En guise de conclusion : un modernisme avant l’heure
p. 137-143
Texte intégral
1L’évolution des grands immeubles du début du XXe siècle peut-elle être considérée comme une contribution à l'histoire de la modernité architecturale ? Les historiens qui confinent le modernisme à une architecture qui tourne le dos au passé ne peuvent répondre que par la négative à cette question. Pour eux, l’architecture doit être régie par le fonctionnalisme, le minimalisme ou la pureté des formes et les nouvelles techniques de construction. Freinant la course à la hauteur tout autant que les recherches originales de l’école de Chicago en matière de rationalisme constructif, l’architecture académique est alors critiquée pour son caractère conservateur voire rétrograde. Les formules, les réflexes stylistiques, la technologie appréciée mais masquée portent à donner raison à ce jugement sévère. Néanmoins, malgré leurs façades stylisées qui font écran à leur audace, les grands immeubles conçus au cours des quatre premières décennies du XXe siècle participaient en leur temps d’un sentiment de modernité légitime qui doit être regardé en fonction de la période qui la précède, le victorien, et celle qui la suivra, bien après la Seconde Guerre mondiale. Par rapport à la période victorienne, le tournant du siècle amènera la recherche de la rigueur dans le travail de design. Pour prétendre au statut de profession, l’architecture doit être une discipline et celle-ci, croyait-on, découle des enseignements de l’Ecole des beaux-arts. Ce virage important était alors perçu comme une amélioration par rapport à l’éclectisme du XIXe siècle, et toute architecture qui démontrait une maîtrise des préceptes académiques était vue comme un acte de modernité. Au lieu du collage, des paradoxes et des contradictions de l’esthétique victorienne, l’objectif était dorénavant d’apprendre à réunir les systèmes du bâtiment (mécanique, structure, programme, éclairage, etc.) dans une logique de composition cohérente, intégrée et hiérarchisée. La contradiction entre le discours disciplinaire fondé sur des règles intemporelles et une société en constante mutation ne pouvait être résolue que par une lecture a-historique. Au lieu d’une histoire évolutive, selon laquelle chaque civilisation doit développer en son temps sa propre culture architecturale, l’académisme défend l’immanence du classicisme. Il a voulu ainsi prévenir le choc du nouveau mais, compte tenu de la vitalité des sociétés industrielles, il n’a pas réussi à effacer toutes les traces des progrès en cours. Le grand immeuble en témoigne.
2Dans cette perspective disciplinaire, la normalisation du design a souvent fait un emploi abusif de formules académiques. L’architecture des grands immeubles montre cependant que les similarités entre les édifices ne doivent pas être réduites à ce seul aspect. Au nom de la rationalité économique, les répétitions peuvent aussi signifier la standardisation, cette idée moderne encore mal aimée qui, avec les grands immeubles, prend plusieurs sens. D’une part, elle signifie la reprise de solutions de design d’un projet à l’autre. Fenêtres, motifs, détails constructifs, plan masse, etc. n’étaient pas perdus mais réemployés et réagencés. Tout à l’encontre du principe romantique de l’oeuvre d’art unique, la productivité des bureaux d’architectes profitait de ces répétitions. Alors que l’académisme prônait lui-même l’imitation, ces reprises devaient être d’autant plus faciles à défendre. D’autre part, la standardisation permet de rappeler à quel point l’architecture depuis le XIXe siècle a dû tenir compte d’une progression constante en faveur d’une plus grande industrialisation de la construction. La préfabrication, l’usinage des composantes et le chantier savamment organisé des grands immeubles ont repoussé la figure de l’artisan au rang du folklore. Cette obsolescence continue des techniques traditionnelles avivait, en bien ou en mal, cette conscience du temps présent. Enfin, le mot « standardisation » a été appliqué à l’évolution typologique des grands immeubles. Les architectes, les municipalités, les entreprises, les hommes d’affaires ont tous, d’une façon ou d’une autre, avantage à répéter des types d’édifices qui se conforment à des stratégies de promotion immobilière éprouvées. Cette volonté tend à uniformiser le paysage urbain d’une ville à l’autre. Cette standardisation, liée à l'académisme, était l’acceptation idéologique d’une architecture de masse, à l'échelle nationale, fondée en priorité sur l’économie plutôt que l’art ou l’identité culturelle.
