Il y est responsable d’un programme d’éducation de quatre ans sur les mêmes thèmes. Ses recherches portent sur l’innovation de la politique de l’environnement et ses dispositifs de concertation et de décision.
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