Chapitre 5. L’Orestie de Claudel et Milhaud
p. 151-169
Texte intégral
1La musique dramatique est un univers paradoxal où la rencontre idéale d’un compositeur et d’un librettiste de grand talent, aux sensibilités accordées et fraternelles, tient de la créature hybride et chimérique, évoquant une sorte de phénix bicéphale, par sa rareté et sa nature à la fois duelle et fusionnelle. Dans sa correspondance avec le poète Jean Cocteau, Georges Auric s’amuse à comparer leur collaboration à celle de Beethoven et Schiller, immortalisée dans le dernier mouvement de la Neuvième Symphonie1. Son prolifique confrère Darius Milhaud devait travailler avec de nombreux écrivains (Jean Cocteau, Henri Hoppenot, Armand Lunel, Biaise Cendrars, etc.), mais aucun n’allait lui apporter une complicité aussi fertile et fructueuse que Paul Claudel. Des témoignages relativement abondants permettent de documenter cette collaboration exceptionnelle : la correspondance des deux hommes, quelques passages du Journal de Claudel, de nombreux textes d’entrevues et écrits autobiographiques2. Mais cette documentation ne fournit qu’une vue partielle des faits, où certaines déclarations portent à faux, et où les témoignages ne se gênent pas d’enjoliver et farder la vérité. Telle pointe de colère de Claudel est à mettre sur le compte de l’emportement passager d’une nature impulsive3. Milhaud, de nature réfléchie et affable, s’en tient généralement à un récit fixé une fois pour toutes, à un discours officiel, où son admiration pour le poète et la fierté qu’il tire de leurs collaborations n’en laissent filtrer qu’une vision idyllique et idéalisée. Une image beaucoup plus spontanée et vraisemblable de la réalité émerge si on lit ces documents en analysant parallèlement la genèse des œuvres communes. C’est ce que je me propose de démontrer dans une œuvre particulièrement réussie, la trilogie de L’Orestie (1913-1922), en me contentant modestement de commenter deux passages éminemment révélateurs, eu égard aux limites imparties à cet article.
2Le jeune Milhaud entre en contact pour la première fois avec Claudel par la lecture du recueil poétique de la Connaissance de l’Est (1913). Le jeune compositeur (il n’a alors qu’une vingtaine d’années) entreprend rapidement d’en mettre en musique sept textes (cette œuvre constitue d’ailleurs son premier grand cycle de mélodies). De l’aveu même du musicien, l’esthétique visionnaire et vigoureuse de la poésie de Claudel l’aide à se dégager des brumes vaporeuses et des délicates arabesques de l’impressionnisme (qui dominait la musique moderne d’alors), et à se forger un style musical personnel, aux lignes nettes et aux accents francs4. Peu après la composition de son cycle, Milhaud fait la connaissance de l’écrivain5, et cette rencontre marque le début de leur collaboration, dont les réalisations les plus éclatantes comprennent L’Orestie, leur trilogie d’après Eschyle, composée de musiques de scène pour Agamemnon (1913) et Les Choéphores (1915), et de l’opéra Les Euménides (1922) ; la musique de scène pour Protée (1919), qui, sous sa forme de suite symphonique, sera à l’origine d’un des scandales les plus retentissants de la carrière de Milhaud6 ; le ballet L’Homme et son désir (1918), écrit durant le grand âge d’or du ballet moderne en France, qui révolutionne le genre avec ses passages pour percussion seule, ses effets de spatialisation, la représentation de l’action sur une scène divisée (reprenant les expériences de Claudel à Hellerau) ; et l’opéra Christophe Colomb (1928), qui renouvelle le genre de l’opéra sous l’influence de la conception novatrice du théâtre claudélien7.
3Au moment de commencer leur collaboration sur L’Orestie, Claudel est déjà un écrivain qui, bien que relativement peu connu du grand public, est bien établi auprès de l’intelligentsia des lettres. Le Groupe des Six n’a pas encore vu le jour, et Milhaud, de vingt-quatre ans le cadet de l’écrivain, émergeant à peine du Conservatoire, se trouve tout juste au seuil de sa carrière. C’est pour mieux rendre justice à Eschyle, que Claudel estime trahi dans la traduction de Leconte de Lisle, et pour assimiler plus intimement la poésie de sa langue et la force dramatique de son théâtre, que l’écrivain français décide de traduire L’Orestie. Claudel conçoit une vénération inconditionnelle pour le tragique grec, qu’il admire en particulier pour la force de ses images pures et visionnaires ; l’énergie brut de sa prosodie (plus spécifiquement le rythme de iambe) ; le sens du récit si spécial, avec ses raccourcis dramatiques, qui font bon marché des péripéties ; la priorité accordée aux sentiments existentiels et religieux ; l’utilisation non réaliste du chœur8. À l’instigation de Marcel Schwob, il s’attelle à la traduction d’Agamemnon dès la fin de 1892, en s’inspirant de la traduction anglaise du distingué helléniste Arthur Woollgar Verrall9. Puis, une vingtaine d’années plus tard (en 1912), Claudel et Milhaud se rencontrent, le musicien compose une musique de scène pour la traduction d’Agamemnon pendant que l’écrivain entreprend l’adaptation des Choéphores et des Euménides. La correspondance des deux artistes montre la bonne entente qui préside à leur collaboration : Claudel discute minutieusement ses idées, stimulé par l’échange avec Milhaud dont il apprécie la sensibilité et la diligence10.
