Chapitre 11. La planification des grands projets d’infrastructures routières au Québec
p. 287-310
Texte intégral
1Depuis quelques années, la planification des infrastructures routières semble marquée par une crise sur le plan de l’acceptabilité sociale1. L’essentiel du réseau autoroutier montréalais s’est constitué sur une période relativement courte mais effrénée, du début des années 1960 à la fin des années 1970. Depuis cette période intense de développement, rares sont les projets qui ont été réalisés, si ce n’est une série d’interventions ponctuelles. Dès les années 1970, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a fait face à un contrecoup important de sa politique de développement routier. Le morcellement des tissus urbains par les réseaux routiers a rapidement été dénoncé, tandis que des projets comme le prolongement de l’autoroute Ville-Marie vers l’est (rue Notre-Dame) ont connu des oppositions importantes. De nombreuses initiatives seront dès lors abandonnées ou reportées, un phénomène qui touchera le Québec et plusieurs grandes villes nord-américaines (Altshuler et Luberoff, 2003).
2En quelques décennies, l’infrastructure routière a cessé de représenter un monument du progrès, pour devenir objet de débat. Si les premières oppositions aux projets venaient de groupes de quartiers protégeant un milieu de vie (Mumford, 1964 ; Jacobs, 1961), plus récemment, nous notons que cette opposition s’est diversifiée. Le débat s’est orienté davantage vers une critique du « tout-automobile » et s’insère depuis deux décennies dans l’émergence de la notion de développement durable2. Paradoxalement, les années 2000 sont marquées par une résurgence du grand projet routier. De nombreuses initiatives, abandonnées dans les années 1970 ont été remodelées ou simplement promues à nouveau3. Mais ces grands projets s’imposent difficilement dans un contexte sociétal où la mise en rapport des différentes représentations véhiculées par les acteurs du territoire peine à mener à des consensus ou des solutions intégrées.
3Face à ce constat et aux nouvelles contraintes posées à l’action publique, comment peut-on envisager la territorialisation des projets routiers ? Par territorialisation, nous entendons ce passage d’un rapport entre une infrastructure et un territoire essentiellement fonctionnel à une approche où le territoire devient davantage le lieu de problématisation de l’objet technique (Offner, 2006 ; Blatrix et al., 1998). Selon Duran et Thoenig, un changement de paradigme s’opère dans la gestion des affaires territoriales :
Un système autocentré et hiérarchique que structuraient la domination de l’État et la limitation des acteurs au sein d’un cadre institutionnel clair cède le pas à un univers largement acentrique que caractérisent l’éclatement des frontières – entre le public et le privé, entre le local, le national et le supranational – et la diversité des acteurs qui y interviennent. (Duran et Thoenig, 1996, p. 58)
4Sommes-nous passés, dans la conduite des projets routiers, à une « logique territoriale de l’action publique », c’est-à-dire à la « nécessité d’une approche globale et transversale des problèmes, d’une meilleure prise en compte des contextes et des acteurs locaux, impliquant également une plus grande participation » ? (Blatrix et al., 1998, p. 81). Il en résulte qu’un maître d’ouvrage comme le MTQ fait face à des requêtes qui remettent en question ses manières de faire. En contexte de territorialisation de l’action publique, le territoire, autrefois perçu comme un lieu d’insertion, doit être repensé comme un lieu de définition des projets (Douillet, 2003 ; Offner, 2006)4.
5Ce renouveau des pratiques planificatrices et de territorialisation de l’action publique rejoint donc la notion de développement durable, thème cher à cet ouvrage. La planification des infrastructures de transport est un laboratoire fort pertinent d’analyse de la manifestation de ce concept dans l’action publique, prenant la forme d’une volonté de faire converger la problématisation du transport, de l’aménagement et de l’environnement. De plus, comme le mentionne Gauthier :
les procédures de débat public – enquête, consultation publique, médiation environnementale, concertation, etc. – sont souvent envisagées comme des instruments permettant d’établir des référentiels communs susceptibles de développer des solutions intégrées dans une perspective de développement durable. (2005, p. 61)
6Si cette ambition est palpable, nous verrons que dans les faits certaines logiques s’imposent plus que d’autres dans la conduite des projets. Ces ambitions se heurtent également à l’absence d’un cadre procédural ou normatif qui saurait mettre en œuvre la planification de la ville durable (Theys, 2001). L’un des défis majeurs consiste également à composer entre une rationalité technique intrinsèque à la confection d’infrastructures et une ouverture à la participation du public et à une redéfinition commune des projets (Gauthier et Lepage, 2005). Par l’analyse de conduites de grands projets routiers en milieu urbain, nous souhaitons contribuer aux réflexions sur ce renouveau des pratiques planificatrices à l’ère du développement durable.
La conduite des grands projets routiers au Québec à travers trois expériences marquantes
7Plusieurs grands projets routiers ont suscité des débats publics marquants au cours des dernières années. Trois cas ayant fait l’objet d’audiences du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) sont riches en enseignements et serviront de support à notre analyse de la territorialisation des grands projets routiers du MTQ : le prolongement de l’axe McConnell-Laramée à Gatineau, la modernisation de la rue Notre-Dame à Montréal et le projet de construction de l’autoroute 30 de Sainte-Catherine à l’autoroute 15.
