4. Les traitements en fin de vie
Enjeux éthiques et juridiques
p. 61-90
Note de l’éditeur
Rapport de recherche présenté à Santé Canada le 23 mai 1997, sous le titre Enjeux éthiques et juridiques des décisions de traitement en fin de vie.
Texte intégral
1Ce rapport présente les enjeux éthiques et juridiques des décisions de traitements en fin de vie. Il a été effectué à partir d’une recension des écrits des dix dernières années en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, aux Pays-Bas et au Canada, dans les banques de données Medline, Cinahl et Current Contents. Nous n’avons retenu que les articles les plus pertinents relativement aux problèmes éthiques et juridiques reliés à la pratique et nous avons évité les articles qui discutaient de politiques générales. Par contre, dans certains cas, nous avons considéré les articles qui traitent de l’application de politiques ou de lois particulières et des problèmes éthiques et juridiques engendrés dans la pratique par l’application de ces politiques ou lois. C’est le cas notamment des articles discutant de la rédaction de directives relatives aux traitements de fin de vie dans le contexte américain.
2D’un point de vue méthodologique, nous avons regroupé les différents articles pertinents en fonction du type de traitement ou d’intervention en cause. L’analyse par type de traitement nous a permis d’approfondir les enjeux éthiques et juridiques impliqués, tout en insistant selon le traitement à l’étude, sur des caractéristiques particulières à ce type de traitement. Ainsi, le retrait des tubes d’alimentation nous a permis d’explorer le processus décisionnel relatif aux traitements en fin de vie chez la personne inapte, et les décisions de traitement en fin de vie chez les personnes atteintes du sida nous ont permis d’explorer comment se présentent les demandes d’euthanasie et d’aide au suicide. Après cette analyse, certaines recommandations sont faites, notamment sur le processus décisionnel global et sur certaines mesures de formation et d’éducation en matière de décisions relatives aux traitements en fin de vie.
3Les traitements en fin de vie s’inscrivent dans une pratique de soins palliatifs, ce qui implique une philosophie des soins et des traitements qui vise au soulagement de la douleur et à l’application de soins de confort1. Cette philosophie des soins palliatifs recherche des solutions de soins qui procureront au malade le plus de bien-être possible dans les derniers moments de sa vie.
4Cependant, l’approche palliative n’est préconisée qu’à la condition d’avoir expérimenté et reconnu les limites de l’approche curative. Et, pour toutes sortes de raisons pour lesquelles nous n’entrons pas dans les détails ici, il arrive que des interventions de type curatif se prolongent indûment, mettant en œuvre des traitements qui ne répondent plus aux buts médicaux poursuivis. Ces traitements, loin d’améliorer la condition de santé du malade, constituent un fardeau supplémentaire et dans certains cas prolongent l’agonie.
Cessation des traitements de maintien en vie
5Les traitements de maintien en vie sont des traitements dont le retrait entraîne la mort. Dans les décisions d’abstention ou de cessation de ce type de traitement se posent de nombreux problèmes éthiques et juridiques qui proviennent souvent d’une mauvaise communication entre le malade (ou ses proches, si le malade n’est pas lucide) et l’équipe de soins. À cause des conséquences létales de ces décisions, les valeurs de chacun (patients, famille et intervenants) entrent en ligne de compte, notamment dans la poursuite de traitements inutiles2.
Valeurs en cause
6Ainsi, selon Jecker3, l’utilisation des techniques fait en sorte que les malades en cause ne sont pas considérés comme ayant un diagnostic létal. Cet auteur cite les facteurs influençant le maintien des traitements inutiles :
- le manque de respect pour l’autonomie du patient ;
- la compassion pour le deuil familial ;
- la crainte de poursuite ;
- le refus de la mort4.
7Plus globalement, elle cite :
- la conception de la maladie comme l’ennemie à vaincre et les attitudes de déni face à la mort ;
- la prévalence de l’aspect physiologique de la maladie et de l’application de la méthode scientifique sur l’expérience du malade ;
- le reflet de notre crainte de la mort ;
- le traitement préféré à l’absence de traitement, plutôt qu’un plan de soins impliquant des décisions de traitement et d’abstention de traitement ;
- le résultat de l’absence de décisions ;
- la protection des individus contre des vérités difficiles à accepter et l’entretien de faux espoirs, plutôt que la mise en place de soins de confort impliquant un dialogue sur les valeurs en cause5.
8Solomon et ses collègues6 ont interviewé des infirmières et des médecins sur le soin des patients mourants. Ils ont répondu dans une proportion de 47 % qu’ils agissaient contrairement à leur conscience relativement à des traitements trop lourds et à des abstentions de traitements, les premiers étant mentionnés quatre fois plus que les deuxièmes.
Résultats d’enquête
9Plusieurs études rapportent des résultats d’enquête concernant l’abstention ou le retrait des traitements de maintien en vie.
10Une étude canadienne7 effectuée auprès de 110 patients morts dans une unité de soins intensifs entre février 93 et janvier 94 montre que 65,5 % de ces malades sont morts à la suite d’une cessation de traitement. Cette décision est survenue à la suite d’un consensus entre le malade ou sa famille (dans le cas d’un malade inapte à consentir), le médecin traitant et l’intensiviste, pour limiter les soins. Cette décision devait être faite avant une détérioration importante et non durant une période d’intense réanimation, principalement à cause de l’impossibilité pour le malade de participer à la décision. On s’attendait à ce que ces malades vivent au moins vingt-quatre heures si le traitement avait été maintenu. Ils ne devaient pas être morts cérébralement. Les critères les plus déterminants dans cette cessation de traitement étaient le pronostic et une qualité de vie pauvres. Les facteurs les moins déterminants dans cette cessation de traitement étaient l’âge et la condition de santé antérieure à l’hospitalisation. Chez 68 de ces patients, la cessation de traitement s’est faite graduellement par :
- la prescription d’une ordonnance de non-réanimation ;
- l’arrêt de l’utilisation des drogues « vasopressives » ;
- le sevrage du respirateur et l’extubation.
11Cette pratique de la cessation de traitement dans une unité de soins intensifs applique les principes du respect de l’autonomie de la personne et de bienfaisance. Cependant, plusieurs problèmes concernant les attitudes des différentes instances impliquées dans la décision sont susceptibles de survenir. Ainsi, selon Fried et ses collègues8, plusieurs médecins pensent que s’ils retirent le respirateur à la demande du malade, ils vont à l’encontre de la loi et tuent le patient. Il y a encore des médecins et des infirmières qui associent la cessation de traitement à l’euthanasie. Solomon et ses collègues9 expliquent que la plupart de leurs répondants croient qu’il y a une différence éthique entre ne pas initier et cesser un traitement et qu’il est utile de distinguer les moyens ordinaires des moyens extraordinaires. Cette distinction éthique introduite par Pie XII, pour qui les moyens ordinaires sont toujours moralement obligatoires alors que les moyens extraordinaires sont plutôt optionnels, a été modifiée par la Congrégation pour la doctrine de la foi10 qui parle maintenant de moyens disproportionnés, c’est-à-dire de moyens qui n’atteignent pas les buts médicaux poursuivis et qui sont un fardeau pour le malade, sa famille et la société. Les dernières données empiriques mentionnées laissent entrevoir des craintes de transgresser les lois et la morale et notent chez des intervenants un sentiment de culpabilité basé sur de fausses croyances. Ce sentiment est accentué si le retrait des mesures de maintien en vie s’exerce sur un malade dont la condition a des causes iatrogènes ou qui reçoit un traitement depuis longtemps11.
12Les Suédois Soderberg et Norberg12 ont demandé à 90 intervenants en soins intensifs (30 infirmières en formation, 30 infirmières diplômées d’État et 30 médecins) de décrire des situations présentant des difficultés éthiques. Ils ont recueilli 255 histoires présentant de telles situations. Le thème qui y revient le plus souvent est celui du surtraitement. Les infirmières en formation s’intéressent plus à l’éthique des rapports humains (relationship ethics), tandis que les deux autres groupes s’intéressent plus à l’éthique de l’action (action ethics). Les trois groupes pensent qu’ils ont peu de pouvoir dans la solution des problèmes éthiques. Cette étude donne des indications différentes de ce qu’on lit habituellement quant aux attitudes et intérêts divergents entre médecins et infirmières. Cependant, selon nous, c’est la philosophie commune reliée à la pratique des soins intensifs qui est en cause.
