Chapitre 4. Contestation sur l’Internet : le lobbying anti-ami
p. 109-131
Texte intégral
1Au cours des dernières décennies du xxe siècle, on a assisté, grâce aux nouvelles technologies de l’information et des communications, à de nombreux processus de mondialisation1. Jusqu’à présent, ceux qui ont bénéficié de ces nouvelles technologies ont été les multinationales et les groupes financiers internationaux. Étant donné la facilité et la rapidité avec lesquelles l’information est aujourd’hui diffusée, ces forces ont créé un réseau de contraintes qui déterminent les options politiques et orientent les États vers des politiques macroéconomiques de type néolibéral2.
2Bien que les gagnants immédiats soient facilement repérables, certains ont soutenu que ces mêmes technologies offrent également la possibilité à des réseaux de citoyens de s’élargir, au point même de s'imposer et de gouverner les forces des marchés mondiaux3. Appelés parfois « mouvements sociaux transnationaux » ou « société civile globale » ou encore « réseaux de la société civile », ces types de contestation politique sont devenus un signe d’espoir pour ceux qui voient en eux une participation politique reliant les individus locaux à des questions d’ordre mondial4. Il n’est pas surprenant de voir que, un peu partout dans le monde, des milliers de militants ont établi une présence sur l'Internet. Il n’existe pas une seule organisation non gouvernementale d'importance qui n’ait son propre site. Toutes les campagnes sociales ou politiques imaginables ont leurs composantes informatiques. L’Internet est donc devenu aussi indispensable à la société civile globale que le sont les télécommunications aux multinationales. Les réseaux de la société civile sont devenus si interreliés, grâce à l'Internet, que celui-ci a fini par être considéré par les observateurs les plus optimistes comme une sorte de moteur mystique d’un changement social démocratique.
3Cet enthousiasme toutefois ne va pas sans susciter des oppositions, certaines s’interrogeant même sur la nature véritable de la « communauté » qui se développe sur l’Internet5. Une étude récente, parue dans la revue American Psychologist, va même jusqu’à affirmer que l’utilisation fréquente de ce moyen de communication tend à réduire la taille des cercles d’amis des participants et à favoriser une hausse de la dépression et de la solitude6. Comme Craig Calhoun l’a souligné, « les relations établies à l’aide de la technologie informatique peuvent davantage entretenir “les identités catégorielles” que créer des réseaux de relations denses, complexes et systématiques »7. Si tel est le cas, de telles conséquences limiteront le potentiel à long terme de l’Internet en tant que médium de participation démocratique et de militantisme.
4Dans cet article, j’examinerai en détail le cas des réseaux qui sont apparus à l’occasion du lobbying contre l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement), en insistant sur le rôle joué par l’Internet et les autres technologies de l’information et de la communication. Ce cas est particulièrement significatif pour trois raisons. Tout d’abord, cette question situe cet Accord au cœur du développement de l’économie politique internationale. Alors que de nombreuses études détaillées des réseaux de la société civile ont été effectuées sur des sujets tels que la santé, les droits de l'homme, le développement, l'égalité homme-femme et l’environnement, il y en a eu peu qui se sont intéressées aux forces du marché mondial8. Dans le cas de l’AMI, un réseau a été mis sur pied en vue de s'opposer à un accord portant sur l’essence même de la mondialisation économique et sur le développement des investissements étrangers directs, ces questions, par ailleurs, faisant l’unanimité chez les acteurs économiques les plus puissants dans le monde. Aux yeux de ceux qui prétendent que les réseaux de la société civile offrent un contre-pouvoir potentiel face à l’hégémonie du capitalisme débridé et aux intérêts des grandes multinationales, il s’agit là d’un cas type9.
5Deuxièmement, ce cas est instructif dans la mesure où les groupes s'opposant à l’accord semblent avoir « remporté » une victoire temporaire, écartant l’ami des projets de l’ocde, c’est-à-dire de l’organisation internationale au sein de laquelle cet accord devait être négocié10. En dépit du fait que l’ami refera sans doute surface sous une forme différente dans un forum ultérieur, ce cas offre une leçon intéressante sur la manière dont les réseaux pourraient être utilisés dans une campagne dirigée contre un forum ou un traité particulier, plutôt que contre un sujet d’intérêt public. Le fait que les contestataires aient connu un certain succès en écartant l’ami du programme de l’ocde nous porte à croire que les pratiques « lobbyistes » des réseaux de la société civile peuvent parfois s’avérer fructueuses, même dans les cas de réglementation des investissements économiques.
6Troisièmement, l’aspect le plus important de cette étude est le fait que la presse, les études universitaires et la plupart des participants gouvernementaux ou de la société civile ont établi un lien étroit entre le succès de cette campagne de contestation et l’Internet11. Ainsi, le gouvernement français, à la suite de son retrait des négociations de l’ami, souligne dans son rapport officiel que les organisations non gouvernementales étaient mieux organisées et informées grâce à l’Internet, et que « le développement de l’Internet cause des remous dans le monde des négociations »12. Si les faits appuient de tels liens, alors il est raisonnable d’affirmer que plus l’Internet prendra de l’ampleur, plus nous serons témoins de campagnes telles que celles des groupes de pression anti-ami. Ceux qui cherchent à résister aux forces du marché mondial devront donc canaliser leurs forces vers l’Internet. En fait, nous sommes en droit de nous attendre à ce que la croissance de la contestation au sein de la société civile fondée sur l’Internet fasse sentir sa présence sur la scène politique mondiale. Si les faits indiquent toutefois un rôle plus circonscrit à l’Internet, alors les réseaux de la société civile auront peut-être à adopter une approche plus nuancée de l’Internet par rapport à certaines stratégies plus familières. Autrement dit, la question débattue tourne autour de la nature des contestataires eux-mêmes et de leur relation avec l’Internet. L'Internet a-t-il engendré la contestation contre l’ami ou n’a-t-il fait que faciliter et amplifier le militantisme déjà en place ?
7Les questions suivantes guideront notre recherche. 1) Quel rôle l’Internet a-t-il joué dans le militantisme face à l’ami ? De quelle manière la société civile l’a-t-elle employé ? L’Internet a-t-il engendré une nouvelle forme de militantisme ou en a-t-il simplement facilité de plus anciennes ? 2) La campagne et les résultats auraient-ils été différents sans l’Internet ? 3) Pouvons-nous définir les groupes impliqués dans la campagne contre l’ami comme une « communauté » ? Font-ils partie de la « société civile globale » ? Ou bien sont-ils simplement un ensemble de groupes indépendants qui se sont associés temporairement par la force des choses et qui sont maintenant appelés à se dissoudre ?
8Comme je le montrerai ci-dessous, l’Internet a joué un rôle décisif dans la contestation de l'ami, aidant à coordonner stratégiquement l’information au sein des groupes du réseau, faisant pression sur les politiciens et publicisant les points de vue. Il est presque certain qu’une forme de contestation de l’ami aurait surgi sans l’Internet, mais il est permis de penser que la contestation n’aurait pas connu autant de succès sans celui-ci. Bien que les groupes qui se sont associés pour former le réseau contre l’ami soient diversifiés, le réseau lui-même montre des signes de cohérence en tournant son regard vers d’autres forums et d’autres questions, et en continuant à utiliser l’Internet de manière encore plus efficace. Il serait trompeur de caractériser le réseau anti-ami de communauté ; cependant, il est plus qu’une simple coordination temporaire de groupes isolés. Il est devenu une présence durable sur l’Internet et constitue désormais une force vitale et significative dans l’arène politique. Bien sûr, il serait faux de conclure que l'Internet a joué un rôle déterminant dans la contestation de l'ami, mais il n’en est pas moins vrai qu’il a facilité la diffusion de celle-ci : il est en quelque sorte devenu le nerf du pouvoir pour la nébuleuse coalition de la société civile globale.
9Cet article comprendra les points suivants. En premier lieu, je décrirai les propositions de l’ami et le processus de négociations. Étant donné que ledit processus fut très controversé, il est important de bien comprendre les points de vue antagonistes en présence. J’exposerai ensuite brièvement les opinions des partisans et des détracteurs de l’ami. Finalement, j’examinerai en détail le rôle de l’Internet dans la campagne contre l’ami. Je conclurai avec quelques observations sur la manière dont l’ami est devenu une sorte de précédent pour les relations futures entre les réseaux de la société civile, les États, l’Internet et l’ordre mondial.
