Chapitre 1. Contestations et mondialisation de la culture
p. 9-30
Texte intégral
La mondialisation : temps réel et espace virtuel
1La mondialisation réduit les distances au moyen de réseaux de connexions. C’est l’ensemble des processus économiques, environnementaux, technologiques, politiques, culturels et sociaux qui mettent d’abord en relation les sociétés et les intègrent, en fragmentant et en transcendant les structures sociales traditionnelles qu’ils affrontent. La mondialisation remonte à plusieurs siècles et elle s’est poursuivie à travers l’histoire à un rythme irrégulier et avec une intensité variable. Bien qu’elle ne soit pas une nouveauté — l’Empire romain a relié et intégré les sociétés entre Edimbourg et Jérusalem —, la mondialisation économique et culturelle s’est accélérée à la fin du XXe siècle, après un recul d’environ cinquante ans. La réduction des barrières commerciales durant les années 1950 fut suivie de la libéralisation des flux de capitaux et de la déréglementation des marchés financiers au cours des années 1970 et 1980. Pendant les deux dernières décennies, l'intégration s’est intensifiée au fur et à mesure que l’investissement direct étranger augmentait et que les entreprises multinationales étendaient leurs chaînes de production à l’échelle mondiale. De plus en plus, les économies nationales sont maintenant intégrées en un même marché mondial par le commerce, la finance, la production et un réseau dense de traités et d'institutions internationales1. Tout le monde sur la planète partage des produits culturels aux symboles partout reconnaissables.
2La rapidité et l’intensité du réseau mondial d’interconnexions et d’intégration depuis 20 ans ont provoqué des débats sérieux autour de leurs conséquences culturelles et sociales, et, dans ce contexte, ont suscité une profonde inquiétude quant à la capacité de l’État à assurer la justice sociale. Dans cet ouvrage, nous nous concentrerons sur deux dimensions de la mondialisation, à savoir les réalités culturelles et sociales de la communication et de l’intégration mondiales, ainsi que sur le nouveau rôle de l'État dans un monde unifié. Nous affirmerons que des processus mondiaux sont en train d’intégrer les sociétés et les économies plus profondément ; nous soutiendrons aussi que l’annonce de la mort de l’État est prématurée, voire intempestive. Les contraintes qu’exerce la mondialisation sur l'État postindustriel sont moins implacables que les stylisations qu’on en fait. Ce n’est pas seulement que les contraintes soient moins implacables, mais aussi que l’État dispose d’une marge de manœuvre considérable pour se reconfigurer en fonction de la société postindustrielle2. Dans ce livre, nous examinerons les choix dont les États disposent et les conséquences que ceux-ci ont sur la culture et la société. Nous constatons que, dans leur reconfiguration — qu’ils accueillent la mondialisation ou qu’ils y résistent — la société postindustrielle et l’État sont de plus en plus mondialisés au fur et à mesure que les terrains institutionnel et culturel leur sont soumis. Le changement et le choix sont les deux fils narratifs de l’État et de la société dans leur rapport aux processus mondiaux en cours.
3La mondialisation est le résultat d’un long processus historique, cahoteux et irrégulier dans son rythme, faisant parfois marche arrière, avançant parfois énergiquement. En effet, la mondialisation économique, à savoir l’interrelation des économies nationales par le commerce, la finance et la production, n’est pas chose nouvelle. Les transports, les communications et les échanges parmi des sociétés radicalement différentes se sont intensifiés par à-coups avec le temps.
4La mondialisation économique a culminé dans la première décennie du xxe siècle, puis elle s’est inversée de façon saisissante dans le contexte de la guerre mondiale et de la dépression des années 1930. Pendant presque tout le XXe siècle, le marché s’est retiré de l’économie intégrée ; ce n'est que durant les vingt-cinq dernières années qu'il y a eu un retour aux niveaux atteints il y a plus d’un siècle. La main-d’œuvre est toujours moins mobile qu'elle ne l’était au siècle dernier. Les passeports n’étaient pas nécessaires et les gens se déplaçaient librement à travers les frontières à la recherche de travail, sans restriction aucune. L’immigration, surtout celle qui touchait l’Amérique du Nord, était, en règle générale, plus facile3. Ce n’est qu’aujourd'hui que le commerce retrouve la même liberté que celle des années 1880. Même après que la récession de 1875 eut commencé en Europe, 95 % des importations allemandes étaient exemptes de droits de douane. Le commerce constituait alors une composante de l’économie nationale presque aussi importante qu’aujourd’hui. Aux États-Unis, par exemple, les exportations représentaient 7 % du PNB en 1989 ; en 1999, elles représentaient 8 %. Les mouvements de capitaux en proportion de l’output économique atteignent maintenant les niveaux atteints dans les années 18804. Au XIXe siècle, la monnaie dominante n’était pas contrôlée par l’État ; elle consistait plutôt en du crédit créé par les banques commerciales privées. L’étalon-or restreignait sévèrement la politique fiscale et monétaire. Au XXe siècle, les États se sont emparés du contrôle en créant les banques centrales et — après 1973 — en laissant flotter les devises nationales, ce qui a accru le contrôle étatique sur la politique fiscale et monétaire5. Ce n’est que depuis trente ans que les niveaux de la mondialisation économique ont commencé à rejoindre ceux qui avaient été atteints au siècle dernier. Ce qui semble historiquement inévitable en ce début de XXIe siècle est en fait contingent et réversible, comme en attestent les témoignages de la dernière moitié du siècle qui vient de se terminer6.
5Le mouvement de mondialisation actuel va beaucoup plus loin que de simples relations entre les économies nationales et les marchés mondiaux. En fait, la mondialisation de la production, grâce en grande partie au commerce entre les entreprises, est très répandue et profondément enracinée7. Du reste, ce processus, à son stade actuel, est autant culturel qu’économique, avec d’importantes répercussions sociales et politiques. La révolution dans les technologies de l’information rend maintenant possible la communication active en temps réel et la création d’un espace virtuel, avec des symboles et des discours communs qui traversent les cultures et les sociétés. Les technologies contemporaines de l’information, mises au point en partie par des « étrangers » qui rejetaient les structures autoritaires, créent à la fois de nouvelles possibilités importantes sur le plan social et sur le plan culturel, ainsi que de redoutables contraintes. Les valeurs, les goûts, les normes et les produits culturels sont diffusés dans le monde entier et changent le contexte et le sens de l’expression culturelle locale8. La « mondialisation de l’esprit » — c’est-à-dire les processus idéologiques qui ont supplanté le libéralisme traditionnel bien ancré et qui comportent l’efficacité engendrée par les marchés — est bien engagée parmi les élites occidentales intellectuelles, culturelles, scientifiques et technologiques. Elle introduit le contexte des répercussions culturelles et sociales de la mondialisation, qui constituent le sujet de ce livre9. À cet effet, nous commencerons par un bref coup d’œil sur la mondialisation économique (qui attire d’habitude tous les regards), non pas parce qu’elle sera à l’avant-plan ou au centre de notre analyse, mais plutôt pour situer le contexte de l’étude que nous allons consacrer à la culture, à la société et à l’État.
La mondialisation de l'économie
6L’économie mondiale actuelle, rendue possible grâce en partie aux technologies de l’information qui permettent un accès aux marchés à la vitesse de la lumière, a développé de façon exponentielle les marchés des capitaux, le commerce, la mobilité des facteurs de production et les occasions d’investir. Durant les trente dernières années, le commerce international et les investissements directs étrangers se sont développés proportionnellement beaucoup plus vite que le commerce et les investissements nationaux.