13La dernière recherche citée met en évidence deux types d’enjeux éthiques présents dans la cessation et l’abstention de traitement, ce sont les enjeux liés à l’action à entreprendre face aux buts poursuivis, d’une part, et le processus décisionnel en termes de consultations, d’autre part. Concernant ce dernier point de vue, une enquête13 effectuée auprès de 3 8 patients âgés hospitalisés démontre que ces malades choisissent de participer aux décisions de fin de vie dans une proportion de 81 %. Ceux qui font un tel choix sont plus instruits, ont plutôt des emplois professionnels ou de gérance et font plutôt partie des classes moyennes que des basses classes de la société. Ils sont généralement contre l’euthanasie ou l’aide au suicide pour eux-mêmes, mais favorisent l’abstention ou la cessation de traitement. Ces données confirment celles de Emmanuel et Emmanuel14 à propos de la non-réanimation. Une enquête de Mazur et Hickman15 a évalué l’importance de la qualité de vie par rapport à une vie prolongée. Les patients ont tendance à refuser une moins bonne qualité de vie (incontinence et impotence), même si leur vie pouvait être prolongée.
14Cependant, les médecins ne consultent pas toujours leurs patients pour cesser ou ne pas entreprendre un traitement ; certains poursuivent même un traitement à l’encontre des volontés de leur malade. Dans une enquête16 menée auprès de 879 médecins d’unités de soins intensifs aux États-Unis, 34 % de ces médecins continuent le traitement malgré l’opposition du malade ou de ses proches et 83 % et 82 % respectivement décident unilatéralement de ne pas entreprendre ou de cesser un traitement inutile. Les auteurs concluent que les médecins des unités de soins intensifs n’acceptent pas d’emblée les requêtes de leurs patients ou des proches, mais considèrent cette requête comme un facteur parmi d’autres, comme l’évaluation du pronostic et la perception des lignes directrices légales, éthiques et politiques. À la décharge des médecins, il faut considérer que ces malades et leurs proches ne sont pas toujours en mesure de prendre une décision libre et éclairée. Malgré le fait que le débat sur la futilité comme critère de cessation de traitement ne soit pas clos, les médecins l’utilisent régulièrement au chevet du malade17.
15Certains spécialistes sont plus enclins que d’autres à utiliser les mesures de maintien en vie. Ainsi, dans une enquête effectuée par Hanson, Danis, Garrett et Mutran18 auprès de médecins qui traitent des patients hospitalisés pour maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), insuffisance cardiaque terminale, cancers et cirrhoses hépatiques, I58 médecins ont été interrogés sur leurs décisions d’utiliser ou non la réanimation cardio-respiratoire, le respirateur ou les soins intensifs. Distinguant pneumologues, cardiologues, oncologues, praticiens généraux et autres, les résultats de cette enquête indiquent que les cardiologues sont ceux qui recourent le plus aux traitements de maintien en vie, alors que les oncologues sont ceux qui y recourent le moins et qui en prescrivent le plus la cessation.
Processus décisionnel
16Certaines données ont été recueillies concernant des pratiques particulières. Il s’agit ainsi, pour les personnes atteintes de maladie pulmonaire obstructive chronique, de la pertinence de l’intubation et de l’utilisation du respirateur19, et de l’utilisation des mesures de maintien en vie chez les patients atteints d’Alzheimer20.
17Les médecins (15 pneumologues) discutent tous de la mort avec leurs patients, même si c’est au moyen d’euphémismes. Quatorze sur quinze estiment que la discussion portant sur l’utilisation possible du respirateur doit être précédée d’une période de familiarisation entre le médecin et le malade. Le style de pratique et l’aisance du médecin dans les décisions de fin de vie influencent le moment de la discussion et le nombre de patients avec qui la discussion aura lieu. Tous favorisent une décision partagée, mais ils reconnaissent qu’ils influencent fortement le processus de délibération. Une étude21 en soins de longue durée menée en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Israël confirme qu’il est très facile d’exercer une influence sur la décision que prendra le malade.
18La coercition n’est pas toujours exercée par des soignants sur des malades, des proches exercent aussi des pressions sur des malades et sur des équipes de soins. Des familles demandent des traitements inutiles22. Elles demandent ces interventions comme moyens de montrer :
- que la perte d’un parent équivaut à la perte d’une partie de soi ;
- que le patient ne doit pas être abandonné ou dévalué d’aucune fafaçon ;
- que le patient doit recevoir des attentions à cause de sa relation particulière avec sa famille23.
19Dans une autre étude24, des conjoints de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé (4 ou plus) ont été interrogés sur leur choix de traitement ou d’abstention de traitement relativement à la réanimation, à l’utilisation du respirateur, de l’alimentation parentérale et des antibiotiques dans le cas où se présenterait une maladie aiguë (critical) ou un coma irréversible. Dans le cas d’une maladie aiguë, les résultats sont les suivants : 25 conjoints sur 50 renonceraient à la réanimation, 28 renonceraient à l’utilisation du respirateur et 5 aux antibiotiques ; par ailleurs, 5 refuseraient les quatre traitements et 12 refuseraient tout, sauf les antibiotiques. Les conjoints qui refuseraient le traitement se sentent moins à l’aise que ceux qui accepteraient le traitement et ils ont besoin d’un support psychologique. Dans le cas du coma irréversible, les réponses sont plus claires. Plus les malades se situent à un stade avancé de la maladie, plus la décision de refuser un traitement est prise facilement. Généralement, les conjoints considèrent la qualité de vie. Peu de personnes ne considèrent que les repères juridiques pour faire un consentement substitué.
20Il est important de noter que des études25 démontrent que les décisions des malades âgés sont assez différentes, voire à l’opposé, de celles qu’auraient prises leurs enfants à leur place. Dans une enquête26 menée auprès de 108 enfants de 48 patients en phase terminale (terminally ill patients), 25 à 29 % des enfants demandèrent la réanimation, l’utilisation du respirateur et la dialyse pour leurs parents. L’euthanasie active a été demandée par 7 d’entre eux. La moitié des enfants croyaient connaître les volontés des parents, mais la plupart de leurs décisions allaient à l’encontre de celles que les parents auraient prises. Les facteurs influençant ces décisions étaient reliés aux croyances religieuses et à la nature des liens avec la personne malade.
L’utilisation des techniques de nutrition
21La décision de ne pas donner un support nutrifif à un patient en fin de vie constitue une des controverses éthiques et légales les plus importantes27. Évidemment, si le malade est lucide, il est consulté et il est en droit de refuser l’alimentation artificielle28.
Aspects médicaux
22Il faut dire que la controverse n’exclut pas l’aspect médical, puisqu’il n’existe pas de consensus quant au bénéfice médical d’utiliser l’hydratation et l’alimentation artificielles dans les traitements de fin de vie. Alors qu’il y a quelques années la pratique habituelle était de nourrir artificiellement ou au moins d’hydrater les personnes mourantes qui ne pouvaient plus s’alimenter naturellement, les écrits des cinq dernières années se questionnent sur la pertinence d’utiliser les différentes techniques disponibles. Dunlop et ses collègues29 posent la question suivante : la médecine palliative va-t-elle trop loin ? Les patients atteints de cancer cessent habituellement de manger et de boire. Comme il n’est pas clair que les techniques d’alimentation et d’hydratation soient bénéfiques pour le malade quant à son confort, sa capacité mentale ou sa survie, cela incite un nombre de plus en plus grand d’intervenants à s’abstenir de telles pratiques. La décision devrait cependant être prise de manière conjointe, par la famille et l’équipe de soins, si le malade n’est pas jugé apte à prendre une décision. De manière générale, les familles auraient plutôt tendance à considérer les techniques d’alimentation comme des soins de base et à vouloir que ces interventions soient entreprises et poursuivies30.
Influence des familles
23Dans l’enquête de Sonnenblick et ses collègues (I993), cent huit enfants de quarante-huit patients âgés en phase terminale de maladie choisissent de poursuivre les techniques d’hydratation dans une proportion de 78 %, d’alimentation dans une proportion de 66 % et la médication dans une proportion de 73 %. Dans la décision de poursuivre ces traitements, les médecins sont grandement influencés par la décision de la famille. Ainsi, dans une étude de Ely et ses collègues31, 439 médecins de famille du Missouri Academy of Family Practitioners ont été questionnés sur la pertinence de nourrir artificiellement un homme de 89 ans qui, à la suite d’une attaque (stroke), était incapable d’avaler et de communiquer. Différents scénarios furent proposés modifiant l’âge, l’inaptitude, l’influence de la famille, l’existence d’un testament biologique et en référence à l’affaire Cruzan. Quarante-sept pour cent des médecins s’opposèrent à l’installation des tubes de nutrition et d’hydratation dans le scénario original, 53 % respectèrent le testament biologique indiquant un refus d’alimentation artificielle. Mais 42 % des médecins qui étaient d’accord pour recourir à l’alimentation artificielle changeaient d’avis si la famille s’y opposaient et 66 % des médecins qui ne voulaient pas recourir à l’alimentation artificielle au départ changeaient leur décision si la famille l’exigeaient. Enfin, 3 3 % des médecins qui s’opposaient à l’installation des tubes, changeaient d’avis si aucun testament biologique n’avait été rédigé à cet effet et en supposant que le cas ait lieu avant l’affaire Cruzan. Dans le cas Cruzan, le tribunal refusa d’accéder aux désirs du mari de retirer l’alimentation artificielle dont bénéficiait madame Cruzan qui était en coma végétatif persistant ; la raison invoquée avait trait à l’absence d’un testament biologique32. Il est important de considérer qu’il n’est pas pertinent de transposer comme tels les résultats américains dans le contexte canadien, puisque les contextes juridiques, sociaux et politiques sont très différents. Quant au testament biologique, plusieurs États américains l’ont légalisé, ce qui impose aux médecins et autres intervenants d’en tenir compte.