L'Accord multilatéral sur les investissements (ami)
10L’histoire de l’ami commence avec l’élargissement de l’intégration économique entre les États développés durant la dernière moitié du xxe siècle. L'accélération des processus de production transnationaux et la hausse parallèle des investissements étrangers directs pendant cette période ont relancé la question des réglementations économiques nationales dans une optique internationale13. Les États capitalistes, sous la pression des entreprises nationales exerçant de plus en plus leurs activités au niveau international, ont été contraints d’aborder des problèmes qui allaient bien au-delà des barrières transfrontalières et concernaient en même temps le commerce régi par les réglementations intérieures. La question fut particulièrement sensible dans le cas des relations d’investissement entre les États-Unis et le Japon, en raison surtout des barrières japonaises « invisibles », question qui se posa finalement à tous les pays industrialisés et en développement.
11C’est dans ce contexte d’élargissement de l’intégration économique que les pressions pour développer des règles multilatérales sur les politiques d’investissement ont évolué14. En 1995, au sommet du g7 à Halifax, le communiqué final endossa l’idée de négocier un cadre de travail multilatéral pour les règles d’investissement sous les auspices de l’ocde, étant entendu que l’accord serait conclu dans un délai de deux ans15. Les vingt-neuf membres de l’ocde produisirent des rapports sur les politiques concernant la libéralisation des investissements depuis 1961 et examinèrent de près la question d’un accord multilatéral sur l’investissement qui aurait vu le jour dès 199116. En fait, l’ocde, à qui on reprochait d’être un « club de riches », accepta de devenir un forum où ne furent pas seulement conviés les pays effectuant des investissements directs, mais d’autres organismes. En réalité, il était clair que les attentes des ministres du g7 étaient que l’ocde soit en mesure d’éviter les problèmes d’actions collectives inhérentes à l’Organisation mondiale du commerce (omc), organisation plus large et plus diffuse sur le plan idéologique, et parvienne rapidement à un accord. Ils ne virent pas toutefois qu’un différent type de problème concernant l'action collective allait émerger suite à la participation obligée de centaines d’organisations non gouvernementales et de contestataires17.
12Les objectifs de l'ami sont consignés dans un rapport rédigé en 1995 à l’intention des ministres de l’ocde par le Committee on International Investment and Multinational Enterprises et le Committee on Capital Movements and Invinsible Transactions. Ces deux comités de l’ocde se sont efforcés par là de constituer un cadre de référence pour la négociation18. L'argument central du rapport faisait état tout d’abord de la croissance des investissements étrangers au sein des « nouveaux marchés ». Soulignant les bienfaits de cette tendance et de la libéralisation qui l’accompagne, le rapport faisait observer que la croissance est freinée par les restrictions et les réglementations gouvernementales, par une tendance à se prévaloir de mesures unilatérales pour résoudre les problèmes et par le manque de cadre de travail multilatéral à l’intérieur duquel les négociations pourraient se poursuivre. Le rapport indiquait qu’un accord multilatéral sur l’investissement permettrait de résoudre ces problèmes en fournissant un cadre de travail élargi pour la protection des investissements, le développement de la libéralisation et la résolution des conflits parmi les membres19. Pour finir, le rapport recommandait que l'ami soit un traité international ouvert à tous les membres de l’ocde et à la Communauté européenne, ainsi qu’aux non-membres de l'ocde, après sa mise en place. À la suite de la publication du rapport, les négociations formelles de l'ocde débutèrent.
13Les opinions concernant les mérites de l’ami sont aussi nombreuses que controversées. Les partisans de l'ami ont prétendu que ces accords allaient contribuer au développement du libre-échange international et favoriser les investissements étrangers directs. Selon eux, cet ensemble de règles multilatérales et de mécanismes de résolution des conflits a l’avantage d’être clair et de s’appliquer uniformément à tous les signataires. De leur côté, les détracteurs de l’ami affirment que ces accords ne vont pas du tout dans le sens des pratiques économiques internationales. Il suffit de se rappeler les exemples des précédents non discriminatoires que l’on trouve au sein du gatt et de l’omc, les clauses sur l’investissement de l’alena, ainsi que les mesures de libéralisation déjà prises unilatéralement ou bilatéralement par plusieurs États industrialisés. L’ami ne fait que transposer ces principes dans un cadre de travail multilatéral élargi, cadre qui finirait par inclure d’autres États20. Les partisans de l’ami ont répliqué que, par-delà la non-discrimination, l’ami n’envisageait pas de forcer les États à se comporter d’une manière spécifique, tous les pays participants gardant le droit de légiférer librement et ainsi d’atteindre leurs propres objectifs nationaux. Le principe de non-discrimination requiert simplement qu’une telle législation ne soit pas dirigée contre les investissements étrangers au profit des investissements nationaux. Étant donné que l’économie de plusieurs États industrialisés comporte de grandes multinationales qui investissent dans des pays étrangers, les bénéfices reliés au fait d'avoir des principes de non-discrimination aussi bien enracinés sont évidents.
14Les détracteurs de l’ami sont composés de plusieurs groupes d'intérêts différents : près de 600 organisations non gouvernementales provenant d’au moins 70 pays (selon certaines estimations21) et provenant de domaines aussi différents que l’environnement, la main-d’œuvre et la culture, ayant chacun leur propre point de vue critique22. Leurs objections se concentrent sur plusieurs thèmes clés, dont le principal est la diminution de la souveraineté de l’État et la croissance du pouvoir et des droits des multinationales. Selon eux, l’ami est une autre brique qui s’ajoute à l’édifice du néolibéralisme économique, cet accord mettant de côté l’environnement, le travail et la réglementation culturelle au profit des grandes entreprises et du capital transnational. Chose encore plus importante, l’ami donne beaucoup trop de droits politiques aux entreprises au détriment de l’État et des citoyens23. Selon la proposition initiale de l'ocde, les multinationales auraient le droit de poursuivre les États si elles ont le sentiment que les lois locales ou nationales leur causent préjudice. Un événement a contribué à alimenter cette peur : la célèbre cause où la compagnie Ethyl a poursuivi le gouvernement canadien. Ce cas est constamment cité par les détracteurs de l’ami24. Faisant intervenir les clauses d’expropriation et de compensation de l’alena, clauses qui ont été reprises dans l’ami, la Compagnie Ethyl poursuivit le gouvernement canadien au sujet de lois environnementales débattues au Parlement canadien qui interdisaient le commerce interprovincial du mmt — un additif à l’essence produit par la compagnie Ethyl. Les détracteurs de l'ami ont vu dans la poursuite de 250 millions de dollars américains intentée par la compagnie, ainsi que dans l’entente de 13 millions et l’abandon de la législation proposée par le gouvernement canadien, un mauvais présage de ce qui pouvait se produire dans le cadre de l’ami25. Des milliers de florissantes multinationales ayant un litige avec un État intenteraient des poursuites lorsque des législations environnementales, sociales ou culturelles ne leur conviendraient pas. Le résultat probable en serait un climat d’extrême prudence face à certaines législations par crainte d’être l’objet de poursuites onéreuses.
15Les initiatives d’Ethyl ainsi que les clauses de l’ami qui ont fait pencher la balance en faveur des intérêts marchands au détriment de la souveraineté de l’État confirment l’idée des critiques selon laquelle il y a une augmentation de la perte de contrôle démocratique au profit des questions économiques à travers les structures étatiques traditionnelles de participation politique. Comme un des énoncés d’un ong l’a souligné, « les intentions de l’ami ne sont pas de réglementer les investissements mais de réglementer les gouvernements »26. Pour la majorité des opposants à l’ami, la mondialisation et tout ce qui l’accompagne est devenue synonyme de marginalisation des droits des citoyens à l’égard des grandes entreprises et de l’anonymat des forces commerciales transnationales. S’est ajoutée à cette vision des choses l’idée que l’ami était négocié dans le secret, sans la participation des assemblées délibératives des États membres et sans que les citoyens soient informés27. C’est précisément cette dichotomie entre le contrôle des entreprises inhérent à l’ami et la participation démocratique — que cette perception soit faussée ou non — qui a retenu l’attention de la population concernant l’ami et qui a réuni des groupes d’intérêts variés autour d’une cause commune. 11 est clair que l’« élite » qui a participé au processus de négociation n’était pas préparée à la vague de critiques engendrée par l’ami.
