26. Le financement des universités
1954
p. 204-215
Résumé
Les universités québécoises se font aussi entendre par la commission Tremblay. Le mémoire de l’université Laval met en lumière le rôle essentiel des universités pour toutes les sociétés civilisées et particulièrement dans le cas du Canada français pour la préservation de son identité et pour sa prospérité. Le mémoire décrit les graves carences structurelles du financement des universités au Québec et les dangers qu’elles entraînent. L’un de ces dangers est l’incapacité de former, de recruter, de conserver et de soutenir un corps professoral qualifié ; il est en outre bien difficile d’offrir aux professeurs les congés sabbatiques nécessaires à leur ressourcement. L’université Laval formule donc deux recommandations majeures. D’une part, le gouvernement doit accroître substantiellement ses subventions aux universités et surtout les rendre statutaires, notamment en instituant un « Fonds provincial des universités » garantissant ces subventions annuelles statutaires. D’autre part, pour préserver l’autonomie des universités, une « Commission de l’aide aux universités » conseillerait le gouvernement dans la répartition des subventions aux divers établissements.
Note de l’éditeur
Source : Mémoire, p. 1-3, 4-5, 6-7, 61-72, 76-79, 81-84.
Texte intégral
1[...]
Le rôle essentiel des Universités dans la vie des nations civilisées
2Les Universités ne sont pas des organismes de luxe, mais des institutions d’intérêt public dont les nations civilisées ne peuvent se passer sans compromettre notablement la valeur de leur civilisation. Les peuples qui ont la plus grande influence dans le monde actuel sont ceux qui créent les idées qui mènent le monde, ceux qui fabriquent les machines dont tout le monde se sert, ceux dont les savants ont trouvé dans leurs laboratoires les formules qui garantissent la sécurité de la vie humaine, ceux dont les experts ont consacré leurs recherches scientifiques à trouver les solutions nouvelles exigées par les problèmes nouveaux que la vie pose sans cesse de génération en génération. Les peuples qui ont le plus de chance de marquer de leur empreinte la civilisation du siècle actuel sont ceux qui ont fait les plus grands efforts pour relever chez eux le niveau de l’enseignement, qui ont le plus richement outillé leurs Universités et les ont remplies d’un plus grand nombre d’étudiants. Non seulement ces peuples sont devenus forts et ont mis en valeur toutes les ressources de l’homme et de la nature, mais ils ont du même coup atteint une supériorité qui les rend indispensables au reste de l’univers. Leur supériorité intellectuelle leur a permis de jouer dans le monde un rôle de premier plan. C’est ainsi que de petits pays comme la Belgique, la Suisse, la Hollande, les pays Scandinaves, ont réussi à établir en leur faveur cette marge de supériorité intellectuelle qui les place aux premiers rangs de l’humanité. Ces pays ont produit une proportion considérable d’esprits remarquables et ont fourni au monde un grand nombre de penseurs et d’hommes de science possédant les plus hautes qualifications universitaires. Ces peuples sont redevables à leurs universités de posséder une élite intellectuelle qui répand leur renommée au delà de leurs frontières et qui assure à toute la nation un haut degré de civilisation, qui se reflète dans la sagesse des institutions politiques, la compétence de l’administration publique, la qualité des services professionnels, l’efficacité de l’industrie et du commerce, l’élévation générale du niveau de la culture intellectuelle et du bien-être matériel. Tout cela parce que l’Université est de sa nature un puissant instrument de civilisation.
3S’il coûte cher d’avoir des universités, il coûte plus cher encore de n’en pas avoir ou de laisser végéter celles que l’on a. Les peuples qui se résigneraient à s’en passer seraient vite condamnés à se cristalliser dans une zone d’infériorité. Songeons à ce que serait aujourd’hui notre Province si nous avions eu assez tôt tous les techniciens dont nous avions besoin pour exploiter nous-mêmes nos ressources naturelles, nos forêts, nos mines, notre énergie hydroélectrique, nos industries chimiques, et si nous avions compris plus tôt que ce qui fait la grandeur d’un peuple, c’est de produire en grand nombre des hommes supérieurs qui accroissent le patrimoine de l’humanité en élargissant le champ de la connaissance humaine et en l’enrichissant de leurs découvertes.
