Chapitre 10. Le dialogue entre le sonore, le visuel et le verbal dans les Sports et Divertissements de Satie
p. 255-280
Texte intégral
1Dans la création musicale française de la première moitié du XXe siècle, l’œuvre d’Erik Satie représente indiscutablement un champ particulièrement propice à l’étude des rapports entre les différents modes d’expression artistique. Situés résolument au-delà des catégories artistiques conventionnelles, les Sports et Divertissements constituent un des premiers exemples, dans la création musicale, d’un livre-partition qui invite à toutes sortes de transferts de l’univers sonore à celui des formes plastiques ou de l’expression verbale.
2Issues d’une commande de l’éditeur Lucien Vögel, les vingt et une miniatures, qui composent l’album des Sports et Divertissements, ont été composées entre le 14 mars et le 20 mai 1914. Calligraphiés à l’encre de Chine noire sur des portées rouges, que le compositeur avait tracées lui-même, ces instantanés musicaux, n’excédant jamais la durée d’une minute, se présentent comme des entités artistiques singulières qui véhiculent simultanément plusieurs suggestions appartenant à des champs sémantiques différents. En effet, chacune des pièces de l’album est accompagnée d’une aquarelle de Charles Martin (les deux étant placées en vis-à-vis), illustrant dans le registre pictural l’activité sportive ou divertissante, qui constitue également le thème de l’œuvre musicale et du texte inscrit entre les portées de la partition, de sorte que les aspects sonore, visuel et poétique de la conception artistique sont étroitement associés et participent conjointement d’un projet pluridisciplinaire. Il faudrait remonter à l’époque du Moyen Âge pour trouver des exemples équivalents, inspirés des préoccupations similaires : ainsi, les poèmes figurés (carmina figurata) et la « musique oculaire » suscitent-ils à la fois l’œil et l’oreille, stimulant l’imaginaire de celui qui perçoit un tel objet artistique et cherche à appréhender dans toute sa complexité le jeu subtil auquel invite ce genre de pratiques1.
3En ce sens, l’édition de luxe publiée en 1923 s’inscrit dans une finalité esthétique qui déborde à bien des égards la fonctionnalité habituelle d’une partition musicale. Il s’agit plutôt, comme l’indique bien le terme d’album substitué à celui de partition, d’un livre-objet qui se prête à autant de modalités de perception que le lecteur/interprète souhaite privilégier, l’exécution en concert n’étant qu’une possibilité parmi d’autres de s’approprier l’œuvre. Toutes sortes d’hypothèses et d’approches de la partition peuvent ainsi être envisagées : feuilleter l’album « d’un doigt aimable », comme le préconise Satie, lire pour soi les textes qui s’insinuent dans le corps même de la notation en les confrontant aux séquences musicales qu’ils accompagnent pourrait constituer une forme de contact avec l’œuvre tout aussi légitime et enrichissante que sa réalisation effective.
4Ce statut polyvalent et le parti pris pluridisciplinaire dont relève l’œuvre sont déjà clairement annoncés dans la préface de la partition, où, avec une légèreté apparente, Satie décrit son projet :
Cette publication est constituée de deux éléments artistiques : dessin, musique. La partie dessin est figurée par des traits – des traits d’esprit ; la partie musicale est représentée par des points – des points noirs. Ces deux parties réunies – en un seul volume – forment un tout : un album. Je conseille de feuilleter, ce livre, d’un doigt aimable et souriant, car c’est ici une œuvre de fantaisie. Que l’on n’y voie pas autre chose2.
5Toujours est-il que les rapports entre les vingt miniatures de Satie3 et les dessins de Charles Martin apparaissent bien plus fragiles qu’un tel projet ne le laisse supposer et même, parfois, leur thème commun constitue le seul lien manifeste entre deux visions et deux sensibilités artistiques différentes. Il convient de rappeler que Charles Martin avait réalisé deux versions de ses illustrations, séparées de plusieurs années et considérablement divergentes l’une de l’autre sur le plan artistique, la première étant élaborée dans un esprit classique et plutôt conventionnel, tandis que la seconde s’inspirait de l’esthétique cubiste4.
6Comme l’ont démontré les recherches menées par Ornella Volta, « l’absence de toute relation entre les situations traitées par l’illustrateur et celles qui ressortent des “indications de jeu” inscrites entre les portées » atteste clairement que « les deux artistes ont œuvré séparément et sans se concerter5 ». Cette affirmation permet en outre de situer justement la contribution de Satie à l’album, d’en mesurer l’audace créatrice et la richesse de l’imagination qui confère à cette œuvre son caractère exceptionnel. Loin d’être tributaire d’une idée préconçue, l’inspiration du musicien s’adapte, avec souplesse et fantaisie, à chaque thème proposé, sans chercher à absorber le champ dans lequel opère la perception, mais au contraire, laissant un espace ouvert, dans lequel les suggestions artistiques hétérogènes coexistent librement en engendrant un dialogue fertile. En ce sens, le fait que musique et dessins soient élaborés indépendamment l’un de l’autre ne représente nullement un désavantage, susceptible de compromettre l’unité stylistique et conceptuelle du projet ; le processus engagé est plutôt celui d’une complémentarité qui fonctionne à travers l’interférence thématique entre deux systèmes sémantiques autonomes et leurs moyens concomitants, liés par une finalité commune et capable de favoriser divers angles d’approche sous lesquels l’œuvre peut être appréhendée.