16Le processus de négociation à l’ocde ne s’est pas déroulé selon le scénario prévu par le communiqué final du g7. Plutôt que de se terminer en 1997, comme cela avait été prévu à l’origine par le Council of Canadians et communiqué sur l’Internet, les négociations furent retardées par certains groupes de la société civile et par des contestataires, autant à Paris que dans les pays des États membres impliqués dans les négociations. En avril 1998, l’ami, de toute évidence, était en difficulté, les ministres de l’ocde annonçant un moratoire de cinq mois sur les négociations afin que les États membres puissent consulter leurs citoyens. Le clou « officiel » planté dans le cercueil de l’ami fut toutefois le retrait du gouvernement français en octobre 1998 à la suite de la sortie du rapport Lalumière, étude commandée par le gouvernement Jospin dans laquelle était critiqué le processus de négociations et le contenu de l’ami. Les contestataires furent satisfaits de la victoire à court terme signalée par la fin du processus concernant l’ami à l’ocde. Ils s’attendent aujourd’hui à ce que la question des règles multilatérales sur l’investissement économique se poursuive dans un forum différent, probablement celui de l’omc28.
Le rôle de l'Internet
17Les premiers rapports sur le processus de l’ami ont souligné à quel point l’Internet avait contribué au succès des réseaux de la société civile. Ce point de vue fut corroboré par tous ceux qui étaient impliqués directement dans le processus. Mais comment l’Internet a-t-il été utilisé ? Quel rôle a-t-il joué dans le développement du militantisme ?
18L'Internet a exercé un triple rôle dans la contestation de l’ami. Tout d’abord, il était indispensable pour communiquer rapidement les informations aux membres du lobby anti-Ami, groupe de pression qui fut réparti en plusieurs juridictions étatiques autant dans les pays développés que dans les pays en développement. Le fait que des contestataires locaux provenant de régions disparates autour du globe aient pu communiquer une information complète à travers plusieurs fuseaux horaires peut sembler aujourd’hui une évidence, mais cela est remarquable en comparaison de ce qui se faisait il y a une dizaine d’années. Bien entendu, le téléphone, le fax et le courrier ont été utilisés par les contestataires pendant longtemps et furent utilisés de manière complémentaire dans la campagne contre l'ami. Cependant, l’Internet a formé une infrastructure technologique que les moyens traditionnels n’auraient pu réussir.
19Au centre de l’infrastructure se trouvent plusieurs bases de données électroniques, à savoir des listes d’envoi qui distribuent l’information aux participants à travers le monde. Ces bases de données forment la ramification matérielle qui soutient la campagne contre l'ami. Une information provenant de n’importe quel participant est aussitôt transmise à tous ceux qui sont sur la liste. De cette manière, les membres du lobby anti-AMI sont informés des négociations, des rencontres, des campagnes publicitaires, des éditoriaux, des sites Internet intéressants et de l’information générale29. Les trois bases de données les plus significatives sont la stop-mai d’Australie, le mai-not administré par le Public Citizen’s Group of the United States et le mai-not provenant d’Ottawa, bien que d’autres bases de données contiennent elles aussi des discussions se rapportant également à l’ami. Normalement, le trafic sur ces bases de données est de 30 à 40 messages par jour, le volume pouvant augmenter parfois en raison de certains événements30. On trouvera dans l’Appendice A un message récent envoyé au mai-not qui fournit un exemple typique du genre de message envoyé sur ces bases de données. Ce message nous renseigne sur une rencontre éventuelle de l’omc, nous fournissant les coordonnées de la rencontre, les noms des ministres qui y participent et un échantillon de lettre que l’on peut imprimer et faxer à ceux-ci pour faire pression sur eux. Ce message est l’un des 13 000 que l’on trouve dans cette seule base de données. Il constitue un exemple fort éloquent du pouvoir stratégique conféré par une des composantes de l’Internet. En fournissant une forme d’intelligence distribuée, les bases de données aident à accroître la connaissance, la capacité et la force de réaction des réseaux anti-ami, ce que ne peuvent accomplir le téléphone ou le fax31.
20En plus d’améliorer l’efficacité des membres du réseau anti-ami, l’Internet a également permis aux contestataires individuels et aux groupes disséminés dans le monde de converger en une force cohérente. La nature spécifique de la relation qui fut forgée par ces groupes disparates sera examinée plus en détail ci-dessous. Ce qu’il est important de retenir ici, c’est la façon dont l’Internet a facilité la coordination des activités journalières des groupes anti-ami, en attirant l’attention des membres sur des questions communes et, en même temps, en contribuant à l’édification d’un objectif commun. Même si ce phénomène d’interaction parmi les membres du réseau anti-ami peut être retracé bien avant l’Internet, il n’en demeure pas moins qu’auparavant la convergence était à la fois plus conventionnelle et plus sporadique. Par exemple, les contestataires des États-Unis et du Canada qui s’opposaient aux Accords de libre-échange de 1998 ont communiqué entre eux à l’aide de fax, de téléphones, de lettres et de conférences formelles. Bien que ces démarches aient forgé des liens vitaux dans la campagne contre l’ami, l'Internet a permis d’ajouter une interaction profonde entre ces liens, d’intensifier ainsi les rapports entre les différents membres et de susciter un sens commun international. Comme Maude Barlow du Council of Canadians l’a souligné en pleine campagne, « nous sommes constamment en contact avec nos alliés des autres pays. Si un négociateur dit quelque chose devant un verre de vin, ce sera sur l’Internet une heure après et transmis partout dans le monde [...]. Si nous savons quelque chose qui touche un gouvernement, nous le transmettons instantanément à nos alliés dans ce pays »32.
21En outre, l’Internet contribua à rendre publique l’information au sujet de l’ami — ainsi que l’interprétation qu’en font les contestataires — et à la transmettre à une communauté élargie d’utilisateurs. En réalité, l’élément le plus important dans cette distribution de l’information fut la série de pages d’accueil des groupes contestataires de l’ami, bien que les différentes bases de données aient joué elles aussi un rôle non négligeable. Plusieurs sites anti-ami, comme celui du Preamble Collective, du Public Citizen's, du Polaris Institute et du Council of Canadians, furent des points névralgiques pour la distribution de renseignements fournissant des mises à jour sur le progrès des négociations, sur les différentes interprétations que l’on peut en faire et sur la mondialisation en général, ainsi que sur certains types de discours et sur des démonstrations. Une fois de plus, l’Internet a montré quels étaient ses avantages par rapport aux formes traditionnelles de communication. En permettant aux créateurs de sites Internet ayant peu de compétence technique d’envoyer des images, du texte, des graphiques, et même des bandes audio et vidéo à un grand public, les pages Web donnent aux individus le sentiment de pouvoir réagir à l’information, ce qui n’était pas le cas auparavant. Alors que, dans les campagnes précédentes, un militant aurait mis en place un kiosque sur un campus universitaire, dans un centre commercial ou dans un lieu de culte, les contestataires d’aujourd’hui créent des kiosques d’informations « virtuels » qui ont la capacité d’atteindre des milliers pour ne pas dire des millions de gens autour du globe, et ce 24 heures par jour. Ils semblent ainsi conférer une légitimité à l’information véhiculée (bien qu’il soit difficile d’en être sûr), du seul fait qu’elle se trouve sur Internet.