Aspects juridiques
24Dans le contexte américain, un autre cas a fait jurisprudence. C’est le cas Brophy. Les cas Cruzan et Brophy ont créé un précédent à l’effet qu’un adulte apte à consentir puisse refuser l’alimentation artificielle, même si la mort s’ensuit. Le cas Cruzan reconnut à l’État l’autorité d’exiger l’évidence claire et convaincante de l’expression des volontés du malade antérieurement à son inaptitude33. L’auteur encourage les individus qui entrent dans les institutions de soins palliatifs à faire connaître leurs volontés concernant le recours aux techniques d’alimentation et d’hydratation.
25En fait, dans la pratique, les volontés des familles sont plus suivies par l’équipe de soins que les indications que le malade lui-même aurait données dans des directives anticipées ou que les indications provenant de l’équipe de soins. Les craintes de poursuite ne sont sûrement pas étrangères à ces décisions. Cependant, les principes de respect de l’autonomie de la personne et de bienfaisance devraient être les seuls guides. En l’absence d’indications claires du patient, la décision devrait être consensuelle et se baser sur les faits médicaux34 indiquant qu’il y a un bénéfice pour le malade, en termes de confort, à l’utilisation de ces techniques. Si l’apport nutritionnel impose une importante charge au malade ou si le traitement ne lui apporte pas de bénéfice, l’effort peut être considéré inutile35. Il est important d’établir la probabilité du succès de l’intervention, mais aussi d’examiner les buts poursuivis. Singer et Siegler, cités par McCamish et Crocker, et Rushton et ses collègues36 insistent encore sur la nécessité d’une bonne communication (thorough communication) entre les différentes instances qui doivent arriver à une décision consensuelle respectant le principe de bienfaisance. Ceci est d’autant plus important dans le cas d’un patient inapte. C’est le bien-être du malade qui doit guider la décision et non le bien-être des proches, des patients ou de l’équipe de soins.
Les lois et le droit au refus de traitement des personnes inaptes
26Par ailleurs, il existe aux États-Unis et au Canada une tendance à reconnaître aux patients inaptes et aux enfants le droit de refuser un traitement. Gratzer et Matas37 indiquent que la loi manitobaine sur le Droit du patient inapte à refuser un traitement (The Right of the Involuntary Patient to Refuse Treatment) suit les traces des lois américaines et de la Charte canadienne des droits de 1982. Plusieurs provinces ont modifié leurs lois sur la santé mentale (Mental Health Act) dans le sens d’une telle reconnaissance. Ainsi, Kluge38 cite des changements législatifs récents en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick qui permettent aux enfants de prendre des décisions concernant leurs soins de santé.
27Ces reconnaissances posent problème quant aux conditions d’un consentement libre et éclairé, notamment dans le cas des patients atteints de maladies mentales et de ceux dont la maladie est évolutive. Des auteurs comme Becker et Kahana39 se demandent quels sont les critères pour définir l’inaptitude dans ces cas, quels sont les repères devant commander une réévaluation en cours de maladie et qui doit décider. Voici autant de questions posées dont les réponses ne sont pas évidentes.
Les directives relatives aux traitements de fin de vie
28De très nombreux auteurs40 font la promotion de la rédaction de directives quant aux traitements de fin de vie, pour favoriser le respect des volontés de la personne à cet égard, et pour encourager le dialogue avec les équipes de soins. Cependant, peu de personnes rédigent un testament biologique ou un mandat. Une enquête menée par Peter Singer et ses collègues41 auprès de 2019 Canadiens de plus de 18 ans indique en effet que 10 % seulement ont rédigé un testament biologique, même si 88 % de ces personnes sont d’accord pour cesser les traitements de maintien en vie chez un patient inapte qui aurait exprimé des volontés en ce sens dans un testament biologique.
La loi américaine
29Depuis son application en 1991 aux États-Unis42, le Patient Self Determination Act (1990) impose aux hôpitaux et aux hospices l’obligation de :
- rédiger des politiques écrites sur les directives relatives aux traitements de fin de vie (advance directives) ;
- de demander aux patients s’ils ont formulé de telles directives ;
- de leur fournir du matériel écrit portant sur leur droit de préparer de tels documents43.
30Même si la loi américaine oblige les intervenants à informer le malade de ses droits en regard des directives relatives aux traitements de fin de vie, environ 20 % des malades aux États-Unis ont rédigé un document à cet effet44 et les indications qui y sont consignées ne sont pas toujours appliquées ou applicables. Des études45 démontrent des divergences importantes entre les volontés du malade et la décision qui serait prise par son représentant. Une étude effectuée par Sansone et Philips46, auprès de I53 personnes âgées dont 40 avaient effectué un testament biologique, indique que les représentants du malade ne prennent pas des décisions qui concordent avec les volontés de la personne qui a rédigé un testament biologique ou un mandat. En fait, dans le cas d’une crise cardiaque, d’un cancer ou d’une maladie rénale, la concordance varie de 43 à 61 %. Les chercheurs, des travailleurs sociaux, encouragent une meilleure communication entre les personnes qui rédigent de tels documents et leurs représentants.
31L’étude réalisée par Schneiderman et ses collègues47 montre que les directives reliées aux traitements de fin de vie sont rédigées en termes généraux, ce qui ne donne pas vraiment d’indications sur le choix d’interventions spécifiques. Cela rejoint les résultats d’une étude de Virnani et ses collègues48 auprès de 115 patients et zz médecins évaluant l’impact de la rédaction de directives anticipées (advance directives) sur la communication entre le médecin et son patient. Selon ces derniers, les discussions ayant eu lieu entre le malade et son médecin portent sur des sentiments et des attitudes générales, plutôt que sur des choix de traitements. Cette dernière étude montre en plus que les médecins ne sont pas toujours au courant de l’existence des testaments biologiques et des mandats et que même si les malades qui ont rédigé de tels documents sont plus susceptibles de parler avec leur médecin des traitements de fin de vie, 30 % des 115 patients n’ont eu aucune discussion à ce sujet avec leur médecin.
32Selon Gilligan et Raffin49, l’application et les effets de la loi américaine sont très décevants et n’ont donné lieu qu’à une augmentation très marginale de la rédaction de directives anticipées. Libbus et Russell50 indiquent que peu de personnes font un testament biologique, parce que les personnes âgées préfèrent discuter avec les membres de leur famille, plutôt que de préparer des directives formelles. Selon High51, 60 % des personnes âgées auraient discuté de ces questions avec un membre de leur famille. Par contre, Libbus et Russell52 mentionnent une similitude décisionnelle entre les patients et leur représentant, sauf en chimiothérapie où le représentant choisit le traitement, contrairement au malade.
Le traitement des cancéreux
33L’éthique des soins (ethic of caring) est l’orientation première et la valeur de base dans le processus décisionnel concernant les traitements de fin de vie53. Les buts à poursuivre par l’intervention palliative consistent à améliorer la qualité de vie des patients mourants et à inclure dans cette démarche de soutien les familles et les personnes significatives pour le malade. Pour améliorer la qualité de vie, le non-soulagement de la douleur physique demeure le problème éthique le plus important à solutionner54.
Soulagement de la douleur
34Il y a une méconnaissance des théories actuelles concernant le soulagement de la douleur, notamment quant à la crainte d’accoutumance et à la peur de hâter la mort55. Les infirmières comme les médecins n’ont pas suffisamment de connaissances pour administrer la médication antidouleur dans les phases terminales du cancer. Les plaintes du malade ne sont pas prises au sérieux de la part de l’équipe de soins et sont interprétées comme de la manipulation de la part du malade.
