Chapitre 2. Mieux vaut flou que jamais
p. 37-65
Texte intégral
Il n’est pas toujours nécessaire de comprendre un système pour le contrôler. Y a-t-il un meilleur exemple de la plausibilité de ce principe que notre propre cerveau ? Après tout, les êtres humains l’ont utilisé pendant des milliers d’années sans avoir la moindre idée de son fonctionnement.
1Supposons que vous soyez sur une autoroute. Vous vous rendez compte que la distance entre votre voiture et le véhicule qui est devant vous diminue, et vous freinez. La pression que vous appliquez sur la pédale dépend de plusieurs facteurs : la vitesse de votre voiture, la distance qui sépare les deux véhicules, la vitesse à laquelle cette distance diminue, l’état de la route, et ainsi de suite. Mais il ne vous est pas nécessaire de connaître les valeurs numériques de ces quantités pour « déduire » la meilleure pression de freinage. Étant un conducteur expérimenté, vous freinez instinctivement avec la pression voulue ; vous avez développé une sensibilité au freinage. La logique floue est une méthode pour transmettre cette même sensibilité à une machine, un procédé qui facilite l’encodage du savoir-faire humain sous une forme que les ordinateurs peuvent comprendre et utiliser.
UN SIMPLE PROBLÈME DE CONTRÔLE
2Dans le jargon technique, la situation sur l'autoroute se traduit comme suit. Votre voiture et le véhicule devant vous forment un système. Votre cerveau sert à contrôler la distance entre les deux véhicules ; ses actions visent à éviter une collision en gardant la distance nécessaire. Cette analyse est utile si nous envisageons la conception d’un mécanisme pour le contrôle automatique des freins. L’appareil auquel nous pensons sera alimenté par toutes les données pertinentes (ou données d’entrée) : la vitesse de votre voiture, la distance qui sépare les deux véhicules, etc. À partir de ces informations, ce dispositif devra calculer le freinage approprié (ou données de sortie). Comme les données saisies changent continuellement, le cycle entrée/sortie (input/output) devra se répéter à intervalles réguliers (peut-être plusieurs fois par seconde) pour assurer un contrôle efficace.
3Nous sommes ici devant ce que les ingénieurs appellent un problème de contrôle : à partir des valeurs de certaines variables d’entrée (la vitesse, la distance, etc.), calculez la valeur de la variable de sortie (la pression sur la pédale de frein) qui garantit une performance satisfaisante du système (rouler à une distance prudente).
4La méthode classique pour résoudre ce problème requiert une modélisation mathématique du système. Il s’agit généralement d’un ensemble d’équations différentielles mettant en rapport les quantités numériques concernées avec leurs taux de changement. La pression du freinage nécessaire résulte alors de la résolution de ces équations. En définitive, notre problème de contrôle sera résolu, du moins en théorie, si nous pouvons proposer : (a) une description mathématique du système et (b) une méthode pour résoudre les équations qui proviennent de (a) en temps réel (cette condition étant cruciale, car l’appareil de contrôle doit pouvoir agir avant qu’il ne soit trop tard pour éviter une collision). Voilà les grandes lignes de la solution classique.
5Une approche différente a été mise à l’essai pour la première fois, il y a à peu près vingt ans. Se basant sur la théorie des ensembles flous, la nouvelle technique contourne l’exigence (a)—le besoin d’un modèle mathématique. Son principe central est l’encodage d’une version linguistique des opérations requises pour contrôler le système.
6Pour appliquer la nouvelle méthode à notre problème de freinage, nous devons d’abord analyser les mesures prises par le conducteur, à savoir la façon dont celui-ci répond, en freinant, aux diverses conditions de la vitesse et de la distance. Cette connaissance humaine est alors formalisée selon des règles conditionnelles :
si (conditions actuelles), alors (mesure à prendre)
7Le charme de ceci est que les règles peuvent être formulées selon les notions floues du langage courant. Par exemple : « Si votre vitesse est moyenne et que la distance qui vous sépare du véhicule qui précède est prudente et qu’elle diminue plutôt rapidement, alors freinez modérément. » Pour traiter cette information de façon numérique, les ensembles flous peuvent représenter mathématiquement les expressions imprécises « distance prudente », « pression modérée », et ainsi de suite. Ensuite, les règles d’opération sont encodées dans un programme pour ordinateur ou appareil de contrôle flou. Pendant que vous roulez sur l’autoroute, des détecteurs mesureront les données saisies (la vitesse, la distance, etc.) et transmettront ces informations à l’appareil de contrôle flou. En utilisant l’algorithme appelé inférence floue, l’appareil de contrôle calculera alors la bonne pression sur la pédale de frein. Si tout se passe bien, votre voiture et vous-même arriverez indemnes à destination.
8Cet exemple, quoiqu’un peu artificiel, sert à illustrer les concepts auxquels fait appel le problème du contrôle par la logique floue. Un appareil de contrôle flou fondé essentiellement sur les mêmes principes a été testé par Peugeot1. La voiture expérimentale est dotée d’un dispositif de sécurité capable d’assumer le freinage au cas où le conducteur soudainement serait distrait ou dans l’incapacité de maîtriser sa voiture. Par l’utilisation de quatre variables d’entrée et de vingt règles d’opération, l’appareil de contrôle calcule la pression pour freiner en cas d’urgence.
9Les applications commerciales de l’appareil de contrôle flou par l’industrie automobile touchent déjà les consommateurs—à leur insu, peut-être. Plusieurs fabricants japonais utilisent la logique floue pour contrôler la transmission automatique de leurs modèles. Par exemple, le système de contrôle de vitesse de la Mazda Sentia met à profit la logique floue pour empêcher le passage à une vitesse supérieure pendant l’ascension d’une pente2 ; de son côté, le modèle 1998 de la Nouvelle Coccinelle de Volkswagen utilise la logique floue pour adapter la transmission automatique au style du conducteur.
LES ORIGINES DU CONTRÔLE FLOU
10Retracer les origines d’une idée (qui a fait quoi ?—et, surtout, quand ?) est toujours une question délicate, mais il semble prudent d’attribuer à Abe Mamdani la première démonstration des possibilités pratiques de la théorie des ensembles flous. Mamdani était professeur au Département de génie électrique du Queen Mary College (actuellement, le Queen Mary and Westfield College) à Londres, au début des années 70, lorsque lui et son étudiant Seto Assilian employèrent la logique floue pour contrôler le fonctionnement d’un petit engin à vapeur3. Le contrôle du procédé flou était né.
11Rétrospectivement, il s’agissait de la réalisation d’une idée très simple : automatiser les décisions que prend un expert pour contrôler un processus. Un des premiers travaux entrepris en ce sens fit appel aux connaissances d’un expert exprimées sous forme de règles linguistiques. Celles-ci étaient dues à D. A. Watermann, lequel avait fait des recherches sur le lien existant entre l’apprentissage automatique et le poker4. Mamdani a reconnu l’influence qu’a exercée cet auteur sur la mise au point de sa nouvelle technique. « En fait, écrit-il, on devrait rappeler que les travaux sur le contrôle des processus qui recourent à la logique floue se sont inspirés autant de Watermann et de sa façon d’aborder les prises de décision basées sur des règles que de Zadeh et de sa nouvelle théorie des sous-ensembles flous »5.
