Chapitre 3. Transnationalisme, communautés dispersées et changements identitaires : leurs répercussions sur la politique canadienne de la citoyenneté
p. 65-107
Texte intégral
Introduction
1Le phénomène de la mondialisation et celui de l’immigration entretiennent certains liens qui impliquent les notions d’appartenance et de citoyenneté. Toutefois, à l’heure actuelle, ces dernières, qui sont ancrées dans des catégories nationales et des pratiques exclusives d’identité, sont remises en question1. Ce chapitre se situe dans cette ligne de réflexion et s’efforce d’étudier les répercussions de l’immigration récente sur la citoyenneté canadienne. Le phénomène de l’immigration n’est pas nouveau : il remonte à l’origine des temps. Quant à la mondialisation, elle a déjà plusieurs siècles derrière elle, comme l’affirment très justement Cameron et Stein. Le xxe siècle a connu des mouvements migratoires sans précédent. Le problème est que ces mouvements, contrairement aux mouvements transfrontaliers des capitaux, sont sévèrement réglementés, au point que certains spécialistes parlent de cette situation comme d’un « apartheid mondial »2 et de « mondes fermés »3. Mais certains auteurs, tel Harvey, n’hésitent pas à soutenir que ces frontières entre les États sont perméables, même si elles le sont plus pour les capitaux que pour les personnes4. C’est ce qui explique l’apparition de communautés transnationales dispersées un peu partout à travers le monde, qui, en s’accentuant, menacent le contrôle de l’État-nation. La mondialisation des économies et de la culture a créé de nouvelles conditions qui sont en train de transformer l'identité et l’institution de la citoyenneté partout dans le monde. À vrai dire, on assiste à une crise du nationalisme et de l’État-nation au niveau international, dans laquelle la nation n’est plus un lieu privilégié de médiation entre le régional et le mondial. Malgré cela, l'État-nation, bien qu’il soit soumis à des pressions, continue d’être le lieu privilégié en matière de citoyenneté et d’immigration. Dans le cas de l’État canadien, les forces de la mondialisation ont créé une situation où des choix difficiles s’imposent quant à la future orientation de l’immigration et de la politique de la citoyenneté. En ultime instance, ces choix, sur le plan pratique, sont limités, influencés qu’ils sont par les positions idéologiques et politiques prises par l’État.
2Le concept de mondialisation lui-même est très variable ; il comprend cependant trois notions fondamentales, qui sont la mondialisation en tant que transfert, la mondialisation en tant que transformation et la mondialisation en tant que transcendance5. Analogue au concept de mondialisation, le concept de transnationalisme a une extension assez considérable. Historiquement, ce terme a été utilisé avec des acceptions différentes et parfois très semblables. Dans les ouvrages de science politique consacrés au sujet, le terme transnationalisme est attesté au cours des années 1920, son emploi faisant référence à des acteurs économiques et politiques transnationaux sur la scène mondiale. Pendant les années 1970, les écrits sur le transnationalisme décrivaient des activités qui s’étendaient des mouvements sociaux aux liens des immigrants avec leurs pays d’origine, en passant par les relations économiques et les médias6. Les publications en sciences politiques portent sur les relations internationales, mais elles n’étudient pas les relations transnationales sur le plan social ou culturel, ces relations appartenant au domaine de l’anthropologie et de la sociologie. Dans les ouvrages récents d’anthropologie, le transnationalisme a reçu une formulation théorique qui rend possibles des analyses et des synthèses complètes. On est en présence de deux façons de procéder, à savoir : a) distinguer le transnationalisme par « rapport à ce qui est au-dessus » et « par rapport à ce qui est en dessous » ; b) conceptualiser le transnationalisme par la transmigration7.
3« Par rapport à ce qui est au-dessus », le transnationalisme inclut les structures et les processus de l’échelon supérieur des classes capitalistes et des puissantes élites internationales issues des entreprises multinationales, ainsi que d’autres organisations supranationales qui produisent des forces élitistes homogènes. « Par rapport à ce qui est en dessous », le transnationalisme comprend les structures et les processus étrangers aux élites de l’échelon supérieur et de l’échelon inférieur, qui engendrent de multiples forces contre-hégémoniques. Ils appartiennent à l’échelon inférieur en ce sens qu’ils sont fondés sur la vie et les pratiques quotidiennes des gens ordinaires et comprennent l’apparition de l’hybridation culturelle, des situations multi-identitaires et des pratiques commerciales transnationales des entrepreneurs immigrés8. Les communautés transnationales d’une diaspora auxquelles on a fait allusion dans ce chapitre ne sont pas monolithiques. Elles sont hétérogènes et comprennent des stratifications sociales différentes. Elles témoignent du transnationalisme tant « du dessus » que « du dessous », ce dernier étant plus courant.
4Dans ce chapitre, le transnationalisme est conceptualisé par la transmigration qui contribue à la formation des communautés transnationales appartenant à une diaspora aussi bien qu’aux espaces sociaux transnationaux. Ces espaces sociaux transnationaux comprennent les liens entretenus par les peuples et les réseaux sociaux avec leurs mouvements qui franchissent les frontières des États-nations9. Les émigrés conservent des liens avec de multiples sociétés, ce phénomène constituant un changement de paradigme dans les domaines de l’« immigration internationale » et des études « ethniques et raciales », lequel changement est toujours en cours. Au Canada, les bourses d’études aux étrangers sont maintenant contestées par le paradigme du transnationalisme10. Dans le contexte de la mondialisation, la perspective du transnationalisme sert de modèle analytique pour expliquer et comprendre l’immigration internationale. Le transnationalisme est devenu un style de vie pour de nombreux immigrants au fur et à mesure que la transformation rapide de la technologie des voyages et des télécommunications facilitait la formation de réseaux transnationaux, ainsi que le développement et la solidification de communautés transnationales dispersées.
5Le concept de transnationalisme recouvre partiellement l’idée de mondialisation, puisque celle-ci concerne tout d’abord les processus qui mettent en contact et intègrent les sociétés. À cette nuance près que les processus transnationaux sont plus limités, du fait qu’ils sont ancrés — tout en les transcendant — dans les sociétés et les États-nations. Kearny parle de ces processus comme étant « transétatiques »11. Pour cette raison, le transnationalisme est un sous-ensemble de la mondialisation. L’analyse qu’Appadurai fait de l’économie culturelle mondiale distingue, dans la circulation de la culture mondiale, cinq dimensions qui se chevauchent et s’opposent, qu’il appelle : l'ethnoévasion, la médiaévasion, la technoévasion, la finance-évasion et l’idéoévasion. L’ethnoévasion renvoie au paysage mondial de ceux qui rattrapent le monde en évolution au sein duquel nous vivons. Elle comprend les touristes, les immigrants, les réfugiés, les exilés, les travailleurs immigrés et d’autres groupes et personnes mobiles12. Ce sont donc les communautés transnationales dispersées qui composent cette ethnoévasion mondiale.
6Les implications de la politique sociale du transnationalisme pour l’État canadien sont énormes, puisque ce phénomène exige des formes de citoyenneté plus souples et plus inclusives à une époque où l’État semble choisir des politiques orientées dans la direction opposée. Le projet de loi C-16, proposé récemment, illustre la réaction et la résistance de l’État canadien au transnationalisme, car il tentait de forger une citoyenneté « dense » en recourant à des critères restrictifs et punitifs. Avant de discuter de ce projet de loi, il est nécessaire d’examiner, plus en détail, les communautés transnationales dispersées et leurs rapports avec les processus plus généraux et plus contemporains de la mondialisation. De plus, il faut étudier l’effet du transnationalisme sur l’identité, particulièrement dans le domaine de la déterritorialisation et des conceptions nouvelles de la citoyenneté. Ces processus ont de profondes implications sur les politiques de citoyenneté dans le contexte d’un monde progressivement supra-et postnational en voie de déterritorialisation et où les États-nations recherchent la cohésion sociale par des valeurs, une identité et un engagement civique communs.
Le transnationalisme et les diasporas
Le transnationalisme et les communautés transnationales
7Il y a plus de trente ans, le sociologue Anthony Richmond forgea le mot transilience [nomadisme], toujours en usage13. À l’origine, ce terme désignait les échanges d’immigrés spécialisés et hautement qualifiés entre les sociétés avancées, les immigrés eux-mêmes étant appelés transilients [nomades]. L’emploi du terme s’est étendu pour s’appliquer aujourd’hui à toute une variété d’individus qui se déplacent et dont la résidence dans un endroit donné n’est ni prévue ni nécessaire. Les transilients ne subissent pas nécessairement l’acculturation ou l’intégration dans la société d'accueil, mais plutôt ils : a) maintiennent des liens étroits avec la famille et les amis ; b) sont conscients des conditions économiques, politiques et sociales qui évoluent dans leurs pays d’origine et ailleurs ; c) affichent un haut taux de rétromigrations et de retours14. Le concept de transilience de Richmond était l’ancêtre de la conception actuelle de l’immigration transnationale comme partie du phénomène global du transnationalisme.
8En anthropologie, Schiller, Basch et Blanc ont été les chefs de file des partisans de la perspective du transnationalisme, qu’ils ont défini comme « un processus social dans lequel les immigrés établissent des terrains sociaux qui franchissent les frontières géographiques, culturelles et politiques. Les immigrants sont considérés comme des migrants quand ils ont établi et entretenu des relations multiples — familiales, économiques, sociales, syndicales, religieuses et politiques — qui transcendent les frontières »15. Plus récemment, ils ont soutenu que les immigrants contemporains ne devraient pas être dépeints comme des individus « déracinés » qui ont laissé derrière eux une maison et un pays, puisque beaucoup d’entre eux entretiennent de nombreux liens avec leur pays d’origine. Selon ces auteurs,
l’image populaire de l’immigrant est celle de celui qui est venu pour rester, après s’être déraciné de sa société d’origine pour se constituer un nouveau milieu de vie et adopter un nouveau pays auquel il va prêter serment d’allégeance. [...] Mais il est devenu de plus en plus évident que nos conceptions actuelles de l’« immigrant » et de l’« immigré », cristallisées dans les circonstances des mouvements historiques d’autrefois, ne suffisent plus. Aujourd’hui, les immigrants mettent en place des réseaux, des activités, des façons de vivre et des idéologies qui transcendent leur milieu de vie et la société qui les reçoit16.
9De plus en plus, les immigrants nouent des liens multiples qui ne tiennent pas compte des frontières internationales et des identités dont la configuration tient aux relations avec plus d’un État-nation. Ces « immigrés » sont engagés dans des actions, dans des prises de décision et dans des affirmations d’identités à plusieurs niveaux grâce aux réseaux sociaux qui les relient simultanément à deux sociétés ou plus ; par conséquent, on appelle ces immigrés des « transmigrants »17. Telles quelles, les communautés transnationales sont celles qui « enjambent » deux nations ou plus. Sur le plan des comportements et des structures, les actions et les identités des transmigrants sont ancrées dans des réseaux sociaux transnationaux. On peut opposer ce transnationalisme à l’ancienne idée de résidence où les gens s’installent pour s’intégrer à l’économie et aux institutions politiques, aux régions et aux habitudes de la vie quotidienne du pays où ils résident. Les transmigrants sont engagés « ailleurs », en ce sens qu’ils entretiennent des relations, créent des institutions, effectuent des transactions et influent sur des événements régionaux et nationaux dans les pays d’où ils ont émigré18. Ainsi, la migration crée des communautés transnationales appartenant aux diasporas qui ont des relations sociales avec plusieurs sociétés. Les spécialistes font face maintenant au défi de réévaluer leurs notions traditionnelles de communautés, de sociétés et de cultures singulières fondées sur la territorialité. En réalité, la nation est une communauté imaginaire quand l’imaginaire se déplace au-delà des frontières transnationales ; les diasporas, elles aussi, sont des communautés imaginaires.
10Avec l’apparition du transnationalisme, la terminologie courante, les concepts et les perspectives théoriques utilisés dans les théories sociales des mouvements migratoires sont en voie de reformulation et de redéfinition. L’expérience de l’immigration ne peut plus rester figée dans des généralisations macroscopiques, étant donné l’apparition de la différenciation sociale fondée sur la classe, l’ethnie et le sexe19. Ce nouveau paradigme transnational entraîne un changement des termes traditionnels tels que immigration internationale, société d'origine, société naissante, pays d’émigration, pays d’accueil, push-pull, immigrant, immigré et travailleur temporaire. Cette mutation essentielle de l’inter-national en trans-national caractérise le nouveau paradigme. Ces communautés transnationales sont apparentées aux diasporas.
Les diasporas et les communautés dispersées
11Historiquement, le mot diaspora désigne spécifiquement la dispersion des juifs exilés de leur patrie biblique vers des terres étrangères, dans des conditions d’oppression et de dégradation morale20. À la fin du xxe siècle, la notion de diaspora s’est élargie et a été redéfinie pour inclure de nombreux autres groupes. Il y a un peu plus d’une décennie, Connor a simplement défini le mot comme « cette part d’un peuple qui vit à l’extérieur de son pays d'origine »21. Depuis lors, plusieurs définitions nouvelles et complexes de la diaspora contemporaine ont été proposées, dont beaucoup à partir de définitions antérieures. Par exemple, Safran défend une extension de l’ancienne définition provisoire de la diaspora par Connor en vue d’y inclure les notions de mémoire collective, d'aliénation et d’attachement à une patrie ancestrale22. Se servant d’une telle définition, Safran fait remarquer que les diasporas contemporaines doivent également inclure les Arméniens, les Maghrébins, les Turcs, les Palestiniens, les Cubains, les Grecs et les Chinois. Cohen fait appel à la tradition classique et aux idées de Safran pour faire entrer dans la définition : 1) non seulement une dispersion à partir du pays d’origine mais aussi une expansion, ce qui comprend la recherche de travail et de négoce ; 2) la solidarité ethnique ; 3) la possibilité d'une vie créatrice distincte dans les pays pluralistes hôtes23. Cohen postule neuf traits courants d’une diaspora, mais il affirme qu’aucune diaspora ne présente tous ces traits. Il fait observer qu’aujourd’hui au moins trente groupes ethniques déclarent qu’ils constituent des diasporas et que d’autres les reconnaissent comme tels. Reprenant la définition de Cohen, Van Hear conçoit les diasporas comme étant des populations qui satisfont à trois critères minimaux : 1) la population est dispersée à partir d’une patrie vers au moins deux autres territoires ; 2) la présence à l’étranger se prolonge, bien que l'exil ne soit pas nécessairement permanent, mais peut comprendre un mouvement entre le pays d’origine et le pays d’accueil ; 3) il y a une sorte d’échange — social, économique, politique et culturel — entre ou parmi les populations qui sont séparées géographiquement et constituent la diaspora24. Ce chapitre adopte cette définition générale de la diaspora et emploie ce terme pour désigner tout groupe ou toute communauté ethnique dispersée dans le monde entier.