4Considérons un premier passage des Choéphores pour illustrer la dynamique de la collaboration de Milhaud et Claudel et le sens profond qu’ils ont donné à l’œuvre d’Eschyle. Il s’agit d’un extrait situé aux mes. 114-122 du premier mouvement, « Vocifération funèbre ». La troisième antistrophe du premier chœur présente une discordance frappante entre le texte et la réalisation musicale : la traduction du texte d’Eschyle est complètement erronnée, mais la réalisation musicale de Darius Milhaud prend ses distances avec le texte de Claudel pour souligner l’intention du texte grec original (probablement à travers une de ses traductions plus fidèles, comme nous allons le voir plus loin).
5Dans la deuxième pièce de la trilogie, la reine Clytemnestre est en proie à des cauchemars depuis qu’elle a assassiné son mari, Agamemnon. Le chœur des « Choéphores » (c’est-à-dire les « Porteuses de libation », un groupe d’esclaves troyennes) vient se lamenter sur le tombeau du défunt à la demande de sa veuve, dans le but d’apaiser les divinités. Dans le passage problématique, le chœur, qui est au courant du crime de Clytemnestre, a recours à une puissante image pour décrire l’impossibilité pour la reine de se purifier d’un meurtre : la réunion de tous les fleuves de la terre ne suffirait pas à laver une main homicide. La réalisation musicale exploite une écriture que Milhaud a qualifiée de polytonalité harmonique, c’est-à-dire qu’elle se fonde sur la combinaison d’accords (généralement des triades, comme c’est le cas ici) suggérant des tonalité contrastantes11. La Figure 1 représente schématiquement la structure musicale, en indiquant sur l’axe vertical la fondamentale des triades utilisées, et sur l’axe horizontal les mesures où elles se situent. Le passage débute à la mes. 114 par la combinaison de quatre strates musicales (superposant du grave à l’aigu les triades de ré bémol, fa, sol et si), qui convergent progressivement sur deux strates (mes. 118), puis sur une seule strate (mes. 121) ; et à peine la convergence sur une triade consonante est-elle atteinte qu’à la mesure suivante (mes. 122), l’ajout d’accords dissonants ramène une texture à stratification multiple. Sur le plan symbolique, la structure musicale illustre donc à la fois la réunion des fleuves, par l’effet de convergence, et l’impossible purification pour une main homicide, par l’ajout de strates dissonantes dès que le point de convergence est atteint.

« Tous les chemins divergeant (...) pure ».
Figure 1 : Darius Milhaud, Les Choéphores, 2.
« Vocifération funèbre », mes. 114-123.
6Mais la réalisation musicale contredit le texte fautif de Claudel : « Quand la chambre virginale est forcée, nul remède. Tous les chemins divergeant de la route unique ne peuvent suffire à rendre la main qui a tué, pure. » La convergence des triades dément l’idée de divergence du texte, sans parler de la traduction erronnée de « fleuves » par « chemins12 ». Selon toute vraisemblance, la source littéraire dont s’est inspiré Milhaud pour sa réalisation musicale est la traduction française la plus courante de l’époque, celle de Leconte de Lisle (ironiquement, la version dont les imperfections avaient décidé Claudel à entreprendre sa propre adaptation française de L’Orestie). Il semble en effet que Milhaud, après avoir complété la musique d’Agamemnon, ait commencé à esquisser Les Choéphores avant d’avoir reçu la traduction de Claudel. Dans l’attente, l’écrivain lui-même aurait recommandé à son collaborateur de se servir du texte de Leconte de Lisle13. La version de Leconte de Lisle se prête d’ailleurs à cette hypothèse, car elle respecte fidèlement l’image eschylienne d’une convergence fluviale : « Les fleuves réuniraient leurs eaux qu’ils ne laveraient point la main qu’a souillée le meurtre14. » Il est donc ironique de noter que dans ce passage d’Eschyle, la réalisation de Milhaud convient mieux au texte de Leconte de Lisle que celui par lequel Claudel voulait supplanter son prédécesseur.
