Chapitre 3. Jean Cocteau, impresario musical à la croisée des arts
p. 69-134
Texte intégral
1Jean Cocteau est probablement l’un des rares artistes à s’être investi dans plusieurs formes artistiques avec un succès quasi égal dans chacune d’elles. Aux alentours des années 1920, il s’adonne à la poésie, écrit des romans, des pièces de théâtre, des arguments de ballets, il élabore des chorégraphies et met au point des mises en scène, il s’investit dans le journalisme culturel, il conçoit des masques et des costumes, il dessine et peint des tableaux. Plus tard, il réalisera des films, touchera à la tapisserie, à la poterie, aux bijoux, etc.
2La poésie constitue le fil rouge de ses activités et forme l’expression première de sa sensibilité et de son esthétique. Elle se traduit non seulement dans des libellés littéraires, mais aussi dans les supports artistiques les plus divers, à tel point qu’au début des années 1930, Cocteau les classera en diverses catégories : « poésie », « poésie de roman », « poésie critique », « poésie de théâtre », « poésie graphique », « poésie cinématographique1 ».
3La musique n’est guère absente de ses préoccupations. S’il n’agit pas comme compositeur, Cocteau participe de manière active à préciser les fondements de la nouvelle musique française, à promouvoir les musiciens du futur Groupe des Six et à élaborer des spectacles avec eux. Ces manifestations avant-gardistes mêlent poésie, théâtre, musique, peinture, chorégraphie dans une étroite osmose et font voler en éclats les genres consacrés. Nous n’étudierons ici que les spectacles dans lesquels la musique est partie prenante et pour lesquels Cocteau joue un rôle fédérateur. Les aspects novateurs de ses conceptions seront particulièrement soulignés.
PARADE (18 MAI 1917)
4C’est à partir de Parade, créé le 18 mai 1917 au Théâtre du Châtelet par la compagnie des Ballets russes, que Cocteau est propulsé parmi les chefs de file de l’avant-garde parisienne. Ce premier ballet moderne du XXe siècle dont le poète a écrit l’argument révolutionne la notion de danse par l’introduction d’éléments venus du cirque, de la foire, du music-hall et du cinéma muet. Le ballet classique en tant que genre s’en trouve réformé, dans les deux sens du terme, à la fois « retiré du service » et « ramené à une meilleure forme ». Examinons-en les composantes.
5Le terme parade signifie entre autres « l’exhibition que font les bateleurs, avant la représentation, pour attirer les spectateurs ». L’argument se limite précisément aux boniments successifs de trois saltimbanques. Cocteau précise : « C’est l’histoire du public qui n’entre pas voir le spectacle intérieur malgré la réclame et sans doute à cause de la réclame qu’on organise à la porte2. » Il n’y a pas d’histoire linéaire, mais une succession de scènes dont l’enchaînement pourrait être aléatoire. Le nota bene de l’argument publié parodie non seulement les véritables parades de cirque mais donne une des clefs du ballet : « La direction se réserve le droit d’intervertir l’ordre des numéros de la parade3. » Les personnages ne parlent pas. Le prestidigitateur chinois au costume jaune et rouge s’inspire d’un numéro de music-hall de Chung Ling Soo (en réalité William Ellsworth Robinson), connu pour ses tours de magie à l’Alhambra entre 1911 et 1914 dans un costume quasi identique. La petite Américaine en jupe plissée et col marin, à l’énorme nœud dans les cheveux, évoque non seulement Pearl White ou Mary Pickford, jeunes héroïnes des films muets hollywoodiens, mais aussi Mistinguett chantant Je-e suis un’petite amé-éricaine à l’Eldorado en 19034 ; elle personnifie peut-être aussi l’engouement de l’époque pour les adolescentes, à l’image de la série des Claudine de Colette. Deux acrobates en collants bleu et blanc rappellent le côté aérien du cirque. Le contraste entre les couleurs froides et les couleurs chaudes représente deux univers différents : l’ancien et le moderne.
6À côté de ces « personnages réels comme des chromos collés sur une toile5 », évoluent des êtres déshumanisés qui paradent, c’est-à-dire qui organisent la réclame afin de faire valoir le spectacle à venir : deux managers, l’un français et l’autre américain, cachés sous d’imposantes armatures de carton-pâte de trois mètres de haut rappellent les hommes-sandwichs des foires et imitent les pratiques publicitaires américaines. Ces personnages « inhumains, surhumains », souligne encore Cocteau, deviennent en somme « la fausse réalité scénique, jusqu’à réduire les danseurs réels à des mesures de fantoches ». Les personnages humains apparaissent comprimés et réduits par la disproportion des managers, au même titre que dans la vie réelle, les hommes peuvent se sentir écrasés et anéantis par la vie moderne. Les deux managers confrontent l’Europe avec l’Amérique par les attributs qu’ils portent chacun : pipe, canne, journal, culotte et bas pour l’un, mégaphone, chemise à carreaux, pantalons de cow-boy, buildings, pour l’autre. Enfin, le cheval en tissu articulé par deux hommes cachés à l’intérieur sort tout droit des numéros de cirque. Notons la signification en termes équestres de la parade, à savoir « l’arrêt d’un cheval qu’on manie ». Notre cheval articulé est indubitablement sûr de lui à la parade. Les attributs des managers se situent à la frontière des décors et des costumes : c’est là une innovation considérable car ces décors outrepassent leur rôle traditionnel. Ils ne se contentent plus d’être une toile de fond qui situe l’action, mais ils sont devenus de véritables protagonistes de celle-ci.
7Pablo Picasso signe là ses premiers décors et costumes de théâtre. Son rideau passéiste de style figuratif, faussement naïf, se trouve en totale opposition avec ses décors et costumes cubistes « qui témoignent du réalisme de son art6 ». Il illusionne le public par son image de parade, par ses éléments purement ornementaux destinés à donner le change. Pierre Caizergues précise même judicieusement que ces deux manières de peindre, la période rose et la période cubiste, constituent « une façon de situer le ballet à la frontière de l’ancien et du moderne pour inciter justement les spectateurs à passer d’un monde à l’autre, fidèle en cela au propos fondateur de l’œuvre7 ».
8Sur les directives de Cocteau, Léonide Massine met au point une chorégraphie très séduisante qui s’apparente davantage au mime et à la pantomime, avec des gestes de la vie réelle métamorphosés en danse tout en leur conservant leur force réaliste8. Les mouvements s’articulent autour des déplacements alourdis des managers qui martèlent le sol de leurs pieds, des gestes saccadés et brusques de la petite Américaine, des oscillations mécaniques du Chinois et des parodies de pas de deux du couple d’acrobates. La chorégraphie souligne donc, elle aussi, le style ancien et le moderne.
9Satie livre là sa première œuvre orchestrale, une partition « sobre et nette » où, selon Cocteau, le compositeur semble « avoir découvert une dimension inconnue grâce à laquelle on écoute simultanément la parade et le spectacle intérieur9 ». La fanfare des cuivres évite la parade militaire à laquelle on pourrait s’attendre devant une baraque foraine. Elle s’ouvre au contraire sur un « Choral » traditionnel qui débouche sur des rythmes inattendus de ragtime. Qui plus est, Cocteau a voulu y introduire de véritables « trompe-l’oreille » : cliquetis de machines à écrire, vrombissements de dynamo, tic-tac saccadés d’appareil morse, hurlements de sirènes de paquebot, pétarades de revolver, crissements de train express. Ces bruits mécaniques apparaissent pour la première fois sur un théâtre parisien, mais sont réduits à la seule machine à écrire lors de la création, au grand dam du poète qui les juge indispensables pour mettre en relief l’atmosphère de ses personnages. Cocteau affirme même que la musique de Satie sert de fond musical10 aux bruits suggestifs de la vie et de la ville.
10On sait qu’en préparant leur spectacle à Rome où ils ont rejoint Diaghilev, de la mi-février au début d’avril 1917, Cocteau et Picasso entrent en contact avec le mouvement futuriste italien de Filippo Tommaso Marinetti11. L’influence des orchestres de bruits imaginés dès 1913 par un des leurs, le compositeur Luigi Russolo, dans L’Arte dei rumori est ici manifeste. Dans Les Mariés de la tour Eiffel, Cocteau s’inspirera de ses appareils de bruitage destinés à mettre ses théories en pratique12. Les influences cubistes se retrouvent également sur tous les plans du ballet, tant dans les éléments visuels (décors et costumes) que dans la chorégraphie (collages de mouvements décomposés) et la musique (introduction de sons concrets), ce qui entraîne Jacinthe Harbec à qualifier la partition de « musique cubiste13 ».
11Dans Parade, il s’agit de traduire la réalité, non pas de la représenter ou de l’imiter comme telle, mais de la construire et de la suggérer par une série d’éléments visuels et auditifs, créant « une fausse réalité scénique14 », ce que d’aucuns aujourd’hui qualifient de « réalité cubiste15 ». Par son exploitation sur une scène théâtrale, le lieu commun perd de sa réalité car, placé hors de son contexte, il acquiert une émotion esthétique nouvelle : les objets et situations de la vie réelle ainsi reconstitués deviennent en quelque sorte des trompe-l’œil. C’est la raison pour laquelle le poète qualifie Parade de « ballet réaliste », signifiant « plus vrai que vrai »16.
12Cocteau veille à la publicité de son spectacle et demande à Apollinaire d’écrire un papier de présentation qui paraît d’abord dans le journal Excelsior17 avant de figurer dans le programme des Ballets russes. L’auteur d’Alcools loue les trouvailles modernistes de Satie, de Picasso et de Massine, mais il ignore perfidement celles du poète (qu’il n’aime pas) et réduit son rôle à la qualification donnée au ballet. Il parodie traîtreusement Cocteau en parlant de « sur-réalisme » dans lequel il pressent « le point de départ d’une série de manifestations » de l’Esprit nouveau. Soulignons que c’est ici la première apparition publique du néologisme « sur» surréalisme » dans un sens tout différent de celui que lui donnera André Breton en 1924. Comme l’a constaté Whiting18, Apollinaire avait discuté du terme « surréaliste » avec Paul Dermée, directeur de Nord-Sud, trois mois auparavant, en relation avec sa farce Les Mamelles de Tirésias qui recevra le sous-titre de Drame surréaliste. Monté au Théâtre Maubel le 24 juin 1917, une semaine à peine après Parade, la pièce d’Apollinaire s’inscrit parmi les spectacles modernes de l’après-guerre. À ce titre, l’emploi du terme « sur-réalisme » dans le programme de Parade ressemble davantage, comme le relève encore Whiting, à une propagande d’Apollinaire pour son propre spectacle et surtout à une rivalité entre les deux poètes pour s’imposer comme chef de file du mouvement avant-gardiste parisien.
13Six jours plus tard, dans le même journal, Cocteau réagit à l’article d’Apollinaire en précisant ses intentions, non perçues par celui-ci ou plus exactement passées volontairement sous silence19 : « Nous souhaitons que le public considère Parade comme une œuvre qui cache des poésies sous la grosse enveloppe du guignol. » Lors de la reprise du ballet, trois ans plus tard, le poète est encore plus explicite en s’exprimant par antiphrases :
Ne cassez pas Parade pour voir ce qu’il y a dedans. Il n’y a rien. Parade ne cache rien. Parade est une parade. Parade est sans symbole. Parade, un point c’est tout. Parade n’est pas cubiste. Parade n’est pas futuriste. Parade n’est pas dadaïste. Parade n’est pas « un curieux ballet ». Parade ne cligne pas de l’œil. Parade n’est pas malin. Parade n’est pas sublime. Parade est simple comme bonjour20.