12L’analyse de cas précis de diasporas a fait son apparition dans les différents ouvrages consacrés à ce sujet. Par exemple, le nombre de publications sur la diaspora chinoise augmente. L’ouvrage récent de Chan montre que, paradoxalement, une décision rationnelle est prise en famille en vue de disperser la famille patrilinéaire chinoise, et cela afin de préserver et de renforcer la famille d’une manière ingénieuse et résolue. Il note que « les familles se divisent afin précisément d’être ensemble à distance ». L’exemple « des familles d'astronautes » de Hong-Kong illustre son propos. Qui plus est, Chan affirme que ces familles dispersées géographiquement constituent des nœuds et des liens stratégiques dans un champ transnational toujours en expansion, dans lequel une nouvelle identité chinoise est en train de se développer25. Dans l’ouvrage de Ip, Inglis et Wu, les immigrants taiwanais d’Australie sont montrés davantage comme une « diaspora » que comme des immigrants ou des immigrés, en raison de l'apparition d’identités dispersées, régionales et mondiales, qui englobent des communautés à la fois « imaginaires » et réelles26.
Les relations entre les communautés transnationales et les diasporas
13Il y a chevauchement entre le concept de transnationalisme et celui de diaspora. Le premier est souvent utilisé comme adjectif de l’autre. Les concepts de transnationalisme et de communautés transnationales ont une plus grande extension que ceux de diasporas ou de communautés dispersées, qui, comme on l’a vu ci-dessus, répondent à des critères très précis. Cependant, si les communautés transnationales englobent les diasporas, toutes les communautés transnationales ne sont pas des diasporas.
14Pour reprendre l’exemple chinois mentionné ci-dessus, il faut observer que beaucoup d’hommes d’affaires chinois se livrent à une hypermobilité grâce aux réseaux transnationaux. Skeldon fait remarquer que les transmigrants chinois opèrent dans des réseaux sociaux transnationaux qui leur permettent de circuler d’une partie du système à l’autre, selon que les conditions économiques (expansion ou récession) et politiques (libéralisation ou répression) sont favorables ou non dans n'importe quelle partie du système27. Ainsi, des termes tels que nouvelle famille élargie, familles dispersées et réseaux trans-Pacifique sont maintenant employés pour discuter de ce mouvement selon les aiguillages dans un réseau. Les réseaux et les champs sociaux se développent au fur et à mesure que s’établissent, au fil du temps, les liens entre ces nœuds.
15D’autres chercheurs ont fait de subtiles distinctions entre les communautés transnationales et les diasporas. C’est ainsi que Faist note que les diasporas qui se composent des réfugiés de la première génération représentent une forme très différente des communautés transnationales ; il fait remarquer aussi que les diasporas n’ont pas nécessairement besoin de liens sociaux contemporains et concrets, puisque la mémoire du pays d’origine constitue un lien symbolique28. Les communautés transnationales correspondant à un concept plus large. La question qui se pose alors est : « Comment peut-on mesurer empiriquement le transnationalisme ? »
16L’évaluation empirique du transnationalisme peut comporter plusieurs facteurs. Van Hear suggère qu’on peut le mesurer par la force ou la faiblesse de l’engagement d’une population donnée envers ses origines, envers son lieu actuel de résidence et envers les autres éléments de la diaspora29. Cependant, lorsqu’on applique différentes mesures à une communauté transnationale en particulier, les preuves de l’engagement peuvent être très disparates et l’appartenance très élastique. Dès lors, des mesures précises peuvent ne pas fournir nécessairement une mesure adaptée à l'engagement. Par exemple, la citoyenneté, en tant que mesure, peut avoir une valeur limitée là où n’existe aucun choix en vue de son obtention. De plus, avec la déterritorialisation de l'identité et l’apparition des identités multiples dans les communautés transnationales, le statut de citoyenneté peut très bien ne pas refléter la loyauté ou l’engagement. En outre, il peut y avoir des contradictions et des disfonctionnements chez certains individus appartenant à des communautés transnationales. C’est ce que l’on a constaté, par exemple, lorsque certains Canadiens d’origine serbe se sont rendus dans les Balkans pour soutenir leurs ex-compatriotes dans leur effort de guerre contre l’OTAN et donc contre d’autres Canadiens. La Gendarmerie royale du Canada a examiné la légalité de ce comportement en invoquant la Loi sur l’enrôlement à l’étranger et le Code criminel ; au regard de ce dernier, ce serait un acte de « haute trahison » que d’aider un ennemi en guerre contre le Canada30.
17Bref, comme les gens des communautés transnationales dispersées agissent par le moyen de réseaux transnationaux complexes, ils créent et consolident des identités multiples aux assises sociales différentes et se présentent ainsi avec une singulière identité transnationale hybride et avec des identités diverses qui les relient simultanément à plusieurs pays. Cela fournit d’importantes ramifications à l'identité. Néanmoins, avant d’étudier la question de l'identité sociale, une brève analyse des jeunes populations immigrantes au Canada de diverses provenances ethniques s'impose, car le Canada, tout comme l’Australie et les États-Unis, a été un important pays d’immigration depuis plus de trente-cinq ans.
Profil sociodémographique du Canada d'aujourd'hui et signes du transnationalisme
18Le Canada a toujours eu une population diversifiée ; les événements récents n’ont fait qu’accentuer cet aspect. Toutefois, ce n’est pas avant la fin de la décennie 1960, à la suite des changements fondamentaux de la politique canadienne de l’immigration, que la population canadienne est devenue très sensiblement non blanche et particulièrement non britannique et non française. En 1962, les critères racistes de sélection des immigrants furent éliminés ; en 1967, on introduisit des critères méritocratiques (tels que le système de points). Une des conséquences importantes de ces changements fut une diminution, au cours de la période 1960-1990, des immigrants en provenance de l’Europe et des États-Unis et une augmentation des immigrants venant d’Asie, d’Afrique, d'Amérique centrale, d’Amérique du Sud et des Caraïbes (voir le tableau 1).
TABLEAU 1. Provenance des immigrants par région, selon les années choisies (en %)

* Ce pourcentage est plus élevé que prévu en raison du nombre de réfugiés (5 964) de Bosnie-Herzégovine.
** Comprend l'Europe méridionale et l'Europe orientale.
sources : Citoyenneté et Immigration Canada (1957), 1956 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. 15 ; Citoyenneté et Immigration Canada (1965), 1965 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. 20 ; Citoyenneté et Immigration Canada (1998), 1995 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. 32 ; Citoyenneté et Immigration Canada (2000), Faits et chiffres 1999. Disponible sur Internet (11 mai 2001) : <http://www.cic.gc.ca/francais/pub/faits2000/index.html> ; Emploi et Immigration (1987), 7985 Statistiques sur l'immigration, Ottawa, p. 24 ; Main-d’œuvre et Immigration (1976), 7975 Statistiques sur l'immigration, Ottawa, p. 9.
19Le pourcentage du nombre d’immigrants de ces régions par rapport à tous les immigrants est passé de 14 % en 1965 à 77 % en 1999. En 1956, les immigrants venant de Grande-Bretagne constituaient 31 % de tous les immigrants ; quarante ans plus tard, ils ne représentent plus que 2 % (voir le tableau 2). En 1956, les dix principaux pays d’émigration étaient des pays européens et les États-Unis, fournissant 87 % des immigrants.
20En 1999, les dix premiers pays comprenaient très peu de pays européens, la Grande-Bretagne et les États-Unis ne comptant que pour 5 % des immigrants. La plupart de ces pays étaient asiatiques et, de plus, ces dix pays ne comptaient que pour 52 % de tous les pays d’émigration, ce qui traduit une diversité croissante des pays d’origine. En conséquence, la population canadienne a changé de façon spectaculaire quant à l’origine ethnique. En 1941, la population non britannique et non française ne constituait que 20 % de l’ensemble ; cinquante ans plus tard, elle constituait 31 %, c’est-à-dire presque le tiers ; et cette proportion ne cesse de s’accroître31. Il faut également prendre en considération le fait que, parmi ces nouvelles origines ethniques, il y a un nombre croissant de gens de couleur vivant surtout dans les plus grands centres urbains du Canada. La diversification ethnique est donc plus grande dans les grandes villes du Canada que dans les autres parties du pays.
21Par exemple, la grande région de Vancouver a connu une extraordinaire diversification ethnique depuis trente ans. Les Chinois représentent 25 % de la population de la ville et 50 % de Richmond, juste au sud de Vancouver. Durant la première partie du xxe siècle, à peu près un tiers des immigrants chinois de Hong-Kong venaient au Canada pour raisons d’affaires, selon la catégorie « classe indépendante » de la politique d’immigration canadienne. La plupart de ces immigrants s’installaient dans les plus grandes agglomérations, comme Toronto et Vancouver. Les deux cas suivants illustrent parfaitement les pratiques transnationales et l’identité sociale de ceux-ci.
Cas 1 : M.X
22M. X est un nouvel immigrant venu se fixer au Canada dans le cadre du Programme canadien d’immigration des gens d’affaires. Il lit et écrit l’anglais convenablement, mais sa conversation laisse à désirer. Il est dans la quarantaine et vit au Canada avec sa femme et ses deux enfants. Sa mère, deux de ses sœurs et son frère habitent Hong-Kong. Il communique avec eux deux ou trois fois par mois et leur rend visite plusieurs fois par an ; chaque séjour dure environ un mois. Pendant qu’il est à Hong-Kong en visite dans sa famille, il mène ses affaires.
23M. X est fabriquant de mobilier traditionnel chinois et s'adonne aussi à la sculpture sur bois pour les intérieurs classiques chinois. Il emploie trente personnes dans sa manufacture de Hong-Kong qui est une entreprise familiale que son père avait lancée et qui est actuellement gérée par sa mère. Tout en maintenant et supervisant ses opérations à Hong-Kong, M. X a ouvert au Canada une petite fabrique d’assemblage de mobilier chinois qui emploie deux travailleurs à plein temps et quelques travailleurs occasionnels. Il exploite aussi un magasin de meubles à Vancouver, qui emploie deux commis à plein temps, dont sa femme. Il s’occupe également de rénovation ; ainsi, il a engagé des artisans pour accomplir des travaux de décoration intérieure. Ses clients viennent essentiellement de la communauté transnationale chinoise. Les activités d’affaires de M. X comprennent la fabrication, la vente en gros et la vente au détail ; il communique avec ses associés à Hong-Kong plusieurs fois par mois.
TABLEAU 2. Les dix principaux pays d’immigration, selon les années choisies (en %)

sources : Citoyenneté et Immigration Canada (1957), 1956 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. 15 ; Citoyenneté et Immigration Canada (1965), 1965 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. 20 ; Citoyenneté et Immigration Canada (1998), 1995 Statistiques sur la citoyenneté et l'immigration, Ottawa, p. X ; Citoyenneté et Immigration Canada (2000), Faits et chiffres 1999. Disponible sur Internet (11 mai 2001) : <http://www.cic.gc.ca/francais/pub/faits2000/index.html> ; Emploi et Immigration (1987), 7985 Statistiques sur l’immigration, Ottawa, p. xi ; Main-d’œuvre et Immigration (1976), 7975 Statistiques sur l'immigration, Ottawa, p. 8-10.
24M. X a trouvé un créneau commercial, parce que ses compétences sont très spécialisées et qu'il y a peu de concurrents à Vancouver. Il se construit lentement une réputation dans sa région, de sorte que les restaurants asiatiques, les temples chinois et les institutions asiatiques recourent à ses services et lui achètent des meubles. Il a fait ériger un temple bouddhiste pour un homme d'affaires de Hong-Kong, et a aidé à la décoration d’une institution scolaire à Vancouver.
25Le but de M. X n’est pas de limiter ses affaires au seul marché asiatique. Il espère ouvrir un autre magasin pour faire connaître le mobilier asiatique aux non-Asiatiques. Comme il dessine ses meubles à partir d’ébauches grossières, il compte les modifier pour les adapter au goût occidental. En ce qui concerne le capital dont il a besoin pour développer son entreprise, il va transférer au Canada une partie des profits qu’il réalise en Asie.
26Pour superviser ses affaires des deux côtés du Pacifique, il passe trois mois par an en Asie et le reste du temps à Vancouver. Sa femme prend la relève quand il est à l’extérieur, son frère à Hong-Kong s'occupant de la manufacture pendant qu’il est à Vancouver.
27M. X a une attitude résolument transnationale. Il est prêt à aller partout où ses affaires l’appellent ; il n’éprouve pas un très fort sentiment d’identité propre en tant que Chinois de Hong-Kong ou en tant que Chinois du Canada. En ce sens, il a une identité cosmopolite. Il a des amis à Hong-Kong et reste en contact avec eux deux ou trois fois par an lorsqu’il est absent. La question de l’identité nationale lui importe peu.
Cas 2 : M. Y
28M. Y est, lui aussi, un immigrant récent, venu s’installer au Canada, en 1993, dans le cadre du Programme canadien d’immigration des gens d’affaires. Il est dans la quarantaine et vit au Canada avec sa femme et un jeune enfant, tandis que ses parents et sa sœur vivent à Hong-Kong. Il communique avec eux à peu près deux fois par mois quand il est au Canada et leur rend visite à Hong-Kong cinq fois par an. Pendant qu’il est dans sa famille à Hong-Kong, il poursuit ses affaires et voit des amis.