7À ce stade de l’économie mondiale, l’accent est mis sur la connaissance et sur la compétence spécialisée de plus en plus approfondie. La connaissance a remplacé d’autres facteurs de production comme étant la matière première la plus importante. Contrairement aux matières premières qui étaient importantes pendant les stades antérieurs de l’histoire de l’économie internationale, la connaissance est une ressource indéfiniment renouvelable, et qui ne se rattache que vaguement à une aire géographique déterminée. Nous vivons à une époque révolutionnaire : à la différence des périodes précédentes de l’histoire économique, plus nous produisons et utilisons de connaissances, plus nous en possédons. Pour la première fois dans l’histoire, nous n’épuisons pas notre plus importante ressource quand nous l’utilisons. Le gaspillage et la conservation de la connaissance ne posent pas les problèmes que posaient autrefois d’autres ressources.
8Dans une économie mondiale fondée sur la connaissance, on assiste à une personnalisation croissante des produits et des services. Le modèle standard, fait pour la consommation de masse, par le biais d’organisations toutes-puissantes contrôlant la consommation, est de moins en moins la norme. Conçus pour satisfaire des besoins spécialisés, les produits et les services de la connaissance visent des créneaux bien précis. L’économie mondiale reposant sur la connaissance stimule la diversité, la personnalisation et le choix sur les marchés privés.
9Ces marchandises et services personnalisés se déplacent de plus en plus dans des réseaux et des formes horizontales d’organisation. Si on les compare aux structures hiérarchiques qui commandent et exercent un contrôle, les organisations latérales prennent davantage d’importance10. Elles rendent plus difficiles le monopole et la hiérarchisation, au fur et à mesure que l’information acquiert le statut de bien social. À vrai dire, ce type d’économie qui émerge est déterritorialisé et de moins en moins lié aux frontières politiques11.
10Cette économie cognitive a engendré beaucoup de richesse chez ceux qui peuvent participer, directement ou indirectement, à ses processus. Toutefois, pendant que l’étendue et le rythme de la mondialisation progressaient, les inégalités salariales de leur côté augmentaient, entraînant de graves répercussions sur la configuration des sociétés12. Mais les liens de causalité entre la mondialisation et les tendances de la répartition des revenus ont été vigoureusement contestés. Est-ce la mondialisation qui intensifie les inégalités ? Si c’est le cas, selon quelles dimensions de la mondialisation ? Et quelles sortes d’inégalités ? Entre les pays ou à l’intérieur des pays ? S’il s’agit d’inégalités à l’intérieur des pays, dans quelle sorte de pays ? Quels liens y a-t-il entre ces processus ? Qui est marginalisé par les processus actuels de la mondialisation ? Tous ces termes critiques et ces arguments font l’objet d’intenses débats.
11Certains analystes soutiennent que la mondialisation économique a marginalisé ceux qui, étant géographiquement éloignés, ne peuvent participer pleinement au commerce international. Des études sur le commerce entre les industries ont semblé indiquer que la mondialisation marginalise cette partie de la population active dans les pays développés qui n’a pas le niveau scolaire et les aptitudes nécessaires pour participer, et désavantage de nombreux travailleurs hautement qualifiés qui demeurent dans les économies du Sud13. Le Programme des Nations Unies pour le développement soutient avec plus d’insistance encore que les processus de mondialisation économique élargissent le fossé entre les nations riches et les nations pauvres14. C’est l’argument qui a été exploité et entendu dans les rues de Seattle, de Québec, de Prague et de Gênes, là où se sont opposés le nouvel ordre économique mondial et la contestation énergique des militants.
12D’autres contestent l’importance du rôle causal du commerce mondial et rattachent au contraire les inégalités croissantes à la révolution dans les technologies de l’information et aux capacités différentes nécessaires à l’élaboration et à l’exploitation de ces nouvelles technologies. L'accès à l’informatique est, statistiquement parlant, très faussé parmi les sociétés : 26 % des Américains se servent du Web, tandis que seulement 3 % des Russes, 0,2 % de la population des pays arabes et 0,4 % de la population de l’Asie du Sud-Est en font usage. Les États-Unis disposent de plus d’ordinateurs que le reste du monde. Une économie fondée sur la connaissance, soutient-on, marginalise ceux qui ne sont pas assez habiles pour comprendre et convertir l’information en connaissance, exactement comme les premiers processus de la mondialisation marginalisaient des segments entiers de la société qui ne pouvaient innover et exploiter les nouvelles technologies de l’époque.
13Toutefois, la situation semble être plus complexe qu’une simple question de participation au commerce ou d’accès à la technologie. Les inégalités entre les nations étaient déjà prononcées au XIXe siècle, aux premiers stades de l'industrialisation. À la fin du siècle, et jusqu’au moment de la dépression des années 1930, les inégalités de revenus entre les pays se sont estompées, alors que les inégalités à l’intérieur des pays augmentaient. Pendant les quarante années suivantes, la situation se renversa : les inégalités à l’intérieur des pays baissèrent, mais augmentèrent entre les pays. Vers la fin du XXe siècle, les inégalités entre les pays avaient augmenté et étaient plus grandes qu’elles ne l’avaient été depuis deux siècles. Deux différentes tendances se sont manifestées dans les inégalités à l’intérieur des pays. Dans les pays technologiquement avancés, les inégalités entre les ménages ont décliné : la plupart des pays, y compris le Canada, ont connu des niveaux d'inégalité relativement stables, tandis que d’autres — la Grande-Bretagne, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande — ont connu une brusque montée de l’inégalité dans les deux dernières décennies. À la petite et à la grande périphérie des pays développés, on a assisté à un recul des inégalités dans beaucoup de pays asiatiques, mais à une hausse spectaculaire en Chine et en Afrique. Il est clair qu’il nous faut un argument plus différencié au sujet de l’effet de la mondialisation pour expliquer ces différences soudaines dans les changements d’inégalités au cours des deux dernières décennies15.
14Qu’est-ce qui explique ces modèles cahoteux et irréguliers dans les changements d'inégalités ? Une analyse soigneuse nous en fait un tableau structuré et précis. Il ressemble à ceci : une immigration massive comme moteur de la première période ; un développement inégal des États dans la deuxième période, avant l’accélération de la vague actuelle de la mondialisation ; une expansion des marchés et des organisations supranationales dans la période contemporaine16. Au tournant du XXe siècle, les mouvements migratoires mondiaux explosèrent — les barrières étant limitées, les passeports rarement exigés — pour atteindre des niveaux qui n’avaient jamais été égalés. Les migrations massives eurent des conséquences contradictoires sur l’inégalité. Elles étaient liées à la baisse des inégalités entre les pays, puisqu’elles augmentaient de manière générale la taille relative de la population des pays en croissance rapide et diminuaient la taille relative de la population des pays à plus faibles revenus et à croissance plus lente. Puisque le revenu moyen par habitant est, en règle générale, utilisé pour mesurer l’écart entres les nations, on doit admettre que ces différences ont diminué dans la mesure où la proportion de la main-d’œuvre non qualifiée a augmenté dans les pays d’accueil. Au même moment, les migrations massives augmentaient les inégalités intérieures au fur et à mesure qu’elles gonflaient l’offre de main-d’œuvre non qualifiée dans les pays d’accueil, et diminuaient l’inégalité à l’intérieur des pays d’émigration puisque l'offre de main-d’œuvre était réduite.