35Le consentement éclairé est le principe éthique de base en sciences infirmières et en médecine. Cependant, il y a un hiatus entre ce qui est décrit dans les écrits sur les conditions idéales d’un consentement libre et éclairé et les modalités d’application de ce concept56. Les infirmières sont souvent plus au fait de ces problèmes, parce qu’elles sont au chevet du malade, d’une part, et qu’elles ont une approche holiste des soins, d’autre part. Dans plusieurs cas, l’état de développement de la maladie n’est pas connu par le patient, la famille ou même les praticiens57, ce qui ne favorise pas une bonne communication. De plus, il est difficile de satisfaire aux conditions d’un consentement libre et éclairé en oncologie, à cause d’un manque de données sur les risques, les fardeaux et la probabilité de bénéfice de plusieurs interventions58.
36Il y a des divergences conflictuelles importantes entre les volontés du malade et celles des proches ou de l’équipe de soins. L’infirmière est au centre de ces conflits et plusieurs auteurs59 insistent sur le rôle d’avocate qu’elle peut jouer auprès du malade.
Le cas des malades atteints du sida et les demandes d’euthanasie et d’aide au suicide
37Les enjeux éthiques et juridiques suscités par l’expérience des malades atteints du sida rejoignent à bien des égards les enjeux éthiques et juridiques qui se posent dans toute expérience de fin de vie, quels que soient le lieu et les intervenants impliqués.
38Tous les enjeux juridiques concernant les traitements de fin de vie se concentrent autour de deux grands thèmes : le consentement au traitement, d’une part, et les demandes d’euthanasie et d’aide au suicide, d’autre part. Les questions d’éthique sont plus variées. Elles concernent la divulgation et les conditions de divulgation des diagnostics et pronostics, les décisions de traitements, le respect de l’autonomie du malade, les conflits entre les membres de l’équipe de soins et les conflits entre l’équipe de soins et les malades ou leurs proches quant aux valeurs promues, les demandes pour hâter la mort, la cessation ou l’abstention de traitements entraînant la mort, la détresse morale des intervenants. La source de tous ces problèmes est de deux ordres : l’absence de formation adéquate chez les différents intervenants et de connaissance des lois et des repères éthiques permettant de gérer ces problèmes de manière efficace et, plus fondamentale encore, la difficulté pour le malade et l’équipe de soins d’établir une bonne communication, c’est-à-dire une communication qui permette l’établissement de décisions consensuelles concernant des traitements de fin de vie valorisant les buts palliatifs énoncés plus haut60.
39Chez les malades atteints du sida, les problèmes sont souvent exacerbés à cause de leur âge relativement jeune, de l’étiologie de la maladie et des tabous entourant la maladie et la mort. Ces circonstances mettent en évidence des problèmes qui sont présents dans les autres groupes de malades de manière moins évidente, mais qui minent insidieusement les buts palliatifs poursuivis.
Les demandes d’euthanasie et d’aide au suicide
40L’enjeu juridique le plus important dans le traitement des personnes atteintes du sida conserne selon nous les demandes d’euthanasie et d’aide au suicide, plus nombreuses dans ces groupes61. Le contexte légal de ces demandes est différent pour les Pays-Bas où la pratique est instituée et autorisée légalement si elle respecte certaines conditions.
Euthanasie et aide au suicide aux Pays-Bas
41Dans le contexte néerlandais, les demandes d’euthanasie sont plus nombreuses que les demandes d’aide au suicide et il est intéressant de constater que des auteurs comme van den Hoek, Bindels et leurs collègues62 utilisent les termes « forme extrême de palliation » pour désigner les actes d’euthanasie pratiqués sur les personnes atteintes du sida. Celles qui ont choisi cette façon de hâter leur mort, l’ont fait alors que les médecins estimaient qu’elles n’avaient qu’environ un mois à vivre63. Parmi les personnes chez qui un diagnostic de sida avait été posé entre 1985 et 1992 et qui sont toutes mortes avant janvier 1995, 22 % dans l’ensemble des Pays-Bas selon Bindels et ses collègues64 et 26 % à Amsterdam selon Laane65 ont choisi l’euthanasie ou l’aide au suicide. Ce sont les malades qui ont une plus longue survie après le diagnostic qui choisissent cette manière de mourir. Ces faits refléteraient une plus grande souffrance et une plus grande opportunité de discuter de cette option avec les amis et les médecins66 Il est important de noter qu’un auteur mentionne que les demandes d’euthanasie faites en fin de vie quand arrivent des douleurs physiques, sans discussions ou échanges antérieurs, ne sont pas acceptées67, ce qui éliminerait comme candidats à l’euthanasie, ceux qui mourraient rapidement après l’annonce du diagnostic.
42Il faut donc comprendre que toutes les demandes ne sont pas reçues et que plusieurs malades qui avaient choisi l’euthanasie au départ ont modifié leur choix. Comme la moitié des demandes conduisent à une euthanasie de fait68, on peut conclure que 44 % des sidéens aux Pays-Bas avaient sérieusement envisagé l’euthanasie et en avaient fait la demande. Selon van den Boom69, 48,1 % des sidéens ont discuté d’euthanasie avec leurs partenaires dans les premiers stades de la maladie. Les raisons invoquées pour les demandes sont la perte de dignité, la douleur, une mort indigne et la dépendance aux autres70. En recourant à l’euthanasie, les gens veulent prévenir des souffrances insupportables et une existence dégradante71.
43Les personnes atteintes du sida aux Pays-Bas ont plus recours à l’euthanasie qu’à l’aide au suicide, comme la population en général d’ailleurs. Ceux qui ont des idées suicidaires se retrouvent plus souvent dans les groupes de ceux qui meurent par refus de traitement ou par une augmentation de la médication pour soulager la douleur. Ce sont ceux qui ont de la difficulté à accepter leur statut de séropositivité ou de personnes atteintes du sida72.
Euthanasie et aide au suicide dans les autres pays occidentaux
44Dans les pays où les actes d’euthanasie ou d’aide au suicide ne sont pas institutionnellement acceptés, le contexte est fort différent. Ces actes ne se pratiquent pas alors ouvertement quoiqu’un auteur américain73 est d’avis que « l’aide au suicide est facilement disponible pour des personnes en phase terminale du syndrome d’immunodéficience acquise » et qu’un auteur canadien soutient que les médecins de famille qui traitent des personnes séropositives ont plus de requêtes d’euthanasie que la plupart des médecins. Des auteurs canadiens74 écrivent librement sur la façon de gérer les demandes d’aide au suicide et d’euthanasie et plusieurs auteurs, dont Tindall et ses collègues75, pensent qu’il est légitime que des personnes en phase terminale songent à hâter leur mort et qu’une réalité telle que le suicide rationnel existe.
45Selon une étude de Green réalisée en Grande-Bretagne en 1995, 28 % des séropositifs (33 % si l’on ajoute les données tirées des entrevues) ont considéré le fait de demander de l’aide pour hâter la mort, alors que parmi eux 3 % seulement ont demandé un contrôle de séropositivité. Ces résultats sont comparables aux résultats d’une étude auprès des proches et amis de ceux qui meurent de n’importe quelle autre maladie, excluant les morts subites76.
46Les séropositifs jugent du déroulement de la maladie et de la mort à partir de l’expérience de leurs amis77. Et selon Green78, les proches seraient plutôt d’avis de hâter la mort, alors qu’une enquête auprès des proches aux Pays-Bas indique que la plupart des proches auraient souhaité que l’action soit reportée79. Dans ce pays, une étude80 porte sur le deuil des survivants.Vingt pour cent ont souffert de dépression attestée cliniquement et 29 % des partenaires ont souffert d’épisodes de dépression sans qu’on puisse établir de liens entre la façon de mourir et un deuil difficile. En fait, il semble que quand l’euthanasie se complique, le deuil se complique aussi. Dans cette étude81, les deuils se sont compliqués dans six cas sur douze, pour les raisons suivantes :
- un patient est mort au moment de l’injection ;
- un patient a été conscient pour une période de 4 à 6 heures après l’injection ;
- un médecin a demandé à un proche d’administrer la médication ;
- des proches ont dû décider quand aurait lieu une euthanasie ;
- deux partenaires sont devenus psychotiques, un d’entre eux n’ayant pu supporter de savoir son ami en possession d’une médication lui permettant de mettre fin à ses jours sans qu’il ne lui fasse connaître le moment du suicide82.