29M. Y est horloger. Sa manufacture à Hong-Kong emploie soixante personnes. Il exporte ses produits surtout en Amérique du Nord. Après avoir immigré au Canada, il a ouvert une boutique de montres ainsi qu’un centre de design à Vancouver où travaillent à plein temps huit ou neuf personnes. Il espère ouvrir d’autres magasins dans différents quartiers de Vancouver. Il envisage de produire une plus grande variété de montres correspondant à un éventail de prix assez large et à des styles propres au marché canadien. La base de la clientèle qu’il vise est surtout de race blanche, 10 % seulement de ses clients étant chinois. Il trouve aussi qu’il en coûte moins d’ouvrir un centre de design au Canada, puisque le coût pour engager de la main-d’œuvre qualifiée et louer des bureaux à Hong-Kong est très élevé. Il apprécie aussi le fait que ses employés soient plus stables et ne sautent pas d’un emploi à l’autre en vue d’un salaire toujours meilleur. Il a établi un centre de design à Vancouver pour répondre aux conditions du Programme pour l’immigration des gens d’affaires. Le bureau de ce programme en Colombie-Britannique a encouragé les entreprises de recherche et développement à agir de la sorte ; c’est pourquoi M. Y a décidé de créer son centre de design à Vancouver, afin d’obtenir son statut de résidant permanent. Du reste, le fait d’habiter à Vancouver lui permet de trouver de nouvelles idées de design et en même temps d’avoir une meilleure connaissance du marché nord-américain.
30M. Y passe cinq mois par an à Hong-Kong ; chaque visite dure environ un mois. Il consacre aussi du temps à visiter les foires commerciales en Europe. Il reste en contact avec ses affaires tant à Hong-Kong qu’à Vancouver par téléphone et par fax. Il est en rapport avec ses associés, en moyenne, deux fois par semaine. Afin de faire marcher convenablement son entreprise à Hong-Kong quand il n’y est pas, il s’est abonné à un système international de gestion. M. Y. a constaté qu’ouvrir un bureau à Vancouver facilite, en fait, la communication avec ses clients en Amérique du Nord et rend ses opérations plus efficaces. Cela est dû en grande partie au décalage horaire entre Hong-Kong et Vancouver, décalage qui lui permet de parler aux importateurs en Amérique du Nord pendant la journée et de donner des instructions à son bureau de Hong-Kong la nuit. Son bureau peut lui donner une réponse rapidement ; ainsi, dès le lendemain matin, il est en mesure de converser avec ses importateurs.
31M. Y ne se considère pas comme un Canadien mais plutôt comme un Chinois de Hong-Kong, bien que ses opérations commerciales soient vraiment de nature transnationale. En fait, lui et sa famille songent à retourner à Hong-Kong dans un proche avenir32.
32Ces descriptions mettent en lumière la nature du transnationalisme de ces deux immigrants et fournissent certains indices sur leur identité naissante. Il faut se rappeler que les communautés d’une diaspora d’aujourd’hui ne vivent pas toutes le transnationalisme de la même façon ; ce que nous a avons présenté ici est l’exemple d’une certaine expérience de la diaspora chinoise.
33Des recherches récentes sur les immigrants chinois entrepreneurs ont établi des preuves empiriques qu’ils appartiennent à des sphères transnationales étendues d’ordre familial, personnel, ethnique et commercial33. Ces entrepreneurs, comme beaucoup d’immigrants chinois non-entrepreneurs, sont profondément engagés dans la pratique du transnationalisme et de l'émigration, que les technologies des communications et les voyages en jet ont rendu faciles, technologies qui comprennent aussi l’Internet, le courriel, le fax, et les appels téléphoniques interurbains. L’étude de Hutton sur les transformations de Vancouver fournit des données intéressantes sur la croissance du trafic en provenance de l’Asie du Pacifique à l’aéroport international de Vancouver. De 1990 à 1995, le nombre total de passagers pour la région Asie Pacifique est passé de 790 000 à 1590 000, soit une augmentation de plus de 100 % sur une période de cinq ans34. Ces données montrent que le réseau des relations aériennes entre Vancouver et les principales portes d’entrée de l’Asie Pacifique comprend onze villes, neuf compagnies aériennes et 72 vols directs par semaine, dont 23 vers Hong-Kong35. L’aéroport international de Vancouver dispose aussi de liaisons directes avec les principales villes des États-Unis et d’Europe, telles que New York, Londres et Paris, ce qui favorise le transnationalisme et l’immigration.
34En résumé, la diversification rapide de la population canadienne depuis trente ans a consolidé une société multiethnique et multiculturelle. Cette transformation, s’ajoutant aux forces de la mondialisation économique et culturelle, a contribué au développement des communautés dispersées. Ce sont les conséquences logiques du multiculturalisme, en ceci que l'acceptation et la promotion des différences culturelles favorisent et alimentent les liens avec les origines. Ces liens sont décisifs par rapport à l’identité.
La déterritorialisation de l'identité sociale
35Dans les ouvrages consacrés à la mondialisation, on se préoccupe de savoir comment la production, la consommation, les communautés, les politiques et les identités se détachent de l’ordre régional, le terme déterritorialisation étant employé pour décrire ce processus36. La mise au point et le progrès continus de la technologie des puces électroniques contribuent au désancrage des relations sociales et à la compression de l'espace-temps, qui est un facteur de déterritorialisation. Cependant, la déterritorialisation doit être replacée dans le contexte des processus précis et des différents niveaux d’analyse. Par exemple, au niveau de l’État-nation, le phénomène social de déterritorialisation pourrait impliquer que l’État continue à maintenir ses revendications et exerce toujours son influence sur les émigrants qui ont quitté son territoire national. Un autre exemple serait celui d’un individu, pour lequel ce même phénomène pourrait impliquer la formation d’une identité et une forme de militantisme par le biais des « communautés d'intérêts » plutôt que par celui des communautés géographiques, et cela au moyen de l’Internet et du Web, comme le soutient Deibert dans le chapitre 4.
36La mondialisation n’a pas transformé de façon significative le territoire national ; toutefois, elle a des effets prononcés sur la territorialité exclusive des États-nations, dans le sens d’un enfermement institutionnel37. La relation prétendument parfaite entre l’État et le territoire est de plus en plus remise en question et contestée dans l’optique de la déterritorialisation. Comme le fait remarquer Appadurai, si on tient compte de l’accroissement des mouvements migratoires, de la circulation légale et illégale des marchandises et des énormes ventes d’armes transfrontalières, on est dans une situation où il ne reste plus aux États qu’à essayer de monopoliser l’idée de territoire en guise de signe distinctif de leur souveraineté38. Car, sur le marché mondial des « loyautés », les États-nations ne sont pas à la hauteur. Par ailleurs, sur le marché des « légitimités », l’État connaît la concurrence et doit justifier ses prétentions. Tout cela a lieu dans un univers de déterritorialisation39.
37Albrow a soutenu que les activités sociales dans un lieu donné peuvent être dissociées de celles d’un autre lieu, mais qu’elles font aussi partie des milieux sociaux qui peuvent s’étendre au-delà des régions et au-delà de la sphère nationale40. Elles comprennent non seulement des liens économiques plus évidents mais aussi des liens de parenté, d’amitié et d’affinités particulières. Les récents changements dans la façon dont le temps et l’espace se construisent ont modifié ces liens ; ceux-ci peuvent être entretenus activement à distance grâce aux nouveaux progrès de la technologie des communications et des transports bon marché, qui favorisent la compression de l’espace par le temps et la distanciation du temps par l’espace. Cette compression constitue l’extension dans le temps des systèmes sociaux par le moyen de l’intégration sociale et celle des systèmes. Gidden utilise le concept de « désancrage des systèmes sociaux du contexte régional » pour décrire les raccordements régionaux et mondiaux des organisations et des réseaux, raccordements qui n’étaient pas possibles dans les communautés traditionnelles limitées par la géographie41.
38La déterritorialisation et la dissolution des liens que la communauté et l’identité ont avec un lieu donné ouvrent la possibilité de nouveaux développements théoriques, mais, en même temps, il faut continuer de reconnaître, dans le discours transnational, que le lieu importe ou, tout au moins dans d’autres situations, le contexte géographique42. La notion de déterritorialisation ne doit pas être conçue comme excluant ou niant le fait d’être situé localement ou sur un territoire, mais plutôt comme relativisant ou décentrant ce fait. En ce sens, elle déplace l’équilibre des politiques définies uniquement par le territoire vers des formes d’organisation et d’identité non territoriales43. Les termes translocalité et multilocationalité sont apparus pour désigner le désancrage ou le déracinement local au profit des processus transnationaux. En d’autres mots, il s'agit de lieux culturellement hétérogènes qui ont divorcé, en grande partie, de leurs contextes nationaux et que traversent les frontières politiques officielles44. Par conséquent, la formation de l’identité transnationale et diasporique illustre le fait que l’identité n’est pas singulière mais plutôt plurielle et en constante évolution. L'ethnoévasion est décentrée et abstraite, mais peut situer les acteurs dans des réseaux précis et des constructions sociales particulières. Comme telle, l’ethnographie a pour tâche de déterminer les foyers possibles d’une expérience vécue dans un monde uni et déterritorialisé. Appadurai estime qu’il faut revoir la conception des « paysages de l’identité des groupes », où les « groupes ne sont plus étroitement territorialisés, limités dans l’espace, sans complexes historiques ou culturels homogènes »45. Plutôt que d’en diminuer l’importance, les processus du transnationalisme et de la mondialisation conféreront probablement une nouvelle portée et une nouvelle signification à la notion d’ethnicité. Dans les communautés transnationales, il y a eu déterritorialisation de l’ethnicité, surtout parmi les réfugiés et autres immigrés traumatisés.
39En résumé, les identités sociales déterritorialisées lancent un défi aux États-nations, étant donné que les communautés transnationales d’une diaspora sont essentiellement des communautés d’intérêt. La mondialisation implique une relativisation et une déstabilisation des anciennes identités et la création de nouvelles entités hybrides qui incluent les communautés transnationales appartenant à des diasporas. La déterritorialisation de l’identité sociale met en doute la prétention des États-nations de faire de la citoyenneté exclusive une référence pour la définition de l’allégeance et de la fidélité, par contraste avec la réalité des formes interpénétrantes, perméables et multiples de l’identité46. Cela implique des conséquences pour les conceptions nationales de la citoyenneté.
Nouvelle conception de la citoyenneté
40Les conceptions de la citoyenneté peuvent changer, parce que la citoyenneté est une construction légale, sociale et idéologique. Historiquement, elle est liée au développement et à l’évolution des États-nations. Les accords du traité de Westphalie en 1648 établissaient l’origine du fondement de l’État-nation sur la souveraineté du territoire, alors qu’aujourd’hui, dans un monde transnational, le territoire est le foyer d’une crise de souveraineté. La déterritorialisation de l’identité au sein des communautés transnationales des diasporas menace la conception moderne que l’État-nation se fait de la citoyenneté, parce que celle-ci a été circonscrite à des sphères nationales. Dans les communautés transnationales, les gens sont engagés un peu partout et leurs activités franchissent les frontières sociales, culturelles et territoriales, intervenant ainsi dans une transformation de la citoyenneté. Autrement dit, la citoyenneté peut transcender les frontières nationales, puisque les communautés transnationales se composent d’individus aux identités multiples et diverses qui modifient leur sens de l’appartenance et de l’attachement à une « communauté nationale imaginaire ».
41Hammar fait remarquer que l’adhésion à une nation et à un État se scinde et remet en cause la prémisse selon laquelle un territoire constitue nécessairement ou définit un peuple en tant qu’État-nation47. De son côté, Jacobson fait remarquer :
Vu l’effet des migrations transnationales, [la valise de] l’État-nation est « de plus en plus vide ». La communauté, le régime politique et le territoire sont en voie de devenir des sphères distinctes plutôt que coextensives, malgré l’interpénétration juridictionnelle. Les institutions politiques régionales et transnationales, les communautés transnationales, subnationales et diasporiques, ainsi que l’État lui-même, qui est maintenant une entité administrative de plus en plus dépouillée de sa qualité primitive, occupent différents espaces (encore qu’ils soient liés et partiellement partagés). Les identités sont en passe de se déterritorialiser48.
42Avec la mondialisation économique et culturelle, les relations entre les États-nations territoriaux et la citoyenneté doivent être réexaminées, car la déterritorialisation de l’identité sociale s’accentue, alors que les individus établissent des liens sociaux et adhèrent à des communautés multiples. Dans un monde où d’importantes populations appartenant à des communautés transnationales ne font que passer, les conceptions de l’allégeance et de la citoyenneté devront être réformées ou bien la notion même d’État-nation devra être repensée49.
43Depuis quelque temps, la notion de citoyenneté est devenue le thème privilégié des études politiques50. Comme le montre très bien l’ouvrage de T. H. Marshall, ce problème, au cours des années 1950 et 1960, concernait avant tout les inégalités sociales et la justice envers les déshérités de la société. Les problèmes actuels concernant la citoyenneté comprennent des questions sur la façon dont les citoyens envisagent et assument leurs responsabilités et leurs rôles en tant que citoyens, à la lumière des formes concurrentes des identités nationales, régionales, ethniques et religieuses. Aussi, les conceptions actuelles de la citoyenneté ont-elles mis l’accent sur la notion de « citoyenneté comme adhésion sociale », notion allant bien au-delà des obligations officielles définies par la loi. Par conséquent, les théories et les modèles de la citoyenneté contemporaine comportent la citoyenneté en tant que statut légal et la citoyenneté en tant qu’activité souhaitable, bien que l’une et l’autre soient parfois regroupées.
44Delanty conçoit quatre modèles de citoyenneté, dont la définition s’articule autour des droits, des devoirs, de la participation et de l’identité, ces deux derniers éléments conférant à la citoyenneté une dimension extralégale importante51. Nous mettons l’accent ici sur la dimension identitaire. Dans un rapport récent sur la théorie de la citoyenneté, Kymlicka et Norman font appel à une théorie de la citoyenneté centrée sur l’identité, les vertus civiques et l'identité nationale52. La citoyenneté ne peut être conçue uniquement et strictement comme un statut élaboré par un État-nation, car les immigrés sont de facto des citoyens de plus d'un État-nation. Dès lors, la conception traditionnelle de la citoyenneté en tant que loyauté unique s’amenuise, au fur et à mesure que faiblit le lien moral entre le pays et sa population.
