La renaissance du dictionnaire de langue française au milieu du XXe siècle : une révolution tranquille
p. 88-99
Texte intégral
1Associer les idées de « renaissance » et de « révolution », et, qui plus est, de révolution tranquille, c’est revendiquer le déroulement d’un phénomène naturel—la révolution des astres, puis le retournement de situation sur la terre—et d’une sorte de miracle, le fait de ressusciter.
2« Renaissance » suppose existence préalable et disparition, puis réapparition. Mais pas à l’identique. Nos sociétés, nos langues, évoluent sans cesse ; des procédés, des méthodes, des techniques apparaissent et disparaissent.
3Il s’agit en l’espèce du phénomène dictionnaire, qui suppose une prise de conscience des usages langagiers, le désir d’en rendre compte, de les décrire, de les transmettre pour répondre à des besoins sociaux. Nous avons pris l’habitude de distinguer dans le monde des livres, et aujourd’hui des supports électroniques, une espèce très particulière appelée en français, depuis 400 ans, dictionnaire, mot tiré du latin dictio, dérivé du verbe dicere « dire » et auquel correspond, par exemple, l’allemand Worterbuch, encore plus clair puisqu’il annonce à tout germanophone un « livre de mots ». Notons au passage que la langue anglaise révèle ou avoue son acculturation latine en préférant, au XVIe siècle, dictimary à word book.
4Nous pensons tous savoir ce qu’est un dictionnaire, surtout si nous en composons ou si nous les étudions, mais c’est au prix de certaines facilités. On le définit comme un « livre » imprimé, alors que c’est plutôt un texte, dont le support matériel importe, mais ne définit pas sa nature. À preuve, les dictionnaires manuscrits de l’Antiquité et du Moyen Âge, et aujourd’hui les dictionnaires électroniques. Nos cultures, les cultures nationales francophones, produisent quantité d’ouvrages qu’on nomme dictionnaires et qui ont des caractéristiques très variées.
5Dans la typologie des dictionnaires, presque aussi complexe que celle des légumineuses ou des arthropodes, et qui attend encore son Linné ou son Cuvier, on s’accorde pourtant à distinguer clairement quelques familles : les dictionnaires bilingues ou plurilingues, qui s’opposent aux unilingues ; les dictionnaires d’apprentissage, notamment destinés aux enfants, et les dictionnaires pour adultes, par exemple. Une autre opposition est acceptée, entre dictionnaires unilingues, mais elle est mal comprise du grand public ; elle est sémiotique et correspond à la description contrastée des mots pour eux-mêmes, pour leur signification, leur histoire, leur usage, leur effet social, leur aptitude combinatoire—c’est-à-dire dans le fonctionnement de la langue et de ses usages—, ou bien à celle des mots d’une langue et de ses noms propres en tant que moyen d’accès à d’autres connaissances, dites encyclopédiques.
6En fait, il est facile de distinguer le dictionnaire de langue du dictionnaire encyclopédique. par un test pratique. Le premier ne peut se traduire entièrement, ne serait-ce que parce que sa nomenclature se nomme elle-même : elle est autonyme. Ainsi, l’entrée révolution d’un dictionnaire français ne concerne pas directement le mot arabe thawra, qui désigne le même phénomène historique, mais pas la trajectoire des astres. L’entrée mushroom d’un dictionnaire anglais laissera de côté les champignons microscopiques que l’anglais nomme d’un mot latin, fungi. Ces divergences entre langues font l’objet des dictionnaires bilingues, qui sont tous des dictionnaires « de langue ». Aussi bien ne parle-t-on de dictionnaire de langue, en français, qu’en matière d’ouvrages unilingues.
7Les difficultés de perception d’une réalité culturelle pourtant assez claire viennent du fait que les informations concernant le lexique et la langue sont souvent mêlées à des informations concernant les connaissances que le langage permet d’exprimer et de transmettre. Je récuse l’opposition entre dictionnaires de mots et dictionnaires de choses, tout simplement parce que les mots illusion, mythe, dragon, liberté, néant... ne renvoient pas à des « choses », mais à des concepts et à des imaginaires.
8Venons-en à la tradition des dictionnaires de langue française, qui existe depuis le XVIe siècle, d’abord par le dictionnaire bilingue, ensuite par le dictionnaire consacré à la langue française, ou plutôt à une sélection de son lexique, même s’il conserve des traces de latin (le Thrésor de Jean Nicot). Ensuite intervient le dictionnaire où le lexique est envisagé comme une voie d’accès à des connaissances sur le monde, et comme recueil de termes, pas seulement de mots et de manières de dire. Du Furetière au Dictionnaire raisonné de Diderot et d’Alembert, la lexicographie française cherche à maîtriser les connaissances par l’outil indispensable qu’est le lexique.
