Chapitre 6. Conclusion : l’État, un lieu parmi les espaces en transformation
p. 169-190
Texte intégral
Le défi mondial
1Depuis deux cents ans au moins, l’État-nation est la forme dominante de l’organisation politique. À vrai dire, depuis la Seconde Guerre mondiale, il est devenu la force économique dominante dans le monde. Les citoyens du monde industrialisé ont forgé un contrat social avec leur gouvernement et tiennent désormais celui-ci responsable non seulement de leur sécurité, mais aussi de leur bien-être général. Toutefois, la primauté économique et politique de l’État n’est plus aujourd’hui acceptée comme une sagesse reconnue. Certains prétendent, en effet, que l’État, malgré lui, se retire peu à peu de sa position de maître incontesté des espaces économiques et politiques à l’intérieur de ses propres frontières, comportement qui a de profondes répercussions sur le contrat social, surtout en matière de gouvernance, mais aussi, plus largement, sur la configuration de l’identité politique. Il est possible, dès lors, que l’État perde sa prééminence en tant que centre principal d’identité politique et devienne un acteur parmi d’autres, misant sur la loyauté de ses membres dans l’avènement d’un marché politique compétitif1.
2Alors que les processus de mondialisation s’accélèrent, l’État devient de plus en plus « creux », parce que ses frontières ne correspondent plus aux espaces économiques culturels et sociaux2. La mondialisation s’accomplit, tandis que les frontières deviennent de plus en plus perméables et que les identités se multiplient, se réorganisant avec les changements dans les structures de gouvernance. Pendant une bonne partie du siècle dernier, l’autoritarisme de l’État a chapeauté les espaces économiques, culturels et sociaux des citoyens, les frontières économiques, culturelles et sociales se confondant avec les frontières politiques. Durant les dernières décennies toutefois, l’influence de l’État a progressivement déserté certains espaces économiques et culturels, et a diminué en importance dans certains espaces sociaux et sécuritaires3. La disjonction est claire : l’espace politique demeure sensiblement le même, alors que les espaces culturels et économiques sont l’objet d’une reconfiguration4.
3Pour utiliser le langage des mathématiciens, on peut représenter ce changement de configuration comme celui d’ensembles qui s’interpénètrent toujours moins. Certains voient le retrait progressif de l’État face à cette reconfiguration comme un fait inévitable et irréversible, ayant des conséquences graves sur les identités nationales, la gouvernance légitime et responsable, ainsi que sur le redressement des inégalités sociales.
4Nous admettons que la mondialisation a de profondes répercussions sur la politique et la société, mais nous n’acceptons pas l’affirmation selon laquelle un processus de globalisation est inévitable. Nous n'acceptons pas non plus le corollaire selon lequel l’État se vide de lui-même et perd de plus en plus de sa pertinence. Les auteurs qui ont contribué à cet ouvrage ont montré la complexité et les multiples facettes du phénomène de mondialisation et à quel point ses répercussions sont diversifiées.
5Dans ce chapitre, nous mettrons de l’avant quatre arguments :
Les incertitudes qui entourent le rythme et la trajectoire de la mondialisation sont très grandes. Le futur est contingent plutôt que déterminé. Même les paramètres des développements futurs nous sont inconnus. Les processus de mondialisation ne sont ni irréversibles ni linéaires ; il y a plutôt un ensemble de résultats possibles lorsque nous imaginons l'avenir5. La réflexion sur la mondialisation doit être nuancée et envisager plusieurs scénarios possibles concernant l’avenir.
La mondialisation est un processus « laminé ». Certaines caractéristiques de la mondialisation peuvent devenir prépondérantes, alors que d’autres peuvent diminuer en importance. Il est, par exemple, peu probable que les liens qui ont été rendus possibles grâce à la révolution de l’information et des technologies de la communication au sein de la société soient inversés ; cependant, il est possible que la densité de l’intégration économique subisse des contrecoups.
L’État-nation demeure une institution indispensable, quelles que soient les contingences prévisibles. Il est le gardien de la justice sociale et la seule entité responsable envers ses citoyens en matière de gouvernance. L’État, toutefois, ne pourra plus exercer ses responsabilités à l’avenir comme il le faisait au siècle dernier. Il fait face à de nouveaux et immenses défis qui sont au coeur de ses mandats.
L’État a la capacité et les moyens de faire des choix stratégiques importants concernant le rôle qu’il entend jouer dans les investissements économiques, sociaux et culturels qu’il veut effectuer. Ces défis prendront une tout autre allure selon le rythme et l’intensité de la mondialisation, selon les répercussions de celle-ci sur les États et les secteurs particuliers, selon la capacité institutionnelle des gouvernements, selon la qualité du leadership politique et selon la résistance et la force de la société6.
6Nous allons développer ces arguments, tout en reconnaissant le caractère incertain de notre avenir, et proposer quelques scénarios.
Deux scénarios contingents : la mondialisation triomphante et le recul de la mondialisation
La mondialisation est-elle inévitable ?
7Les effets considérables de la révolution des technologies de l’information et des communications indiquent que la phase actuelle de la « mondialisation » est qualitativement différente à plusieurs égards : son ampleur est sans précédent — en ce sens qu’elle atteint la terre entière — et la nature du progrès technologique semble irréversible. Ce dernier argument nécessite une explication.
8Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que les économies sont intégrées et que la culture se propage à travers la terre entière. Dans les phases précédentes de la mondialisation, l’homogénéité culturelle se faisait toutefois par la force, le prosélytisme religieux balayant plusieurs couches de la population et le pouvoir impérial imposant une culture et un langage aux peuples qu’il conquérait. Les pouvoirs impériaux étaient habituellement enracinés en un lieu : Rome, Constantinople, Madrid, Paris et Londres7. Actuellement, la culture se propage mondialement comme un produit économique, poussé par le marché ou attiré par la demande des consommateurs. L’équivalent contemporain du pouvoir impérial, le marché, est partout et nulle part. Le lieu de la propagation et la profondeur de la pénétration de la culture mondiale sont certainement du jamais-vu, mais dépendent largement de la prospérité des marchés mondiaux. Dans le passé, les marchés mondiaux ont connu des ralentissements et se sont parfois effondrés.
9Un tel renversement peut-il encore se produire ? Une secousse est envisageable, car la capacité actuelle du système mondial pour freiner ou contrer les soubresauts économiques et sociaux est plutôt limitée. Dans l’histoire, il y a toujours eu des bouleversements exogènes inattendus ; il n’y a aucune raison de penser que ces phénomènes ne se reproduiront pas dans l’avenir.
10La guerre de 1914 entre les grandes puissances fut un choc spectaculaire et imprévisible dans le cadre du système. Bien qu'un conflit similaire ne soit pas concevable aujourd’hui, un conflit nucléaire en Asie du Sud ou au Moyen-Orient l’est certainement. Une telle conflagration ébranlerait sans aucun doute le système économique mondial. En 1973, très peu de gens avaient prévu l’augmentation spectaculaire du prix du pétrole ; pourtant, celle-ci ébranla sérieusement l’ordre économique. Il est plausible que des événements imprévus de ce genre déstabilisent l’économie mondiale. Plus récemment, l'éclatement de la bulle des titres technologiques secoua les marchés des valeurs partout dans le monde. Encore plus spectaculaires, les attaques contre le World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington provoquèrent une crise de confiance sans précédent dans les industries du transport et du tourisme. Dans l’ensemble, cet exemple frappant de terrorisme généralisé fit taire les prévisionnistes optimistes de l’intégration ininterrompue de l’économie mondiale.