47Dans tous ces cas, les complications auraient pu être évitées, si les médecins avaient établi clairement dès le départ leur position face à l’euthanasie ou l’aide au suicide et s’ils avaient eu une meilleure connaissance des dosages requis pour apporter la mort en temps voulu83. Ce dernier point est très technique. Cependant, dans ce domaine comme dans le simple cas du non-soulagement de la douleur qui est mentionné comme une des raisons, voire la principale raison, pour un recours à l’euthanasie, les médecins n’ont pas reçu la formation nécessaire pour intervenir de manière efficace. Ceci est encore plus vrai pour un groupe particulièrement vulnérable, celui des enfants atteints du VIH84. Ces enfants ne sont pas soulagés et ils n’ont souvent personne pour prendre leur défense. Les auteurs insistent sur la nécessité pour les intervenants de faire le point sur leurs propres valeurs relativement à la mort et aux types d’interventions acceptables pour eux. Cette dernière dimension nous introduit directement à l’étude du processus décisionnel relatif aux traitements de fin de vie.
48Selon Kuhl85, l’euthanasie et l’aide au suicide ne constituent pas l’enjeu le plus important soulevé par les patients atteints du sida, parce que la demande ne serait faite que par des malades dont la douleur n’est pas soulagée. Selon nous, les enjeux fondamentaux tiennent davantage à la qualité de la communication entre les différentes personnes concernées.
Le processus décisionnel dans le choix des traitements de fin de vie
49Contrairement à ce qui se passe en oncologie, c’est une approche psychologique qui a été favorisée dans le cas des malades atteints du sida86. La raison est sûrement liée aux préjugés sociaux entourant cette maladie et au fait que la majorité des personnes atteintes sont des homosexuels relativement jeunes (90 % ont entre 20 et 49 ans87), qui n’ont pas toujours assumé leur orientation sexuelle au moment où ils apprennent qu’ils sont séropositifs. Certains malades éprouvent de la culpabilité, des remords ou des regrets préférant que leur famille ne soit pas mise au courant de leur maladie et de leur orientation sexuelle. « Quand la pensée de l’euthanasie fait son apparition, l’émotion dominante (chez le malade) est la peur : peur de la mort, peur de la douleur, peur de devenir un fardeau, peur de perdre le contrôle. » Ces peurs et sentiments de culpabilité sont partagés par les amis, mais aussi par les proches. Il faut lire Stewart88 pour comprendre comment les familles se sentent lorsqu’elles apprennent un tel diagnostic pour leur fils dont elles ne connaissaient pas l’homosexualité. Certains parents se culpabilisent ou sont culpabilisés par les autres. Des réactions émotives en ces circonstances conduisent à des ruptures ou à des changements d’attitudes dramatiques.
Clarification des valeurs
50Comment un intervenant peut-il aider un malade et ses proches à examiner leurs peurs, leurs angoisses et leurs émotions face à l’annonce d’un diagnostic fatal, s’il n’a pas lui-même clarifié ses propres valeurs face à la mort et à la maladie terminale ? Il est donc de la première importance que ceux qui travaillent avec des gens aux prises avec des maladies pour lesquelles il n’y a pas de traitement réfléchissent sur leurs propres valeurs et à leur implication éventuelle dans toutes les décisions de cessation ou d’abstention de traitement qui entraîneront la mort, de même que dans les décisions d’euthanasie et d’aide au suicide. Ces questions doivent pouvoir être discutées de manière ouverte et sans discrimination, notamment en raison de l’orientation sexuelle. La clarification des valeurs de chacun apparaît donc comme la première étape dans un processus décisionnel qui n’a pas lieu une fois pour toutes mais qui doit être réitéré lors de chacune des étapes importantes du déroulement de la maladie89. « ... Le fait de permettre aux patients d’examiner leurs peurs et espoirs rend le processus de la mort plus facile pour le patient et pour le médecin90 », et nous ajoutons pour les autres intervenants et pour les proches qui participeront au processus décisionnel.
Diagnostics et traitements des pathologies modifiant la rationalité du processus décisionnel
51Souvent les malades sont amenés à discuter des différents choix de traitement, de non-traitement ou d’intervention euthanasique en temps de crise. Cependant, dans le traitement du VIH ou du sida, comme dans le traitement des autres maladies terminales ou chroniques, les périodes de crises sont trop chargées émotionnellement pour que le malade puisse faire la part des choses de manière rationnelle91. Il est important que le malade puisse prendre une part active au processus décisionnel. Le médecin doit rechercher particulièrement les signes de dépression au-delà du simple désir de mourir, les distinguer des symptômes de la maladie comme la démence et des effets secondaires de la médication. Si une dépression clinique est présente, il est raisonnable de prescrire l’utilisation des antidépresseurs et, si besoin est, l’hospitalisation. Le malade doit savoir que toutes ses demandes pour hâter la mort seront prises en considération par la suite. Cette garantie constitue, pour lui, une aide pour passer à travers la crise92.
Information sur les maladies en cause
52Le malade s’attend à recevoir des informations claires et fiables sur sa maladie, ses diagnostics et pronostics, les traitements possibles. Il faut dissiper les fausses notions qui sont présentes chez le malade quant à l’interprétation de sa maladie93 et présenter les données les plus récentes quant aux résultats des différents traitements offerts. Les nouveaux médicaments offrent plus d’espoir qu’avant. Le malade devra décider s’il se soumet à l’expérimentation, avec l’information la plus adéquate possible, en étant mis au courant des risques iatrogènes des traitements et de la possibilité d’une mort précoce94. Le médecin peut renforcer la rationalité dans le choix du patient ou nuire à son choix en ne divulguant pas l’information pertinente95. Battin96 déplore l’absence d’un guide accessible décrivant les étapes de la maladie, la probabilité de l’occurence de certaines affections, de même que la sévérité des atteintes, les sortes de douleurs en cause et leur degré de probabilité. Les malades veulent des données objectives sur lesquelles baser leurs décisions. Un auteur comme Cole97 réclame des lignes directrices pour une approche communicationnelle.
Points à discuter entre le médecin ou l’équipe de soins et le malade
53Le médecin, par ailleurs, a besoin de connaître du malade qui contacter en cas d’urgence, s’il existe un soutien social, si le malade a fait un testament biologique ou un mandat, s’il est prêt à discuter de cessation ou d’abstention de traitement ou de toute autre question. Le malade en effet doit savoir que toutes les options peuvent être discutées. Un auteur98 suggère au médecin de prendre les devants pour prévenir les pires scénarios, en posant les questions suivantes : Que craignez-vous le plus à propos de votre maladie ? Croyez-vous que vous mourrez seul ? Voulez-vous mourir seul ? Croyez-vous que vous allez mourir dans la douleur ? Le médecin doit connaître les attentes du malade quant au moment de la mort. Il doit encourager le malade à discuter des différentes options avec son groupe de soutien. Souvent les malades se percevant comme un fardeau pour les autres seront rassurés quant à l’aide qu’ils pourront obtenir.
54Battin99 propose au malade des questions auxquelles il peut répondre pour clarifier ses positions face à différentes options. Ce sont les suivantes :
- Est-ce que je veux exercer un contrôle actif sur ma propre mort ?
- Est-ce que je tiens à tenter ma chance pour expérimenter de nouveaux traitements ?
- Devrais-je partir plus tôt ou plus tard ?
- Quelle importance est-ce que j’accorde au bien-être et aux intérêts des autres ?
55Chacun doit répondre à ces questions en rapport avec ses propres valeurs et cette réflexion pourra nourrir la communication avec les différents intervenants.
56Ces recommandations pour des échanges fructueux en matière de traitements de fin de vie ont été proposées spécifiquement pour les malades atteints du sida. Dans certains cas, dans les endroits où l’aide au suicide est disponible, elles ont été proposées pour que les décisions entourant le suicide soient les plus rationnelles possibles100. Cependant, il est clair que ces guides décisionnels sont pertinents pour les autres maladies terminales et pour toute décision concernant des interventions permettant de hâter ou de retarder la mort.
Le suicide rationnel
57Selon Tindall et ses collègues101, ce n’est pas tellement la mort qui est à craindre que la souffrance qui la précède. Dans une enquête effectuée auprès de 105 sujets atteints d’immunodéficience acquise, 54 % étaient optimistes quant à leurs chances de survie, 86 % craignaient la souffrance (suffering) et 19 % avaient peur de la mort. Plus de 94 % d’entre eux étaient d’avis que les individus atteints d’une maladie terminale devraient pouvoir opter pour l’euthanasie et 90 % souhaiteraient cette possibilité pour eux-mêmes. Dans cette enquête, on applique le terme euthanasie autant à l’administration d’une médication létale au malade par quelqu’un d’autre à la demande du malade, qu’à l’aide au suicide où le malade se donne la mort avec l’aide d’une tierce personne. Cette manière de faire encourage l’absence de distinction entre deux actes qui sont différents puisque dans un cas, c’est le malade lui-même qui met fin à sa vie (suicide) et dans l’autre, c’est une tierce personne qui met fin à la vie du malade (euthanasie).