4Le Canada français n’a pas le droit de se passer d’un enseignement universitaire de toute première valeur. Il se doit, au contraire, de posséder des Universités françaises comparables en tout point aux plus grandes Universités du monde ; il lui faut des Universités suffisamment dotées pour pouvoir répondre à toutes les exigences de l’enseignement universitaire moderne et à tous les besoins de la population étudiante.
5Avouons que nous n’avons pas encore atteint ce stage de perfection. Parce que nos universités françaises n’ont pas les sources de revenus dont elles auraient besoin, elles se voient condamnées à marquer le pas dans bien des domaines et à remiser quantité de projets dont la réalisation s’impose avec urgence.
6[...]
Le problème de notre survivance française
7Mais il y a plus. Il n’est pas osé d’affirmer que la valeur de nos universités françaises est une condition nécessaire de notre survivance qui est, dans une large mesure, dépendante de notre perfection culturelle.
8Les Canadiens français sont au Canada pour y rester. D’ailleurs personne ne songe à les en déloger. Mais ces Canadiens de langue française resteront-ils toujours ce qu’ils sont ? En d’autres termes, resteront-ils toujours des Canadiens à l’âme française ? Si jamais il leur arrive ce malheur de perdre leur âme française, ils cesseront d’être les fils de ceux qui ont ouvert ce pays à la civilisation, même s’ils arrivaient à conserver leur langue et à garder dans leurs veines quelques gouttes de sang français. Il est fort possible de parler français sans être français pour un sou et sans rien posséder de ce qui caractérise le génie français. Perd facilement son âme française qui n’a pas le souci de sa richesse et de sa beauté. Celle-ci suppose tout un ensemble de qualités et de notes individuantes qui réclament l’enrichissement d’une saine éducation et l’action tonique d’un climat intellectuel favorable. En somme, elle est une chose délicate qui a besoin d’être protégée, défendue, sans cesse nourrie de lumière et de vie spirituelle. Le climat qui convient à son épanouissement n’est pas celui de la médiocrité.
9Or l’un des grands dangers qui menacent en ce moment l’âme française chez nous, c’est celui de la médiocrité intellectuelle. Déjà nous en vivons trop volontiers, sans trop nous en plaindre. Prenons-y garde ; si la vie de l’esprit, au lieu de toujours monter, devait, dans la Province française du Canada, descendre et perdre l’habitude des sommets, le matérialisme contemporain, qui déjà nous envahit, aurait vite fait de mettre sous le boisseau la lumière que nous devons au spiritualisme de la pensée catholique et française. Ce jour-là notre vie française aura perdu son authenticité. Il ne nous suffira pas de parler français pour exiger et obtenir de nos compatriotes de langue anglaise qu’ils reconnaissent en nous des descendants des découvreurs et des fondateurs de ce pays, parce que nous aurons perdu notre âme française. Si un tel malheur nous arrivait, que deviendrions-nous ? Dans un pays ouvert à la civilisation par nos ancêtres, nous ne serions plus que les méprisables témoins d’une apostasie nationale qui nous aurait marqués d’un stigmate ineffaçable. On l’a souvent dit, les Canadiens français n’ont pas le droit de se résigner à n’être que des citoyens de seconde zone dans un pays qui a été bâti par leurs ancêtres. Mais c’est à eux surtout de voir à ce qu’ils ne le soient pas.
10Ce qu’il nous faut, c’est la supériorité dans tous les domaines et dans tous les secteurs : supériorité dont la conquête exige de très grands sacrifices. L’un des plus impérieux, l’un de ceux que doivent accepter sans hésitation les Canadiens français, c’est de consentir tout pour assurer à la province de Québec des universités de très haute valeur qui soient comparables aux universités qui ont créé la civilisation occidentale de l’Europe.
11Concluons que l’anémie de nos universités françaises aurait fatalement pour conséquences l’appauvrissement progressif de la culture française au Canada et la perte de son influence dans un pays que nos ancêtres ont eu la gloire d’ouvrir à la foi et à la civilisation.
L’avenir politique et économique des Canadiens français
12[...]
13Et que dire de la façon dont les Canadiens français ont jusqu’ici répondu à leur obligation de conquérir leur émancipation économique ? Nous n’avons même pas encore réussi à doter la Province de Québec des hommes de science et des ingénieurs que réclame l’exploitation de nos propres ressources naturelles. Qu’attendons-nous pour le faire ? Avons-nous suffisamment compris que, pour arriver à produire en nombre suffisant de tels experts, nos Universités ont besoin d’être mises à même de le faire ? Or, elles ne le sont pas.