L’axe McConnell-Laramée : un projet d’accommodement
8Le projet de créer un nouvel axe majeur entre les villes d’Aylmer, Hull et Gatineau a connu deux grandes phases de planification (voir Figure 11.1). La première au cours des années 1970 et 1980 a mené à la proposition de voies rapides encaissées en milieu urbain soumise aux audiences publiques du BAPE en 19895. La deuxième phase prenait la forme d’une nouvelle mouture du projet en boulevard soumise au BAPE en 2001. C’est la croissance de la population et des emplois liés à la fonction publique qui avait poussé le MTQ et les autorités de la région à planifier ce « tronçon manquant » du réseau.
9Le projet présenté en 1989 consistait en une infrastructure autoroutière à quatre voies en tranchée dans la portion urbaine, avec possibilité de voies réservées pour autobus. Le rapport du BAPE de même que l’analyse environnementale du ministère de l’Environnement du Québec (MENVQ) avaient jugé que la proposition était surdimensionnée dans la portion urbaine et entraînerait des impacts négatifs sur la qualité de vie du secteur. Ils recommandaient la construction de l’axe selon un concept de « boulevard urbain paysager ». Un décret du gouvernement a toutefois autorisé le projet en 19906.
carte 11.1. Localisation du projet de l'axe McConnell-Laramée

Source : MTQ, 2001.
10Le projet autorisé dans la portion urbaine n’a jamais été réalisé tel que prévu. Le MTQ affirmait que les retards sur les autres tronçons et le coût élevé du design en tranchée avaient reporté la construction. Mais la résistance sociale importante a joué un grand rôle dans ce report (BAPE, 2001). Après une série d’études réalisées par des consultants de 1996 à 2000, le MTQ concluait que le tronçon devait prendre la forme d’un boulevard en surface avec carrefours giratoires, scénario moins coûteux et jugé plus acceptable pour les riverains. Conformément à la procédure, le MENVQ a cependant refusé de modifier le décret initial et a demandé au MTQ de soumettre un nouveau projet, considérant que sa configuration était trop différente de celle prévue initialement.
11Le second passage du projet au BAPE a été moins houleux, le nouveau concept ayant pour effet de dissoudre quelque peu l’opposition riveraine. Il répondait d’ailleurs par sa configuration à diverses requêtes du rapport du BAPE de 1989. Les groupes de citoyens riverains formaient le noyau de contestataires. Ils s’inquiétaient du bruit et de la pollution générés par l’équipement et réclamaient l’interdiction de la circulation des camions dans la portion urbaine. Des opposants se réclamant d’intérêts écologistes ou de promotion du transport collectif étaient également actifs. Ils s’intéressaient surtout à la préservation du parc de la Gatineau traversé, où un échangeur avec le réseau ferroviaire local était prévu. Pour de nombreux opposants régionaux et globaux, les enjeux liés à la mobilité étaient centraux : moyens alternatifs à l’automobile, développement du transport collectif, implantation d’un tramway, etc.
12À l’issue des audiences, le projet a été jugé justifié et globalement approuvé par le BAPE, mais ce dernier s’opposait fortement au trafic lourd dans l’axe. Dans son décret de novembre 2001, le gouvernement a néanmoins autorisé la circulation des camions. Le projet est présentement à l’étape de la mise en œuvre.
La rue Notre-Dame : un projet mouvant
13Le projet de voie routière majeure dans l’axe de la rue Notre-Dame, ancien chemin du Roy et porte d’entrée importante de Montréal, a pris plusieurs formes (Noppen, 2001). Il s’agit d’un projet complexe et instable qui n’a jamais suscité d’adhésion suffisante pour rendre possible sa concrétisation. Du mouvement City Beautiful du début du XXe siècle aux voies autoroutières proposées depuis quelques décennies, le projet a offert des visions différentes du rapport entre infrastructure et territoire. Nous nous attarderons ici au récent projet de modernisation de la rue Notre-Dame, qui a fait l’objet d’audiences publiques du BAPE en 2001 et 2002.
14La rue Notre-Dame constitue un tronçon inachevé du grand axe est-ouest de l’autoroute Ville-Marie. Après l’expropriation d’environ 500 bâtiments majoritairement résidentiels dans les années 1970 et de fortes oppositions citoyennes, le projet avait été abandonné par le gouvernement en 1976. Au cours des deux dernières décennies, l’infrastructure, inadaptée aux débits croissants de circulation (qui ont triplé en 30 ans), a entraîné des problèmes de sécurité, de bruit et de pollution pour les riverains. Le « projet de modernisation de la rue Notre-Dame », qualifié de « projet urbain » par le promoteur (MTQ, 2001), a été proposé dès la fin des années 1990 avec l’appui de la Ville de Montréal (voir Carte 11.2). Il visait à compléter le réseau et à remédier à la problématique identifiée par les riverains.