7Dans une perspective plus générale, le passage problématique rejoint Taxe dramatique de la trilogie dans son entier. Les deux premières pièces illustrent un cycle de violence qui se renouvelle sans qu’il semble possible de l’arrêter : l’action foisonne d’intrigues sanglantes, d’alliances, de trahisons, où le roi Agamemnon sacrifie sa fille Iphigénie pour aller à Troie ; où par vengeance, sa femme Clytemnestre prend un amant, Egyste, avec qui elle tue son époux à son retour de Troie ; et où les amants sont à leur tour assassinés par le fils de la souveraine, Oreste. Cet engrenage de barbarie, apparemment inéluctable, s’interrompt dans la troisième pièce, Les Euménides, par l’instauration d’un droit nouveau, qui tient compte du repentir du criminel et des circonstances atténuantes liées à son acte. Les Érynies renoncent à poursuivre et tourmenter Oreste, et s’installent à Athènes où elles y deviennent les bienfaitrices (ou les « Euménides15 »).
8Milhaud illustre ce revirement dramatique en reprenant le principe musical de convergence qui gouvernait la fin des Choéphores, et en l’appliquant à la conclusion des Euménides, à quelques différences près. D’abord, la polytonalité de type harmonique fait place au type contrapuntique. Ainsi, les différentes strates combinent ici non des accords, mais des ostinati, qui expriment des échelles contrastantes (ce que montre l’Exemple 1 pour le passage des pages 332-333 de la partition chant et piano). De plus, Milhaud amplifie l’effet en combinant jusqu’à six strates (et non quatre), et la résolution par la convergence sur une seule strate ici est complète, sans qu’aucun élément étranger ne vienne subséquemment s’y superposer (contrairement à la fin des Choéphores). Le Tableau 1 ci-dessous montre que la convergence commence seulement avec la section VIII, lorsque le texte reprend des idées de cycle de violence et de purification du mal similaires à celles du passage correspondant des Choéphores : « Que de tout mal affamée / La Discorde soit bâillonnée ! / Puisse la poudre saturée / Du sang des guerres civiles / Ne pas être ensemencée / Pour les revanches inutiles ! » De plus, des appels à la solidarité justifient le déclenchement du processus de rapprochement des strates : « Un seul chant ! une seule voix ! / Qu’ils soient frères dans la joie ! / Contre l’ennemi, quand c’est l’heure, / Qu’ils se lèvent d’un seul cœur ! » La convergence euphonique, dont aucune strate dissonante ne vient ternir l’épanouissement, exprime évidemment l’interruption effective du cycle de violence, rendue possible ici par le pardon accordé par la nouvelle législation (contrairement à l’inflexible loi antérieure, qui empêchait, eut-on même réuni tous les fleuves de la terre, de laver une main meurtière16).

Exemple 1 : Darius Milhaud, Les Euménides, ostinati du Finale de l'acte III. Reproduit avec l’aimable autorisation des éditions Heugel, Paris.
Section 17 |
Incipit du texte |
Nb d’échelles |
I. (p. 312) |
Ath. : Toutes celles qui accompagnent une victoire... |
4 |
II. (p. 320) |
Ch. : J’accepterai l’accueil de Pallas. ... |
5 |
III. (p. 325) |
Ath. : C’est moi qui ai fait ces choses... |
5 |
IV. (p. 331) |
Ch. : Et puisse l’arbre jamais, ... |
6 |
V. (p. 336) |
Ath. : Entendez-vous, Vigilance de la Cité, ... |
6 |
VI. (p. 341) |
Ch. : Qu’un sort prématuré... |
6 |
VII. (p. 347) |
Ath. : Qui ne se réjouirait d’entendre... |
6 |
VIII. (p. 352) |
Ch. : Que de tout mal affamée... |
5 |
IX. (p. 358) |
Ath. : Leur langue a pris la bonne voie.... |
4 |
X. (p. 361) |
Ch. : Salut, dans les trésors de votre justice, ... |
4 |
XI. (p. 367) |
Ath. : Salut de même à vous ! ... |
4 |
XII. (p. 375) |
Ch. : Salut, et de nouveau salut, ... |
3 |
XIII. (p. 379) |
Ath. : Je dis Amen à ces invocations, ... |
2 |
XIV. (p. 391) |
PROCESSIONNAL : À cause du bien qui suit... |
1 |
Tableau 1 : Les Euménides, Finale de l’acte III.
