III. La déontologie médicale
p. 353-361
Texte intégral
1Dans cet appendice, nous voudrions donner un aperçu de l’évolution des codes de déontologie médicale, après le tournant des années 1960-1970 que plusieurs qualifient de « tournant bioéthique ». Même en restreignant l’analyse aux codes internationaux et aux codes américain, canadien et québécois qui nous sont plus familiers, la chose n’est pas simple. Malgré les efforts en ce sens, nous sommes encore loin d’un code de déontologie médicale à portée internationale. Même si, depuis les années 1950, les documents internationaux exercent une grande influence morale, ce sont encore les codes nationaux qui sont utilisés pratiquement d’une façon quasi légale. Or, ces codes diffèrent selon les milieux et, dans chaque milieu, ils font l’objet de révisions constantes visant à les adapter aux développements de plus en plus rapides dans le monde de la santé : leur évolution est non seulement imprévisible mais difficile à analyser. Les codes s’élaborent de révisions en révisions et font rarement l’objet d’analyse conceptuelle de la part de ceux qui les font. Il est d’autant plus difficile de donner un aperçu de leur évolution que celle-ci est récente. Il faut aller puiser patiemment dans les textes eux-mêmes ou encore chercher à travers les analyses historiques ce qui concerne spécifiquement les codes. Si plusieurs auteurs ont écrit des articles concernant l’histoire de l’éthique médicale en général1, plus spécifiquement aux États-Unis2, ou au Canada3, Robert Veatch, à notre connaissance, est un des seuls à s’être penché précisément sur l’histoire de ces codes4.
Au plan international
2L’événement le plus marquant dans l’histoire de la déontologie médicale au XXe siècle est certainement l’apparition de documents ayant une visée internationale après la Seconde Guerre mondiale. Rappelons succinctement que ce sont les dérives de la recherche médicale dans les camps nazis qui donnèrent d’abord lieu au procès de Nuremberg. Toute profession défend une valeur particulière. Les médecins défendaient la santé même avant que cette valeur ne soit énoncée dans les prières, les serments et les codes. Mais, vingt-cinq siècles après Hippocrate, c’est aussi au nom de la santé et de l’intérêt public que certains prétendirent justifier jusqu’aux excès de la recherche médicale dans les camps nazis. Le Code de Nuremberg (1947) fut clair : aucune valeur ne peut justifier que l’on fasse de la recherche sur des êtres humains sans leur consentement.
3Le Code de Nuremberg concernait avant tout la recherche médicale. Mais les médecins n’ont pas tardé à vouloir adapter le tir : cette volonté de donner priorité aux droits humains devrait s’appliquer à toutes les activités du médecin, la clinique comme la recherche. Rappelons-nous la première phrase du Serment de Genève (1948), adopté par l'Association médicale mondiale (AMM/WMA) : « Au moment d’être admis au nombre des membres de la profession médicale, je prends l’engagement solennel de consacrer ma vie au service de l’humanité. » Le Serment de Genève est une déclaration très courte, visant en fait à remplacer le Serment d’Hippocrate, considéré comme désuet.
4La version courante du Serment n’a subi que quelques amendements. L’amendement de 1968 a rajouté : « Je respecterai le secret de celui qui se sera confié à moi [...] même après la mort du patient. » L’amendement de 1983 a remplacé l’ancienne formulation « Je garderai le respect absolu de la vie humaine dès sa conception » par une formulation moins litigieuse : « [...] dès son commencement ». Les amendements adoptés à Stockholm en 1994 ont tenu compte de la féminisation de la profession en rajoutant : « Mes collègues seront mes sœurs et mes frères » et ont ajouté aux facteurs de discrimination illégitime l’âge, le sexe, l’origine ethnique, la maladie ou l’infirmité et la tendance sexuelle.
5Le code international de déontologie médicale (1949) adopté par la troisième assemblée de l’AMM l’année suivante s’inspire du Serment de Genève. Mais il s’inspire aussi des codes de déontologie traditionnels. Bien qu’il n’émette que les principes les plus généraux devant guider la pratique médicale, le code international les regroupe sous des rubriques que la majorité des codes nationaux utilisent déjà : les devoirs généraux du médecin, les devoirs envers le malade, et les devoirs des médecins entre eux. Les sujets controversés, comme l’avortement, sont évités : par exemple, contrairement au Serment de Genève, on évite de préciser à partir de quand le médecin doit préserver la vie. Quelques actes dérogatoires sont spécifiés.