7Par conséquent, pour mieux cerner notre sujet d’étude et en tenant compte des conditions dans lesquelles Satie conçoit son projet artistique, il convient de circonscrire le champ de recherche dans le cadre exclusif de la partition elle-même, en analysant les différents types d’articulations, de rapports et d’interactions entre la pensée musicale, son environnement verbal et leur concrétisation visuelle à travers les spécificités des solutions graphiques adoptées par le compositeur. Il est essentiel d’ajouter que, dans l’œuvre de Satie, les composantes sonore, visuelle et poétique de la conception musicale ne sont jamais traitées indépendamment l’une de l’autre ; elles ne constituent pas des entités autonomes capables d’être isolées et analysées en tant que phénomènes particuliers ; elles représentent au contraire des aspects complémentaires et à la fois interdépendants d’un unique fait artistique, qu’il convient d’envisager comme un tout organique et indissociable. Afin de respecter la nature du projet compositionnel, il est donc logique d’adopter cette même approche, seule à même de traduire la spécificité de la démarche artistique de Satie, son originalité et sa modernité indiscutable.
8Si Sports et Divertissements s’inscrivent dans la période dite « humoristique » du compositeur, il n’en reste pas moins qu’ils diffèrent à bien des égards de la plupart des recueils des années 1912-1915, notamment sur le plan de l’articulation musico-littéraire qui présente quelques particularités inhérentes à cette œuvre. La raison de ces divergences réside pour l’essentiel dans l’extrême concision des pièces (n’excédant jamais les 30 mesures) et à la fois dans leur nombre important (un cas exceptionnel dans l’œuvre de Satie), ce qui modifie considérablement les rapports d’équilibre au sein du recueil, plaçant le compositeur face à des problèmes formels et esthétiques qu’il n’avait jamais eu à traiter auparavant. Parfaitement conscient qu’il ne pouvait appliquer le modèle musico-littéraire, élaboré dans les œuvres de 1913 telles que les Embryons desséchés et les Descriptions automatiques, consistant à illustrer les différents aspects événementiels des indications de jeu et des textes poétiques au moyen de figures musicales descriptives, Satie réduit au maximum de tels procédés, les dosant scrupuleusement et les limitant à quelques épisodes clés de chaque pièce. Pour donner quelques exemples, citons « Le bouquet » dans le « Feu d’artifice » (Exemple 1), le club volant en éclat dans « Le Golf », la chute dans « Le Water-Chute », etc.

Exemple 1 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Feu d’artifice » (épisode du « Bouquet »). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
9De même, alors que la conception de certaines pièces repose essentiellement sur un procédé figuratif (par exemple, l’ostinato dans « La Balançoire » (Exemple 2), destiné à reproduire un mouvement de va-et-vient), dans d’autres (notamment « Le Traîneau », « Le Tango », « Le Carnaval ») on constate en revanche une totale déconnexion entre texte et musique. Ainsi, Satie évite-t-il tout emploi systématique d’une même technique compositionnelle, que ce soit la citation, l’ostinato ou le figuralisme musical, en s’efforçant de varier constamment ses moyens expressifs, tout en s’astreignant à une discipline rigoureuse, seule capable de garantir que la richesse de son invention pourra s’épanouir dans un cadre aussi restreint.

Exemple 2 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « La Balançoire » (début). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
10En ce qui concerne les procédés descriptifs et figuratifs, il faudrait préalablement noter que l’œuvre de Satie témoigne d’une conception élargie et originale, propre au compositeur, de la notion de « musique à programme », dans la mesure où elle repose sur un argument littéraire, quelle que soit par ailleurs la teneur événementielle de celui-ci. Cet argument littéraire est fourni par les mots distillés dans l’espace entre les portées musicales qui, depuis les Descriptions automatiques, se transforment en de véritables récits poétiques s’infiltrant dans la conception de l’œuvre au point d’en infléchir le sens, voire d’en dicter le déroulement. Loin d’être un complément qui vient se greffer sur l’œuvre déjà achevée, l’enrichissant a posteriori de nouvelles significations (comme c’est notamment le cas des Préludes flasques, 1912, ou des Pièces froides, 1897), les annotations verbales, dans les partitions de Satie des années 1913-1915 et en l’occurrence dans les Sports et Divertissements, constituent un facteur décisif dans la gestation de la conception artistique, de sorte qu’il est souvent impossible de déterminer si la pensée musicale précède ou suit fidèlement l’idée littéraire, l’acte créatif dépendant d’un processus constant de va-et-vient entre ces deux formes d’expression.