15Durant la deuxième période, de 1930 à 1970, l'État assuma un rôle beaucoup plus actif dans la réglementation des marchés intérieurs pour encourager l’industrialisation et, dans le contexte de l’élargissement des processus de démocratisation et d’approfondissement du concept de citoyenneté, intervint activement pour limiter l’immigration afin de favoriser le bien-être de sa population. Quoique les modèles d’interventions aient beaucoup varié, les États furent beaucoup plus actifs qu’ils ne l’avaient été cinquante ans auparavant, leurs initiatives ayant, en général, mené à une régression de l’inégalité intérieure. Toutefois, les capacités et l’efficacité relatives des États étaient très différentes d’un pays à l’autre parmi ceux qui constituent le noyau industriel, la petite et la grande périphérie, et l’écart s’élargissait au fur et à mesure qu’on avançait dans le XXe siècle. En particulier dans la grande périphérie, les États furent incapables de stimuler efficacement l’innovation et le développement et, de façon concomitante, de subvenir au bien-être de leur population. Cette différence capacitaire fournit une explication sommaire des inégalités croissantes entre les États pendant cette période. Nous avons ainsi les premiers fils de l’histoire qui vont s'entrelacer dans tout ce livre, à savoir les différentes capacités des États à influencer les processus mondiaux.
16Le dernier stade de la mondialisation met en présence deux histoires tout à fait différentes à propos de l’État. Les nouveaux dirigeants en Grande-Bretagne et aux États-Unis durant les années 1980 en sont venus à contester l’« aide sociale » de l’État et à se fier aux mécanismes du marché pour la redistribution des richesses. Par ailleurs, en Amérique latine et en Europe de l’Est, les échecs des stratégies de développement dirigées par l’État ont aussi favorisé une orientation des stratégies de la croissance en fonction du marché. Les dirigeants du réseau des institutions internationales qui sont chargées de l'aménagement de l’économie mondiale ont consacré le libéralisme du marché en tant qu’orthodoxie régnante. L’État, comme moteur de la croissance et comme garant du bien-être, directement par les services qu’il procure et indirectement par la redistribution, fut attaqué à l’intérieur comme à l’extérieur. Ce stade de la mondialisation par le jeu des marchés, contrairement à ce qui se passait il y a cent ans, exclut les migrations massives en tant que facteur de nivellement des inégalités entre les nations. La construction de la citoyenneté a gagné en profondeur et a perdu en étendue. Étant donné le développement inégal des États pendant le siècle dernier, il ne faut pas s’étonner que les inégalités entre les pays se soient accentuées, tout comme les inégalités dans les États les moins efficaces. La croissance opérée par le marché a pris différentes directions selon les pays, la différence essentielle étant l’influence déterminante de l’État dans son rôle de médiateur.
La mondialisation et l'État
17Les répercussions de l’économie mondiale sur l’économie nationale et sur l’État sont controversées. Il ne faut pas s’étonner que le débat idéologique fasse rage à propos de l’envergure et des conséquences de la mondialisation contemporaine. Les critiques de la mondialisation ont exposé des versions plus ou moins radicales des contraintes que subit l’État dans une économie mondialisée. Selon la version la plus radicale, la mondialisation restreint l’envergure et l’autonomie de l’État et limite ce que peuvent faire les gouvernements : elle réduit la capacité des pouvoirs publics à s’attaquer aux inégalités, à promouvoir et à protéger l’identité culturelle, ainsi qu’à construire une histoire nationale dans une société mondialisée. Selon la version la moins radicale, l'orthodoxie dominante du libéralisme du marché créerait une pression idéologique en faveur de la concurrence et cette pression entraînerait un secteur public plus petit et une convergence des politiques entre les sociétés. Dans les deux versions, la suprématie économique et politique de l’État n'est plus acceptée comme un dogme intangible.
18Il y a, affirme Tom Courchene dans la seconde version, une disparité entre un secteur privé progressivement mondialisé et un secteur public qui continue de fonctionner en grande partie au niveau national17. L’argument s’élargit et s’approfondit. Avec l’intensification de la mondialisation, le contrôle, mais non l’autorité, s’est déplacé vers le haut et à l’extérieur de l’État. Il s’est transporté vers le réseau plus dense des institutions, des lois internationales et transnationales, dont certaines sont de création récente tandis que d’autres viennent d’être renforcées18. Au cours des dernières années, il y a eu explosion d’accords, de traités et de tribunaux internationaux, la plupart encore lourdement bureaucratiques, tenus à l’écart des pressions populaires mais non des protestations19. En réaction à l’action judiciaire qui s'étend et à la portée sans précédent des institutions internationales, des groupes de citoyens, en recourant à l’Internet, mobilisent les réseaux dans la fragile société civile mondiale pour rendre ces institutions responsables. Des milliers d’individus se sont rendus à Seattle, à Prague, à Québec et à Gênes pour demander une plus grande transparence de la part des institutions internationales qui, à l’abri des portes closes, prennent des décisions aux conséquences importantes pour de lointaines sociétés locales.
19Le pouvoir a également atteint des organisations non gouvernementales et des associations transnationales, dont le travail se joue des frontières. En Afrique, la campagne mondiale pour réduire le prix des médicaments contre le sida dans les pays pauvres n’a pas été menée par les gouvernements mais par Médecins sans frontières, organisation transnationale non gouvernementale. En Afrique du Sud, où le sida fait des ravages, les solutions aux problèmes locaux de santé ne sont plus nationales. Les compagnies pharmaceutiques multinationales, les institutions internationales et les organisations non gouvernementales se sont jointes aux gouvernements nationaux dans une tentative pour chercher des solutions concertées. Les Sud-Africains, à l’instar de beaucoup d’autres, vivent aujourd’hui dans des communautés entrecroisées et ne peuvent compter sur leur gouvernement pour obtenir le bien social le plus fondamental à un prix abordable, à savoir les traitements pour des maladies qui, sans eux, seraient mortelles. Les critiques les plus sévères de la mondialisation soutiennent que la diminution de la capacité de l’État le rend impuissant à remplir les obligations les plus essentielles du contrat social avec ses citoyens.
20Il est en grande partie exact de dire que les États postindustriels sont liés plus profondément aux institutions et aux marchés mondiaux. Mais qu’est-ce que cela signifie ? La controverse commence ici. Les critiques les plus acharnés de la mondialisation maintiennent qu’il y a une disparité croissante entre le secteur privé de plus en plus mondialisé, un secteur transnational bénévole et un secteur public qui poursuit ses activités en grande partie au niveau national. C’est au secteur public qu’on doit, traditionnellement, les droits sociaux et la réduction de l’inégalité dans les États nationaux. L’État providence keynésien, institué au départ pour assumer les risques inhérents aux marchés privés, se trouve maintenant face à un défi beaucoup plus redoutable posé par les marchés mondiaux et les institutions transnationales.
21Au fur et à mesure que les prises de décisions économiques se déplacent vers les institutions et les marchés mondiaux, il devient plus difficile pour les gouvernements nationaux de s’acquitter de leurs responsabilités traditionnelles en assurant un filet de protection sociale et les services publics de base20. L’État, comme le veut l’argument, se vide peu à peu, précisément parce que ses frontières ne correspondent plus, en règle générale, aux espaces nationaux, économiques, culturels et sociaux21. Les biens et les services, de même que les idées, la culture et les nouvelles formes d’organisations traversent facilement les frontières, devenues fluides et poreuses.
22Cette absence de convergence est claire. Les frontières politiques restent en grande partie fixes, alors que les espaces culturel et économique changent, s’élargissent et se refaçonnent22. Dans ce paysage en transformation, un retrait constant de l’État, si l’on en croit certains critiques, est à la fois inévitable et irréversible. L’État pourrait devenir une institution parmi beaucoup d’autres, offrant la loyauté à ses membres dans un marché compétitif d’espaces publics et privés23. Un retrait de l’État aura des conséquences contrariantes sur sa capacité de fournir des services publics et sur une gouvernance légitime et responsable. D’aucuns prédisent même la fin de l’ère de l’État moderne, tel que nous l’avons connu depuis trois cents ans.