6Comme le Serment de Genève, le code sera amendé à Sydney en 1968 et à Venise en 1983. Dans cette version amendée, qui a toujours cours, on insiste sur la compétence et l’honnêteté des médecins ; les devoirs des médecins sont clairement interprétés en termes de respect des droits humains et le devoir de confidentialité est renforcé.
7Mais il était loin d’être clair que les normes émises au plan international pour corriger les abus de la recherche médicale pouvaient se concilier facilement avec celles qui prévalaient en clinique depuis si longtemps. C’est ce que la Déclaration d’Helsinki tentera de préciser. Rédigée par l’AMM en 1964, cette déclaration veut montrer comment il est possible pour le médecin de concilier les exigences de la recherche et les exigences de la clinique, ces deux activités visant aussi bien la santé. La déclaration soutient essentiellement que les projets de recherche impliquant des sujets humains doivent être justifiés aussi bien sur le plan scientifique qu’éthique. La recherche ne doit pas exposer les sujets à des risques qui dépassent les bénéfices escomptés. Mais ceci n’est pas si simple lorsqu’il s’agit de recherche clinique. La déclaration, déjà amendée en 2975, 1983,1989 et 1996, suscite encore la controverse5.
8Les difficultés associées au fait d’imposer de nouvelles normes à l’ensemble de la pratique médicale n’arrêteront toutefois pas le mouvement voulant que ces normes ne soient plus le fait des seuls médecins, mais qu’elles soient soumises au débat public. C’est en ce sens qu’on peut lire les multiples déclarations internationales émises par l’AMM dans la seconde moitié du siècle, dont la Déclaration de Tokyo (1975) sur la torture, la Déclaration de Lisbonne (1981, 1995) sur les droits des patients, la Déclaration d’Oslo (1983) sur l’avortement thérapeutique, la Déclaration de Sydney (1983) sur la mort, la Déclaration de Venise (1983) sur la phase terminale de la maladie, la Déclaration de Madrid (1987) sur l’autonomie et l’autorégulation professionnelle, la Déclaration de Malte (1992) sur les grévistes de la faim, la Déclaration de Marbella (1992) sur le projet du génome humain, la Déclaration de Bali (1995) sur les problèmes éthiques concernant les patients atteints de maladie mentale, la Déclaration d’Ottawa (1998) sur les droits de l’enfant aux soins de santé.
9Analysant cette évolution, Robert Veatch6 voit un changement majeur dans le fait que ces déclarations n’émanent plus seulement des médecins mais de la sphère publique et quelles le fassent en dehors des cadres nationaux traditionnels. Plus précisément, il évalue l’émission de normes venant de l’extérieur de la profession comme mettant fin au paternalisme, à l’individualisme et au conséquentialisme qui caractérisaient l’éthique médicale jusque-là, pour inaugurer une conception plutôt centrée sur l’autonomie et doublée d’une perspective plus collectiviste : d’où l’importance du langage des droits.
10Les serments, les déclarations et les codes internationaux nés en réaction aux abus de la recherche médicale ont connu leur propre évolution. Celle-ci a largement débordé le champ de la pratique professionnelle et de l’éthique médicale pour constituer le vaste champ de la bioéthique, ce dont nous ne discuterons pas ici. En suivant l’évolution des codes américain, canadien et québécois, nous verrons plutôt que ces directives internationales ont considérablement influencé les codes de déontologie médicale nationaux, les incitant à se simplifier et à développer toutes sortes de stratégies pour intégrer des éléments qui leur étaient étrangers.
Aux États-Unis
11Rappelons que la première version du Code de déontologie adoptée par l’Association médicale américaine en 1847 reprenait presque mot à mot les directives émises par Percival. Après une longue introduction, on précise avec force détails quelles sont les obligations des médecins à l’égard des patients. On explicite encore plus, sur sept articles, les obligations des médecins à l’égard de leurs confrères et de la profession. C’est sous cette rubrique que l’on évoque l’excellence morale nécessaire à l’exercice de la profession. Finalement, on termine par les obligations de la profession envers le public.
12Ces obligations visaient à l’origine un but politique, celui de régler les différends entre les divers praticiens en Angleterre. Elles furent reprises dans la colonie, où les charlatans menaçaient aussi l’orthodoxie médicale. Elles le furent cependant avec quelques modifications. Le code américain semblait réussir à allier l’ancien humanisme médical, basée sur la vertu, et la nouvelle conception contractualiste avancée par Percival.
13Même si ce code surprend par son caractère vétuste, il s’imposa sans amendements majeurs jusqu’en 1957, en dépit des révisions de 1903, 1912 et 1947 et des controverses à l’intérieur et à l’extérieur de la profession.