45Dans le passé, loin de l’État-nation moderne, la citoyenneté a été définie de bien des façons, avec ses structures doubles ou plurielles d’appartenance, d’identité légale et de droits. Dès lors, elle est réellement définissable en fonction de l’existence d’une communauté politique, d’une société civile ou d'une sphère publique, et non pas de son rattachement à un État-nation. Cette divergence a conduit à la « problématique postnationale », dans laquelle l’étude de la citoyenneté, où l’accent est mis sur le substrat social des droits, des devoirs, de l'appartenance et de l’identité, ne peut être intelligible ni crédible que si elle ne se réduit pas à l’hypothèse de l’État-nation53. À vrai dire, cette problématique dépasse les critères de l’État-nation. Elle est postnationale. Son programme de recherche comprend les droits, l’affiliation et l’identité des migrants, des immigrants, des transmigrants et de ceux qui appartiennent à des communautés dispersées. Sur ce point, le cas européen est le plus évident.
La citoyenneté postnationale européenne
46Tambini fait remarquer que les structures économiques et culturelles dont dépend la citoyenneté nationale ont été ébranlées. D'où son déclin. Les processus qui ont contribué à ce déclin comprennent la mondialisation économique, la dénationalisation de la culture, les mouvements migratoires et les institutions transnationales54. Au demeurant, le flot des travailleurs immigrés de l'après-guerre 1939-1945 (Gastarbeiter) en Europe de l’Ouest a contribué à l'apparition de groupes marginaux et marginalisés appelés « étrangers résidants » « denizens » et « sociétés inter-États »). Ces groupes ont transcendé les limites de l’État-nation, ayant de multiples appartenances à différentes sociétés. L’existence de millions d’étrangers résidant en Europe, s’ajoutant à la décision de l’Union européenne de permettre la liberté de mouvement aux citoyens qui en sont membres, contribua à la naissance d’une redéfinition de la citoyenneté et de l’identité nationale dans un contexte européen. Dans beaucoup de ces pays, les rapports entre la nationalité et la citoyenneté sont incertains, particulièrement en ce qui concerne les immigrants et les étrangers résidants ; le même problème se pose à propos de l’intégration et de la cohésion sociale. La question qui se pose est donc : une citoyenneté européenne postnationale est-elle possible ?
47Il y a plus de dix ans, des chercheurs comme Brubaker soulignèrent la nécessité de modifier les modèles classiques de citoyenneté55. Bauböck réexamina les rapports entre la citoyenneté et les États configurés à un territoire et mit de l’avant une conception transnationale de la citoyenneté qui reconnaisse l’appartenance à de multiples communautés56. Ainsi donc, le besoin d’élaborer une perspective postnationale de la citoyenneté fut reconnue au début des années 1990, de nombreux experts adoptant le thème de la « déterritorialisation » en Europe57.
48Un nouveau type de citoyenneté a fait récemment son apparition dans l’Union européenne. Elle n’est ni nationale ni cosmopolite mais plutôt multiple, au regard des identités, des droits et des obligations ; elle s’exprime et se structure dans des institutions communautaires, des États, des associations, des régions et des alliances de régions nationales et transnationales de plus en plus complexes. Soysal propose un modèle de citoyenneté « d’appartenance postnationale » qu’il compare au modèle classique de la citoyenneté nationale58. Son analyse dépasse la compréhension traditionnelle et classique de la citoyenneté qui se limite à une nation ; elle conteste l'hypothèse traditionnelle selon laquelle la citoyenneté nationale est une condition nécessaire de l’appartenance à un régime politique. Ce modèle est fondé davantage sur les droits de l’homme que sur des considérations territoriales ; il supplante le modèle de la citoyenneté nationale, qui a dominé du XIXe siècle au milieu du xxe siècle, et trouve sa légitimité dans la communauté transnationale. À cet égard, Soysal insiste sur le nombre croissant d’obtentions de la double nationalité, y voyant une officialisation de la fluidité et de la multiplicité postnationales des appartenances59.
49Contestant l’accent mis par Soysal sur les droits, Delanty souligne l’apparition d’une idéologie communautarienne de l’identité culturelle européenne. Il affirme qu’une nouvelle sorte de citoyenneté, moins centrée sur les droits et plus axée sur l’identité, est en voie de compléter la citoyenneté postnationale officielle. À ses yeux, la dimension essentielle de la citoyenneté doit s’ajuster à sa dimension formelle, le cœur de la citoyenneté postnationale étant la participation et la multi-identification. Il laisse entendre que la théorisation de la citoyenneté doit dépasser le domaine de l’espace national pour inclure les niveaux régional, national et supranational60.
50Un ouvrage tout à fait récent de Kastoryano sur la conception de la citoyenneté d’après le traité de Maastricht conclut que la citoyenneté est « extraterritoriale ». Il fait remarquer que, selon l'article 8 du traité de Maastricht, n'importe quel individu qui a la nationalité d'un État membre est un « citoyen de l’Union ». Il s’agit donc là d’une projection de la citoyenneté par rapport à la nationalité conçue dans le cadre des États-nations61. Cela implique que la citoyenneté est extraterritoriale. Cependant, en pratique, le droit de vote accordé par le traité de Maastricht aux « citoyens de l’Union » est un droit de vote régional sur une base résidentielle. Cela place l’individu-citoyen de l’Union devant de multiples appartenances et identités, qui constituent un défi à l’État-nation unitaire. Cette multitude d’appartenances et de réseaux lie le pays d’origine au pays de résidence et crée une plus grande toile d’araignée de l’espace européen. Cet espace amoindrit les frontières et libère la circulation des marchandises, des biens immobiliers, des capitaux, avec l’apparition d’une monnaie commune. Ces interactions complexes favorisent une nouvelle conception de la citoyenneté. L’apparition de réseaux transnationaux de solidarité parmi les immigrants soulève la question du lien entre la participation et la citoyenneté, la nationalité et l’identité, la politique et la culture, à la fois dans l'État-nation et dans l’Union européenne, décrite par Castells comme un « État-réseau »62. Les réseaux transnationaux, comme les processus généraux de la mondialisation, lancent des défis à l’État-nation puisqu’ils refaçonnent les structures politiques et l’équilibre entre la nation et l’État. On voit dans l’État la force directrice derrière la construction des structures mondiales et dans la nation une ressource pour l’action politique63. L’apparition des communautés transnationales dans l’Union européenne entraîne une accentuation de la déterritorialisation de l’identité et une extraterritorialisation de la citoyenneté (telle qu’elle était prévue dans le traité de Maastricht)64. Cela amène à réfléchir sur la question de savoir comment la citoyenneté nationale est résolue dans le cadre postnational. Les preuves empiriques montrent que les États-nations, même s’ils sont soumis à des normes supranationales, restent la force directrice de l’Union européenne et constituent toujours la base de l’entreprise transnationale. Il y a donc, dans l’état actuel des choses, une absence d’identité « européenne » ; mais on ne peut exclure la possibilité qu’il y en ait une et qu’elle soit élaborée comme le projet d’une identité européenne65.
51Le modèle postnational présente une conception opposée à celui de la citoyenneté nationale. Les structures transnationales en Europe sont considérées comme ayant transcendé le pouvoir et l’influence des États-nations. Dans cette mesure, la citoyenneté de l’UE promet, au moins, d’être une nouvelle institution qui détache la citoyenneté de la nationalité et du territoire, et qui inclut les émigrés et les communautés transnationales dispersées. Dans une certaine mesure, ce nouveau modèle représente certains aspects de la réalité sociale de ces communautés ; néanmoins, il doit encore tenir compte du pouvoir et de l’importance que conserve l’État-nation. Celui-ci est loin d’être aboli ; toutefois, dans le cadre d’une politique mondialisante, il n’a plus le monopole du pouvoir66. Alors que des débats sont en cours et qu’on émet des théories sur le modèle postnational, son extension logique va dans le sens de la citoyenneté et de la gouvernance mondiales.
Vers une citoyenneté mondiale T
52La citoyenneté est principalement une invention moderne, occidentale. Avec la mondialisation économique et culturelle, la sociologie de la citoyenneté doit être repensée radicalement67. Si on envisage la citoyenneté d'un point de vue formel (son statut légal) et essentiel (la transformation des attitudes, des relations et des attentes), on constate qu’une limitation et une condition territoriales cessent d’être indispensables. Cela soulève la question de savoir si la notion de citoyenneté mondiale est une notion plausible.
53Il y a dix ans, les écrits de Turner sur la mondialisation de la citoyenneté affirmaient que ce concept était prématuré68. Or on peut soutenir que les dispositifs conceptuels sont maintenant réunis. Turner avait suggéré que l’élaboration théorique de l'idée de citoyenneté pouvait s’aligner sur la « citoyenneté mondiale », équivalent de l’économie mondiale. L’œuvre novatrice de Falk montre que la construction d’une citoyenneté mondiale est une possibilité qui se profile à l’horizon69. Falk plaide en faveur d’une gouvernance humaine fondée sur les droits de la personne bien compris, qui s'enracinent dans des forces démocratiques transnationales, et souligne que la transition vers celle-ci implique une conception non territoriale de l’identité et de la communauté70. Habermas, plus récemment, a laissé entendre que la notion de citoyenneté mondiale « n’est plus simplement un fantôme », bien qu’on soit encore très loin de sa réalisation71. En ce sens, la citoyenneté de l’État et la citoyenneté mondiale sont maintenant situées sur un continuum dont les contours sont visibles. La création d’un État mondial est extrêmement éloignée, mais on peut affirmer qu’une société civile mondiale apparaît progressivement, phénomène qui risque d’avoir des effets sur les conceptions actuelles de la citoyenneté72. Au sein des nations, la lutte pour la citoyenneté est un préalable ; elle est suivie en cela par la citoyenneté politique et sociale. Mais, au niveau mondial, les droits et les revendications de tous les êtres humains transcendent le domaine des États-nations ; on connaît probablement le début d’une société civile mondiale et d’une forme de gouvernement du même type. Drainville considère ce développement comme une étape dans l’histoire du capitalisme organisé et soutient que ces formes de société et de pouvoir ont été créées en vue de préserver l’ordre existant dans un monde marqué par le capital transnational. Pour d’autres chercheurs, les dimensions politiques sont primordiales et les dimensions économiques, secondaires73. Il n'existe aucun modèle particulier dominant de gouvernement mondial, bien que la tendance générale soit celle de la démocratie inclusive et directe qui encourage la citoyenneté mondiale74. Ainsi, la gouvernance mondiale contribue à la création d’une société civile planétaire et en est le reflet dans l’ordre mondial instauré depuis la paix de Westphalie ; dans le contexte de la déterritorialisation, les États-nations perdent progressivement leur contrôle sur la destinée des individus. La politique elle-même revêt de plus en plus des dimensions mondiales ; l’une d’elles suggère que l’on repense la démocratie en fonction d’un nouvel ordre cosmopolite de gouvernance mondiale75.
54En résumé, de plus en plus de gens ont des résidences loin de leur domicile et partagent des identités multiples. Ces transressortissants préfèrent conserver la culture de leur pays d’origine, tout en cherchant à obtenir le droit à une citoyenneté nationale. Ces tendances, de même que le transnationalisme croissant, ont des incidences sur les politiques d’immigration et de citoyenneté des États-nations.
Les incidences politiques sur la citoyenneté canadienne
55Au cours de l’histoire, les États-nations ont essayé de faire de la citoyenneté exclusive une condition sine qua non de l’identité. Mais, comme le fait remarquer Cohen,
le monde ne ressemble plus à cela ; la perspective de nouvelles attaches et d’associations multiples qui s’est ouverte au-delà des États-nations a permis que l’identification à une diaspora s’accentue et devienne acceptable. Il n’y a plus [...] coïncidence entre les identités sociales et les identités nationales. Ce que les nationalistes du XIXe siècle désiraient, c’était un « espace » pour chaque « race », une territorialisation de chaque identité sociale. En réalité, ce qu’ils ont obtenu, c’est plutôt une chaîne de villes cosmopolites et une prolifération croissante d’identités subnationales et transnationales qui ne peuvent être enfermées aisément dans le système de l’État-nation76.
56L’État canadien a de la difficulté à contenir la prolifération croissante des identités subnationales et transnationales dans sa population. Cela s'explique par le fait que le Canada a compté depuis toujours sur l’immigration pour bâtir le pays et assurer sa croissance économique, mettant en œuvre une politique d’immigration non raciste au cours des années 1960. Quoi qu’il en soit, l’État gouverne et intervient par des politiques d’immigration et de citoyenneté ; ce faisant, ainsi que nous le montrerons, il choisit de forger une politique de citoyenneté qui résiste aux pratiques transnationales des immigrants récents.
57La citoyenneté au Canada est actuellement en voie de redéfinition au fur et à mesure que le processus de mondialisation exerce des pressions en vue de modifier l’équilibre des responsabilités des relations triangulaires des États, des marchés et des communautés77. Le comportement de l’État canadien en matière de citoyenneté s’efforce d’inverser ce mouvement d'affaiblissement de son autorité en utilisant les dimensions du territoire et en renforçant un régime de citoyenneté pancanadien.
58La construction de la nation canadienne a toujours exigé l’immigration et, depuis plus de cinquante ans, la citoyenneté. Sur un plan plus général, certains considèrent que cette entreprise est une tentative pour unifier des populations disparates, voire hérérogènes, par le biais de processus historiques et affectifs, afin de susciter la loyauté envers un appareil et une structure institutionnelle étatiques, et favoriser une identification à ce système78. Les politiques sur la citoyenneté tentent ainsi de susciter des conditions sociales grâce auxquelles des populations différentes peuvent se reconnaître comme « une » au sein de l’État-nation. Cela suppose un rituel politique de type affectif qui consiste à assister à des cours de citoyenneté, à passer un examen d’admissibilité, à prêter serment d’allégeance et à recevoir un certificat de citoyenneté canadienne.