11Il n’est pas surprenant qu’une telle pratique d’écriture conduise à des formes musicales descriptives, bien que cette notion ne soit pas applicable à l’œuvre de Satie sans quelques réserves. En réalité, la description, chez lui, n’implique pas forcément un réseau stable d’équivalences musico-littéraires, intégrées dans une logique narrative qui suppose la succession dans le temps d’événements distincts. D’ailleurs, il est impossible de parler de narration à propos de ces « scénarii » elliptiques qui semblent être construits au gré d’une imagination capricieuse et échappent souvent à la logique de la constitution du sens. En revanche, la description fonctionne chez Satie au niveau élémentaire du discours aussi bien musical que verbal, assurant la connexion entre des entités narratives isolées et des procédés expressifs particuliers, sans jamais s’étendre au-delà de la microstructure de l’œuvre.
12Ces aspects sont particulièrement bien illustrés dans certaines des pièces « aquatiques » de l’album, où le figuralisme musical fonctionne à plusieurs niveaux. « Le Bain de mer » représente sans doute un des exemples dans lesquels les procédés descriptifs sont les plus évidents : les arpèges dans la main gauche figurent bien entendu les vagues reproduisant graphiquement leurs courbes ondoyantes ; et lorsque le texte énonce « Ne vous asseyez pas dans le fond », l’accompagnement de la basse interrompt momentanément son mouvement descendant et ascendant, pour se maintenir dans le registre grave.

Exemple 3 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Le Bain de mer » (extraits). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
13Toutefois, l’aspect le plus saisissant de cette pièce demeure incontestablement le rapport qu’elle entretient avec la gravure stylisée de Charles Martin (Exemple 4), qui accompagne la page du titre6, dont la forme triangulaire correspond à celle créée par le dessin mélodique des arpèges.
14Il est légitime de supposer que cette correspondance n’est point le résultat d’une coïncidence, mais dénote une recherche consciente visant à créer un dialogue privilégié entre le sonore et le visuel, prenant comme point de départ l’élément figuratif seul à même d’assurer leur rencontre. En revanche, il serait beaucoup plus hasardeux d’affirmer lequel des deux artistes a modelé sa conception sur celle de son confrère et, même si nous sommes enclins à attribuer cette initiative originale à Satie, rien n’autorise à le déclarer catégoriquement. À l’exception peut-être d’un petit détail : il s’agit de la réalisation graphique des signes de crescendo et de decrescendo (cf. Exemple 3), dont les branches sans doute intentionnellement épaissies participent à la même représentation plastique de formes triangulaires, de même que le trait qui unit les huit croches d’un arpège. Ces faits sont-ils le résultat d’une contingence ? Satie aurait-il ajouté ces artifices graphiques à une partition déjà considérablement chargée, alors que de nombreux exemples prouvent à quel point il tenait à assurer une lisibilité aussi parfaite que possible à la fois du texte musical et des mots qui l’accompagnent ? La question restera sans doute ouverte.

Exemple 4 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Le Bain de mer », gravure de Charles Martin. Avec l'aimable autorisation des Éditions Salabert
15Dans « La Pêche », à une construction claire et limpide, conçue en forme d’arche, répond un discours descriptif qui attribue à chaque élément motivique un rôle précis dans l’organisation de la trame narrative. Il suffit par ailleurs d’observer la partition pour s’apercevoir à quel point son élaboration graphique « raconte » le court récit inscrit entre les portées musicales : encadrées par le motif « aquatique », les apparitions des figures mélodiques illustrant les poissons (Exemple 5) seront reprises en mouvement inverse représentant quasi littéralement les allées et les venues des protagonistes.
16Quant à la section centrale, elle introduit un nouveau matériau thématique tout en complexifiant le discours, comme s’il s’agissait d’indiquer, aussi bien sur le plan musical que narratif, le nœud de l’intrigue, encore que, chez Satie, ce terme ne puisse être appliqué qu’avec beaucoup de réserves. Car, en réalité, si, au moyen de quelques traits précis, la section introductive de la pièce parvient à planter un décor aquatique qui devrait logiquement accueillir un certain nombre d’événements, destinés à captiver l’attention et à propulser le récit en avant, rien dans la section centrale ne permet de satisfaire cette attente légitime et, avec leur banalité tiède, les quelques phrases placées entre les portées excluent toute éventualité de tension dramatique : « Qu’y a-t-il ? – C’est un pêcheur, un pauvre pêcheur. – Merci. Chacun retourne chez soi, même le pêcheur. » La reprise du motif en triolets (« Murmures de l’eau dans un lit de rivière ») qui vient clore la pièce ne fait en effet que souligner cette indifférence, cette banalité et cette absence de toute émotion ostensible, que Satie a toujours opposées au pathos romantique et à l’étalage de sentiments, leur préférant l’objectivisme froid d’une réalité prosaïque, l’ennui et la grisaille constituant pour lui une sorte d’antidote contre l’expression du « moi », support égoïste d’une image de l’art qu’il n’a jamais cessé de condamner.