23Ce type de raisonnement, très largement répandu, ne résiste pas aux faits. Cette vision est par trop pessimiste. Certes, les processus de mondialisation posent de redoutables défis à l’État et au citoyen, mais cette affaire est plus compliquée que ce que les critiques veulent bien croire. Les marchés mondiaux et les politiques mondiales prennent sans doute de l’ampleur, mais ils n’entravent pas l’État dans l’accomplissement de ses obligations envers ses citoyens. Les États ont toujours la capacité réelle de fournir des services publics à leurs citoyens et d’intervenir sur les effets des forces économiques, sociales et culturelles qui agissent à l’échelle mondiale. Certains États postindustriels ont effectivement abandonné plusieurs de leurs responsabilités, mais ils en assument aussi d’autres en aidant leurs citoyens à acquérir les compétences et le savoir pour devenir compétitifs, et en innovant dans l'organisation et la réglementation de l’allocation des services publics. Ce que font les États est largement fonction de la tradition institutionnelle, de la disposition idéologique, de la culture politique et du choix des politiques. L’histoire de la mondialisation que nous racontons est importante24.
24Ceux qui soutiennent que la mondialisation affaiblit l’État et limite ses capacités d’assurer les services publics font valoir des arguments convaincants. Le capital financier mondial et les entreprises ont une possibilité sans précédent de se déplacer, de « partir » vers des environnements plus attrayants, alors que l’État-nation est fixe et immobile. Que les marchés financiers nationaux soient plus faibles par rapport aux marchés financiers internationaux est aujourd’hui un fait généralement accepté. Mais la mondialisation a aussi affaibli la production nationale en tant qu’espace économique naturel et, indirectement, a compromis le contrôle de l’État25. La capacité de ce dernier à pratiquer des politiques monétaires et fiscales comme leviers de la croissance et de la maîtrise des déclins des cycles économiques a, par conséquent, diminué. Le fait que l’autonomie de l’État dans sa gestion des politiques monétaires et fiscales ait diminué n’est pas contesté ; en revanche, les conséquences de cette diminution le sont. S’il était vrai que la réduction de la capacité de l’État postindustriel à faire des déficits entravait sérieusement celle de financer ses obligations sociales envers ses citoyens, cette situation constituerait une faille importante dans la trajectoire future de l’État et dans sa capacité de répondre aux attentes des citoyens en matière de justice sociale. Les structures existantes du contrat social s’affaibliraient gravement et l’inégalité au sein de la nation augmenterait logiquement.
25Geoffrey Garrett reconnaît que la mondialisation limite la capacité des gouvernements à faire des déficits ; toutefois, il affirme que la discipline financière accrue qu’impose la mondialisation ne s’est pas traduite, comme on s’y attendait, par une réduction de la taille du gouvernement dans les pays de l’OCDE ou, ce qui est encore plus étonnant, par une convergence des politiques fiscales, et encore moins par une course redoutable vers le bas26. Chose étonnante, les États postindustriels ne réduisent pas leurs dépenses. En effet, ceux qui commercent le plus ont les plus gros budgets exprimés en proportion de leur produit national brut27. Les économies les plus ouvertes, celles qui sont les plus fortement engagées dans l’économie mondiale, ont la plus grande capacité d’assurer les services publics à leurs citoyens. Contrairement à la croyance populaire, la mondialisation n’a pas réduit la capacité de l’État à investir dans les biens sociaux.
26Les États sont aussi moins poreux que ne le laissent entendre les critiques de la mondialisation. Les frontières ont encore de l'importance. En 1996, une province canadienne typique avait des échanges commerciaux douze fois plus grands avec une autre province canadienne qu’avec un État américain de taille et de distance semblables. À vrai dire, on constate des effets frontières comparables dans l’Union européenne, qui est l’économie intégrée la plus dense, pour les biens, les services et le capital. Les marchés des biens intérieurs sont encore beaucoup plus étroits que les marchés internationaux. Si l’on en croit John Helliwell, les effets frontières, bien qu'étant plus petits qu’il y a trente ans, ont encore un ordre de grandeur impressionnant. « Malgré de nombreuses augmentations dans la force et la profondeur des liens internationaux depuis 40 ans, affirme Helliwell, les structures économiques et sociales nationales demeurent plus étroites que ce que l’on croit habituellement [...]. Les petits pays demeurent aussi viables et pleins de santé qu’il y a quelques décennies [...]. Les pays plus petits semblent particulièrement bien se tirer d’affaire en ce qui a trait aux mesures d’assistance sociale plus complètes.28 » La mondialisation ne limite pas gravement la viabilité même des petits pays postindustriels, encore moins les choix que leurs dirigeants peuvent faire. En fait, certains vont jusqu’à affirmer que la mondialisation peut être comprise comme le produit et la conséquence de choix politiques des gouvernements29.
27L’État se transforme dans les sociétés postindustrielles, mais pas de la manière prévue par les critiques de la mondialisation. L’État postindustriel n’a pas réduit son investissement dans les services publics ; il a changé, fondamentalement, la façon de fournir les services à ses citoyens. Certains suggèrent que le nouveau rôle de l’État est de financer les services publics plutôt que d'en être le pourvoyeur direct, devenant progressivement un régulateur et un arbitre, un faiseur de règles et un surveillant, un garant de la qualité et le lieu d’une transparence et d’une responsabilité plus grandes30. L’État n’est pas absent, ou vide, ou rétréci, voire même l’ombre de lui-même. Il change, non seulement par ses réactions aux pressions venant des forces mondiales, mais aussi par ses façons de répondre aux attentes changeantes de la part des citoyens qui vivent de plus en plus dans des mondes multiples et qui sont porteurs d’une sensibilité planétaire. L’État établit les règles du jeu, puis permet à un nombre encore plus grand d’acteurs sociaux de s’unir pour élaborer de nouveau le contrat social édifié au siècle dernier. Il est pertinent de relever la capacité radicalement différente des divers secteurs sociaux à dialoguer et à agir dans le nouveau cadre socio-politique qui émerge. Le visage que l’État postindustriel présente à ses citoyens est en train de changer, mais ce changement ne peut s’expliquer en grande partie que par la croissance des marchés mondiaux et des institutions transnationales.
Le citoyen du monde dans une culture mondiale
28Les technologies des transports, de l’information et de la communication plus rapides et moins chères ont soutenu le développement de la mondialisation. Ces technologies ont des conséquences directes sur l’aménagement des espaces sociaux et culturels que l’État n’a pas toujours fournis. Ici aussi, ces changements soulèvent des questions politiques importantes pour l’État.
29Au chapitre 3, Lloyd Wong examine l’évolution de la notion de citoyenneté en cette époque de mondialisation. Il se concentre sur l’apparition des identités transnationales et sur les communautés de la diaspora, que l’on envisage maintenant comme des communautés dans lesquelles un équilibre constant d'adhésion et d’identité est maintenu entre le milieu familial et la société d’accueil. Tout au long du XXe siècle, comme nous l’avons vu, l’approfondissement et le rétrécissement du concept de citoyenneté dans les sociétés industrielles étaient concomitants. Après un temps d’arrêt de cinquante ans, l’immigration et l’émigration prennent de l’expansion partout dans le monde, au fur et à mesure que les horizons s’ouvrent à la suite des technologies contemporaines de la communication. Selon Wong, avec les formes contemporaines des migrations et des mouvements de population, on observe des formes d’identité qui s’alignent mal sur les notions territoriales de citoyenneté associées à l'État-nation traditionnel. Des sphères publiques déterritorialisées sont en train de se manifester au-delà des frontières, en tant que nouvelle arène d’action politique31. Ce mouvement croissant va vraisemblablement entraîner des conséquences importantes pour l’inégalité entre les nations et à l’intérieur des nations.