14Par sa simplicité apparente, Parade déroute plus d’un spectateur. « Si j’avais su que c’était si bête, dira l’un d’eux, j’aurais emmené les enfants21 ! » Le divertissement se révèle toutefois plus profond qu’il ne paraît, d’où l’incompréhension qui s’installe entre Cocteau et certains journalistes. Par le mélange des genres22, par la savante combinaison de l’ancien et du moderne, par l’inattendu de l’argument, des décors, des costumes, de la chorégraphie, de la musique, et surtout par leur savant agencement en une œuvre riche de sous-entendus, Parade réussit à « étonner » Diaghilev et l’intelligentsia parisienne. Cocteau a trouvé « la parade » non seulement vis-à-vis de ses détracteurs qui le croient frivole et superficiel, mais également à l’encontre de ses propres collaborateurs qui lui ont coupé la parole dans ce spectacle privé de texte (Cocteau avait imaginé des porte-voix anonymes qui déclamaient un texte ou chantaient des phrases types, tandis que les managers devaient crier à leur tour des slogans publicitaires). Soulignons l’essai pour le moins original et incongru d’un poète-librettiste dont les personnages restent muets.
15Dans Parade, le second degré est omniprésent dans tous les domaines : la musique, les décors, la chorégraphie et même la poésie, réduite apparemment au seul titre de l’ouvrage mais abondamment exploitée par les multiples allusions des autres arts en présence. Les éléments trompeurs doivent permettre aux spectateurs éclairés d’appréhender ce qui est dissimulé : le spectacle donné sur scène construit une véritable parade qui occulte ce qui se passe au-delà de la scène, là où les bonimenteurs n’entrent pas, là où le véritable spectacle devrait se dérouler, mais qui n’est pas offert aux yeux des spectateurs de la salle23. Ce sont là des métaphores du non-dit, du non-vu, de tout ce qui est imaginé ou rêvé, de tout ce qui est supposé, à commencer peut-être par le spectacle intérieur de l’âme des personnages, dépourvus néanmoins de toute psychologie. Cocteau lui-même nous informe en évoquant les notes laissées au compositeur pour préparer sa partition : « Ces indications n’avaient rien d’humoristique. Elles insistaient au contraire sur le côté occulte, sur le prolongement des personnages, sur le verso de notre baraque foraine24. » William Emboden y voit la métaphore du processus créateur de l’artiste25.
16Le poète a réussi à suggérer plusieurs formes de parades qui ne s’expriment pas dans des formules littéraires. Ce goût prononcé pour les jeux de mots, ici dans leurs significations multiples (ou, dans d’autres contextes, dans leurs variétés homographes, homophones ou homonymes), sera toujours une technique abondamment utilisée par Cocteau dans ses écrits. Ces jeux de mots ne sont jamais gratuits, car ils participent à la compréhension des idées et concourent à traduire de manière figurée, tantôt le sens caché d’un texte, tantôt les angoisses du poète26. L’ambiguïté du terme choisi est d’autant plus forte lorsque celui-ci apparaît dans un titre d’œuvre isolé de tout contexte. Dans Parade, chacun des arts de la scène contribue à sa manière, non seulement à illustrer une véritable parade foraine, mais plus subtilement à donner la parade par ses propres moyens expressifs et à illustrer l’une ou l’autre signification du terme. Leur représentation simultanée dégage une richesse poétique totalement neuve pour l’époque et non perceptible par un public ordinaire.
17On ne s’étonnera donc pas que la représentation du ballet provoque un scandale égal à celui du Sacre du Printemps quatre ans plus tôt, mais cette fois la musique n’est pas seule en cause : « chaque art ruait dans les brancards27 », dira plus tard Poulenc. Comme tout scandale, Parade trouve des défenseurs passionnés mais aussi des adversaires tenaces28. Le critique Jean Poueigh intente un procès au « bon maître » d’Arcueil qui n’avait pas apprécié ses attaques et qui le lui fait comprendre de manière bien ordurière29. Cocteau gifle même l’avocat de ce critique en plein Palais de Justice parisien. Les jeunes musiciens qui gravitent autour de Satie se serrent les coudes et viennent le réconforter. N’ayons pas peur des mots : ce procès s’identifie en quelque sorte à celui de la modernité, car Parade cristallise les milieux d’avant-garde.
18On aura compris que la participation de Cocteau à Parade dépasse largement celle de l’argument et de la chorégraphie. Certes, il apparaît comme le directeur artistique, mais la version définitive de la création lui a toutefois quelque peu échappé. Diaghilev n’a pas voulu des bruits mécaniques sur scène ; il n’a pourtant pas exercé son rôle dictatorial habituel sur la chorégraphie. Cocteau a choisi seul Satie et Picasso comme collaborateurs, mais ceux-ci ne lui ont pas été dociles : Satie a totalement ignoré les textes à mettre en musique ; Picasso a réussi à imposer ses propres idées concernant les managers30. Seul Massine l’a écouté et suivi fidèlement. Une citation d’André Gide dans son journal intime, à la reprise de Parade en décembre 1920, illustre parfaitement la place irritante qu’entend souvent occuper le poète : « Cocteau sait que les décors et les costumes sont de Picasso, que la musique est de Satie, mais il doute si Picasso et Satie ne sont pas de lui31. » Cette remarque va dans le même sens que la caricature bien connue de Jean Oberlé qui illustre « Cocteau présentant Satie au Groupe des Six32 », alors qu’il est bien connu que c’est l’inverse qui s’est produit.
19Dans les années qui suivent, Cocteau va tenter d’être le seul maître des spectacles qu’il imagine. S’il n’est pas musicien au sens professionnel du terme, c’est un mélomane averti. Il joue à l’oreille au piano et dispose du don extraordinaire de discourir sur la musique en utilisant des termes poétiques totalement dépourvus du jargon technique33.
PROMOTION DES NOUVEAUX JEUNES PAR COCTEAU
20Avec Satie, Cocteau découvre le milieu artistique de Montparnasse, quelque peu différent des salons mondains qu’il fréquente alors. La Salle Huyghens constitue l’un des points d’ancrage où la jeune génération de peintres, musiciens et écrivains commence à faire parler d’elle par des expositions, concerts et matinées poétiques. D’autres rencontres poético-musicales durant cette fin de Première Guerre mondiale se tiennent au Théâtre du Vieux-Colombier dirigé par la cantatrice Jane Bathori.
21Cocteau se lie d’amitié avec ces Nouveaux Jeunes qui gravitent autour de Satie. Il les croque tour à tour dans des caricatures délicieuses, part en vacances avec certains d’entre eux et leur écrit des poèmes qui se transforment en mélodies34. Le poète n’est pas peu fier de se qualifier « fournisseur de la jeune école de musique35 ». En 1919 et 1920, ils se retrouvent tous aux soirées amicales et informelles du samedi dont Cocteau est l’animateur. Les « samedistes » rassemblent des musiciens, interprètes, hommes de lettres, peintres et hauts fonctionnaires du Quai d’Orsay. Milhaud se souvient : « De ces réunions où la gaieté et l’insouciance semblaient être le seul climat, bien des collaborations fécondes naquirent ; de plus, elles déterminèrent le caractère de certaines œuvres qui découlaient de l’esthétique du music-hall36. » Ces soirées investissent ensuite des lieux publics : le Bar Gaya, rue Duphot, ouvert le 22 février 1921, puis le Bœuf sur le Toit, rue Boissy d’Anglas, inauguré le 10 janvier 1922.
22Durant cette foisonnante période d’échanges intellectuels, Cocteau s’imprègne des idées de Satie et va concevoir une nouvelle esthétique qui, après son application dans Parade, trouve sa formulation dans Le Coq et l’Arlequin. Notes autour de la musique, ouvrage écrit au début de l’année 1918 et mis en vente en janvier 191937. Ce recueil d’aphorismes élégants et de charmants mots d’esprit rejette le flou de l’impressionnisme de Debussy et les influences germanoslaves d’un Wagner et d’un Stravinsky. Son auteur veut « une musique française de France » et prône un Coq français au chant pur qui s’oppose à l’Arlequin bariolé d’influences néfastes. L’ouvrage est dédié à Auric, « évadé d’Allemagne », hommage à la liberté prise par le jeune musicien vis-à-vis de l’influence wagnérienne.
23Cocteau va intensifier la diffusion de cette nouvelle esthétique en se transformant provisoirement en journaliste. Du 31 mars au 11 août 1919, il tient la rubrique « Carte blanche » dans Paris-Midi38 dans laquelle il souhaite « mettre le lecteur au courant des valeurs nouvelles ». Il y parle de ses coups de cœur dans une vingtaine d’articles dont six concernent Satie et la musique de ses jeunes amis. On commence d’ailleurs à parler d’eux à l’étranger et l’on reconnaît le parrainage de Satie et de Cocteau. Ce dernier est manifestement devenu leur porte-parole et c’est lui qu’on invite, le 19 décembre 1919, à donner une conférence sur Satie et les jeunes compositeurs à l’Institut des Hautes Études de Bruxelles39. En décembre 1921, c’est encore lui qui vante les mérites de « la nouvelle musique en France » à Genève et à Lausanne.
24Soulignons que le Groupe des Six existe bel et bien de manière informelle depuis l’année 1917, mais qu’il n’a pas encore reçu officiellement son illustre nom de baptême. Cela ne va plus tarder car Cocteau développe avec succès ses compétences en matière de relations publiques. Celles-ci trouvent un écho favorable auprès du compositeur et journaliste de Comœdia, Henri Collet, qui publie, les 16 et 23 janvier 1920, deux articles qui consacrent les Nouveaux Jeunes en les baptisant d’un nom retentissant40. De porte-parole du Groupe des Six, Cocteau va devenir leur impresario et directeur artistique, car il sait tirer le meilleur de chacun d’eux en les impliquant dans plusieurs spectacles d’avant-garde. À ce titre, notre poète pourra plus tard se déclarer le « septième » du Groupe41.
SPECTACLE DE MUSIC-HALL PRÉVU
AU VIEUX-COLOMBIER (FIN 1918)
25Dès le mois d’août 1918, Cocteau envisage un spectacle consacré aux jeunes musiciens. Dans une lettre adressée à sa mère, il écrit :
J’ai décidé avec Mme Bathori et nos camarades (ils me l’ont demandé) de prendre la direction de ou des spectacles consacrés aux jeunes. Le premier spectacle sera une séance de music-hall42 dont je choisis les numéros, chacun accompagné de musique et précédé d’une introduction. Pendant l’entracte un petit orchestre jouera dans le vestibule les fameuses « musiques d’ameublement » de notre Satie et de la troupe43.