Exemple 5 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « La Pêche » (figures mélodiques illustrant les poissons). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
17De même que dans les autres recueils de la période humoristique, les critiques que Satie formule à l’égard des usages figés, des conventions étriquées, de l’hypocrisie mal dissimulée de ses contemporains et, en général de la société bourgeoise de la Belle Époque, s’expriment, dans les Sports et Divertissements, par le biais d’une ironie soigneusement dosée, des allusions plutôt que des évocations directes, suggérées de manière oblique à travers notamment les fiascos pitoyables avec lesquels se concluent la plupart des situations sportives ou divertissantes. Il n’est pas surprenant de constater que de tels desseins, bien que jamais explicites, mobilisent toute la palette expressive du compositeur et nécessitent souvent la mise en œuvre de stratégies complexes qui fonctionnent sur plusieurs plans de la conception artistique. Un des exemples les plus représentatifs à cet égard, « Le Yachting » (Exemple 6) possède une double nature et nourrit une certaine ambiguïté, tant son discours oscille entre deux approches fondamentalement différentes : la relation privilégiée et la déconnexion radicale entre texte et musique ; deux approches qui s’avèrent en réalité difficilement conciliables, car elles demeurent confinées chacune dans l’espace qui lui est réservé, parfaitement repérable si l’on trace une ligne horizontale imaginaire au milieu des quatre portées de la partition.

Exemple 6 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Le yachting ». Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
18Dans la partie supérieure ainsi délimitée, plusieurs événements sonores sont appelés à figurer les images évoquées par le texte : alors que la courbe ondoyante d’un motif rapide en doubles croches illustre « Le yacht danse », un ostinato agité dans l’aigu représente « La mer est démontée », suivie immédiatement d’un changement de registre qui brise la régularité des doubles croches en leur substituant le rythme de syncope (« Pourvu qu’elle ne se brise pas sur un rocher »), et lorsque la mélodie s’élève sur une gamme ascendante, le texte indique « Personne ne peut la remonter ». Plutôt que sur la représentation sonore d’associations suscitées par les images évoquées dans le texte, Satie appuie sa démarche sur la reproduction littérale de la signification d’un mot, sur laquelle il modèle le geste musical. De fait, il court-circuite les principes mêmes de la musique à programme, selon lesquels les correspondances musico-littéraires procèdent d’un ensemble de conventions culturelles établies au cours de l’histoire et qui fonctionnent non pas sur le plan des unités autonomes de l’expression verbale, mais plutôt sur celui des concepts. Au lieu de considérer le texte littéraire comme source d’inspiration ou comme fil conducteur destiné à assurer la logique formelle de l’œuvre, Satie utilise le mot comme matériau de composition, au même titre que les différents paramètres du phénomène sonore, en lui conférant le rôle de générateur du geste musical.
19Après ce cheminement parallèle de texte et musique, c’est dans la deuxième partie de la pièce7 que le discours verbal et le phénomène sonore se détachent l’un de l’autre pour entamer une existence quasi autonome, comme si leur connivence n’était que provisoire et devait nécessairement céder la place à une certaine disharmonie. Celle-ci provient en effet de l’intrusion soudaine d’un élément étranger à ce paysage jusque-là livré à sa solitude impénétrable, incarné par la « jolie passagère » au caractère capricieux et à l’esprit frivole, qui crée un contraste saisissant avec cet univers où les éléments se déchaînent et dont la violence incontrôlable fait apparaître d’autant plus dérisoire la futilité des prétentions humaines : « – Je ne veux pas rester ici, dit la jolie passagère. Ce n’est pas un endroit amusant. J’aime mieux autre chose. Allez me chercher une voiture. » Le choix de laisser cette remarque sans réponse, comme suspendue dans un vide, renforce sans doute l’impression d’un abîme qui sépare désormais texte et musique et qui, symboliquement, pourrait exprimer l’antinomie homme/nature, à laquelle, comme de nombreux artistes avant lui, Satie était probablement sensible. Ceci n’est bien évidemment qu’une manière parmi d’autres de comprendre la stratégie compositionnelle à partir de laquelle s’articulent les rapports entre mots et musique dans cette pièce, tout en permettant de constater à quel point la connexion – ou son absence – entre ces deux modes de communication n’est jamais gratuite, mais s’effectue en fonction des exigences expressives et des objectifs spécifiques propres à un projet particulier. À cet égard, il est également possible d’affirmer que, dans le contexte d’une forme artistique aussi ramassée et si peu encline à l’éloquence rhétorique, les rapports musico-littéraires peuvent être envisagés comme coextensifs à l’ensemble des suggestions véhiculées par l’œuvre, dans le sens où leur finalité se réduit rarement à une fonction narrative, liée à l’organisation et la succession dans le temps d’un certain nombre d’événements sonores, mais peut s’étendre à des aspects d’ordre idéologique et donc non directement corrélatifs au champ dans lequel opèrent les techniques descriptives.
20Avec « Les Quatre Coins » (Exemples 7 et 8), explorant un registre tout à fait différent, marqué par un caractère ludique et désinvolte, Satie pousse jusqu’à leurs ultimes conséquences ses recherches de simplicité et de transparence du langage musical, en même temps qu’il parvient à une conception artistique entièrement fondée sur les rapports d’interdépendance entre les aspects sonore et visuel de l’écriture musicale. Conçus indiscutablement comme éléments complémentaires d’une même idée créatrice, musique, texte et représentation graphique ont rarement présenté, dans les œuvres de Satie, une telle cohérence conceptuelle qui confère à cette pièce son unité organique. La plus minimale de toutes les compositions du recueil, elle s’articule à partir d’un matériau thématique réduit à son strict minimum : cinq notes dont quatre (mi - fa - si - do) illustrent les souris, tandis que la cinquième (ré) symbolise le chat.