30Dans la société mondialisée, nous dit Wong, les citoyens nomades [« transilients »] — c’est-à-dire les personnes qui ne se fixent pas en un seul endroit — deviennent des nœuds dans un réseau qui se densifie. Ils sont aussi d’importantes ressources quand ils entrent au Canada et en sortent, emportant avec eux la « marque » Canada. L’actuel durcissement de la politique en matière de citoyenneté cherche à renforcer le récit national devant les récits culturels multiples, mais, de conclure Wong, cela va directement à l’encontre de la transnationalisation des identités et du nomadisme des citoyens dans une société planétaire.
31La révolution de l’information et le resserrement de l’économie mondiale rendent aussi possible la naissance d’une culture mondiale. Nous entendons par culture un ensemble de valeurs partagées qui donnent sens à l’action individuelle et collective dans une communauté32. La culture est la gardienne des conceptions communes d’une communauté qui favorisent l’action collective. Ces conceptions partagées sont intimement liées à l'identité : elles se renforcent mutuellement. Durant les derniers siècles, on a admis, d'une façon générale, que la culture a contribué à définir la nation et que l’État confère une expression officielle à la culture définie et expérimentée collectivement. De ce rapport viennent les concepts télescopés d’État-nation et de culture nationale.
32La mondialisation tend à transcender et même, par moments, à supplanter les cultures nationales. Ces processus créent un environnement culturel commun dans lequel tous ceux qui sont « connectés » ont accès aux mêmes messages, aux mêmes symboles, à la même calligraphie, lesquels sont produits et diffusés par le moyen de réseaux transnationaux, fermement contrôlés, de télévision et de cinéma. Nombre de ces réseaux ont actuellement leur siège social aux États-Unis et leurs produits dominent progressivement les marchés mondiaux de la culture33. Ces produits ne reflètent pas plus la diversité de la culture américaine que la diversité des autres cultures. Pour la première fois, le produit culturel mondial est un produit de masse plutôt qu’un produit fondé sur une élite34.
33Dans le chapitre 2, John Hannigan étudie « l’économie du divertissement mondial » ainsi que les productions et les images culturelles de marques qui sont transmises par les transporteurs toujours plus grands et toujours plus rapides appartenant à des entreprises. Importantes comme produits économiques, les « marques » importent davantage en tant qu’elles sont des symboles culturels partagés. Des parcs d’attractions thématisés dominent le discours culturel des centres urbains partout sur la planète, au fur et à mesure que la reconnaissance des logos bouscule les consommateurs. Détachée de la communauté et modifiée par le marché mondial, la culture se déterritorialise. Les formes locales de la culture, dans cet environnement, sont soumises à des assauts incessants. Les cultures locales gagnent en importance au fur et à mesure que les gens font jouer des identités distinctes en réaction à un espace culturel mondial progressivement homogénéisé. Cependant, il est plus difficile de les faire naître et de les reproduire, non seulement parce que les productions culturelles prennent de l’importance économique, mais aussi parce que les nouveaux cadres de régulation mondiale limitent ce que les gouvernements font pour soutenir la culture locale.
34L’Internet travaille dans la direction opposée, en encourageant la participation individuelle directe, totale, soustraite à toute supervision et hors de portée de l’autorité. Malgré tout, comme d’autres médias, il promeut l’intégration culturelle et sociale, le développement d'un même langage — la cyberlangue mêlée d’anglais — et la création de communautés virtuelles35. Sur la Toile, qui est l’environnement culturel contemporain le moins structuré, 80 % des sites optent pour l’anglais.
35Les technologies de l’information et de la communication de plus en plus accessibles non seulement érodent la différence et favorisent l’homogénéisation, mais elles encouragent la particularisation et la différenciation au fur et à mesure que les communautés s’approprient, utilisent et transforment le produit culturel mondial, même quand celles-ci redécouvrent l’individualité de la culture locale. L’univers multichaîne des magazines et de la musique conçu pour les créneaux accentue les différences particulières et la spécialisation locales. La « personnalisation du produit culturel », si caractéristique du genre de produit économique mondial, permet aux individus et aux communautés de satisfaire leurs besoins spécifiques selon des moyens qui auraient été impossibles il y a vingt ans. De cette manière, les nouvelles technologies ont donné aux groupes réels et virtuels la possibilité de se définir et de s’assumer en opposition aux cultures dominantes, sans même avoir à les évoquer. Ce faisant, ces processus contribuent à la fragmentation sociale et à la prolifération des sous-cultures spécialisées qui ont peu en commun.
36Tandis que les processus mondiaux favorisent simultanément l’homogénéisation et la fragmentation de la culture, les frontières culturelles — une composante historique essentielle de l’identité nationale — commencent à s’éloigner des espaces politiques nationaux encore plus que ne le font les frontières économiques36. Comme le postule Marc Raboy dans le chapitre 5, le « national » est affaibli en tant que principal paramètre de l’identité. Les choix que font les États devant la nouvelle régulation mondiale, la production culturelle mondiale et les cultures locales distinctes seront essentiels pour la refonte des récits nationaux. Au Canada, cela ne constitue pas un défi nouveau, mais un défi qui se présente sous un jour radicalement nouveau. Traditionnellement, le Canada a adopté une approche oscillante de sa politique culturelle, hésitant entre le système américain déterminé par le marché et l’approche européenne plus axée sur la culture ; cette position politique, parfois ambivalente, s’exprime souvent dans les négociations internationales, les ministères à caractère économique allant dans un sens et les ministères qui s'occupent de la culture dans un autre. Étant donné les puissantes forces d’internationalisation qui façonnent la culture et les communications modernes, Raboy soutient que, compte tenu des forces puissantes d’internationalisation qui remodèlent la culture moderne et la communication, « il y a un besoin pressant d'acquérir la capacité d’exprimer un intérêt social mondial dans le domaine qui soit plus que la somme des intérêts transnationaux des entreprises ». Comme il le fait remarquer, « les lieux des prises de décisions se sont déplacés, verticalement, du niveau national vers le niveau transnational et, horizontalement, de l’État vers les salles de conseil ».
37Dans le passé, la culture a été un élément décisif de la constitution d'un territoire, et a permis toute une série d’initiatives. Nous avons un intérêt particulier pour la culture politique, cette dimension de la culture qui sert d’assise à toute action politique37. La culture politique, conçue comme des significations, des valeurs et des pratiques politiques partagées, peut se comprendre beaucoup plus largement que ce que laisse croire une bonne part de l'analyse contemporaine du déplacement de la culture nationale. Grâce aux nouvelles technologies, une culture est peut-être en train de naître en vue de constituer le nouveau terrain d’action de la politique mondiale.