26Le Groupe des Six est réuni presque au grand complet dans ce spectacle, puisqu’il n’y manque que Milhaud, à cette époque encore au Brésil, dont il ne reviendra qu’en février 1919. L’acteur et chanteur Pierre Bertin figure aussi au programme. Satie est également prévu, mais il donne sa démission à la mi-novembre. Chacun des musiciens est censé écrire deux ou trois morceaux de styles différents : musique pour accompagner les numéros de music-hall, musique d’ameublement, mélodies et chansons sur des poèmes de Cocteau. Celui-ci envoie à chacun sa tâche, sans préciser celles des autres : « Il en résultera une surprise (une atmosphère de surprise nécessaire à mon plan)44 », précise-t-il à Durey le 13 septembre 1918. Cocteau rêve d’une séance de « tohu-bohu de souvenirs et de projets45 ». On dispose du projet de ce programme de la main même de Cocteau qui en a modifié l’ordre des morceaux46.
Nouveaux Jeunes marche | Auric |
PREMIÈRE PARTIE | |
2. Cycliste (avec prélude) | Honegger |
5. Gymnastes fantaisistes (avec prélude) | Tailleferre |
3. Siffleur (pour sifflet imitant siffleur si c’est utile) | Durey |
6. Bertin dans son répertoire | |
Les Trois Couleurs | Honegger |
Une romance | Poulenc |
Chansonnette | Poulenc |
Entracte | |
SECONDE PARTIE | |
Ouverture Pot-Pourri | Tailleferre |
8. Virtuose | |
Mlle Meerovitch, 1er prix de Conservatoire | Morhange |
Gais lurons (polka) Caprice brillant | Tailleferre |
1. Jongleurs avec Prélude | Poulenc |
4. Danses modernes | Auric |
7. Chanteuse à voix | Satie |
À bientôt (Retraite) | Satie |
27Certaines composantes de ce spectacle sont connues grâce aux lettres des protagonistes. Aucun décor n’est envisagé. Le spectacle doit se dérouler devant un grand rideau en velours noir, à la lumière de deux projecteurs. De véritables acrobates, jongleurs, lutteurs et boxeurs évolueront sur scène, accompagnés de musiques aux spécificités définies par Cocteau47. L’entracte sera agrémenté de musiques d’ameublement. Dès le 15 octobre 1918, le poète annonce que « la séance est décidée48 », sans en donner la date. Celle-ci devait très probablement se situer vers la fin de l’année 1918 ou peu après. Le 5 novembre 1918, Cocteau souhaite que toute l’équipe travaille aussi rapidement que Poulenc49, ce qui prouve que le projet reste en cours d’élaboration50. Jusqu’à la mi-novembre, les lettres de Cocteau, Poulenc et Auric discutent du contenu de cette séance de music-hall. Ensuite, seul Poulenc parle des œuvres prévues pour ce spectacle dont il achève la composition, mais sans plus mentionner la séance elle-même. Pour une raison non élucidée, sans doute parce qu’il ne reçoit pas le soutien financier escompté auprès de la princesse de Polignac, ce spectacle de music-hall n’aboutira pas, mais Cocteau réutilisera bientôt certains de ses éléments.
28Pour cette séance, Cocteau rédige des poèmes que Poulenc, Durey et Auric devront mettre en musique. Il les décrit à sa mère comme de « très belles chansons sentimentales51 ». Seul le Toréador de Poulenc est connu (mentionné sous le titre de « Chansonnette » sur le programme ci-dessus) : la partition paraîtra tardivement en 1933 chez l’éditeur R. Deiss, illustrée d’une couverture humoristique dessinée par Cocteau52. Envoyé à Poulenc le 13 septembre 1918, le texte de la chanson espagnole Toréador doit recevoir une musique « sans le moindre humour avec la tradition espagnole de Bobino – des “Carmen-cita a a”, “Toréado o or”, etc. et vitesse cassée au bout de chaque vers pour les strophes en “e”. Il faut que ni le poète ni le musicien ne se soient aperçus de la méprise. Ne mélangez pas d’italien, le musicien n’a vu que du feu. Il faut qu’on puisse chanter la chanson sérieusement à Bobino par exemple53. » Cocteau sait donc parfaitement ce qu’il veut et spécifie encore un mois plus tard : « La mélodie ne doit pas être aussi bien que du Chabrier – il faut la faire bien mais moche – avec des croches rapides à la fin : Veni ze mirado or, etc.54. » L’aspect subversif sera très réussi dans l’alliance du poème et de la musique. Donnons-en un seul exemple. Caricature de la chanson de music-hall et du Carmen de Bizet, cette « plaisanterie musicale55 » se situe à Venise où le toréador meurt sur la Place Saint-Marc, transpercé des cornes du taureau et des cornes de l’adultère perpétré par Pépita, la belle Carmencita espagnole. Pour une analyse musicale détaillée, nous renvoyons au travail exemplaire de Daniel Swift qui souligne la nature complexe de cette chanson, à la fois populaire et très raffinée, correspondant aux idées exprimées dans Le Coq et l’Arlequin56.
29Le poème qu’écrit Cocteau pour Durey s’élabore en « une grande valse sentimentale très drôle57 » destinée « à une chanteuse à voix (Bathori)58 », mais son titre n’est pas mentionné. Quant à Auric, il reçoit la romance Les Hirondelles qu’il trouve « très racinienne59 ». On n’en saura pas davantage sur ces poèmes et mélodies, si ce n’est qu’elles sont écrites pour un orchestre dont Walther Straram devait assurer la direction. Outre des mélodies, Cocteau demande encore à Durey d’écrire une musique de siffleur et d’y ajouter un prélude. Dans sa lettre du 3 novembre 1918, Cocteau prie Auric de « faire la chanson et les 2 danses modernes60 ». Germaine Tailleferre est censée écrire Virtuose pour piano et violon puisque le nom des artistes est mentionné sous ce morceau. À bientôt-Retraite de Satie devait souligner « un numéro d’excentrique61 ».
30De tous les compositeurs sollicités, seul Poulenc mène à bien une partie de sa tâche, avec deux numéros achevés, Toréador qui vient être évoqué, ainsi que Jongleurs avec Prélude. De ce dernier, il ne subsiste ni manuscrit ni partition, mais de nombreux détails sont connus grâce aux lettres envoyées par le compositeur à son ami organiste Édouard Souberbielle ou à la peintre Valentine Gross, future épouse de Jean Hugo. Le jeune Poulenc semble s’être immédiatement enthousiasmé pour le projet. Le Prélude est écrit pour instruments à percussion et fanfare : deux trompettes chinoises à son unique dénommées Yan, qu’un ami de Poulenc a volées dans un temple en Chine, des timbales en sol, ré #, fa, des castagnettes, un tam-tam, un tambour de basque, une grosse caisse munie de cymbales, des cymbales, un triangle, un glockenspiel et un xylophone. « La tonalité du morceau est aussi douce et triste que le prélude était ruisselant et frénétique », écrit Poulenc. Pour les Jongleurs, le compositeur décrit une musique simple, noble et majestueuse, « une sorte de fond uniforme aux mouvements des acteurs » ; c’est « une chose d’une mélancolie folle et d’une sensibilité inconnue chez moi jusqu’à ce jour62 ». Le petit orchestre comprend un double quatuor à cordes, une contrebasse, une grande et une petite flûte, deux clarinettes, un cornet à piston, un trombone ténor, un basson, un piano, un xylophone, un hautbois, et enfin les timbres, en tout une vingtaine de musiciens.
31Honegger est sollicité pour un morceau intitulé Trois Couleurs qu’Ornella Volta63 identifie aux Musiques (pièces) d’ameublement comprenant Entrée, Nocturne et Berceuse. Nous n’adhérons pas à l’identification de ces pièces avec celles prévues par Cocteau, même si elles sont conformes à l’esthétique de l’époque. Pour sa démonstration, Volta se base sur le compte rendu du concert du 5 avril 1919 à la salle Huyghens où sont créées ces œuvres. Dans la chronique de « Carte blanche » pour Paris-Midi du 14 avril 1919, Cocteau précise que « les petites pièces de Honegger furent écrites pour la musique d’ameublement, inventée par Satie, et sur laquelle il voulait qu’on causât et se promenât ». C’est précisément ce compte rendu qui, pour notre part, nous fait douter, car connaissant la propension de Cocteau à souligner le rôle qu’il joue dans l’organisation de spectacles ou d’événements divers, nous nous étonnons qu’il n’ait pas profité de cet article pour préciser que ces pièces avaient été envisagées pour « sa » séance de music-hall quelques mois auparavant. De plus, ces pièces portent la date d’achèvement de mars 1919, époque où la séance de music-hall était depuis longtemps abandonnée. Les trois Musiques (pièces) d’ameublement d’Honegger, restées inédites, sont écrites pour flûte, clarinette, trompette, quatuor à cordes et piano64. Destinées à être répétées indéfiniment durant l’entracte, elles sont de construction extrêmement brève, comprenant respectivement six, quatre et neuf mesures ; leur durée est donc aléatoire. Dans le catalogue de l’œuvre du compositeur65, Harry Halbreich souligne le caractère narquois de la trompette dans Entrée (vif), tandis que Nocturne (lent) « se pimente de quelques dissonances bitonales ». La Berceuse finale (modéré) comprend des collages de diverses berceuses : Fais dodo, Colas mon p’tit frère joué à la flûte, la Berceuse de Benjamin Godard évoquée à la trompette avec sourdine, deux thèmes de Fauré repris au violon et au violoncelle, et du Chopin au piano.
32Quant aux autres poésies susceptibles de se transformer en mélodies ou en chansons, aucun des titres du programme manuscrit ne figure dans les Œuvres poétiques complètes de Cocteau66. De même, aucun d’entre eux, à l’exception de Jongleurs, de Toréador (Poulenc) et de Musiques (pièces) d’ameublement (Honegger), ne figure dans les catalogues des œuvres des compositeurs sollicités. Soit que ces compositeurs n’avaient pas encore commencé leur tâche lorsqu’il fut décidé d’abandonner le projet, soit que leurs esquisses se sont perdues ou ont été détruites.
33Si bien des inconnues persistent sur ce spectacle de music-hall avorté, on constate cependant le rôle prépondérant joué par Cocteau dans son élaboration : il monte le programme, écrit les poèmes à mettre en musique et donne des consignes aux uns et aux autres quant au style souhaité. Il faut souligner le mélange des genres qui associe music-hall, cirque, chansons, mélodies et musique d’ameublement, ce qui constitue – aux yeux de Cocteau et des jeunes musiciens – un moyen pour la musique française de s’affranchir de l’impressionnisme en s’inspirant de traditions populaires nationales.
BALLET INABOUTI USANGE DE NEW YORK (1918)
34Parallèlement à cette séance de music-hall, Cocteau élabore avec Auric un ballet qui restera, lui aussi, inachevé. Entre janvier et le début de novembre 1918, les lettres échangées entre le poète et le compositeur évoquent cette œuvre commune qui devait sans doute être publiée chez Gallimard67. Tour à tour intitulé Symphonie américaine, USA, USAnge de New York, L’Ange USA, Atlantique symphonie, ce projet est connu par des ébauches du manuscrit conservé à l’Université de Syracuse et que Brigitte Borsaro a étudié68. Il se situe entre rêve et réalité, basé très vraisemblablement sur le modèle d’Alice au pays des merveilles. Cette « distraction très Noël » pour « grands enfants » a pour cadre la fête foraine de Bordeaux où, parmi de nombreux manèges, vogue le paquebot Touraine sur lequel s’est embarquée Alice. Ce paquebot évoque sans aucune ambiguïté ce grand transatlantique du même nom qui, au début du siècle, effectue la traversée Le Havre–New York en une huitaine de jours69. À l’instar des managers de Parade, ce paquebot symbolise l’affrontement de deux civilisations, l’Amérique et la France. Bien plus, il sert de jonction entre les deux continents. Cocteau situe d’ailleurs très habilement la ville de Bordeaux à New York. « Sujet théâtral, sujet poétique, le voyage inachevé est au cœur de cette œuvre dont les éléments vocaux et visuels devaient être réunis », précise B. Borsaro. Raoul Dufy et André Lhote sont pressentis pour réaliser les décors de cette féerie qui s’annonçait prometteuse.