11La phase actuelle de la mondialisation économique est peut-être plus vulnérable aux chocs qu’on ne le croit, précisément en raison de l’énorme quantité de fonds communs d’investissement. Contrairement au système du siècle dernier, où un tout petit groupe d’investisseurs chevronnés était responsable d’une grande partie du capital mondial, les investissements actuels sont plus susceptibles d’être à court terme, l’endettement se faisant sur une base plus large et étant plus spéculatif. Ceux-ci sont capables de se déplacer très rapidement au sein ou en dehors des économies, dont la vulnérabilité, ce faisant, risque d’être exacerbée et de se transformer en fuite des capitaux8. Les institutions internationales conçues afin de gérer l’économie mondiale dépendent très largement des flux électroniques des capitaux et des investissements. Même si des réformes sont mises en place, la capacité de ces institutions de freiner la fluctuation des capitaux et de réglementer les marchés demeure incertaine.
12Un ralentissement ou un arrêt de la mondialisation est une éventualité. Certains scénarios concernant un avenir contingent ne sont envisageables que lorsque les incertitudes sont grandes et l’éventualité de secousses exogènes vraisemblables. Nous n’allons retenir que deux scénarios contingents de la mondialisation, chacun se situant à l’opposé d’un éventail de futurs possibles. Nous considérerons les répercussions plausibles de chacun de ces scénarios sur le Canada de l’an 2010. Nous faisons cet exercice en ayant conscience qu'il s’agit d’un exercice de style conçu dans le but de souligner les différentes tendances. En 2010, il est fort probable que le Canada se trouvera quelque part entre ces deux extrêmes.
La globalisation triomphante
13Il est facile d'imaginer l’accélération et l’approfondissement des processus en cours actuellement. Les marchés des capitaux mondiaux, les investissements étrangers directs et le commerce continuent de s’accroître plus rapidement que le flux économique national. Les institutions internationales traînent la patte derrière le flux économique mondial, tout en améliorant leur capacité de surveillance et de réglementation.
14Les processus de mondialisation récompensent l’innovation, le raisonnement analytique, l’indépendance et la capacité de « mener » des réseaux flexibles plutôt que de commander des organisations bureaucratiques hiérarchiques. Ceux qui ne possèdent pas les compétences analytiques pour y parvenir sont davantage marginalisés, dans la mesure où l’activité économique mondiale engendre une part croissante du produit intérieur brut mesuré nationalement.
15Les mouvements migratoires continuent de s'étendre ; une partie de la population, en effet, se déplace constamment en quête de possibilités économiques. Pendant ce temps, une sous-classe mondiale d’individus sans formation et leur famille quittent leurs villages pour gagner les centres urbains à la recherche de meilleures conditions de vie. Car il est de plus en plus difficile pour des personnes sans formation de traverser les frontières nationales. En revanche, pour ceux qui ont un bagage de formation, les barrières s’estompent : en tant que « citoyens “transilients” [nomades] », ils se déplacent d’un centre à l’autre. En fait, ils habitent « quelque part », mais travaillent « partout ». Les compétences reconnues par la loi s’effacent au fur et à mesure que les projets et les gens se mondialisent, qu’ils sont dotés d’une identité mondiale et partagent une culture universelle.
16Les « villes mondiales » — au Canada, Vancouver, Toronto et Montréal — accroissent leur dynamisme, développent des conditions favorables pour les nouveaux immigrants et améliorent leur capacité de créer de la richesse. Elles deviennent des « plaques tournantes » reliant la population aux autres plaques tournantes de la planète. Ces villes sont des intervenants mondiaux puissants, engendrant des ressources qui éclipsent celles des gouvernements fédéraux et provinciaux et étant les producteurs principaux de produits culturels qui s’affirment directement sur les marchés mondiaux. En réalité, elles investissent leurs revenus fiscaux essentiellement dans les infrastructures, la sécurité et le tourisme, afin d’être toujours plus attrayantes et ainsi de jouer toujours mieux leur rôle de « plaques tournantes ». Le fait que ces villes n’aient pas une base d’imposition suffisante pour répondre aux besoins de ceux qui sont marginalisés par ces nouvelles formes de création de richesse devient un problème croissant. Dans les villes, l’inégalité sociale augmente.
17Le contrôle, mais pas toujours l’autorité, continue de s’orienter vers une économie mondiale vivante et vers les institutions internationales, en dehors des ong et des associations mondiales, et en même temps descend vers les communautés locales. Celles-ci deviennent de plus en plus importantes en tant que refuge face aux pressions mondiales et en tant que lieu d’action politique efficace. L’État, une voix autoritaire de plus en plus privée de ses capacités, devient l'arbitre qui cherche à faire prévaloir des pratiques équitables. Il se démet de ses fonctions de centre de commande de la loyauté politique et de l’identité. Plus la mobilité et les pressions du marché mondial augmentent, moins il tire de revenus de ses citoyens au moyen de la taxation. Néanmoins, l’État demeure essentiel pour les populations marginalisées qui cherchent à mobiliser les ressources politiques afin de forcer celui-ci à honorer le contrat social préexistant.
Le recul de la mondialisation
18Le processus de mondialisation pourrait être ralenti ou arrêté pour une courte période de temps, voire même être inversé comme ce fut le cas dans le passé. Il est peu probable que la croissance de la production mondiale par le biais du commerce entre les entreprises puisse être arrêté pour une durée assez longue ; par ailleurs, il n’est pas facile de prévoir comment les réseaux interconnectés de l’information pourraient être totalement stoppés. En revanche, on peut concevoir que le rythme de l’expansion puisse être ralenti et le processus d’intégration économique inversé. À cet effet, il n'est pas difficile de construire un scénario crédible. Présentons-en un parmi tous ceux qui sont imaginables.
19Une nouvelle vague d’attaques du cyberterrorisme vise l’infrastructure économique et civile à Los Angeles, Chicago et Londres. Des armes non conventionnelles sont mises en œuvre pour répandre la panique, détruire la confiance et limiter la mobilité mondiale. Les valeurs boursières à l’échelle de la planète tombent brusquement à la suite de la menace sur le commerce mondial et sur sa mobilité. La contraction du marché est aggravée par le déclin marqué et prolongé dans les voyages d’affaires aussi bien que dans les voyages touristiques, et par la baisse des investissements étrangers. Les économies vulnérables s’enfoncent rapidement dans la récession et plusieurs sont en défaut de paiement. Les institutions financières internationales sont incapables de conjurer la cascade des cessations de paiement ; les leaders politiques des économies vulnérables, en réaction aux populations furieuses, imposent des contrôles de changes temporaires dans une tentative pour endiguer la dévaluation de leur monnaie. Dans le sillage du déclin de la confiance en l’économie et de l'intensification des peurs liées à l’insécurité, on généralise la mise en place de restrictions à la mobilité des personnes.
20L’activité économique mondiale, c’est-à-dire le commerce et les investissements étrangers directs, diminue de manière importante par rapport au produit intérieur brut. Les « villes mondiales » subissent un véritable déclin de l’immobilier ; le chômage s’étend, d’intenses pressions se faisant sentir sur l’infrastructure sociale (déjà insuffisante pour satisfaire les besoins sociaux et économiques).