22Une importante dimension collective des pages d’accueil, qui a accru leur publicité, fut la pratique commune de référencement réciproque des sites anti-ami. Pratiquement, toutes les pages d’accueil du réseau avaient une liste de liens vers les autres sites faisant campagne. Dans plusieurs cas, des essais et des articles provenant d’un site étaient reliés directement à partir d’autres sites, donnant ainsi aux auteurs une couverture qui aurait été impensable sans l’Internet. Par exemple, l’essai de Tony Clarke, « mai-Day : the Corporate Rule Treaty » fut mis en lien direct par plus d’une douzaine de sites à travers le monde33. Le site Internet du Preamble Collective fut référé par plus de 50 autres sites Internet34. Les pages d’accueil ont également servi de dépositaires d’informations utiles aux militants et furent décisives pour la campagne de protestation, étant trop grande pour être distribuées parmi les bases de données. Un bon nombre de pages incluaient un survol du contexte des négociations de l'ami, ainsi que des essais concernant l’économie politique internationale. Une page d’accueil présentait un long sondage sur les membres du Parlement canadien au sujet de leur point de vue et de leur connaissance de l’ami. Une autre page d’accueil avait une liste détaillée d’adresses, de numéros de téléphone et de fax des éditeurs principaux des grands quotidiens nord-américains35. La plupart des sites fournissaient de l’information sur l’ami dans un langage non technique, comprenant des précisions sur les questions commerciales et l’investissement, qui contrastaient singulièrement avec le langage spécialisé utilisé par les documents techniques de l’ocde et des États membres36. Il est difficile de savoir quelle fut la quantité de renseignements utilisés par les « déjà convertis » ; toutefois, il est certain que, parmi les membres du réseau, un accès à une telle quantité d’informations détaillées a soutenu la force et la capacité intellectuelle de la contestation.
23L’utilisation d’Internet permit enfin d’exercer une pression directe sur les politiciens des États membres. Plusieurs sites opposés à l’ami fournissaient les adresses électroniques des députés et des représentants de l’État37. Plusieurs documents comprenaient des lettres types pouvant servir à communiquer la désapprobation de l’auteur, lettres que l’on pouvait rédiger en n’appuyant que sur une touche38. Une telle capacité technologique peut être responsable de la création d’un nouveau type « de militantisme assis » où les gens peuvent s’impliquer dans une campagne comme celle du réseau anti-ami, sans même avoir à quitter leur bureau, réduisant ainsi l’implication physique et/ou les risques reliés à la participation à des manifestations traditionnelles. Un site fournissait entre autres une série d’échantillons de résolutions urbaines contre l'ami, des astuces sur la manière de faire pression sur les conseils municipaux pour les faire adopter, des récits sur les militants qui y étaient parvenus39. Plusieurs des résolutions qui furent acceptées — au conseil municipal de Berkeley et à Mississauga, pour ne donner que deux exemples — contenaient des textes identiques fournis par un site Web situé à Washington (D.C.). D’autres municipalités adoptèrent des résolutions avec seulement quelques modifications mineures apportées au texte. Dans les bases de données et les sites Web, les endroits et les jours où d’importantes rencontres de l’AMI se déroulaient étaient annoncés d’avance, afin que des protestations puissent être coordonnées stratégiquement. Même les dates et les lieux où des politiciens importants se rencontraient à propos de sujets non directement reliés à l'ami étaient annoncés afin que les militants puissent avoir la chance de protester. Bien qu’il soit difficile d’évaluer à quel point les politiciens sont devenus insensibles aux bombardements et aux pétitions électroniques, il est certain que l’action concertée et constante de nombreux groupes dans le monde leur a donné à penser40.
Et si l'Internet n'était pas disponible pour la campagne ?
24Les trois façons d’utiliser l’Internet au cours de la campagne indiquent que la Toile fut une composante intégrale de la contestation. Mais quelle fut son importance ? La campagne aurait-elle été différente et les résultats différents sans l’Internet ? Pratiquement tous les militants impliqués affirment que la campagne n’aurait pas été aussi efficace41. En revanche, savoir si la campagne de protestation n’aurait pas eu lieu s’il n'y avait pas eu l’Internet est une tout autre question ! On peut sans doute soutenir que les forces de libéralisation ont rencontré une résistance et une critique croissantes à travers le monde, plus particulièrement à la lumière des chocs boursiers qui se sont produits en Asie orientale42. En ce qui concerne l’AMI, plusieurs ont eu le sentiment qu’on allait au-delà de l’acceptable en facilitant le commerce mondial au détriment de la souveraineté et de l’autonomie des États. En d’autres mots, plusieurs intervenants ont fait connaître leur opposition à l’élargissement du capitalisme transnational sans tenir compte du lieu et des moyens leur permettant de communiquer leurs préoccupations.
25Il se peut que la meilleure preuve de la mise en place d’un réseau anti-ami se trouve dans la nature même du réseau qui le contestait. Si l’Internet en soi avait pu spontanément engendrer le réseau anti-AMI43, alors nous aurions été en droit de nous attendre à une répartition plus uniforme des participants, laquelle aurait correspondu d'une manière générale à la démographie des participants Internet de chaque pays. Bien qu’il y ait eu des groupes aux États-Unis, comme le Preamble Collective et le Public Citizens par exemple, qui étaient les plus en vue dans le réseau anti-ami, l’importance relative du réseau de ces participants n’a rien eu à voir avec le nombre disproportionné d’utilisateurs de l’Internet provenant des États-Unis par rapport aux autres pays. D’autres groupes furent nécessaires à la campagne comme ceux du Canada, de la France, de la Nouvelle-Zélande, de la Malaisie et de l’Australie. Les groupes appartenant aux pays qui ont participé au réseau anti-ami, tels le Council of Canadians du Canada ou le Third World Network de Malaisie, ont une longue histoire de militantisme contre les grandes multinationales et leur relation réciproque remonte bien avant l’ami44. Pour ces groupes, s'opposer à l’ami est une simple bataille dans la grande guerre contre le néo-libéralisme et la mondialisation économique qui bat son plein depuis plus d’une dizaine d’années. Il n’est pas surprenant que de tels groupes, ainsi que leur contrepartie américaine, aient été les noyaux les plus importants du réseau. Il est dès lors certain qu’une forme de militantisme anti-ami aurait émergé même sans l’aide d’Internet. La manière dont l’Internet a accru le pouvoir et la capacité du réseau indique toutefois que la campagne aurait été très différente.
26Les formes plus anciennes de communication, comme les réseaux téléphoniques, n’auraient pas eu la capacité technologique de permettre l’échange d’informations suffisant à la coordination stratégique de l’information. Même si des lettres et des notifications de manifestations avaient pu être distribuées en grande quantité par fax, cette dernière méthode ne possède pas l’interactivité et la flexibilité des réseaux informatiques. Sur les bases de données par exemple, l’information est envoyée et distribuée, souvent accompagnée de commentaires des participants, de manière à ce que le même message puisse circuler des dizaines de fois à travers le réseau, se modifiant au fur et à mesure de base de données en base de données. De plus, le téléphone et le fax n’ont pas la capacité de publication propre aux pages Web. Le seul moyen de communication comparable à l’Internet était dans le passé la distribution de prospectus et les kiosques d’information. Certes, ces derniers moyens constituent toujours la base du militantisme, et ont été utilisés sur plusieurs campus universitaires durant la campagne contre l’ami. Mais, avec l’Internet, l'information a une présence permanente sur le terrain et une portée internationale. Si le réseau anti-AMI avait émergé avant l’existence d’Internet, la campagne aurait sans doute été moins connectée et plus stagnante, et n’aurait peut-être connu aucun succès.
27Certains prétendent que ni le militantisme des citoyens ni l’Internet n’ont à voir avec l’échec des négociations, et que celui-ci se serait produit avec ou sans contestation, avec ou sans l’Internet. Cet argument repose sur l’idée que les négociations étaient problématiques dès le départ en raison des désaccords entre les États membres au sujet d’exemptions sectorielles des principes de base de l’ami45. Des pays comme le Canada et la France, par exemple, émettaient de fortes réserves au sujet de l’application des principes de traitement national vis-à-vis du secteur culturel, alors que les États-Unis étaient vivement opposés à de telles exemptions. On prétend également que le retrait de la France a sonné le glas de l’ami. Si cela était vrai, un tel argument devrait soulever de sérieuses questions concernant le pouvoir général des réseaux de la société civile, ainsi que sur la portée de la contribution de l’Internet à leur succès. Étant donné l’impossibilité de rouvrir cet épisode, il est vain de vouloir vérifier avec certitude si cet argument est ou non pertinent.