Raisons invoquées pour un recours au suicide ou à l’euthanasie
58La peur de la souffrance est souvent invoquée pour légitimer un accès à l’euthanasie. Cependant, un grand nombre de personnes atteintes de maladies terminales refusent d’être à la merci des autres102, notamment en ce qui concerne les douleurs non soulagées et c’est pourquoi ils souhaitent un accès à l’euthanasie. Il n’est pas étonnant de trouver des désirs euthanasiques chez les malades porteurs du virus d’immunodéficience acquise, puisque ces personnes sont, dans l’enquête de Tindall et de ses collègues103, de jeunes homosexuels instruits de race blanche dont on pourrait croire qu’ils voudraient participer aux décisions de traitement. Leur opinion n’est pas nécessairement le reflet des autres groupes de personnes atteintes du sida, ni des autres groupes de la population en général, à cause de leur niveau d’instruction particulièrement élevé.
Processus à mettre en place lors des demandes d’euthanasie et d’aide au suicide
59Quoi qu’il en soit, de plus en plus d’auteurs se penchent sur l’éventualité d’un suicide rationnel, le terme n’étant pas étranger au processus décisionnel mis en place pour s’assurer d’une décision prise en connaissance de cause, non fondée sur des émotions, des peurs ou des angoisses, réfléchie de longue date et planifiée souvent avec le médecin, mais aussi avec les proches, les familles ou les amis.
60La loi ne semble pas un grand obstacle ici, puisque deux auteurs de Colombie-Britannique104 discutent ouvertement de la possibilité d’une telle éventualité. L’auteure américaine Margaret Battin105 relate que la société Hemlock estime à 50 % le nombre de sidéens de la Côte ouest américaine qui meurent par euthanasie ou aide au suicide. Il faut noter cependant qu’un sociologue britannique, Green106, relate quelques cas de malades (3/57) qui n’ont pas demandé d’aide médicale pour mettre fin à leur vie, parce qu’ils ne voulaient pas demander à des professionnels de transgresser la loi. Examinant les volontés des personnes atteintes du sida et ayant considéré l’euthanasie, 20 % d’entre elles souhaitent un changement dans la loi.
61Battin107 parle d’une structure rationnelle de choix en regard du suicide et le processus décisionnel décrit plus avant inclut des discussions sur le choix du malade quant à l’euthanasie et à l’aide au suicide, même si le médecin ou les intervenants en cause ne sont pas prêts à apporter une aide concrète dans la mise en œuvre de cette option. Dans tous les cas, en effet, les requêtes d’un patient pour accélérer la mort requièrent une discussion continue et des efforts concrets pour pallier la détresse physique et psychologique108.
62Quand un patient demande de hâter la venue de la mort, il faut examiner les points suivants :
- le contrôle adéquat des symptômes ;
- les difficultés dans les relations avec les amis, la famille, les travailleurs de la santé ;
- les perturbations psychologiques liées au deuil, à la dépression, à l’anxiété, aux désordres mentaux organiques et aux troubles de la personnalité ;
- la position personnelle du malade face au sens de la vie et de la souffrance109.
63Il est particulièrement important de vérifier s’il s’agit d’une demande raisonnable110, si elle n’est pas prise sous le coup de l’émotion ou dans un état de crise, si elle cadre avec les idées antérieures du malade et si le malade persiste dans son choix.
64Un malade qui demande l’euthanasie sous le coup de la douleur ou en état de crise est invité à reporter sa décision. Tous les auteurs même les hollandais insistent sur cet aspect du problème. Ils insistent aussi sur la nécessité de discuter de ces questions avec le médecin, mais aussi avec les proches ou des amis qui peuvent offrir un support psychologique important. Une telle décision ne doit pas être prise isolément111. Des malades qui se sentent supportés dans la maladie changent d’avis quant à leur demande initiale d’euthanasie112. Ainsi, aux composantes d’un suicide rationnel, telles que définies par Siegel113 :
651. évaluation réaliste de la situation ;
662. processus mental non miné par une maladie psychologique ou une sévère détresse émotionnelle ;
673. motivation compréhensible pour la communauté.
68Werth114 ajoute :
694. décision analysée et réitérée durant une certaine période de temps ;
705. inclusion si possible dans le processus décisionnel des personnes significatives pour le malade.
71Qu’il s’agisse de décisions concernant les traitements ou l’euthanasie et l’aide au suicide, les proches devraient être impliqués. Une enquête auprès de psychothérapeutes indique que 8I % d’entre eux favorisent une décision prise de concert avec la famille et les amis, de façon à éviter que le suicide ne transmette à ces personnes un sentiment de culpabilité115.
72Toute l’information pertinente doit être donnée et cela va aussi loin que d’expliquer la posologie adéquate pour un suicide réussi. La plupart des patients ne connaissent pas les effets des médications dans une overdose ou dans les plus violentes formes de suicide. Quand le médecin les en informe, l’individu peut réévaluer sa décision de suicide116.
73Dans toutes ces décisions, les consensus établis à la suite d’une communication fructueuse entre les personnes concernées sont toujours favorisés. Ils évitent les décisions non partagées concernant les traitements de fin de vie du malade qui pourraient donner lieu à des poursuites.
74Un auteur comme Werth117 parle d’invervention en matière de suicide allant de la prévention dans le cas des suicides liés à la dépression, à la détresse psychologique, à la douleur physique, à une acceptation dans le cas des suicides qui rempliraient les cinq conditions énumérées plus haut. Évidemment, dans les cas de suicide rationnel, c’est le respect de l’autonomie de la personne qui est promu118. Cependant, il ne s’agit pas d’une approche basée sur un droit à la mort, mais plutôt sur une décision réfléchie et discutée qui serait prise en connaissance de cause et non sous le coup d’une émotion, d’une dépression ou autre trouble psychologique.
Recommandations
751. Ce qui apparaît clair dans cette analyse des écrits, c’est l’écart entre le processus décisionnel consensuel qui est reconnu comme le plus adéquat et la manière dont les choses se passent dans les faits.
762. Ce que nous recommandons, ce sont des mesures permettant une bonne communication entre les différentes instances : les malades, les proches et les équipes de soins.
773. Il est important de renseigner les différents groupes sur les lois existantes, notamment sur le droit au refus de traitement, et sur les repères éthiques, tels le principe du respect de l’autonomie de la personne et le principe de bienfaisance.
784. La crainte des poursuites peut encourager les équipes de soins à suivre aveuglément les volontés de la famille, même si elles vont à l’encontre des volontés du malade et même si elles ne visent pas au bénéfice de ce dernier.
795. Il est important d’encourager la formation en éthique et de favoriser une approche rationnelle dans les décisions de traitements de fin de vie. Il est important aussi de diffuser de l’information écrite et à jour sur les stades des maladies terminales et chroniques, de bien expliquer ces informations et de s’assurer qu’elles ont été comprises. Si cette démarche n’est pas faite, ce sont les tabous, les préjugés et les expériences individuelles heureuses ou malheureuses qui vont guider les décisions de traitement en fin de vie.
806. Les équipes de soins devraient pouvoir travailler en multi-disciplinarité pour répondre aux besoins du malade et l’infirmière, par sa formation qui implique une approche globale, est celle qui est le mieux qualifiée pour faire le lien entre les différentes disciplines et leurs apports.
817. Des lieux d’échange (forums) entre les différents intervenants doivent être mis en place pour favoriser la réflexion et le partage des expériences qui, dans certains cas, peuvent entraîner une détresse morale dont les conséquences sont importantes dans la pratique : fuite, burn-out, etc.
Notes de bas de page
1 Colleen Scanlon et Cornelia Fleming, « Ethical Issues in Caring for the Patient with Advanced Cancer », Nursing Clinics of North America, vol. 24, no 4 (1989), p. 977-986.
2 Voir « Le respect de l’autonomie de la personne », au chapitre 5.
3 Nancy S. Jecker, « Medical Futility and Care of Dying Patients », Western Journal of Medicine, vol. 163, no 3 (1995), p. 287-291.
4 Ibid., p. 290.
5 Ibid.
6 M. S. Solomon, L. O’Donnel, B. Jennings et al., « Decisions near tbe End of Life: Professional Views on Life-Sustaining Treatments », American Journal of Public Health, vol. 83, no 1 (1993), p. 14-23 cité par Betty Levin Wolder, « Annotation: Physicians’ Attitudes and Decision Making Regarding the Withdrawal of Life Support », American Journal of Public Health, vol. 85, no 3 (1995), p. 289.
7 Gordon G. Wood and Edward Martin, « Withholding and Withdrawing LifeSustaining Therapy in a Canadian Intensive Care Unit », Canadian Journal of Anaesthesia, vol. 42, no 3 (1995), p. 189.