9Le lien entre les passages convergents des Choéphores et des Euménides est renforcé par le rapprochement observé dans leur prestation en concert et leur enregistrement (sûrement à l’initiative de Milhaud lui-même). Bien que le compositeur termine l’orchestration du troisième volet de la trilogie en 1924, il faut attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale avant d’en entendre la création intégrale (d’abord de manière indépendante en 1951, puis dans le cadre d’intégrales de L’Orestie en 1963 et 197618). Mais avant cela, Milhaud fait jouer le Finale de cet opéra par lui-même, souvent conjointement avec Les Choéphores. Ainsi, l’intégrale des Choéphores et le Finale des Euménides sont créés en concert dans un laps de temps très rapproché, respectivement à Paris le 8 mars 1927, et à Anvers le 27 novembre de la même année (le Finale est repris à Paris quelques mois plus tard, le 3 juin 192819). Et en 1928-1929, Milhaud fait graver, dans l’espace de trois sessions d’enregistrement, quatre mouvements des Choéphores (incluant « Vocifération funèbre ») conjointement avec le « Processionnal » des Euménides20.
10La conclusion grandiose des Euménides, à laquelle Milhaud attache une telle importance, constitue un morceau d’anthologie de la culture grecque, qui a fait couler beaucoup d’encre tant en histoire du droit que dans les études de la civilisation et de la littérature classiques. Dans sa traduction, Claudel réagit à une tradition d’interprétation française qui néglige la dimension spirituelle et existentielle de la culture grecque21. L’écrivain propose à la place une lecture religieuse de cette pièce, où il salue une anticipation de la religion chrétienne par l’importance accordée à la valeur du pardon.
11Différents travaux ont pu encourager Claudel dans la voie d’une transposition chrétienne. Le critique français Paul de Saint-Victor (dont les Deux Masques a permis à Claudel d’approfondir la connaissance des Tragiques grecs qu’il avait acquise durant ses années de lycée) établit un rapprochement entre Eschyle et la Bible, bien qu’à la différence de Claudel, il fonde son parallèle sur l’Ancien Testament22. Une autre source probable est Verrall, le traducteur anglais d’Eschyle dont Claudel (de son propre aveu) s’est inspiré pour son adaptation23. Selon la préface des Euménides du traducteur anglais, la troisième pièce marque l’avènement d’un nouvel ordre divin, où les anciens dieux grecs font place à la nouvelle génération dominée par Zeus (il est facile pour le lecteur d’y voir une préfiguration du monothéisme chrétien).
12Claudel établit explicitement un lien entre Les Euménides et le catholicisme dans la préface à sa traduction. Zeus (père d’Athéna et Apollon) est assimilé à Dieu le Père Tout-Puissant :
Au-dessus de l’insoluble réversibilité des meurtres réciproques, apparaît le Père à qui seul appartient la Vengeance. C’est lui qu’Athéna et Apollon désignent en phrases mystérieuses et étonnamment prophétiques, où déjà l’on reconnaît les ombres de la Vérité future : la Résurrection, le Verbe, l’éternelle Génération. Athéna elle-même n’est-elle pas comme une préfigure de la Sophia et de l’Immaculée-Conception ? Apollon n’a-t-il pas une ressemblance avec l’Ange Gardien24 ?
13L’Aréopage, l’assemblée qui constitue le tribunal athénien, est assimilé à l’Église, et le refoulement des Érynies vers des profondeurs inférieures instaure un nouvel ordre cosmique qui ressemble à l’étagement de l’enfer, de la terre (sphère de l’homme) et du ciel où règne Dieu.
14La dimension religieuse ne se réduit pas à une simple grille d’interprétation proposée par Claudel en exergue à son texte, mais se révèle une vision fondamentale qui gouverne l’esprit de la traduction, et qui se détecte dans le choix de termes, et dans certaines ellispes et ambiguïtés savamment entretenues dans le texte français. Ainsi, Claudel emploie des termes tels que « Bénédiction », « Dieu » ou « Amen », comme dans : « Je dis Amen à ces invocations, etc.25 » (p. 385, section 13). Ailleurs, il exploite les références à Zeus, le père de la vierge Athéna et le maître des dieux, pour suggérer le Dieu des chrétiens, entouré du peuple des élus : « Salut, dans les trésors de votre justice, / Salut, peuple, multitude, / Vous qui êtes assis à la droite de Dieu, / Filles à qui la Vierge sourit, / La Sagesse à la fin du temps ! / Sous les ailes de Pallas, / Dans la vision du Père ! » (p. 384 [section 10] : Le Chœur).