14Par exemple, il est assez déconcertant de constater que nos deux Universités françaises ne fournissent au Canada que 7 % tout au plus des ingénieurs qui sortent chaque année des Universités du pays, alors que l’Université de Toronto à elle seule en fournit plus de 25 %. La comparaison, on le voit, n’est pas à notre avantage, et il reste inconcevable que nous ne soyons pas encore arrivés à former chez nous plus d’ingénieurs. Nous n’en avons même pas assez pour répondre aux besoins les plus urgents de notre Province. Songeons que près de 30 % des ingénieurs que nous employons dans la Province de Québec nous viennent des autres Provinces du Canada, des États-Unis ou d’ailleurs.
15De 1941 à 1953, environ 20 000 étudiants ont gradué en génie au Canada. De ce nombre Montréal et Laval en ont formé environ 1200, soit 6 % du nombre total. Si notre production d’ingénieurs était proportionnée au chiffre de la population de la Province de Québec, c’est 30 % de cette armée d’ingénieurs que nous aurions dû fournir au pays, soit 6000 gradués.
16D’où vient notre déficience à ce sujet ? À n’en pas douter, elle vient en grande partie de ce que nos Universités françaises, quoiqu’elles aient fait jusqu’ici des prodiges pour organiser et développer chez elles l’enseignement scientifique, en sont encore réduites à se contenter pour réaliser leurs ambitions de moyens insuffisants. Nos deux Universités forment chaque année, nous devons nous en réjouir, des ingénieurs de toute première qualité ; ce qui le prouve, c’est qu’ils sont en grande demande dans le monde industriel. Mais il faudrait en fournir un plus grand nombre.
17Il nous faut donc songer plus que jamais à agrandir les cadres de nos Universités pour qu’elles puissent recevoir plus d’étudiants et donner plus de diplômes à la Province. Cet agrandissement devient d’autant plus urgent que l’enseignement secondaire nous fournira vraisemblablement beaucoup plus d’étudiants d’ici quelques années.
18Bref, c’est dans tous les secteurs de la vie politique et économique que doivent prendre place les Canadiens français pour y introduire, avec l’apport de leur compétence professionnelle, la bienfaisante influence du génie français dont ils sont les représentants.
19À cela nous arriverons avec quelque chance de succès le jour où nous aurons permis à nos Universités françaises de se placer au premier rang des institutions d’enseignement supérieur au Canada.
20Mais, direz-vous, n’y sont-elles pas déjà ? Non pas tout à fait. Il leur manque trop de choses au point de vue matériel et trop de moyens indispensables leur font défaut pour qu’elles puissent toujours répondre avec satisfaction aux espérances que l’on fonde sur elles.
21Que leur manque-t-il donc pour qu’elles puissent atteindre les sommets où elles doivent monter ? La réponse est facile à donner : à toutes deux il manque l’argent. Qu’on leur donne l’argent dont elles ont besoin, et elles auront vite fait de transformer la face de la Province de Québec.
22[...]
CONSÉQUENCES DE LA SITUATION ACTUELLE
23Si nous avons détaillé aussi longuement la situation financière de l’Université, au risque même de rendre cet exposé fastidieux, c’est qu’à plusieurs reprises des amis influents de l’Université, soit de ses gouverneurs, soit des membres de sa Commission des Finances, soit de ses Anciens, soit d’autres personnes justement alarmées de ses difficultés, l’ont discrètement, mais avec beaucoup d’insistance, pressée de le faire.
24En outre, il nous a paru important pour plusieurs raisons de vous faire connaître les difficultés matérielles grandissantes dans lesquelles se débattent les Universités, en vous en fournissant un exemple concret. Sans avoir épuisé le sujet nous croyons, Messieurs les Commissaires, vous avoir fourni suffisamment de renseignements pour qu’il vous soit possible de nous aider à résoudre toutes ces difficultés dont nous nous alarmons à juste titre.
25À cet instant crucial où la transformation économique et sociale de notre province et du pays lui-même exige toujours plus d’hommes et de femmes formés aux disciplines universitaires, s’il fallait que nos universités faillissent à leur tâche ou s’atrophient en ne pouvant pas s’adapter aux besoins de leur temps et de leur milieu, faute de ressources pécuniaires suffisantes, nous aurions, on le réalise bien, à déplorer un malheur irréparable.