8 T. R. Fried, M. D. Stein, P. S. O’Sullivan, D. W. Brock et D. H. Novack, « Limits of Patient Autonomy: Physicians Attitudes and Practices Regarding Life-Sustaining Treatments and Euthanasia », Archives of Internai Medicine, vol. 153, no 6 (1993), p. 722-728, cité par Betty Levin Wolder, op. cit., p. 307.
9 M. S. Solomon, L. O’Donnel, B. Jennings et al. cité par Wolder, op. cit.
10 Congrégation pour la doctrine de la foi, « Déclaration sur l’euthanasie », La Documentation catholique, vol. 1790 (2.0 juil. 1980), p. 607-699.
11 N. A. Christakis et D. A. Asch, « Physician Characteristics Associated with Decisions to Withdraw Life Support », American Journal of Public Health, vol. 85, no 3 1995), p. 367-372, cité par B. L. Wolder, op. cit., p. 306.
12 A. Soderberg et A. Norberg, « Intensive Care: Situations of Ethical Difficulty », Journal of Advanced Nursing, vol. 18, no 12 (1993), p. 2008-2014.
13 M. Kelner, « Activists and Delators: Elderly Patients’ Preferences about Control at the End of Life », Social Sciences and Medicine, vol. 41, no 4 (1995), p. 537-554.
14 L. L. Emmanuel et E. J. Emmanuel, « Decision at the End of Life. Guided by Communities of Patients », Hastings Center Report, vol. 2.3, no 5 (1993), p. 6-14.
15 D. J. Mazur and D. H. Hickman, « Patient Preferences: Survival vs Quality of Life Considerations », Journal of General Internai Medicine, vol. 8 (1993), p. 374-377.
16 David A. Asch, John Hansen-Flaschen et Paul N. Lanken, « Decisions To Limit or Continue Life-Sustaining Treatment by Critical Care Physicians in the United States: Conflicts Between Physician’s Practices and Patients’ Wishes », American Journal of Respiratory & Critical Care Medicine, vol. 151 (1995), p. 288-292.
17 Ibid.
18 Laura C. Hanson, Marion Danis, Johanne M. Garrett et Elizabeth Mutran, « Who Decides? Physicians’ Willingness to Use Life-Sustaining Treatment », Archives of Internal Medicine, vol. 156, no 7 (1996), p. 785-789.
19 Karen E. Sullivan, Paul C. Herbert, Jo Logan et al., « What Do Physicians Tell Patients With End-Stage COPD About Intubation and Mechanical Ventilation? », Chest, vol. 109, no 1 (1996), p. 260-261.
20 Mathy Mezey, Malvina Kluger, Greg Maislin et Mary Mittelman, « Life Sustaining Treatment Decisions by Spouses of Patients with Alzheimer’s Disease », Journal of the American Geriatrics Society, vol. 44, no 2 1996), p. I44-150.
21 Catherine F. Musgrave, « The Ethical and Moral Implications of Hospice Care: An International Overview », Cancer Nursing, vol. 10, no 4 (1987), p. 184.
22 Nancy S. Jecker, op. cit.; Sally A. Hunka, « The Right to Refuse Treatment: An Ethical Study », Intensive Critical Care Nursing, vol. 9 (1993), p. 83.
23 Nancy S. Jecker, op. cit.
24 Mathy Mezey, Malvina Kluger, Greg Maislin et Mary Mittelman, op. cit.; Kara Watne et Terry A. Donner, « Distinguishing Between Life-Saving and Life-Sustaining Treatments: When the Physician and Spouse Disagree », Dimensions of Critical Care Nursing, vol. 14, no 1 (1995), p. 42-47.
25 Moshe Sonnenblick, Yechiel Friendlander et Avraham Steinberg, « Dissociationtion Between the Wishes of Terminally Ill Patients and Decisions by their Offspring », Journal of the American Geriatry Society, vol. 41, no 6 (1993), p. 499-604.
26 Ibid.
27 Eugene V. Boisaubin, « Decisions Affecting the Limitation of Nutritional SupSupport », Hospice Journal, vol. 9, nos 2-3 (1993), p. 131.
28 American Dietetic Association, « Position of the American Dietetic Association: Legal and Ethical Issues in Feeding Permanently Unconscious Patients », Journal of the American Dietetic Association, vol. 92, no 2 (1995), p. 231-234 ; A. Young, D. Volker, P. T. Rieger et D. M. Thorpe, « Oncology Nurses’ Attitudes Regarding Voluntary, Physician-Assisted Dying for Competent, Terminally Ill Patients », Oncology Nursing Forum, vol. 20, no 1 (1993), p. 455-451.
29 R. J. Dunlop, J. E. Ellershaw, M. J. Baines et al., « On Withholding Nutrition and Hydration in the Terminally 111: Has Palliative Medicine Gone Too Far ? A Reply », Journal of Medical Ethics, vol. 21, no 3 (1995), p. 141-143.
30 Moshe Sonnenblick, Yechiel Friendlander et Avraham Steinberg, op. cit. ; Mattew K. McNabney, Mark H. Beers et Hilary Siebens, « Surrogate Decision Makers’ Satisfaction with the Placement of Feeding Tubes in Elderly Patients », Journal of the American Geriatrics Society, vol. 42, no 2 (1994), p. 163.
31 John W. Ely, Philip G. Peters Jr, Steven Zweig et al., « The Physician’s Decision to Use Tube Feedings: The Role of the Family, the Living Will, and the Cruzan Decision », Journal of the American Geriatrics Society, vol. 40, no 5 (1992), p. 472.
32 Ibid.; Mark A. McCamish et Nancy J. Crocker, « Enterai and Parenteral Nutrition Support of Terminally 111 Patients: Practical and Ethical Perspectives », Hospice Journal, vol. 9, nos 2-3 (1993), p. 121-122.
33 Eugene V. Boisaubin, op. cit., p. 137-142.
34 C. R. Leicher et F. J. DiMario, « Termination of Nutrition and Hydration in a Child with Vegetative State », Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, vol. 148, no 1 (1994), p. 87-92.
35 Mark A. McCamish et Nancy J.Crocker, op. cit., p. 123.
36 Cindy Rushton, Elizabeth E. Hogue, Carol A. Billett et al., « End of Life Care for Infants with Aids: Ethical and Legal Issues », Pediatric Nursing, vol. 19, no 1 (1993). p. 80.
37 Thomas G. Gratzer et Manuel Matas, « The Right to Refuse Treatment: Recent Canadian Developments », Bulletin of the American Academy of Psychiatry & the Law, vol. 22, no 2 (1994), p. 255.
38 Eike Henner Kluge, « Informed Consent by Children: The New Reality », Canadian Medical Association Journal, vol. 152, no 9 (1995), p. 1495-1497.
39 D. Becker et Z. Kahana, « Informed Consent in Demented Patients: A Question of Hours », Medicine and Law, vol. 12, nos 3-5 (1993), p. 271-276.
40 J. Virnani, L. J. Schneiderman et R. M. Kaplan, « Relationship of Advance Directives to Phycisian-Patient Communication », Archives of Internal Medicine, vol. 154, no 8 (2994), p. 909-923; Cindy Rushton, Elizabeth E. Hogue, Carol A. Billett et al., op. cit.; Michele J. Rusin, « Communicating with Families of Rehabilitation Patients About “Do Not Resuscitate” Decisions », Archives of Physical Medicine Rehabilitation, vol. 73, no 10 (1992), p. 922-925; Colleen Scanlon et Cornelia Flemming, op. cit.
41 Peter A. Singer, Sujit Choudhry, Jane Amstrong et al., « Public Opinion Regarding End-of-Life Decisions: Influence of Prognosis, Practice and Process », Social Science & Medicine, vol. 41, no 11 (1995), p. 1519-1520.
42 Robert F. Johnson Jr, Teresa Baranowski-Birkmeier et John B. O’Donnell, « Advance Directives in the Medical Intensive Care Unit of a Community Teaching Hospital », Chest, vol. 107, no 3 (1995), p. 153.
43 Paulette Sansone et Michael Philips, « Advance Directives for Elderly People : Worthwhile Cause or Wasted Effort ? », Social Work, vol. 40, no 3 (1995), p. 397-401.
44 Michele J. Rusin, op. cit., p. 921.
45 Paulette Sansone et Michael Philips, op. cit.; Robert F. Johnson Jr, Teresa Baranowski-Birkmeier et John B. O’Donnell, op. cit.; L. J. Schneiderman, R. A. Pearlman, R. M. Kaplan et al., « Relationship of General Advance Directive Instructions to Specific Life-Sustaining Treatment Preferences in Patients with Serious Illness », Archives of Internai Medicine, vol. 152, no 10 (1992), p. 2114-2122.
