6. L’euthanasie
Des équivoques à dissiper
p. 117-129
Remerciements
Cet article a été publié dans la revue Philosopher, vol. 13, 1992, p. 93-105 sous le titre : « L’euthanasie : enjeux éthiques et politiques ». Je remercie la revue Philosopher qui m’a accordé l’autorisation de reproduire cet article. Des modifications ont été apportées à l’introduction et aux notes.
Texte intégral
1Tous les auteurs qui ont discuté d’euthanasie admettent qu’il existe une grande confusion quant à la signification du terme. En fait, la confusion provient surtout des qualificatifs qui y ont été accolés au cours des années et qui en ont diversifié l’emploi. Le but de cet article est de préciser l’usage du mot « euthanasie » et de ses principaux qualificatifs, tels qu’ils se sont présentés en éthique médicale, depuis les années 1950. Ainsi, nous voulons indiquer comment la terminologie relative à la problématique de l’euthanasie a évolué en raison de l’avancement des sciences et des technologies médicales, d’une part, mais aussi en raison des enjeux éthiques et religieux dont elle ne peut être séparée, d’autre part. Cette analyse contextuelle nous amènera à indiquer les différentes tendances qui marquent le débat actuel en cette matière.
2De tout temps, le terme euthanasie, utilisé sans qualificatif, a désigné l’acte positif de faire mourir une personne souffrant d’une maladie incurable pour abréger ses souffrances. Quelques auteurs, s’inspirant des pratiques de la Grèce antique, y incluent le suicide euthanasique. Ainsi, Thomas More1 propose aux vieillards atteints de maladies incurables s’accompagnant d’atroces souffrances de choisir entre la vie et la mort. S’ils choisissent la mort, les magistrats leur remettent un poison mortel qu’ils s’administrent eux-mêmes. Joseph Fletcher2 inclut le suicide dans la signification du terme euthanasie. Il est d’avis que l’euthanasie impliquant d’autres personnes que la victime ne se justifie moralement et légalement qu’à partir de la légitimité du suicide. Cette inclusion ajoute à la confusion qui entoure l’emploi du terme.
Euthanasie directe et euthanasie indirecte
3Au cours des années 1960, la terminologie utilisée pour désigner la problématique de l’euthanasie a fait référence à une euthanasie directe et à une euthanasie indirecte3. Cette terminologie propose une distinction fondée sur l’intention ou le but proposé par l’action. Ainsi, l’euthanasie directe, qui peut être demandée ou non par le malade, consiste en « toute intervention dont la nature ou l’effet direct est de provoquer la mort d’autrui par compassion4 ». L’euthanasie indirecte, par ailleurs, vise un autre but que la mort d’autrui et entraîne la mort de la personne à plus ou moins brève échéance à titre d’effet indirect. L’exemple cité est habituellement le soulagement de la douleur. Cette distinction est inspirée des écrits de Pie XII5 qui n’emploie cependant pas le terme d’euthanasie à propos de l’acte qui vise un autre but que la mort de la personne. Il fait plutôt référence à l’acte qui a un double effet, un effet bon et un effet mauvais. Dans la tradition catholique, un acte à double effet est moralement bon si :
- l’acte même qui a donné lieu à l’effet mauvais est bon ou tout au moins indifférent ;
- 2. l’agent vise directement l’effet bon de l’acte, tolérant seulement l’effet mauvais ;
- l’effet bon n’est pas obtenu par l’effet mauvais ;
- il existe une raison proportionnellement sérieuse pour justifier l’apparition de l’effet mauvais6.