21Dans ces conditions, l’État, placé au premier plan du paysage politique, doit répondre aux demandes pressantes pour une plus grande sécurité, principale revendication d’un public effrayé partout dans le monde. Le public presse également les gouvernants de sauver des industries et des secteurs qui risquent la faillite, de consolider les monnaies là où la dévaluation pourrait menacer les épargnes de toute une vie, de redémarrer le moteur de la croissance économique et de remplir les contrats sociaux. Dès lors, l'État redevient, du moins en partie, le centre de la loyauté politique et de l’attachement du public.
La place de l'État dans les deux scénarios
22Il est évident que la mondialisation impose différentes contraintes à l’État selon ces deux scénarios. Est également important le fait que les États ont des choix stratégiques selon chaque ensemble de contraintes. Avant que nous examinions ces ensembles de contraintes et de choix, nous établirons quatre points généraux.
23Tout d'abord, les États peuvent suivre, et suivent en effet, des voies différentes en réponse à la mondialisation. Considérons par exemple la manière dont le Japon et les États-Unis, Singapour et Hong-Kong, ont abordé les défis de la mondialisation. Considérons également les réponses distinctes des pays de l’Asie du Sud-Est à la crise économique régionale qu’ils ont tous subie ces dernières années. Il est évident que « la même mesure » ne « convient pas à tous ». Les politiques néolibérales nécessaires à la participation à l’économie mondiale permettent une plus grande liberté qu’on ne le suppose habituellement9. En effet, les faits démontrent des différences marquées dans la manière dont les pays se sont adaptés ou ont protégé leur système de sécurité sociale en réponse aux pressions de la mondialisation10.
24Deuxièmement, les pays ne partent pas du même niveau lorsqu’ils réagissent à la mondialisation. La mondialisation ne nivelle pas le passé. Les États et les sociétés emportent avec eux un espace territorial, une population et une base de ressources, de même qu’une tradition, une culture et des institutions politiques, édifiées sur une longue période de temps. Tous ces éléments façonnent leur réaction à la mondialisation comme ils ont façonné les premiers pas de leur développement national. Une des raisons majeures de cette « biodiversité » des États mondiaux repose précisément sur l’enracinement des traditions historiques et des ressources institutionnelles11.
25L’inégalité des revenus, par exemple, a augmenté de manière plus spectaculaire aux États-Unis qu’au Canada, durant ces vingt-cinq dernières années. En effet, les inégalités de revenus parmi les familles canadiennes, après impôts et transfert, ne semblent pas avoir augmenté entre 1980 et 1995, c’est-à-dire durant les années de confrontation intense avec le marché américain et le marché mondial12. Le Canada a consacré plus d’argent que les États-Unis aux programmes sociaux, c’est pourquoi l’écart s’est agrandi depuis 198013. Les programmes canadiens se sont avérés également plus généreux dans la redistribution que les programmes américains équivalents. Il semble que l’État canadien, enraciné dans ses valeurs politiques, dans sa culture et ses institutions, ait, par le passé, pallié les inconvénients des forces mondiales du marché plus agressivement que sa contrepartie américaine, même s'il n’a pas été aussi loin que plusieurs États européens.
26Troisièmement, plusieurs éléments des politiques sociales n'ont pas été transférés dans le système mondial. C’est le cas, par exemple, des dimensions nationales de l’économie, de la culture, de l’information et des communications. La plupart des demandes et des besoins sociaux, et par conséquent des politiques sociales, sont nationaux et non pas mondiaux. Pour le meilleur ou pour le pire, l’État demeure le principal dépositaire des demandes d’avantages sociaux. Si les États sont capables d’obtenir des surplus budgétaires au fur et à mesure que les déficits s’estompent en période de croissance, alors ils pourront posséder des ressources supplémentaires pour satisfaire ces demandes. Si on suppose qu'ils choisiront d’allouer des ressources en réponse à ces pressions, on peut en conclure qu’ils seront en mesure de reconquérir une part de leur importance en matière de loyauté, spécialement chez ceux qui ont été marginalisés par la mondialisation.
27Quatrièmement, l’inégalité, l’exclusion et la marginalisation se sont aggravées sur le plan mondial au cours des deux dernières décennies, et tout indique que cela ira en s’accélérant14. En fait, si les États ne réduisent pas les inégalités et que la mondialisation s’étend, il y a risque de voir se développer deux sociétés : une première, composée de « citoyens mondiaux », ayant une formation, mobiles, urbains, indépendants du gouvernement, capables d’exploiter les occasions qui se présentent dans l’économie mondiale ; une seconde, constituée d'une sous-classe défavorisée, c’est-à-dire de personnes pauvres ayant reçu peu ou pas d’éducation, dont le statut de réfugiés économiques dans leur propre pays est un encouragement à voir dans le gouvernement leur unique source de soutien.
28Considérant ces quatre points, qui sont autant d’exemples, nous développerons quatre modèles d’État, deux correspondant au scénario de la « mondialisation triomphante » et deux au scénario du « recul de la mondialisation »15. À partir de l’analyse de ces exemples, nous allons montrer que les mesures que l’État peut prendre, si la mondialisation était contrariée, seraient affectées de manière significative par les choix qu’il fait quand la mondialisation va de l’avant. Les choix de l’État deviennent ses limites, advenant des changements de paramètres dans la mondialisation. Nous examinerons les conséquences de ces restrictions dans la conclusion de cet article.
La mondialisation triomphante : la position de l’État
29Si la mondialisation l’emporte, nous pouvons imaginer deux modèles étatiques. Nous appellerons le premier l’État ancillaire et le second l’État social investisseur.
30Dans chacun des modèles, la capacité de l’État diminue en fonction du pouvoir grandissant des autres institutions. L’État cherche à médiatiser les forces de la mondialisation avec ses citoyens. Il appuie les efforts de ses citoyens, des compagnies et des organisations privées pour participer avec succès aux marchés mondiaux. À l’intérieur de ses frontières, il devient l’arbitre qui cherche à garantir une pratique équitable et le respect des normes et réglementations internationales. L’État se définit alors comme médiateur, arbitre et conciliateur.
31Dès lors, l’État n'est plus la force de commande de la loyauté politique et de l’identité pour plusieurs de ses citoyens, particulièrement pour ceux qui sont aptes à participer avec succès aux marchés mondiaux. Le nationalisme diminue en tant que source identitaire pour ces élites mondialistes. Comme la mondialisation progresse, l’État fait face à un défi fondamental : comment l’État peut-il aborder le problème croissant de l’inégalité sociale et économique, tout en assurant l’insertion de la population marginale et exclue au sein de la communauté mondiale ? Il y a deux réponses différentes à ce défi.
L'État ancillaire
32Les chefs d'État considèrent que leur mission centrale est de garantir la « compétitivité » de leur population. Ils cherchent à créer et à maintenir, dans le cadre néolibéral, un certain nombre de conditions en vue de favoriser une réponse attirante et adaptée à la mondialisation, à savoir un budget équilibré, des taxes peu élevées, une main-d’œuvre éduquée et formée, un environnement de réglementation adapté et un climat favorisant la recherche et l’innovation. Les politiques publiques se concentrent sur l’édification de l’infrastructure économique et des ressources humaines en tant que plateforme de la participation à l’économie mondiale.