14Le code sera finalement remanié et raccourci. En 1937, l'AMA émet les 10 principes. Le vocabulaire est différent et ressemble à celui qu’on utilise dans les documents internationaux. Par exemple, le premier des principes mis de l’avant est à l’effet que le principal objectif de la profession est de rendre service à l’humanité dans le respect le plus entier de la dignité de l’homme. Mais on reprend finalement l’essentiel des obligations envers le patient, les collègues et le public : des obligations sur lesquelles on s’entend malgré les divergences d’opinions à l’intérieur de la profession, expliquent Jonsen et Jameton7. Ces auteurs soutiendront que ce sont plutôt des influences extérieures à la profession qui seront décisives pour l’évolution du code américain.
15En 1980, le changement devient majeur. Les dix principes se réduisent à sept et le langage des droits remplace celui des bienfaits8. On réinterprète même les obligations traditionnelles des médecins en termes de droits : le médecin doit respecter les droits des patients, des collègues et des autres professionnels, dit le code. Ce langage des droits était assez facile à adopter pour une société libérale comme les USA, même s’il semble contraster avec les premières versions des codes.
16Mais le plus grand changement n’est pas là. Il est dans le fait que ces obligations professionnelles traditionnelles ne constitueront plus que la portion congrue du code, laissant place aux standards légaux contemporains qui, eux, ne proviennent plus seulement des médecins et ne s’adressent plus seulement à eux. En 1985, l’AMA crée officiellement le Council of Ethical and Judicial Affairs, un organisme multidisciplinaire chargé de donner des avis sur les problèmes bioéthiques. Ces avis sont intégrés au code de déontologie, dont ils constituaient d’ailleurs la partie la plus importante depuis 1980 déjà. Entre un préambule énonçant les sept principes généraux et une courte section touchant les obligations envers les patients, le code intègre et justifie une multitude de positions émanant du Council of Ethical and Judicial Affairs sur des problèmes spécifiques associés à la pratique de la médecine. Le conseil est interdisciplinaire et aucun sujet n’est exclu : cela peut aller de l’avortement aux conflits d’intérêts.
17Ces avis sont constamment révisés. La révision de 1994 qui remplace celle de 1992, par exemple, contient l’application des principes d’éthique médicale à plus de 125 problématiques spécifiques, incluant la pénurie des ressources, le dépistage génétique, l’abstention de traitement, la violence familiale, etc. Il devient bien difficile de dire si c’est alors l’éthique médicale qui a intégré la bioéthique ou l’inverse. Et l’appréciation de ces changements diffère selon les auteurs9.
Au Canada
18Rappelons que l'Association médicale canadienne avait adopté en 1868 un code très semblable à celui que les Américains avaient adopté vingt ans plus tôt. Objet de quelques amendements mineurs par la suite, ce code subira surtout l’influence des codes internationaux : il sera lui aussi progressivement simplifié, mais différemment du code américain. Les révisions effectuées dans les années 1936-1937, puis dans les années 1969-1970, finissent par produire un code qui, en 1990, contient aussi sept principes généraux. Ces principes ne correspondent pas exactement aux principes de l’AMA ni aux principes de l’AMM, mais sont dans le même esprit. Suit une série de 49 recommandations regroupées dans les quatre rubriques traditionnelles : les responsabilités envers le patient, la profession, le public et la société.
19La version révisée en 1996, après un long processus de consultation auprès des membres, a été adoptée intégralement par la majorité des corporations professionnelles des provinces. Le document ressemble à celui de 1990, mais gagne en systématicité et affronte quelques problèmes nouveaux. Le code est d’abord muni d’une préface indiquant clairement son objectif, ses sources et ses limites. Pour pouvoir émettre les normes de conduite des médecins, différentes mais complémentaires aux lois, on reconnaît avoir emprunté à plusieurs traditions (les codes historiques comme le Serment d’Hippocrate, les droits de l’homme et la bioéthique). On annonce que l’on mettra sur le même pied les principes traditionnels de compassion, non-malveillance et bienfaisance, le respect de la personne et la justice. On précise ensuite que le code n’est pas exhaustif : il émet des principes généraux qui devront être appliqués et interprétés selon les situations. Tout en admettant que cette approche peut donner heu à des conflits, on propose finalement des lieux de discussion pour les résoudre.