15Malgré les partis pris et les exagérations de sa traduction (ou à cause d’elles ?), le texte de la conclusion des Euménides comportait plusieurs éléments susceptibles de plaire à Milhaud : le caractère sacré, la thématique du pardon, et l’enracinement méditerrannéen. Le compositeur, un Juif convaincu, n’éprouvait aucun antagonisme à l’égard du catholicisme. Bien au contraire, il conciliait sa foi judaïque avec une ouverture œcuménique, caractéristique des Juifs du Comtat-Venaissin, une communauté de Provence qui a vécu en harmonie avec les chrétiens et a vu ses droits protégés par la papauté26. Dans sa jeunesse, avant de se laisser gagner par l’humeur primesautière et l’insouciance provocante des Six, Milhaud était très absorbé par les questions d’ordre moral. Il éprouvait de fortes affinitiés envers plusieurs écrivains catholiques importants, comme en témoignent son premier opéra, La Brebis égarée (1914), écrit sur une pièce de Francis Jammes, son cycle de mélodies Alissa (1913, rév. 1931), d’après La Porte étroite d’André Gide, sa cantate Le Retour de l’Enfant prodigue (1917), d’après un autre texte de Gide – trois œuvres auxquelles le compositeur attachait une importance particulière. De plus, son attrait pour Eschyle et les Grecs était lié à une autre de ses grandes préoccupations, l’affirmation et la valorisation de l’identité méridionale27. Le texte que Milhaud écrivit sur ses collaborations avec Claudel (qui apparaît dans le recueil d’articles Études) offre un témoignage éclairant sur l’importance des dimensions du pardon et de l’identité méditerranéenne pour le compositeur :
Après les horreurs et les crimes, après les deux premiers actes sombres, sauvages, le vote du peuple d’Athènes, l’acquittement d’Oreste et la grande scène de pacification des Euménides, l’arrivée progressive de la lumière, de l’allégresse. Triples chœurs d’Athéna, des Euménides apaisées et du peuple d’Athènes, ce peuple méditerranéen, ce peuple semblable à la foule qui encombre le port du Pirée, marchands de poissons, de légumes, trafiquants, intrigants, paresseux, avec tout l’immense ciel latin par-dessus leurs têtes28.
16Ce texte est d’autant plus significatif que dans l’article, le Finale des Euménides est le seul passage de la trilogie qui soit isolé et fasse l’objet d’un commentaire séparé.
17L’étude de la collaboration de Claudel et Milhaud sur L’Orestie montre que le compositeur, malgré son jeune âge, ne se cantonne pas dans une attitude d’humble soumission, de passivité respectueuse à l’égard de son prestigieux aîné. Si son écriture trahit des manifestations d’indépendance (qui ne s’expriment jamais ouvertement à l’égard de Claudel), le compositeur partageait néanmoins des valeurs fondamentales avec l’écrivain, une communauté de vues qui lui permettent de s’approprier les idées directrices de la traduction et de les intégrer à une réalisation musicale puissante. Cette rencontre de deux tempéraments sensibles et conciliables, s’épanouissant dans une collaboration dénuée de toute servilité ou contrainte entravante, ne constituait-t-elle pas le terreau le plus propice pour une œuvre que Milhaud allait considérer comme une de ses plus éclatantes réussites ?
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BIBLIOGRAPHIE
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Notes de bas de page
1 Georges Auric, Correspondance : Georges Auric-Jean Cocteau, réunie et annotée par Pierre Caizergues, Montpellier : Centre d’Étude du XXe siècle, Université Paul-Valéry, 1999, p. 22.
2 Jacques Petit (dir.), Correspondance Paul Claudel-Darius Milhaud, 1912-1953, in Cahiers Paul Claudel, vol. 3, Paris : Gallimard 1961 ; Paul Claudel, Mémoires improvisés, Paris : Gallimard, 1954 ; Paul Claudel, Journal I (1904-1932), Paris : Gallimard, 1968 ; Paul Claudel, Journal II (1933-1955), Paris : Gallimard, 1968 ; Darius Milhaud, « Ma collaboration avec Paul Claudel », in Études, Paris : Claude Aveline, 1927, p. 27-34 ; Darius Milhaud, Ma vie heureuse, Paris : Belfond, 1973 ; Darius Milhaud, Entretiens avec Claude Rostand, Paris : Pierre Belfond, 1992 ; lettre de Darius Milhaud à Léo Latil dans Myriam Chimènes et Catherine Massip (dir.), Portrait(s) de Darius Milhaud, Paris : Bibliothèque nationale de France, 1998, p. 23-25. D’excellentes études traitent également de cette collaboration : Paul Collaer, Darius Milhaud, Genève, Paris : Éditions Slatkine, 1982 ; Jeremy Drake, The Operas of Darius Milhaud, New York : Garland Pub., 1989 ; Barbara L. Kelly, Tradition and Style in the Works of Darius Milhaud 1912-1939, Aldershot : Ashgate, 2003 ; Pascal Lecroart, Paul Claudel et la rénovation du drame musical, Sprimont : Mardaga, 2004 ; Jens Rosteck, « La collaboration artistique et esthétique de Paul Claudel et Darius Milhaud : L’Orestie d’Eschyle et Christophe Colomb », Bulletin de la Société Paul Claudel, no 133 (1994), p. 21-27.