33La capacité et la volonté de l’État de soutenir les membres les plus faibles et les plus vulnérables de la société sont limitées par deux facteurs. Tout d’abord, la justice sociale ne constitue pas le noyau du mandat de l’État néolibéral dans l’économie mondiale ; au mieux, cette préoccupation est secondaire et instrumentale. Ensuite, la discipline imposée par les marchés mondiaux réduit les revenus des gouvernements en proportion des gains intérieurs et, par conséquent, leur capacité de pourvoir aux besoins sociaux, soit directement par des dépenses soit indirectement par la taxation et la redistribution. Par exemple, les gouvernements s’empressent de réduire les taxes afin de satisfaire les entreprises mobiles et de retenir les innovateurs talentueux qui participent activement à l'économie mondiale, mais, du même coup, ils limitent leurs propres capacités à faire face aux inégalités sociales croissantes qui accompagnent le développement de la mondialisation. Bien que la croissance économique se poursuive et que la mondialisation s'enracine, la redistribution dans les services de justice sociale devient de plus en plus difficile.
34Mark Neufeld appelle « État d’adaptation forcée/et de compétitivité nationale » l’État qui cherche à s’ajuster à sa société en fonction des exigences de l’économie mondiale, et non pas en tenant compte des répercussions de l’activité économique sur la société16. Dans ce type d’État, l’espace pour les choix politiques et économiques est assez mince, la capacité de choix dans l’espace résiduel allant en diminuant.
L'État social investisseur
35Les États doivent choisir de devenir les serviteurs de la mondialisation, même lorsque celle-ci triomphe. La mondialisation établit les paramètres politiques, mais le choix reste encore en suspens parmi ces contraintes. La population commence à considérer comme inacceptables les conséquences sociales de l’État ancillaire ; dès lors, l’espace qui reste aux leaders pour choisir des priorités différentes s’agrandit.
36L’État social investisseur reconnaît que la participation effective à l’économie mondiale et à l’engagement dans la révolution de l’information et des communications est nécessaire à la création de richesses. Il a toutefois une vision plus globale des exigences de la compétitivité mondiale que l’État ancillaire néolibéral. Le crime, le désordre social, la maladie et la pauvreté réduisent le caractère concurrentiel d’un pays ; toutes choses étant égales, les gens comme les entreprises préféreront s’établir dans des secteurs où la qualité de vie est excellente. Les villes où l’on travaille, où la pollution est basse, où le crime ne constitue pas une menace à la sécurité, où le voisinage collabore, où les communautés vivent en symbiose, où les écoles donnent une formation, sont d’excellents endroits pour vivre et constituent des avantages économiques intéressants. Il est possible, en effet, de justifier sur le plan économique la réduction des inégalités sociales et l'inclusion des exclus, car ces distorsions engendrent la pauvreté et le désordre social.
37L’inclusion des personnes marginalisées est plus qu’une question économique. Les leaders de l’État social investisseur continuent de se sentir responsables envers leurs citoyens et leurs besoins. Dans l’État social investisseur, les politiques se justifient autant d’un point de vue social qu’économique, les dirigeants cherchant à équilibrer les besoins. La plupart des réalisations de l’État ancillaire sont également celles de l’État social investisseur, à savoir équilibrer les comptes, réduire les taxes, atteindre l’efficacité gouvernementale et l’innovation en matière de services publics. Les deux désirent fournir une infrastructure économique de haute qualité et permettre aux citoyens talentueux de participer à l’économie mondiale. Leurs raisons sont par contre différentes.
38La création de richesses n’est pas la seule priorité de l’État social investisseur. L’État est responsable de toute la communauté ; or la communauté comprend non seulement ceux qui sont efficaces sur le marché mondial, mais également ceux qui en sont exclus. Certaines des ressources engendrées par l’économie croissante peuvent servir à soutenir ceux qui sont incapables de participer directement à son fonctionnement. Nous avons observé plus tôt que, contrairement aux économies et aux cultures qui se sont intégrées à l’ordre mondial, le tissu social n’a guère changé. L’État social investisseur répond aux besoins de sa communauté nationale et investit largement dans les besoins de sa société.
39Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a fait remarquer que jadis, à l'époque du « bien-être social », se soucier de la sécurité voulait dire se protéger des changements, alors qu’aujourd'hui cela signifie être capable de changement17. Le Comité soutient que le nouveau concept de sécurité implique que l’accent ne soit plus mis sur les dépenses sociales mais sur l’investissement social, c’est-à-dire sur le passage de l’État-providence traditionnel fondé sur l’apport direct de services sociaux au nouvel État social investisseur. Le Comité, toutefois, reconnaît et admet les limites de cette approche. Il reconnaît que « les besoins d’apporter une aide sociale à ceux qui souffrent des forces corrosives de la mondialisation et de la technologie n’ont pas diminué. Au contraire, ces besoins sont devenus plus grands en raison de la mondialisation »18. Le Comité soutient que le Canada n'a pas encore répondu de manière satisfaisante au problème : « Nous n’avons pas encore trouvé de solution à la manière d’accomplir un équilibre plus stable entre la mondialisation économique et la cohésion sociale. Il manque au Canada un consensus social sur cette question. Il n’y a eu aucun modèle de contrat social pour la nouvelle ère mondiale »19.
40Le Comité sénatorial met en évidence le défi essentiel qui se pose à tous ceux qui désirent édifier un État social investisseur plutôt qu’un État ancillaire face à la mondialisation. Auparavant, l’État-providence réussissait à établir un équilibre imparfait entre la productivité économique et la justice sociale. Mais cet équilibre, de même que l’État-providence, n'existe plus20. Le défi est désormais de développer des politiques d’investissement social en vue de rééquilibrer les besoins économiques et sociaux, non seulement parce qu’une société vivante et efficace améliore sa compétitivité, mais aussi parce que l’État a des responsabilités envers chacun de ses citoyens.
Le recul de la mondialisation : le repositionnement de l'État
41Le processus de mondialisation ne fonctionne pas nécessairement de manière ininterrompue, sans soubresauts. Comme nous l'avons vu plus haut, la mondialisation, historiquement, s’est réalisée avec des heurts et des ajustements. Le scénario que nous allons présenter est le récit d’un renversement tumultueux du processus de mondialisation économique. C’en est un parmi d’autres, tout aussi plausibles.
42Le commerce mondial et les investissements étrangers directs diminuent, les États commencent à ériger des barrières afin de protéger leurs marchés intérieurs. La croissance économique ralentit ; l’activité économique se contracte à l’intérieur des frontières nationales. Durant cette période d’incertitude économique intense, les citoyens reviennent « chez eux », c’est-à-dire se tournent vers l’État, qui a le rôle, fort diminué, d’agir et de maintenir une légitimité démocratique importante. Le rôle affaibli de l’État par rapport aux autres institutions s’inverse, tandis que les citoyens, cherchant sécurité et protection, réclament des gouvernements nationaux un plus grand contrôle économique.
43Les frontières commencent à prendre plus d’importance. L’État offre une certaine protection à ses citoyens contre les forces affaiblies et désormais menaçantes de la mondialisation. Son rôle d’arbitre se justifie moins, le gouvernement étant poussé par ses citoyens à intervenir activement dans l’économie nationale. Les entrepreneurs et professionnels mondiaux, désormais rejetés par des multinationales moins nombreuses et diminuées, retournent dans leur pays et cherchent refuge auprès de l’État.