12L’ingénierie du contrôle traditionnel repose sur des modèles mathématiques explicites. Cette approche est fructueuse quand les modèles se présentent comme de simples équations différentielles (généralement linéaires) comportant un petit nombre de variables d’entrée et de sortie. Mais beaucoup de processus, tels les réactions chimiques complexes ou le fonctionnement d’une usine, ne se prêtent guère à une telle approche, parce que personne ne comprend à vrai dire comment ils se déroulent. Le nombre de variables impliquées dans ces processus rend impossible la formulation, mathématiquement précise, de leur interrelations complexes. Dans de tels cas, le recours à la logique floue est tentant, parce que la conception d’un appareil de contrôle « flou » ne requiert pas un modèle théorique exact. Il suffit simplement d’avoir une stratégie générale de contrôle des processus, comme, par exemple, la connaissance d’un opérateur expérimenté.
13Dès que l’efficacité de la méthode de Mamdani fut expérimentalement établie, beaucoup de gens s’emparèrent de l’idée de recourir à la logique floue pour assurer le contrôle des systèmes : depuis les procédés industriels, tels que la cimenterie, la purification de l’eau et les fonctionnement automatique du métro, jusqu’aux appareils électroménagers.
14En 1980, le fabricant danois de ciment F. L. Smidth & Co. A/S s’est servi d’un appareil de contrôle flou pour réguler le fonctionnement d’un four. C’était la première application industrielle de la logique floue. Un four à ciment est une chambre rotative dans laquelle le calcaire, l’argile, le sable et le minerai de fer sont brûlés à hautes températures. Les petites concrétions qui se forment dans le processus sont ensuite pulvérisées sous forme de ciment. On contrôle le processus en faisant varier la vitesse de rotation du four, le taux du combustible et la vitesse du ventilateur d’induction qui aspire les gaz très chauds de la combustion. Il n’est pas possible de construire un modèle exact, parce que le four est sujet à des perturbations aléatoires qu’on ne peut quantifier, et parce que sa réponse aux actions de l’opérateur sont extrêmement variables.
15Trois ans plus tard, en 1983, l’usine de filtration d’eau à Akita City, au Japon, recourut aux techniques floues mises au point par Fuji Electric Co. Ltd. pour la régulation de l’injection des produits chimiques. La plus spectaculaire application de la logique floue de la décennie fut le système qui commande le métro automatisé de la ville japonaise de Sendai6. Se faisant plus doucement que dans les trains qui fonctionnent manuellement, le freinage et l’accélération rendent le voyage des passagers plus confortable et plus sécuritaire. Conçu par les ingénieurs de Hitachi, le système a réduit la consommation d’énergie de 10 %. Il a aussi ramené la marge d’erreur à moins de 10 cm par rapport aux points précis de l’arrêt des trains dans les stations— score supérieur à ceux de la plupart des conducteurs expérimentés, d’après un porte-parole du Bureau des transports municipaux de la ville.
16De semblables techniques seront plus tard intégrées dans des systèmes experts et étendues à des domaines aussi divers que le diagnostic médical, la reconnaissance des images par les robots et la prévision des taux de change. Nous discuterons de ces applications dans une section subséquente. Pour l’instant, penchons-nous sur la technique elle-même.
CALCULER AVEC LES MOTS
17Pour le célèbre astronome Galilée et beaucoup de ses successeurs, le livre de la nature a été écrit dans le langage des mathématiques, « et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques ». Nous savons aujourd’hui que cette vision idéaliste, fondée sur la foi plutôt que sur les faits, n’est que partiellement vraie, même si les mathématiques se sont considérablement développées depuis l’époque de Galilée. Bien entendu, beaucoup de relations observées ou théoriques peuvent se condenser en une formule mathématique précise. Un exemple fameux est le E = mc2 d’Einstein, équation qui lie l’énergie, la masse et la vitesse de la lumière. Mais d’autres relations sont imparfaitement connues et peuvent tout au plus être décrites selon les termes vagues d’un langage naturel, comme dans :
18si x est petit et y est moyen, alors z est grand
19Dans des cas comme celui-ci, nous disons que x, y et z sont des variables « linguistiques », parce que leurs valeurs ne sont pas des nombres mais des mots (petit, grand, etc.). Par l’emploi des ensembles flous, nous pouvons transformer ces mots en relations numériques sur lesquels peuvent être exécutés des calculs. Tel est le pouvoir de la logique floue, que Lotfi Zadeh a déjà appelée « une méthode pour calculer avec les mots ».
20Les valeurs d’une variable linguistique x sont en fait des sous-ensembles flous d’un certain ensemble X de nombres. Par exemple, supposons que x représente la vitesse d’une voiture (en kilomètres/heure) et que ses valeurs linguistiques soient « petite », « moyenne » et « haute ». Dans ce cas, X peut être l’ensemble des nombres de o à 200, chacun de ces trois mots désignant un certain sous-ensemble flou de X.
21Une règle d’inférence floue prend dès lors la forme générale suivante :
22si x est A et y est B alors z est C (6)
23où A, B et C sont des mots qui nomment des sous-ensembles flous. Dans une application pratique au contrôle, (6) décrit une relation entre les variables d’entrée (x et y) et la mesure de contrôle exigée (la variable de sortie z). Par exemple, « si la température (x) est élevée (A) et la densité de l’image (y) est faible (B), alors la charge (z) est haute (C) », est une des neuf règles qui contrôlent la quantité de charge électrique qui devrait être transmise au tambour d’une photocopieuse. La charge (z) dépend de la température (x) et de la densité, ou du ratio noir/blanc (y) de l’image en train d’être copiée.
UN TOUR D’ÉQUILIBRE
24Équilibrer un bâton sur la paume d’une main est un jeu d’enfant. Mais comment enseigner le truc à un robot ? L’histoire de la réponse que Takeshi Yamakawa a donnée à cette question fournit un remarquable aperçu de la méthodologie et du pouvoir du contrôle flou. À l’époque, en 1987, il travaillait au Département de génie électrique et de science informatique de l’Université de Kumamoto, mais un peu plus tard il se joignit au Kyushu Institute of Technology de Iizuka, qui venait d’être fondé. Les deux institutions sont situées à Kyushu, île de l’archipel du Japon.
25Le système7 de Yamakawa consiste en un petit véhicule (« la main du robot ») muni d’une perche rigide (le « bâton ») qui lui est reliée par un pivot, tel qu’illustré dans la figure 1.6. Le véhicule, propulsé par un servomoteur, peut se déplacer vers l’avant et vers l’arrière sur un rail rectiligne. Pour équilibrer la perche, ce mouvement doit se faire à une vitesse appropriée qui change constamment.
26Nous pouvons construire un modèle mathématique du problème en partant des lois de la physique. Les variables temporelles pertinentes sont la position du véhicule sur le rail (y), l’angle que forme la perche avec la verticale (θ) et leur vitesse de changement par rapport au temps ou, en termes mathématiques, leurs dérivées : y' (vitesse du véhicule), y" (son accélération), θ' (la vitesse angulaire de la perche) et θ" (l’accélération angulaire), la force horizontale H au point d’articulation du pivot, et ainsi de suite. En plus de ces quantités variables, certaines constantes sont également impliquées : la longueur de la perche (L) et les masses de la perche (m) et du véhicule (M).
27Le modèle mathématique consiste alors en un système de quatre équations différentielles non linéaires. À titre d’exemple, l’une d’elles est :
28H= my"+m(L/2) (θ' cos θ-θ"2 sin θ)
29La vitesse juste, c’est-à-dire savoir à quelle vitesse et dans quelle direction le véhicule doit se déplacer pour maintenir la perche en équilibre, dépend de la résolution de ces équations. Des méthodes pratiques sont disponibles pour résoudre le système d’équations par ordinateur. Mais pour empêcher la perche de tomber, surtout si elle est courte et légère, le calcul doit être fait presque instantanément. En d’autres mots, les équations doivent être résolues en temps réel, prouesse qui dépasse la puissance des ordinateurs actuels. Mais laissons là l’exactitude des modèles mathématiques, et revenons à logique floue.