9Au XIXe siècle, deux phénomènes essentiels modifient la donne : une linguistique nouvelle, plus scientifique, apparaît, qui renonce à la « grammaire générale » et compare les langues dans leur évolution historique ; une volonté pédagogique d’apprentissage généralisé de la langue nationale devient une nécessité sociale et politique en France, alors que les francophones de Belgique et de Suisse s’affirment et que le Canada francophone découvre son originalité culturelle, et par rapport à l’anglophonie, et par rapport à la langue source, l’usage français d’Europe. Cela concerne d’ailleurs de nombreuses langues, et on peut noter que la vague de dictionnaires semi-langagiers, semi-encyclopédiques en langue française, inaugurée par Boiste, continuée par Poitevin, Bescherelle et finalement reprise dans une optique pédagogique par Pierre Larousse, correspond à des évolutions très comparables en Allemagne et aux États-Unis. Le dernier cas est d’autant plus intéressant qu’il illustre une volonté d’indépendance culturelle par rapport aux descriptions britanniques de la langue anglaise. Les publications de Noah Webster, puis de Worcester—rachetées ensuite par les héritiers Merriam-Webster et publiées sous le nom de Webster—, sont parallèles à celles des frères Bescherelle et de Pierre Larousse.
10Pendant cette évolution, à dominante socioculturelle, le dictionnaire de langue se porte à merveille. La patrie de la nouvelle linguistique est l’Allemagne, et c’est sur l’allemand que la première description très développée des usages les plus valorisés d’une langue, avec une dimension littéraire importante, est mise en chantier par les célèbres frères Grimm. En Angleterre, où Samuel Johnson a défini un type de dictionnaire de langue en 1755, avec diverses vicissitudes, le New English Dictionary on Historical Principles, dit Oxford, va devenir un modèle. En France, un dictionnaire important, surtout par la qualité des définitions et l’importance du corpus littéraire utilisé, est celui d’Émile Littré, suivi de peu par un grand recueil historique, plus philologique que linguistique, le Dictionnaire d’ancien français de Godefroy.
11Cependant, après un feu d’artifice final, le remarquable et sélectif Dictionnaire général de la langue française de Hatzfeld, Darmesteter et Thomas, qui fut notre modèle au début de l’entreprise du Robert, le dictionnaire de langue, en français, ne s’exprima plus pendant un demi-siècle.
12Alors que s’achevait le grand dictionnaire Oxford, de plus en plus ouvert à l’anglais hors de Grande-Bretagne, que s’élaboraient la dernière édition du Vocabulario della Crusca et le grand dictionnaire de la langue italienne de Battaglia, des dictionnaires inspirés du Oxford pour les langues germaniques du nord de l’Europe (le danois, notamment), la lexicographie de langue française, très active dans d’autres domaines, abandonnait le dictionnaire général de la langue, de manière scandaleuse.
13Non seulement on ne publiait plus d’ouvrages nouveaux, alors que de grandes encyclopédies voyaient le jour, mais on ne rééditait pas même le Littré, sinon à l’identique, ou bien on diffusait très peu, faute d’une prise de conscience des besoins et faute d’intérêt éditorial. Pour les Français, les Suisses romands, les Belges de Wallonie, les Québécois et toutes les dépendances francophones de la France encore colonisées, l’idée de « dictionnaire » s’identifiait aux produits d’une seule firme qui parvenait à éliminer successivement tous ses concurrents : Gazier, Flammarion, Quillet... Ce qui n’aurait pas modifié l’état de la question, puisque tous cherchaient à produire un outil de connaissance pédagogique et commode dans le cadre d’une politique d’enseignement définie « à la française » par la Troisième République. La description du lexique y survivait, mais réduite à la portion congrue, et tout le matériel phonétique, morphosémantique, syntactique, historique, étymologique, et l’exemplification, notamment littéraire, y étaient dramatiquement sous-représentés.
14On peut aussi noter que pour faire la synthèse des données étymologiques sur le français, il fallut l’initiative et l’acharnement d’un linguiste suisse germanophone, Walther von Wartburg, tandis que des atlas linguistiques concernant les dialectes se réalisaient tout de même en terre francophone.