59Avant 1947, il n’y avait pas de citoyens canadiens, mais des sujets britanniques vivant au Canada. Le 1er janvier 1947, la première Loi sur la citoyenneté canadienne entra en vigueur, loi qui établissait officiellement une identité canadienne unique et la délivrance d’un passeport canadien. Cette loi fut en vigueur pendant trente ans, jusqu’à ce qu’elle soit révisée en 1977. Douze ans plus tard, une initiative pour réviser la politique de la citoyenneté fut présentée (le projet de loi C-16), mais ne fut pas retenue en raison de la tenue des élections générales de novembre 2000. À l’heure actuelle, le gouvernement entend toujours procéder à une révision de la loi de 1977. Les raisons invoquées sont semblables à celles qu’il faisait valoir en 1999, c’est-à-dire refléter une société qui croît et qui change, qui dispose de nouvelles technologies, de communications améliorées et de libertés personnelles accrues.
60Il est clair que l'État canadien fait face à des changements dans les conceptions que se font les gens de la citoyenneté et qu’il essaie de redéfinir celle-ci pour maintenir son autonomie et préserver l’État-nation canadien. Dans sa présentation du projet de loi sur la citoyenneté en deuxième lecture à la Chambre des communes, l’ancienne ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Lucienne Robillard, témoignait de ce problème. Elle décrivait la citoyenneté canadienne comme « étant l'une des plus respectées au monde », comme étant « le fondement même de l’identité canadienne » et « le dénominateur commun qui nous unit d’un océan à l’autre »79. Par ailleurs, le gouvernement canadien précisait que les révisions législatives étaient nécessaires pour mettre de l’ordre dans certaines incohérences et dans certaines dispositions fondamentales peu claires pouvant être contestées devant les tribunaux. D’un point de vue politique, la loi en vigueur représente une lourde responsabilité, car elle est perçue (par beaucoup de Canadiens et par l’opposition) comme étant exposée parfois aux abus de ceux qui demandent la citoyenneté canadienne80. Le gouvernement fédéral estime que le récent projet de loi non seulement corrigera ces incohérences et clarifiera certaines dispositions ambiguës, mais, chose plus importante encore, renforcera la valeur de la citoyenneté canadienne en lui donnant une connotation plus moderne et un cadre législatif renouvelé. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la citoyenneté est une construction idéologique. Labelle et Midy ont montré que le gouvernement canadien est présent sur le front idéologique lorsqu’il cherche à définir, à améliorer et promouvoir la citoyenneté canadienne en même temps que ses valeurs et ses obligations81.
Le transnationalisme et le projet de loi 016 : une initiative qui respecte la citoyenneté canadienne
61Le tableau 3 résume les principales sections du projet C-16, en relation avec la mondialisation et le transnationalisme. Les sections suivantes examinent ces questions en profondeur.
Les enfants nés au Canada : la question des droits acquis à la naissance
62Aucun changement n’est proposé dans le projet de loi C-16 concernant ces droits. Néanmoins, des désaccords sérieux ont opposé les ministres du cabinet libéral et certains députés sur le fait d’accorder automatiquement la citoyenneté à quiconque est né au Canada. Cette controverse eut lieu au printemps 1998 pendant la rédaction de l’avant-projet de loi C-1682. L’ancienne ministre, Lucienne Robillard, suggéra que le Canada puisse reconsidérer le droit à la citoyenneté à quiconque était né au Canada. C’était une réaction au jugement d’une cour de l’Ontario cassant l’ordre de déportation prononcé contre une mère de Toronto pour le motif que cette décision violait les droits de ses deux enfants nés au Canada. Finalement, la ministre Robillard se prononça contre la fin du droit automatique à la citoyenneté pour les enfants nés de parents sans statut au Canada. Cela, en effet, aurait signifié pour un certain nombre d’enfants nés au Canada qu'ils seraient devenus apatrides, situation que la ministre, bien sûr, n’était pas prête à assumer. Au fur et à mesure que des communautés transnationales s’établissent au Canada et ailleurs, il y aura de plus en plus de personnes qui se trouveront dans des situations légales et illégales selon les circonstances. La citoyenneté par le droit acquis à la naissance ne doit pas être envisagée de façon négative, comme ce fut le cas lors de cette controverse.
TABLEAU 3. Comparaisons de la récente proposition pour une politique de la citoyenneté canadienne – Questions se rapportant au transnationalisme
La politique actuelle (C-29) | La politique proposée (C-16) |
La citoyenneté à la naissance | La citoyenneté à la naissance |
Tous les enfants nés au Canada. | Tous les enfants nés au Canada1. |
Les enfants nés à l'étranger de parents canadiens – toutes les générations au-delà de la première. Perdent leur citoyenneté à l'âge de 28 ans s'ils ne s’inscrivent pas pour la conserver, ce qui exige qu'ils résident au | Les enfants nés à l’étranger de parents canadiens – seulement pour la première génération. La 2e génération perd la citoyenneté à l’âge de 28 ans si on ne s'inscrit pas pour la conserver, ce qui exige une présence physique au Canada pendant trois ans dans les cinq ans précédant la demande. La 3e génération n'a aucun titre à la citoyenneté. |
La citoyenneté par naturalisation | La citoyenneté par naturalisation |
Au moins trois ans de résidence au Canada en dehors des quatre dernières années qui précèdent la date de la demande2. | Au moins trois ans de résidence physique au Canada en dehors des six dernières années (1095 jours) qui précèdent la demande3. |
La citoyenneté double et multiple | La citoyenneté double et multiple |
Permise. | Permise4. |
Le serment | Le serment |
Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth II, reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à défendre nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne). | Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté Elizabeth II, reine du Canada. Je m'engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à défendre nos valeurs démocratiques, à observer fidèlement nos lois et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne). |
1. Il y eut désaccord au cours du débat parmi les membres du gouvernement libéral concernant la pertinence de changer ce point.
2. La Cour fédérale a interprété la résidence comme n’étant pas nécessairement une présence physique au Canada ; elle peut comprendre le fait d'avoir des liens avec le Canada en étant propriétaire, en ayant des impôts à payer et en ayant des membres de la famille immédiate au pays. Les postulants peuvent aussi compter le temps écoulé avant d’avoir le statut de résidant permanent à raison d’une journée par jour.
3. Ce critère définit strictement et étroitement la résidence comme le fait de résider et d'être présent physiquement au Canada. Les postulants ne peuvent compter le temps passé au Canada avant l’obtention du statut de résidant permanent Le projet de loi original était plus restrictif en exigeant trois années en dehors des cinq dernières, mais ce nombre fut porté à six par le Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration dans son deuxième rapport, le 13 mai 1999.
4. Les pays qui permettent la double citoyenneté comprennent l’Afrique du Sud, l'Argentine, le Brésil, l’Égypte, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Iran, l’Italie, la Jamaïque et la Nouvelle-Zélande. Les pays qui ne la permettent pas comprennent l’Allemagne, l'Australie, l’Inde, le Japon, la Pologne, la Russie et la Suède.
Limitation à la transmission de la citoyenneté
63Actuellement, les enfants nés à l’étranger de parents canadiens acquièrent automatiquement la citoyenneté canadienne à la naissance. Toutes les générations au-delà de la première génération de Canadiens nés à l’étranger acquièrent aussi la citoyenneté canadienne à la naissance, mais elles perdent leur statut à l’âge de 28 ans, à moins qu’elles décident de le garder. Pour avoir droit au maintien de ce statut, il y a une obligation d’une année de résidence au Canada avant la demande. Dans le projet de loi C-16, aucun changement n’est prévu pour la première et la deuxième génération d’enfants nés à l’étranger de parents canadiens, puisqu’ils acquièrent automatiquement la citoyenneté canadienne. Pour la deuxième génération d’enfants nés à l’étranger, la politique proposée est la même en ce qui concerne l'acquisition automatique de la citoyenneté à la naissance, à savoir qu’on doit faire une demande pour la garder après avoir atteint 28 ans. Cependant, de nouvelles conditions de résidence sont imposées : les candidats doivent être « présents physiquement » au Canada pendant au moins trois des cinq ans qui précèdent la demande avant l’âge de 28 ans. Cela triple l’obligation de résidence, avec une définition stricte de présence physique au Canada. En outre, la troisième génération et les suivantes n'ont obtenu aucun titre à la citoyenneté canadienne. Ils ont à satisfaire aux conditions habituelles de la citoyenneté comme tout autre immigrant au Canada. Cette proposition reflète le désir de l'État de réinscrire dans la territorialité sa limitation de la citoyenneté et constitue une réaction contre les nouveaux réseaux intergénérationnels transnationaux de citoyens canadiens dans les communautés transnationales.
Les exigences de résidence : la recherche de la reterritorialisation
64Actuellement, un résidant permanent doit avoir résidé au Canada au moins trois ans pendant la période de quatre ans qui précède sa demande de citoyenneté. Mais, les cours ont diversement interprété cette notion de « résidence » au Canada. De nombreux juges estiment que c’est la « qualité de l’attachement au Canada » qui détermine le fait de résider et pas seulement le nombre de jours qu'une personne passe physiquement dans le pays. Par exemple, le juge Jean-Eudes Dubé de la Cour fédérale a récemment écrit : « Le fait de résider au Canada pour obtenir la citoyenneté n’implique pas la présence physique à plein temps »83. On a déjà mesuré la qualité de l’attachement au Canada par le fait d’être propriétaire d’une maison au Canada, d’y avoir une adresse personnelle, un compte bancaire, des reçus d’impôts et des membres de sa famille au Canada. Le projet C-16 stipulait qu’un résidant permanent devait avoir accumulé au moins trois années (1095 jours) de présence physique au Canada dans la période de six années précédant la demande de citoyenneté. La période de trois ans demeurait la même et la période de base passait de quatre à six ans. Toutefois, l'interpétation stricte de la notion de résidence permanente, à savoir être présent physiquement et résider au Canada, constituait le principal changement. Le gouvernement exigeait que les postulants prouvent leur présence physique au Canada en produisant des documents officiels tels que des dossiers scolaires, des déclarations écrites sous serment ou des lettres d’employeurs, de propriétaires, de voisins, ou des tampons ou timbres sur un passeport, etc. Andrew Telegdi, ancien secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a défendu les nouvelles exigences de résidence en déclarant : « Ces nouvelles exigences ont été établies parce que nous croyons fermement que, pour préserver la valeur de la citoyenneté, nous devons faire en sorte que tous ceux qui sont citoyens canadiens établissent et entretiennent des liens avec le Canada »84.
65Cette modification législative fut très contestée (et continue de l’être), car elle ne tenait pas compte du monde déterritorialisé dans lequel nous vivons, avec ses processus de distorsion et de compressions spatio-temporelles, voire de décentrement des relations sociales. Par rapport aux lois actuelles, plus flexibles et plus sujettes à interprétation, elle est beaucoup plus sévère. Essentiellement, cette loi constitue une reterritorialisation face à la déterritorialisation de la citoyenneté et de l’identité. Avec la mondialisation, le rôle du territoire dans la définition d’un peuple (ou de l’État-nation) diminue et l’idée que le pays et le peuple sont étroitement liés dans un État unitaire s’amenuise85. Dès lors, l’État canadien résiste et s’efforce de rétablir le territoire comme base de la citoyenneté.
66Cette initiative témoignait aussi du désir du gouvernement de voir les citoyens éventuels manifester leur attachement au Canada en faisant de celui-ci leur lieu de résidence, étant admis le fait que le domicile est l’endroit où on passe la plus grande partie de son temps. Ce point de vue élude plusieurs questions élaborées dans l’optique du transnationalisme. Quelqu’un peut-il ne pas avoir le Canada comme seul lieu de résidence, étant chez lui en dehors de chez lui ? Pourquoi faut-il qu'il passe la plus grande partie de son temps chez lui ? Un autre argument présenté par le gouvernement (Lucienne Robillard) est « de faire en sorte que les individus se familiarisent avec la manière de vivre canadienne avant d’être admis comme citoyens. La seule façon d’y parvenir est de vivre ici »86. Cela élude une autre question : « Quelle est la manière de vivre canadienne ? », qui, immanquablement, rappelle une question posée il y a trente ans : « Qu’est-ce que la culture canadienne ? ».
67Cette proposition d’obligation de résidence avec « présence physique » aurait confiné les gens au Canada à l’ère de la mondialisation, ce qui est contraire à la tendance au transnationalisme, et aurait eu un effet restrictif sur les transmigrants, particulièrement les immigrants du monde des affaires, qui ont de petites ou de grandes entreprises transnationales. Les jeunes immigrants en auraient souffert également, eux que la carrière amène à l’étranger pour le travail, les études et les voyages. La politique actuelle, qui impose des conditions de résidence plus souples, plus discrétionnaires et plus ouvertes, est beaucoup mieux adaptée aux réalités universelles que celles qui furent proposées, rigides, étroites et physiquement restrictives.
Connaissance du Canada : la pratique du fondamentalisme culturel
68La politique actuelle exige que les citoyens éventuels fassent preuve d’une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges de la citoyenneté par un questionnaire qui autorise le recours à un interprète. La politique récemment proposée exige aussi la même chose, mais le questionnaire doit être rédigé en anglais ou en français sans [souligné dans l’original] interprète. Cette nouvelle exigence de la connaissance du Canada manifestée par la communication dans une des deux langues est aussi une forme de fondamentalisme culturel qui établit les critères culturels linguistiques de la citoyenneté. En un sens, cette exigence impose la conformité linguistique comme condition d’admissibilité à la citoyenneté dans une société démocratique contemporaine. Par ailleurs, cela représente un problème de gouvernance ou une manière d'encadrer celle-ci dans la mesure où elle est influencée par l’idée d’une communauté canadienne imaginaire où se parlent l’anglais et le français. Autrement dit, vous n’êtes pas vraiment canadien si vous ne parlez pas anglais ou français.