4Quand l’acte à double effet satisfait à ces conditions, il est moralement acceptable et pour Pie XII, il ne s’agit pas alors d’euthanasie. Par contre, il s’agit d’euthanasie chaque fois que la mort est envisagée soit comme fin, soit comme moyen. L’injection de narcotique qui vise à faire mourir le malade constitue de l’euthanasie directe. À cette époque, les théologiens discutent d’avortement direct et indirect7, de suicide direct et indirect8, les formes indirectes étant moralement justifiées quand elles satisfont aux conditions du principe du double effet. Il est probable que la terminologie ayant trait à l’euthanasie indirecte ait été formulée par les théologiens catholiques par analogie avec les questions d’avortement et de suicide. Chose certaine ce n’est que durant les années 1970 que la terminologie d’euthanasie directe et indirecte entre dans le vocabulaire de certains théologiens catholiques9. Les textes du magistère n’utilisent jamais l’expression euthanasie indirecte. En effet, ou bien l’acte d’augmenter la dose de narcotique vise à soulager la douleur et, en ce cas, ce n’est pas un acte d’euthanasie, ou bien cet acte vise la mort du malade et il s’agit alors d’euthanasie directe.
5Ce qui a été déterminant dans la consécration de cette terminologie fut l’intervention d’un théologien protestant, Joseph Fletcher. Fervent défenseur de l’euthanasie active, Joseph Fletcher utilise la distinction entre euthanasie directe et euthanasie indirecte par rapport aux moyens employés et non par rapport à l’intention ou aux buts poursuivis par l’action qui, dans tous les cas, doivent viser la mort de la personne pour mériter le terme d’euthanasie. Ainsi, l’euthanasie directe ou meurtre par compassion est effectuée par une action délibérée, tandis que l’euthanasie indirecte s’effectue, selon Fletcher, des trois manières suivantes :
- par l’administration d’un médicament contre la douleur qui entraîne la mort (augmenter la dose de morphine) ;
- par la cessation de traitements qui prolongeraient la vie (débrancher le respirateur) ;
- par l’abstention de traitement (ne pas réanimer)10.
6Joseph Fletcher pense comme les gens de son époque (idée que partagent encore certains contemporains) que l’augmentation de la consommation de morphine entraîne une dépression des centres respiratoires causant la mort11. Nous y reviendrons. Ce qui nous importe cependant ici, c’est qu’entre ainsi dans la nomenclature de l’euthanasie indirecte, la notion d’omission ou de non-intervention qui sera associée par la suite à la notion d’euthanasie passive. Déjà, à cette époque, Joseph Fletcher, s’inspirant de Glanville Williams11, critique les enseignants, catholiques romains et autres, qui considèrent qu’il existe une différence morale entre décider de mettre délibérément fin à une vie en faisant quelque chose et décider de mettre délibérément fin à une vie en ne faisant rien12. Cette position à laquelle il n’adhère pas n’est pas fidèle à la pensée de Pie XII et des théologiens catholiques pour qui l’intention et les buts poursuivis doivent toujours être considérés dans l’évaluation de la moralité de l’acte et qui jugent morale l’omission ou la cessation des moyens extraordinaires de survie et non toute omission ou cessation de traitement. Par ailleurs, l’argumentation de Fletcher sera critiquée par Paul Ramsey12, un théologien protestant, qui ne considère pas les soins palliatifs comme une abstention ou une cessation de traitement.
7C’est donc sous la plume de Fletcher que naît une controverse qui fera couler beaucoup d’encre dans les années 1970 et qui sera suscitée par une autre terminologie basée celle-là sur la distinction entre l’action et l’omission d’action. Il s’agit de la distinction entre euthanasie active et euthanasie passive.
Euthanasie passive et euthanasie active
8Au début des années 1970, le cas de Karen Ann Quinlan raviva tout le débat sur l’euthanasie. À cette époque, en effet, on se rendit compte combien les nouvelles techniques médicales, particulièrement les techniques de réanimation et de soins intensifs, permettaient de prolonger une vie dont les capacités étaient extrêmement réduites. La question de l’euthanasie s’est donc posée à propos de la cessation de traitement, plus particulièrement en regard du retrait du respirateur comme technique de maintien en vie.