15La description historique des vocabulaires français en était renouvelée, par rapport au Littré. Certes, l’usage contemporain était décrit dans les dictionnaires encyclopédiques, mais incomplètement, et la description de la néologie soumise aux besoins de la pédagogie, la langue familière étant très négligée. Cependant, une discipline importante, la terminologie, tirait son épingle du jeu, en partie grâce à la structure de la description lexicographique proposée par les frères Bescherelle au milieu du XIXe siècle, fixée par Pierre Larousse ensuite, et perfectionnée par les éditions Larousse au XXe siècle.
16Le transfert de cette richesse terminologique, classée par domaines, à la répartition sémantique qui rétablissait l’unité d’analyse du signe, fut l’une des grandes difficultés de méthode dans la réalisation du Grand Robert, puis du Petit.
17Car il a fallu une initiative personnelle, hors de l’université et hors de l’édition existante pour frire renaître le dictionnaire de langue. L’importance de l’initiative de Paul Robert, curieusement, lui échappait en partie. Son premier objectif était de mêler à la description linguistique du vocabulaire français un aspect onomasiologique à vocation pédagogique ; concrètement, de réaliser pour le milieu du XXe siècle un hybride du dictionnaire analogique de Boissière et du Littré, tous deux réalisés un siècle auparavant ou peu après.
18Or, c’est en frit en répudiant les méthodes et les présupposés de Littré tout en adoptant l’approche philosophique du Dictionnaire général, c’est en donnant aux listes onomasiologiques de Boissière, modernisées, un aspect de réseau ou de champ sémantique, que le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française intégra les deux dimensions descriptives distinguées par Saussure—la diachronie et la synchronie—et les deux approches complémentaires de toute description lexicale adéquate, paradigmatique et syntagmatique.
19Paul Robert n’attachait guère d’importance à cette théorisation, qui pourtant conférait à son entreprise une véritable modernité, et un caractère discrètement révolutionnaire.
20Cependant, en extrayant les imités lexicales à mettre en rapport d’un corpus de définitions, et non de listes arbitraires, il donnait à son utilisation de l’onomasiologie des bases plus fermes que ses prédécesseurs.
21En fait, le dictionnaire qui s’élabora de 1950 à 1964 (premier volume publié en 1953) témoigne, pour qui veut bien l’examiner, d’une évolution très visible, partant d’un schéma de dictionnaire onomasiologique enrichi de citations littéraires, et aboutissant progressivement à l’application des principes que j’ai rappelés plus haut. Restait à réduire cette hétérogénéité, ce qui fut l’objectif, d’abord du Petit Robert (1967), ensuite de la deuxième édition du Dictionnaire alphabétique et analogique (les spécialistes, qui adorent les sigles, se gargarisaient de daalf) retitré Grand Robert en 1985. Entre-temps, le dictionnaire de langue française, comme par magie—une magie faite d’intérêts économiques, de la part des éditeurs, et d’un changement d’atmosphère, nous a-t-il semblé—, se réveillait. Le Grand Larousse de la langue française, dont j’ai dit ailleurs les qualités, parut de 1971 à 1978 ; le Trésor de la langue française de 1971 à 1994 ; le Lexis dirigé par Jean Dubois en 1975...
22Si l’on ajoute—et il le faut—les dictionnaires qui décrivent un aspect ou un usage de la langue, il se produisit alors une prolifération, de qualité très inégale, tant en France qu’au Québec, en Belgique et en Suisse — en attendant d’autres secteurs francophones—, qui manifeste le regain d’intérêt pour le dictionnaire de langue dans tout le domaine francophone.
23Bien entendu, ce n’est pas l’apparition des dictionnaires Robert à elle seule qui fut la cause de cette révolution tranquille, d’autant que le pouvoir pédagogique du dictionnaire encyclopédique et de l’encyclopédie en langue française n’a pas reculé, au contraire.
24Mais je pense qu’on peut créditer l’initiative de Paul Robert de symptôme avant-coureur et de stimulant pour une évolution culturelle qui dépasse de loin l’édition des dictionnaires. Cette évolution—je ne sais s’il faut dire cette renaissance—concerne non l’évolution de cette langue, le français, dont on connaît les difficultés et les crises d’adaptation à la mondialisation impérialiste des États-Unis, mais celle de ses usages, et aussi, celle de la perception qu’en ont les communautés francophones.