20Suivent ensuite les 43 articles couvrant les responsabilités des médecins. D’abord, les responsabilités générales : viser le mieux-être du patient, lui assurer les soins nécessaires, respecter sa compétence et ses limites. (L’injonction contre l’exploitation des patients à des fins personnelles a été renforcée par rapport aux versions antérieures.) Ensuite les responsabilités envers les patients ; elles touchent la relation médecin-malade, le consentement, la confidentialité, la recherche clinique et les honoraires. (La discrimination illégitime a été étendue pour inclure l’orientation sexuelle, le handicap mental ou physique et l’état de santé. Les règles de confidentialité et les procédés pour obtenir le consentement ont été précisés.) Viennent ensuite les responsabilités envers la société : reconnaître les déterminants sociaux, exercer des tâches publiques, favoriser l’accès équitable aux soins, assurer l’éducation. (Cette section a été renforcée pour inclure les préoccupations concernant la santé publique et l’allocation des ressources : les médecins doivent utiliser judicieusement les ressources consacrées aux soins de santé et favoriser l’accès équitable à ces ressources, précise-t-on.) Les responsabilités envers la profession ont été délestées de plusieurs considérations touchant l’étiquette, pour se restreindre à l’essentiel : mériter l’autorégulation, se soumettre au contrôle des pairs, assurer son indépendance professionnelle, collaborer à l’évolution des connaissances et à la prestation des soins. Finalement, le 43e article est nouveau et touche les responsabilités du médecin envers lui-même (on l’incite à solliciter de l’aide lorsque des problèmes personnels peuvent nuire à l’exercice de sa profession).
21En lisant la littérature entourant cette révision du code canadien, on peut voir que c’est délibérément que l’on a choisi de concilier, au niveau des principes, les deux conceptions différentes de l’éthique auxquelles Veatch faisait allusion : l’éthique traditionnelle des médecins, centrée sur la bienfaisance, et l’éthique de l’autonomie, dominante en bioéthique. La perspective est donc différente de la stratégie adoptée aux États-Unis. Depuis les années 1960, l’AMA émet aussi des opinions à propos de problèmes bioéthiques, mais celles-ci sont considérées comme des énoncés de politiques distincts du code de déontologie10.
22Ce n’est pas la seule différence d’ailleurs entre les codes canadiens et américains. Le code canadien a non seulement conservé, mais progressivement précisé les obligations des médecins envers la société. C’est probablement l’importance accordée à la section des obligations envers la société, autant que les prescriptions précises qu’on y trouve, qui distingue de plus en plus les codes canadiens des codes américains qui, en comparaison, pécheraient par omission. Ce qui est facilement compréhensible, étant données les différences entre les deux systèmes de santé.
23Bien que l’adoption de ce code par la majorité des associations médicales des provinces témoigne d’un certain succès, cette stratégie a quand même donné heu à quelques critiques11.
Au Québec
24Rappelons d’abord que les médecins québécois ont aussi adopté le code de l’AMC, bien que tardivement, soit en 1878. Mais ce code a suivi une tout autre évolution, assez surprenante. C’est finalement à partir de sources complètement différentes que le Collège des médecins du Québec émettra son propre code en 2980.
25Dans son histoire du CMQ, Denis Goulet rappelle que le Parlement avait déjà reconnu un pouvoir sans précédent au Collège des médecins et chirurgiens de la Province de Québec (CMCPQ) en 1847. Mais ce n’est qu’après avoir acquis plus de pouvoirs en 1876 que la profession médicale se restructure et adopte le code de déontologie de l’AMC, en 187812. Toutefois, ce code ne permettait pas vraiment de sanctionner les membres déviants. Plus que l’adoption du code en 1878, c’est le pouvoir quasi légal accordé au conseil de discipline en 1898 qui a permis à la profession de développer son autorégulation. En 1909, le législateur accorde au conseil de discipline tous les pouvoirs pour dresser la Este des actes dérogatoires à l’honneur de la profession et méritant sanction. De multiples amendements renforceront ce pouvoir. C’est à cette enseigne que se fera, par exemple, la lutte aux charlatans et à la pratique illégale de la médecine jusqu’en 1960.
26Voilà donc comment s’explique le fait que le code de déontologie utilisé pratiquement par les médecins du Québec jusqu’en 1980 est en fait constitué de l'article 52 des Lois et règlements concernant l’exercice de la médecine, adopté en 1952 et spécifiant les actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession. Les multiples amendements à l’article 52, dont le plus important est l’ajout, en 1971, d’une deuxième partie qui constitue l’article 52 a), ont fini par reconstituer un véritable code autour de la spécification des actes dérogatoires.