30Yamakawa a basé son approche sur un modèle linguistique du système, plutôt que sur des équations différentielles. Ce modèle possède deux variables d’entrée : l’angle θ et sa dérivée θ'(en termes simples, θ'mesure la vitesse selon laquelle la perche tombe ou monte). La variable de sortie ou de contrôle est la vitesse du véhicule (y').
31Les valeurs de ces variables sont des nombres affectés d’un signe, c’est-à-dire pouvant être positifs, négatifs ou nuls (zéro). Le signe correspondant à θ, par exemple, indique dans quelle direction la perche est inclinée : vers l’avant (+), vers l’arrière (-), ni l’un ni l’autre (0) (à la verticale) ; le signe correspondant à y’indique si le véhicule doit se déplacer vers l’avant (+), vers l’arrière (-) ou rester immobile (0) ; le signe correspondant à 0'dépend du sens (des aiguilles d’une montre ou l’inverse) dans lequel la perche tourne.
32Comme première étape dans la construction d’un modèle linguistique, les mouvements exécutés instinctivement par un être humain pour équilibrer la perche sont analysés et exprimés sous forme de règles d’opération. En effet, nous disons au robot comment mouvoir sa main selon l’« erreur » (soit l’angle θ avec la verticale) et son taux de changement (θ'). Le charme de cette approche, c’est que l’on peut traduire ces instructions dans la langue de tous les jours. Par exemple :
33Si la perche est en équilibre, ne bougez pas votre main (7)
34Ensuite, les relations intuitives entre les variables sont encodées en fonction des ensembles flous. Ceux-ci sont appelés : négatif grand (NG), négatif moyen (NM), négatif petit (NP), zéro (ZR), positif petit (PP), positif moyen (PM), positif grand (PG). Dès lors, (7) devient la règle d’inférence floue :
35Si θ est ZR et θ' est ZR, alors y'est ZR (8)
36(Une perche en équilibre est verticale (θ = 0) et ne bouge pas (θ' = 0) ; vu que la « main » ne devrait pas bouger, sa vitesse (y') doit être égale à zéro.)
37Autre règle : « Si la perche s’incline légèrement en s’éloignant de vous et tombe lentement, bougez votre main vers l’avant mais pas trop vite », ce qui se traduit par :
38Si θ est PP et θ' est PP, alors y'est PP (9)
39En dehors de (8) et (9), le modèle linguistique conçu par Yamakawa comprend cinq autres règles ; elles sont toutes énumérées dans le tableau 1. Contrairement au modèle mathématique dont on a discuté précédemment, le modèle linguistique, lui, ne comporte explicitement aucune équation ou valeur numérique. Une autre différence entre les deux modèles concerne leur comportement à priori. Tandis que nous pouvons démontrer théoriquement que la solution des équations différentielles assure effectivement l’équilibre de la perche, aucune preuve semblable n’est possible en ce qui concerne le modèle linguistique. Autrement dit, personne ne peut prévoir si oui ou non l’algorithme d’inférence floue basé sur les sept règles linguistiques du tableau 1—ou sur un autre ensemble de règles similaires— peut parvenir à équilibrer la perche. Le succès — ou l’échec — ne se démontre qu’expérimentalement : mettez en marche le système et observez ce qui arrive.
TABLEAU 1. Sept règles linguistiques pour équilibrer un pendule renversé. Par exemple, la règle 4 : si l’angle est positif petit et la vitesse angulaire est négative petite, alors la vitesse du véhicule est zéro.
RÈGLE | ANGLE | VITESSE ANGULAIRE | VITESSE DU VÉHICULE |
no | (θ) | (θ') | (y') |
1. | ZR | ZR | ZR |
2. | PP | PP | PP |
3. | PM | ZR | PM |
4. | PP | NP | ZR |
5. | NM | ZR | NM |
6. | NP | NP | NP |
7. | NP | PP | ZR |
40Si un ensemble donné de règles d’inférence échoue à la tâche, essayez un nouvel ensemble (il est plus facile de créer des règles de contrôle que de résoudre des équations différentielles non linéaires). Remarquons ici que, si nous devions dire au robot quoi faire pour chaque condition d’entrée possible, nous nous retrouverions avec 49 règles (puisque θ et θ'peuvent prendre chacun sept valeurs linguistiques). C’est une des réalités de la méthode floue qu’un nombre de règles relativement petit suffit généralement à assurer le contrôle. Une solution de rechange à cette approche par tâtonnement est la recherche automatique d’un ensemble optimal de règles. Les plus populaires de ces techniques se fondent sur les réseaux de neurones et sur les algorithmes génétiques (qui feront l’objet de la troisième partie).
41Mais la détermination d’un ensemble convenable de règles de contrôle ne suffit pas. Afin d’obtenir un contrôle efficace, la réalisation de l’algorithme d’inférence floue doit être extrêmement rapide. Afin d’assurer une exécution presque instantanée, Yamakawa a conçu le premier appareil de contrôle flou à haute vitesse. En actionnant des interrupteurs, l’appareil de contrôle peut être programmé pour exécuter n’importe quel ensemble d’au plus quinze règles comprenant les sept valeurs floues, depuis celle de NP (négatif petit) jusqu’à celle de PG (positif grand). La fonction d’appartenance de chaque ensemble flou est représentée par un circuit. Le signal de sortie de ce circuit, qui varie de 0 à 5 volts, correspond aux degrés d’appartenance allant de 0,0 à 1,0. Quinze puces à « règles » accomplissent les inférences floues et une puce à « annuler le flou » convertit leurs conclusions en une valeur numérique analogique (l’algorithme d’inférence floue et l’annulation du flou sont expliqués dans la section suivante). Grâce à son architecture parallèle, le dispositif régulateur peut répondre à tout changement d’une valeur d’entrée en moins d’une microseconde. Ceci correspond à une vitesse « de déduction » d’un million de décisions floues par seconde.
42Pour démontrer l’efficacité de son régulateur, Yamakawa a appliqué celui-ci à la stabilisation de la perche, problème connu sous le nom de « contrôle du pendule inversé ». Voici comment fonctionne ce système. Un détecteur mesure l’angle θ que fait la perche avec la verticale, calcule la dérivée θ'et fournit ces informations au dispositif de contrôle. À partir de ces données, des puces à règles exécutent les sept inférences floues précisées dans le tableau 1, et une autre puce d’annulation du flou calcule la sortie (non floue). Cette valeur numérique détermine la vitesse de rotation du servomoteur qui déplace le petit véhicule sur les rails.
43Le contrôleur flou à haute vitesse a réussi à équilibrer un pendule court et un pendule long. Le court mesurait 5 mm de diamètre, 15 cm de longueur et pesait 3,5 g ; l’autre était deux fois plus épais, avait 50 cm de long et pesait 50 g. Le même ensemble de règles de contrôle fut utilisé dans les deux cas, même si les perches différaient par la longueur et par le poids. Ce qui confirmait l’efficacité du contrôle flou pour manoeuvrer des systèmes dont les paramètres varient dans le temps, tels les trains ou les réservoirs, qui peuvent être plus ou moins remplis. En outre, le contrôleur a démontré qu’il pouvait tolérer un mauvais fonctionnement ou un défaut de matériel aussi bien qu’une légère erreur de programmation. Car, même après la suppression d’une des règles ou un changement mineur dans une valeur floue (par exemple, de positif grand à positif moyen), le système fonctionna convenablement, quoiqu’il fût moins stable.