La citoyenneté double et multiple : un paradoxe inquiétant qui est remis en question
69La citoyenneté double et multiple est vraiment l’institutionnalisation des liens transnationaux qu’entretiennent les gens. Le Canada a permis la citoyenneté double et multiple depuis 1977 : il est possible d’avoir deux ou plusieurs citoyennetés non seulement en même temps, mais aussi pour un temps indéfini. Cependant, un sentiment de malaise s’est installé à la suite de cette citoyenneté double et multiple. Au milieu des années 1990, le Comité actif sur la citoyenneté et l'immigration recommandait que les Canadiens titulaires de la double citoyenneté accordent la priorité à leur citoyenneté canadienne ; en outre, il recommandait qu’une condition d’admissibilité soit la reconnaissance de ce principe par les immigrants qui choisissent d’obtenir la citoyenneté par naturalisation87. Dans le projet de loi C-16 présenté récemment, la citoyenneté double et multiple est toujours permise ; cependant, il y a trois ans, pendant les stages de formation concernant cette loi, elle fut mise en question par une proposition qui émanait du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. On ne sait pas à quel point l’État entendait éliminer ce caractère de la citoyenneté, mais le fait que cela ait été publicisé était peut-être un rappel à la population du Québec concernant le coût éventuel de la séparation. Toutefois, on devrait également faire remarquer que, dans la documentation de l’État sur la citoyenneté double et multiple, le gouvernement canadien consacre un espace minimal sur les avantages de cette citoyenneté et beaucoup plus d’espace pour en montrer les inconvénients88.
70Il semble évident que c’est à contrecœur que l’État canadien continue de permettre la citoyenneté double et multiple. Pourquoi en est-il ainsi et pourquoi la double citoyenneté représente-t-elle un défi à l’État ? On peut supposer que plus le transnationalisme grandit, plus il y a ambivalence, divergence et peut-être même esprit de contradiction au Canada. La réaction à ce double statut de la part de certains autochtones consiste à remettre en question la loyauté et l’allégeance des immigrants qui maintiennent des liens transnationaux aussi forts et appartiennent à des communautés transnationales. Aussi voit-on dans la double citoyenneté une « dévalorisation » de la citoyenneté et une entrave à l’adaptation et à l'intégration des immigrants. Ce malaise est plus susceptible d’être ressenti par les résidants de longue date et par les Canadiens de naissance que par les immigrants eux-mêmes. De plus, des théories récentes aux États-Unis, élaborées par le Carnegie Endowment for International Peace, semblent indiquer un effet opposé en postulant que la double nationalité faciliterait l’intégration culturelle et politique des nouveaux immigrants qui, sans cela, ne réussiraient pas à s’acclimater, restant politiquement et culturellement isolés89.
71Une autre préoccupation concernant la citoyenneté plurielle se rattache au problème de l’allégeance, de la loyauté et du patriotisme partagés. Ce qui est problématique ici, c’est de savoir si l’État canadien peut, au regard de la loyauté envers le Canada, faire confiance à ceux qui appartiennent à des communautés transnationales et qui ont une citoyenneté plurielle. À l’exception de la guerre et du service militaire, de nombreux problèmes importants ici, comme ceux de la culpabilité légale et de l’impôt, peuvent en réalité se résoudre par le moyen de traités et d’accords bilatéraux et internationaux ; dès lors, le problème de la loyauté n’est pas tant d’ordre matériel, voire électoral, que d'ordre symbolique90.
Le serment : jurer loyauté et allégeance
72Le serment récemment proposé exige qu’on fasse serment d’allégeance au Canada, d’abord et avant tout (voir le tableau 3). Il mettait davantage l’accent sur les droits et libertés, les valeurs démocratiques, les lois et obligations que ne le fait le serment actuel. Il exigeait aussi le serment de loyauté et d’allégeance à la reine du Canada, Sa Majesté Elizabeth II. Ce qui posait problème à de nombreux Québécois, aux Premières Nations et à ceux qui appartiennent à des communautés transnationales. Le serment de loyauté et d’allégeance à une reine qui vit dans un pays étranger peut paraître bizarre et rendre perplexes certains immigrants, mais ce paradoxe illustre peut-être le transnationalisme lui-même. Sur un plan symbolique, le serment est une déclaration conçue par l’État pour manifester un attachement à des valeurs partagées. Le serment et la section sur « la connaissance du Canada » se rapportent directement aux valeurs. Comme l'a fait remarquer le journaliste Gagnon,
Madame Robillard veut que les futurs citoyens « connaissent le Canada, partagent ses valeurs et acquièrent un sens de l’appartenance ». [...] Qu’est-ce que les sentiments privés ont à voir avec la citoyenneté ? Nous devrions exiger de nos futurs citoyens l’obéissance à nos lois, le respect de nos principaux codes sociaux et l’autosuffisance. Point. Pour ce qui est des « valeurs », le fait est que les Canadiens ne partagent pas de valeurs communes. Certains ne croient même pas en la démocratie, ce qui, du reste, est admis dans une démocratie. Quelles sont les valeurs canadiennes ?91
73Gagnon met clairement en cause la conception « dense » que Lucienne Robillard se fait de la citoyenneté en y intégrant les valeurs partagées et l’identité.
74En résumé, parmi les principales révisions et politiques proposées dans le projet de loi C-16, beaucoup allaient à l’encontre des tendances du transnationalisme, de la déterritorialisation de l’identité et des nouvelles pratiques transnationales. Parmi ces révisions proposées, on trouve : 1) la limitation de la transmission de la citoyenneté à la deuxième génération ; 2) de sévères obligations de résidence physique ; 3) la connaissance du Canada manifestée par la relative maîtrise d’une des deux langues officielles ; 4) le serment. Ces changements que proposait le projet de loi C-16 illustraient la tentative de l’État canadien pour inverser la tendance déclinante de son pouvoir contre un « amincissement » de la citoyenneté et pour en « épaissir » la forme. C'est dans ce but que des révisions et des politiques précises stipulaient la reterritorialisation, la limitation générationnelle de la transmission de la citoyenneté et l’affirmation de la prépondérance culturelle par des obligations linguistiques. Les discussions publiques qui remettent en question le droit à la naissance et la double nationalité sont d’autres illustrations du désir de l’État d’instaurer une citoyenneté plus consistante. Ces changements proposés témoignent de la peur de la diversité et de la fixation au territoire, dans une tentative pour homogénéiser l’ensemble des habitants du pays et pour s’orienter dans le sens des opinions néoconservatrices et ultranationalistes, aux yeux desquelles les immigrants et l’immigration menacent la cohésion sociale canadienne (problème dont on va parler ci-dessous).
75Nous venons de voir l'incompatibilité entre les tendances naissantes du transnationalisme et la politique de la citoyenneté canadienne récemment proposée. Le défi maintenant est de déterminer quels changements seraient appropriés et nécessaires dans une politique de la citoyenneté. Au risque d’être schématique, il est possible de soutenir que la citoyenneté peut se concevoir et être comprise de manière binaire, comme nous l’avons évoqué plus haut :
- La citoyenneté dense », qui implique le partage de valeurs communes et qui suppose une identité culturelle partagée par une nation conçue comme une identité dense et substantielle, toutes choses qui favorisent la cohésion sociale.
- La citoyenneté filiforme », qui est civique et implique un minimum de valeurs partagées concernant les droits et la règle de droit, mais ne suppose aucunement une identité culturelle partagée et aucune reconnaissance de la différence et de la diversité.
76Les récentes révisions proposées pour une politique canadienne de la citoyenneté ont représenté la tentative de l’État canadien pour forger une citoyenneté plus étoffée en resserrant les règles et en les rendant plus restrictives. Ces mesures étaient punitives plutôt qu’affectives et ne reconnaissaient pas la différence et la diversité. Elles montraient que l’État canadien choisissait de revenir, par nostalgie peut-être, aux conceptions anciennes et traditionnelles de la citoyenneté nationale. Cette approche va totalement à l’encontre de la tendance actuelle de libéralisation des régimes de citoyenneté dans les pays occidentaux d’immigration, tout spécialement en Europe92. Le choix d’une citoyenneté « filiforme mais forte », davantage sensible aux réalités des communautés transnationales, n’a pas eu lieu ; toutefois, à plusieurs égards, ce choix est pratiqué de facto par beaucoup de monde. Ce qui a pour résultat des situations ambiguës et problématiques pour beaucoup de gens.
77Kymlicka et Norman font état d’un nombre croissant de théoriciens qui soutiennent que la citoyenneté doit prendre en compte les différences de groupes93. Ils estiment qu’il y a lieu de concevoir une « citoyenneté différenciée » où les membres de certains groupes seraient intégrés dans la communauté politique non seulement en tant qu’individus, mais aussi en tant que groupes, et où les droits dépendraient, en partie, de l’appartenance à un groupe. Ces demandes pour une « citoyenneté différenciée » mettent sérieusement en cause la conception prédominante de la citoyenneté, car beaucoup de gens considèrent l’idée d’une citoyenneté différenciée de groupes comme une contradiction dans les termes. Selon le point de vue orthodoxe, la citoyenneté doit traiter les gens comme des individus avec des droits égaux, dans les limites de la loi. Par conséquent, une « citoyenneté différenciée » est une nouveauté radicale qui s’oppose à la stratégie de la « citoyenneté commune ».
78Kymlicka va plus loin en souhaitant que l’État établisse certains droits collectifs précis ou « statuts spéciaux » pour les minorités, dans le cas où une citoyenneté multiculturelle serait différenciée et comprendrait à la fois les droits individuels et collectifs précis et leur reconnaissance94. L’analyse de Kymlicka et de Norman concerne la citoyenneté avec un petit c. Ce serait une provocation que d’appliquer ces idées à la Loi sur la citoyenneté elle-même. Il est possible d’envisager une loi sur la citoyenneté différenciée, plus « filiforme », plus souple dans ses exigences, qui contiendrait des dispositions spéciales pour ceux qui appartiennent à des communautés dispersées apparentées à des diasporas.
Rechercher la cohésion sociale par des valeurs et une identité commmunes. Quelques questions
Pourquoi cette recherche ?
79Dans un monde postmoderne où la mondialisation crée des tendances à la déterritorialisation, à l’hybridation et à la fragmentation, il ne faut pas s’étonner que l’État canadien ait mis l’accent sur les valeurs communes, l’identité et la « cohésion sociale », ce dernier sujet étant l’objet du financement des initiatives et de la recherche en politique sociale. L’expression cohésion sociale est devenue courante dans la recherche universitaire financée et orientée par l’État.
80Dans d’autres parties du monde, la valeur attachée à la citoyenneté est en déclin, particulièrement en Europe et aux États-Unis95. Au Canada aussi semble-t-il, quoique les taux de naturalisation soient demeurés élevés. Ces derniers sont souvent employés comme mesure de la valeur de la citoyenneté chez les immigants ; cependant, les motifs de naturalisation peuvent avoir changé pour beaucoup d’immigrants, surtout chez ceux qui appartiennent à des communautés transnationales. Cohen semble indiquer que les puissants liens structurels que sont la langue, la religion, le sens de l’histoire et du destin communs imprègnent les relations transnationales en leur conférant des qualités affectives et intimes dont sont dépourvues les relations officielles dans un État-nation96. Ainsi, les immigrés peuvent se servir de l’État-nation comme d’un instrument plutôt que le révérer affectivement. Des chercheurs ont désigné ce fait comme étant la « citoyenneté instrumentale »97, la citoyenneté « égocentrique »98 et la « citoyenneté souple »99. Rosenau décrit la citoyenneté « égocentrique » comme une situation où les individus préfèrent l’attachement à eux-mêmes à celui qu’ils ressentiraient pour la société, ce phénomène se généralisant avec les turbulences mondiales et l’affaiblissement des gouvernements100. Il fait remarquer que nombreux sont ceux qui, à défaut d’autre chose, sont poussés à pratiquer une citoyenneté centrée sur elle-même, car, bien qu’ils soient enclins à s’intéresser à la société autour d'eux, ils ne comprennent plus le système. Dans la description qu’il fait des membres du jet-set, Rosenau soutient que leur attachement aux communautés nationales perd de l’importance au fur et à mesure qu’ils se concentrent sur les problèmes qui débordent les frontières nationales101. Ong a inventé le terme « citoyenneté souple » pour décrire les activités des Chinois d’outre-mer durant les années 1990 et leur recherche intéressée d’une citoyenneté à l’étranger. Pour eux, la citoyenneté d’outre-mer facilite la flexibilité de l'accroissement du capital. En même temps, les États-nations ont favorisé l’accroissement de leur propre capital par le moyen de la politique d’immigration, ce qui a eu pour résultat une citoyenneté d'accommodement. Pourtant, l’identité — nous l’avons signalé ci-dessus — est une partie constitutive de la citoyenneté. Dès lors, quel rapport peut-il y avoir entre la citoyenneté d’une personne et son identité nationale ? Cette question mérite une recherche plus poussée.
81Une question connexe est celle de savoir si oui ou non le phénomène de la citoyenneté double et multiple est une forme instrumentale et flexible. Pour y parvenir, il faudra de nombreuses recherches sur la façon dont la mondialisation économique et culturelle affecte le statut de citoyen des émigrés et la valeur de celui-ci. Le gouvernement canadien s’est aperçu que la dévaluation et l'accommodement de la citoyenneté canadienne sont bien réels. Sa réaction a été une initiative politique telle que le projet de loi C-16. À titre d’illustration de la philosophie qui prévaut dans ce projet de loi, effectuons quelques citations. En premier lieu, celle de Citoyenneté et Immigration Canada (cic) ; ensuite celle de l’ancienne ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, Lucienne Robillard ; enfin celle d’Andrew Telegdi, ancien secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration :
CIC
Objectif : le renforcement de la valeur de la citoyenneté canadienne par une loi102.
Lucienne Robillard
Si être Canadien doit signifier quelque chose, nous devons instaurer des règles103
Telegdi
Il est important aussi que nous incluions des changements pour renforcer la valeur de la citoyenneté canadienne. [...] La nouvelle loi est un pas dans la bonne direction pour nous tous, puisqu’elle aide à promouvoir la grande valeur de la citoyenneté canadienne. Cela est important pour ceux d’entre nous qui possèdent déjà cet atout précieux. C’est également important pour ceux qui veulent devenir citoyens canadiens104.
82Cette rééavaluation de la citoyenneté par l’État est, de toute évidence, une tentative pour améliorer la cohésion sociale par l'intégration aux valeurs partagées. Toutefois, les valeurs partagées sont-elles vraiment la clé de la cohésion sociale ?