27Durant les années 1970, l’État renforce son rôle dans le secteur de la santé. En 1973, le gouvernement du Québec crée l’Office des professions et oblige toutes les professions reconnues à se doter d’un code de déontologie. Mais le modèle proposé est, dans ses grandes lignes, le modèle déjà utilisé par les médecins. Le CMQ réécrit son code conformément à la loi 250 (le Code des professions) et à la Loi 252 (la Loi médicale). Le nouveau code est entériné en 2980.
28À la suite de courtes dispositions générales au premier chapitre, le chapitre II énonce les actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession, qui sont regroupés sous quatre sections, les devoirs et obligations envers le public (articles 2.02.01-12), les devoirs et obligations envers le patient (articles 2.03.01-68), regroupés sous six sous-sections : dispositions générales, exercice de la médecine, intégrité, disponibilité et diligence, responsabilité, fixation et paiement des honoraires), et les devoirs et obligations envers la profession (articles 2.04.01-16). Un troisième chapitre traite du secret professionnel, un quatrième de l’accessibilité des dossiers et renseignements. Finalement, le dernier chapitre ne contient qu’un article, l’article 5.01, qui concerne le symbole graphique du Collège.
29Ce code a subi des révisions plutôt mineures en 1981, 1994 et 1996, pour faire face à des problèmes nouveaux. Par exemple, dans la révision de 1994, on interdit la discrimination en fonction de l’état de santé, puisque le problème de la discrimination se pose face aux patients atteints du sida. Une nouvelle révision visant l’ensemble du code est actuellement en cours.
30Alors que le code de l’AMC, comme le code américain d’ailleurs, est encore conçu comme un document qui propose un idéal moral et n’acquiert une fonction quasi légale qu’une fois adopté par des autorités locales, au Québec, le code a toujours exercé une fonction quasi légale13.
*
31Il ne faut pas minimiser les difficultés associées au projet de faire cohabiter dans un même code l’éthique médicale traditionnelle (celle qui visait la bienveillance, celle où c’est au médecin à déterminer ce qui mènera à la santé et au bienêtre) et une éthique de l’autonomie (qui laisse à chacun le droit de déterminer en quoi consiste ce bien-être). Cette difficulté est à peine soulignée par la plupart de ceux qui estiment que l’éthique médicale a complété le tournant bioéthique au point où les deux se confondent. Mais elle n’échappe pas aux rares commentateurs qui se sont spécifiquement intéressés à l’évolution de l’éthique professionnelle et des codes de déontologie, même si ces commentateurs croient la conciliation possible14.
32Nous aimerions tirer de ce bref aperçu historique une conclusion qui irait dans le même sens : les codes de déontologie médicale cherchent des solutions réalistes à des problèmes pratiques. Les codes, il faut bien l’admettre, ne sont pas le produit d’un exercice réflexif des plus systématiques. Des règlements sont supprimés, rajoutés, modifiés au gré de la résolution de problèmes concrets, bien avant que les codes ne subissent des transformations majeures que l’on pourrait imputer à des choix théoriques. Les codes n’en sont pas moins des exercices de réflexion critique, puisque les réponses aux questions pratiques sont souvent différentes d’un code à l’autre.
33Cette réflexion critique est nécessaire, parce que le simple cumul de réponses différentes à des questions pratiques risque de mener à une multiplication des normes qui n’a rien à voir avec l’éthique. Selon nous, en fait, l’éthique n’est pas autre chose que cet effort de réflexion critique sur les normes. Les codes de déontologie y contribuent parce qu’ils forcent les groupes et les individus à confronter les différents principes et théories morales, qu’ils appliquent souvent sans même le savoir, à des faits qui ne cessent de changer15. Contrairement à une opinion répandue, nous serions même prêts à défendre l’idée que les codes de déontologie obligent avant tout à réfléchir ! Mais il faudrait, pour défendre cette opinion, dépasser le cadre de ce trop bref aperçu historique.
34Le 31 juillet 2000.
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Notes de bas de page
1 Baker, 1993 ; Horner, 1998.
2 Burns, 1995 ; Jonsen et Jameton, 1995.
3 Roy, 1995.
4 Veatch, 1995.
5 Brennan, 1999 ; Nicholson, 2000.
6 Veatch, 1995.
7 Jonsen et Jameton, 1995.
8 Reich, 1995, p. 2649.
9 Jonsen et Jametoon, 1995 ; Baker, 1993 ; Veatch, 1995.
10 Sawyer et Williams, 1995.
11 Kenny, 1996 ; Williams, 1994.
12 Goulet, 1997.
13 Williams, 1994.
14 Veatch, 1995 ; Bassford, 1983 ; Baker, 1993 ; Horner, 1998.
15 Limentani, 1999.
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