44Le système de contrôle flou et d’équilibrage de la perche a été fabriqué par la compagnie d’électronique Omron et exposé au IIe Congrès mondial de l’International Fuzzy Systems Association (IFSA). La rencontre, qui eut lieu à Tokyo durant l’été 1987, fut une vitrine pour les applications pratiques de la logique floue. Elle laissait prévoir le « boom flou » des biens de consommation du début des années 90, l’industrie japonaise s’étant rendu compte du potentiel commercial de ces nouvelles techniques (caméscopes, conditionneurs d’air, machines à laver).
LA MAGIE DE L’INFÉRENCE FLOUE
Si l’humanité se contente de conquérir un pouvoir sur les choses, elle pourra sans doute se résigner à l’incompréhension, car on peut agir sans comprendre les raisons de l’efficacité de notre action.
(René Thom)8
45L’étape cruciale dans la mise en œuvre d’une règle d’inférence floue est de lui donner une forme mathématique. Ceci se fait généralement en interprétant :
46si x est A et y est B, alors z est C
47comme la description d’une procédure qui génère un nouveau sousensemble flou C’(la « conclusion ») à partir des sous-ensembles flous A’ et B’(les données). La procédure est souvent présentée comme une fausse déduction logique ou inférence « floue » :
48Règle : si x est A et y est B, alors z est C
49Prémisses : x est A', y est B'
50Conclusion : z est C’
51Dans la plupart des applications, les valeurs de x et y sont des nombres x0 et y0 qui résultent de la mesure de la vitesse, de l’angle, du voltage, ou d’une autre variable (numérique). Alors, les prémisses « x est A’« et « y est B’« deviennent « x est (égal à) x0 » et « y est (égal à) y0 », la fonction d’appartenance du sous-ensemble flou C'étant définie par l’équation
52C’(z) = min{A(x0), B(y0), C(z)} (10)
53Ce qui signifie que le degré d’appartenance à C’du nombre z est le plus petit, ou le minimum, des degrés A(x0), B(y0), C(z).
54L’application de la logique floue aux problèmes de la vie réelle exige généralement plus d’une règle d’inférence—Mamdani utilisa quinze règles linguistiques pour contrôler le fonctionnement de son engin à vapeur. Pour les valeurs données x0 et y0, chaque règle produit un sous-ensemble flou (tel que calculé ci-dessus en (10)), lequel peut être interprété comme étant la contribution de cette règle particulière à la décision finale. Ces sous-ensembles flous, ou conclusions partielles, sont alors combinées en une seule conclusion finale D qui utilise l’opération d’union floue (voir Opérations sur les ensembles flous) :
55D =C’1∪C’2∪...C’n (11)
56où C’1 est la conclusion de la règle 1, C’2 est la conclusion de la règle 2, et ainsi de suite. Étant donné que l’opération de contrôle consiste généralement à régler la pression, la température, la charge, etc., la valeur de la variable z de sortie doit être un seul nombre z0 (« le contrôle flou » étant, en réalité, le contrôle exact calculé à partir des règles floues). Le nombre z0 est calculé à partir de l’ensemble flou D ci-dessus par une procédure d’annulation du flou. L’une des méthodes les plus largement utilisées est celle que l’on appelle la méthode du centre de gravité : si le sous-ensemble flou D est représenté par sa fonction d’appartenance (voir la figure 1.7), son centre de gravité est le nombre z0 tel que la ligne verticale qui passe par ce point divise le graphique en deux régions d’égale surface.
57Le procédé utilisé ci-dessus pour calculer la valeur z0 de sortie à partir des valeurs x0 et y0 d’entrée s’appelle algorithme d’inférence floue. Illustrons cela par un cas très simple (pour une analyse plus détaillée, voir l’appendice 1). Considérons un système fictif avec, pour variables d’entrée x et y, et, pour variable de sortie z, ainsi que deux ensembles flous « approximativement zéro » et « positif petit », dont les fonctions d’appartenance apparaissent dans la figure 1.8.
58Les relations entre les trois variables sont décrites par les deux règles linguistiques suivantes :
59Règle 1 : si x est approximativement zéro et y est positif petit, alors z est Approximativement zéro.
60Règle 2 : si x est positif petit et y est approximativement zéro, alors z est positif petit.
61Quelle est la valeur optimale de z si x = 0,8 et y = 0,4 (tel que mesuré par certains capteurs, par exemple) ? La conclusion de l’inférence floue est l’ensemble flou D à droite de la figure, et son centre de gravité est le nombre 0,7. L’algorithme d’inférence floue nous aura ainsi permis de « déduire » que si x est 0,8 et y est 0,4, alors z devrait être 0,7.
(Si, parvenu à ce point, le lecteur essaie de comprendre pourquoi cet algorithme en arrive à contrôler efficacement certains systèmes réels, alors il est en bonne compagnie, car pratiquement personne ne comprend vraiment pourquoi l’algorithme marche !)
62Un algorithme de contrôle flou est habituellement très « robuste ». Ce qui veut dire qu’il peut tolérer certains changements (dans les opérations, les fonctions d’appartenance ou les paramètres du système) sans modifier de façon significative le rendement global de l’appareil.
63Beaucoup d’autres algorithmes qui intègrent des idées et des techniques basées sur la théorie des ensembles flous ont bien fonctionné en pratique.
64Par exemple, l’algorithme qui contrôle la vitesse des trains automatiques9 dans la ville japonaise de Sendai recourt à douze règles du type
65si (u = c implique que x est A et y est B), alors u-c
66où A et B sont des ensembles flous qui évaluent le rendement du système et c est une commande de contrôle non floue. À partir des données d’entrée (le temps, la position, la vitesse, etc.), l’algorithme assigne à chaque règle un nombre entre o et 1—la « vraisemblance » de la règle. Alors, la commande de contrôle c de la règle la plus vraisemblable est exécutée (par exemple, les freins sont réglés sur la coche 9). Le programme qui exécute l’algorithme sur un micro-ordinateur calcule une commande de contrôle toutes les 100 millisecondes.
LA LOGIQUE FLOUE SE FAIT COMMERCIALE
67À la fin de 1990, on estimait que le nombre d’applications pratiques de la logique floue au Japon se situait entre deux cents et trois cents. Beaucoup de ces applications concernaient des biens de consommation qui, du même coup, faisaient entrer le mot « flou » dans les foyers japonais. « L’âge du flou a commencé », proclamait un message publicitaire pour la machine à laver Aisaigo Day Fuzzy, fabriquée par Matsushita. Il est intéressant de noter que la publicité emploie le mot anglais fuzzy [« flou »] à la place du mot japonais équivalent aimai. Ce stratagème de marketing s’avéra fructueux et rapidement tout produit portant l’épithète fuzzy fit un malheur.
68Mais la notion de produit flou est elle-même floue. Dans l’ensemble, les produits dits « flous » sont des appareils électroniques qui incorporent, à un certain degré, le contrôle flou—bien qu’on ne puisse pas toujours dire dans quelle mesure : 10 pour cent, 50 pour cent ou 1 pour cent ? Leurs principales caractéristiques sont la simplicité de la mise en marche et le fonctionnement intelligent. L’utilisateur n’a qu’à appuyer sur le bouton de la machine ; après quoi, celle-ci va littéralement se contrôler toute seule et répondre avec bon sens aux conditions changeantes. En réalité, ces nouveaux appareils sont, dans bien des cas, plus performants que les modèles traditionnels.