15Vu l’historique conflictuel du projet, le MTQ a approché certains groupes de quartiers dès l’amont de la planification, notamment le Collectif en aménagement urbain Hochelaga-Maisonneuve (CAUHM). L’objectif était de créer des alliances avec des acteurs locaux, afin de favoriser l’acceptabilité du projet et de le bonifier. C’est dans cette optique que le CAUHM a organisé en 2000 des audiences publiques locales. Il en ressortait que les citoyens et acteurs locaux percevaient des problèmes importants de sécurité et de bruit le long de l’axe (CAUHM, 2000). Pour ces derniers, le statu quo était inacceptable et une intervention était nécessaire pour remédier aux impacts de l’infrastructure. Certains proposaient la construction de l’axe en tunnel ou en tranchée dans le but de réduire davantage le bruit. À la suite de cette requête, le MTQ a modifié le projet en ce sens, pour revenir avec un concept de voies en tranchée sur environ 75 % du tracé7.
carte 11.2. Localisation du projet de modernisation de la rue Notre-Dame

Source : MTQ, 2001.
16Les audiences du BAPE de 2001 et 2002 ont changé la donne, mobilisant des représentations qui visaient souvent des enjeux plus globaux, dépassant l’échelle locale du projet. La lutte contre l’étalement urbain, le protocole de Kyoto et la notion de développement durable ont à maintes reprises été brandis contre le projet. C’est principalement sur la configuration autoroutière en tranchée que la plupart des opposants ont centré leur attention. La tranchée était comparée à l’autoroute Décarie : une cicatrice dans les tissus urbains qui viendrait couper l’accès au fleuve Saint-Laurent. Un projet alternatif de « boulevard urbain » bordé d’édifices a également émergé, mis de l’avant par deux acteurs phares de ces audiences du BAPE : le Conseil régional de l’environnement de Montréal et la Ville de Montréal8. La plupart des opposants au projet, rejetant a priori le statu quo, se sont ralliés à cette proposition. C’est ainsi que l’opposition dichotomique entre « autoroute » et « boulevard urbain » a monopolisé le débat public (Gariépy et Desjardins, 2002), marqué par des conceptions différentes de l’aménagement urbain et de la qualité de vie (Sénécal et Harou, 2005).
17Le rapport du BAPE a été assez sévère pour le MTQ, donnant raison à plusieurs opposants au projet (BAPE, 2002a). Il rejetait le statu quo, mais ajoutait que le projet devrait davantage s’appuyer sur le transport collectif, au lieu d’encourager la circulation automobile en augmentant la capacité routière et en créant un effet induit9. Le projet allait à l’encontre du développement durable de la région selon le BAPE. Mais surtout, celui-ci appuyait la proposition de boulevard urbain, jugée plus apte à assurer une bonne qualité de vie dans le quartier. La conclusion du rapport encourageait le MTQ à collaborer avec la Ville de Montréal afin de formuler une solution conjointe. Depuis, de nombreuses versions du projet ont été présentées, mais des dissensions semblent persister entre les deux acteurs.
L’autoroute 30 de Sainte-Catherine à l’autoroute 15 : un projet politique par tronçons
18Le projet de l’autoroute 30 (autoroute de l’Acier) est né dans les années 1960 et visait à créer un axe régional majeur sur la Rive-Sud de Montréal (voir Carte 11.3). L’autoroute a été planifiée selon une approche par tronçons10. Le projet est généralement fortement appuyé par les populations des secteurs traversés et sa justification s’inscrit davantage à diverses échelles territoriales. Les débats publics qui ont marqué l’ensemble de ce projet étaient davantage axés sur un choix de scénarios que sur une remise en question de la justification de l’équipement. Nous aborderons ici uniquement le débat entourant le tronçon récent allant de Sainte-Catherine à l’autoroute 1511.
carte 11.3. Localisation du projet de l'autoroute 30 et de la zone d'étude du tronçon analysé

Source : MTQ.
19En 1985, le promoteur faisait le constat que la route 132 était utilisée à pleine capacité, congestionnée et non sécuritaire, et qu’elle ne pouvait plus jouer son rôle de voie régionale de transit (MTQ, 1985). Un projet d’augmentation de la capacité était nécessaire afin d’améliorer l’adéquation entre les différents types de trafic et l’infrastructure. Le projet a été proposé officiellement aux audiences du BAPE en 2002 et prenait la forme de deux scénarios de tracés (voir carte 11.4). Le tracé nord prévoyait une autoroute urbaine encaissée en milieu urbain dans l’axe de la route 132 (tracé privilégié par le MTQ). Tandis que le tracé sud consistait en une autoroute en milieu rural, alliée à une transformation de la route 132 en boulevard urbain. Pendant les audiences du BAPE, le débat a opposé deux visions : le projet en milieu urbain contre celui en milieu rural.
20La moitié des groupes participant aux audiences se sont affichés pour le tracé nord. Ces partisans étaient composés d’acteurs régionaux du milieu associatif et de représentants politiques ou institutionnels. Se joignaient à eux des acteurs présents avant tout pour empêcher le BAPE de conclure que le tracé sud en milieu agricole était souhaitable (essentiellement l’UPA et certains agriculteurs). Les opposants, sans être contre le parachèvement de l’autoroute 30, souhaitaient surtout faire valoir le tracé alternatif au sud. Les plus actifs étaient les commerçants touchés par le projet. Pour la plupart, le tracé en milieu urbain entraînerait une augmentation de la pollution et du bruit12. Finalement, ils ont fait valoir l’effet de la tranchée sur l’environnement urbain, créant une coupure entre les quartiers.