Exemple 7 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Les Quatre Coins » (début). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
21D’une simplicité remarquable et en même temps d’une subtilité hors du commun, le processus élaboré par Satie, loin de pâtir des contraintes imposées par la réduction extrême du matériau, développe tout le potentiel de celui-ci en jouant sur l’alternance de modes d’attaque (staccato et legato) et l’accélération progressive du mouvement. Déjà, le choix des hauteurs des quatre notes attribuées aux souris s’avère particulièrement judicieux puisqu’il favorise leur disposition littéralement dans les « quatre coins » d’un espace imaginaire, le chat occupant une position centrale, ce qui permet d’affirmer que les préoccupations d’ordre plastique ont certainement joué un rôle non négligeable dans la sélection du matériau musical. Le laconisme qui caractérise le langage musical se retrouve également dans le discours verbal qui se borne à présenter les protagonistes de la scène (« Les quatre souris », « Le chat »), décrit ensuite leurs actions respectives (« Les souris agacent le chat », « Le chat s’étire », « Il s’élance »), pour énoncer finalement la conclusion de la pièce (« Le chat est placé »). Le parti pris descriptif étant manifeste, on peut suivre, à travers les diverses configurations visuelles formées par les différentes dispositions mélodiques et rythmiques des cinq notes, le déroulement de la scène et ses étapes successives : mouvement désordonné des noires en staccato, regroupement stratégique et insistance sur une même figure mélodico-rythmique, geste provocateur des triolets et agitation des croches sont autant de possibilités expressives que le compositeur a su tirer de ce matériau ascétique, inscrivant son développement dans une logique tant narrative que musicale. Ainsi l’énonciation des degrés manquants de l’échelle diatonique, dans le dernier motif du chat, apparaît comme une nécessité interne du matériau, comme une sorte de point de non-retour au-delà duquel le développement musical perd sa raison d’être.
22Si l’on se concentre sur les aspects visuels des Sports et Divertissements, dont la publication, en fac-similé, reproduit à juste titre et fort heureusement le manuscrit du compositeur, on ne peut ne pas être frappé par ses qualités purement plastiques, par la minutie exemplaire caractérisant le geste d’écriture, lequel possède une valeur intrinsèque irréductible aux nécessités fonctionnelles dont il relève habituellement. Certaines esquisses de Satie montrent à cet égard que la cristallisation d’un motif musical allait souvent de pair avec son élaboration calligraphique, et il n’est certainement pas abusif d’affirmer que le choix définitif du dessin mélodique attribué à une séquence obéissait autant aux critères strictement musicaux qu’aux considérations d’ordre plastique. Ainsi, particulièrement sensible à la représentation graphique de ses partitions, Satie n’a négligé aucun détail, comme en témoigne justement sa calligraphie ciselée, élaborée avec un soin digne d’un orfèvre et nécessitant sans doute une précision et une patience considérables. À ce même souci d’offrir au regard du lecteur un objet artistique aussi intelligible qu’agréable à contempler, répond également la suppression des barres de mesure (présentes pourtant dans la quasi-totalité des esquisses), ce qui favorise une perception globale du processus musical, dont le découpage en périodes et séquences distinctes s’opère désormais naturellement suivant le déroulement du discours sonore et du texte littéraire.

Exemple 8 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Les Quatre Coins » (fin). Avec l'aimable autorisation des Éditions Salabert
23Il est certes impossible, dans le cadre de cet article, d’épuiser les multiples implications des rapports entre le sonore, le visuel et le verbal, dans les Sports et Divertissements, tant il est vrai que chacune des pièces du recueil constitue un projet à multiples facettes qui mérite à lui seul une étude des plus circonstanciées.
24Ajoutons toutefois quelques remarques concernant l’élaboration des textes littéraires, dont la nature et le contenu peuvent être considérés comme un des traits emblématiques de l’univers artistique de Satie.
25Le laconisme et la concision extrême de l’expression musicale, qui caractérisent le langage de Satie, ne pouvaient en effet qu’entraîner des conséquences similaires dans la conception et l’élaboration des textes insérés entre les portées des Sports et Divertissements. Souhaitant parvenir à une cohérence optimale dans l’articulation texte/musique, Satie élimine de son discours tout élément superficiel, écarte systématiquement les allusions par trop anecdotiques, pour ne laisser que l’expression condensée d’une idée poétique traduite au moyen de quelques touches minimales, quelques images percutantes dont le dépouillement n’est pas sans rappeler les qualités uniques de la poésie japonaise. Il est frappant de constater avec quel soin le compositeur façonne chacune des phrases, avec quelle intransigeance envers lui-même il épure son expression, tenant compte aussi bien des qualités purement littéraires de ses textes que de leur disposition finale sur la partition. À cet égard, il est intéressant de noter que, souvent, la décision de supprimer une phrase répond moins à une recherche de laconisme qu’aux préoccupations plastiques, se justifiant par la nécessité de disposer le texte de manière suffisamment espacée et aérée, afin d’améliorer la présentation et les qualités typographiques de l’ensemble. Inversement, l’ajout d’une phrase se motive parfois par le besoin d’assurer le déroulement parallèle du texte et de la musique, de sorte que chaque séquence du discours sonore puisse être accompagnée d’un fragment du récit.