69Quand il faut laver le linge, par exemple, vous pouvez faire confiance à la puce floue pour décider de la meilleur façon de le faire. Remplissez seulement la machine à laver National et appuyez sur le bouton. Un détecteur optique va déterminer la sorte et le degré de saleté à partir de l’état de l’eau. D’autre détecteurs vont vérifier la taille de la brassée et la sorte de détergent utilisé. À partir de ces informations, les règles d’inférence floue vont sélectionner le niveau d’eau et autres réglages pour le cycle le mieux adapté et le plus économique. Le fabricant promet un lavage parfait et des économies substantielles d’électricité. (Malheureusement, la machine ne vous avertira pas si vous mêlez des articles qui ne devraient pas être lavés ensemble ; auquel cas, attendez-vous à des couleurs floues à la fin du lavage !)
70L’iris automatique du caméscope Sanyo répond plus efficacement aux conditions d’éclairage complexe avec la flexibilité des ensembles flous. Dans les systèmes classiques, il n’y a que deux degrés de « luminosité » : o, si elle est de moins 1000 lux, et 1, si elle est égale à ou excède 1000 lux. Ainsi, des degrés de luminosité qui sont proches l’un de l’autre, mais situés de part et d’autre de la ligne de démarcation, entraînent des degrés d’intensité très éloignés. Grâce à une fonction d’appartenance floue, les degrés augmentent doucement de o à 1, si bien que de tels sauts ne se produisent pas. La luminosité d’ensemble est évaluée par l’emploi de règles qui déterminent la priorité des différentes régions de l’image dans différentes conditions. Ces règles d’inférence font usage de concepts tels que « petite » luminosité ou deux degrés d’intensité « proches » l’un de l’autre. La caméra peut alors compenser la lumière de fond ou l’excès de lumière au premier plan mieux que ne pourraient le faire les appareils qui basent l’estimation de la luminosité sur le tout-ou-rien.
71En septembre 1989, Toshiba Corporation annonçait un système de gestion des ascenseurs muni d’un contrôleur flou incorporé à un système expert standard. Conçu pour gérer huit ascenseurs, le système Command-AI promettait de réduire le temps d’attente dans une tour en affectant de façon optimale un ascenseur à chaque appel. « Avec ce nouveau système flou, proclamait-on dans la brochure explicative, la possibilité d’avoir à attendre plus de 60 secondes est réduite de 30 % [par comparaison avec le système standard]. »
72Le procédé de la photocopie, que la plupart des utilisateurs tiennent pour acquis (comment faisaient-ils au Moyen Âge, avant l’invention des photocopieuses ?) est délicat. Les processus électriques et optiques qui interviennent sont influencés, entre autres facteurs, par la température, l’état de l’encre et la densité de l’image (le rapport noir/blanc) du document à photocopier. Si ces variables ne sont pas convenablement contrôlées, la copie peut être de très mauvaise qualité. Dans les machines ordinaires, les réglages nécessaires sont faits manuellement par un technicien qualifié. Dans un modèle mis en vente par Canon en octobre 1990, un système utilisant la logique floue accomplit les réglages appropriés permettant d’assurer le transfert de l’encre au papier par électricité statique dans les meilleures conditions. Un détecteur mesure la température pendant qu’un potentiomètre saisit la densité de l’image du document. Neuf règles d’inférence floue entrent en jeu pour « déduire » la bonne charge (potentiel électrique) du tambour d’entraînement. Par exemple, « si la température est basse et la densité de l’image est haute, alors la charge est moyenne ». Le fabricant prétend que ce système non seulement élimine la nécessité d’un réglage manuel, mais qu’il réduit aussi le nombre de feuilles qui restent coincées, tout en maintenant une qualité de copie uniforme.
73La frénésie du flou a couvert tout le spectre des biens de consommation : les appareils de télévision qui règlent le volume selon le niveau du bruit ambiant et la distance du téléspectateur, les fours à micro-ondes et les aspirateurs flous, les caméras vidéo capables de mettre au point le sujet, peu importe où celui-ci apparaît dans le cadre de l’image (les merveilles de la mise au point... floue).
74Beaucoup d’autres usages pratiques de la logique floue furent testés pendant cette période, depuis l’aide au robot10 dans ses mouvements jusqu’au réglage de l’ajusteur d’image d’un vidéo11. Nombre de ces appareils étaient des prototypes, et il est difficile de dire s’ils ont jamais dépassé le stade expérimental. Quoi qu’il en soit, d’après l’estimation d’un expert12, le nombre de produits flous mis sur le marché au Japon pendant la période 1989-1993 dépasse les 600. Cette affirmation nous ramène à la question épineuse de l’évaluation des composantes floues d’un produit « flou » qui se proclame tel, et à celle, fondamentale, de ce qui constitue une « application » d’une théorie donnée. Si les ordinateurs numériques servent à gérer la production de pétrole, devons-nous considérer cela comme une application industrielle de l’arithmétique binaire et de l’algèbre booléenne ou comme une application des transistors et des circuits électroniques ?
75Malgré toutes les merveilles de la théorie des ensembles flous, la plupart des applications de la logique floue n’existeraient pas sans la technologie avancée des détecteurs, des puces et de l’informatique à haute vitesse. Mais quel que soit le mérite de cette théorie dans la fabrication de tant de produits intelligents et conviviaux, les ingénieurs japonais ont raison d’être fiers d’avoir établi de nouveaux standards de conception et de performance. « Pour ce qui est du flou, dit Masato Nakayashiki, directeur général du Laboratory for International Fuzzy Engineering Research (LIFE) à Yokohama, personne ne peut prétendre que le Japon imite la technologie étrangère. »
76Comme tous les booms qui méritent ce nom, celui du flou s’est finalement résorbé, tout au moins dans l’importance que lui accordaient les médias. Étant donné que la nouvelle technologie a fait l’objet d’une large couverture médiatique au Japon et ailleurs, il était prévisible que le « flou » ne serait plus d’actualité vers la fin de 1991.
77Selon Nakayashiki, « le boom du flou a profité d’éléments hautement émotifs. Parmi ceux-ci, des attentes excessives ou des malentendus de bonne foi qui considèrent comme magique la technologie floue. Néanmoins, on perçoit dans cette réaction le désir des gens pour la simplicité, la convivialité et l’humanisme dans la technologie »13.
78D’un point de vue plus large, à savoir celui de tous les êtres humains, et pas seulement celui des consommateurs nantis, l’amélioration de la performance des appareils électroménagers, des ascenseurs et des automobiles, qui étaient déjà parmi les plus perfectionnés au monde, apparaît comme une application plutôt frivole de la théorie. Cependant, c’est par ces usages terre-à-terre que les gens ordinaires se sont rendu compte de l’existence et des conséquences pratiques d’une idée mathématique : la notion d’ensemble flou.
LES DONNÉES FLOUES
79Les données d’entrée x0 et y0 de l’algorithme d’inférence floue sont habituellement des nombres qui mesurent certaines quantités scalaires telles que la température ou le voltage. Dans les applications de contrôle, ces nombres s’obtiennent sans intervention humaine directe, par l’emploi de détecteurs ou de certains autres dispositifs automatiques. Le premier stade de l’algorithme rend floues les données précises x0 et y0 par le calcul de leurs degrés d’appartenance aux différents ensembles flous. Dans certains cas, cependant, les données d’entrée sont déjà floues. Cette situation survient quand un expert doit estimer à quel degré, de 0 à 1, se manifeste une caractéristique ou un trait, comme, par exemple, dans l’application de l’inférence floue à un diagnostic médical.