21À l’issue des audiences, le BAPE a rejeté le projet du MTQ pour favoriser l’alternative en milieu rural (BAPE, 2002b). Le gouvernement du Parti québécois au pouvoir a décidé d’aller à l’encontre de cette recommandation en favorisant le tracé urbain. Ce n’est que plus récemment, avec l’élection d’un nouveau gouvernement du Parti libéral en 2003, que l’option du tracé sud a refait surface. Toutefois, une contrainte importante a émergé de cette décision. Le nouveau tracé impliquait que la circulation devait emprunter l’autoroute A-15 depuis la route 132 et reprendre le nouveau tronçon de l’A-30. Le MTQ devait planifier un tronçon supplémentaire à l’est de l’autoroute 15 dans le but de créer une continuité. Ce nouveau tronçon, nommé « Jean-Leman », a également fait l’objet d’audiences publiques en 200513.
carte 11.4. Deux scénarios proposés pour le tronçon de l'autoroute 30, entre Candiac et Saint-Constant

Source : MTQ, 2001.
La territorialisation des projets : entre verrouillage et réversibilité
22Ces différents projets demeurent des situations uniques, où les paramètres en jeu font l’objet de transactions différenciées, souvent arbitraires en l’absence d’un cadre de mise en œuvre clair, qui intégrerait par exemple le principe de développement durable. Mais l’analyse transversale de ces conduites fait ressortir que trois grands facteurs sont au centre d’une territorialisation renouvelée des projets : les outils et professions, le poids du réseau ainsi que les rapports d’acteurs et le débat public.
Des professions et outils déterminants
23Nous retrouvons au MTQ une culture du projet traditionnellement technique et axée sur l’ingénierie ou la voirie qui se heurte aujourd’hui à une volonté de mise en rapport de logiques variées émanant de multiples requêtes (de la société civile et de certaines institutions). Les outils prévisionnels déterminent fortement la forme que prendra le projet d’infrastructure. Une hausse importante de la circulation appréhendée dans l’axe peut à elle seule conditionner un type de design routier plutôt qu’un autre. Dans les cas de Notre-Dame et McConnell-Laramée, c’est la projection des futurs déplacements qui permettait au MTQ d’avancer que le réseau n’offrait pas la capacité nécessaire pour faire face aux débits de circulation anticipés. La solution était alors l’élargissement de l’axe, notamment en procédant à la ségrégation et à la réduction des conflits entre modes de déplacement.
24Autre outil largement utilisé, l’étude d’impact sur l’environnement qui « prend appui sur le besoin d’un projet ou sur sa justification, pour ensuite dresser l’inventaire des solutions possibles puis analyser les conséquences de celles-ci sur l’environnement » (Gariépy, 2006, p. 258). Alors que la procédure québécoise prévoit l’analyse de plusieurs scénarios et le choix optimal sur le plan environnemental, les projets analysés démontrent que c’est rarement le cas. Le processus confère plutôt à ce document un rôle justificatif, ce qui contraint les responsables du MTQ et autres consultants à une logique de validation de décisions déjà prises. Il est difficile de se dissocier d’un scénario bien détaillé, et sur lequel l’équipe travaille depuis déjà un certain temps, pour revenir sur quelques choix, surtout s’il s’agit de solutions de rechange peu détaillées. L’analyse des impacts vient donc rarement modifier en profondeur la nature d’un projet et les changements prennent majoritairement la forme de mesures de bonification ou mitigation, constat qui converge avec l’analyse de Gariépy sur les conduites de projets d’Hydro-Québec (Gariépy, 1989).
25Le processus de projet, tel qu’il est codifié au MTQ, procède également de la mise en rapport de visions sectorielles sur un objet, en un mode de gestion par silo ou par « filière », comme le constate Barouch (1989). Si auparavant l’ingénierie et sa vision technique dominaient la définition des projets, l’émergence des notions d’environnement et de participation publique, de même que tout le cadre législatif qui y est associé, a entraîné au MTQ l’appel à une multitude d’autres professions : urbanistes, architectes, géographes, biologistes, environnementalistes, etc. Des projets récents en milieu urbain, comme la modernisation de la rue Notre-Dame, témoignent de ces apports multiples14. Mais la coexistence de ces différents « langages » (technique, aménagiste, économique, etc.) peut créer des conflits. Ils ont tendance à être « autovalidants », en procédant à la réduction de la réalité du territoire en des termes intelligibles pour la spécialisation. Il peut en résulter « une dévalorisation des aspects de la réalité non conformes aux produits de la formalisation » (Barouch, 1989, p. 43).
26Nous notons la prédominance d’une vision technique dans la conduite des projets routiers, surtout en amont du processus. Les normes (par exemple de sécurité routière) entraînent de plus une rigidité dans le processus, le projet se trouvant surdéterminé par celles-ci. Parfois, ces normes font partie d’un corps apparemment plus souple qu’il n’y paraît, servant l’argumentaire pour invalider certaines propositions autres que celles prévues par le MTQ. Dans le cas de Notre-Dame, une série de normes est venue servir le design sous forme de voies en tranchée, plusieurs propositions des participants aux audiences du BAPE se trouvant de fait invalidées dans les échanges. Dans tous les cas analysés, on constate une tendance du MTQ à présenter ces normes comme étant quasi immuables face au public.