Exemple 9 : Erik Satie, Sports et Divertissements, « Le Pique-nique » (anticipations du motif figurant « l’orage » et sa dernière apparition sous forme de batterie d’octaves). Avec l’aimable autorisation des Éditions Salabert
26Toutefois, le plus souvent, le modelage du discours littéraire suit la stratégie narrative inscrite dans l’organisation musicale qui imprime ses impératifs à la nature et aux dimensions du texte, sans pour autant instaurer des rapports hiérarchiques, astreignant ce dernier à n’être qu’un élément contingent de l’œuvre, complément pittoresque d’une conception qui se suffit à elle-même. Par exemple, dans « Le Pique-nique » (Exemple 9), l’introduction de l’unique élément descriptif – une batterie d’octaves en doubles croches dans le registre grave – est justifiée sur le plan strictement musical par la présence constante d’une cellule de quatre doubles croches qui accomplit ainsi une double fonction : à la fois facteur d’unité thématique et élément narratif qui prépare la chute du récit.
27Il est intéressant de noter que cette cellule, associée invariablement à l’orage, dont elle préfigure l’intrusion, ne comporte jamais d’indications verbales, avant sa dernière apparition où elle est clairement identifiée, comme si le compositeur tenait à préserver, jusqu’à la conclusion, son caractère inquiétant et quelque peu mystérieux, telle une menace latente se profilant à l’horizon. Une telle distribution ingénieuse du texte littéraire implique inévitablement certaines contraintes, puisqu’une partie importante du discours sonore se trouve ainsi privée d’indications verbales. C’est pourquoi, sans doute, Satie supprime plus de la moitié du texte initialement rédigé et étonnamment prolixe comparé aux quatre phrases qui composent sa version définitive.
28Le Tableau 1 permet de mettre en évidence le travail rédactionnel effectué par Satie, pour la version définitive du texte :
Manuscrit autographe |
Version définitive |
Qu’avez-vous apporté de bon ? |
Ils ont tous apporté du veau très froid. |
J’ai un mal de tête fou. |
|
– Vous devez beaucoup souffrir. |
|
– Jamais je ne souffrirai que vous restiez debout. Venez sur mes genoux, Monsieur. |
Vous avez une belle robe blanche. |
–Tiens !... un morceau de savon ! |
|
– Mais non, c’est du foie gras, gras comme les anciens fusils. |
|
– Que regardent-ils ? Un aéroplane ? |
– Tiens ! un aéroplane. |
– Non : c’est un orage : orage qui va nous mouiller, selon l’usage pique-niquesque8. |
– Mais non : c’est un orage. |
Tableau 1 : Comparaison du texte de « Pique-nique ».
29On s’aperçoit d’emblée que les phrases supprimées sont en général celles comportant des allusions anecdotiques qui n’apportent rien d’essentiel au déroulement du récit, le choix de Satie consistant à ne conserver que les éléments indispensables à la compréhension de la situation qu’il s’agit d’illustrer, chacun d’entre eux jouant un rôle précis :
- le contexte du pique-nique (« Ils ont tous... ») ;
- les personnages à travers le caractère mondain de leur conversation (« Vous avez... ») ;
- l’intrigue ou l’élément clé du récit (« Tiens !... ») ;
- chute de l’histoire (« Mais non... »).
30Finalement, l’étude des esquisses de Satie nous a offert quelques surprises étonnantes et en même temps très significatives de la manière dont fonctionne l’esprit du compositeur. En effet, derrière les formules cocasses, les jeux de mots et les péroraisons inattendues qui achèvent certains des récits, se dissimulent des tâtonnements et des recherches parfois pénibles, témoignant d’une pensée jamais satisfaite d’elle-même, n’acceptant aucune concession avec ses propres critères et toujours prête à recommencer l’effort jusqu’à ce qu’elle parvienne au résultat le plus abouti. Pour citer quelques exemples, voici la première version du « Golf », une des pièces du recueil auxquelles Satie semble avoir consacré le plus d’efforts :
Ce jeu semble appartenir de droit aux anciens colonels (officiers). C’est un sport d’homme mûr, de retraité.
Les vieux colonels anglais y excellent. Sur deux joueurs de golf, deux sont anglais, tous deux colonels honoraires de l’Armée de Sa Majesté (le King).
C’est donc un jeu anglais § militaire, ou militaire et anglais. Ces messieurs s’habillent de « Scotch Tweed » aussi vert que possible. Ils sont accompagnés d’un « caddie » qui porte les « bags ». Les « bags » sont des sacs contenant les « clubs ». Les « clubs » sont de braves morceaux de bois servant à projeter les balles dans les « holes ». Les « holes » sont de parures tous inoffensifs9.
