1 L’article est précédé d’une remarque préliminaire de la rédaction : « Nous avons encore reçu toute une série de lettres concernant la réforme de l’Université ; nous ne pouvons les publier que petit à petit. Nous avons demandé au docteur Kracauer de présenter un résumé de l’état actuel des discussions. Ce résumé est suivi d’une déclaration de l’Association scientifique libre de l’université de Francfort-sur-le-Main concernant les propositions du professeur Tillich. »
2 Le philosophe et théologien protestant Paul Tillich (1886-1965) fut nommé, après avoir enseigné à Marbourg et à Dresde, professeur ordinaire de philosophie et de sociologie à l’université de Francfort-sur-le-Main. Il marqua très fortement la vie intellectuelle des dernières années de la république de Weimar, tant par son activité académique – Theodor W. Adorno soutint son habilitation sous sa direction en 1931 – que par ses publications, notamment Die sozialistische Entscheidung (La décision socialiste, Postdam, 1933). Après avoir été radié, il émigra aux États-Unis en 1933. Il enseigna au Union Theological Seminary de New York, à Harvard ainsi qu’à la Divinity School de Chicago et devint l’un des théologiens les plus importants de son temps. On compte parmi ses écrits les plus marquants The Shaking of the Foundations (1948 ; en allemand : In der Tiefe ist Wahrheit, 1952) et Systematic Theology (1951-1963 ; en allemand : Systematische Theologie, 1955-1966). Il reçut en 1962 le Prix des libraires allemands pour la paix.
3 Fin 1931, la rubrique universitaire de la Frankfurter Zeitung avait lancé un débat sur le thème suivant : « Y a-t-il encore une université ? » Paul Tillich avait ouvert la discussion avec un article intitulé « Grandes écoles spécialisées et université » (Frankfurter Zeitung du 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire). La discussion qui s’ensuivit et que Kracauer résume dans la suite du texte, portait aussi bien sur le thème général « Y a-t-il encore une université ? » que sur l’article de Tillich qui défendait l’idée selon laquelle l’université traditionnelle serait devenue une « fiction » en raison des changements affectant l’idéal humaniste de la culture. Tillich plaidait en faveur d’un profond changement de la structure des grandes écoles et proposait un modèle introduisant des grandes écoles spécialisées orientées vers la pratique et réorganisant les universités en une « faculté humaniste ». Ce modèle mettrait fin à « l’homogénéité de la culture » et rendrait possible, d’un côté, une « formation spécialisée de haut niveau » et, de l’autre, la recherche scientifique et l’« attitude humaniste ».
4 Erich Przywara (1889-1972) : philosophe allemand et prêtre jésuite (N.d.T.). Cf. dans sa contribution : « […] l’exigence d’une priorité de ce genre d’éducation » ([« … Forderung des Primats solcher Erziehung »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
5 Dans un texte publié en 1919, « Innere Widersprüche der deutschen Universitäten » ([Contradictions internes des universités allemandes], in Max Scheler, Gesammelte Werke, vol. 4, Berne et Munich, Francke, 1960, p. 473-498), Scheler proposait un modèle de formation universitaire comprenant différents instituts, parmi lesquels « des institutions du type du Collège de France, […] dans lesquelles […] le savoir du temps » puisse être transmis « à la lumière de différentes visions du monde ». La question des « visions du monde » a aussi joué un rôle important dans la conception que Scheler se faisait des universités populaires (cf. « Universität und Volkshochschule », Gesammelte Werke, vol. 8, Berne et Munich, Francke, 1960).
6 Theodor Haecker (1879-1945) : écrivain catholique allemand. Cf. dans sa contribution : « […] que le christianisme fait partie des fondements de notre culture » ([« … daß zu den Grundlagen unserer Kultur das Christentum gehört »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
7 Cf. dans sa contribution : « […] la superstructure idéaliste et humaniste fait aussi défaut, même comme fiction » ([« … der humanistisch-ideale Überbau auch fiktiv fehlt »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
8 Eduard Spranger (1882-1963) : philosophe et pédagogue allemand. Durant l’entre-deux-guerres, il conseilla le gouvernement de l’État libre de Prusse en matière de politique éducative, notamment sur les questions universitaires (N.d.T.). Cf. dans sa contribution : « […] plus que jamais nous avons besoin d’un lieu de culture indépendante » ([« … mehr als je tut uns die Stätte unabhängiger Bildung not »], Frankfurter Zeitung, 15 décembre 1931, no 929-931, rubrique universitaire).
9 Emil Lederer (1882-1939) : sociologue et économiste autrichien, membre du SPD, successeur de Werner Sombart à la chaire d’économie politique de l’université de Berlin (N.d.T.). Cf. dans sa contribution : « […] un réveil de l’histoire à partir du vécu présent » ([« … Wiedererweckung der Geschichte aus dem Erleben der Gegenwart heraus »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
10 Eugen Rosenstock-Huessy (1888-1973) : sociologue allemand (N.d.T.). Cf. dans sa contribution : « […] parce que l’esprit souffle là où il veut » ([« … weil der Geist weht, wo er will »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
11 Georg Swarzenski (1876-1957) : historien de l’art, il fut directeur général des musées de Francfort-sur-le-Main à partir de 1928 (N.d.T.). Cf. dans sa contribution : « […] reconnaître sans détour que l’université d’aujourd’hui est une fiction » ([« … rückhaltlose Anerkennung, daß die heutige Unversität eine Fiktion ist »], Frankfurter Zeitung, 6 décembre 1931, no 907-909, rubrique universitaire).
12 Cf. dans sa contribution : « […] une hiérarchie pourrait à nouveau être perçue dans la vie spirituelle » ([« … könnte wieder eine Rangordnung im geistigen Leben fühlbar werden »], Frankfurter Zeitung, 15 décembre 1931, no 929-931, rubrique universitaire).