9C’est dans ce contexte que furent distinguées une euthanasie active, qui vise à mettre fin à la vie humaine par une action positive, et une euthanasie passive, obtenue par une abstention ou une cessation de traitements qui prolongeraient la vie. Dans cette terminologie, qui a connu et connaît encore un très grand nombre d’adhérents, de critiques et de commentateurs, l’euthanasie directe et certains cas d’euthanasie indirecte, selon la première terminologie, sont regroupés sous l’appellation d’euthanasie active.
10L’euthanasie active directe consiste en l’action de faire mourir quelqu’un pour abréger ses souffrances. Elle peut être opérée à la demande du malade ou non ; dans ce deuxième cas, il s’agit d’un homicide aux yeux de la loi. L’euthanasie active indirecte consiste à hâter le processus de la mort en augmentant la dose d’analgésique.
11L’euthanasie passive se définit par l’abstention ou l’arrêt de traitements qui prolongent la vie par des techniques artificielles, à la demande du malade lui-même ou indépendamment de sa volonté.
12Durant les années 1970, il y a eu un large consensus sur cette terminologie13 et sur le fait de condamner moralement l’euthanasie active directe volontaire ou involontaire, alors que l’euthanasie active indirecte (le soulagement de la douleur qui hâte la mort) et l’euthanasie passive volontaire (le refus de traitement) étaient moralement admises14 et de plus en plus pratiquées dans les hôpitaux nord-américains, en raison de certains critères définis dans des lignes directrices15.
13Certains auteurs admettent la terminologie basée sur la distinction entre l’action et l’omission, mais ils rejettent le consensus moral qui condamne l’euthanasie active. Leur argumentation veut démontrer que si l’euthanasie passive est moralement permise, l’euthanasie active devrait l’être aussi. Parmi ces auteurs, nous retrouvons, entre autres, Glanville Williams16, Joseph Fletcher17, James Rachels18, Helga Kuhse19 et Richard Golberg20. Ils soutiennent que l’euthanasie active directe est moralement acceptable parce qu’ils considèrent moralement équivalents l’acte et l’omission d’acte en matière d’euthanasie. Selon Glanville Williams, il est artificiel de dire qu’un médecin qui donne une surdose de narcotique en ayant en tête le but de mettre un terme à la vie de son patient est coupable d’une faute, tandis qu’un médecin qui donne la même surdose dans les mêmes circonstances pour soulager la douleur n’est coupable d’aucune faute. Williams évacue la notion d’intention pour ne considérer que l’acte même. En droit, écrit-il21, il n’y a pas de différence entre désirer ou vouloir une conséquence comme découlant d’une conduite et persister dans une conduite en sachant que cette conséquence surviendra inévitablement tout en n’étant pas voulue. Quand un résultat est entrevu de façon certaine, selon Williams, c’est la même chose que s’il était désiré ou voulu. Du fait qu’il n’y a pas de différence légalement reconnue entre ces deux actes, il conclut qu’il n’y a pas de différence morale entre les deux.
14Dans la même ligne, James Rachels22 démontre qu’il n’y a aucune différence moralement pertinente entre faire mourir une personne pour abréger ses souffrances et laisser mourir une personne sans intervenir pour la sauver. S’il existe une attitude coupable, ce serait la non-intervention puisqu’elle prolonge la souffrance et l’agonie. Son argumentation est pertinente. Cependant, elle conduit tout aussi bien à accepter qu’à rejeter les deux types d’euthanasie. Dans le cas du garçon qui se noie dans sa baignoire sans être secouru par un observateur présent sur les lieux, la non-intervention est une faute au même titre que l’action de noyer l’enfant. En fait, l’argumentation de Rachels a le mérite de mettre en lumière le fait que la moralité de l’acte ne dépend pas de son caractère actif ou passif. Cependant, elle est peu pertinente en regard de l’utilisation ou non des techniques de maintien en vie quand le malade est atteint d’une maladie incurable débilitante, qu’il est comateux ou encore qu’il est en phase terminale de maladie. Pour répondre à cette question, la distinction entre les moyens ordinaires et les moyens extraordinaires, quoique très critiquée d’un point de vue médical, est toujours pertinente d’un point de vue éthique23.