27Les cas analysés montrent ainsi une tension continuelle entre deux cultures différentes ; deux manières de représenter les problèmes et, par le fait même, les solutions à donner. La justification des projets tend ainsi à diviser les « gestionnaires de la mobilité » des « spécialistes de l’aménagement ».
Ceux qui conçoivent les modèles de prévision du trafic s’installent dans une continuation des tendances passées, sans doute performante pour faire un bon pronostic à court terme, mais totalement opaque pour repérer où sont les marges de manœuvre à plus long terme. (Wiel, 2005, p. 31)
28Mais lorsque la justification du projet sort de l’ornière strictement circulatoire ou sécuritaire, des solutions plus « intégrées » peuvent émerger. Nous constatons ce phénomène dans l’évolution d’un projet comme celui de la rue Notre-Dame, où l’intention de réaliser un « projet urbain » a émergé.
Le poids technique et symbolique du réseau
29Les projets routiers analysés, par leur grande envergure et leur interrelation systémique à d’autres infrastructures, s’inscrivent dans une logique de réseau. Ce rapport au réseau relève d’une vision réticulaire : la route est un objet linéaire devant relier des « points » du territoire entre eux (Dupuy, 1991). Le MTQ conçoit en amont le projet selon son utilité dans le réseau, et analyse les flux avec une méthodologie s’attardant à comparer la situation actuelle avec celle, hypothétique, où l’infrastructure serait en fonction. Le réseau contraint donc le projet à une configuration et le force à jouer un certain rôle15. Cette appropriation technique du rapport au réseau cohabite parfois avec un discours plus approximatif, voire politique, qui prend une place importante dans la conduite des projets. L’inscription du projet dans un réseau donné relève de deux discours : l’un, technique et basé sur la caractérisation des flux, l’autre, que nous pourrions qualifier de mythique, qui s’appuie sur des représentations du territoire véhiculées par les acteurs.
30Les documents de planification territoriale jouent un rôle majeur dans la légitimation du rôle donné à un projet d’infrastructure. Même à l’état de projection, la route gagne une certaine légitimité par son unique mention dans les documents de planification. Tricot (1996), dans son analyse du projet autoroutier A8 bis en France, démontre bien comment cette « co-occurrence » entre projet routier et documents de planification produits par les acteurs du territoire entraîne une « irréversibilité » dans le projet (Akrich et al., 1988). À cette détermination de la configuration du projet par le réseau se joignent des « mythes opératoires » tels que celui des effets structurants (Offner, 1993). L’objectif pour le promoteur est de faire adhérer les acteurs du territoire à l’idée que le projet leur sera bénéfique, et ce, à plusieurs échelles. Offner (1991) démontre comment, dans le cas du projet de tramway de Saint-Denis-Bobigny dans la région parisienne, la justification s’inscrit dans une telle approche différenciée selon le territoire récepteur. Le projet de Notre-Dame est présenté, de la même manière, à la fois comme un axe de transport majeur pour le développement de l’est de Montréal et un projet urbain intégré qui revitalisera les quartiers traversés.
31Face au réseau, plusieurs « figures » du rôle du projet émergent : celle du « tronçon manquant », dans les cas de McConnell et Notre-Dame. Dans le cas de l’autoroute 30, l’idée perpétuée est celle d’une nécessaire voie de contournement de Montréal, qui serait bénéfique à la Ville de Montréal comme aux municipalités traversées. Même si l’utilité d’une telle voie de contournement est loin d’être démontrée et que ce rôle pour l’axe ne faisait pas partie des ambitions premières du MTQ, elle s’est imposée comme « mythe » chez l’ensemble des acteurs16. La justification publique des infrastructures puise énormément dans ces mythes perpétués qui s’articulent à diverses échelles (Scherrer, 1997). Comme le mentionne Plassard, « pour qu’un projet devienne irréversible, il faut qu’il s’inscrive dans le temps comme une évidence sociale » (1998, p. 109).
32L’un des exemples récurrents de la pression que peut exercer le poids du réseau dans la planification des infrastructures de transport est l’approche par tronçons. Cela consiste, lorsqu’un maître d’ouvrage souhaite réaliser un projet routier d’envergure, à se concentrer d’abord sur les tronçons posant le moins de problèmes sur les plans technique et de l’acceptabilité sociale. À la suite de la réalisation de ces segments, la justification des autres tronçons problématiques s’avère ainsi plus aisée. Le projet de l’autoroute 30 est probablement le cas le plus important de cette approche par tronçons. Il s’instaure une irréversibilité dans le processus : même si des acteurs du territoire s’opposent à la réalisation de telle section, reculer devient pratiquement impossible. Le fait que plusieurs sites de projet soient expropriés depuis des années pose également problème. Les projets de McConnell et Notre-Dame en témoignent : les emprises vouées à accueillir les projets de routes étaient en partie ou totalement déjà expropriées depuis les années 1960 et 1970, ce qui contribuait à orienter la prise de décision vers certaines solutions ou tracés.