3 Le jugement de Claudel sur Milhaud a varié au cours des années. La première mention du compositeur dans le Journal de Claudel en septembre 1915 est peu flatteuse : « Visite de Darius Milhaud. Effervescent et insipide comme de l’eau de seltz. » - Paul Claudel, Journal I (1904-1932), p. 338. Par la suite, le nom du compositeur est cité dans le Journal sans qu’aucun jugement ne l’accompagne, mais le musicien devient rapidement le collaborateur de prédilection de l’écrivain, et les lettres de Claudel montrent qu’il appréciait sa diligence. Dans une lettre à Milhaud du 22 août 1915, Claudel s’émerveille : « Cher ami, La musique des Choéphores déjà terminée ! C’est superbe ! J’ai une envie immense d’aller vous voir à Aix (...) » - Petit, Correspondance Paul Claudel-Darius Milhaud, p. 46. Le 3 septembre 1919, durant la collaboration sur Protée, Claudel écrit : « Mon cher Ami, Je suis très interessé par ce que vous m’écrivez de Protée. À la bonne heure ! C’est un plaisir de travailler avec vous. Il ne vous faut pas 17 ans comme M. d’Indy pour mettre sur pied une partition. » - Petit, Correspondance, p. 54-55. Quand Max Rheinardt veut intéresser Claudel à un projet d’opéra sur Christophe Colomb, l’écrivain refuse de travailler avec un autre compositeur que Milhaud. L’attitude de Claudel à l’égard du compositeur tiédit à la fin de sa vie, après le grand succès qu’allaient remporter les collaborations de l’écrivain avec Honegger. De plus, il faut considérer que Claudel se faisait une idée très précise de la musique qu’exigeaient ses œuvres, et qu’il appréciait les collaborateurs serviles (voir Lécroart, Paul Claudel et la rénovation du drame musical, p. 218-222).
4 Dans un article des Études intitulé « Ma collaboration avec Paul Claudel », Milhaud relève combien l’influence de Jammes et Claudel lui fut salutaire pour réagir à l’esthétique impressionniste (p. 27-28). Deux sources rapportent des anecdotes différentes sur la découverte de Connaissance de l’Est : dans les Études, Milhaud raconte comment Francis Jammes, à qui il avait été rendre visite à Orthez dans le midi, lui avait parlé de Claudel et lui avait offert un exemplaire de Connaissance de l’Est pour lire dans le train (Milhaud, Études, p. 28). Dans Ma vie heureuse, le compositeur semble avoir remis ses souvenirs en ordre : la découverte du livre de poèmes précède la visite de Milhaud à Jammes, et c’est l’amie pianiste du compositeur, Céline Lagouarde, qui en a reçu l’exemplaire des mains du poète d’Orthez pour lire dans le train, et qui l’a prêté ensuite à Milhaud (Milhaud, Études, p. 33).
5 Le poète, à qui le compositeur a joué ses mélodies, aurait été sensible à la vigueur de leur style, si on en juge par son commentaire : « Vous êtes un mâle ! » (voir le récit que Milhaud fait de leur rencontre dans Ma vie heureuse, p. 40-41). Dans sa correspondance avec le compositeur, Claudel vante la « franchise de lignes magnifique » de la mélodie Le Point. – Petit, op. cit., p. 44.
6 La Deuxième Suite Symphonique (1919) d’après Protée, donnée aux Concerts Colonne les 24 et 30 octobre 1920.
7 Kelly relève d’ailleurs combien la collaboration de Claudel stimule la veine novatrice chez Milhaud - Chapitre 3 de Tradition and Style in the Works of Darius Milhaud 1912-1939, p. 45-73.