44L’inégalité sociale demeure un problème grave, pour des raisons très différentes de celles qui marquaient les scénarios de la mondialisation triomphante. La politique de redistribution des revenus prend de l’expansion ; le chômage et la dislocation sociale également. La capacité fiscale nécessaire à l'action de l’État est limitée par l’économie anémiée qui accompagne le recul de la mondialisation, ainsi que par le régime de taxes réduites mis en place lorsque l’économie prenait de l’expansion et créait de nouvelles richesses.
45Plus l’État-nation regagne en importance, plus la loyauté envers lui et ses institutions grandissent. Le patriotisme canadien comme le nationalisme québécois s’intensifient. Au Canada, comme dans plusieurs pays industrialisés, l'hostilité à l’immigration prend de l’ampleur ; l’émigration flexible et la multiplicité de la citoyenneté diminuent, les citoyens exigeant un contrôle plus strict pour entrer au pays. Lorsque la mondialisation recule, la question prioritaire à laquelle l’État fait face peut se résumer de la façon suivante : Comment l’État peut-il faire redémarrer la croissance économique dans un monde « postmondial », où les économies nationales et les communautés nationales réapparaissent, et, au même moment, aborder la dislocation sociale qui résulte de la contraction de l’économie mondiale ?
46Nous allons développer ici deux types d’État dans le contexte d’un recul de la mondialisation. Chacun d'eux répond différemment à la question essentielle que nous venons de poser. Nous appellerons le premier l’État des rêves non partagés et le second, l’État gardien.
L'État des rêves non partagés
47Affaibli et diminué durant la période de mondialisation triomphante, l'État s’est dépouillé de certaines de ses capacités critiques, capacités dont il aura dorénavant besoin pour répondre efficacement au processus de recul. Son précurseur logique est l’État ancillaire, qui avait mis sa confiance dans le pouvoir et l’utilité des marchés mondiaux (désormais rétrécis). Pendant la période où l’État ne se souciait guère de la cohésion sociale et où la mondialisation se développait, d’importantes institutions et capacités politiques se sont détériorées, laissant l’État des rêves non partagés à l’abandon, incapable d’aborder les dislocations sociales douloureuses qui résultent d’une économie mondiale restreinte. De plus, sa capacité à servir de point de convergence pour les demandes accrues de ses citoyens et pour la loyauté qui en résulte, est sérieusement remise en question. Séduit par l’idéologie néolibérale, l’État a non seulement réduit sa taille, mais également ses ambitions. Envisager un rôle positif et actif n’est ni évident ni facile pour le gouvernement après des années de services restreints dans la fonction d’arbitre, de médiateur et de conciliateur. L’État se voit maintenant incapable de satisfaire les nouvelles demandes de ses citoyens en raison des choix qu’il a effectués dans le passé.
48Les analystes néolibéraux ont peu à dire à propos du rôle passif et limité de l’État lorsque la mondialisation change de cours. Croyant fermement que les gouvernements ne peuvent rien faire pour favoriser le rétablissement économique, ils considèrent la passivité politique des gouvernements comme indispensable. Les néolibéraux applaudiraient l’État, si celui-ci cherchait à remettre en place les enjeux fondamentaux pour ensuite les céder aux marchés où ils feraient ce qu’ils font de mieux, à savoir générer de l'activité économique, des profits et de l’emploi.
49Ceux qui soutiennent que le gouvernement a l’obligation d’intervenir sur le marché lorsque ce dernier bat de l’aile, considèrent l’inactivité de l’État des rêves non partagés comme frustrante et limitée. Les détracteurs de l’État ancillaire durant la période de la mondialisation triomphante se plairont à constater la justesse de leurs prévisions concernant un État dépouillé de ses capacités à répondre aux besoins sociaux et impuissant à y parvenir.
L'État gardien
50L’État gardien est la métamorphose naturelle de l’État social investisseur selon l’évolution des conditions économiques. La capacité du secteur public, que l’État social investisseur a maintenu durant la période d'expansion de la mondialisation, le rend à même d’agir durant la période de récession. Accoutumé à adapter les pressions mondiales aux besoins intérieurs et à utiliser les ressources de la société pour soutenir ses citoyens les plus faibles, l’État gardien a les moyens et les prédispositions pour assumer le rôle de protecteur de la société en temps de crise. Son secteur public est plus vaste que celui que maintient l'État ancillaire, ses capacités d’élaborer des politiques sociales restant plus ou moins en place. L’État gardien a la capacité d’assumer un rôle plus actif en période de difficultés économiques ; il a d'ailleurs intérêt à le faire. Étant donné que ses priorités n'ont pas été seulement l’adaptation efficace au marché global, mais aussi le bien-être général de la population, il est en mesure de répondre au soutien renouvelé des citoyens à la souveraineté et aux responsabilités nationales, phénomène qui risque d'être un des résultats du recul de la mondialisation. L'État gardien a des choix importants à faire, alors que l’État des rêves non partagés n’en a que peu ou pas.
Conclusion
51Nous avons présenté ici quatre modèles stylisés d’États, correspondant à deux versions possibles de la mondialisation, à savoir le triomphe dans un premier temps et l'échec, voire le renversement, de la mondialisation dans un deuxième temps. Ces deux versions sont des futurs possibles, tous deux difficiles à écarter du revers de la main. La mondialisation, quelle que soit sa valeur paramétrique, offre plus de liberté qu'on ne serait porté à le croire21. Nous n’entrerons pas ici dans le débat de savoir lequel de ces futurs est le plus plausible. Nous ne soutiendrons pas non plus que ce sont là les seuls scénarios possibles. En revanche, ce que nous maintenons, c’est que ces deux scénarios sont plausibles... et possibles. Développons donc ces deux scénarios, afin de cerner les arguments en présence, d’en examiner les conditions et de réfléchir sur l’État et la société dans un futur contingent.
52Nous développerons au moins deux modèles pour chacune des conditions de la mondialisation, afin d’étoffer par des exemples notre argument selon lequel le Canada et les Canadiens ont un certain nombre de choix face à ce phénomène. La mondialisation triomphante crée un ensemble de contraintes, par le biais surtout des institutions internationales, de la loi internationale et des marchés mondiaux, qui limitent l'autonomie fiscale et économique de l’État. Là encore, l’État canadien peut réagir de plusieurs manières. Il peut réduire de façon significative la taille du gouvernement et décider de centrer ses efforts sur l'arbitrage et sur l’assistance aux citoyens pour s’adapter aux processus mondiaux et à la compétition. Si l’État prend cette décision, il se départit de la plupart de ses capacités d’élaboration politique, mais il continue de jouer un rôle important, voire essentiel, dans la construction des infrastructures et des plateformes pertinentes à la participation à l’économie mondiale. L’État canadien peut aussi décider d’investir socialement, d’améliorer et d’élargir la base de la participation au marché mondial et de renforcer la société en indemnisant et en soutenant ceux qui sont exclus de la phase actuelle de la mondialisation. Nous soutenons que les valeurs, la culture politique et les institutions canadiennes, de même que l'histoire des cent dernières années, prédisposent le gouvernement comme les citoyens à favoriser l’État social investisseur22.
53En vérité, le défi sera grand. L’identité nationale décline de façon impressionnante et l’État a perdu le contrôle de plusieurs leviers importants de la croissance ; du même coup, la confiance publique et la solidarité sociale décroissent elles aussi. Face à un « déficit démocratique » croissant, l’État social investisseur doit persuader ses citoyens les plus actifs sur les marchés mondiaux d’investir chez eux afin de soutenir et d’améliorer la capacité de ceux qui sont marginalisés par la phase actuelle de la mondialisation. Un leadership politique habile, renforcé par la référence continue aux valeurs que les Canadiens partagent, est nécessaire pour persuader les Canadiens de continuer à investir et à combler l’écart existant.