15Il est évident que si cette distinction désigne les moyens euxmêmes sans référence à l’état du malade, elle n’est pas d’un très grand secours. Les moyens extraordinaires d’hier sont les moyens ordinaires d’aujourd’hui. Mais si le terme extraordinaire fait référence au rapport entre l’utilisation d’une technique et les résultats qu’on peut raisonnablement en attendre compte tenu de l’état du malade, alors l’utilité de la distinction éthique entre moyens ordinaires et moyens extraordinaires doit être maintenue. Il s’agit, en effet, d’évaluer les bénéfices apportés au malade par rapport aux inconvénients supportés. Si les inconvénients sont clairement supérieurs aux bénéfices sans que la situation ne puisse s’améliorer compte tenu de la condition irréversible du malade, il s’agit là d’un moyen extraordinaire ou disproportionné. En ce sens, les moyens peuvent être disproportionnés face aux résultats à atteindre, si le patient les juge tels ou si le fardeau est trop lourd pour lui, pour sa famille et pour la société. Les traitements seraient alors inutiles et s’ils étaient maintenus, ils constitueraient de l’acharnement thérapeutique. La vie biologique n’est pas un absolu. Le bien-être du patient doit passer en premier24.
16La pertinence de la distinction entre euthanasie active et euthanasie passive est remise en cause par les analyses éthiques et juridiques dont nous avons donné quelques exemples. L’avancement des sciences et des technologies remet en question la pertinence d’une catégorie telle que l’euthanasie active indirecte dans le domaine du soulagement de la douleur.
17En effet, plusieurs actes qui semblaient euthanasiques au premier abord se sont révélés de simples cessations de traitement sans conséquence mortelle. Karen Ann Quinlan ne s’est-elle pas mise à respirer d’elle-même après que le respirateur lui fut retiré ? Elle vécut pendant dix ans par la suite. N’a-t-elle pas survécu à deux pneumonies non traitées par antibiotiques, avant de succomber à une troisième. Dans plusieurs cas, les conséquences mortelles d’une cessation de traitement se sont avérées de fausses craintes.
18Par ailleurs, les énormes progrès dans le soulagement de la douleur tendent à effacer de vieux mythes tenaces :
- les narcotiques per os n’agissent que peu ou pas ;
- les narcotiques engendrent de la dépendance ;
- la tolérance s’installe rapidement et exige des doses énormes rendant préférable d’en retarder l’administration ;
- les narcotiques inhibent la respiration25.
19À ce propos, Marcel Boisvert indique que, dans le contexte des soins palliatifs, il est extrêment rare que des narcotiques prescrits à doses progressives et individualisées causent une dépression des centres respiratoires26. « On peut même dire », écrit Verspieren, « qu’un soulagement adéquat de la souffrance, contrairement aux idées reçues, ne raccourcit sans doute pas la vie27 ». Selon Twycross28, l’usage correct de la morphine est plus susceptible de prolonger la vie d’un patient que de la raccourcir parce qu’il est soulagé et repose mieux.
20Ces découvertes modifient le champ de l’euthanasie active. Désormais, il est clair que le soulagement de la douleur en accord avec la pratique médicale admise ne constitue aucunement une forme d’euthanasie, ne fût-elle qu’indirecte. La surdose de médicament donnée dans le but de faire mourir le malade constitue de l’euthanasie active directe29. Et il est possible de distinguer clairement les deux pratiques. Grosso modo, la surdose est donnée dans le but de tuer et la dose donnée excède grandement les besoins du malade en termes de soulagement de la douleur. Par ailleurs, il est admis que la cessation des moyens thérapeutiques devenus inutiles et disproportionnés ne constitue pas de l’euthanasie.