38Dans le chapitre 4, l’analyse que Ronald Deibert fait de l’opposition internationale à l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) démontre la capacité des acteurs privés à communiquer au-delà des frontières et à s’engager efficacement dans des enjeux sociaux mondiaux. Il conclut que l’Internet a joué un rôle clé dans le mouvement de résistance par trois moyens différents : en permettant la transmission rapide de l’information parmi les membres du lobby anti-ami ; en rendant publique l’information sur l'ami — et sur l’interprétation de l’ami par les militants — aux nombreux utilisateurs de l’Internet ; et en offrant aux opposants un outil pour exercer une pression directe sur les politiciens et sur les décideurs politiques des États membres. Chose intéressante, son travail révèle la survivance assez énergique de réseaux de militants qui a persisté au-delà de la disparition du problème qui leur avait donné naissance. Même si les groupes anti-ami ne peuvent être considérés comme constituant une communauté, ils sont plus qu’une coordination fortuite de groupes isolés. L'Internet, dit Deibert, « est devenu le nerf du pouvoir pour la fusion de la nébuleuse de la société civile mondiale ». Dans ce cas, et dans d’autres semblables, l’État a cessé d’être la principale arène de la contestation ou de l’action politique, bien que son rôle comme acteur politique au niveau international, pour ce qui est de la prise de décisions, reste essentiel. Des individus et des groupes vivant au Canada étendent leurs relations au-delà des frontières en fonction des affinités38.
39Les récits de l’opposition à l’ami et des protestations contre l’omc (Organisation mondiale du commerce) à Seattle en 1999. contre l’alena à Québec et contre le sommet du G-8 à Gênes en 2001, démontrent que les nouvelles technologies sont capables de faire naître une action politique concertée dans l’arène mondiale. Ce sont les fils, cependant, d’une histoire beaucoup plus complexe. Des groupes privés ont travaillé non seulement en opposition aux États, mais aussi avec les États en tant que partenaires principaux. Ils l’ont fait récemment, par exemple, pour créer un traité interdisant les mines antipersonnel et pour créer une nouvelle institution mondiale : le Tribunal pénal international. Il est évident que la mondialisation ouvre un champ nouveau à l'action politique et que les cultures politiques transfrontalières commencent à apparaître. Dans quelle mesure ces communautés sont-elles responsables ? dans quelle mesure sont-elles représentatives ? et en vertu de quel pouvoir peuvent-elles agir ? La réponse à ces questions est loin d’être claire. Il n’est pas facile non plus de savoir dans quelle mesure ces cultures politiques mondiales vont recouper la vie politique nationale et s’y rattacher.
40Notre réexamen de la mondialisation, vue comme un ensemble de processus historiques, montre que les interrelations et l’intégration des sociétés se sont poursuivies par à-coups. Dans leur phase actuelle, les processus de mondialisation facilitent l’émergence de cultures nouvelles et l’ouverture d'un nouveau terrain pour l'action politique en dehors de la sphère de l’État. La culture et l’identité, deux importants remparts de l’État moderne, sont en train de se déterritorialiser. La mondialisation permet aux communautés de s’exprimer, elles qui ont souvent trouvé difficile de se faire entendre dans les structures nationales, mais elle étouffe aussi d’autres voix. Les processus de la mondialisation posent de nouveaux défis à l’État — et au citoyen — étant donné leur capacité de circuler autour, au-dessus et dans les communautés politiques nationales existantes, et de déplacer les espaces économiques, culturels et sociaux dans des agrégats inégaux, loin de leurs frontières nationales. Toutefois, comme nous le démontrerons dans le dernier chapitre, l’État demeure la force d’influence essentielle dans l’ordre mondial, local et national. Les choix que font les dirigeants politiques vont s’avérer essentiels à la constitution des récits nationaux. Ils vont également déterminer qui les écoute et qui les entend.
La mondialisation, les identités et les politiques d'inclusion
41Nous avons vu que la construction étroite de l’État en tant qu’arbitre et régulateur officiel est problématique quant à sa capacité d’assurer légitimement la justice sociale. Elle constitue aussi une difficulté par rapport à la viabilité des identités nationales. Les citoyens acclament rarement les arbitres ; ils ont tendance à accorder leur loyauté à des équipes. L’érosion des frontières, l’ouverture d’un nouveau terrain pour l’action politique mondiale et la réduction du chevauchement des frontières des États et des espaces culturels rendent aussi plus difficile au cours des ans la viabilité des identités nationales.
42La différenciation est essentielle à tout concept d’identité : elle correspond à une distinction entre « toi et moi », entre « eux et nous ». La recherche en psychologie sociale confirme que la catégorisation et les frontières jouent un rôle déterminant dans l’établissement de la différenciation, car la création d’une identité serait impossible si toutes les frontières étaient éliminées. La mondialisation travaille, cependant, à réduire celles-ci et à unir les pays malgré leurs divisions. L’information et les technologies de la communication facilitent l’éclatement des barrières de temps et d’espace ; elles stimulent 1’interrelation et l’intégration, ainsi que la création d'un vocabulaire culturel commun. Quand les barrières s’érodent et que la culture mondiale crée des emblèmes partagés et aisément reconnaissables, une « identité nationale », liée aux frontières politiques qui ne coïncident plus avec les frontières économiques, culturelles et même sociales, devient de plus en plus problématique.
43Le problème peut s’avérer plus apparent que réel. La psychologie sociale commente précisément la prédominance des identités multiples et l’importance des déclencheurs situationnels. Nous sommes partenaires à la maison et professionnels au travail, sans qu’il y ait conflit apparent entre ces identités ; celles-ci répondent chacune à des situations différentes. De la même façon, nous pouvons être membres de notre communauté locale quand nous nous unissons pour soutenir une école, citoyens de notre pays quand nous votons aux élections fédérales et citoyens du monde lorsque nous contribuons à une organisation non gouvernementale qui travaille à l’allégement de la souffrance des réfugiés dans le monde. Dans chaque cas, différents déclics déclenchent les identités appropriées à la situation. Cette mise en séquence des identités peut être maintenue, voire renforcée, pour autant du moins que les identités soient compatibles.
44Notre analyse indique, cependant, que les éléments déclencheurs de l’identité nationale vont s’affaiblir avec l’intensification de la mondialisation. Si « les frontières » nationales coïncident en grande partie avec les frontières politiques — de moins en moins avec les frontières économiques et culturelles, et en partie seulement avec les frontières sociales, alors les éléments déclencheurs de l’identité nationale ne peuvent pas ne pas diminuer avec le temps. Car ce qui est de moins en moins activé avec le temps n’est d’aucun recours et même devient moins important. Si notre raisonnement est juste, les identités nationales deviendront moins essentielles parmi les multiples identités politiques auxquelles tiennent les gens.
45L’histoire nous enseigne que les concepts collectifs évoluent avec le temps, en réaction aux configurations changeantes des forces sociales, économiques et politiques. Cette capacité d’adaptation autorise l’hypothèse la plus optimiste selon laquelle l’« identité nationale » se transformera en foyer identitaire par réaction aux processus de mondialisation. Elle pourrait devenir une « niche » ou une « identité sur mesure », un lieu de loyauté au sein d’espaces changeants.
46Toutefois, l’affaiblissement des identités nationales n’est pas entièrement négatif. Par exemple, il est facile d’imaginer qu’une identité mondiale renforcée, s’inspirant de cultures, de valeurs partagées et d'identités politiques locales plus vivantes, pourrait fournir de précieux points de convergence pour l'action politique et la fondation d'institutions. En effet, nous assistons depuis quelques années à une créativité et à une activité politique institutionnelles assez significatives à l’échelle mondiale. Marc Raboy, dans le chapitre 5, étudie la naissance du régime des communications planétaires et les défis qu’il pose à l’État ainsi qu’aux « parieurs » qui cherchent à influencer son développement dans la nouvelle arène de l’action politique. De son côté, Ronald Deibert, dans le chapitre 4, explore l’aptitude de certains groupes provenant de différentes sociétés à utiliser les nouvelles technologies de l’information en vue de s’engager politiquement sur des questions d’ordre mondial. La description que fait Lloyd Wong, dans le chapitre 3, des « citoyens nomades » [« transilients »] sans domicile fixe soulève d'intéressantes questions ; d’un point de vue national, la loyauté de ces individus peut susciter des inquiétudes de la part des États dont ils dépendent ; mais peut-être sont-ils tout simplement des « citoyens du monde en attente », préfigurant des formes futures d’identité et de citoyenneté mondiales.