54Malgré les défis, l’État social investisseur est un choix prudent et raisonnable. La manière par laquelle l’État canadien réagira à la phase triomphante de la mondialisation aura un effet décisif sur sa capacité de réaction au cas où il adviendrait que la mondialisation s’écroule. La capacité de l’État ancillaire ne peut être compensée facilement lorsque les valeurs paramétriques de la mondialisation se modifient. Il nous apparaît que l’État ancillaire engendre une dépendance par rapport à la voie choisie, qui semble écarter l’émergence ultérieure de l’État gardien. S’il fallait que la mondialisation soit renversée ou ralentisse de manière significative, il est fort probable que l’État ancillaire serait suivi par l'État des rêves non partagés. Notre scénario fait le récit d’États qui agissent purement comme des larbins du processus de mondialisation.
55Notre présentation schématique des deux catégories d’États met l’accent davantage sur l'affirmation de la capacité et de l’inclination de l’État à répondre aux besoins sociaux et culturels dans des conditions différentes. Nous avons choisi, comme les autres auteurs de cet ouvrage, d’examiner les dimensions sociales de la mondialisation, en partie parce qu’on a moins porté attention à ses conséquences sociales, mais aussi parce que l’insouciance face à la justice sociale en une période de changements économiques, culturels et politiques rapides sera terriblement coûteuse en misère humaine. Cela mettra également en péril la promesse que la mondialisation apporte quelque chose à tous ceux qui ont été exclus des structures traditionnelles de l’autorité.
56D'une façon générale, les chapitres de cet ouvrage explorent deux manières connexes d’aborder la justice sociale, l’égalité et l’inclusion dans ce nouvel environnement. La première se fait au moyen de l’État, et est pertinente, dans la mesure où les gouvernements nationaux et les populations nationales ont les ressources suffisantes pour procéder à une réforme et instaurer une certaine protection. La difficulté, comme le reconnaissent tous les auteurs de cet ouvrage, est que les éléments les plus prometteurs de la culture, de la société et de l’identité ont abandonné l’État pour se préoccuper de la sphère mondiale, et de ce fait se retrouvent au-delà des compétences des gouvernements nationaux. La deuxième façon d’aborder ces défis fait appel au développement des systèmes de gouvernance démocratiques responsables, eux-mêmes alimentés par une société civile active au niveau mondial. Les auteurs de cet ouvrage ont également exploré cette option, dans le contexte des sujets spécifiques sur lesquels ils ont écrit. Ils reconnaissent que les barrières au progrès dans ce domaine sont immenses. Les gouvernements nationaux, lorsqu’ils agissent ensemble sur le plan international, échappent au contrôle démocratique, car la société civile mondiale et ses institutions supranationales n’en sont actuellement qu’à un stade embryonnaire (au mieux).
57La mondialisation contemporaine se précipite sur nous si rapidement que nous ne savons plus trop, collectivement, quelles questions poser, encore moins comment y répondre.
Qui, par exemple, devrait être inclus ou exclu des forums internationaux où se prennent des décisions cruciales concernant la culture et la société ? Il est entendu que les États ont un droit de participation, fondé sur le principe de la souveraineté. Mais sur quelle base un groupe de citoyens peut-il acquérir la légitimité de participer ? Est-ce que Greenpeace ou le Business Council on National Issues auront un siège à la table des négociations mais pas les Grandmothers Against Free Trade ou le Vancouver East Side Anarchist League ? Si tel est le cas, pourquoi ? Sur quelle base ? Qui peut en juger ?
Actuellement, les citoyens et les réseaux ne sont pas soumis aux standards de responsabilité, de transparence et de représentativité imposés aux gouvernements démocratiques, malgré les critiques légitimes qui peuvent être adressées à ces processus étatiques. Une participation plus formelle nécessiterait que cette question soit abordée. Comment cela peut-il se faire ?
De plus, de quelle manière les acteurs non étatiques peuvent-ils être inclus dans ces processus mondiaux de prises de décisions ? L’Internet et le Web semblent fournir une partie de la réponse, car ils permettent une circulation considérable de l’information entre les États et entre ceux-ci et les acteurs non étatiques, mais il est difficile de voir en quoi ils pourraient devenir les médias principaux de la délibération politique. Les rencontres et les forums de négociations en direct demeureront aussi essentiels pour les prises de décisions internationales que pour la vie politique intérieure. De quelle manière un vaste ensemble d’intérêts organisés et de voix différentes peuvent-ils être introduits dans un processus de gouvernance sans réduire ce processus à l’inefficacité ? Les pays n’ont pas réussi à trancher ce dilemme au niveau national ; au niveau mondial, le problème est multiplié de manière exponentielle.
Finalement, quelles sont les institutions politiques appropriées à l’administration d’un système de gouvernance mondiale, et comment peut-on encadrer les questions politiques mondiales qui doivent être abordées ? La majorité des institutions se sont développées dans un monde « prémondial ». Y a-t-il quelque raison de croire que celles-ci sont les institutions les plus appropriées, simplement parce qu’elles existent ? Pour ce qui est des questions politiques partinentes, définir ou nommer le problème qui doit être abordé peut souvent être l’étape la plus cruciale dans ce qui va arriver par la suite. Mais comment y parvenir ?
58C’est en raison de ces défis que nous avons examiné avec une grande attention le rôle continu et important de l’État dans différentes perspectives de mondialisation. Chacun des auteurs, à sa manière, a été témoin du rôle considérable et évolutif de l’État démocratique moderne, poussé par les vents du changement qui balaient le globe. Hannigan envisage différentes solutions que l’État pourrait adopter pour faire face aux répercussions de l’économie du divertissement mondial sur le marché intérieur, soulignant qu’une réponse militante faisant appel à la réglementation est impossible dans le cas du Canada, en raison de la fragmentation des compétences et des initiatives de ce pays et en l’absence d’une politique internationale ou de forums de négociations (contrairement à ce qui se passe dans le domaine des télécommunications). Étant donné que le marché stratégique du divertissement dans tous les pays se situe dans les grands centres urbains, le Canada est très vulnérable face aux ambitions non réglementées des entreprises transnationales du divertissement, en raison principalement de son incapacité constitutionnelle à élaborer une politique urbaine nationale cohérente. Le chapitre de Raboy sur la communication souligne la nécessité pour les gouvernements de bâtir une capacité politique internationale plus forte, afin d’élargir la logique nationale de l’intérêt public. Il insiste également sur le fait que, d'un point de vue démocratique, tout plan d’action sur la réglementation mondiale en matière de communication devra inclure la participation de la société civile aux nouveaux cadres et aux nouvelles structures. Wong dépeint la manière dont les conceptions de la citoyenneté et de l’identité s’adaptent aux technologies de la communication et aux formes contemporaines de l’immigration. Sa critique de la tentative du gouvernement canadien pour resserrer sa politique en matière d’immigration, malgré la logique contraire que suggèrent les modèles actuels des mouvements migratoires, reflète la reconnaissance implicite du pouvoir de l’État en cette matière. Il soutient l’idée d’une citoyenneté « filiforme mais forte », qui peut être différenciée et multiculturelle, fondée sur l’engagement civique plutôt que sur des valeurs partagées et une identité commune ; il note également plusieurs contradictions dans la position du gouvernement canadien qui cherche à négocier sur ce terrain miné23. De la même manière, le rapport de Deibert sur le blocage de l'ami s’attarde aux groupes de résistance et à leur utilisation de l’Internet. Il signale que c’est aux représentants des États que ces groupes s’opposèrent et que ce sont les gouvernements qui ont été incapables de négocier un accord sur l’investissement. Dans certains cas, comme on peut le voir, l’argumentation fait référence à l’État démocratique, faute d’une meilleure solution. En tout état de cause, quels que soient les maillons du raisonnement, l’instance qui présente le meilleur potentiel pour façonner les forces de la mondialisation, pour faire face à la concentration massive des intérêts privés et pour protéger les intérêts des citoyens, c’est le gouvernement, que ses actions soient individuelles ou collectives.