3La sobriété du design est un des traits qui caractérisent le mieux la critique qu’exprime cette architecture académique à l’égard des oeuvres victoriennes. Elle a également été invoquée comme étant un signe rassurant de la bonne gestion budgétaire. L’absence de fla-fla suggérait qu’il n’y avait pas de dépenses inutiles. Puisque, dans les cas où les matériaux précieux sont utilisés, cette économie sur le coût global d’un immeuble est de l’ordre du symbolique, elle témoigne surtout d’une philosophie du beau qui expurge l'aléatoire au profit de l’explicable. À mesure que l’on avance dans le temps, cette simplicité forcée tend vers son ultime conclusion, la vétusté des styles historiques. Avec l’Art déco, elle traduit une acceptation de principes esthétiques qui mettent l’emphase sur la géométrie et la lumière. Ce style populaire permet d’aiguiser la sensibilité des usagers au langage abstrait des volumes simples, des larges surfaces nues et des lignes. Des développements ultérieurs au cours des années 1930 viendront entamer les règles classiques de composition. Avec le temps, l’architecture académique n’a donc pas échappé à la réflexion sur la modernisation du traitement des formes. Mais alors que l’avant-garde européenne a avancé dans cette direc tion à la vitesse de l’automobile, de la locomotive et des avions, soit la vitesse des révolutions, l’architecture académique, elle, s’y est dirigée pas à pas, avec précaution.
4Bien que marquées par le réformisme, les premières décennies du XXe siècle perpétuent l’enthousiasme de l’ère victorienne devant les bouleversements de la société qui avaient cours. La métropole est à cet égard une figure maîtresse du sentiment de modernité en matière d'aménagement. L’apologie du progrès, la foi dans le capitalisme et le souci de représentation des grandes entreprises ont tous induit, avant la crise des années 1930, une vision de la ville industrielle glorieuse, rentable et efficace qui rallie les opinions. Souvent portés par cette vague d’optimisme plutôt que par de véritables pressions du marché, les grands immeubles se multiplient à travers le pays. Malgré leur style passéiste ou la présumée immuabilité de leur beauté classique, dans des villes en devenir, ils étaient de parfaits symboles d’un monde en transition. L’intérêt de la production des grands immeubles commerciaux réside dans leur contribution à éclairer cette évolution idéologique. Les craintes face aux gratte-ciel qui ont occasionné des restrictions de hauteur n’ont pas empêché l’avènement du gigantisme. L’espace urbain se modifie en conséquence. Les académistes ont beau rêver avec le City Beautiful de métropoles à l'image de Paris, les forces du capitalisme entraînent avant tout une concentration — un zonage — des activités économiques dans un secteur central dont l’impact se répercute sur l’ensemble du territoire urbain en créant des interdépendances entre les zones de travail et celles de résidence. Le coeur des villes doit être affairé et productif.
5Le désir de regrouper les activités de même nature et la recherche du profit avaient amené, à la fin du XIXe siècle, la réalisation d’édifices blocs qui engendrent dorénavant un véritable « renouveau urbain », suivant l’expression que l’on utilise plus volontiers pour les transformations de la ville à partir des années 1950. Palimpseste à jamais griffonné, raturé et retravaillé, le centreville se transforme sans cesse, du moins tant et aussi longtemps que le milieu des affaires trouve son compte dans sa modernisation. La logique du profit en est une de perpétuelle mise en désuétude du patrimoine. Le passéisme des styles ou leur modernisme ne changent rien à cet effet. Devant satisfaire un marché immobilier qui favorise les structures gigantestques, les édifices blocs ont constitué une solution de compromis entre les besoins du milieu des affaires et les restrictions de hauteur que l’on imposait. Le gratte-ciel à volumétrie pyramidale a suivi. L’architecture s’est ainsi renouvelée à cause de la redéfinition du rapport entre la morphologie des bâtiments et l’espace urbain permis. Avec l’édifice Price, Ross et Macdonald ont même utilisé ces règles pour des fins d'intégration, comme si déjà, au lieu de ne regarder que l’avenir et renier le passé, il fallait envisager une certaine durée dans la métamorphose du paysage urbain. Mais avec la crise économique, le temps s’est suspendu et a mis fin à cette exploration.