35Peut-être ce ballet subit-il les influences d’un autre projet, également en cours d’élaboration à cette époque, mais dans lequel la musique est absente. Cocteau prépare Escales avec le peintre cubiste André Lhote, recueil qui sera publié en 1920. Il comprend plusieurs illustrations du peintre, au départ desquelles le poète élabore les textes qui figureront en regard. Dans ce recueil, la poésie et le dessin se font écho selon un partage équivalent de l’espace. Non seulement le titre rappelle la problématique de la mer, mais le texte évoque « un manège à vapeur » qui regarde s’éloigner « le paquebot Touraine » et une « Alice qui quitte la terre ». La participation d’Auric à ce projet-ci aurait-elle été envisagée à un moment donné puis ensuite abandonnée ?
36Dans une lettre à Auric datant du 5 novembre 1918, Cocteau précise sa mise en scène de USAnge de New York : il envisage d’utiliser « la boîte à voix qui devait être le clou de David70 », ballet que le poète tenta en vain de monter avec Stravinsky quatre ans plus tôt. Cocteau détaille sa conception, accompagnée d’un dessin :
Boîte avec cornets de gramophone et vos chanteurs derrière ce paravent formant boîte dressée en perspective pour le public. Pendant la longue mélodie – lanterne magique – faite par Dufy peut-être – ou Dufy-Lhote – dessins et couleurs – suivant le texte. [...] Cette cabine d’où sortirait une voix étendue faite de plusieurs voix et grossie par les cornets serait très « moderne » et très « masque antique »71.
37Ces projections de lanterne magique font entrer le cinéma sur une scène de théâtre et le combinent au spectacle de cirque. Le jongleur métis est déjà choisi, de même que deux décors.
38D’après la correspondance entre le musicien et le poète, il apparaît certain qu’une partie de la musique a été composée. Celle-ci constitue-t-elle l’ébauche du fox-trot Adieu New York (achevé en décembre 1919) qui fait référence au ballet inachevé tant par son titre que par l’illustration de la couverture de la partition ? Rien ne le confirme, mais la corrélation est troublante. Le dessin de couverture en noir et blanc, non signé72, représente les gratte-ciel du port de New York duquel s’éloigne un paquebot. Son titre évoque évidemment l’adieu au ballet abandonné et la dédicace de la partition « à Jean Cocteau » est explicite. Plus subtilement, un texte d’Auric73 paru en mai 1920 suggère plutôt que les Six, après s’être réveillés grâce à la musique du music-hall, des parades foraines et des orchestres américains, se tournent à présent vers une « une musique française de France » et qu’ils disent un adieu à New York. Ce fox-trot figurera au programme du prochain spectacle organisé par Cocteau.
PREMIER « SPECTACLE-CONCERT » DE JEAN COCTEAU (21 FÉVRIER 1920)
39Cocteau va réussir cette fois à mener à bien un nouveau projet pour lequel il reprend certains éléments travaillés dans des œuvres avortées. Le comte Étienne de Beaumont, mécène du spectacle, s’occupe de récolter les fonds nécessaires avec l’aide de l’Association franco-américaine présidée par Walter Berry. En deux jours, il rassemble 21 000 francs en alertant le Tout-Paris mondain, littéraire et artistique. Toutes les places des loges et avant-scènes de la Comédie des Champs-Élysées sont vendues à l’avance. Auric se souvient : « Rarement, j’en suis convaincu, première fut préparée et menée avec une semblable adresse. [...] Dès l’ouverture des portes, il fut inutile de chercher une seule place dans la salle. Inutile, ensuite, de tenter d’en définir exactement le public. L’imprévisible triompha ce jour-là74. » La salle est louée pour quatre soirées. Celles des 21 et 23 février sont réservées aux représentations privées : le 21 pour les membres fondateurs, le 23 au bénéfice de l’œuvre de la marquise de Noailles pour les hôpitaux militaires, section des mutilés des régions libérées75 ; celles des 25 et 28 février sont ouvertes au public.
40Cocteau apparaît cette fois comme le seul véritable responsable artistique et metteur en scène du spectacle. Il ne s’embarrasse plus de discussions laborieuses avec un directeur dictatorial, un peintre entêté ou un chorégraphe pointilleux : il écrit lui-même l’argument et le texte des mélodies, élabore le programme, engage les interprètes, impose ses idées de décors et de costumes aux peintres qu’il choisit, règle la chorégraphie et confie l’orchestre de vingt-cinq musiciens à un jeune ami d’Auric, Vladimir Golschmann. Nous disposons à la fois du programme manuscrit et de l’affiche imprimée76. L’en-tête de celle-ci annonce le « Premier spectacle-concert, donné en février 1920, par Jean Cocteau ». Chacun des cinq morceaux est signalé comme une « première audition » :
PREMIÈRE PARTIE
1. Ouverture | Francis Poulenc |
2. Adieu, New York ! fox-trot | Georges Auric |
3. Tour de chant Koubitzky | Francis Poulenc |
Entracte Bar. SECONDE PARTIE
1. Trois Petites Pièces montées | Erik Satie |
2. Le Bœuf sur le toit | Darius Milhaud |
41Ce spectacle a lieu moins d’un mois après la publication des deux articles de Henri Collet qui baptise le Groupe des Six. Celui-ci va trouver ici une audience nettement plus élargie, même si la moitié du groupe seulement y est représentée. Milhaud participe pour la première fois à une aventure théâtrale avec Cocteau, mais il a déjà composé des mélodies au départ de ses poésies. Le spectacle se déroule dans des décors, costumes et masques préparés par Guy-Pierre Fauconnet selon les directives précisées par Cocteau. Ce peintre meurt inopinément de froid le 4 janvier 1920 (Milhaud écrira le Catalogue de fleurs à sa mémoire) ; son ouvrage est alors poursuivi dans le même esprit par Raoul Dufy qui travaille pour la première fois pour le théâtre.
42Le mélange des genres constitue l’axe central de ce spectacle : le cirque, le music-hall et les rythmes sud-américains entrent en force sur une scène. Par son évocation prégnante, le cinéma muet y est aussi représenté. Enfant, Cocteau s’était émerveillé aux spectacles des clowns Foottit et Chocolat au Nouveau-Cirque du Faubourg Saint-Honoré77. Le clown anglais George Foottit s’est recyclé comme barman dans un bistrot situé en face de la Comédie des Champs-Élysées. Ce sont précisément son fils et son gendre, Tommy Foottit et Jackly, que Cocteau engage pour les danses d’acrobates du fox-trot Adieu New York de Georges Auric. Nous avons déjà évoqué la signification du titre. La musique comprend plusieurs rythmes syncopés de danses américaines, tels le fox-trot ou le ragtime. Si la presse de l’époque nous renseigne peu sur ce morceau, Ornella Volta reproduit en facsimilé les esquisses imaginées par Cocteau pour la Danse des acrobates78. Les dessins aériens aux lignes simples, figurant la position des corps humains stylisés, nous touchent par la poésie que dégagent ces traits dépouillés. Ils montrent ce que le chorégraphe attend des deux acrobates (et non des danseurs) qui accomplissent leurs figures de manière symétrique : sauts périlleux en arrière et en avant, marches sur les mains, déplacements en papillons, marches en vis-à-vis, gestuelles des jambes avec tête au sol, déplacements rampants, etc.
43Dans la revue anglaise The Chesterian où elle signe sous son nom de jeune fille, M. Godebska79, Misia Sert souligne la rupture entre les gestes ralentis des acrobates et la musique entraînante, provoquant un effet d’autant plus étonnant qu’il est intentionnel. Cette lenteur des mouvements, imitant les effets d’un film au ralenti, engendre un nouveau type de spectacle jamais vu auparavant, chargé d’émotion mélancolique, telle qu’on la soupçonne derrière les masques rieurs des clowns. Cette évanescence des mouvements décomposés transporte le spectateur dans une sorte de rêverie dont il ne sort qu’aux derniers accords de la musique. Les figures calmes et mesurées de ces personnages de cirque, vêtus de maillots noirs, ne sont pas simplement transposées sur la vénérable scène du théâtre, mais elles établissent aussi des relations particulières entre musique et gestuelle.
44Le spectacle avait commencé par une Ouverture de Poulenc qui n’est autre que le finale de la Sonate à quatre mains orchestrée par Milhaud, « de forme sagement classique, couronnée d’un adroit développement en imitation à la quinte80 ». Liane de Pougy rapporte dans son journal : « On s’attendait à une excentricité, ce fut charmant, élégant, d’envolée81. »
45La première partie du spectacle s’achève avec le « tour de chant Koubitzky ». Annoncé comme tel, on ne peut ignorer la référence au music-hall et au cabaret où se tiennent régulièrement les tours de chant des artistes de variétés. Le ténor Alexandre Koubitzky interprète les Cocardes, « trois chansons populaires » de Poulenc sur des poèmes de Cocteau, avec son merveilleux accent russe. Sous ce titre volontairement cocardier, le texte des poésies est basé sur le procédé du « finir les mots », très à la mode lors des réunions des samedistes, que fréquente justement le ténor, selon lequel chaque vers doit reprendre les dernières syllabes du vers précédent : ainsi, les titres des trois poèmes procèdent-ils de même : Miel de Narbonne, Bonne d’enfant, Enfant de troupe. Cocteau introduit ces mélodies par une brève allocution82 dans laquelle il précise que ces Cocardes sont de fausses chansons populaires, tout comme le cirque est un faux cirque et le théâtre un trompe-l’œil. La musique qui évoque quelques accords de Pétrouchka utilise violon, trompette, trombone et grosse caisse comme les soirs de 14 juillet, non pas pour faire rire, mais pour refléter « une certaine mélancolie bien de chez nous », celle des fêtes populaires. L’interprétation outrageusement sérieuse du ténor provoque un effet comique, d’autant que grippé et enrhumé, sa voix était légèrement voilée.
46Durant l’entracte, le public se précipite dans l’un des salons croyant y trouver champagne et sandwiches comme le laisse supposer le programme imprimé. Pour tout « bar », les spectateurs doivent se contenter de l’imaginer à travers les mandolinistes hawaïens, nouvellement introduits en France, qui animent cet « entr’acte musical » et que Cocteau avait découverts rue Demours dans un lieu clandestin tenu par un ancien forçat, René de Amouretti83.