31Une autre version, plus tardive, se présente ainsi :
Vêtu de « Scotch Tweed » aussi vert que possible, le vieux colonel est gros comme une futaille. Par hygiène et pour remuer ses douleurs, il manie le « club ». Suivi d’un « caddie » porteur de « bags », il va à la chasse aux « holes », aux bons « holes ».
Sur le soir, il croit voir ses rhumatismes envolés en un petit rire de friture vers une autre contrée militaire – vers un autre vieux colonel10.
32Par delà le côté anecdotique et burlesque de ces textes, il est curieux de constater l’omniprésence des mots tels que « caddie », « bags », « club », « holes », comme si Satie estimait l’emploi de cette terminologie appropriée au golf indispensable à l’authenticité de son récit ou encore comme si le maniement de ces mots étrangers et leur saveur quelque peu exotique lui procuraient un plaisir particulier, lui rappelant probablement les origines écossaises de ses ancêtres. Il est aussi probable que l’insistance sur ces mots obéisse à des desseins parodiques, visant à tourner en dérision le snobisme des joueurs anglais ou celui de leurs épigones de l’autre côté de la Manche. Toujours est-il que, dans la version définitive, le parti pris sera fondamentalement différent : Satie opte pour des phrases plus concises, capables davantage de s’inscrire dans la structure mosaïquée du discours musical (on remarque aisément, en réalité, qu’à chaque motif musical correspond une phrase de dimensions égales, sinon similaires) ; mais surtout, en privilégiant une plus grande sobriété du texte, il crée en même temps une atmosphère d’une certaine tension et d’attente, à travers notamment une sorte de crescendo dans le récit, qui nous amène naturellement vers la chute de l’histoire et l’échec lamentable du héros. L’effet de cette conclusion est d’autant plus saisissant que texte et musique s’emploient conjointement, chacun en fonction de ses propres modes de suggestion, à exalter (cf. l’indication de caractère, placée au début de la pièce) les qualités exceptionnelles du héros :
Le colonel est vêtu de « Scotch Tweed » d’un vert violent. Il sera victorieux. Son « caddie » le suit portant les « bags ». Les nuages sont étonnés. Les « holes » sont tout tremblants : Le colonel est là ! Le voici qui assure le coup : Son « club » vole en éclat11 !
33Citons enfin « Les Courses » dont la péroraison particulièrement savoureuse a subi une série de modifications avant d’aboutir à la forme que l’on connaît aujourd’hui. En réalité, l’irruption finale de « La Marseillaise », déformée et acerbe, interrompue brusquement sur un accord dissonant, a été tour à tour dotée des significations « Le but » et « Le gagnant », pour que finalement Satie abandonne cette conclusion glorieuse au profit d’une issue lamentable – « Les perdants » –, qui sera à son tour délaissée, comme si le compositeur pesait soigneusement chacune des solutions s’offrant à lui, évaluant leurs points forts et leurs faiblesses à la manière dont, avant de miser, un spectateur féru de courses estimerait les chances de son favori. Rien d’étonnant en effet dans le choix définitif de Satie : fidèle à son esprit espiègle, il inscrit au-dessus des solutions abandonnées une troisième, « Les perdants », et accentue son aspect dérisoire en ajoutant « (nez pointus § oreilles tombantes) ».
34Le clin d’œil malicieux, l’humour bon enfant, situés au-delà de toute provocation agressive et capables de tourner en dérision une situation des plus ordinaires, tels sont les ingrédients qui composent la saveur unique des Sports et Divertissements, auxquels s’ajoutent nécessairement la maîtrise de l’écriture musicale et un remarquable sens de la mesure qui ne laisse jamais le propos ironique prendre le dessus sur la recherche artistique.
35Tributaires d’un contexte culturel spécifique et d’une occasion précise, les Sports et Divertissements n’en demeurent pas moins représentatifs des préoccupations constantes dans l’œuvre de Satie, liées notamment à l’interaction entre différents modes d’expression au sein de la conception artistique. Sans oublier qu’il est avant tout un musicien, Satie parvient toutefois à éviter la hiérarchisation des différents langages artistiques auxquels il fait appel dans ses pièces, accordant à chacun d’entre eux un rôle spécifique dans la transmission de son projet. Ainsi, le sonore, le visuel et le verbal participent-ils conjointement, selon les modalités qui leur sont propres, de la réalisation artistique, de sorte que l’œuvre puisse susciter à la fois l’oreille, l’œil et l’esprit pour se révéler finalement dans toute la complexité de sa conception.