6Cependant, si la réglementation municipale cherche à exercer un contrôle sur la volumétrie architecturale au nom du bien commun, on voit apparaître avec le gigantisme une stratégie commerciale qui vise à autonomiser les édifices par des aménagements intérieurs publics. C’est à cet égard que l’architecture commerciale du début du siècle annonce des développements futurs. En effet, dans son ouvrage Megastructure : Urban Futures of the Recent Past, Reyner Banham a consacré un chapitre entier à Montréal en insistant sur la croissance du réseau de circulation intérieur à partir des années 19601. Prenant entre autres comme exemples la Place Ville-Marie (1959-1962, I. M. Pei et associés ; Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold et Sise, associés) et la Place Bonaventure (1964-1967, Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold et Sise), il fait ressortir les éléments novateurs de ces projets, en particulier la taille, l’intégration de plusieurs fonctions, la séparation des réseaux de circulation (surtout celui des piétons) et, par conséquent, l’autonomie esthétique et fonctionnelle de ces œuvres par rapport à l’environnement. En somme, la mégastructure se substitue à la ville traditionnelle dont l’organisation était fondée sur des usages ayant tous pignon sur rue.
7Or, l’histoire de l’architecture montréalaise et torontoise, représentée ici par les seules oeuvres auxquelles Ross et Macdonald ont pu être associés, permet au contraire de montrer que ce lien entre le gigantisme et la création d’espaces publics intérieurs s’est répandu, sous l’influence des États-Unis, dès la fin du XIXe siècle. Une architecture centrée sur elle-même plutôt qu’ouverte à son environnement et la séparation des circulations sont les principaux aspects qui annoncent cette évolution. Ainsi, dans la foulée des recherches sur l’utilisation du fer et du verre, il y a eu d’importantes tentatives pour assurer un éclairage naturel non seulement par les fenêtres en façades, mais depuis le coeur des bâtiments. Ces édifices à atrium disposaient à leur façon d’un large espace commun, généralement aux étages. Timothy Eaton avait adopté ce parti pour son magasin à Toronto. A Montréal, en 1894, les architectes Perrault, Mesnard et Venne, inspirés par des précédents américains, l’ont repris dans l’agrandissement de la Banque du Peuple. Les mouvements des ascenseurs grillagés étaient facilement visibles et les planchers en verre dépoli des galeries assuraient une diffusion maximale de la lumière. Ce type d’atrium remplissait au moins deux critères foncièrement modernistes : une solution fonctionnaliste en matière d’éclairage et l’usage explicite de techniques constructives de pointe. Le goût de l’innovation de la période victorienne permettait ce type d’exploration dans le travail de conception. Mais, engendrant une mise à distance des différents locataires, on peut mettre en doute la capacité de ces vides à favoriser une véritable convivialité. De plus, ils amenaient une perte de superficie de plancher qui allait à l'encontre des approches spéculatives conventionnelles, ce qui explique probablement leur insuccès au début du XXe siècle. Néanmoins, des décennies plus tard, les hôtels et les centres commerciaux à atrium, comme le Eaton Centre (1973-1979) à Toronto, répondent à des objectifs similaires et doivent beaucoup à ces oeuvres du siècle précédent.
8Pour sa part, l’architecture académique monumentale a apporté une contribution différente à cette évolution vers des aménagements publics à l’intérieur des immeubles. L’esprit d’émulation à l’égard de l’architecture antique, les thermes romains ou les basiliques par exemple, entraîne les architectes d’allégeance académique à dessiner des intérieurs d’une beauté classique saisissante mais qui restent coupés de leur environnement. Ainsi, l’agrandissement de la Banque de Montréal (1901-1905) par McKim, Mead et White a donné lieu à un enchaînement d’espaces qui créent un univers clos et magistral qui ne se comprend que de l’intérieur et qui, malgré l’intense activité, donne l’impression d’être une oasis de paix. Cette approche à la fois monumentale et intime est centrale dans la planification Beaux-Arts où la mise en scène solennelle des espaces doit saisir l’usager et forcer son respect. N’est-ce pas cependant l’inverse d’une image du centre-ville grouillant et chaotique ? Le grand immeuble doit pourtant réconcilier l’irréconciliable. En indiquant simplement que le hall d’un édifice commercial ne doit pas être un banal couloir mais qu’il doit ordonner avec majesté l’ensemble du plan, l’édifice Transportation à Montréal, par Carrère et Hastings, montrera à Ross et Macdonald l’avantage d’avoir des espaces communs de qualité aux niveaux inférieurs. C’est à cette condition que le hall a le potentiel de devenir un lieu public. Parce qu’il permet un regroupement d’activités qui viennent s’y greffer, son isolement relatif doit être tourné à l’avantage des locataires. Les architectes montréalais reprendront la solution dans les galeries qu’ils dessineront pour l’édifice Dominion Square, les hôtels Mount Royal et Royal York, et les magasins Eaton à Montréal et Toronto.