8 Sur la nature de l’attrait qu’Eschyle a exercé sur Claudel et sur l’influence qu’il a eue sur son théâtre, voir Michel Lioure, L’esthétique dramatique de Paul Claudel, Paris : Armand Colin, 1971, p. 94-102 ; André Espiau de la Mæstre, Humanisme classique et syncrétisme mythique chez Paul Claudel (1880-1892) en 2 tomes, Paris : Honoré Champion, 1977, p. 111-121 ; Pascal Lécroart, Paul Claudel et la rénovation, p. 44-47.
9 En effet, Claudel écrit à Marcel Schwob le 6 janvier 1893 : « J’ai commencé ma traduction d’Eschyle ; c’est une bonne idée que tu m’as donnée là. » Jacques Petit, « Autour de la publication de Tête d’or : Lettres inédites de Paul Claudel, Maurice Maeterlinck, Marcel Schwob, Henri de Régnier, Octave Mirbeau, Charles-Henry Hirsch, Camille Mauclair, Jules Bois, Byvanck », Cahiers Paul Claudel 1 (1959) : p. 169-170. Claudel reconnaît s’être inspiré de Verrall dans « Les Choéphores. Note pour servir de préface à cette traduction », reproduit dans Théâtre de Paul Claudel I, Paris : Gallimard, 1956, p. 1158.
10 Voir infra, note 3.
11 Voir Darius Milhaud, « Polytonalité et atonalité », La Revue musicale, vol. 4, no 4 (février 1923), p. 39.
12 Deux ouvrages offrent une analyse détaillée de la structure musicale de ce passage, mais personne n’avait encore remarqué la contradiction entre le texte de Claudel et la réalisation musicale de Milhaud. Les études sont celles de Ruth Zinar, « Greek Tragedy in Theatre Pieces of Stravinsky and Milhaud », thèse de doctorat, New York University, 1968 ; et de Jeremy Drake, The Operas of Darius Milhaud, New York : Garland, 1989. Drake propose une excellente analyse de la structure générale de la pièce, qui s’inspire des esquisses. Dans le passage qui nous intéresse, il remarque la convergence des registres, mais sans noter la réduction progressive du nombre de strates, et sans considérer la signification symbolique. Zinar analyse le passage seulement jusqu’au point de convergence, sans tenir compte de l’ajout de strates dissonantes à la mes. 122. Elle interprète l’effet de convergence et de réduction comme l’illustration de l’idée de pureté exprimée dans le texte de Claudel (sans considérer l’idée plus générale d’une pureté inaccessible à une main homicide).
13 La correspondance des deux collaborateurs permet de reconstituer à grands traits la genèse des Choéphores de la manière suivante : l’écrivain a dû d’abord indiquer au compositeur les passages à mettre en musique. La correspondance suggère que Claudel a décidé le choix des pièces pour Agamemnon et pour Les Choéphores (voir Petit, Correspondance, p. 36-38). Ensuite, les deux collaborateurs discutent des problèmes de réalisation (déclamation, utilisation des percussions, etc.). Puis Milhaud commence à esquisser Les Choéphores avant d’avoir reçu le texte de Claudel, et dans l’attente, et sur la recommandation de l’écrivain lui-même, en se servant du texte de Leconte de Lisle. En effet, Claudel écrit le 27 mai 1913 : « Je voudrais bien que vous lisiez L’Orestie entièrement (dans la traduction de Leconte de Lisle par ex. si mauvaise qu’elle soit) (...) » (p. 37).
14 Eschyle, Eschyle, traduit par Leconte de Lisle, Paris : Lemerre, 1889, p. 223. La formulation de Claudel trahit même la version anglaise de Verrall dont l’écrivain français s’est pourtant inspiré pour sa traduction. On trouve dans la version anglaise: « [...] So all streams meeting together, to cleanse from blood the polluted hand, may strive in vain » - Æschylus, The “Choephori”, avec une introduction, un commentaire, et une traduction d’Arthur Woollgar Verrall, Londres : MacMillan, 1893, p. 213. Dans son commentaire, Verrall explique qu’il utilise « streams » pour traduire un terme aux multiples résonnances : « expedient, road, river » (p. 11-12). Les deuxième et troisième termes sont ceux retenus respectivement par Claudel et Verrall. Selon Verrall, « we cannot rend [this expression] exactly in natural English; but in Greek it is not only natural, but scarcely even metaphorical. The [related expression...] appears to have been technically applied to waters of purification - Verrall in Æschylus, Eumenides, Londres : Macmillan, 1893, p. 455; and this, rather than rivers, is its meaning here, so far as we can properly restrict to one meaning a word meant to combine various suggestions » (p. 11).