80Pour le premier dépistage du cancer de la prostate, les médecins peuvent recourir à un examen rectal et aux images obtenues par des techniques ultrasoniques. Mais l’évaluation clinique des images ultrasoniques, bien qu’établie par un médecin compétent, demeure extrêmement subjective. Afin d’assurer une évaluation plus objective, une équipe de médecins japonais a mis au point un système de diagnostic basé sur la logique floue, lequel peut être exécuté sur un ordinateur personnel14.
81Un examen du rectum par un scanner sert à transmettre des images transversales de la prostate. Le médecin étudie alors certains traits de l’image pour voir si la forme est lisse (le degré d’appartenance g = 0), inégale (g =1) ou entre les deux (0 < g < 1). La valeur floue est saisie en déplaçant un pointeur le long de l’image télévisuelle d’une ligne représentant l’intervalle [0, 1] et en cliquant sur le point approprié. Fondé sur les règles générales du diagnostic par ultrason dont se servent les urologues, l’algorithme calcule une donnée de sortie numérique. D’après ce nombre, on déclare que le patient est en bonne santé, qu’il souffre du cancer de la prostate ou qu’il est un « cas flou », si le test n’est pas concluant.
82Les essais cliniques du système seraient très encourageants. Lorsqu’il a été mis à l’épreuve sur trente patients dont le cancer de la prostate avait été confirmé, le verdict informatique a donné lieu à un seul faux cas négatif et à deux cas dans la zone floue. La quantification du vague et de la subjectivité, qui sont au cœur de l’approche floue, a encore démontré qu’elle est un moyen efficace pour automatiser la prise de décision.
83Les sondages d’opinion constituent un autre domaine qui pourrait tirer parti de la flexibilité des données floues. Quand on consulte les gens sur une question particulière—la peine capitale, par exemple—on leur demande généralement de choisir parmi un petit nombre de réponses : fortement pour, plus ou moins pour, fortement contre, et ainsi de suite. Dans le cas extrême des référendums, il n’y a que deux choix possibles : oui ou non. C’est tout ou rien, noir ou blanc, alors qu’en réalité beaucoup de gens se situent quelque part entre les deux extrêmes.
84En permettant que la réponse soit un nombre entre o (= non) et 1 (= oui), les électeurs indécis peuvent exprimer leur incertitude et leurs hésitations (« oui mais », « plutôt non », etc.). Ces votes divisés seront comptés comme une fraction de l’appui accordé à chacune des options, comme 0,75 oui/0,25 non. En guise d’exemple de ce qui pourrait arriver, supposons que le résultat d’un référendum classique est de 54 % contre et 46 % pour. Si un tiers de ceux qui ont voté non avaient pu donner une réponse moins catégorique, disons 0,75 oui/0,25 non (au lieu de 1 oui/o non), alors le résultat aurait été inversé, avec le oui l’emportant sur le non par 50,5 % contre 49,5 %. Beaucoup d’autres répartitions de l’incertitude sont évidemment possibles. Par la quantification des degrés de conviction de chaque bulletin, la volonté populaire serait mieux jaugée et la démocratie mieux servie15.
85Le consommateur lui-même serait avantagé si on lui permettait d’exprimer ses préférences par gradation. Consumer’s Edge, une société californienne de logiciels, espère offrir des « entrevues approfondies » sur Internet par une longue série de questions et de réponses visant à aider le consommateur dans ses choix. Si vous êtes dans le marché des automobiles, le programme vous informe qu’il y a 746 voitures à votre disposition. Alors on commence par vous demander combien vous voulez débourser, quelle importance vous accordez à l’air conditionné, à la direction assistée, aux freins antiblocage [ABS], etc. Les réponses ne sont pas seulement oui ou non ; vous pouvez exprimer une préférence partielle en glissant un cadran à gauche ou à droite avec votre souris16.
LE GÉNIE FLOU ET LIFE
Au fur et à mesure que la science et la technologie progressent, nous espérons pouvoir insuffler aux machines quelques-unes des qualités humaines. En plus d’être intelligentes, nous aimerions qu’elles soient amicales, attentionnées, tolérantes, voire sympathiques et compréhensives.
Mais qu’adviendrait-il si, les machines commençant à nous ressembler sur certains points, il s’avérait impossible de filtrer le côté sombre de la nature humaine : l’égoïsme, l’intolérance, la méchanceté—la liste est longue.
86Au début de 1989, lorsque les applications industrielles et commerciales de la logique floue se répandirent, le gouvernement japonais persuada un vaste consortium de compagnies internationales de créer un nouveau centre de recherche et de développement sur l’informatique floue. Ainsi fut établi en mars 1989 le Laboratory for International Fuzzy Engineering Research (LIÉE), société privée bénéficiant d’exonérations fiscales spéciales. Ses quarante-neuf membres provenaient du milieu industriel et des grandes compagnies japonaises (Matsushita, Canon, Hitachi, Mitsubishi, etc.).
87On vit dans le succès fulgurant des méthodes floues un prélude à des réalisations encore plus dramatiques. Le nouveau centre devait coordonner les efforts du gouvernement, de l’industrie et des institutions d’enseignement pour répondre à ces attentes—et encaisser les résultats. Situé dans la cité portuaire de Yokohama, sur la rive occidentale de la baie de Tokyo, LIFE devait mettre au point les applications de la théorie du flou à l’ingénierie, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la production expérimentale et l’évaluation. Le Laboratoire chercha à promouvoir l’intérêt pour les méthodes floues par des échanges technologiques entre le Japon et certaines compagnies étrangères. Pour remplir sa mission, on lui accorda six ans et un budget de 50 millions de dollars.
88Toshiro Terano, qui fut directeur de la recherche au LIFE, appelle génie flou la combinaison de la logique floue, qui sert d’outil, et de l’ingénierie des systèmes, qui est une méthodologie pour traiter de façon globale des problèmes complexes. Le génie flou favorise une représentation qualitative des principaux aspects d’un problème ; de cette représentation résulte une stratégie de solution floue semblable au raisonnement humain, qu’on peut ensuite coder comme un algorithme ou sous une autre forme mathématique. « La nécessité du génie flou, de dire Terano, dépend de la mesure où le facteur humain est pris en compte par l’ingénieur qui conçoit un système. »
89Cette préoccupation de l’élément humain a persisté pendant toute l’existence de LIFE et a peut-être été voulue par le choix de l’acronyme— attribué à Michio Sugeno, professeur à l’Institut de technologie de Tokyo, à qui revient également l’honneur d’avoir eu l’idée de créer le Laboratoire. La priorité de LIFE était de placer l’être humain au centre d’une société axée sur l’information, mais utilisant la langue de tous les jours. Cette perspective souleva le problème du traitement de l’ambiguïté inhérente au langage naturel, ainsi que la question de la signification et de la subjectivité, voire même le rôle des émotions. Un des postulats de LIFE était que les méthodes floues devaient détenir la clé de la conception des machines intelligentes, ces cerveaux artificiels dont les capacités allaient être semblables, par certains aspects, à celles de l’esprit humain. Pendant que d’autres efforts en vue de constituer des machines intelligentes cherchaient à modéliser les aspects physiologiques du cerveau, le génie flou se concentrait sur ses fonctions psychologiques.