9Mais, pour l’essentiel, cette question des intérieurs n’en est pas seulement une de générosité des passages mais d’autonomie relative des édifices. Comme les mégastructures dans les années 1960, un hôtel comme le Mount Royal ou le Royal York constituait aux dires mêmes des journaux, une ville dans la ville. L'architecture peut dorénavant établir un tout autre rapport avec son entourage. Au-delà de la taille, le gigantisme a entraîné les architectes à revoir la programmation des édifices et à intégrer des espaces publics et locatifs puisque l’on peut profiter d’une clientèle captive. Malgré les utopies du City Beautiful Movement, qui sont plutôt de l’ordre du paysage urbain, c’est-à-dire de l’apparence de la métropole, cette évolution des grands immeubles anticipe un autre système urbain, celui de la succession d’édifices géants plus ou moins autonomes, construits sur des îlots entiers. Dès lors, la ville devient moins un collage de lotissements mitoyens que celui d’immeubles blocs reliés et pénétrés par des réseaux de circulation qui leur sont propres.
10Suivant le paradigme du temps selon lequel toute forme de congestion était néfaste, il fallait dénouer les enchevêtrements des réseaux de circulation. De la ville dans sa globalité aux allées d'un magasin, l’architecture devait assurer la fluidité du mouvement. Les arcades, les halls, les enchaînements de salles dans les grands immeubles y contribuent. L’ascenseur devient le véhicule d’une « rue verticale ». L’escalier mécanique efface lui aussi les contraintes des montées et des descentes. Les tunnels, comme c’était le cas au Château Laurier ou au Royal York, s’ajoutent au réseau de rues et de trottoirs pour assurer des accès protégés aux édifices. L’architecture des grands immeubles procède alors de la même idéologie que celle du milieu des affaires : elle est le produit d’une culture du pragmatisme commercial, de l’efficacité des échanges et de la libre circulation des biens et des personnes. Elle assume également le fait que la masse, c’est-à-dire la réunion du plus grand nombre de personnes, est synonyme, d’une part, d’économie d’échelle et, d’autre part, de profit accru.
11Ainsi, dès les premières décennies de ce siècle, le modèle montréalais de ville intérieure est en émergence. La crise mais surtout les prétentions à l’innovation absolue des modernistes d’après la Seconde Guerre mondiale expliquent l’amnésie à l’égard de ces importants précédents. Cependant, il faut dire que, sauf pour la volumétrie des gratte-ciel, la dimension urbanistique des grands immeubles de 1900 à 1940 n’a pas été théorisée, ce qui a favorisé son oubli.
12La contribution de Ross et Macdonald à la mise en place au Canada de cette vision optimiste voire fantasque associée aux grands immeubles est majeure, mais ils n’étaient pas les seuls à travailler dans cette voie. À Montréal, il existe un autre grand projet qui allie le gigantisme aux espaces publics intérieurs : c’est celui de la gare centrale et de son secteur2. La première version connue a été dessinée vers 1915 par les architectes Whitney Warren et Charles D. Wetmore qui avaient réalisé en 1913 la gare centrale de New York avec Charles A. Reed et Alan H. Stem. Monumentale et imposante à souhait, cette gare new-yorkaise est l’une des réalisations les plus remarquables de son temps en matière d’aménagement intérieur voué à régler le mouvement frénétique des foules. On peut supposer que Warren et Wetmore ont repris les mêmes principes d’organisation intérieure pour leur projet montréalais. Pour ce qui est de l’extérieur, la vue aérienne qui a été largement diffusée met en évidence le contraste entre la ville existante et la proposition. Par son uniformité et son échelle, la succession d’édifices blocs de Warren et Wetmore contraste vigoureusement avec le paysage urbain du secteur. La volumétrie résulte d’une occupation maximale des îlots et révèle que la priorité a été accordée à la rationalité fonctionnelle et à la rentabilité plutôt qu'au contexte.