33Ce que nous pourrions appeler le « poids du réseau » concourt à figer le projet, influant par la suite sur sa formulation et sa configuration (Desjardins et Gariépy, 2005). Il en est de même des outils et langages abordés précédemment. C’est un phénomène que nous pourrions qualifier de situation de verrouillage. L’idée de verrouillage, d’irréversibilité ou de lock-in vient du domaine de l’économie17. Elle signifie qu’au sein d’un projet, certaines situations se trouvent surdéterminées, car des événements, décisions ou normes adoptées imposent la manière de concevoir les choix ultérieurs, en créant une ligne de conduite à laquelle il est difficile de déroger. Barthe (2002 ; 2006) a mobilisé cette notion de verrouillage dans son analyse des politiques liées au nucléaire en France, en se questionnant sur la traduction de ce problème technique en un problème politique. Il en va de même pour les projets d’infrastructures de transport, qui doivent passer d’un statut d’objet technique à celui d’un projet territorialisé. Nous verrons maintenant qu’aux facteurs de verrouillage précédemment abordés s’ajoute également le débat public, qui vient de plus jouer un certain rôle dans la réversibilité des projets.
Le débat public et les rapports d’acteurs : entre verrouillage et réversibilité
34Selon certains auteurs, alors que le réseau et les outils viennent « verrouiller » la formulation du projet en amont, le débat public, institutionnalisé au Québec à travers le BAPE, serait plutôt de nature réactive. Le projet est défini en détail lorsqu’il est présenté au public, ce qui tend à créer des tensions entre acteurs et à mettre certains devant le fait accompli. L’une des conséquences de cette situation a été de contraindre les promoteurs à travailler de plus en plus en amont avec certains acteurs, de manière à éviter de trop fortes oppositions lors des audiences (Gauthier, 1998 ; Simard, 2006). Gariépy (1989 ; 2006) et Simard (2006) ont constaté ce phénomène dans le domaine des projets de lignes de transport d’électricité d’Hydro-Québec. Notre propre analyse des projets du MTQ confirme également ces observations. Il est ainsi fort pertinent de s’intéresser aux rapports établis dès l’amont du processus de projet. C’est le cas, par exemple, des rapports entre le MTQ et certains acteurs du territoire qui visent à les faire adhérer à l’initiative et à faciliter l’acceptabilité du projet. Par ailleurs, les rapports d’acteurs peuvent venir remettre en question certains paramètres ou la nature même du projet.
35L’expérience assez négative des audiences sur le projet de la rue Notre-Dame a fait école et a entraîné une série de remises en question des pratiques au MTQ18. De récents projets comme le réaménagement de l’échangeur Dorval ou celui de Turcot démontrent que le MTQ fait usage de méthodes de participation publique dès le départ, dans le but de mieux saisir la problématique des territoires et de créer des alliances avec certains acteurs. La participation en amont s’impose aujourd’hui au MTQ de plus en plus comme la manière de faciliter et de créer cette cohésion et faciliter l’acceptabilité des projets. Cette adhérence répond tout à fait de ce que Offner qualifie de « territorialisation pragmatique » : « aujourd’hui, le territoire est donc censé fournir tout à la fois le cadre de l’action et de son évaluation, son sens et son organisation » (2006, p. 32). Le but étant de le rendre moins vulnérable aux « attaques » d’éventuels opposants, en projetant l’image d’un consensus et en anticipant sur les oppositions à venir.
36Nous avons constaté que, malgré ces rapports en amont, le projet demeure tout de même jusqu’à un certain degré insaisissable, imprévisible et incertain. L’enjeu principal porte sur l’entrée dans le débat d’acteurs d’intérêts globaux, qui s’approprient les tribunes comme le BAPE et contribuent à complexifier l’action sur deux plans, d’une part, en abordant les enjeux globaux ou de planification qui ne touchent pas directement le projet, d’autre part, en étant « insaisissables » pour le MTQ, car le maître d’ouvrage ne peut confiner le rapport à ces acteurs dans un simple échange sur la configuration du projet. Cette émergence des acteurs d’intérêts globaux entraîne des situations tout à fait nouvelles pour le MTQ, tel le cas de la rue Notre-Dame, où les riverains appuyaient en général un projet jugé « bien intégré » et réduisant les impacts sonores, mais où des acteurs globaux ont émergé pour critiquer le fait que le projet ne respectait pas les principes du développement durable. Après avoir travaillé plusieurs années à justifier son projet localement, le MTQ s’est trouvé face à une opposition qui ne s’orientait pas vers une défense du territoire local et qu’il n’avait pas anticipée (Sénécal et Harou, 2005). La récurrence de ce phénomène cohabite avec une absence de débat sur les enjeux globaux de planification des transports au Québec19. La clé d’un apaisement des conflits et d’une planification plus intégrée se trouve peut-être dans cette discussion en amont des grands choix en matière de mobilité.
Vers de nouvelles pratiques de projet ?