21De plus en plus, les distinctions entre euthanasie directe et indirecte, entre euthanasie active et passive, apparaissent obsolètes. Elles ne correspondent plus à la réalité actuelle, non pas que le problème de l’euthanasie ait été complètement évacué par le développement des soins palliatifs, mais simplement parce que cette terminologie témoigne d’un sentiment de culpabilité des médecins, quant à la décision de ne pas utiliser toutes les ressources thérapeutiques disponibles en tout temps. Au fur et à mesure que disparaît cette fausse culpabilité, les pratiques s’humanisent et respectent mieux les besoins du malade.
22Cette terminologie n’a réussi qu’à embrouiller les choses ou qu’à servir les arguments déployés en faveur de l’acceptation morale et légale d’une euthanasie active volontaire et directe prônée par les individus et les sociétés qui souhaitent la légalisation de l’euthanasie. Ainsi, Glanville Williams, défenseur de la législation de l’euthanasie directe en 1936 et durant les années qui suivirent en Angleterre, a préféré en 1954 oeuvrer pour l’acceptation légale des formes indirectes d’euthanasie. Certaines sociétés pour la mort dans la dignité ont suivi le même cheminement. Ainsi, la Society for Euthanasia d’Amérique est devenue, en 1972, Concern for Dying, un organisme faisant de l’éducation en matière d’euthanasie. Cette société a fait la promotion d’un testament biologique dans lequel la personne demande la cessation des traitements extraordinaires et disproportionnés, ce qui équivaut à l’euthanasie passive définie par la deuxième terminologie étudiée. Enfin, il fait partie de la stratégie avouée de certaines sociétés pour la mort dans la dignité de militer pour l’acceptation de l’euthanasie passive dans le but que soit reconnu un jour par ce biais le droit à la mort30.
23En résumé, un meilleur contrôle de la douleur par la mise en oeuvre d’une approche globale des soins et d’une philosophie de l’accompagnement, le droit au refus de traitement reconnu légalement en droit civil et dans la jurisprudence canadienne, la critique de la pertinence morale de la distinction entre l’action et l’omission, ont permis d’évacuer les distinctions périmées d’euthanasie indirecte et d’euthanasie passive. Désormais, les grands axes du débat actuel sont, d’une part, une euthanasie active volontaire directe, appelée simplement euthanasie et réservée à l’acte de donner la mort à un malade incurable, à sa demande ou non et pour abréger ses souffrances, et, d’autre part, une approche globale d’accompagnement incluant le soulagement de la douleur totale. Cette alternative s’est développée surtout en France chez des auteurs comme Patrick Verspieren31 et Francis Rollin32 ; on retrouve aussi cette position chez certains AngloSaxons comme Paul Ramsey33 et Robert Twycross34.
24Plusieurs auteurs, particulièrement en France, considèrent ces deux axes comme s’excluant mutuellement. Ainsi, la société actuelle aurait à choisir entre l’euthanasie et l’aide au suicide dans le respect absolu de l’autonomie de la personne, d’une part, et les soins palliatifs, image de l’entraide et de la solidarité humaine, d’autre part35. Il semble cependant que les choses ne soient pas aussi tranchées et que les liens entre la douleur non soulagée et les demandes d’euthanasie doivent être évalués plus à fond. Quoi qu’il en soit, il apparaît évident que la société aura à se prononcer de nouveau sur la décriminalisation de l’euthanasie et sur la pertinence d’un plus grand investissement dans la mise en place de soins palliatifs adéquats de manière à humaniser la mort, quel qu’en soit le lieu. L’enjeu principal de ce débat réside dans notre conception d’une mort humaine et par le fait même de notre humanité. Les choix que nous ferons, tant au niveau collectif qu’individuel, expliciteront et façonneront tout à la fois l’être humain que nous sommes et celui que nous choisirons d’être. En cela, réside un des défis auxquels l’avancement des sciences et des technologies médicales nous confronte.