CONCLUSION
36L’étude des Sports et Divertissements nous a permis de constater à quel point, aux yeux du compositeur, aucune méthode compositionnelle n’est exclusive, les rapports entre musique, mots et images nécessitant, à l’occasion de chaque nouvelle pièce, de redéfinir leur équilibre, de mesurer attentivement l’apport de chacune de ces formes d’expression dans la suggestion artistique afin d’éviter la redondance, mais aussi d’aboutir à leur parfaite symbiose. Si le recueil présente une remarquable cohérence formelle et conceptuelle, derrière cette homogénéité apparente se dissimule une étonnante variété d’approches témoignant de la capacité du compositeur de renouveler constamment ses moyens expressifs, d’entreprendre la composition de chaque pièce sans parti pris et avec un esprit vierge, ce qui, en retour, lui permet d’éviter des méthodes stéréotypées et des procédés récurrents présentant un réel danger dans le cadre d’une œuvre de cette ampleur. Il est tentant de croire que la composition des Sports et Divertissements a représenté pour Satie un défi important qu’il n’avait jamais auparavant relevé. Le souci de perfectionnisme, le soin minutieux apporté à chaque détail, la précision méticuleuse dans l’écriture et dans la présentation graphique du recueil nous révèlent un artiste parfaitement conscient des enjeux que représente son travail, désireux de relever le défi et de donner le meilleur de lui-même.
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BIBLIOGRAPHIE
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Notes de bas de page
1 Notons en outre que, à la différence de la « musique oculaire », les poèmes figurés et les divers jeux langagiers, qui ont retrouvé par ailleurs un nouveau souffle dans les recherches des artistes contemporains (à partir notamment des célèbres Calligrammes d’Apollinaire) ont été connus et pratiqués depuis l’Antiquité. Cf. à ce sujet Antoine Coron, « Avant Apollinaire, vingt siècles de poèmes figurés », Poésure et peintrie. D’un art à l’autre – catalogue d’exposition, Musée de Marseille, 1993, p. 25-45.
2 Erik Satie, Sports et Divertissements, Paris : Salabert, 1964, p. 1.
3 En effet, aux vingt sujets proposés (probablement en majeure partie par l’éditeur, en concertation avec Charles Martin, l’un de ses collaborateurs), Satie a tenu à ajouter une Préface – le « Choral inappétissant » – qui ouvre le recueil, sans doute, comme le déclame Ornella Volta, « pour affirmer la suprématie de la musique sur les images et pour atteindre en même temps un nombre global multiple de 3, son chiffre fétiche » - Ornella Volta, « Le rideau se lève sur un os. Quelques investigations autour d’Erik Satie », RIMF, vol. 8, no 23 (juin 1987), p. 46.
4 Dans son ouvrage Charles Martin, étude critique, Marcel Valotaire, (Paris : Henri Babou éditeur, 1929) explique les raisons qui ont poussé le dessinateur à changer radicalement l’esthétique de son ouvrage : « La guerre terminée, Charles Martin retrouve les planches toutes prêtes à l’édition des Sports et Divertissements, mais le temps a vite marché ; des idées nouvelles, en germe dès avant 1914, se sont emparées des esprits : ses compositions lui semblent surannées, tout est à refaire, et il va s’y mettre en cédant à l’influence du cubisme [...]. Il est amusant de comparer la première version des Sports et Divertissements avec la seconde : on peut le faire dans une édition particulière, publiée par Maynial à dix exemplaires seulement et contenant les deux suites. Malgré certaines apparences, on ne sent d’ailleurs pas dans cet ouvrage que les théories cubistes aient exproprié complètement chez l’artiste les idées traditionnelles. » Cité par Volta in « Le rideau se lève sur un os. Quelques investigations autour d’Erik Satie », p. 46.
5 Volta, op. cit., p. 47.
6 Les vingt gravures stylisées sont les seuls éléments graphiques qui accompagnent les pièces de Satie dans l’édition de Sports et Divertissements publiée par Salabert (1964), et la plus accessible actuellement. Cette édition reprend en effet celle réalisée par Rouart Lerolle et Cie, en 1926, lorsque cette maison achète les droits de l’œuvre. Dans l’édition originale de Vögel (1923), ces gravures sont situées sur la page titre qui précède chacune des vingt planches de Martin et partitions de Satie.
7 Nous avons effectué ce découpage de la pièce en deux parties pour les besoins de l’analyse des rapports entre texte et musique dans la partition de Satie. Il ne s’agit bien évidemment pas d’une structure formelle en deux sections. En effet, « Le Yachting » présente une forme mosaïquée constituée d’une succession de huit motifs différents, encadrés par l’ostinato qui sert d’introduction et de conclusion à la pièce.
8 BNF, Fonds Erik Satie, Ms 9627 (6), p. 1.
9 Nous soulignons les mots raturés dans le brouillon ; ceux qui les remplacent ou semblent être rajoutés ultérieurement sont placés entre parenthèses. - BNF, Fonds Erik Satie, Ms 9627 (9), p. 10.
10 BNF, Fonds Erik Satie, Ms 9627 (9), p. 11. Notons en outre que, conformément aux nuances « maladives » de ces versions du texte, une des esquisses musicales porte en guise d’indication de caractère l’annotation « Asthmatiquement ». Cette annotation serait finalement remplacée par « Exalté » - Ms 9627 (10), p. 1.
11 Satie, Sports et Divertissements, p. 11.
Auteur
Université Paris-Sorbonne [Paris IV], France
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