47Liane de Pougy note que les Trois Petites Pièces montées de Satie données en ouverture de la seconde partie sont acclamées et bissées. Le compositeur, appelé à venir saluer son public, est « manifestement heureux » et serre chaleureusement les mains tendues. Selon Misia, ces morceaux sont sans aucun doute, du point de vue musical, les plus réussis de la soirée. Seuls leurs titres, inspirés de Rabelais – De l’enfance de Pantagruel (Rêverie) – Marche de Cocagne (Démarche) – Jeux de Gargantua (Coin de Polka) –, prêtent à rire, comme toujours chez Satie. La musique est simple, non affectée et très mélodieuse.
48Le clou du spectacle est Le Bœuf sur le toit de Milhaud. Ce dernier avait composé une fantaisie carnavalesque orchestrale basée sur des airs populaires et danses diverses du Brésil où il avait été conquis par l’exotisme. Sous le titre de Cinéma-Fantaisie, ces sambas et tangos exubérants aux rythmes étranges et syncopés étaient vite devenus l’une des rengaines appréciées des réunions des samedistes, jouées dans leur version à quatre mains84. Au départ de cette musique préexistante, Cocteau prend plaisir à construire son spectacle qu’il situe dans un bar américain à l’époque de la prohibition et lui donne le titre d’un des tangos brésiliens85. Selon Milorad86, l’argument s’inspire des films muets américains de Chaplin. Sept personnages déambulent dans ce bar et provoquent une série d’incidents qui nécessitent l’intervention d’un agent de police, huitième personnage de la farce.
49La musique est d’abord jouée seule87, puis reprise avec les personnages. Soutenus par une percussion constante à la choucalha (sorte de gourde remplie de limaille de fer), ces rythmes sud-américains sont très neufs pour le Paris de l’époque. Les interprètes des rôles ne sont pas des danseurs professionnels ni des acteurs, mais des clowns du cirque Médrano. Il y a là notamment les trois frères Fratellini et le géant Bosby que la bande des samedistes allait souvent applaudir. François et Albert Fratellini tiennent des rôles de travestis, la dame rousse pour l’un, la dame décolletée pour l’autre. Des photos de scène reproduites dans Comœdia illustré du 15 mars 1920 montrent les huit personnages en costumes de carnaval devant le bar américain, au moment où le policier fait son entrée88. Ces acteurs, aux grosses têtes de carton de trois fois leur grandeur nature, se sont pliés fidèlement aux exigences rigoureuses de Cocteau. La figure de chacun d’eux est dessinée, figée dans une expression unique qui correspond à son personnage, mais « si merveilleusement expressive, quoique rendue de façon très schématique, que ce visage semble constamment animé au gré des sentiments qu’il exprime89 ». Misia formule la même impression lorsqu’elle écrit que l’œil humain s’habitue si vite aux déformations qu’il finit par oublier ces trompe-l’œil, au point d’imaginer que les masques changent d’expression. Les têtes énormes, par un effet d’optique, diminuent d’autant les corps, rendent les mains et les pieds imperceptibles, accentuent les attitudes et les moindres mouvements et prêtent aux gestes une distinction et une noblesse énigmatiques90. À contre-courant de la musique nerveuse et rapide, les clowns accomplissent leurs gesticulations au ralenti, avec une lourdeur excessive, accentuée par la dimension des masques ; leurs déplacements produisent une atmosphère irréelle. Le Bœuf sur le toit provoque « un plaisir d’esprit qui ne fait pas éclater de rire, mais comme sourire l’intelligence », écrit un journaliste91. Pour Cocteau, les personnages « agissent selon le style du décor. Ils sont du décor qui bouge92. »
50Dans Adieu New York et Le Bœuf sur le toit, Cocteau expérimente de nouvelles relations entre la musique et le mouvement93. Entre gestes et musique, entre gestes et expressions des visages, entre musique et costumes, entre musique et décor, entre musique et argument, entre argument et ballet s’installent une distanciation et une déconnexion radicales qui engendrent la poésie de théâtre. Les deux numéros ont recours à cette méthode que Cocteau qualifiera en 1946 (à l’occasion du ballet Le Jeune Homme et la mort) de « synchronisme accidentel », à savoir le collage d’un argument ou d’une chorégraphie sur une musique non appropriée (ou vice-versa comme ici) afin de provoquer une émotion inattendue.
51La partition publiée du Bœuf sur le toit est accompagnée d’une illustration de Raoul Dufy où sont représentés les huit personnages mis en scène. Elle comprend également l’argument signé par Cocteau94. Par ailleurs, le poète précise ses intentions dans un texte lu en introduction au numéro et publié le jour même du spectacle95. Il a voulu écrire une « Farce, une vraie Farce comme les Farces du Moyen Âge, avec les masques, les hommes jouant les femmes, la pantomime et la danse ». Une fois de plus, Cocteau joue avec les définitions d’un même mot : la farce signifie ici le genre littéraire, l’intermède comique introduit dans une pièce sérieuse où dominent les jeux de scène et non pas la farce au sens de la plaisanterie. Pour Cocteau, Le Bœuf sur le toit est une « Farce américaine faite par un Parisien qui n’a jamais été en Amérique ». Pourtant, cette définition malicieuse n’implique-t-elle pas dans sa formulation à l’emporte-pièce les deux significations du terme ? L’opposition entre le lieu de l’action et son illustration musicale se joue de la géographie, tout comme le Parisien Cocteau se moque et se délecte des mœurs américaines. Pareillement à Parade, l’Amérique est présente, mais cette fois dans ses aspects noirs ou à tout le moins dans des composantes ayant force d’attrait pour un homosexuel. Des personnages et accessoires typés la représentent : bar louche, barman, prohibition et interdit, boissons alcoolisées, bookmaker, policeman, boxeur, travestis, revolver, billard, tables de jeux, gros cigare, mort violente constituent une farce dans la farce, une plaisanterie dans l’intermède, tout comme il y avait une parade dans Parade. « Je me suis offert, dit Cocteau, “un rajeunissement du masque antique96.”
52Le titre anglais accolé au français révèle une esthétique en cours de renouvellement. The Nothing-Happens Bar est le bar où il ne se passe rien, le zinc où ne se déroule aucune histoire linéaire, où les personnages évoluent sans lien apparent les uns avec les autres. Comme dans Parade où les bonimenteurs exécutent des scènes indépendantes les unes des autres, les pantomimes du Bœuf sur le toit ont peu de rapport entre elles et pourraient également se succéder de manière aléatoire.
53Le Bœuf sur le toit remporte un véritable triomphe auprès du public, et la majorité des comptes rendus de presse soulignent ce succès, considéré comme celui des Six dans leur ensemble et plus généralement comme celui des samedistes et de la bande à Cocteau. Certains critiques toutefois ne l’apprécient guère et s’en indignent, parfois même assez férocement, tel Jean Marnold, très hostile à Cocteau97. Cela n’empêchera pas Le Bœuf sur le toit d’être monté au Coliseum de Londres le 12 juillet 1920, cette fois sur une véritable scène de music-hall. Son succès incitera le journaliste anglais Rollo Myers, déjà présent à la première parisienne comme correspondant musical du Times, à traduire Le Coq et l’Arlequin qui paraîtra l’année suivante98.
54Par cette séance de deux heures si originale, Cocteau s’impose comme un ingénieux metteur en scène : il fait tomber les barrières entre les genres stéréotypés et crée un spectacle d’un type nouveau qui ne s’apparente à aucun autre et dont le genre n’a jamais reçu de qualificatif approprié. Si le label « spectacle-concert » figure sur l’affiche d’annonce, il semble bien insuffisant pour qualifier la nature même de ce nouveau genre. Cocteau ne l’utilise d’ailleurs pas par la suite. Parmi les critiques de l’époque, Misia semble celle qui a le mieux compris les valeurs nouvelles apportées par Cocteau, mais elle joue souvent un double jeu envers le poète. Si son compte rendu est élogieux, elle ne peut s’empêcher de le terminer par une critique défavorable. Ces jeunes musiciens chapeautés par Cocteau affichent beaucoup trop qu’ils « sont arrivés », écrit-elle. Ils veulent à tout prix rayer la musique du passé au lieu de se contenter plus humblement d’y ajouter leur originalité. Cette attitude irritante entre toutes focalise bien des mécontentements.
55L’affiche du programme annonce, comme prochain spectacle, un Festival Erik Satie99. Celui-ci a lieu salle Érard, le 7 juin 1920, également sous l’enseigne de l’Association franco-américaine du comte de Beaumont. Le rôle de Cocteau se limite toutefois à donner une conférence introductive à l’audition orchestrale publique de Socrate100, sous la direction de Félix Delgrange, tout comme il en avait fait la présentation lors de la première privée à la librairie d’Adrienne Monnier, le 21 mars 1919, où l’interprétation était assurée par la cantatrice Suzanne Balguerie avec Satie au piano.
56Le succès éclatant du Bœuf sur le toit incitera Louis Moyses à lui emprunter son nom en janvier 1922 pour rebaptiser le bar qu’il dirige, nous l’avons déjà évoqué, et qui deviendra le lieu de rendez-vous à la mode du Tout-Paris artistique, littéraire et mondain des années 1920. Cocteau en fera son quartier général qu’il animera parfois en jouant lui-même de la batterie, aux côtés des musiciens attitrés, le pianiste Jean Wiéner et le saxophoniste noir Vance Lowry (qui joue aussi du banjo). Le trio formé de Cocteau à la batterie, Auric au piano et Milhaud au violon, a animé plus d’une soirée de jazz-band français inspiré du véritable jazz américain découvert au Casino de Paris à la fin de Tannée 1917. On a souvent répété à tort que le batteur Louis Mitchell et son orchestre des Jazz Kings échauffaient ces revues aux rythmes exubérants et syncopés, très neufs pour l’époque. Or Robert Pernet101 a magistralement démontré qu’à l’époque, ce ne pouvait être que l’American Sherbo Band dirigé par le batteur Murray Pilcer (frère de Harry).
SPECTACLE DE THÉÂTRE BOUFFE (24 MAI 1921)
57Le spectacle d’avant-garde du Théâtre Michel, 36, rue des Mathurins, du 24 mai 1921, est organisé par Pierre Bertin. Celui-ci réunit sur une même affiche les poètes Cocteau, Radiguet et Max Jacob, à côté des amis musiciens les plus proches, Poulenc, Milhaud et Auric ainsi que leur maître Satie. Si l’affiche ne souligne pas le rôle de Cocteau dans ce spectacle, Jean Hugo précise que Bertin l’a mis sur pied en collaboration avec notre poète102. Quoi qu’il en soit, Cocteau intervient au moins dans deux des cinq morceaux au programme103.
La Femme fatale, œuvre lyrique en un acte de Max Jacob
Le Piège de Méduse, comédie lyrique en un acte d’Erik Satie avec musique de danse du même Monsieur
Caramel mou, shimmy pour jazz-band de Darius Milhaud Dansé par Johnnie Grattoy [sic]
Les Pélican [sic] pièce en 2 actes de Raymond Radiguet musique de Georges Auric
Le Gendarme incompris, critique bouffe en un acte de Jean Cocteau et Raymond Radiguet, avec musique de Francis Poulenc
Ces pièces seront jouées par MM. Pierre Bertin, Asselin, André Berley, Kerly, Blancard, Perdoux, Vincke, Mmes Malber, Devillers, Martal.
Mise en scène de Pierre Bertin.
Orchestre dirigé par W. Golschmann.