25Les dictionnaires dont Josette Rey-Debove et moi-même nous sommes occupés, ont tenté, à leur manière, de refléter certaines prises de conscience langagières. Ainsi, l’introduction de termes institutionnels et de mots ou de sens propres aux usages du français dans les États et les régions où cette langue fonctionne, soit comme langue maternelle (Québec, Romandie, Wallonie), soit comme langue officielle ou d’enseignement (Tunisie, Maroc, pays d’Afrique), a commencé en lexicographie générale du français avec le Petit Robert et avec le Dictionnaire du français vivant (1972), mais ce dernier séparait les entrées du français hors de France des autres, ce qui est à la fois une erreur de méthode et un préjugé culturel. De même, le degré d’adaptation linguistique à une utilisation du français hors de France a fait l’objet, me semble-t-il, d’un effort plus important de la part des dictionnaires Robert que de leurs concurrents ; ainsi le Robert Junior dans sa version québécoise a été profondément repensé et non pas adapté superficiellement.
26Il s’agissait, à travers des objectifs éditoriaux et donc commerciaux—pourquoi le cacher ?—qui ne sont que secondaires pour le lexicographe, de refléter de manière moins imparfaite les variétés d’usage de la langue française.
27Ainsi, l’apparition dans un dictionnaire général de plus nombreux régionalismes intérieurs au français de France, régionalismes dont la description s’est récemment améliorée parallèlement à celle des français hors de France, n’est le fait que des Robert et du Trésor de la langue française (avant un dictionnaire Hachette très stimulant). La grande qualité du Dictionnaire suisse romand et celle du Trésor de la langue française au Québec—entre parenthèses, ce sont deux Québécois, André Thibault et Claude Poirier, qui en sont les responsables—, celle du récent Dictionnaire des régionalismes de France dirigé par Pierre Rézeau, publié par un éditeur belge, rendent enfin possible un enrichissement de la description générale du français.
28Seulement, pour enrichir un dictionnaire général du français, il faut nécessairement le rééditer. Or, si les dictionnaires encyclopédiques le sont souvent, mais avec une certaine brutalité en ce qui concerne les suppressions, les dictionnaires de langue, y compris les plus prestigieux, n’évoluent, au mieux, que grâce à des suppléments qui compromettent toujours l’unité de la description. Émile Littré avait donné assez mauvais exemple avec le supplément de son dictionnaire, dont les principes descriptifs sont visiblement très différents de ceux de l’ouvrage. Après un siècle d’interruption, les tentatives de complémentation du Littré sont d’ailleurs vite tombées dans l’oubli. Et même le grand dictionnaire Oxford n’a suivi le mouvement du vocabulaire anglais — admirablement d’ailleurs, en ce qui concerne la terminologie scientifique et technique—qu’au prix d’une destruction de la description d’ensemble, devenue manifeste avec le cédérom qui interclasse les éléments des deux suppléments.
29Seul, à ma connaissance, parmi les dictionnaires de langue, le Petit Robert connaît des modifications et des ajouts annuels. Parmi les grands dictionnaires, seul le Grand Robert bénéficie en un demi-siècle de trois versions évolutives, 1953,1985, entièrement réécrite, et 2001. Et je peux annoncer ici la sortie prochaine d’un dictionnaire de taille intermédiaire entre le Petit et le Grand Robert, qui sera l’objet d’un important élargissement de la description. Ce dictionnaire aura par ailleurs des contenus nouveaux, destinés à montrer que les mots essentiels du lexique français donnent accès à des contenus culturels interlinguistiques et internationaux illustrés par de très nombreuses citations en traduction.
30Si j’ai évoqué, à propos du Robert, une « révolution », c’est que, dans de nombreux domaines nous avons cherché à innover, en élargissant l’objectif du dictionnaire de langue traditionnel. Quelques exemples : le Robert méthodique, dont Josette Rey-Debove achève une deuxième version très perfectionnée ; le Dictionnaire historique de la langue française, à propos duquel un grand recueil bibliographique britannique notait qu’il était scandaleux que la langue de Shakespeare n’ait pas l’équivalent, à savoir un dictionnaire où l’étymologie dépasse le latin et le grec pour remonter aux sources connues aussi loin qu’on peut aller, et qui suive l’histoire de chaque mot depuis son apparition repérée dans un texte jusqu’à nos jours.