37Le projet routier représente une imbrication complexe entre le poids du réseau, des outils et savoirs mobilisés et des rapports d’acteurs sous le registre de la collaboration ou du conflit. Il ressort de ces observations que la conduite des projets prend une forme paradoxale pour le MTQ. Alors que les aspects techniques et la volonté de réaliser le projet poussent vers un évitement de la délibération et une création d’irréversibilité, le MTQ doit également accepter de rendre le projet discutable et d’ouvrir sa formulation aux apports du territoire, donc de le rendre réversible. Comme le mentionne Barthe :
Pour faire en sorte qu’un projet gagne un peu de stabilité, il est nécessaire d’y intégrer des points de vue et des intérêts hétérogènes, de même qu’il est nécessaire d’articuler des contraintes aussi bien techniques que sociales, économiques ou politiques. (2006, p. 13)
38Dans sa planification des projets, le MTQ est sans cesse tiraillé entre situations de verrouillage et situations de réflexivité, où il doit constamment repenser les termes de son action (Schön, 1983).
39Il y a par ailleurs une grande différenciation à établir entre le milieu urbain et les milieux périurbain et rural en ce qui a trait à la conduite des projets et aux acteurs impliqués. L’acceptabilité des projets est généralement plus problématique en milieu urbain, car les réseaux d’acteurs sont plus disséminés et imprévisibles. Il y a une présence plus importante de groupes d’intérêts globaux. La territorialisation se pose donc très différemment, car l’implantation physique est plus problématique et l’arrimage entre l’objet technique et les acteurs procède de rapports beaucoup plus complexes. Ce phénomène est similaire à celui constaté par Thoenig à propos du corps des Ponts et chaussées en France au milieu du XXe siècle à Paris, qui voyait son mode de pensée se heurter au territoire urbain :
Après s’être intéressés à l’urbanisation de Paris, après avoir participé à une opération aussi importante que la construction du métropolitain à Paris, les ingénieurs des Ponts se sont retirés des grandes villes parce que la société urbaine représentait un milieu fuyant et complexe par rapport aux espaces ruraux dans lesquels l’approche sectorielle et l’autonomie des problèmes de Génie civil pouvaient être plus facilement préservées. (1987, p. 85)
40Alors qu’auparavant, la justification technique pouvait légitimer l’implantation des projets, elle fait aujourd’hui souvent face à une profonde méfiance. De plus, l’action publique du MTQ doit dorénavant sans cesse faire face à des mécanismes de contrôle institutionnalisés et au pouvoir croissant de certains acteurs (groupes de pression, acteurs informels) insaisissables qui viennent mettre à l’épreuve le maître d’ouvrage. Il en résulte que les projets se définissent beaucoup plus dans un enchevêtrement de rapports d’acteurs que dans l’application de paramètres rationnels prédéfinis. Aux choix tranchants d’un acteur central hégémonique se substitue dans une certaine mesure une gouvernance des projets plus axée vers une pluralité d’acteurs. Mais il demeure qu’il est toujours difficile d’en faire émerger des solutions qui seraient intégrées ou qui permettraient la mise en œuvre des ambitions du développement durable. Certaines logiques persistent à occuper une place prédominante dans la problématisation et la planification des projets.
41Alors que le projet moderniste se fondait sur un double souci d’anticipation et d’assujettissement de l’espace à l’idée de progrès (Boutinet, 2004), il faut s’interroger à savoir si nous ne sommes pas aujourd’hui face à des conduites de projet qui procèdent d’une certaine part de négation. À l’image du phénomène de « politique négative » (Rosanvallon, 2006), les projets semblent également déterminés par ce qu’ils ne sont pas, par une succession de rejets, plutôt que par des objectifs ou un idéal à atteindre. La méfiance de certains acteurs envers l’action du MTQ, les logiques d’évitement du conflit de celui-ci ainsi que la définition des projets en termes de réduction des impacts participent à ce phénomène. Ainsi, la justification, dans les cas de projets récents analysés, se base de manière importante sur ce que le projet n’est pas : il n’entraînera pas une hausse de la circulation, il n’augmentera pas le niveau de bruit dans le secteur, il n’affectera pas la faune, etc. Face à ces enjeux, un questionnement ressort : comment ces nouveaux paramètres de la territorialisation transforment-ils les pratiques de planification de projet du MTQ ? Émerge-t-il chez ce maître d’ouvrage des représentations renouvelées du territoire ou de nouvelles pratiques à l’œuvre dans la définition de ses problèmes et la formulation de ses projets ? C’est la dimension de l’apprentissage de ce promoteur qui est alors interpellée, c’est-à-dire sa capacité à redéfinir son rapport au territoire et à mieux contrôler son champ d’action.
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Notes de bas de page
1 Le texte suivant est basé sur la thèse de doctorat de l’auteur (2008), réalisée en cotutelle au Laboratoire techniques, territoires et sociétés de l’École des ponts et chaussées et à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. L’auteur tient à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, le ministère des Transports du Québec, le Fond de recherche sur la société et la culture ainsi que le consulat de France au Québec pour leur soutien financier.
2 La critique de l’étalement urbain et de la dispersion du cadre bâti constitue un exemple de cette nouvelle opposition environnementale aux grands projets d’infrastructures routières (Bruegmann, 2005).
3 De 1978 à 1990, seul 5 projets du MTQ ont fait l’objet d’audiences publiques du BAPE. Ce nombre est monté à 13 durant les années 1990, puis à 16 de 2000 à 2006 seulement.