47L’ouverture de nouvelles arènes pour l’action politique aux niveaux mondial et local ne profitera aux citoyens que si les structures nouvelles sont représentatives et responsables. Beaucoup le sont à l’échelle locale, mais pas à l'échelle mondiale. Aussi longtemps qu’elles ne le seront pas, elles ne pourront se substituer efficacement à l’autorité des États, laquelle est ancrée dans des systèmes juridiques institutionnels. Néanmoins, sans fortes identités nationales ni soutien, l’affaiblissement des structures étatiques de légitimité, de représentation et de responsabilité pourrait être plus rapide que ne l’est la construction des structures mondiales de responsabilité39.
48Il est possible que les identités nationales en viennent à se définir davantage comme instruments que comme essences dans le cadre d’un champ élargi d’identités remarquables. Cependant, la loyauté envers l’État pour ce qu’il peut faire plutôt que pour ce qu’il est ou ce qu’il représente constitue, en quelque sorte, une base très faible d'autorité politique. Ici, la politique de l’inclusion tient une place centrale. La psychologie sociale nous dit que l’identité se crée, en partie, par des processus identitaires, que l’appartenance à un groupe particulier est une question de choix et que, en choisissant une identité, les gens se débattent entre les impératifs contradictoires de l’inclusion et de la différenciation. Ils choisissent de maintenir une identité ou de s’y assimiler lorsqu’ils la considèrent comme favorable et puissante et qu’il n’est pas difficile d’y accéder. Nous ne choisissons de nous différencier que lorsque les identités fondamentales sont incompatibles et qu’une identité qui nous importe est menacée ou que les obstacles à l’inclusion sont élevés40.
49La construction et le maintien d’un récit national dans le cadre planétaire peuvent réussir si les citoyens voient celui-ci comme quelque chose de réel, compatible avec d’autres identités importantes, et ouvert à l’inclusion. Ici, les fils des histoires culturelle et sociale se rejoignent. Si les inégalités sociales augmentent et que l'État choisit de se retirer pour n’être qu’un résidu de lui-même, il est peu probable que les citoyens vont adopter une version puissante du récit national. Au fur et à mesure que les processus de la mondialisation continuent de s’intensifier, les dirigeants politiques et les citoyens doivent examiner et reconstituer la base sur laquelle repose la légitimité de l’État. Ils doivent aussi redéfinir le projet national qui consiste à savoir si les États doivent demeurer le foyer actif de l’identité dans un environnement mondialisé.
50Comme nous le soutenons dans le dernier chapitre, l’État reste encore le gardien et l’interprète le plus sûr dans un paysage travaillé par des déplacements tectoniques. Il fait face au redoutable défi de redéfinir son espace pour parvenir à maintenir la loyauté politique en tant que lieu de l’action officielle, légitime, représentative et responsable. Nous ne faisons qu’amorcer un nouveau dialogue parmi des espaces nouvellement ouverts et changeants.
Notes de bas de page
1 J. Sachs, « International Economics: Unlocking the Mysteries of Globalization », in Foreign Policy, no (1998), p. 97-111 ; M. Castells, The Rise of the Network Society, Oxford, Blackwell, 1996; The End of the Millenium, Oxford, Blackwell, 1998.
2 K. Banting, G. Hoberg et R. Simeon (dir.), Degrees of Freedom, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1997.
3 J. Williamson, Globalization and the Labor Market: Using Flistory to Inform Policy, Milan, Lezioni Raffaele Mattioli, Banca Commerciale Italiana, Università Commerciale Luigi Bocconi, 1996, p. 16 et 18, tableau 2, 1. Voir aussi S. Krasner, Sovereignty: Organized Hypocrisy, Princeton, Princeton University Press, 1999.
4 M. Obstfield et A. M. Taylor, The Great Depression as a Watershed: International Capital Mobility over the Long Run, Cambridge (MA), National Bureau of Economic Research, Working Paper, no 5960, 1997; Krasner, Sovereignty : Organized Hypocrisy, p. 13; L. Weiss, The Myth of the Powerless State: Governing the Economy in a Global Era, Cambridge, Polity Press, 1998, p. 172-176.
5 P. F. Drucker, « The Global Economy and the Nation-State », in Foreign Affairs, 1997, p. 159-171. Voir aussi P Doremus, W. Keller, L. Pauly et S. Reich, The Myth of the Global Corporation, Princeton, Princeton University Press, 1998; W. Ruigok et R. Van Tulder, The Logic of International Restructuring, London, Routledge, 1995.
6 R Hirst et G. Thompson, Globalization in Question: The International Economy and the Possibilities of Governance, Cambridge, Polity Press, 1996; R. Wade, « Globalization and its Limits: Reports of the Death of the National Economy are Greatly Exaggerated », in S. Berger et R. Dore (dir.), National Diversity and Global Capitalism, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1996.
7 W. H. Reinicke, Global Public Policy: Governing Without Government, Washington (DC), Brookings Institution Press, 1998, p. 11-51 (surtout, p. 19).
8 W. Watson, Globalization and the Meaning of Canadian Life, Toronto, University of Toronto Press, 1998.
9 La mondialisation est considérée comme étant un « discours d'hégémonie », qui altère les idées et modifie les attentes à propos du rôle de l’État dans la société. Cf. P. Cerny, « Globalization and Other Stories: The Search for a New Paradigm in International Relations », in International Journal, 51 (1966), p. 617-637; H.W. Arthur, « Globalization of the Mind: Canadian Elite and the Restructuring of Legal Fields », in Canadian Journal of Law and Society, 12 (1997), p. 219-246.
10 Pour une analyse des réseaux de connaissance, voir J. Gross Stein, R. Stren, J. Fitzgibbon et M. Maclean, Networks of Knowledge: Collaborative Innovation in International Learning, Toronto, University of Toronto Press, 2001.
11 Des tendances contraires existent aussi : la connaissance peut également être la source d’avantages compétitifs. En réalité, la tentative menée actuellement par les États pour renforcer le régime international de protection des droits de propriété intellectuelle cherche à rapatrier la connaissance et à la convertir en un bien social. — Je tiens à remercier un des deux réviseurs anonymes pour son observation intéressante concernant la privatisation de la connaissance.
12 J. Sachs, « International Economics: Unlocking the mysteries of Globalization ».
13 P. Krugman, Development, Geography, and Economic Theory, Cambridge (MA), MIT Press, 1995 ; P. Krugman et R. Lawrence, « Trade, jobs, and wages », in Scientific American, 1994, p. 44-49, soutiennent que les effets directs sur la redistribution des revenus aux États-Unis provenant du commerce mondial ont été faibles. Ils attribuent l’inégalité croissante des revenus aux États-Unis non pas au commerce et aux investissements mondiaux mais aux conséquences de la technologie. Ils affirment que la proportion de la main-d’oeuvre dans les économies développées en compétition directe avec les travailleurs faiblement qualifiés dans le Sud est beaucoup trop mince (environ 5 % du marché du travail des États-Unis) pour expliquer l’élargissement des écarts de revenus des deux dernières décennies. Pour un point de vue contraire, voir R. Frank et P. Cook, The Winner-Take-All Society, New York, Simon & Schuster, 1995.