58Le clou de la matinée est Le Piège de Méduse de Satie, « fantaisie débridée » qui, selon Milhaud, confine à l’absurde104. Dans le rôle du baron Méduse, Bertin imite à merveille Satie dont il a revêtu les traits grâce à un maquillage approprié. Un singe empaillé entrecoupe l’action par ses sauts chorégraphiques. Milhaud assure la direction des airs de danse très brefs, car Satie s’est brouillé avec Golschmann. Nous ne nous attarderons pas sur ce premier morceau ni sur Les Pélican [sic105], pièce basée sur des quiproquos et des « dialogues sourds », selon l’expression de Jean Hugo, c’est-à-dire des réponses vides aux questions banales de la plupart des conversations de la vie de tous les jours. Un billard énorme dessiné par Hugo occupe le fond de la scène.
59Selon la formule à présent bien rôdée, l’entracte est « meublé ». Alors que les spectacles de l’époque proposent des caramels mous entre les deux parties de la soirée, Cocteau et Milhaud présentent un vrai faux Caramel mou sous forme de « shimmy pour jazz-band ». Danse caractérisée par des frétillements rapides du torse et des épaules, le shimmy trouve son origine dans les boîtes de nuit de Noirs à Chicago. Elle devient très en vogue non seulement en Amérique mais déferle également sur Paris au début des années 1920106. La fascination de Cocteau pour l’Amérique est ici de nouveau bien présente. Le jazz, réservé jusque-là aux spectacles de variétés, est porté sur une scène de théâtre. Le mélange des genres s’est une fois de plus affirmé.
60Angoissé comme toujours d’être mal compris ou soucieux de s’imposer comme « le chef d’orchestre », le poète ressent le besoin de lire une présentation introductive107 au morceau joué par un petit orchestre de jazz. Ce dernier est composé d’une clarinette en si bémol, une trompette en ut, un trombone, une batterie, un saxophone en si bémol et un piano (tenu par le compositeur). Cocteau explique que Milhaud a réalisé un portrait de shimmy, et non un vrai shimmy, tout comme Chopin a fait le portrait des danses de son époque, Stravinsky le portrait d’un ragtime ou Auric celui d’un foxtrot, car les vrais shimmys s’entendent dans les dancings. « Ces portraits de danses à la mode leur ressemblent dans la mesure où par exemple une pomme peinte ressemble à une pomme qui se mange108 », dit-il. On croit entendre Magritte avec son fameux « Ceci n’est pas une pipe ». La relation de Cocteau avec les mouvements dadaïstes mériterait d’être étudiée tant sont nombreuses les corrélations, pour ne citer que cette préoccupation constante à l’époque de reproduire des lieux communs. Ce spectacle-ci n’échappe pas à la règle. De plus, il n’y a « rien d’improvisé, d’accidentel, de trop momentané dans le shimmy de Milhaud », précise le poète qui termine sa présentation en criant dans un porte-voix, au-dessus de la musique du compositeur, un de ses poèmes. Ce dernier prendra place dans une autre version musicale du shimmy, celle où la partie de saxophone en si bémol (violon ou violoncelle) est remplacée par le chant109. Le poème comprend un refrain insolite :
Prenez une jeune fille
Remplissez-la de glace et de gin
Secouez le tout pour en faire une androgyne
Et rendez-la à sa famille
61Un des nombreux Américains vivant à Paris dans les années 1920 a l’idée saugrenue, une fois retourné dans son pays, d’appliquer à la lettre cette recette culinaire pour le moins originale. Le comique Fatty ne pourra échapper aux conséquences fâcheuses de son acte et sera emprisonné110.
62Le danseur noir américain aux cheveux longs, Jonnyie Gratton de la troupe de Harry Pilcer, est engagé pour danser sur ce poème hurlé par Cocteau, accompagné des rythmes syncopés de la musique de jazz. Hélàs ! rapporte Auric, Gratton se révèle être un imposteur : « Nous nous attendions à un danseur, nous ne trouvâmes qu’un raté111 » [...] « La partie engagée avec tant de confiance ne devait d’ailleurs être, au sens absolu du terme, qu’une partie d’échecs ! » Pourquoi Cocteau n’a-t-il pas donné de directives chorégraphiques à ce danseur incompétent ? Auric porte aussi un jugement sans complaisance sur sa propre participation aux Pélican, se réduisant à la musique de l’ouverture et du bref entracte. La pièce de Radiguet, avoue-t-il, est « loin d’être une réussite (le romancier, par bonheur, ferait oublier l’auteur dramatique112 !) ».
63De même, Auric n’est guère enthousiaste à propos de la pièce en un acte écrite par Cocteau et Radiguet, Le Gendarme incompris, mise en musique par Poulenc. Le rôle du gendarme, emprunté intégralement à la prose de Mallarmé, constitue aux yeux d’Auric « un sacrilège littéraire délibérément accompli par Cocteau ». Le public ne comprend pas la dérision, et l’abbé en soutane aux mœurs répréhensibles, joué par Bertin, est considéré comme tout à fait inconvenant et unanimement condamné. Sans doute Misia, qui savait quelquefois se montrer perfide, a-t-elle joué un rôle dans le silence qui suivit le baisser de rideau113. Par la similitude des personnages, Pierre Caizergues émet l’hypothèse d’une parodie des Mamelles de Tirésias d’Apollinaire114.
64Les souvenirs de Milhaud sont plus positifs : il qualifie Le Gendarme incompris de « pièce assez audacieuse115 » pour laquelle Poulenc a composé une musique « si plaisante et si savoureuse ». On a longtemps considéré comme perdue ou détruite la partition en quatre parties (Ouverture, Valse, Madrigal, Final) écrite pour clarinette, trompette, trombone, violon, violoncelle, contrebasse et batterie. En 1983, le musicologue et chef d’orchestre canadien Daniel Swift en a découvert le manuscrit, annoté de textes et de trois dessins de Cocteau116, chez les descendants de Raymonde Linossier117.
65Il faut admettre le fiasco de l’entreprise, avoue Auric, et tirer le rideau sur cette unique représentation publique (à laquelle s’ajoute la générale du lundi 23 mai) dont l’affiche annonçait pourtant deux autres matinées les 25 et 26 mai. Milhaud en tire des conclusions nettement plus positives : « Les spectacles de ce genre, de caractère si varié, étaient excellents pour nous, ils nous permettaient d’expérimenter toutes sortes de techniques et de rechercher continuellement de nouvelles formes d’expression118 ». Le critique Antoine Banès a passé, de « trois à sept, quatre heures les plus abracadabrantes de [son] existence119 ».
66L’originalité de Cocteau dans ce Gendarme incompris nous semble intéressante, même si l’on ne connaît pas grand-chose de sa mise en scène. Dans la préface au texte120, Cocteau considère cette « saynète mêlée de chants pour pensionnats » comme le premier essai de « mélocritique ». On est ravi qu’un qualificatif précise enfin le genre d’un de ses spectacles nouveaux. Présenter un texte sous un aspect inattendu, c’est porter sur lui un jugement esthétique, mais c’est également en évaluer sa valeur par une opinion morale. Si l’on s’en moque, c’est émettre un jugement défavorable, mais comme l’intention des auteurs est cachée, il vaut mieux qualifier la pièce de « critique bouffe ». Le choc de ces antonymes révèle une fois de plus l’interprétation plurielle d’un même mot : une critique se cache dans la critique, une raillerie est masquée dans l’évaluation littéraire. Dès lors n’est-ce pas aussi se moquer des critiques éventuelles de journalistes incapables de reconnaître le texte de Mallarmé incorporé à la pièce ?
67Au premier degré, les mots « gendarme » et « incompris » se présentent eux aussi comme des termes antonymes puisqu’un gendarme, par essence, doit être obéi même s’il n’est pas compris. Au second degré, le gendarme du titre ne serait-il pas une métaphore pour le critique-journaliste, celui qui se gendarme contre les spectacles incompris, ces représentations tantôt mal comprises, tantôt non appréciées à leur juste valeur ? Par hypallage, l’incompris, c’est le poète.
LA BELLE EXCENTRIQUE (15 JUIN 1921)
68La danseuse Caryathis est à l’origine de la séance donnée au Théâtre du Colisée le 15 juin 1921 avec un orchestre de dix-huit musiciens sous la direction de Vladimir Golschmann. Elle s’est adressée à Léon Bakst pour la réalisation de la délicieuse affiche121 et a commandité la musique de la pièce maîtresse, La Belle Excentrique, au maître Satie. La musique des Six (du moins trois d’entre eux) figure également à ce spectacle de danses122 : les Jongleurs de Poulenc, La Danse d’aujourd’hui (Paris-Sport) d’Auric123, la Deuxième Symphonie dite « Pastorale », (op. 49) de Milhaud, et Pastorale [d’été] de Honegger. Le programme se complète par la Rhapsodie espagnole de Ravel et une Danse espagnole de Granados124.
69Cocteau n’est pas le maître d’œuvre de cette séance, mais son implication se concrétise dans deux domaines. Tout d’abord, il dessine le costume et le masque de La Belle Excentrique et montre là un nouvel aspect de ses talents. Pour des motifs divers, Satie rejette les diverses propositions de costumes avancées pourtant par des personnalités de talent telles que Kees Van Dongen, Jean Hugo, Nicole Groult, Marie Laurencin ou Paul Poiret. En quelques coups de crayon, Cocteau trouve la solution demandée par le compositeur. Caryathis nous donne une description assez précise – que confirment les photographies de l’époque – du « costume pour folle d’outre-océan, revancharde, de retour des clubs salutistes125 ». Le vêtement, réalisé par le couturier Paul Poiret, se compose d’un « corsage de velours noir, col montant et baleiné, manche longue avec volant retombant sur la main, et décolleté par le bas sous les seins, de manière à laisser voir les côtes, le ventre à nu jusqu’à la hauteur du pubis ; une jupe avec de multiples volants de tulle de toutes les couleurs appliquait un cœur de velours noir sur le sexe, chaussures en diamants, et le visage entièrement caché par un masque qui permettait seulement d’apercevoir les yeux maquillés126 ». Cela donnait à la danseuse une « expression perfide », avec ses cheveux coupés « comme un bonnet d’évêque », qui annonce la mode des années 1930. La danseuse précise : « Une plume d’autruche blanche partait de ma croupe et finissait à cinquante centimètres au-dessus de ma tête en point d’interrogation127. »
70Cocteau s’occupe aussi de donner des directives chorégraphiques à la Belle Excentrique (qui lui doit d’ailleurs ce surnom). Cette dernière se souvient de ses suggestions : « Je me vois encore répéter avec ce prince charmant, si maladroit dans sa brutalité, lorsque je ne comprenais pas tout de suite ce qu’il exigeait de mon interprétation. “Va au jardin des Plantes voir danser la demoiselle de Numidie, prends son aisance à s’ébrouer128 !” Satie appréciait moins l’intrusion du poète dans ce domaine. La presse souligne la suite de poses et d’attitudes clownesques composées de cassures anguleuses de gestes dans cette pantomime léthargique. Le masque de Cocteau dégage un « esthétisme mystico-voluptueux » qui, accompagné d’un « maniérisme des attitudes », parodie les spectacles de divertissement des stations balnéaires129. Cocteau a aussi tenté de rédiger le texte du programme130, mais aucun exemplaire ne semble avoir été conservé. À ce jour, aucun texte du poète à ce propos n’a été répertorié.