59Certains seraient en désaccord : ils voient plutôt dans l’État une instance de plus en plus affaiblie, faisant concurrence, au niveau de la loyauté politique, à plusieurs centres d’autorité. L’État a commencé d’exister à un moment précis de l’histoire. Étant donné que la mondialisation progresse, il deviendra un foyer d’identité politique parmi d’autres24. Certains ne regrettent pas ce déclin, car, selon eux, les citoyens bénéficieront de nombreuses chances de s'épanouir et d'une grande diversité d’expériences dans la société civile mondiale, libérés qu’ils seront des restrictions et des obligations de l’État. Nous sommes en total désaccord.
60Notre analyse, en effet, indique que l’État a toujours sa raison d’être. Il est indispensable, non seulement parce que la mondialisation permet encore des choix politiques importants, ou même parce que l’État est toujours le mieux équipé pour s’occuper des inégalités sociales, mais aussi et surtout parce que, dans les démocraties constitutionnelles, l’État demeure le plus important dépositaire de la gouvernance légitime et responsable25.
61Les auteurs de cet ouvrage ont souligné l’alourdissement des institutions internationales et les signes de défaillance dans la naissance de la société civile mondiale. Mais ils ont aussi constaté comment le pouvoir économique privé et un pouvoir politique non responsable façonnent la réalité sociale, culturelle et économique, autant ici qu’à l’étranger. Bien qu’elles n’aient pas de liens logiques apparents, l’idéologie néolibérale et la mondialisation marchent main dans la main à l’heure actuelle, de nombreux politiciens (et pas seulement les hommes d’affaires) ayant accepté la logique qui unit les forces en présence.
62La plus grande partie de l’analyse effectuée dans cet ouvrage a mis en évidence un ensemble de tensions dialectiques qui constituent notre monde moderne, tensions entre l’État et le marché, entre les gouvernements nationaux et les institutions mondiales naissantes, entre les loyautés de lieu et les loyautés de buts, entre les citoyens et les États, entre les demandes de justice et l’opération apparemment bénéfique de l’intérêt propre, entre ceux qui sont au centre du charmant cercle de la prospérité mondiale et ceux qui sont à l’extérieur mais qui observent le dedans.
63Il n'est pas surprenant qu’il soit plus facile de repérer les tensions que de les résorber. Un des thèmes récurrents de cet ouvrage a été la capacité judiciaire de l’État démocratique : celui-ci, de toute évidence, ne peut plus faire par lui-même ce qui doit être fait. Bien que l’on puisse indiquer les quelques institutions internationales et pratiques qui pourraient représenter la base d’un ordre civil et politique mondial, celles-ci sont soumises à un contrôle démocratique rudimentaire qui ria rien de systématique. Comme Mark Zacher le fait remarquer, il y a eu, ces dernières armées, une explosion d’accords internationaux, de traités et de tribunaux, mais la plupart demeurent aux mains du pouvoir exécutif et sont lourdement bureaucratiques, voire parfaitement à l’abri des pressions populaires26.
64Les Canadiens ont une grande expérience de la déficience démocratique du « fédéralisme exécutif ». Le « fédéralisme exécutif », coupé des populations qu’il est censé servir, est un problème non seulement canadien, voire européen, mais également mondial. David Held27 a cherché à construire un modèle de gouvernance cosmopolite qui créerait un ensemble universel de droits, d’obligations et de standards pour régir les comportements de toutes les institutions, locales, nationales et internationales28. Dans ce modèle, les institutions internationales deviendraient accueillantes, attentives et responsables. Bien que des groupes de citoyens se mobilisent afin de rendre les institutions responsables et d’accroître leur transparence, à l’heure actuelle, la responsabilité des institutions internationales est tout au plus embryonnaire. Les institutions internationales demeurent une solution de rechange bien faible pour les États démocratiques, légitimes et responsables.
65Les États démocratiques, gouvernés constitutionnellement par les règles de la loi, continueront pendant un certain temps d’être le lieu où le pouvoir s’exerce avec le plus de responsabilité, où la gouvernance légitime et représentative est la mieux assurée. Il est hautement probable, en effet, que les exigences de responsabilité et de représentativité grandiront au fur et à mesure que la mondialisation se développera, car les citoyens veulent obtenir le contrôle sur certains secteurs des politiques publiques qui affectent directement leur vie. Le lieu le plus prometteur pour la contestation populaire demeure l'État démocratique. Les organisations internationales, les entreprises mondiales, les alliances militaires et même les coalitions d’ong ne peuvent certainement pas fournir les mêmes garanties. Ne peuvent le faire non plus les villes, les secteurs industriels autoréglementés, les Églises ou les associations coopératives, du moins pas encore. L'État démocratique moderne n’a toujours pas son pareil pour assurer une représentation et une responsabilité adéquates. Que les liens entre les sociétés se renforcent avec le progrès de la mondialisation ou que les frontières ressurgissent avec le recul de celle-ci, notre analyse montre qu'il sera plus important que jamais de tenir les gouvernements nationaux responsables de leur gestion de la société et de donner la parole à ceux qui sont exclus comme à ceux qui font partie des processus actuels de mondialisation.
Notes de bas de page
1 Y. Ferguson et R. Mansbach, Polities : Authority, Identities and Change, Columbia (SC), University of South Carolina Press, 1996.
2 K. Ohmae, The End of the Nation State, New York, Free Press, 1995, p. 2, soutient que « les États-nations traditionnels sont devenus artificiels, et sont même devenus des centres d’affaires impossibles dans une économie mondiale ». S. Strange a développé un argument similaire : « Les forces impersonnelles du marché mondial [...] sont maintenant plus puissantes que les États auxquels appartient apparemment l’autorité politique sur la société et l’économie. [...] le déclin de l’autorité de l’État se reflète dans une diffusion accrue de l’autorité à d’autres institutions et associations, et à des corps locaux et régionaux » (S. Strange, The Retreat of the State : The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 4).
3 J. Gross Stein, « The Privatization of Security », in International Security Review, à paraître.
4 Voir M. Castells, The Rise of the Network Society, Malden (MA), Blackwell, 2000, 2e édition ; J. Ruggie, Winning the Peace : America and World Order in the New Era, New York, Columbia University Press, 1996.
5 D. Held, A. McGrew, D. Goldblatt et J. Perraton, Global Transformations : Politics, Economics, and Culture, Stanford (CA), Stanford University Press, 1999, p, 437.