Les valeurs partagées
83Peu de recherches ont été faites sur les valeurs partagées dans la population canadienne, alors que manifestement il y a beaucoup de valeurs qui ne le sont pas. Dans son tableau sur la cohésion sociale, Jenson aborde la question des valeurs en définissant cette question pour la recherche :
Quelles sont les conséquences, s’il y en a, des différences actuelles dans les valeurs ? Quelles sont les différences qui comptent et quelles sont celles qui sont une manifestation inévitable — voire souhaitable — de l’histoire multinationale et polyethnique ?105.
84Ces questions nécessitent des recherches factuelles dans le domaine des sciences sociales au Canada.
85Lors d’une conférence intitulée Recherche politique : conférence sur la création des liens qui s’est tenue à Ottawa en 1998, Nevitte examina la situation des « affrontements à propos des valeurs » et de ses répercussions sur la cohésion sociale106. Kymlicka n'était pas d’accord avec la notion d’« affrontements à propos des valeurs » présentée par Nevitte. Il remit en question la nécessité de partager des valeurs et affirma que la clé de la cohésion sociale ne résidait pas dans les valeurs partagées mais plutôt dans les identités. Autrement dit, les valeurs partagées n’empêchent pas la diversité des identités ou, en d’autres mots, il peut y avoir convergence des valeurs mais divergence des identités.
L'identité
86Kymlicka estime que l’identité est la véritable base de l’unité et de la cohésion sociales, et qu’il est important d’avoir une identité de citoyenneté partagée qui remplacera les identités nationales rivales dans un État-multination107. Si l’identité constitue la clé, alors deux questions fondamentales se posent :
- D’où proviendra cette identité partagée ?
- Comment une identité partagée se fera-t-elle ?
87La réponse de Kymlicka à la première question est « l’histoire » et la participation à « la conversation canadienne », pour reprendre la formule de Webber. Cette conversation est un discours particulièrement canadien comportant des expressions spécifiques. Dès lors, on affirme que, si des groupes divers grandissent en écoutant cette conversation, cette dernière devient une partie de leur identité108. Il déclare :
Le fait est que les Canadiens ont montré un désir de continuer la conversation nationale. Les Canadiens s’identifient assez les uns aux autres et à notre histoire commune pour trouver inacceptable la perspective que cette conversation prenne fin109.
88Cette affirmation a besoin d’être soumise à un examen factuel, en particulier auprès des immigrants et des communautés transnationales. Une importante question d’enquête est celle de savoir si la poussée vers la reterritorialisation de la politique de la citoyenneté garantira cette compréhension de l’histoire et de la participation à « la conversation canadienne ». Par exemple, les immigrants de fraîche date et les transmigrants s’intéressent-ils à notre sport national (ou prétendu tel), le hockey, au point de s’engager dans une conversation canadienne sur cet aspect ?
89Il n’y a pas de réponse claire à la deuxième question, mais Kymlicka et Norman ont reformulé la question plus en détail :
Comment pouvons-nous construire une identité commune dans un pays où les gens non seulement appartiennent à des communautés politiques différentes, mais appartiennent à celles-ci de façon différente, à savoir à titre individuel pour les uns et en tant que membres d’un groupe pour les autres110 ?
90L’accent que Kymlicka met sur l’identité a aussi influencé le tableau que Jenson présente de la recherche sur la cohésion sociale au Canada. Il a établi un ordre du jour qui comprend les questions suivantes, relatives au problème du transnationalisme et de la citoyenneté :
D’où vient une identité collective nationale — un sentiment d’appartenance ? Le capital social — c’est-à-dire la confiance à l’égard du fait d’être relié — est-il la clé ou l’attachement à une « communauté imaginaire » avec des projets politiques communs ?
Les identités des citoyens peuvent-elles être à la fois variées et multiples, sans menacer la cohésion sociale, ou l'adhésion à une seule vision nationale est-elle nécessaire111
91Kymlicka a récemment posé la question suivante : « Ont-ils [les immigrants] adopté une identité canadienne ou sont-ils restés accrochés à une identité ancestrale ?112 » Étant donné l’existence du transnationalisme et des communautés appartenant à des diasporas, cette question est dépassée. En réalité, il ne s’agit plus de savoir si on s’identifie à l’une ou à l’autre [nationalité], mais plutôt de préciser si les identités sont multiples ou transnationales.
92Dans les deux ouvrages de O’Connor et de Jenson, le concept de capital social apparaît comme important pour la cohésion sociale113. Nous avons montré, dans les premières sections de ce chapitre que, indépendamment de la façon dont le capital social est défini, le contexte d’une grande partie de celui-ci est transnational pour les membres des communautés transnationales et des diasporas. Cette situation pose la question des rapports du capital social et de la cohésion sociale. Par exemple, lorsque les individus et les ménages déracinés sont dans des réseaux sociaux transnationaux, comment cette forme de capital social favorise-t-elle ou améliore-t-elle la cohésion sociale au Canada ? Quelles en sont les implications sur l’attachement civique au Canada ?
La recherche de la cohésion sociale par le biais de l'engagement civique
93Les questions concernant les valeurs et les identités communes donnent lieu à une recherche et à un débat intéressants. Compte tenu de la diversité de la population canadienne, la recherche de valeurs communes canadiennes et d’une identité canadienne pourrait être, au mieux, extrêmement longue et, au pire, fort vaine. Si on suppose qu’il est possible que ces valeurs communes et cette identité puissent se rencontrer, alors une dimension supplémentaire pour étoffer la citoyenneté peut s’ajouter par l’éducation civique plutôt que par des mesures restrictives et punitives de la politique de la citoyenneté. Mais si elles n’existent pas, la question devient alors : « Peut-on construire une “citoyenneté filiforme mais forte” qui puisse favoriser la cohésion sociale ? » Une recherche récente sur l’engagement civique (la participation) en tant que capital social indique que la réponse est « oui », pourvu qu’il y ait un renouvellement dans la façon de concevoir l’idée de la communauté. La première question de la recherche devient maintenant : « Comment peut-on encourager l’engagement civique ? »
94D’après le livre récent de Frideres, l'identification positive aux organismes du gouvernement enrichit la pratique de la citoyenneté, la « communauté en tant que lieu » étant en train de disparaître pour être remplacée par « une communauté en tant qu’espace ». Cela signifie que la communauté doit être conçue autrement et que des mesures doivent être prises, par le moyen de l’engagement civique, pour reconnaître cette nouvelle conception114.
95Si la communauté n’est plus pensée comme un « lieu » mais plutôt comme un « espace », alors l’intégration des communautés transnationales reliées aux diasporas s’en trouve facilitée. Une citoyenneté « filiforme mais forte » mettra alors l'accent sur la qualité de l’engagement civique plutôt que sur la quantité de temps passé physiquement au Canada ou sur l’allégeance et la loyauté jurée envers le Canada. Cet engagement physique, bien qu’étant reconnu par l’État canadien comme étant « local », devra aussi en même temps être « translocal », « multilocal » et « glocal ».
96Dans l'état actuel des choses, nous n’avons aucune réponse claire à la question « Comment peut-on encourager l’engagement civique ? » Il est prématuré et hors du cadre de ce chapitre d’avancer des réponses à cette question. Cependant, on doit noter que l’État ne peut imposer l’engagement civique ; il ne peut que l’encourager. Comme l’affirme Cairns, l'État moderne ne peut pas exercer de la coercition pour susciter un comportement qu’il exige de ses citoyens115.
Conclusion
97Comme Franklyn Griffiths l’a récemment fait remarquer,
la pensée d’une « culture nationale » propre [...] n’est plus viable — si toutefois elle l’a déjà été. [...] Soutenir le projet d’une culture nationale au nom de l’unité, de l’identité de la cohésion sociale, du civisme, ou de quoi que ce soit, c’est être mal avisé. [...] À une époque où les relations internationales sont déplacées, mais pas du tout remplacées, par des relations transnationales entre les populations, une société de diversité ethnique, sociale et élective est un atout et non un handicap. Ceux qui, à Ottawa, entendent s’engager dans cette voie devraient cesser de s’inquiéter du « pastiche culturel »116.
98Les forces sociales de la mondialisation et du transnationalisme contestent, aujourd’hui plus que jamais, l’État canadien dans sa fonction de définition de la citoyenneté ; la réponse de cet État ne doit donc pas prendre la forme d’une résistance en imposant une citoyenneté étoffée et exclusive, axée sur le sol, la langue, l’allégeance et la loyauté. Cette attitude est en totale contradiction avec les réalités des communautés transnationales déterritorialisées et diasporiques et ne tient pas compte des changements survenus dans les conceptions de la citoyenneté. Il serait beaucoup plus réaliste que l'État canadien choisisse une définition « filiforme et forte », inclusive, de la citoyenneté, qui s’harmonise avec les politiques sociales canadiennes et assure « une citoyenneté différenciée et multiculturelle ». Cette nouvelle conception devrait mettre en valeur une forme qualitative de l’engagement civique et du capital social, tout en reconnaissant que, pour beaucoup d’immigrants et de citoyens canadiens, le modèle de l’assimilation et du multiculturalisme n’est plus valable et qu’il a été remplacé par le transnationalisme et la diaspora. Cela correspondrait à une reconnaissance des identités déterritorialisées et multiples et refléterait un nouveau sens de la communauté.
Notes de bas de page
1 N. Papastergiadis, The Turbulence of Migration, Cambridge, Polity Press, 2000, p. 2.
2 A. H. Richmond, Global Apartheid : Refugees, Racism, and the New World Order, Toronto, Oxford University Press, 1994, XV, p. 115.
3 P. Hirst et G. Thompson, Globalization in Question, Cambridge, Polity Press, 1996, p. 181.
4 D. Harvey, « Globalization in Question », in Rethinking Marxism, 8, 4 (1995), p. 1-17
5 J. Bartelson, « Three Concepts of Globalization », in International Sociology, 15, 2 (2000), p. 180-196.
6 S. Mahler, « Theoretical and Empirical Contributions toward a Research Agenda for Transnationalism », in M. Smith and L. Guarnizo (dir.), Transnationalism from Below, New Brunswick (NJ), Transaction, 1998, p. 66.
7 Ibid., 66, p. 73.
8 Ibid., p. 67 ; L. Guarnizo and M. Smith, « The Locations of Transnationalism », in M. Smith and L. Guarnizo (dir.), Transnationalism from Below, p. 5.
9 T. Faist, « Transnationalization in International Migration : Implications for the Study of Citizenship and Culture », in Ethnic and Racial Studies, 23, 2 (2000), p. 189.
10 D. Winland, « “Our Home and Native Land” ? Canadian Ethnic Scholarship and the Challenge of Transnationalism », in Canadian Review of Sociology and Anthropology, 35, 4 (1998), p.555-578.
11 M. Kearney, « The Local and the Global : The Anthropology of Globalization and Transnationalism », in Annual Review of Anthropology, 24 (1995), p. 548.
12 A. Appadurai, « Disjuncture and Difference in the Global Cultural Economy », in M. Featherstone (dir.), Global Culture : Nationalism, Globalization and Modernity, Londres, Sage Publications, 1990, p. 296-297.
13 A. H. Richmond, « Sociology of Migration in Industrial and Post-Industrial Societies », in J. Jackson (dir.), Migration : Sociological Studies 2, Cambridge, Cambridge University Press, 1969, p. 238-281.
14 A. H. Richmond, « Sociological Theories of International Migration : The Case of Refugees », in Current Sociology, 36, 2 (1988), p. 12 ; A. H. Richmond, Immigration and Ethnic Conflict, Londres, MacMillan Press, 1988, p. 2 ; A. H. Richmond, Global Apartheid : Refugees, Racism, and the New World Order, Toronto, Oxford University Press, 1994, p. 69.
15 N. Schiller, L. Basch et C. Blanc-Szanton, Towards a Transnational Perspective on Migration, New York, The New York Academy of Sciences, 1992, p. ix.
16 L. Basch, N. Schiller et C. Blanc, Nations Unbound, Langhome (PA), Gordon & Breach, 1994, p. 4.
17 N. Schiller, L. Basch et C. Blanc-Szanton, Towards a Transnational Perspective on Migration, New York, The New York Academy of Sciences, 1992, p. ix ; C. Blanc, L. Basch et N. Schiller, « Transnationalism, Nation-States, and Culture », in Current Anthropology, 36, 4 (1995), p. 684.
18 N. Schiller, L. Basch et C. Blanc-Szanton, « From Immigration to Transmigrant : Theorizing Transnational Migration », in Anthropological Quarterly, 68, 1 (1995), p. 48.
19 J. Lie, « From International Migration to Transnational Diaspora », in Contemporary Sociology, 24, 4 (1995), p. 305.
20 W. Safran, « Diasporas in Modern Societies : Myths of Homeland and Return », in Diaspora, 1, 1 (1991), p. 83.
21 W. Connor, « The Impact of Homelands on Diasporas », in G. Sheffer (dir.), Modern Diasporas in International Politics, Londres, Croom Helm, 1986, p. 16.
22 W. Safran, « Diasporas in Modern Societies... », p. 83-84.
23 R. Cohen, « Diaspora and the Nation-State », in International Affairs, 72, 3 (1996), p. 515 ; R. Cohen, Global Diasporas, Seattle, University of Washington Press, 1997, p. 26.
24 N. Van Hear, New Diasporas, Seattle, University of Washington Press, 1998, p. 6.
25 K. B. Chan, « A Family Affair : Migration, Dispersal, and the Emergent Identity of the Chinese Cosmopolitan », in Diasporas, 6, 2 (1997), p. 195.
26 D. Ip, C. Inglis et C. Wu, « Concepts of Citizenship and Identity Among Recent Asian Immigrants in Australia », in Asia and Pacific Migration Journal, 6, 3-4 (1997), p. 93.
27 R. Skeldon, « Emigration from Hong Kong, 1945-1994 : The Democratic Lead-up to 1997 », in R. Skeldon (dir.), Emigration from Hong Kong : Tendencies and Impacts, Hong Kong, The Chinese University Press, 1995, p. 72.
28 T. Faist, « Cumulative Causation in Transnational Social Spaces : The German-Turkish Example », communication présentée à la rencontre de l’Association sociologique internationale sur l’inclusion et l’exclusion : les migrants et les réfugiés en Europe et en Amérique du Nord, 5-7 juin 1997, New York, New School for Social Research, p. 12-13.