13Abandonné sans doute à cause de la Première Guerre mondiale, ce vaste projet immobilier sera repris à la fin des années 1920. Le Canadien National demanda alors à Hugh G. Jones, le collaborateur de Ross et Macdonald pour la gare de Toronto, de concevoir ce complexe immobilier, probablement le plus ambitieux au Canada à cette époque. Les vues à vol d’oiseau mettent en évidence les bâtiments de l’avenue McGill College et donnent l’impression que l’architecte espérait avant tout canaliser la perspective sur une tour à gradins. En comparaison du projet de Warren et Wetmore, la rue retrouve ses lettres de noblesse dans un ensemble symétrique et bien intégré. Cependant, sous le niveau de la rue, Jones a réussi à proposer de vastes espaces piétonniers qui reliaient les bâtiments. Par la même occasion, il a profité des niveaux en sous-sol pour séparer les circulations piétonnières et véhiculaires ce qui, on le sait, a été l’une des idées défendues par le mouvement moderne en matière d’urbanisme. Ainsi, un tunnel ferroviaire vers le nord de la ville faisait partie du projet, tout comme les segments souterrains prévus pour les voitures3.
14Stoppé par la crise économique des années 1930, ce projet n’a pas été réalisé. Du moins pas tout de suite, car en fait il devait être érigé sur le site même qu’occupe la série actuelle d'édifices de la Place Ville-Marie à la Place Bonaventure. Ainsi, c’est dès 1929 que la compagnie de chemin de fer du Canadien National a élaboré les principes qui guideront la conception de la Place Ville-Marie. Comme Ross et Macdonald, Jones avait reconnu le potentiel de projets new-yorkais : dans son cas les similitudes avec le Rockefeller Centre de Raymond M. Hood sont frappantes.
15Incidemment, si les planches de Jones n’avaient pas fait abstraction des édifices existants, il aurait intégré l’édifice Confederation de Ross et Macdonald qui se trouve sur le même site. La remarquable gare centrale de John Schofield (1943) jouera un rôle fondamental dans la poursuite de ce réseau souterrain. Finalement, après bien des tergiversations, dont les propositions urbanistiques de Jacques Gréber en 1952, le projet aboutira à l’érection de la Place Ville-Marie qui sera suivie par celle de la Place Bonaventure. Comme les immeubles de Ross et Macdonald, la succession de projets sur ce site démontre, elle aussi, les liens qui unissent la production des premières décennies du XXe siècle avec l’architecture moderniste qui s’affirmera après la Seconde Guerre mondiale.
16Avec le recul, on doit admettre que Ross et Macdonald ont le mérite, à l’instar de la production américaine, d’avoir compris le potentiel qu’il y avait à développer la dimension intérieure d’édifices géants. Leur foi absolue dans cette image de la ville métropolitaine comme lieu de mouvement et de fébrilité les a même conduits à l’utopie si l’on en juge par l’édifice Eaton à Toronto. Sans avoir une esthétique avant-gardiste, leur production contient les germes d’une modernité qui reste d’actualité.
Notes de bas de page
1 Reyner Banham, Megastructure : Urban Future of the Recent Past, Londres, Thames & Hudson, 1976.
2 Jacques Lachapelle, La perspective de l’avenue McGill College, Montréal, Héritage Montréal, 1984. Cette recherche a permis de se familiariser avec cette remarquable série de projets du Canadien National. En plus de la thèse de doctorat (L’architecture des grands immeubles de Ross et Macdonald, du pragmatisme au fantasme métropolitain, Université Laval, Québec, mai 1994), voir Jacques Lachapelle, « Montréal souterrain », Werk, Bauen + Wohnen, (Zurich), 7/8, juillet 1994, p. 14-23. Voir également France Vanlaethem et Isabelle Gournay, « A Long-Term Perspective on Place Ville-Marie », Journal de la Société pour l'étude de l’architecture au Canada, 24 :1, 1999, p. 6-15.
3 À titre de rappel, un tunnel a été creusé pour la Canadian Northern Railway afin de développer la ville de Mont-Royal en assurant un lien rapide au centre-ville. Le tunnel sert encore aujourd’hui au réseau des trains de banlieue de la Société de transport de la Communauté urbaine de Montréal.
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