26Or dans l’état actuel des choses, devant l’impossibilité d’exiger des droits de scolarité beaucoup plus élevés sans établir une discrimination financière, incapable de compter immédiatement sur des dons assez abondants de la part des individus ou des entreprises, et ne pouvant plus mettre à contribution le Séminaire de Québec qui jusqu’ici a porté une large part du fardeau financier, sans risquer sérieusement de compromettre son œuvre propre, l’Université se voit acculée à des déficits considérables. Celui de l’an dernier était de l’ordre de 737 514 $ ; celui de l’année précédente avait été de 477 358 $.
27Ce n’est donc pas sans raison que nous nous inquiétons. Et il ne semble pas possible d’abaisser sensiblement les dépenses, même si nous faisons des réductions drastiques préjudiciables autant aux étudiants qu’à l’Université elle-même.
28Si l’Université Laval ne peut pas immédiatement combler son déficit de l’année courante aussi bien que celui de l’an dernier, l’extrême gêne financière dont elle souffre actuellement aura fatalement les deux conséquences que voici :
- hausser considérablement les frais d’inscription des étudiants au point de rendre impossible à la plupart d’entre eux l’accès aux études universitaires ;
- renoncer pour longtemps aux développements qui s’imposent [...].
29[...]
QUELQUES MOYENS D’AIDER LES UNIVERSITÉS DE LA PROVINCE DE QUÉBEC
30Il est très réconfortant de constater que la gêne financière dont souffrent en ce moment les universités de la Province de Québec a vite fait de susciter au sein de la population un courant de très vive sympathie. La presse, les corps publics, des organismes sociaux de tout genre se sont hâtés de manifester leur inquiétude en face des faits navrants qui leur ont été révélés. Ils ont vite cherché une solution au problème posé par cette malheureuse crise financière des universités, et ils ont fait nombre de suggestions intéressantes, toutes également inspirées par le très vif désir de tirer nos universités de l’impasse où elles se trouvent.
31Le gouvernement fédéral, mis au courant de la situation financière très alarmante dans laquelle se trouvent actuellement toutes les universités du Canada, s’est fait un devoir, pour leur venir en aide, de prendre une initiative qui a suscité dans la province de Québec quelques protestations et provoqué beaucoup de discussions. On ne peut cependant nier que le geste d’Ottawa venant au secours des universités canadiennes en détresse manifeste le désir sincère qu’éprouvent les autorités fédérales de coopérer avec les gouvernements provinciaux à l’amélioration du sort des universités. C’est un désir dont nous entendons tenir compte dans l’exposé que nous faisons ci-après d’un essai de solution du problème qui nous intéresse.
32Pour résoudre les graves problèmes financiers des universités de la province de Québec, le moyen qui nous a paru le plus normal et le plus rationnel c’est de recourir davantage à l’aide du gouvernement provincial qui, en vertu de la constitution canadienne, est chargé de subvenir aux nécessités de l’enseignement à tous les degrés.
33Est-ce à dire que le gouvernement central peut et doit rester parfaitement indifférent et insouciant en ce qui regarde l’éducation des citoyens canadiens ? Certes non. Parce qu’il n’a pas le droit de se désintéresser de la valeur de l’éducation donnée aux citoyens du Canada, c’est son devoir de faire en sorte que les provinces aient les moyens et revenus dont elles ont besoin pour remplir toutes leurs obligations en ce qui concerne le bien supérieur de l’éducation.
34Et, de façon plus générale, nous prenons pour acquis qu’une sage décentralisation du pouvoir est indispensable à la survie et à la prospérité des provinces de la Confédération canadienne. Toute centralisation qui serait effectuée par le gouvernement fédéral au détriment de l’autonomie nécessaire des provinces de ce pays serait contraire à l’esprit de l’Acte de l’Amérique du Nord Britannique.
35Au surplus, nous croyons fermement que les provinces doivent avoir la faculté de recourir, pour tous les besoins de leur administration, aux pouvoirs de taxation que leur reconnaît l’AANB. Toutefois, afin que les citoyens ne soient pas trop lourdement taxés, nous formulons l’espoir que dans un avenir rapproché une entente soit conclue entre les deux gouvernements au sujet du partage des champs de taxation.