71La musique des Jongleurs de Poulenc était prévue pour le spectacle avorté de music-hall en 1918, nous en avons parlé. Le compositeur a tenté alors sans succès de la caser en s’adressant à Misia131, puis en essayant de la mettre au programme de la salle Gaveau du 15 juin 1919, lors de la création des Choéphores de Milhaud. C’est finalement la danseuse Caryathis qui en effectue la création, mais dans ses souvenirs, elle en donne deux lieux et deux dates différentes132. Le premier, à la Galerie Barbazanges, le 24 juin 1919, durant la seconde partie d’un spectacle où Max Jacob jouait lui-même une de ses pièces à un seul personnage. Vêtue d’un pyjama d’intérieur en satin blanc et fort collant, imaginé par Nathalia Gontcharova, la danseuse est accompagnée de la pianiste Marcelle Meyer dont le « jeu magnifiait la musique ». Elle obtint six rappels et Gide vint la saluer, « resserrant [sa] sympathie à son égard133 ».
72Le second récit de la danseuse situe la création des Jongleurs durant cette séance au Théâtre du Colisée. Les historiens ont tour à tour repris l’une ou l’autre date, donnant toutefois la préférence à la seconde, sans doute parce qu’il s’agit d’une présentation devant un plus large public que celle de la Galerie considérée comme une création semi-privée. Quoi qu’il en soit, la future épouse de Marcel Jouhandeau se souvient que lors de ses répétitions, Cocteau venait lui rendre visite en coup de vent et que ses conseils modifiaient parfois ses perspectives. Sa danse devait faire « la synthèse des mouvements du cirque ». « Ne fais pas un bouffon du Jongleur ! disait le poète. Sois impérieuse, bondissante, désarticule-toi ! Oui ! Oui ! Follement astucieuse ! » Caryathis se laisse imprégner de la musique pour retrouver « l’atmosphère vibrante du cirque » et imaginer des figures acrobatiques :
D’un bond, je me décidai à soumettre mon corps aux mouvements tournoyants du Jongleur ; je lançais avec adresse les balles et les rattrapais en voltige avec dextérité, puis terminais par un furieux saut en l’air, avant de culbuter pour retomber figée comme une statue sur une jambe, l’autre horizontale, le pied dans la main. J’avais vaincu la peur de me désarticuler et obtenu de mon corps qu’il se soumît à la difficulté134.
LES MARIÉS DE LA TOUR EIFFEL (18 JUIN 1921)
73Le jour des 18 ans de Raymond Radiguet a lieu, au Théâtre des Champs-Élysées, la création des Mariés de la tour Eiffel par la compagnie des Ballets suédois de Rolf de Maré135. L’orchestre des quatre-vingts instrumentistes est placé sous la direction de Désiré-Émile Inghelbrecht. Ce « ballet satirique en un acte » est la seule œuvre collective où, sous la baguette de Jean Cocteau, se trouve réuni l’ensemble du Groupe des Six, encore qu’ils ne sont plus que cinq, Durey s’étant déjà retiré.
74Durant la préparation de l’œuvre, le spectacle s’est tour à tour intitulé La Noce, puis La Noce massacrée avant de recevoir son titre définitif peu avant la première, à la suite de l’intervention de Stravinsky qui souhaitait éviter toute confusion avec Les Noces qu’il venait d’achever. Un manuscrit récemment découvert par nos soins dans une collection privée belge prouve que Cocteau, Radiguet et Auric étaient, à l’origine, les trois seuls auteurs impliqués136.
75L’argument et sa mise en scène ne manquent pas d’originalité. Deux immenses pavillons de phonographes, sous lesquels sont assis les acteurs Pierre Bertin et Marcel Herrand, agissent comme le compère et la commère de revue. Non seulement ils déclament les répliques des dialogues, se substituant ainsi aux personnages de la pièce, mais ils commentent également le spectacle par des propos qui décrivent les déplacements sur scène de ces personnages. Bertin et Herrand parlent dans des haut-parleurs de carton placés de chaque côté de la scène (élément repris du ballet avorté USAnge de New York). Les acteurs s’effacent ainsi devant le texte du poète : ils « cherchent à servir le texte au lieu de se servir de lui. Encore une nouveauté lyrique dont la salle n’a pas l’habitude137 », précise Cocteau.
76Une noce se tient au premier étage de la tour Eiffel un 14 juillet. Afin de souligner les stéréotypes qu’ils représentent, les personnages sont dépourvus de nom (à l’exception de l’enfant, le petit Justin) et sont désignés par leur rôle : le chasseur, le photographe, la mariée, le directeur de la tour Eiffel, l’enfant, etc. Toutes sortes d’objets et de personnages sortent de l’appareil détraqué du photographe, au sens propre de la fameuse expression « un petit oiseau va sortir » dont le quiproquo sous-tend l’argument. Le photographe ne peut plus maîtriser les images qui se déversent de sa boîte de prises de vue. En grandeur nature apparaissent une autruche, une baigneuse pour carte postale, le futur enfant des mariés, un lion qui dévore le général, etc. La noce se termine par un jeu de massacre, mais chacun des personnages rentre dans la boîte du photographe et retrouve la place qu’il n’aurait jamais dû quitter. La morale bourgeoise est sauve puisque tous les personnages semblent rentrer dans l’ordre, mais on peut imaginer que ce n’est qu’une apparence, car à l’instar des spectateurs, ils ne pourront rester indifférents à ce qu’ils ont vécu. Les véritables photographies n’ont-elles pas ce même pouvoir magique de momifier les vivants en les couchant dans un album et ainsi gommer leurs frasques éventuelles ?
77À aucun moment les personnages ne parlent ; ils se déplacent, dansent et miment l’action selon une chorégraphie mise au point par Cocteau. Jean Hugo l'a confirmé à Aschengreen, auteur d’un excellent livre sur Cocteau et la danse :
C’est Cocteau qui a tout fait. Toutes les attitudes des personnages ont été dictées par lui. Chacun devrait avoir sa manière de marcher particulière. Le chasseur, le directeur, l’autruche, le collectionneur. Cocteau mimait cela lui-même devant les danseurs. Il n’y avait que deux numéros de danse proprement dite, le reste étant une pantomime : le ballet, les dépêchées et la baigneuse de Trouville. Le ballet était une caricature de la danse classique, probablement réglée par Börlin. Il se terminait par un groupe immobile, en partie sur les pointes, où les danseuses devaient osciller comme si elles perdaient l’équilibre. La baigneuse était une sorte de solo de bacchante avec des gambades ridicules. Börlin, sous l’incognito du masque, Ta dansé plusieurs fois lui-même138.
78En Jean Börlin, le danseur étoile des Ballets suédois, Cocteau a trouvé un chorégraphe qui applique ses directives sans tergiverser.
79De taille humaine, c’est-à-dire surdimensionné, l’appareil du photographe occupe le rôle principal sur scène et dans la pièce. Il balaie ainsi la suprématie du personnage central autour duquel s’articule habituellement toute pièce de théâtre. Transformée à l’époque en centre de diffusion des dépêches télégraphiques, la tour Eiffel apparaît pour la première fois sur une scène de théâtre, après avoir été représentée par plusieurs peintres. Elle concrétise la vie moderne de l’époque, au même titre que l’appareil photographique et les dépêches qui attestent tous trois de l’avancée technologique de l’époque.
80Cocteau s’est inspiré du cinéma muet avec les deux phonographes qui jouent le rôle d’intertitres entre les images et les personnages muets qui se déplacent de manière si peu naturelle139. Les deux phonographes sont néanmoins conçus par Cocteau comme figurant plus solennellement le chœur antique commentant l’action140. Les lieux communs sont ici aussi réhabilités et retrouvent leur « beauté » et « originalité ». Cocteau fait allusion aux apparences trompeuses comme c’était le cas dans Parade. Il s’agit déjà de regarder au-delà du miroir. Les réflexions faussement naïves des personnages révèlent des vérités parfois féroces, par exemple, celle concernant l’enfant qui fera un « beau petit mort pour la prochaine guerre ». Les jeux de mots ne sont pas oubliés, comme celui du chasseur qui tire dans le ciel d’où tombe une dépêche. Le double sens du mot « chasseur » est ainsi illustré et concentré en une seule scène : à la fois celui qui chasse les animaux avec un fusil et celui qui distribue les lettres aux clients d’un hôtel. L’autruche est à la fois l’oiseau coureur et celui ou celle qui refuse de voir ce qui l’entoure.
81Le choix des peintres-décorateurs a suscité quelques remous et vexations au sein du groupe amical. Après avoir pensé à Irène Lagut, Cocteau s’adresse à Jean Hugo pour réaliser les costumes. Le peintre, qui travaille pour la première fois pour le théâtre, se charge aussi des masques qui couvrent non seulement la tête, mais une partie du torse. Peints en trompe-l’œil, ces masques soulignent l’aspect figé des personnages, accentué encore par les « costumes rembourrés et tendus sur des carcasses de fil de fer qui devaient, selon Cocteau, amener les personnages à une ressemblance et à une échelle épiques141 ». Ils sont, précise-t-il, « rectifiés, repeints, amenés à force d’artifice à une ressemblance et à une échelle qui ne flambent pas comme paille, dans le brasier de la rampe et des projecteurs142 ». L’aspect stéréotypé des personnages, sous forme d’images-clichés, provient également de la reproduction des illustrations trouvées par Hugo dans le Grand Larousse illustré. Le peintre a conté comment il y avait trouvé des « baigneuses en jupon, des mariées à taille de guêpe, un lion semblable à celui des magasins du Louvre, un cycliste en culotte, des bottines à boutons, etc.143 ». Seul le directeur de la tour Eiffel lui a posé des problèmes, car il n’y avait aucune image au mot « directeur ». Celui-ci apparaît néanmoins comme un fonctionnaire type, avec des moustaches et un chapeau melon, au ventre gonflé d’orgueil et d’autorité, à l’instar des autres personnages caricaturés et fortement connotés. On remarquera que le photographe, fortement caricaturé avec sa bosse sur le dos, paraît provenir d’un livre pour enfants et non d’un dictionnaire illustré. Tous ces personnages, souligne Edmund Wilson Jr.144, semblent sortis de la savante combinaison de marionnettes italiennes et de dessins animés de films américains. L’éclairage surabondant « renonce au mystère » et « souligne tout145 », valorisant le grossissement des personnages, au sens propre et au sens figuré, comme si cette amplification d’optique était due à la lentille même de l’appareil photographique. Jochen Heymann y voit une application de l’esthétique du ready-made146.
82Amoureux d’Irène Lagut, Auric est contrarié par le fait que Cocteau lui a retiré la conception des costumes et déclare, le 28 janvier 1921, qu’il ne veut plus faire seul la musique. Ses amis musiciens du Groupe des Six sont appelés à la rescousse. Les différends finissent par s’apaiser, car Cocteau confie le décor à la peintre. Celle-ci confectionne le pied de la tour Eiffel muni de son premier étage, un Paris vu du ciel avec ses maisons rangées dans une perspective inhabituelle. La tour Eiffel d’Irène Lagut « évoque les myosotis, les papiers guipure des cartes postales parisiennes147 », souligne Cocteau.