Annexe
ANNEXE. La terminologie de l’euthanasie dans une perspective historique
Euthanasie directe et euthanasie indirecte (durant les années 1960)
Euthanasie directe Intervention qui consiste à provoquer directement la mort d’un malade gravement atteint par compassion. Ex. : injection létale.
Euthanasie indirecte Intervention qui vise un autre but que la mort du malade, mais qui entraîne sa mort à plus ou moins brève échéance. Ex. : soulagement de la douleur, cessation d’un traitement devenu inutile ou non-recours à des techniques de maintien en vie comme la réanimation.
Euthanasie active et euthanasie passive (durant les années 1970 et 1980)
Euthanasie active directe Intervention qui consiste à provoquer directement la mort d’un malade gravement atteint à sa demande ou non. Ex. : injection létale.
Euthanasie active indirecte Intervention qui consiste à hâter le processus de mort en augmentant la dose de narcotiques nécessaire pour soulager la douleur.
Euthanasie passive Abstention ou cessation de traitement ayant recours à des techniques de maintien en vie qui correspondent à des moyens extraordinaires ou disproportionnés compte tenu de l’état du malade.
Euthanasie et aide au suicide (durant les années 1990)
Euthanasie Intervention qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d’un malade gravement atteint pour mettre fin à ses souffrances à sa demande ou non.
Aide au suicide Intervention qui consiste à aider un malade gravement atteint à se donner la mort.
Le soulagement de la douleur et la cessation ou l’abstention de traitement à la demande du malade qui est apte à le faire ou à partir d’un consensus entre l’équipe soignante et les proches, si le malade est inapte, ne sont plus considérés comme des actes d’euthanasie.
Notes de bas de page
1 Thomas More, L’utopie, Paris, Éditions sociales, 1976, p. 161.
2 John Fletcher, « Ethics and Euthanasia », in D. J. Horan et D. Mail (dir.), Death, Dying and Euthanasia, Frederick (Maryland), Aletheia Books, University Publications of America Inc., 1980, p. 293-304.
3 Jacqueline Fortin et Daniel Langlois, « Mort et euthanasie : matériaux pour une réflexion sur la mort et le mourir », in Cahier du Groupe de recherche en bioéthique (GREB), no 1, Faculté de théologie, Université de Montréal, s. d.
4 Ibid. p. 278.
5 Pie XII, « Problèmes médicaux et moraux de la “réanimation” », La Documentation catholique, t. LIV, no 1267 (22 décembre 1957), p. 1609 ; « Problèmes religieux et moraux de l’analgésie », La Documentation catholique, t. LIV, no 1247 (17 mars 1957) » p. 339.
6 William E. May, « Double Effect », in W. T. Reich (dir.), Encyclopedia of Bioethics, New York, The Free Press, 1978, t. I, p. 316.
7 Gerald Kelly, Medico-Moral Problems, Saint Louis (Missouri), The Catholic Hospitals Association of the United States and Canada, Part I, mai 1949, p. 10-14.
8 Daniel A. Cronin, The Moral Law in Regard to Ordinary and Extraordinary Means of Conserving Life, Rome, Dissertatio ad Lauream in Facultate Theologica Pontificae Universitatis Gregorianae, 1958, p. 39.
9 Guy Durand, Quel avenir ? Les enjeux de la manipulation de l’homme, Montréal, Leméac, 1978, p. 248.
10 Joseph Fletcher Moral Responsibility : Situation Ethics at Work, Philadelphie, The Wesminster Press, 1967, p. 147. Traduction libre.
11 Joseph Fletcher, « Euthanasias », Morals and Medicine, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 1954, p. 203-104.
12 Paul Ramsey, Ethics at the Edges of Life, New Haven, Yale University Press, 1978, p. 148-151.
13 Un tableau de cette terminologie se retrouve chez O. Ruth Russell, Freedom to Die : Moral and Legal Aspects of Euthanasia, New York, Human Sciences Press, [1975] 1977, p. 13. Cette terminologie se retrouve aussi chez Hélène Pelletier-Baillargeon et Jacques Baillargeon, « Le médecin devant la mort », Le Médecin du Québec, vol. 12, no 5 (mai I977), p. 106, et dans le livre de Guy Durand, op. cit., Montréal, Leméac, 1978, p. 244. Voir en annexe l’évolution de la terminologie depuis les années 1960.