4 Notre conception de cette territorialisation du projet peut également être exposée à travers le concept de « milieu associé » de Simondon (1958). Tel qu’il est présenté par Marié et Gariépy (1997), le milieu associé signifie qu’un objet technique, dans sa concrétisation, procède d’une interrelation complexe entre ses composantes techniques et le milieu dans lequel il se concrétise. Dans le domaine routier, cela impliquerait que le projet d’infrastructure, dans son implantation, modèle le territoire dans lequel il s’insère, mais qu’en retour, ce même territoire conditionne l’objet technique.
5 Lorsque l’acronyme BAPE est utilisé dans ce texte, celui-ci fait référence aux différentes commissions d’audiences spécifiques de cet organisme sur les projets analysés et non à l’organisme comme tel.
6 Mais seule la portion ouest hors de la zone urbaine (du chemin de la Montagne à la route 148) et qui avait présenté moins de résistance aux audiences publiques a été terminée en 1997.
7 Le MTQ a intégré de nombreux aménagements urbains (parcs, pistes cyclables, projets de mise en valeur du patrimoine) qui répondaient aux requêtes du milieu.
8 Après avoir participé activement à la formulation du projet, la Ville de Montréal s’est opposée au MTQ durant les audiences à la suite de l’élection du maire Gérald Tremblay. Ce dernier s’était farouchement opposé au projet de voies en tranchée durant la campagne électorale. Dans son mémoire, la Ville de Montréal a proposé la réalisation du projet sous la forme d’un « boulevard urbain » en surface bordé d’édifices.
9 L’effet induit, qui postule qu’une offre supplémentaire en capacité, en facilitant la circulation, encourage et, au bout du compte, augmente l’utilisation de l’automobile, est un argument central apporté par les opposants aux projets routiers analysés.
10 Le tronçon à l’est de l’autoroute 10 a été réalisé avant l’adoption de la Loi sur la qualité de l’environnement dans les années 1960 et 1970. Le tronçon entre l’autoroute 10 et l’autoroute 15 a fait l’objet d’une médiation environnementale en 1993 et le segment contournant la réserve de Kahnawake a été soustrait à l’évaluation environnementale en 1990. Puis deux sections ayant fait l’objet d’audiences publiques ont été autorisées : le tronçon à l’ouest de la réserve de Kahnawake en 1997 et le tronçon entre Sainte-Catherine et l’autoroute 15 en 2002.
11 C’est ce projet précis qui a fait l’objet d’un traitement spécifique dans notre thèse. Il coïncidait avec les audiences publiques sur le projet de la rue Notre-Dame.
12 Les commerçants se disaient surtout affectés par la période de construction, affirmant qu’elle entraînerait une baisse de la clientèle. Le MTQ avait d’ailleurs refusé de les dédommager pour cette perte de clientèle.
13 Ce nouveau passage au BAPE en 2005 a créé quelques remous : le fait que le tronçon précédent de l’A-30 était déjà autorisé par décret contraignait fortement le débat et mettait la commission dans une situation inconfortable. Beaucoup d’acteurs présents aux audiences (avec une présentation record de quelque 252 mémoires, dont la quasi-totalité contre le projet) participaient avant tout pour s’opposer au choix du tracé en zone agricole.
14 Dans l’équipe du MTQ pour le projet, nous trouvions quatre ingénieurs sur huit membres, excluant le chargé de projet qui était urbaniste. Si nous incluons l’ensemble des membres des équipes externes de consultants, la proportion demeure à environ 50 % d’ingénieurs, alors que nous trouvons des architectes du paysage, historiens de l’architecture, sociologues et chercheurs universitaires.
15 Lorsque, par exemple, un projet comme celui de la rue Notre-Dame consiste à augmenter la capacité et requalifier une route existante, les choix quant à la configuration de l’axe sont déjà fortement déterminés.
16 Certains font valoir notamment que, comme la majorité des camions traversant les ponts de l’île de Montréal ont un point d’origine ou de destination sur cette île, l’autoroute 30 aurait ainsi peu d’effet sur un allègement de la circulation sur ces axes.
17 La contribution la plus célèbre demeure celle de David (1985) et de son analyse du clavier de type QWERTY. L’auteur note que même si elle ne représente pas la configuration optimale selon la plupart des études, elle est demeurée la plus utilisée, car des choix et normes établis dans le passé l’imposaient comme technique privilégiée. D’où cette notion de path dependence.
18 Les entrevues conduites avec plusieurs intervenants au MTQ nous mènent à cette conclusion. D’ailleurs, un processus formel de participation publique en amont des projets est actuellement en développement dans l’organisation.
19 Seule la Commission sur la mobilité entre Montréal et la Rive-Sud s’est penchée récemment sur ces questions, mais elle était sous l’égide du MTQ et avait un mandat limité au plan régional.
Auteur
Urbaniste de formation. Il a obtenu en février 2008 un doctorat en aménagement à l’Université de Montréal, en cotutelle avec le Laboratoire Techniques, territoires et sociétés de l’École nationale des ponts et chaussées. Ses travaux portent sur la gouvernance, le débat public et le rapport au territoire des grands projets routiers au Québec.
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