31Novations lexicographiques, mais dans le respect d’une tradition, car il serait absurde et dangereux de bouleverser, alors qu’on peut perfectionner. Et donc, « révolution tranquille ». J’évoque cette expression, non seulement pour manifester une préférence pour les méthodes socioculturelles du Québec, mais aussi pour souligner que seule cette tranquillité dans la démarche et dans le traitement des difficultés et des problèmes est de nature à faire réussir des évolutions et des transgressions nécessaires.
32Il est arrivé que nos petites révolutions lexicographiques échouent, non pas à cause d’une idée directrice erronée ou d’une réalisation trop imparfaite, mais simplement, nous a-t-il semblé, parce que nous étions en avance sur les utilisateurs, qui n’aiment pas être bousculés. Ainsi un dictionnaire historique et culturel du vocabulaire des sports, rédigé par un helléniste qui fut aussi champion cycliste amateur, Georges Petiot, ou bien Le Robert oral-écrit de Dominique Taulelle n’eurent pas le succès qu’ils auraient mérité. Le remplacement du très innovant Petit Robert des enfants de Josette Rey-Debove par un Robert Junior excellent, mais plus classique, en est un autre exemple, de même que parmi les dictionnaires Larousse, le Dictionnaire du français contemporain de Jean Dubois, qui sans changer de titre ni d’auteur, changea de contenu et surtout de conception en 1980, revenant à la tradition, alors que le Micro Robert et le Robert pour tous de Danièle Morvan—qui sert de base au Robert des collèges—, qui pratiquent l’un une description synchronique distributionnelle, l’autre une synthèse compacte de l’ensemble des informations des grands dictionnaires de langue, ont bénéficié d’un accueil favorable et poursuivent leur carrière.
33Une autre révolution, plus cachée, est la mise en rapport discrète des renouvellements théoriques de la linguistique contemporaine et de la terminologie avec la finalité pratique, pédagogique, éditoriale du dictionnaire de langue variant selon les publics et les finalités sociales. Cette articulation est le point faible de certaines réalisations lexicographiques par ailleurs remarquables.
34La théorie linguistique des dictionnaires a fait récemment des progrès notables ; celle des pratiques éditoriales beaucoup moins. Enfin, tout comme la terminologie, l’aménagement linguistique et bien d’autres spécialités, la lexicographie des langues pose des problèmes de communication sociale spécifiques, à côté de celle qui élabore les dictionnaires bilingues ou encore les recueils encyclopédiques. Il ne s’agit pas de compartiments du savoir dans une même pratique, mais de pratiques spécifiques.
35C’est pourquoi le développement, puis la disparition après 1900 et les réapparitions après 1950 de véritables dictionnaires de la langue française intéressent toutes les cultures et les nations qui s’expriment collectivement par cette langue.
36Dans l’évolution contrastée, souvent négative de la langue française à l’époque contemporaine, la réapparition d’une lexicographie qui lui soit consacrée et l’intérêt pour ses produits, que ce soit en Belgique ou au Québec, en France, en Suisse ou tout autrement en Afrique, fait partie des raisons d’espérer non seulement en l’avenir d’une activité spécifique, mais surtout en l’amour de notre langue commune.
Auteur
Alain Rey, après des études de lettres, de sciences politiques et d’histoire de l’art, fut le secrétaire général du Dictionnaire de Paul Robert (1956) et responsable de l’équipe de collaborateurs. Avec Josette ReyDebove et Henri Cottez, il entreprend ensuite le Petit Robert, paru en 1967. Après un an de professorat en Amérique du Nord, il publie Littré, l’humaniste et les mots, écrit sur la lexicologie (La lexicologie : lectures), la science des signes (Théories du signe et du sens) et la terminologie, tout en rédigeant et en dirigeant plusieurs dictionnaires pour les éditions Le Robert. Il écrit en outre pour de nombreuses revues de linguistique et de sémiotique, en France, en Allemagne, aux États-Unis et en Asie, aborde l’histoire des dictionnaires (Encyclopédies et dictionnaires), l’histoire et la théorie littéraire (Dictionnaire des littératures de langue française, avec Jean-Pierre de Beaumarchais et Daniel Couty), l’argot (Dictionnaire du français non conventionnel, avec Jacques Cellard), le théâtre (Le théâtre, avec Daniel Couty), la bande dessinée, etc. Il publie en 1985 Le Grand Robert de la langue française en 9 volumes, puis, en 1992, le Dictionnaire historique de la langue française. Depuis 1993, Alain Rey présente une chronique sur la vie des mots sur la chaîne de radio française France-Inter.
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