14 Association médicale canadienne, Association des infirmières et infirmiers du Canada et Association des hôpitaux canadiens, « Déclaration conjointe concernant les malades en phase terminale » in La réanimation cardio-respiratoire au Québec, annexe 3, Montréal, Fides, 1990 ; Commission de réforme du droit du Canada, Euthanasie, aide au suicide et interruption de traitement, rapport no 20, Ottawa, Ministère des approvisionnements et services, 2982 ; Congrégation pour la doctrine de la foi, « Déclaration sur l’euthanasie », La Documentation catholique, no 1790 (20 juillet 1980), p. 607-699. La meilleure expression de ce consensus se retrouve probablement dans la déclaration de l’American Medical Association intitulée « The Physician and the Dying Patient », Journal of the American Medical Association, vol. 224 (1974).
15 Gerald Kelly, Médico-Moral Problems, op. cit. ; President’s Commission for the Study of Ethical Problems in Medicine and Biomedical and Behavioral Research, Deciding to Forego Life-Sustaining Treatment, Washington, D.C., United States Government Printing Office, 1983 ; The Hastings Center, Guidelines on the Termination of Life-Sustaining Treatment and the Gare of the Dying, Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, 2987.
16 Glanville Williams, « Euthanasia », Proceedings of the Royal Society of Medicine, (juil. 1970), p. 663-670 ; « Mercy-Killing Legislation ; A Rejoinder », in D. J. Horan and D. Mall (dir.), op. cit., p. 480-491 ; The Sanctity of Life and the Criminal Law, New York, Knopf, 1957.
17 Joseph Fletcher, « Geriatric Psychiatry : The Case of the MI, DNR, ECT, NG, and DOD », Psychiatric Annals, vol. 16, n“7 (juil. 1986), p. 411-412 ; « Sanctity of Life versus Quality of life », Euthanasia : The Moral Issues, Buffalo/New York, Prometheus Books, 1989, p. 85-95 paru sous le titre « Euthanasia » dans Humanhood : Essays in Biomedical Ethics, Buffalo/New York, Prometheus Books, I979, p. 149-258 ; « The Ethics of Euthanasia », Your Dead Warrant : The Implications of Euthanasia, Londres, Chapman, 1971, reproduit dans D. J. Horan and D. Mall (dir.), op. cit., p. 293-304 ; « Euthanasia and Anti-Dysthanasia » dans Moral Responsability : Situation Ethics at Work, op. cit., p. 140-160 ; ce chapitre contient deux essais : « The Patient’s Right to Die » paru dans Harper’s Magazine (octobre 2960), et « Death and Medical Initiative » paru dans Folia Medica, Trufts University, vol. 8 (janv.-mars 1962), p. 30-35, et dans The Christian Scholar (automne 1963) ; Situation Ethics : The New Morality, Philadelphie, Westminster Press, 1966 ; Morals and Medicine, op. cit.
18 James Rachels, The End of Life : Euthanasia and Morality, Oxford/New York, Oxford University Press, 1986 ; « Active and Passive Euthanasia » in R. B. Baird et S. E. Rosenbaum (dir.), Euthanasia : The Moral Issues, Buffalo/New York, Prometheus Books, 1989, p. 45-51 et dans New England Journal of Medicine, vol. 292, no 2 (9 janv. 1975).
19 Helga Kuhse, « The Case for Active Voluntary Euthanasia », Law, Medicine and Health Care, vol. 14, no 3-4 (1987), p. 145-148 ; « A Modem Myth. That Letting Die is not the Intentional Causation of Death : Some Reflections on the Trial and Acquittai of Dr Leonard Arthur », Journal of Applied Philosophy, vol. I (1964), p. 21-38.