15 Bien qu’il semble qu’Eschyle n’ait pas officiellement intitulé sa pièce Les Euménides, et qu’il n’ait pas utilisé ce terme dans son texte, on a néanmoins de bonnes raisons de penser qu’il l’appliquait aux Érynies converties. À ce sujet, voir le commentaire de Verrall in Æschylus, Euménides, p. xxxv-xxxvii.
16 L’effet de convergence dans Les Euménides est non seulement plus riche que celui des Choéphores, mais la progression est aussi plus complexe : lorsque les six échelles sont introduites, six ostinati différents leur sont d’abord associés. Mais alors que les diverses échelles convergent progressivement vers l’unique échelle de do majeur à partir de la section VIII, la diversité des ostinati se maintient jusqu’à la fin, bien individualisés dans des registres distincts.
17 Les numéros de page correspondent à ceux de la partition chant et piano de Heugel, seule version de l’œuvre à avoir été commercialisée.
18 Différentes sources proposent parfois des dates contradictoires, et il est parfois nécessaire de procéder par recoupement pour établir qui a raison. La datation s’inspire du « Catalogue des Œuvres » in Paul Collaer, Darius Milhaud, Genève, Paris : Éditions Slatkine, 1982, p. 367-367-614 ; de l’ouvrage de Francine Bloch, Darius Milhaud, 1892-1974, Paris : Bibliothèque nationale, Département de la phonothèque nationale et de l’audiovisuel, 1992 ; et de correspondances dans Paul Collaer, Correspondance avec des amis musiciens, présentée et commentée par Robert Wangermée, Liège : Mardaga, 1996.
19 Le 8 mars à l’Opéra de Paris, le concert est donné par les Chœurs Robert Siohan et l’orchestre Pasdeloup dirigés par Milhaud, avec les solistes Gabrielle Gills, Marie-Therese Holley, Claire Croiza et Georges Petit. Le 27 novembre à Anvers, la Chorale Cæcilia et l’Orchestre des Nouveaux Concerts d’Anvers sont dirigés par Louis de Vocht.
20 Les mouvements I, II, V et VII des Choéphores, et le « Processionnal » des Euménides sont enregistrés par La Chorale Cæcilia d’Anvers et l’Orchestre des Nouveaux Concerts d’Anvers, dirigés par Louis de Vocht, avec J. Van Hertbruggen, Van Steenbergen et Claire Croiza.
21 Tradition à laquelle se rattachent des écrivains comme Jean-Jacques Rousseau, André Chénier et Charles-Marie Leconte de Lisle. Leconte de Lisle, adepte du déterminisme biologique et partisan d’une vision pessimiste, désapprouvait la conclusion de L’Orestie d’Eschyle, où il voyait une trahison, un contresens. Dans la libre adaptation de l’histoire des Atrides que constitue sa pièce Les Érinnyes, Leconte de Lisle apporte une conclusion pessimiste, mieux accordée à ses vues sur la fatalité dans l’esprit grec.
22 Sur les auteurs classiques grecs que Claudel a fréquentés dans ses lectures de lycée, voir Espiau de la Maestre, Humanisme classique, p. 112.
23 Voir infra, note 9.
24 La citation de la Préface se trouve dans Paul Claudel, Théâtre de Paul Claudel I, Paris : Gallimard, 1956, p. 1167. Le même passage est discuté dans Laffont-Bompiani (dir.), « Orestie » in Le nouveau dictionnaire des œuvres. De tous les temps et de tous les pays, vol. IV, Paris : Laffont, 1994, p. 5238-5241.
25 On trouve déjà le terme « Amen » chez Verrall, mais nulle part ailleurs. Dans le passage correspondant, Leconte de Lisle dit simplement : « Je me réjouis de vos paroles et de vos prières (...) » - Æschylus, Euménides, p. 317.
26 Plusieurs œuvres de la maturité de Milhaud illustrent son engagement profond à l’égard du judaïsme, comme les Poèmes juifs, les Chants populaires hébraïques, la Liturgie comtadine, et les opéras Esther de Carpentras et David. Pour plus d’information sur l’importance de la religion juive chez Milhaud, voir Jeremy Drake, The Operas of Darius Milhaud, New York : Garland, 1989, p. 18-19 ; Kelly, Tradition and Style, p. 27-34 ; et Lunel, Mon ami Darius Milhaud.
27 Jane Fulcher rapproche l’intérêt de Milhaud pour l’Antiquité grecque de son culte pour la culture méditerranéenne. Voir son article « The Preparation for Vichy : Anti-Semitism in French Musical Culture Between the Two World Wars », The Musical Quarterly, vol. 79, no 3 (1995). p. 458-475.
28 Milhaud, Études, p. 31-32.
Auteur
Université de Montréal, Canada
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