SPÉCULER SUR DES DÉCISIONS FLOUES
90LIFE concentra d’abord ses efforts sur trois champs de recherche : les systèmes de décision (ce qui inclut le contrôle flou), la mise au point de robots intelligents et la conception d’un ordinateur flou qui puisse exécuter des opérations floues (telles que les opérations sur les ensembles flous ou l’arithmétique floue) à haute vitesse. Ainsi donc, la recherche s’orientait vers la résolution des problèmes concrets plutôt que vers l’élaboration de théories abstraites.
91Parmi les projets du premier champ, les chercheurs de LIFE inventèrent un système de décision pour les opérations de change. La spéculation sur les taux de change est typique d’un problème complexe qui échappe à la modélisation mathématique. En dehors des données standard (taux d’intérêt, balances commerciales, etc.), les fluctuations des taux sont également influencées par des informations non numériques, par exemple les déclarations des autorités financières, les décisions politiques réelles ou appréhendées, les nouvelles internationales. Des facteurs psychologiques, comme l’idée que les courtiers se font du marché, doivent également être pris en considération.
92Le système expert flou qui en a résulté a rassemblé les relations complexes de quelque trois cents variables exprimées sous la forme de règles d’inférence floue. Par exemple : « si les taux de la Réserve fédérale américaine sont élevés et que le taux d’escompte officiel est bas, les taux d’intérêt américains à court terme partent à la hausse ». L’expérience des courtiers en devises et autres responsables du marché, les modèles mathématiques des théories économiques et les analyses de nombreux cas sont intervenus dans la formulation de cinq mille règles floues. Des séries d’essais du système ont donné des résultats satisfaisants, si on exclut le temps de calcul comme facteur de performance17. Cependant, même si la technologie mise au point n’est pas encore prête pour sa mise en marché, les gens de LIFE croient qu’aucune autre démarche n’aurait abouti à un système de performance comparable.
L’HELICO FLOU
93Pendant sa deuxième période d’existence, de 1992 à 1995, le Laboratoire concentra ses projets de recherche sur le thème général de l’étude des systèmes conviviaux d’information. Ses efforts portèrent sur deux fronts qui, en quelque sorte, se chevauchaient, à savoir la fabrication de machines intelligentes et le développement de la communication entre l’homme et l’ordinateur.
94L’un des robots intelligents mis au point conjointement par le LIFE et l’Institut de technologie de Tokyo prit la forme d’un petit hélicoptère pouvant exécuter des ordres verbaux donnés en langage naturel, comme « planer » ou « voler vers l’avant sur une courte distance ». Le but ultime de ce projet à long terme était de mettre au point un contrôleur de vol automatique capable de traiter l’information qualitative aussi bien que quantitative. Guidé par un tel mécanisme, l’hélicoptère devait posséder une grande autonomie lui permettant d’accomplir des tâches délicates en cas de mauvais temps et dans certaines conditions environnementales trop dangereuses pour le pilote. Comme le robot « comprenait » le langage naturel, il pouvait être dirigé par quelqu’un sans grande expérience—ce qui est un avantage certain par rapport aux modèles standard radio-guidés, dont la manipulation efficace requiert des mois d’entraînement.
95Un hélicoptère est un système intrinsèquement instable, et pas seulement dans les airs, car il peut subir le contrechoc de ses propres vibrations lorsqu’il est au sol. Afin de le stabiliser et de le diriger, le pilote doit régler la vitesse et le degré d’inclinaison des pales du rotor en fonction du mode de vol (planer, déplacement vers l’avant, déplacement vers la gauche, etc.). Cela se fait par un emploi habile de manches, de pédales et de leviers. La dynamique de vol d’un hélicoptère est extrêmement difficile à décrire de façon analytique, étant donné l’étroite interrelation (ou cross-coupling, dans le jargon technique [anglais]) des différent modes de vol (par exemple, voler vers l’avant peut avoir un effet sur la stabilité latérale). L’approche floue, qui n’exige pas une description mathématique explicite de la dynamique du système, devient alors un choix normal pour la stratégie de contrôle. Après tout, un pilote réussit à faire fonctionner son appareil sans avoir besoin d’un modèle mathématique.
96Les règles linguistiques qui forment la base de connaissances du contrôleur flou ont d’abord été formulées à l’aide de manuels de fonctionnement et d’entrevues avec des pilotes expérimentés. « Si l’appareil porte vers la droite, déplacez alors le manche latéral vers la gauche ; s’il porte vers l’avant, déplacez le manche longitudinal vers l’arrière » sont les règles classiques pour planer. Ces règles ont ensuite été testées et raffinées sur un simulateur de vol, et les paramètres numériques ont été réglés à la lumière d’essais en situation réelle. La connaissance des lois de la physique qui régissent le mouvement des structures rigides a également guidé tout le processus de la conception.
97Un ensemble de détecteurs montés à bord mesure les angles, les vitesses, les accélérations et les autres variables pertinentes. Sur la base de ces données, le contrôleur flou exécute les actions du pilote, en réponse aux ordres vocaux. « Le » contrôleur est en fait une combinaison de plusieurs contrôleurs flous organisés de façon hiérarchique. Par exemple, l’un de ces contrôleurs règle l’angle d’inclinaison par rapport à la bonne direction, ce qu’un pilote peut faire en pesant sur une pédale. Dans le fonctionnement automatique, les données d’entrée sont l’erreur—la différence entre la lecture du détecteur et l’angle juste—et le taux de changement de cette erreur. La pédale est alors réglée par le contrôleur flou en fonction des données de sortie d’une inférence floue qui comporte neuf règles linguistiques. Par exemple, l’une d’entre elles est : « si l’erreur est zéro et le taux de changement est positif, alors la pédale est négative moyenne ». D’autres ensembles de règles contrôlent l’altitude, l’angle de roulis, la vitesse, et ainsi de suite. Un directeur de vol flou combine les données de sortie des différentes inférences floues et contribue à adoucir les transitions entre les modes de vol.
98Le petit hélicoptère—3,5 m de long avec une charge utile de seulement 20 kg—en est encore au stade expérimental. Plusieurs modes de vol (planer, marche avant, en cercle, arrêt) ont déjà été testés, tandis que des modes supplémentaires, tels que le décollage et l’atterrissage, attendent encore de l’être. Mais, en fin de compte, la véritable signification de projets comme ceux-ci ne consiste pas nécessairement en leur réalisation pratique. Ils servent plutôt de prototypes de systèmes complexes sur lesquels on peut explorer les possibilités—et les limites—des techniques floues. Comme le disent eux-mêmes les auteurs dans la conclusion d’un de leurs rapports, « ce que nous avons appris jusqu’à présent, c’est qu’un contrôleur flou hiérarchique peut contrôler avec succès un système fortement couplé avec seulement de l’information qualitative et sans avoir besoin d’une expression mathématique explicite du modèle »18.
APRÈS LE LIFE
99Au début de 1995, LIFE, tel que prévu, cessa d’exister. Son principal héritage est peut-être d’avoir démontré le potentiel de l’approche floue dans la création de systèmes à haut niveau d’intelligence. Fondées sur les méthodes et les idées élaborées durant les six courtes années d’existence du Laboratoire, beaucoup de conceptions audacieuses pourraient devenir réalité dans un proche avenir. En voici quelques-unes : des fauteuils roulants intelligents, des systèmes vocaux de navigation pour guider les aveugles et autres appareils intelligents destinés aux handicapés ; la production d’images faisant appel au langage naturel pour aider le processus de création dans le design, les dessins par ordinateur et la réalité virtuelle ; des logiciels pouvant automatiquement résumer le contenu d’articles ou de rapports, en dégageant de ceux-ci certains éléments clés ; des robots qui soient capables d’agir sur de simples instructions en inférant les intentions de l’utilisateur19.