14 Programme des Nations Unies pour le développement, Dixième rapport annuel, New York, 1999.
15 G. Firfebaugh, « Empirics of World Income Inequality », in American Journal of Sociology, 104 (mai 1999), p. 1597-1631.
16 R. E Korzeniewicz, T. P. Moran et A. Stach, « Trends in Inequality: Towards a World-System Analysis », communication présentée à la Conférence « On Re-Inventing Society in a Changing Global Economy », Université de Toronto, 8 au 10 mars 2001.
17 T. J. Courchene (dir.), The Nation State in a Global Information Order: Policy Challenges, Kingston (ONT), John Deutsch Institute for Economic Research, 1999.
18 D. Held, A. Mcgrew, D. Goldblatt et J. Perraton ont mis en valeur les concepts de mondialisation « fine » et de mondialisation « lourde » [« thin » et « thick »] dans Global Transformations : Politics, Economics, and Culture, Stanford (CA), Stanford University Press, 1999.
19 M. Zacher, « The Global Economy and the International Political Order », dans T. Courchene (dir.), The Nation State in a Global Information Order, p. 67-95. Voir aussi M. T. Greven et L. W. Pauly (dir.), Democracy beyond the State? The European Dilemma and the Emerging Global Order: From the Modern State to Cosmopolitan Governance, Stanford, Stanford University Press, 1995.
20 Pour un point de vue sceptique, voir L. Pauly, Who Elected the Bankers ? Surveillance and Control in the World Economy, Ithaca (NY), Cornell University Press, 1997.
21 K. Ohmae, The End of the Nation State, New York, Free Press, 1995, p. 5, soutient que « les États-nations classiques sont devenus des entités anormales, voire des instruments commerciaux incompatibles avec une économie mondiale ». S. Strange tient un raisonnement semblable : « Les forces impersonnelles des marchés mondiaux [...] sont maintenant plus puissantes que les États auxquels l'autorité politique suprême sur la société et l’économie est censée appartenir [...] L’autorité déclinante des États se reflète dans la délégation croissante de l’autorité à d’autres institutions et associations, ainsi qu’aux organismes locaux et régionaux » (S. Strange, The Retreat of the State : The Diffusion of Power in the World Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 4).
22 Castells, The Rise of the Network Society; J. Ruggie, Winning the Peace: America and World Order in the New Era, New York, Columbia University Press, 1996.
23 Y. Ferguson et R. Mansbach, Polities : Authority, Identities, and Change, Columbia, South Carolina, University of South Carolina Press, 1996.
24 B. Rae, The Three Questions: Prosperity and the Public Good, Toronto, Viking, 1998; T. Courchene (dir.), Room to Manœuvre? Globalization and Policy Convergence, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1999.
25 J. Sachs, « International Economics: Unlocking the Mysteries of Globalization ».
26 G. Garrett, « Global Markets and National Politics: Collision Courses or Virtuous Circle », in International Organization, 52, p. 787-824. Voir aussi G. Garrett et P. Lange, « Internationalization, institutions, and political change », in H. Milner et R. Keochane (dir.), Internationalization and Domestic Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 48-75; A. Hurrell et N. Woods, « Globalization and Inequality », in Millenium, 24 (1995), p. 447-470.
27 D. Rodrik, « Why do More Open Economies Have Bigger Goverments? », in Journal of Political Economy, 2001.
28 J. F. Helliwell, Globalization: Myths, Facts, and Consequences, Toronto, C.D. Howe, 2000, 3ff, p. 41 et 46.
29 P. G. Cerny, « Globalization and the Changing Logic of Collective Action », in International Organization, 49 (1995), p. 595-625.
30 J. Gross Stein, The Cult of Efficiency, Toronto, Anansi, 2001.
31 A. Appuradai, Modernity at Large, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996.
32 Pour une définition semblable de la culture, voir F. Griffiths, « The Culture of Change », communication présentée à la Conférence « Analysing the Trends : National Policy Research », Ottawa, 25-26 novembre 1999.
33 M. Raboy, dans le chapitre 5 du présent ouvrage, fait remarquer qu’en 1998, contrairement à la croyance populaire, trois seulement des sept plus grandes entreprises de l’industrie culturelle mondiale étaient de propriété américaine, même si toutes avaient leur siège social dans un périmètre de dix rues au centre de Manhattan.
34 D. Held et al., Global Transformations, p. 427.
35 B. Wellman, Networks in the Global Village: Life in Contemporary Communities, Boulder, Colorado, Westview Press, 1999.
36 Il est étonnant que, même aux États-Unis, principal producteur dans le domaine de la culture mondiale, il y ait une inquiétude croissante au sujet de la viabilité de la culture. Les arts et la culture sont la deuxième exportation américaine, après la technologie. Le Pew Charitable Trusts, fondation qui a jeté les bases du travail sur le réchauffement de la planète, du journalisme civique et de la réforme des campagnes de financement, s’est engagé à formuler une politique culturelle « nationale ». Durant les cinq prochaines années, la fondation Pew prévoit encourager les décideurs politiques à se concentrer sur le financement des arts, les droits de propriété intellectuelle, le zonage des aires historiques et l’instauration d'un programme artistique pour les écoles publiques. Animer un tel projet repose sur l’idée que la culture est une responsabilité nationale, essentielle à « la préservation et à l’épanouissement de la créativité américaine ». Cf. J. H. Dobrzynski, « Heavyweight Foundations Throws Itself Behind Idea of a Cultural Policy », in New York Times, 2 août 1999, p. B1.
37 Voir F. Griffiths, « The Culture of Change », pour une discussion de la culture politique.
38 Voir aussi S. Osty, « Dissent. Com: How ngo's are Re-Making the wto », in Policy Options, juin 2001, p. 6-15.
39 Je tiens à remercier Ann Medina et Melissa Williams pour les remarques utiles qu’elles m’ont adressées.
40 D. Abrams et M. A. Hogg (dir.), Social Identity Theory: Constructive and Critical Advances, New York, Harvester Wheatsheaf, 1990; M. B. Brewer, « The Role of Distinctiveness in Social Identity and Group Behavior », in M. Hogg et D. Abrams (dir.), Group Motivation: Social Psychological Perspectives, New York, Harvester Wheatheaf, 1993, p. 1-16.
Auteurs
David R. Cameron a étudié à l’Université de la Colombie-Britanique, puis à la London School of Economics. Après ses études, il occupe le poste de secrétaire adjoint pour les questions constitutionnelles au Bureau du Conseil privé du Canada et de sous-secrétaire adjoint au ministère des Affaires étrangères. En 1985, il est nommé vice-président de l’Université de Toronto. De 1987 à 1990, il est ministre adjoint au ministère des Affaires intergouvemementales à Queen’ Park et, depuis, continue de conseiller le gouvernement de l'Ontario sur des questions telles que la constitution, l’unité nationale et les dossiers intergouvemementaux. Il est actuellement professeur de science politique à l’Université de Toronto. Auteur de nombreux ouvrages consacrés à la théorie politique, au nationalisme et à la culture canadienne, il a été consultant en matière constitutionnelle auprès de plusieurs gouvernements étrangers.
Directrice du Munk Centre for International Studies et professeure au département de science politique de l’Université de Toronto. Elle est spécialisée dans les domaines de la négociation et de la gestion des conflits. Ses plus récents livres sont Networks of Knowledge : Collaborative Innovation in International Learning (Toronto, University of Toronto Press, 2001) et The Cult of Efficiency (Toronto, Anansi, 2001). Janice Stein a été la conférencière Massey pour l’année 2001.
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