28Une des manières possibles d’aborder la question est toutefois d’examiner quelles furent les réactions des États membres et des organisations internationales à la veille de l’ami. Si l’impression des participants avait été que le militantisme des citoyens n’était rien de plus que « de la roupie de sansonnet », il est probable qu’ils n’auraient proposé aucun changement à leur conception du commerce, à leur manière de voir les politiques d’investissement et à leur façon d’envisager les négociations. En revanche, si leur impression est aujourd'hui différente, ils devront s’adapter à cette nouvelle force qu’est le militantisme de la société civile. Heureusement, un certain temps s’est écoulé depuis l’échec de l’ami : nous pouvons commencer à observer actuellement l’attitude de certains gouvernements et de certaines organisations internationales à l’endroit des différents groupes de la société civile. Même si l’étude du comportement des 29 États membres va au-delà des prétentions de cet article, il n’est pas sans intérêt de considérer quelques-unes des réponses politiques que certains de ces États ont données et la position qui a été adoptée par l’omc.
29Aux États-Unis, le United States Trade Representative (ustr) a pris quelques mesures, très modestes, concernant la divulgation de l’information aux groupes de la société civile. Toutefois, il n’a pas vraiment modifié son point de vue fondamental sur les avantages du néolibéralisme économique. Les groupes de militants qui ont eu des relations avec l'ustr pendant et après les négociations de l'ami parlent d’un changement graduel qui s’est opéré au sein de cet organisme, passant d’un manque de transparence total et d’une marginalisation des ong à une plus grande transparence et à un engagement sérieux. À l’heure actuelle, l’ustr réclame une plus grande transparence lors des prochaines rencontres de l’omc, allant même jusqu’à rencontrer les groupes de militants dans plusieurs villes du pays afin de solliciter leurs points de vue46. Certains groupes qui ont eu des contacts avec l’ustr perçoivent là une ouverture qui est plus qu’une simple façade : de toute évidence, l’ustr croit que certains changements procéduraux, pour ne pas dire idéologiques, seront nécessaires, compte tenu du nouvel environnement créé par le militantisme. En Australie, les négociations initiales de l’ami furent conduites par le Treasury Department, et furent confinées à un petit nombre de bureaucrates jusqu’à ce que les contestataires de l’ami et la coalition stop-mai alertent d’autres membres du gouvernement, plus particulièrement des membres du Parlement australien47. Depuis l’échec de l’ami, l'Australian Department of Foreign Affairs and Trade a demandé l’avis du public sur ce que devrait être la position de l’Australie et tient des audiences publiques à travers le pays sur les politiques commerciales. Il a également affiché de nombreux articles de discussion sur son site Web afin d’aider ceux qui participent aux débats48. Au Canada, le département des Affaires étrangères et du commerce international est allé encore plus loin en adoptant des changements dans les procédures opérationnelles habituelles. Le département a tenu une rencontre « à enjeux multiples » avec les entreprises concernées et plusieurs groupes de citoyens le 20 mai 1999. Il a construit un site Web détaillé, intitulé « nous voulons vous entendre », qui inclut des articles contextuels et de discussion consacrés aux négociations commerciales et à l’investissement, questions sur lesquelles les Canadiens sont appelés à se prononcer49. En discutant en privé avec l’auteur, les représentants du département ont affirmé que ce changement d’attitude, bien qu’il se soit manifesté avant l’ami, a connu une accélération à la suite de l’expérience de ce dernier.
30L’omc a effectué des changements importants au niveau de ses procédures opérationnelles, dans le sens d’une plus grande transparence et d'un plus grand engagement envers les groupes de la société civile. En juillet 1998, l’ancien directeur général de l’omc, Renato Ruggiero, annonçait un plan visant à accroître l’engagement et la consultation auprès des groupes de la société civile50. Selon le plan établi, les ong sont maintenant invitées aux rencontres ministérielles et aux colloques de l’omc. L’omc fait parvenir aux États membres de l’information fournie par les ong ; du reste, une section spéciale du site Web de l'omc est dorénavant entièrement réservée aux questions touchant les ong. Certains groupes de la société civile ont été invités à assister, à titre consultatif, aux rencontres ministérielles de l’omc en 1999, lesquelles ont fini par provoquer une énorme contestation.
31Bien qu’on ne puisse affirmer que le programme sur le commerce et l'investissement ait été soumis à une remise en question dans le sillage de l’ami, il faut admettre cependant que les procédures opérationnelles de négociation avec les groupes de la société civile ont subi des transformations. Les États mettent davantage l’accent sur la transparence, par exemple en mettant à la disposition du public certains documents et articles contextuels. De plus en plus, la population et les militants sont invités à donner leur avis sur les documents faisant état d’une position officielle. Des consultations et des rencontres avec certains groupes ont été tenues. Évidemment, il faut être prudent quant aux conclusions que l’on peut tirer de pareilles initiatives. De nombreux groupes craignent que les interventions des États et des organisations internationales soient moins un engagement sincère qu’une co-option, certains considérant cette nouvelle ouverture comme une façade ou un « show » et non pas comme un véritable changement dans la manière dont sont formulées les politiques. Ces réserves ne doivent pas être prises à la légère. Mais, en même temps, on ne doit pas sous-estimer le fait qu’une telle transformation des procédures, même minimale, puisse élever les attentes, créer une dépendance et ouvrir des portes qui ne pourront être refermées. En définitive, de telles transformations indiquent à tout le moins que les États et les organisations internationales ont constaté d’importants changements dans le pouvoir des militants anti-AMI, lesquels doivent être pris sérieusement en considération51. Adopter une position « comme si de rien n’était » envers les groupes de la société civile est une attitude qui a été clairement rejetée. On doit donc admettre que le militantisme a eu de véritables répercussions.
Le réseau anti-ami constitue-t-il une « communauté » ?
32Il est clair que l’Internet fut la base d’un réseau international très vivant et très dense de contestataires. Mais quelle est la nature de la relation entre les groupes qui composent le réseau ? Pouvons-nous définir ce réseau comme une « communauté » ? Sont-ils un exemple de « société civile globale » ? Dresser un tableau complet du réseau mondial anti-ami est difficile, car ce groupe comprenait des individus et des organisations non gouvernementales qui ont quitté le réseau depuis que le processus de négociations s’est arrêté. On peut toutefois avoir une bonne idée de ce qu’il en est grâce à la liste des individus et des groupes qui ont signé des pétitions pour que l’ami soit transféré de l’ocde à l’omc. Un des aspects les plus frappants de cette pétition, mise à part sa taille, c’est la diversité de ses membres. On retrouve côte à côte la fondation gaia du Royaume-Uni, le Council of Canadians, l’Instituto Brasileiro de Analises Sociais e Economicas, le Sarawak Campaign Comittee of Japan. Un pareil éventail d’individus et de militants peut-il être considéré comme une véritable « communauté »52 ?
33Par ailleurs, bien que certains groupes impliqués dans le réseau, tels le World Wildlife Fund, Greenpeace et le Third World Network puissent être qualifiés de multinationaux, la vaste majorité des participants à cette campagne de protestation sont des organisations nationales53. Des associations comme le Council of Canadians au Canada, la coalition stop-mai en Australie, le Preamble Collective et le Public Citizens aux États-Unis concentrent toutes leurs énergies vers les politiques de leur pays respectif. Ces différents organismes ont établi entre eux des liens assurément bénéfiques, mais ils n’ont pas pour autant renoncé à leur identité nationale ni à leurs objectifs premiers au profit d’une identité mondiale et virtuelle. Le réseau anti-ami est fondamentalement une alliance internationale d’ong nationales ou transnationales et de militants, bien plus qu'un mouvement social n’ayant d’existence que dans le cyberespace.