100L’expérience de Toshiro Terano, qui, vingt ans durant, a constaté le succès des méthodes floues dans la résolution des problèmes concrets, l’a convaincu de leur utilité. Mais il admet qu’une reconnaissance plus large n’est pas encore acquise. « Les tentatives, dans l’ingénierie floue, pour introduire le flou et en faire un usage intensif n’ont jamais été acceptées par la communauté scientifique », dit-il. Peu importe ! Sa foi dans le pouvoir des techniques floues demeure aussi forte que jamais. À l’avenir, il s’attend à ce que les ordinateurs puissent aider les êtres humains en leur fournissant de l’information qui soit non seulement correcte mais également signifiante ; de l’information qui stimule l’esprit et accroisse la connaissance et la créativité. Cela s’accomplira par un dialogue entre l’utilisateur et la machine dans la langue de tous les jours, comme cela se fait naturellement entre les êtres humains. Et l’ancien directeur de recherche de LIFE croit que l’ingénierie floue a un rôle déterminant à jouer dans la réalisation d’un but aussi ambitieux, LIFE est mort, vive l’ingénierie floue !
UNE PERSPECTIVE PERSONNELLE
101Au printemps de 1996, s’adressant à des experts dans une rencontre au campus de Berkeley de l’Université de Californie, Lotfi Zadeh réfléchissait sur l’évolution de la logique floue dans l’optique de sa position personnelle. Dès 1962, trois ans avant la publication de son article décisif sur les ensembles flous, il attira l’attention sur le besoin d’introduire un type de mathématiques radicalement different : « les mathématiques des quantités floues ou nébuleuses ». Ces nouvelles mathématiques devaient servir à l’étude de ce qu’il appela les systèmes animés, en particulier les situations où interviennent le langage humain, les décisions et le raisonnement. Quelque trente ans plus tard, il se réjouissait du progrès accompli, mais reconnaissait qu’on ne fait « tout simplement que gratter la surface ». Et d’ajouter : « En nous limitant aux techniques classiques, nous ne pouvons combler l’écart. Nous pouvons aujourd’hui faire plus grâce à la logique floue, aux réseaux de neurones, aux algorithmes génétiques, etc., mais nous avons besoin de faire beaucoup plus. »
102Zadeh donne l’exemple d’un problème pratique que l’on ne pourrait pas résoudre à l’aide des seules techniques classiques : celui des appels téléphoniques frauduleux. Un individu malhonnête téléphone en utilisant le mot de passe d’un client C, qui reçoit par la suite la facture. Comment la compagnie de téléphone, en consultant le dossier du client C, peut-elle savoir que l’appel est « anormal » ? Zadeh a prédit que seul un système neuro-flou sera en mesure de résoudre ce problème, car l’« anormalité » est elle-même un concept flou.
103Il y a beaucoup d’expériences en cours sur les différentes sortes de systèmes « hybrides », qui combinent les avantages de deux ou de plusieurs techniques souples. Le mariage de la logique floue et des réseaux de neurones, ou neuro-flou, constitue une des unions les plus populaires. Par exemple, on peut utiliser des réseaux de neurones pour « apprendre » les fonctions d’appartenance floues qui aboutissent au meilleur rendement du système. Mais ici nous allons trop vite. Les réseaux de neurones seront présentés dans la troisième partie. Pour l’instant, nous allons d’abord jeter un coup d’œil sur les limites des ordinateurs numériques.
Notes de bas de page
1 J. P. Aurrand-Lions, L. Fournier, P. Jarri, M. de Saint-blancard et E. Sanchez, « Application of Fuzzy Control for ISIS Vehicle Braking », dans R. Lowen et M. Roubens (éds.), Proceedings of the Fourth World Congress of the International Fuzzy Systems Association IFSA ‘91, Engineering Volume, Bruxelles, 1991, pp. 9-12.
2 A. Bastian, « Fuzzy Logic in Automatic Transmission Control », dans Vehicle Systems Dynamics, 24 (L955), pp. 389-400.
3 E. H. Mamdani et S. Assilian, « An Experiment in Linguistic Synthesis with a Fuzzy Logic Controller », dans International Journal of Man-Machine Studies, 7 (1975), pp. 1-13.
4 D. A. Watermann, « Généralisation Learning Techniques for Automating the Learning of Heuristics », dans Artificial Intelligence, vol. 1 (1970), pp. 121-170.
5 E. H. Mamdani, « Process Control Using Fuzzy Logic », dans P. P. Wang et S. K. Chang (éds.), Fuzzy Sets: Theory and Applications to Policy Analysis and Information Systems, New York et Londres, Plenum Press (1980), pp. 240-265.
6 S. Yasunobu, S. Miyamoto et H. Ihara, « Fuzzy Control for Automatic Train Operation System », IFAC Control in Transportation Systems, Baden-Baden, 1983, pp. 33-39.
7 T. Yamakawa, « Stabilization of an Inverted Pendulum by a High-Speed Fuzzy Logic Controller Hardware System », dans Fuzzy Sets and Systems, 32 (1989), pp. 161-180.
8 R. Thom, « La magie contemporaine », dans Y. Johannisse (éd.), La magie contemporaine—l’échec du savoir moderne, Montréal, Québec-Amérique, 1994.
9 S. Yasunobo et S. Miyamoto, « Automatic Train Operation by Prédictive Fuzzy Control », dans M. Sugeno (éd.), Industrial Applications of Fuzzy Control, Amsterdam, North-Holland, 1985, pp. 1-18.
10 R. Tanscheit et E. M. Scharf, « Experiments with the Use of a Rule-Based SelfOrganising Controller for Robotic Applications », dans Fuzzy Sets and Systems, 26 (1988), pp. 195-214-
11 T. Tomotaka, « Tracking Control for VCRS », dans R. Lowen et M. Roubens (éds.), Proceedings of the Fourth World Congress of the International Fuzzy Systems Association IFSA ‘91, Engineering Volume, Bruxelles, 1991, pp. 227-230.
12 M. Nakayashiki, « On Fuzzy », dans life TechnicalNews, vol. 4, no 1 (1993), Laboratory for International Fuzzy Engineering Research, Yokohama, p. 13.
13 Ibidem.
14 T. Fujioka, S. Arita, T. Saito et al., « Transrectal Ultrasonography of Prostatic Cancer: Application of a New Diagnostic Item and Fuzzy Inference », dans Japanese Journal of Medical Ultrasonics, 17 (suppl.) (1990), pp. 165-166.
15 A. Sangalli, « Vote, Vote, Vote for Fuzzy Logic », dans New Scientist, vol. 144, no 1951 (1994).
16 « The Web’s Middleman », dans Time Magazine (17 février 1997), p. 51.
17 A. Ralescu (éd.), Applied Research in Fuzzy Technology, Kluwer Academic Publishers, 1994.
18 M. Sugeno, M. F. Griffin et A. Bastian, « Fuzzy Hierarchical Control of An Unmanned Helicopter », dans Proceedings of the Fifth World Congress of the International Fuzzy Systems Association (IFSA), Séoul, 1993, pp. 179-182.
19 T. Terano, « Fuzzy Engineering—Its Progress at LIFE and Future Prospects », ieee/ifes ‘95 Conference, Yokohama, 1995.
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