29 N. Van Hear, New Disporas, p. 242-244.
30 M. Jimenez, « It’s Illegal for Canadians to Fight Against Canada — rcmp Studying How Law Deals with Dual-Loyalty Issues », in National Post [en ligne]. Disponible sur Internet (28 avril 1999) : <http:/www.finpost.com/printer.asp?f=990428/2532999.html>
31 L. Dreidger, Multi-Ethnic Canada, Toronto, Oxford University Press, 1996, p. 62-69.
32 Les descriptions de M. X et M. Y proviennent d’une recherche subventionnée par le crsh et menée antérieurement.
33 L. Wong, « Globalization and Transnational Migration », in International Sociology, 12, 3 (1997), P. 329-351 ; L. Wong et M. Ng, « Chinese Immigrant Entrepreneurs in Vancouver : A Case Study of Ethnic Business Development », in Canadian Ethnic Studies, xxx, 1 (1998), p. 64-85.
34 T. Hutton, « International Immigration as a Dynamic of Metropolitan Transformation : The Case of Vancouver », in E. Laquian, A. Laquian et T. McGee (dir.), The Silent Debate : Asian Immigration and Racism in Canada, Vancouver, Institute of Asian Research, p. 292.
35 Ibid., p. 293.
36 M. Kearney, « The Local and the Global ».
37 S. Sassen, « Territory and Territoriality in the Global Economy », in International Sociology, 15, 2 (2000), p. 374.
38 A. Appadurai, « Sovereignty without Territoriality », in P. Yaeger (dir.), The Geography of Identity, Ann Arbor (MI), The University of Michigan Press, 1996, p. 48.
39 Je dois cettte remarque à David Cameron, qui me l’a communiquée de façon personnelle, le 13 mai 1999.
40 M. Albrow, The Global Age, Cambridge, Polity Press, 1996, p. 156.
41 A. Giddens, The Consequences of Modernity, Cambridge, Polity Press, 1990, p. 20-29.
42 K. Mitchell, « Transnational Discourse : Bringing Geography Back In », in Antipode, 29, 2 (1997), p. 101-114.
43 D. Jacobson « New Frontiers : Territory, Social Spaces, and the State », in Sociological Forum, 12, 1 (1997), p. 122.
44 J. Hyndman, « Border Crossings », in Antipode, 29, 2 (1997), p. 153.
45 A. Appadurai, « Global Ethnoscapes : Notes and Queries for a Transnational Anthropology », in R. Fox (dir.), Recapturing Anthropology : Working in the Present, Santa Fe (NM), School of American Research Press, 1991, p. 191 et 196.
46 R. Cohen, « Diasporas, the Nation-State, and Globalization », dans W. Gungwu (dir.), Global History and Migrations, Boulder (CO), Westview Press, 1997, p. 157.
47 Cité dans D. Jacobson, « New Frontiers : Territory, Social Spaces, and the State », in Sociological Forum, 12 (1), 1997, p. 122.
48 Ibid., p. 122.
49 N. Van Hear, New Diasporas, p. 263.
50 Voir V. Bader, « The Cultural Conditions of Transnational Citizenship », in Policial Theory, 25, 6 (1997), p. 717-813 ; W. Kymlicka et W. Norman, « Return of the Citizen : A survey of Recent Work of Citizenship Theory » in Ethics, 104 (1994), P. 352-381 ; M. Roche, « Citizenship and Modernity », in British Journal of Sociology, 46, 4 (1995), p. 715-733 ; B. Turner, « Outline of a Theory of Citizenship », in Sociology, 24, 2 (1990), p. 189-217 ; B. Turner, « Contemporary Problems in the Theory of Citizenship », in B. Turner (dir.), Citizenship and Social Theory, Londres, Sage Publications, 1993, p. 1-18.
51 G. Delanty, « Models of Citizenship : Defining European Identity and Citizenship », in Citizenship Studies, 1, 3 (1997).
52 W. Kymlicka et W. Norman, « Return of the Citizen : A Survey of Recent Work of Citizenship Theory », in Ethics, 104 (1994), p. 353.
53 M. Roche, « Citizenship and Modernity », in British Journal of Sociology, 46, 4 (1995), p. 717
54 D. Tambini, « Post-National Citizenship », in Ethnic and Racial Studies, 24, 2 (2001), p. 198.
55 W. Brubaker, Immigration and the Politics of Citizenship in Europe and North America, New York, University Press of America, 1989.
56 R. Bauböck, Transnational Citizenship, Aldershot, Edward Elgar Publishing Co, 1994.
57 D. Jacobson, Rights Across Borders : Immigration and the Decline of Citizenship, Baltimore, JHU Press, 1996 ; T. K. Oommen, Citizenship, Nationality and Ethnicity, Cambridge, Polity Press, 1997 ; M. Roche « Citizenship and Modernity », in British Journal of Sociology, 46, 4 (1995), p. 715-733 ;Y. Soysal, Limits of Citizenship : Migrants and Postnational Membership in Europe, Chicago, UC Press, 1995 ; E. Meehan, Citizenship and the European Community, Londres, Sage Publications, 1993 ; A. Weale, « Citizenship Beyond Borders », in U. Vogel et M. Moran (dir.), The Frontiers of Citizenship, New York, St. Martin Press, 1991, p. 155-165.
58 Y. Soysal, Limits of Citizenship : Migrants and Postnational Membership in Europe, Chicago, UC Press, 1994.
59 Ibid., p. 141.
60 G. Delanty, « Models of Citizenship : Defining European Identity and Citizenship », in Citizenship Studies, 1, 3 (1997), p. 292 et 299.
61 R. Kastoryano, « Transnational Participation and Citizenship » [en ligne], Transnational Communities Working Papers Series, WPTC 98-12. Disponible sur Internet (16 décembre 1998, p. 2) : <http://www.transcomm.,ox.ac.uk/wwwroot/framesl.htm>
62 M. Castells, End of Millennium, Oxford, Blackwell Publishers, 1989, p. 311.
63 R. Kastoryano, p. 4.
64 Ibid., p. 13.
65 Castells, End of Millennium, p. 333.
66 R. Holton, Globalization and the Nation-State, New York, St. Martin Press, 1998, p. 107.
67 R. Cohen et P. Kennedy, Global Sociology, Londres, MacMillan Press, 2000, p. 82-83.
68 B. Turner, « Outline of a Theory of Citizenship », in Sociology, 24, 2 (1990), p. 211-213.
69 R. Falk, « The Making of Global Citizenship », in J. Brecher, J. Childs et J. Cutler (dir.), Global Visions : Beyond the New World Order, Boston, S. End Press, 1993, p. 39-50.
70 R. Falk, On Humane Governance, Cambridge, Polity Press, 1995, p. 15, 95.
71 J. Habermas, « Citizenship, National Identity : Some Reflections on the Future of Europe », in R. Reiner (dir.), Theorizing Citizenship, Albany, State University of New York Press 1995, p. 255-281.
72 T. K. Oommen, Citizenship, Nationality and Ethnicity, Cambridge, Polity Press, 1997, p. 227.
73 A. Drainville, « The Fetishism of Global Civil Society : Global Governance, Transnational Urbanism and Sustainable Capitalism in the World Economy », in M. Smith et L. Guarnizo (dir.), Transnationalism From Below, New Brunswick (NJ), Transaction Publishers, 1998, p. 37-59.
74 Commission sur la gouvernance mondiale, Our Global Neighborhood, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 5.
75 D. Held, « Democracy : From City-States to a Cosmopolitan Order ? », in Political Studies, XL, numéro spécial, 1992, p. 10-39 ; « Democracy and the New International Order », in D. Archibugi et D. Held (dir.), Cosmopolitan Democracy, p. 96-100, Cambridge, Polity Press, 1995 ; Democracy and the Global Order, Cambridge, Polity Press, 1995.
76 R. Cohen, Global Diasporas, Seattle, University of Washington Press, 1997, p. 174-175.
77 J. Jenson, « Fated to Live in Interesting Times : Canada’s Changing Citizenship Regimes », in Canadian Journal of Political Science, xxx, 4 (1997), p. 628.
78 N. Schiller et G. Fouron, « Transnational Lives and National Identities : The Identity Politics of Haitian Immigrants », in M. Smith et L. Guarnizo (dir.), Transnational From Below, New Brunswick (NJ), Transaction Publishers, 1998, p. 132.
79 L. Robillard, « Parliamentary Speech », mercredi 3 février 1999, édité par Hansard, no 173 [en ligne]. Disponible sur Internet (4 avril 1999) : <http://www.part.gc.ca/36/lparlbus/chambus/house/debate/173_1999-02-03/tocl73-e.htm
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81 M. Labelle et F. Midy, « Re-reading Citizenship and the Transnational Practices in Immigrants », in Journal of Ethnic and Migration Studies, 25, 2 (1999), p. 213.
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83 A. Duffy, « Citizenship Rulings a “sorry mess”, Lawyer Says : Contradictory Judgments », in Southam News Canada, 9 avril 1999.
84 A. Telegdi, « Parliamentary Speech », vendredi 5 janvier 1999, édité par Hansard, no 175 [en ligne]. Disponible sur Internet (4 avril 1999) :
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85 D. Jacobson, « New Frontiers : Territory, Social Spaces, and the State », in Sociological Forum, 12, 1 (1997), p. 122.
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87 Labelle et Midy, « Re-reading Citizenship and the Transnational Practices in Immigrants », in Journal of Ethnic and Migration Studies, 25, 2 (1999), p. 219.
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90 T. Aleinikoff, « After Nationality, Then What ? », in Research Perspectives on Migration, 2, 2 (1999), p. 15.
91 L. Gagnon, « Citizenship Rules for Homebodies », in Globe and Mail, 19 décembre 1998, p. d3.
92 C. Joppke, « How Immigration is Changing Citizenship », in Ethnic and Racial Studies, 22, 4 (1999). P. 645.
93 W. Kymlicka et W. Norman, « Return of the Citizen : A survey of Recent Work of Citizenship Theory, in Ethics, 104 (1994), p. 369-370.
94 W. Kymlicka, cité par M. Martiniello, « Citizenship, Ethnicity, and Multiculturalism : Post-national Membership between Utopia and Reality », in Ethnic and Racial Studies, 20, 3 (1997), p. 637
95 D. Jacobson, Rights across Borders..., p. 125.
96 R. Cohen, « Diasporas and the State » in International Affairs, 72, 3 (1996), p. 517
97 D. Ip, C. Inglis et C. Wu, « Concepts of Citizenship and Identity Among Recent Asian Immigrants in Australia », in Asia and Pacific Migration Journal, 6, 3-4 (1997), p. 363-384.
98 J. Rosenau, « Citizenship Without Moorings : American Responses to a Turbulent World », in T. Oommen (dir.), Citizenship and National Identity : From Colonialism to Globalization, New Delhi, Sage Publications, 1997, p. 227-260.
99 A. Ong, « On Edge of Empires : Flexible Citizenship Among Chinese in Diaspora », in Positions, 1, 3 (1993), P. 745-778.
100 Rosenau, « Citizenship Without Moorings : American Responses to a Turbulent World », in T. Oommen (dir.), Citizenship and National Identity : From Colonialism to Globalization, New Delhi, Sage Publications, 1997, p. 230 et 234-235.
101 Rosenau, Ibid., p. 236.
102 Loi sur la citoyenneté du Canada, Ottawa, [en ligne]. Disponible sur Internet (12 décembre 1998) : <http://cicnet.ci.ca/english/about/policy/citact_e.html>
103 A. Hanes, « Allegiance Oath Keeps Reference to Queen », Ottawa Citizen [en ligne].
104 A. Telegdi, « Parliamentary Speech », samedi 5 février 1999, édité par Hansard, no 175 [en ligne]. Disponible sur Internet (4 avril 1999) :
<http://www.parl.gc.ca/36/l/parlbus/...debates/175_1999-02-05/tocl75-e.htm>
105 J. Jenson, Mapping Social Cohesion : The State of Canadian Research,cprn Study, nof-03, Ottawa, Renouf Publishing Co., 1998, p. 32.
106 N. Nevitte, « Canadian Values : Evolution or Revolution ? », communication présentée à la Conférence « Policy Research : Creating Linkages », Ottawa, 1-2 octobre 1998.
107 W. Kymlicka, Finding Our Way : Rethinking Ethnocultural Relations in Canada, Toronto, Oxford University Press, 1998, p. 173.
108 Ibid., p.175.
109 Ibid., p.177.
110 W. Kymlicka et W. Norman, « Return of the Citizen : A survey of Recent Work of Citizenship Theory, in Ethics, 104 (1994), p. 377.
111 J. Jenson, Mapping Social Cohesion..., p. 35-36.
112 Ainsi que l’ont noté K. Schwinghamer et P. Berkowitz, « New Ways of Seeing », in University Affairs, février 1999, p. 7.
113 P. O’Connor, Mapping Social Cohesion,cprn Discussion Paper n° f/01, Ottawa, Canadian Policy Research Networks, 1998 ; J. Jenson Mapping Social Cohesion...
114 J. Frideres, « Civic Participation, Awareness, Knowledge and Skills », in Patrimoine Canada, Immigrants and Civic Participation : Contemporary Policy and Research Issues, Ottawa, 1997, p. 40.
115 A. Cairns, « The Fragmentation of Canadian Citizenship », in W. Kaplan (dir.), Belonging : The Meaning and Future of Canadian Citizenship, Montréal, McGill-Queens, 1993, p. 182.
116 F. Griffths, « The Culture of Change », article présenté à la Conférence Pour l’analyse des tendances : conférence de la Recherche sur les politiques nationales, Ottawa, 25-26 novembre 1999.
Auteur
Maître de conférences au département de sociologie de l’Université de Calgary. Diplômé de l’Université York, il a mené des recherches et enseigné en arts à l’Université de Colombie-Britannique, au Okanagan University College, avant d’être nommé à Calgary. Il mène actuellement une recherche dans le domaine du racisme, de l’immigration, de « l’entrepreneurship », du transnationalisme et de la citoyenneté. Parmi ses publications récentes, citons : « Globalization and Transnational Migration », paru dans International Sociology et « Chinese Immigrant Entrepreneurs in Vancouver », publié dans Canadian Ethnic Studies.
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