34L’Internet a permis à ces organisations nationales de se regrouper et de s’associer à des organisations multinationales. L’échange de liens sur la Toile et la vivacité des bases de données montrent à l’évidence qu’il y a là plus qu’une simple convergence occasionnelle d’intérêts. En d’autres termes, même si le réseau a été créé autour de l'ami, tout indique qu’il se maintiendra dans le futur. Quelques-uns des plus importants sites ont maintenant intégré leur campagne anti-ami à une campagne plus large contre « les règles corporatives », voire contre le néolibéralisme, à côté d’autres secteurs tout aussi préoccupants. La plupart portent leur attention principalement sur les rencontres ministérielles de l’omc, de même que sur les discussions concernant l’élargissement de l’alena aux Amériques. Ce que l’Internet a engendré, c’est une nouvelle « espèce », c’est-à-dire un réseau de militants et d’individus disséminés dans de nombreux pays et reliés par des listes d’adresses électroniques et des sites Web, réseau qui surveille l’économie politique mondiale comme un chien de garde virtuel. Ce réseau est capable de passer du niveau local au niveau national ou mondial et d’aborder un certain nombre de questions à l'un ou l’autre niveau. Même si, à vrai dire, l’Internet n’a pas créé le militantisme anti-ami, il a tout de même fait plus que faciliter le militantisme existant. En réalité, il a suscité une nouvelle formation politique sur le plan mondial, avec lequel les États et les organisations internationales doivent désormais compter.
Conclusion
35Le cas de l’ami est un exemple instructif de la manière dont l’Internet a augmenté la vivacité et la capacité des réseaux de la société civile. À travers l’Internet, des militants du monde entier ont été en mesure de consolider leurs connaissances, leurs aptitudes et leurs ressources pour bâtir une campagne supranationale. La flexibilité et la vitesse du réseau ainsi que sa portée internationale lui ont permis d’envahir et de déranger le processus de négociations de l’ami, en travaillant à rebours du processus politique des États membres impliqués dans les négociations. Certes, l’ami va probablement réapparaître sous une autre forme et se manifester dans d’autres rencontres ; toutefois, il faut dire que le réseau qui l’a contesté n’a pas disparu lui non plus. En fait, il a commencé à accroître ses ambitions, comme on a pu le constater, entre autres, par les manifestations organisées à Seattle en 1999, à Washington en 2000 et dans la ville de Québec en 2001. Il est probable que, quel que soit l’endroit où de telles négociations se tiendront, un réseau anti-ami se tiendra à la périphérie, participant de manière non officielle aux délibérations gouvernementales.
36Que peut-on retenir du cas particulier de l’ami concernant le pouvoir potentiel des réseaux de la société civile en général ? Il est évident que ces mouvements ainsi regroupés, qui forment « la société civile globale », n'ont pas le même pouvoir structurel que les forces du marché commercial. Plus important encore, il leur manque un engagement commun dans un système de valeurs, qui leur permette de traduire les micro-décisions des capitalistes individuels en un effet structurel au niveau des États. Il se peut que cela se fasse à certaines occasions, par exemple lorsque des réseaux de musulmans, de gauchistes anticorporation, de néo-nazis, d’environnementalistes, de féministes et de militants antinucléaires font converger leurs réponses lors d’un débat public54. Toutefois, bien qu'il leur manque la structure de pouvoir propre aux forces du marché, de nombreux groupes ont de plus en plus ce que Ton pourrait appeler, pour emprunter l’expression de Michael Mann, un pouvoir « intersticiel », c’est-à-dire une influence légitime sur les frontières ou sur les marges de questions spécifiques55. Au niveau exigeant de l’économie politique internationale, le cas de l’ami montre que de tels réseaux pourraient remporter des victoires à court terme et obtenir des concessions. L’influence associative de ces réseaux repose donc non pas tant sur leur effet « structurel » face aux politiques des États individuels que sur leur influence « intersticielle » au sein de questions politiques d’intérêt public56. Une telle influence renforce les points de vue exprimés dans ce volume selon lesquels la mondialisation est un processus à l’intérieur duquel un grand éventail de choix et de projets est possible, bien que circonscrit par des ressources de pouvoir différentielles exercées par des acteurs mondiaux.
37Une question plus importante est toutefois la légitimité des réseaux de la société civile quant à leur participation au monde politique. Cette interrogation est essentielle, car elle cherche à déterminer qui sont les « acteurs » principaux dans l’arène politique mondiale. Avant l'ami, la situation n’était pas très claire ; aujourd’hui, il est certain qu’aucun processus de négociation international important n’aura lieu sans que des dizaines, des centaines, voire des milliers d’organisations non gouvernementales et de militants gravitent autour de lui. Possédant l’Internet comme infrastructure informationnelle, ces militants se sont taillé un espace non territorial, circulant dans et autour des espaces politiques habituellement occupés par les États57. Comme nous l’avons montré ci-dessus, les États et les organisations internationales commencent à prendre les mesures nécessaires pour inclure les groupes de la société civile dans le processus décisionnel politique, mais de tels changements ne sont pas simples. Par-delà les cauchemars logistiques, une transformation de cette ampleur dans le monde politique soulève des questions fondamentales quant à la structure de base de la participation et de la représentation politiques. L’avenir nous réserve sans doute beaucoup de divergences sur la manière dont on va inclure les ong et les contestataires au sein des processus décisionnels nationaux et internationaux. La question de savoir s’il faut les inclure étant déjà controversée.
Notes de bas de page
1 Voir R. J. Deibert, Parchment, Printing, and Hypermedia : Communication in World Order Transformation, New York, Columbia University Press, 1997 ; M. Castells, The Information Age : Economy, Society, and Culture, Oxford, Basil Blackwell, 1996, vol. I, II et III. Pour une analyse plus détaillée des questions discutées ici et à partir desquelles ont été développées certaines sections de cet article, voir R. J. Deibert, « International Plug n’Play : Citizen Activism, The Internet, and Global Public Policy », in International Studies Perspectives, 1, 3 (2000), p. 255-272.
2 Voir D. M. Andrews, « Capital Mobility and State Autonomy : Towards a Structural Theory of International Monetary Relations », in International Studies Quarterly, 38 (1994), p. 193-218 ; S. Gill, « Economic Globalization and the Internationalization of Authority : Limits and Contradictions » in Geoforum, 23, 3 (1992), p. 269-283 ; S. Gill et D. Law, « Global Hegemony and the Structural Power of Capital », in International Studies Quarterly, 33 (1989), p. 475-499 ; et M. Webb, « International Economic Structures, Government Interests, and International Coordination of Macroeconomic Adjustment Policies », in International Organization, 45 (1991), p. 309-342.
3 Voir, par exemple, D. Archibugi, D. Held et M. Kohler (dir.), Re-Imaging Political Community, Stanford, Stanford University Press, 1998 ; R. Cox, « Civil Society at the Turn of the Millennium : Prospects for an Alternative World Order », in Review of International Studies, 25, 1 (janvier 1999), p. 3-28 ; R. Falk, « Challenges of a Changing Global Order », in Peace Research : The Canadian Journal of Peace Studies, 24, 4 (novembre 1992), p. 17-24 ; R. Falk, On Humane Governance : Toward a New Global Politics, Cambridge, Polity Press, 1995 ; J. Matthews, « Power Shift », in Foreign Affairs, 76, 1 (janv./fév. 1997), p. 50-66.
4 Pour une discussion générale du concept de « société civile globale », voir R. Lipschutz, « Reconstructing World Politics : The Emergence of Global Civil Society », in Millennium : Journal of International Studies, 21, 3 (1992), p. 398-420 ; et L. R Thiele, « Making Democracy Safe for the World : Social Movements and Global Politics », Alternatives : Social Transformation and Human Governance, 18, 3 (été 1993), P. 273-306.
5 Dans une étude sur les mouvements sociaux, S. Tarrow a montré que la confiance collective essentielle aux mouvements sociaux ne peut se développer sans une expérience partagée par le biais d’un contact personnel, ce facteur ayant des répercussions contraignantes sur le militantisme par l’Internet. Voir S. Tarrow, « Power in Movement : Social Movements and Contentious Politics », Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 193 ; et V. Krishnamurthy, « Global Civil Society and the Multilateral Agreement on Investment » (manuscrit non publié, Toronto, 1999).
6 R. Kraut et al., « Internet Paradox : A Social Technology that Reduces Social Involvement and Psychological Well-Being » in American Psychologist, 53, 9 (septembre 1998), p. 1017-1031.