46 Paulette Sansone et Michael Philips, op. cit., p. 400.
47 L. J. Schneiderman, R. A. Pearlman, R. M. Kaplan et al., op. cit.
48 J. Virnani, L. J. Schneiderman et R. M. Kaplan et al., op. cit.
49 T. Gilligan et T. A. Raffin, « End-of-Life Discussions with Patients. Timing and Truth-Telling », Cbest, vol. 109, no 1 (1996), p. 11-22.
50 M. Kay Libbus et Cynthia Russell, « Congruence of Decisions Between Patients and their Potential Surrogates about Life-Sustaining Therapies », Image — The Journal of Nursing Scholarship, vol. 27, no 2 (1995), p. 135-140.
51 D. M. High, « All in the Family : Extended Autonomy and Expectations in Surrogate Health Care Decision-Making », The Gerontologist, vol. 28 (1988), supp. p. 46-52, cité par M. Kay Libbus et Cynthia Russell, op. cit., p. I35.
52 Ibid.
53 Colleen Scanlon et Cornelia Flemming, op. cit., p. 978.
54 M. Ersek, C. Scanlon, E. Glass et al., « Priority Ethical Issues in Oncology Nursing: Current Approaches and Future Directions », Oncology Nursing Forum, vol. 22., no 5 (1995), p. 803-807; Colleen Scanlon et Cornelia Flemming, op. cit.
55 Colleen Scanlon and Cornelia Flemming, op. cit., p. 980.
56 P. McGrath, « It’s Ok to Say No: A Discussion of Ethical Issues Arising from Informed Consent to Chemotherapy », Cancer Nursing, vol. 18, no 2 (1995), p. 97-103.
57 Colleen Scanlon et Cornelia Flemming, op. cit., p. 980.
58 S. Crawford, « Decision Making in Critically 111 Patients with Hematologie Malignancy », Western Journal of Medicine, vol. 155, no 5 (1991), p. 488-493.
59 Sally A. Hunka, « The Right to Refuse Treatment: An Ethical Study », Intensive Critical Care Nursing, vol. 9 (1993), p. 82-87; Judith Lupo Wold, « The Living Will: Legal and Ethical Perspectives », Journal of Neurosciences Nursing, vol. 24, no 1 (1992), p. 50-53; Susan L. Taylor, « Quandary at the Crossroads: Paternalism and Advocacy Surrounding End-of-Treatment Decisions », American Journal of Hospice and Palliative Care, vol. 12, no 4 (1995), p. 43-46; P. Watt, « Ethical and Legal. Living Wills: How Do They Inform Care? », British Journal of Nursing, vol. 4, no 19 (1995), p. 1156-1159; K. Barta et M. Neighbors, « Nurses’ Knowledge of — and Role in — Patients’ End-of-Life Decision-Making », Trends in Health Care, Law and Ethics, vol. 8 (1993), p. 50-52; Colleen Scanlon et Cornelia Flemming. op. cit., p. 979.
60 R. M. Cole, « Communicating with People Who Request Euthanasia », Palliative Medicine, vol. 7, no 2 (1993), p. 139-143.
61 James L. Werth, « Rational Suicide Reconsidered: Aids as an Impetus for Change », Death Studies, vol. 19, no 1 (1995), p. 65-80; Margaret P. Battin, « Going Early, Going Late : The Rationality of Decisions about Suicide in Aids », Journal of Medicine and Philosophy, vol. 19, no 6 (1994), p. 571-594; Margaret P. Battin, « Physicians, Partners, and People with Aids : Deciding About Suicide », Crisis, vol. 15, no 1 (1994), p. 15; Robert F. Voigt, « Euthanasia and HIV Disease: How Can Physicians Respond? », Journal of Palliative Care, vol. 12, no 2 (1995), p. 38.
62 P. J. Bindels, A. Krol, E. van Ameijden, D. K. Mulder-Folkerts, J. A. van den Hoek et al., « Euthanasia and Physician-Assisted Suicide in Homosexual Men with Aids », The Lancet, vol. 347, no 9000 (1996), p. 499.
63 Ibid.
64 Ibid.
65 H. M. Laane, « Euthanasia, Assisted Suicide and Aids », Aids Care, vol. 7, suppl. 2 (1995), p. S166.
66 P. J. Bindels, A. Krol, E. van Ameijden et al., op. cit., p. 503.
67 F. van den Boom, « Aids, Euthanasia and Grief », Aids Care, vol. 7, suppl. z 1995), p. S183.
68 Ibid.
69 Ibid.
70 H. M. Laane, op. cit., p. S166.
71 F. van den Boom, op. cit., p S183.
72 Ibid., p S183-S184.
73 Margaret P. Battin, « Physicians, Partners, and People with Aids: Deciding About Suicide », op. cit., p. 15.
74 Robert F. Voigt, « Euthanasia and HIV Disease: How Can Physicians Respond? », op. cit., p. 38-41 ; D. R. Kuhl, « Ethical Issues Near the End of Life: A Physician’s Perspective on Caring for Persons with Aids », Journal of Palliative Care, vol. 10, no 3 (1994), p. 117-12.1.
75 Brett Tindall, Sally Forde, Andrew Carr et al., « Attitudes to Euthanasia and Assisted Suicide in a Group of Homosexual Men with Advanced HIV Disease », Journal of Acquired Immune Deficiency Syndrome, vol. 6, no 9 (1993), p. 1069.
76 Clive Searle et Julian Addington-Hall, « Dying at the Best Time », Social Sciences and Medicine, vol. 40, no 5 (1995), p. 589-595.
77 Gill Green, « Aids and Euthanasia », Aids Care, vol. 7, suppl.2 (1995), p. S170.
78 Ibid.
79 F. van den Boom, op. cit., p. S182.
80 Ibid.
81 Ibid.
82 Ibid.
83 Ibid.
84 Cindy Rushton, Elizabeth E. Hogue, Carol A. Billet et al., op. cit.
85 D. R. Kuhl, op. cit., p. 119.
86 Ibid., p. 117-118.
87 James L. Werth, op. cit.
88 Barbara M. Stewart, « End-of Life Family Decision-Making From Disclosure of HIV Through Bereavement », Scholarly Inquiry for Nursing Practice: An International Journal, vol. 8, no 4 (1994), p. 332-333.
89 Jean-Louis Baudouin et Marie-Hélène Parizeau, « Réflexions juridiques et éthiques sur le consentement au traitement médical », Médecine/Sciences, vol. 3, no I (janv. 1987), p. 8-12.
90 R. F. Voigt, op. cit., p. 38.
91 Ibid.
92 Ibid.
93 Ibid., p. 39.
94 Margaret P. Battin, « Going Early, Going Late: The Rationality of Decisions about Suicide in Aids », p. 17, op. cit.
95 Ibid., p. 18.
96 Ibid.
97 R. M. Cole, op. cit.
98 Robert F. Voigt, op. cit., p. 39.
99 Margaret R Battin, « Physicians, Partners, and Poeple with Aids: Deciding About Suicide », p. 17-18.
100 Ibid.
101 Brett Tindall, Sally Forde, Andrew Carr et al., op. cit., p. 1069.
102 Gill Green, op. cit., p. S170.
103 Brett Tindall, Sally Forde, Andrew Carr et al., op. cit., p. 1069.
104 Robert F. Voigt, op. cit. ; D. R. Kuhl, op. cit.
105 Margaret P. Battin, « Phycisians, Partners and People with Aids: Deciding about Suicide », p. 15.
106 Gill Green, op. cit., p. S172.
107 Margaret P. Battin, « Phycisians, Partners and People with Aids: Deciding about Suicide », op. cit. et « Going Early, Going Late: The Rationality of Decisions About Suicide in Aids », op. cit.
108 S. D. Block et J. A. Billings, « Patient Requests for Hasten Death. Evaluation and Management in Terminal Care », Archives of Internai Medicine, vol. 154, no 18 (1994), p. 2039-2047.
109 Ibid., p. 574.
110 Robert F. Voigt, op. cit., p. 40.
111 Ibid., p. 41.
112 Ibid., p. 40.
113 K. Siegel, « Psychological Aspects of Rational Suicide », American Journal of Psychotherapy, vol. 40 (1986) cité par James L. Werth, op. cit., p. 66.
114 James L. Werth, op. cit., p. 71.
115 Ibid., p. 74.
116 Robert F. Voigt, op. cit., p. 40.
117 James L. Werth, op. cit., p. 74.
118 Ibid.; L. P. Francis, « Advance Directives for Voluntary Euthanasia: A Volatile Combination ? », Journal of Medicine and Philosophy, vol. 18, no 3 (1993), p. 297-322.
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