ESSAI DE SOLUTION
36Puisque c’est par des octrois plus substantiels que le gouvernement provincial devra en définitive venir en aide aux universités, il nous semble utile d’énumérer les qualités que devraient avoir ces octrois et de suggérer deux organismes qui pourraient, à notre avis, le mieux garantir ces qualités indispensables.
37Pour atteindre leur but, qui est d’assurer le mieux possible la vie et le développement des universités, les octrois gouvernementaux
- doivent être suffisants et pleinement justifiés. Pour cela, il importe que le gouvernement arrive à bien connaître les besoins collectifs et individuels des universités et des populations qu’elles desservent ;
- ils ne doivent en aucune façon porter atteinte à l’indépendance des universités, sans que cependant ne soit amoindri le droit que possède l’État de contrôler l’usage des deniers publics ;
- ils doivent avoir un caractère de continuité qui rende plus facile aux universités une administration prévoyante et la réalisation des projets de développement qu’elles jugent indispensables ;
- ils doivent être versés aux universités selon un mode bien défini et à des intervalles réguliers, afin de rendre leur administration moins onéreuse.
38Or, il semble qu’on pourrait atteindre ces divers objectifs, que nous croyons indispensables au bon fonctionnement des Universités et à leurs bonnes relations avec le gouvernement, s’il existait une Commission de l’Aide aux Universités et un Fonds provincial des Universités.
39Grâce à cette Commission nos universités, d’une part, pourraient plus facilement faire connaître leurs besoins et le gouvernement, d’autre part, serait plus en mesure de s’assurer que toutes les demandes de subsides sont bien justifiées et correspondent aux besoins comme aux ressources de la Province. Cette Commission serait un intermédiaire très utile entre le gouvernement et les universités, un excellent moyen de sauvegarder l’indépendance des institutions universitaires.
40En second lieu, l’existence d’un Fonds provincial des Universités garantirait plus aisément, nous semble-t-il, la continuité, la souplesse et la régularité des octrois.
La Commission de l’Aide aux Universités
41[...] La Commission de l’Aide aux Universités que nous proposons serait un organisme établi en vertu d’une loi spéciale de la Législature, rattaché au Ministre des Finances. Cette Commission aurait pour rôle d’aviser le Gouvernement sur les problèmes universitaires d’ordre matériel ; d’être l’intermédiaire autorisé entre le Gouvernement et l’Université ; et plus spécialement d’être l’agent de liaison officiel entre les Universités et le Ministre des Finances de la Province pour tout ce qui concerne l’administration financière des universités.
42À cette fin, la Commission de l’Aide aux Universités pourrait avoir les fonctions suivantes :
- faire une étude approfondie du problème universitaire dans notre Province afin d’avoir (a) une vue d’ensemble de la situation pour le présent et pour l’avenir prévisible ; (b) une connaissance détaillée des besoins de chaque université et de la population qu’elle dessert ;
- examiner chaque année l’état financier et le budget de chacune des universités pour connaître les besoins de leur administration courante ;
- faire connaître ces besoins au Gouvernement par l’entremise du Ministre des Finances ;
- conseiller le Ministre des Finances quant à l’attribution des octrois annuels aux universités ;
- examiner les projets de construction et de développement des universités lorsque l’assistance financière de l’État sera requise ;
- déterminer la forme, la durée et l’importance de cette assistance ; et faire ensuite au Ministre des Finances les recommandations jugées nécessaires ;
- faire tous les cinq ans une étude d’ensemble de la situation financière des universités de la Province ; déterminer pour la période quinquennale suivante la somme des octrois nécessaires à leur administration courante et à la construction des édifices qu’elles projettent ; faire ensuite rapport sur ce sujet au Ministre des Finances ;
- présenter au Ministre des Finances un rapport annuel de l’activité de la Commission ;
- de façon générale, (a) établir avec les institutions universitaires des relations étroites et continues ; (b) accomplir dans la limite de la juridiction déterminée par la loi, tous les actes nécessaires au bon fonctionnement de la Commission.
43Cette Commission provinciale de l’Aide aux Universités pourrait être composée de sept membres nommés par le Lieutenant-gouverneur en conseil après consultation des universités. Les membres de la Commission seraient en fonction pendant neuf ans ; leur mandat pourrait être renouvelable. Une fois nommés, ils éliraient l’un d’entre eux comme président pour trois ans. Le président ne serait pas rééligible.