6 Voir L. Weiss, The Myth of the Powerless State, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1998.
7 R. J. Barnet et J. Cavanagh, Global Dreams : Imperial Corporations and the New World Order, New York, Simon & Schuster, 1994.
8 T. L. Friedman surnomme ce phénomène « le troupeau électronique », in The Lexus and the Olive Tree, New York, Farrar Straus Giroux, 1999.
9 L. Weiss propose cet argument dans The Myth of the Powerless State. Elle soutient, en effet, que l’orthodoxie néolibérale actuelle qui glorifie les marchés est une construction anglo-saxonne.
10 Dans Degrees of Freedom : Canada and the United States in a Changing World, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1997, K. Banging et R. Simeon (dir.) concluent que les deux pays maintiennent un degré important d’autonomie dans la gestion des politiques intérieures, malgré des pressions internes et externes. G. Bonoli, V George et P. Taylor-Gobby explorent les raisons de l’échec de la convergence européenne dans European Welfare Futures : Towards a Theory of Retrenchment, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. F. Castles et C. Pierson examinent les mêmes questions mais pour le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, dans « A New Convergence : Recent Policy Developments in the United Kingdom, Australia and New Zealand », in Policy and Politics, 24 (juillet 1996), p. 233-245.
11 P. Pierson étudie les conséquences de la politique et de l’héritage politique sur l'affaiblissement de l’État-providence dans Dismantling the Welfare State : Reagan, Thatcher and the Politics of Retrenchment, Cambridge, Cambridge University Press, 1994 Voir aussi son article « The New Politics of the Welfare State », in World Politics, 48 (1996), p. 143-179.
12 Un index gini mesurant l’inégalité des revenus familiaux après impôts et transferts montre un score de 0,294 en 1980 et de 0,298 en 1995. Voir Statistique Canada, Income after Tax, Distribution by Size in Canada : 1995, Ottawa, Approvisionnements et services Canada, 1997), tableau VI. Ces données ne reflètent pas les compressions dans les programmes sociaux qui sont survenus en 1997.
13 ocde, « Social Expenditures Statistics of oecd Member Countries : Provisional Version », in Labour Market and Social Policy Occasional Papers, 17, 1996.
14 Voir la discussion sur les inégalités mondiales par pays dans le chapitre 1.
15 Nos quatre modèles diffèrent de la matrice mise au point par le gouvernement du Canada dans « Governing in an Information Society project ». Voir S. A. Rosell (dir.), Changing Maps : Governing in a World of Rapid Change, Ottawa, Carleton University Press, 1995. Nos modèles d’États, c’est-à-dire l'État ancillaire et l’État social investisseur, l’État des rêves non partagés et l’État gardien, sont imbriqués dans deux scénarios qui dépendent du rythme, de la visée et de l’intensité de la mondialisation.
16 M. Neufeld, « Globalization : Five Theses », article présenté au Transatlantic Masters of Arts in Public Policy Workshop « Globalization and Public Policy », Toronto, 10-21 mai 1999. Disponible sur Internet (29 janvier 2002) : <www.chass.utoronto.ca/tamapp>
17 Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Rapport final sur la cohésion sociale, juin 1999. Disponible sur Internet (24 décembre 2001), chap. 4, 4 : <www.parl.gc.ca>
K. Banting propose cet argument dans « The Internationalization of the Social Contract ».
18 Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Rapport final sur la cohésion sociale, ch. 2, 10.
19 Ibid., ch. 4, 2.
20 Paul Pierson n’a pas la même opinion et soutient que malgré l’austérité et le retrait de l’État, l’État-providence a démontré une endurance surprenante. Voir Dismantling the Welfare State ?, 179ff.
21 K. Banting, G. Hoberg, et R. Simeon (dir.), Degrees of Freedom : Canada and the United States in a ChangingWorld, Kingston et Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1997. Voir aussi G. Hoberg, K. Banting et R. Simeon, « North American Integration and the Scope for Domestic Choice : Canada and Policy Sovereignty in a Globalized World », communication présentée au congrès annuel de l’Association canadienne de science politique, Sherbrooke, Québec, 6-8 juin 1999.
22 De manière assez large, on pourrait avancer que les démocraties sociales de l’Europe du Nord représentent des exemples empiriques de l’État social investisseur et que les États-Unis et le Royaume-Uni sont des exemples de l’État ancillaire. Cas typique, le Canada se retrouve entre ces deux pôles.
23 Tout d’abord, il y a la contradiction de soutenir un commerce plus libéral, la mobilité des capitaux et la libre circulation de l’information, tout en cherchant à édifier des contraintes et des barrières, autant dans le domaine de l'immigration que de la citoyenneté. Deuxièmement, le Canada encourage la différence et la diversité culturelle à travers une politique multiculturelle officielle, alors que, dans le domaine de la citoyenneté, il n’y a aucun mouvement vers la reconnaissance de la citoyenneté différenciée ou de la citoyenneté multiculturelle. Finalement, si nous considérons l’acceptation actuelle par le Canada de la citoyenneté double et multiple et de l’institutionnalisation des liens transnationaux, on a l’impression d’être en pleine contradiction, car dans la même loi on soutient des dispositions qui favorisent des formes d’expression transnationales.
24 Y. Ferguson et R. Mansbach, Polities : Authority, Identities, and Change.
25 Nous savons gré à Ann Medina d’avoir insisté sur cette question.
26 M. Zacher, « The Global Economy and the International Political Order ». Voir aussi M. T. Greven et L. W. Pauly (dir.), Democracy beyond the State? The European Dilemma and the Emerging Global Order, Lanham (MD), Rowman and Littlefield, 2000.
27 Voir D. Cameron et R. Simeon, « Intergovernmental Relations and Democratic Citizenship », in B. G. Peters et D. J. Savoie (dir.), Governance in the Twenty-First Century : Revitalizing Public Service, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2000, p. 58-118. Certaines parties du paragraphe final de ce chapitre sont tirées de cet article (p. 102-103).
28 D. Held, Democracy and the Global Order: From the Modem State to Cosmopolitan Governance, Stanford (CA), Stanford University Press, 1995.
Auteurs
David R. Cameron a étudié à l’Université de la Colombie-Britanique, puis à la London School of Economics. Après ses études, il occupe le poste de secrétaire adjoint pour les questions constitutionnelles au Bureau du Conseil privé du Canada et de sous-secrétaire adjoint au ministère des Affaires étrangères. En 1985, il est nommé vice-président de l’Université de Toronto. De 1987 à 1990, il est ministre adjoint au ministère des Affaires intergouvernementales à Queen’ Park et, depuis, continue de conseiller le gouvernement de l'Ontario sur des questions telles que la constitution, l’unité nationale et les dossiers intergouvernementaux. Il est actuellement professeur de science politique à l’Université de Toronto. Auteur de nombreux ouvrages consacrés à la théorie politique, au nationalisme et à la culture canadienne, il a été consultant en matière constitutionnelle auprès de plusieurs gouvernements étrangers.
Directrice du Munk Centre for International Studies et professeure au département de science politique de l’Université de Toronto. Elle est spécialisée dans les domaines de la négociation et de la gestion des conflits. Ses plus récents livres sont Networks of Knowledge : Collaborative Innovation in International Learning (Toronto, University of Toronto Press, 2001) et The Cult of Efficiency (Toronto, Anansi, 2001). Janice Stein a été la conférencière Massey pour l’année 2001.
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