20 Richard T. Goldberg, « The “Right” to Die : The Case For and Against Voluntary Passive Euthanasia », Disability, Handicap & Society, vol. 2, no 1 (1987), p. 21-39.
21 Glanville Williams, The Sanctity of Life and Criminal Law, op. cit. repris dans O. Ruth Russell, Freedom to Die ; Moral and Legal Aspects of Euthanasia, New York, Human Sciences Press, (1975), 1977, p. 126.
22 James Rachels, The End of Life, op. cit., chapitres 6 et 7.
23 Donald G. McCarthy, « Introduction to Prolonging Life Issues », New Technologies of Birth and Death : Medical, Legal, and Moral Dimensions, St. Louis (Missouri), The Pope John XXIII Medical Moral Research and Education Centex 1980, p. 140-143-
24 Gerald Kelly, « The Duty of Using Artificial Means of Preserving Life », Theological Studies, vol 11 (juin 1950), p. 203-220 et « The Duty to Preserve Life », Theological Studies, vol. 12 (déc. 1951), p. 550. Paul Ramsey, The Patient as Person, New Haven, Yale University Press, 1970, chapitre intitulé « On Only Caring for the Dying » ; Richard A. McCormick, « To Save or Let Die : The Dilemma of Modem Medicine », Journal ofthe American Medical Association, vol. 229 (juil. 1974), p. 6-10 ; Congrégation pour la doctrine de la foi, « Déclaration sur l’euthanasie », op. cit. ; James McCartney, « Catholic Positions on Withholding Sustenance for the Terminally I11 », Health Progress, The Catholic Health Association of the United States, 1986, p. 1-3. Kevin O’Rourke, « The A.M.A. Statement on Tube Feeding : An Ethical Analysis », America (22 nov. 1986), p. 321-324.
25 Marcel Boisvert, « Soins palliatifs » in M. Arcand et R. Hébert (dir.), Précis de gériatrie, Saint-Hyacinthe/Paris, Edisem/Maloine, 1987, p. 607.
26 Ibid.
27 Patrick Verspieren, « L’euthanasie : un débat qui repose sur des équivoques », Études, t. 346 (1977), p. 297. Il se réfère au « Concours médical », 10 avril 1976, p. 2339.
28 Robert G. Twycross, « Euthanasia : A Physician’s Viewpoint », Journal of Medical Ethics, no 8 (1982), p. 86-95.
29 Lire à ce sujet, « It’s Over Debbie : A Piece of My Mind » écrit par un auteur anonyme qui relate le cas d’une patiente cancéreuse à qui un résident appelé d’urgence injecte la dose fatale. Voir : Journal of the American Medical Association, vol. 259 (1980), p. 272.
30 Paula Caucanas-Pisier, « The Right-To-Die Societies of the World », The Euthanasia Review, vol. 1, no 4 (hiver 1986), p. 213-220.
31 Patrick Verspieren, op. cit.
32 Francis Rollin, « L’euthanasie et le concept de mort dans la dignité », in G. Durand et C. Perrotin (dir.), Contribution à la réflexion bioéthique, Montréal, Fides, 1990, p. 185-201.
33 Paul Ramsey, op. cit.
34 Robert G. Twycross, op. cit.
35 Francis Rollin, op. cit.
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2000
L’avènement de la médecine clinique moderne en Europe
1750-1815 : politiques, institutions et savoirs
Othmar Keel
2001
Les sciences infirmières
Genèse d’une discipline
Yolande Cohen, Jacinthe Pepin, Esther Lamontagne et al. (dir.)
2002
Partir du bas de l’échelle
Des pistes pour atteindre l’égalité sociale en matière de santé
Ginette Paquet
2005
Enseignement et recherche en santé publique
L’exemple de la Faculté de médecine et de l’École d’hygiène de l’Université de Montréal (1911-2006)
Benoît Gaumer, Georges Desrosiers et Jean-Claude Dionne
2007