44Cette Commission devrait comprendre des représentants des universités et du public. Il serait souhaitable que certains d’entre eux représentent le monde de la finance, de l’industrie et du commerce.
45Il est inutile de dire que cette Commission n’aura de valeur et d’autorité que si ses membres sont des citoyens universellement estimés, jouissant d’un grand prestige dans leur milieu et bien renseignés sur les problèmes universitaires.
Fonds provincial des Universités
46Pour que la Commission de l’Aide aux Universités puisse rendre à celles-ci tous les services désirables, il faudra que le Ministre des Finances soit assuré d’avoir chaque année les fonds suffisants. Or, à notre avis, l’un des meilleurs moyens, sinon le meilleur, d’atteindre ce résultat, est la création par la Législature d’un Fonds provincial des Universités. De la sorte, le Gouvernement serait toujours en mesure de répondre favorablement aux recommandations de la Commission.
47Voilà pourquoi nous nous permettons de suggérer que la loi instituant le Fonds détermine les sources de revenus de ce Fonds et précise l’importance de chacune d’elles. La somme des revenus que les Chambres attribueraient au Fonds pourrait être établie sur la base des renseignements et des recommandations fournies par la Commission à la suite de sa première enquête générale sur la situation financière et sur les besoins des Universités. Tous les cinq ans, les revenus du Fonds seraient l’objet d’une révision de la part des Chambres à la suite d’un nouvel examen général de la situation financière, et des projets des Universités.
48Le Fonds étant sous la juridiction du Ministre des Finances, celui-ci serait évidemment responsable devant la Législature de l’administration des revenus du Fonds.
49L’établissement de la Commission provinciale de l’Aide aux Universités et du Fonds provincial des Universités serait, nous en sommes convaincus, deux excellents moyens pour l’État de venir en aide aux universités. Le gouvernement, d’une part, serait toujours bien informé sur le problème financier de nos institutions et s’en remettrait avec confiance à l’avis éclairé d’hommes compétents et désireux de maintenir les meilleures relations entre l’État et les universités. D’autre part, ces dernières seraient pleinement assurées de trouver dans la personne des commissaires des conseillers précieux et bien au courant de leurs problèmes ; elles pourraient aussi compter, grâce à l’existence du Fonds, sur des octrois annuels dont le montant connu faciliterait grandement les prévisions budgétaires et l’élaboration de projets jugés nécessaires au développement raisonnable de nos universités.
50Nous nous permettons même d’ajouter que le jour où une entente aura été conclue entre le Gouvernement provincial et le Gouvernement fédéral au sujet du partage des champs de taxation, il sera peut-être possible au gouvernement de la province d’accepter des octrois fédéraux pour les universités. À cause du caractère provincial de cette Commission, ces octrois ne constitueraient pas, semble-t-il, une ingérence indue du Fédéral dans le domaine de l’enseignement.
51[...]
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Monuments intellectuels de la Nouvelle-France et du Québec ancien
Aux origines d’une tradition culturelle
Claude Corbo (dir.)
2014
Dictionnaire des intellectuel.les au Québec
Michel Lacroix, Yvan Lamonde, Marie-Andrée Bergeron et al. (dir.)
2017
Le rouge et le bleu
Une anthologie de la pensée politique au Québec de la Conquête à la Révolution tranquille
Yvan Lamonde et Claude Corbo (éd.)
2009
Parole d'historiens
Anthologie des réflexions sur l'histoire au Québec
Éric Bédard et Julien Goyette (éd.)
2006
Sociologie et valeurs
Quatorze penseurs québécois du XXe siècle
Gilles Gagné et Jean-Philippe Warren (éd.)
2003
Repenser l’école
Une anthologie des débats sur l’éducation au Québec de 1945 au rapport Parent
Claude Corbo et Jean-Pierre Couture (éd.)
2000
L'idée d'université
Anthologie des débats sur l'enseignement supérieur au Québec de 1770 à 1970
Claude Corbo et Marie Ouellon (éd.)
2002
La culture comme refus de l’économisme
Écrits de Marcel Rioux
Marcel Rioux Jacques Hamel, Julien Forgues Lecavalier et Marcel Fournier (éd.)
2000