7 C. Calhoun, « Community Without Propinquity Revisited : Communications Technology and the Transformation of the Urban Public Sphere », in Sociological Inquiry, 68 (1998), p. 373.
8 Par exemple, voir R. Price, « Reversing the Gun Sights : Transnational Civil Society Targets Land Mines », in International Organization, 52, 3 (été 1998), p. 613-644 ; K. Sikkink, « Human Rights, Principled Issue-Networks, and Sovereignty in Latin America », in International Organization, 47 (été 1993). p. 411-444 ; P. Wapner, « Politics beyond the State : Environmental Activism and World Civic Politics », in World Politics, 47, 3 (avril 1995), p. 311-340.
9 Je préfère dire potentiel, car la question de savoir si les acteurs économiques les plus puissants au monde appuient l’ami à travers le processus de négociation en entier est discutable, comme on le verra ci-dessous.
10 Encore une fois, on peut se demander si le réseau de la société civile a gagné la campagne, dans la mesure du moins où il y a d’autres explications possibles (explications dont je discuterai par la suite, et qui attribue la mort de l’ami à des facteurs ne se rapportant pas à la société civile).
11 Voir plus particulièrement S. Kobrin, « The mai and the Clash of Globalizations », in Foreign Policy, automne 1998 ; P. Morton, « mai Gets Tangled in the Web », in Financial Post, 22 octobre 1998, p. 3 ; et M. Drohan, « How the Net Killed the mai », in Globe and Mail, mercredi, 29 avril 1998, p. a1 et a3. Certains partisans de l’ami croient que l’accent mis sur le rôle joué par l’Internet exagère la portée du militantisme né spontanément de celui-ci. Comme je le soutiens infra, l’Internet a facilité le militantisme, mais ce dernier serait sans doute apparu sans lui. Toutefois, on doit ajouter qu’il a engendré une nouvelle sphère autonome de militantisme qui n'existait pas auparavant.
12 Voir le Rapport sur l’Accord multilatéral sur l’investissement (ami), Rapport Intérimaire — septembre 1998, Gouvernement français. Dispoonible sur Internet (25 septembre 1998) : www.finances.gouv.fr/pole_ecofin/international/amio998/amio998.htm
13 Pour des études sur cette question, voir S. Berger et R. Dore (dir.), National Diversity and Global Capitalism, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1996 ; R. O. Keohane et H. V. Milner (dir.) Internationalization and Domestic Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 ; et B. A. Simmons, Who Adjusts? Domestic Sources of Foreign Economy Policy During the Interwar Years, Princeton, Princeton University Press, 1997.
14 Voir, par exemple, T. L. Brewer et S. Young, « The Multilateral Agenda for Foreign Direct Investment : Problems, Principles, and Priorities for Negotiation at the oecd and wto », in World Competition, 18, 4 (1995), p. 67-83.
15 A. M. Rugman, « The Political Economy of the Multilateral Agreement on Investment », article présenté au symposium universitaire « Prospects for the Birmingham Summit 1998 », organisé et subventionné par Clifford Chance, le Groupe de recherche sur le G8 de l’Université de Toronto et le Centre de recherche sur les É.-U. au London School of Economics, le 12 mai 1998.
Sur internet à l'adresse : http://0-www-library-utoronto-ca.catalogue.libraries.london.ac.uk/g7/annual/rugman.htm
16 Voir le Code of Liberalisation of Capital Movements de l’ocde qui se trouve à l’adresse (12 décembre 1961) <www.oecd.org/daf/cmis/codes/clcmart.htm>
Le principe de « traitement national », qui sera au cœur de l’ami des années plus tard, est clairement expliqué dans la section « investissement » de ce document. Voir partie I, article I, section b, où il est dit que les « membres devront s’efforcer de traiter les capitaux des non-résidents indépendamment de la date de leur formation, et devront permettre la liquidation des capitaux appartenant aux nonresidents et le transfert de tels capitaux ou des montants de liquidation ».
17 Certains ont critiqué les premiers négociateurs de l'ami, les traitant de naïfs au sujet de l’ampleur de l’intrusion des réseaux de la société civile. D’autres ont soutenu que ce qui s’était passé à l’ocde avait quelque chose d'ésotérique et était, somme toute, de peu d'intérêt pour le grand public. Il n’était donc pas nécessaire d’en attendre pareille fureur.
18 À l’adresse Internet : <http://www.oecd.org/daf/cmis/mai/mairap95.htm>
19 Des mécanismes efficaces de résolution des conflits sont absents de la plupart des organisations internationales. Pour ceux qui ont des réserves concernant la mondialisation économique, la mise en place de tels mécanismes dans les régimes internationaux est un indice que l’autorité échappe de plus en plus aux États souverains.
20 Stephen Kobrin souligne qu’il y avait à peu près 1500 traités d’investissement bilatéraux existants avant les négociations de l'ami, ce qui expliquerait la force de développement des règles multilatérales (afin de réduire les coûts de transaction) et l’argument selon lequel l’ami n’est pas totalement nouveau par rapport à ce qui se faisait. Voir Kobrin, « The mai and the Clash of Globalization ».
21 Ibidem.
22 Pour une perspective environnementale sur l’ami, voir « Ten reasons to Oppose the mai », par le Friends of the Earth, à l’adresse suivante :
<www.foe.org/international/trade/mai/tenreasons.html>
Pour une perspective culturelle contre l'ami, voir G. T. Neil, « mai and Canada’s Cultural Sector », octobre 1997, sur Internet à l’adresse (25 septembre 1999) :
<www.culturenet.ca/cca/gnmai.htm>
23 Voir Steven Shyrbman, « The Rule of Law and Other Impediments to the mai », in West Coast Environmental Law, avril 1998. Disponible sur Internet :
<www.vcn.bc.ca/wcel/mai/s041598.html>
24 Pour une analyse du point de vue des militants anti-ami, voir J. Harvey, « Ethyl Corporation vs. Government of Canada ». Disponible sur Internet (25 janvier 2002) : <www.nassist.com/mai/ethylx.html>
25 Voir T. Pritchard, « Law Suits Are Prompting Calls for Changes to Clause in nafta », in New York Times, 19 juin 1999, p. 2. Après avoir démontré que la célèbre clause du « chapitre 11 » de 1’alena va dans les deux sens, la Methanex Corporation de Vancouver en Colombie-Britannique a récemment intenté une poursuite de 970 millions contre le gouvernement des États-Unis, se rapportant à des dommages reliés au fait que la Californie aurait banni l’importation d’un additif à l’essence, l’oxyde de tert-butyle et de méthyle (methylteriarybutylether ou mtbe).
26 Les énoncés des ong sur l’ami, ngo/oecd Consultation on the mai, Paris, 27 octobre 1997. Disponible sur Internet à l’adresse (25 septembre 1999) : < www.corpwatch.org/trac/feature/planet/mai_ngo.html>
27 Le prétendu secret des négociations de l'ami est une question controversée. Les détracteurs de cette option soutiennent que les négociateurs de l’ami ont délibérément tenté d’obtenir un accord à l’insu du public, reproche qui s’appuie sur le fait que, lorsque beaucoup de représentants élus du Canada, des États-Unis et d’ailleurs ont été mis au courant de l’ami par ceux qui s’y opposaient, ils furent irrités de ne pas en avoir été avisés par leurs gouvernements respectifs. De leur côté, les partisans de l’ami et les personnes qui étaient impliquées dans les négociations affirmèrent que la situation n’était pas différente de celle que l’on retrouvait dans des forums internationaux comme l’ocde concernant la divulgation de l’information : c’était en quelque sorte business as usual. On consultera à ce sujet R. Spiers, « Marchi Tries to Demystify Treaty Issues », in Toronto Star, 25 octobre 1997. Ce n’est pas précisément ce qu’affirma Roy Jones, l’expert réputé associé au Trade Union Advisory Council (tuac) de l'ocde. Pour celui-ci, en effet, les négociations furent plus secrètes qu’à l’habitude, en raison du fait que le Secrétariat général de l’ocde n’était pas aussi impliqué que lors des négociations précédentes, le représentant des États-Unis d’ailleurs s’étant assuré que des versions préliminaires de l’Accord n’étaient pas en circulation. Selon Jones, le tuac, malgré ses relations privilégiées avec l’ocde, n’avait pas plus accès aux documents que les ong ou la coalition anti-ami (cf. entrevue avec Roy Jones, Senior Research with the oecd’s Trade Union Advisory Council, 27 juillet 1999).
28 Entrevue avec R. Sanders, Australian Stop mai coalition, 17 août 1999 ; et une entre-vue avec N. Watkins, The Preamble Center, Washington (DC), août 1999.
29 Les pages Web ont la même fonction de notification que les bases de données. Pour un bon exemple du contexte australien, voir « The International Week of Action Against the mai » et d’autres documents se trouvant à l’adresse (25 septembre 1999) : http://www.avid.net.au/stopmai/
30 Par exemple, il y a eu 597 messages envoyés par 57 personnes sur la base de données du mai-not, du vendredi 9 avril 1999 au mercredi 5 mai 1999. La base de données du mai-not a eu un total de 13 823 messages dans la dernière année, soit une moyenne de 37 messages par jour. Voir les statistiques à l’adresse :
<www.mai.flora.org/>
31 La coalition australienne stop-mai a monté une base de données qui a attiré 400 abonnés. Richard Sanders, qui a mené la coalition, a prétendu que la base de données fonctionnait comme un « réseau de réseaux ». En d’autres termes, l’élite du groupe impliqué dans la coalition stop-mai transmettait de l’information de la base de données à son propre groupe d’appartenance. Entrevue du 17 août 1999.
32 Tel que cité chez Madeline Drohan, « How the Net Killed the mai ».
33 Voici quelques sites pertinents (il n’est pas garanti qu’ils soient encore actifs) :
apec Alert ! (ubc) : www.cs.ubc.ca>
ami (Allemagne) : www.pdsnetz.de>
documents, commentaires et communiqués de presse concernant l'ami (site indépendant) : <www2.murray.net.au/users/mwight/maipg02.htm>
PDS Niedersachsen (Allemagne) :
<www.nds.pdsnetz.de/gruenlinke/maisite.htm>
Rapport sur l’évolution des négociations concernant l’ami :
www.progress.org/mai.htm>
liens avec les sites concernant l’ami provenant de différents pays :
<www.mayaconcept.com/dossiers/ami2fr.htm>
Centre canadien pour des politriques « alternatives » :
<www.policyalternatives.ca>
Parti vert du Canada :
<www.green.ca>
Flora :
<www.flora.org>
34 Kobrin, « The mai and the Clash of Globalization ».
35 Voir « Media Addresses in North America » à l’adresse (25 janvier 2002) : <www.mai.flora.org/mai-info/media.htm>
36 Pour la discussion, voir Drohan, « How the Net Killed the mai ».
37 Voir par exemple la liste détaillée des membres de la Chambre des Communes du 36e Parlement à l’adresse (25 septembre 1999) : <www.mai.flora.org/mai-info/mpslist.htm> et l’adresse des membres du US House of Representatives à l’adresse (25 septembre 1999) : <wwwmai.flora.org/mai-info/hor-mems.htm>
38 Pour un échantillon de lettre (aujourd’hui périmé) s’opposant au mai à envoyer à un représentant ou à un sénateur, voir :
<http://www.citizen.org/pctrade/mai/What%20you/congrs.html>
Pour un échantillon de lettre anti-ami à envoyer directement du site Web au Parlement australien, voir :
<http://wwwavid.net.au/stopmai/letter/>
Pour un exemple de lettres canadiennes anti-ami à envoyer à un député, voir :
<http:www.mai.flora.0rg/mai-info/letters.htm#1>
39 Voir (25 janvier 2002) : <www.citizen.org/pctrade/mai/What %20you/city.htm>
40 Dans les discussions privées que j’ai eues avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, j’ai eu l’impression que les membres de ces organismes étaient maintenant conscients du pouvoir que représente le militantisme virtuel et ne sous-estimaient pas l’importance des pétitions et du courrier électroniques. En fait, ils ont encouragé de telles initiatives sur leur propre site Web dans la foulée de l'ami, comme nous le verrons ci-dessous.
41 Voir les entrevues citées tout au long de cette étude.
42 C’est une idée soutenue par Kobrin dans « The mai and The Clash of Globalizations ».
43 Pour une interprétation qui montre que l’Internet a engendré le militantisme anti-ami, voir Guy De Jonquières, « Network Guerillas », in Financial Time, 30 avril 1998, p. 20.
44 Voir V Krishnamurthy, « Global Civil Society and the mai ».
45 Pour un aperçu des désaccords, voir S. Kobrin, « The mai and the Clash of Globalizations ».
46 Entrevue avec Neil Watkins, Preamble Collective, août 1999, et entrevue avec Ruth Kaplan coordonnatrice de la Campaign against Economic Globalization, Alliance for Democracy, le 16 août 1999.
47 Entrevue avec Richard Sanders, Coalition stop-mai, Australie, 17 août 1999.
48 Voir « Public Hearings on Future Multilateral Trade Negotiations », Australie, Département des Affaires étrangères et du Commerce, à l’adresse :
<www.dfat.gov.au/trade/negotiations/hearings/index.html>
49 Voir « Consultations with Canadians — We Want to Hear from You », Canadian Department of Foreign Affairs and International Trade, à l’adresse (25 janvier 2002) : <www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/consult-e.asp#gazette>
50 Voir « Ruggiero Annonces Enhanced wto plan for Cooperation with ngos », in wto Press Release/107 (17 juillet 1998), à l’adresse (25 septembre 1999) :
<http://www.wto.org/wto/new/press107.htm>
51 Un ministre impliqué dans les négociations a confié à Stephen Kobrin que la contestation a fait passer la question de l'ami du niveau civil au niveau ministériel (S. Kobrin, « The mai and the Clash of Globalizations »).
52 L’expression « d'autres compagnons de route » inclut le site Web « American Cause » de Pat Buchanan et ses liens vers les sites condamnant l’homosexualité et l’avortement, ainsi que certains liens de gauche avec des sites anti-ami, tels que le Public Citizen. Voir (25 septembre 1999) : <www.theamericancause.org/index_mai.htlm> Je tiens à remercier Vivek Krishnamurthy de m’avoir signalé cet exemple.
53 Ceci confirme l’argument de C. Calhoun selon lequel la force des groupes de la société civile réside largement dans leurs racines nationale et locale. Calhoun, « Community without Propinquity Revisited », p. 382.
54 Bien que des alliances formelles et des coalitions d’ong soient de plus en plus communes.
55 M. Mann, Sources of Social Power, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 15-19.
56 Cf. D. J. Rothkopf, « Cyberpolitik : The changing nature of power in the information age », in Journal of International Affairs, 51, 2 (printemps 1998), p. 325-359.
57 Pour une discussion des espaces politiques « non territoriaux », voir J. G. Ruggie, « International Structure and International Transformation : Space, Time and Method », in Czempiel et Rosenau (dir.), Global Changes and Theoretical Challenges, Lexington (MA), Lexington Books, 1989, p. 31. Le fait que plusieurs de ces groupes soient constitués de militants « antimondialisation » renforce l’étonnant paradoxe, souligné par d’autres auteurs de ce volume, que les réponses et les résistances à la mondialisation engagent plus intensément les acteurs dans le processus de mondialisation lui-même.
Auteur
Professeur adjoint de science politique à l’Université de Toronto. Il s’est spécialisé dans les médias, la technologie et la politique internationale. Il est l’auteur de Parchment, Printing, and Hypermedia : Communications in World Order Transformations, (New York, Columbia University Press, 1997), ainsi que de nombreux articles consacrés à la politique de l’Internet, à la politique mondiale, à la politique spatiale, au postmodernisme et à l’épistémologie des sciences. Membre du comité de rédaction de la revue International Studies Perspectives, le Dr Deibert vient de terminer un livre (Network Security and World Order), consacré aux politiques de sécurité sur l'Internet. Ses centres d’intérêt portent également sur les réseaux de citoyens, la réalité virtuelle et les possibilités du cyberespace comme sphère publique mondiale.
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