83La musique intervient à dix endroits qui ponctuent les silences des phonographes. Cocteau précise les titres et l’ordre des morceaux de musique dans le programme des Ballets suédois reproduit dans la revue La Danse de juin 1921148.
1. Ouverture « Le Quatorze Juillet » | Auric |
2. Marche nuptiale (entrée) | Milhaud |
3. Discours du général (polka) | Poulenc |
4. Le Baigneur de Trouville | Poulenc |
5. Le Massacre (fugue) | Milhaud |
6. Danse des dépêches | Tailleferre |
7. Marche funèbre | Honegger |
8. Chanson idiote | Poulenc |
9. Quadrille | Tailleferre |
10. Marche nuptiale (sortie) | Milhaud |
Pendant l’action, Trois Ritournelles | Auric |
84Dans Les Œuvres libres de mars 1923, les titres et ordre des morceaux subissent toutefois de légères modifications149 : Le Baigneur de Trouville devient La Baigneuse de Trouville, La Danse des dépêches se transforme en Valse des dépêches et la Chanson idiote de Poulenc disparaît. Notons que cette Chanson idiote ne figure pas au catalogue des œuvres de Poulenc et que le compositeur n’en parle pas dans sa correspondance.
85Dans la musique, il « se crée de toutes pièces, selon Cocteau, une clarté, une franchise, une bonne humeur nouvelles'150 ». La musique n’illustre pas les caractères des personnages dans leur sens premier ; elle n’agit pas en redondance, mais s’exprime à contre-courant, en véritable porte-à-faux et provoque ainsi l’effet souhaité, le déséquilibre entre l’attendu et le réel. Jacinthe Harbec a procédé à une analyse très fine des différents morceaux de musique que nous nous contenterons de résumer151. La fanfare du Quatorze Juillet d’Auric s’apparente davantage à « un rassemblement militaire » dont « les distorsions harmoniques laissent entrevoir un mauvais présage », traduisant ainsi « à merveille le paradoxe du faux et du vrai dans la pièce152 ». Avec le solo d’un fruste tuba dialoguant avec les grêles violons, Milhaud a insufflé dans sa Marche nuptiale le grotesque des personnages. Poulenc illustre le Discours du Général par une polka moqueuse où les cornets ironiques dialoguent avec les glissandi des trombones, soulignant « musicalement le peu de sérieux émanant des propos de ce beau parleur153 ». La Baigneuse de Trouville, femme d’âge mûr qui se croit encore une jeune beauté, ne peut cacher sa maladresse lorsqu’elle essaie de suivre le rythme rapide du french cancan de Poulenc et qu’elle s’alanguit ensuite dans « une valse lente et larmoyante ». Lorsque l’enfant lance ses balles sur la noce, la fugue du Massacre de Milhaud, aux intervalles dissonants joués aux contrebasse et tuba, accentue l’atmosphère sinistre qui s’installe. Celle-ci se dissipe par la Danse des dépêches de Tailleferre qui parodie, en une valse à trois temps, les pointes de la danse classique difficilement maintenues en équilibre. Le lion mange le général et toute la noce le pleure au son de la Marche funèbre de Honegger. Cette dernière, à l’instar du Gendarme incompris qui cite Mallarmé, rappelle en collage la Valse de Faust de Gounod. Un cortège funèbre s’est ainsi substitué à la noce en fête ; un mariage ne débouche-t-il pas parfois aussi sur des lendemains désenchantés ? Enfin, le Quadrille de Tailleferre rassemble des airs variés qui se terminent dans un tempo sans cesse accéléré annonçant la précipitation des événements.
86La représentation est saluée par des applaudissements couverts par les sifflets des dadaïstes chahuteurs. Depuis le 10 juin se tient dans le hall du studio des Champs-Élysées une exposition de leur mouvement. Les organisateurs voulaient également disposer de la salle le samedi 18 juin. La veille, cette dernière a été louée en soirée à Marinetti pour un concert bruitiste154, perturbé par Tristan Tzara et ses amis. Cette fois encore, Cocteau trouve des admirateurs et des détracteurs farouches. Il se trouve ridiculisé sous le nom de « Cocbin » par le critique Henry Béraud : « Le jeune Cocbin et ses complices sont des fraudeurs. Ils nous ont volé [sic], non sur la qualité, mais sur la qualité du scandale. Leur comédie-vaudeville-ballet-sotie-anecdote-parade n’est rien moins qu’une mystification d’avant-garde. C’est au contraire, la parodie d’ouvrages qui ne font plus rire personne155. » Une fois de plus, l’incompréhension des journalistes est au rendez-vous.
87Cocteau s’interroge sur le genre de son spectacle auquel il donne tour à tour plusieurs qualificatifs. Il utilise « poésie en un acte » dans le manuscrit inédit reprenant une nomenclature des différentes scènes156 ; ce label annonce la formule « poésie de théâtre » que le poète utilisera par la suite pour qualifier l’ensemble de ses pièces de théâtre. Radiguet rendra compte des Mariés comme d’une pièce « où la poésie s’exprime théâtralement157 ». Toujours en préparation, le spectacle qui s’intitule encore La Noce est annoncé comme une « tragi-comédie musicale158 » puis ensuite comme une « comédie-ballet », « terme commode mais faux159 ». Le poète est manifestement embarrassé : « Ballet ? non. Pièce ? non. Revue ? non. Tragédie ? non. Plutôt une sorte de mariage entre la tragédie antique et la revue de fin d’année, le chœur et le numéro de music-hall160. » L’ouvrage sera finalement connoté de « ballet satirique en un acte ». Une fois de plus, ce spectacle ne se range dans aucun genre répertorié.
88Par une analyse psychanalytique, Milorad a montré que ce ballet satirique pouvait s’interpréter, dans le vécu de l’homme Cocteau, comme un processus de libération de la tutelle parentale et comme l’affirmation de son statut de poète et d’écrivain161. Tout ce qui représente la société et l’autorité y est brocardé : le général, le directeur de la tour Eiffel, le mariage, la noce, la fête nationale du 14 juillet, etc. Sous les dehors d’une aimable farce se dessine la satire de la bourgeoisie dont le conformisme se trouve égratigné par une abondance de lieux communs, « ces bonnes vieilles phrases bien françaises qui ont perdu, à force de redites, leur valeur expressive et auxquelles, dit Cocteau162, je me suis efforcé de donner une fraîcheur nouvelle en les situant de façon imprévue ». On retrouve ici l’influence de Satie qui, dans Sports et Divertissements, se prête aussi à une douce critique de la société par l’intitulé des morceaux et l’utilisation de lieux communs.
89Les Mariés de la tour Eiffel constituent l’apogée et l’épilogue de spectacles se trouvant à la fois à la croisée des arts et des genres dans lesquels le poète-imprésario implique collectivement plusieurs musiciens du Groupe des Six. Cocteau participera encore à cette époque à d’autres projets multidisciplinaires, mais, d’une part, il n’en est plus le maître d’œuvre et, d’autre part, ces spectacles ne présentent plus cette double caractéristique pour chacun des arts de participer sur un pied d’égalité, dans chacune de leurs composantes, à la fois au développement du propos et à sa compréhension selon plusieurs niveaux de lecture. Or c’est précisément ce qui constitue à nos yeux l’un des apports essentiels du poète.
90C’est la mort de Radiguet en décembre 1923 qui met fin à de nouveaux projets collectifs avec les amis musiciens. Cocteau est bouleversé et déstabilisé par la disparition de son jeune ami ; il s’adonnera à l’opium avant de se tourner momentanément vers la religion catholique. S’il achève les projets entamés avant cette mort brutale, il n’en suscitera plus d’autres. L’année 1921 peut donc être considérée comme celle qui clôt la période de ces spectacles hybrides auxquels sont associés plusieurs musiciens et où l’interdisciplinarité est prégnante. Pour Jean Hugo163, l’année 1922 consacre la fin du Groupe des Six. Peu avant s’est également disloquée la bande des samedistes, non pas à la suite de disputes internes, mais tout simplement parce que chacun s’installe dans la vie avec des préoccupations spécifiques. Certes, Cocteau travaillera encore assez souvent avec l’un ou l’autre des Six ou avec d’autres musiciens164, tantôt à un ballet, tantôt à un opéra ou encore à une grande œuvre lyrique, mais jamais plus ils ne seront tous ensemble rassemblés dans cette même euphorie créatrice à la recherche de nouveauté et de modernité.
CONCLUSION
91Durant les années 1916-1921, Cocteau n’a de cesse de lancer des projets, non seulement pour étonner Diaghilev, mais pour s’imposer à la tête d’un des mouvements avant-gardistes parisiens165. Il y réussit avec succès : chacune de ses créations est « attendue avec une grande curiosité166 ». La multiplicité de ses dons impressionne : il s’impose comme librettiste, dramaturge, romancier, impresario, journaliste, metteur en scène, directeur ou conseiller artistique, scénographe, caricaturiste, dessinateur (de costumes, masques et partitions), peintre, chorégraphe, et par-dessus tout poète.
92Cocteau mérite bien la qualification de « manager de génie » que lui donne Francis Poulenc167. Nous avons vu qu’avec une vision globale fabuleusement aiguisée, il se montre particulièrement soucieux de maîtriser la préparation de ses spectacles168 dans chacune de ses composantes et d’en suivre l’élaboration. Son rôle dépasse bien souvent celui de simple auteur d’un texte ou d’un argument : il donne des directives très précises à chacun des intervenants, qu’ils soient musiciens, peintres, chorégraphes, couturiers, acteurs, danseurs, clowns ou acrobates, même s’il n’a parfois que très peu de connaissances techniques dans leurs disciplines. Dans certains cas, il assume lui-même plusieurs de ces fonctions, et s’il le pouvait, il ferait tout lui-même. Il le concède d’ailleurs sans ambages : « Une œuvre de théâtre devrait être écrite, décorée, costumée, accompagnée de musique, jouée, dansée, par un seul homme. Cet homme orchestre169 n’existe pas, il importe de remplacer l’individu par ce qui ressemble le plus à un individu, c’est-à-dire par un groupe amical170. » Et l’on touche ici à l’une des caractéristiques de la création coctalienne de cette époque : le poète n’est jamais aussi heureux que s’il peut collaborer avec des amis avec lesquels il entretient des liens affectifs, intellectuels et artistiques. Ses aptitudes inventives et créatrices s’en trouvent démultipliées par le partage des idées qui s’épanouissent aux contacts journaliers. En retour, Cocteau a le don d’obtenir le meilleur de ses collaborateurs et de mettre à jour leurs talents.
93Les spectacles que Cocteau a voulu monter se trouvent à la jonction de perspectives interdisciplinaires très neuves pour l’époque. Leurs lectures en sont d’ailleurs multiples et notre analyse n’en a montré que quelques aspects. Il y a toujours un premier degré très simple, facilement compréhensible, doublé d’une perception profonde très élaborée. Sous des dehors légers, toutes les composantes sont savamment étudiées. La formule utilisée est chaque fois la même, mais elle est de mieux en mieux rôdée de spectacle en spectacle. Cocteau crée une alliance nouvelle entre le théâtre, la musique, la peinture et la danse : chacune de ces disciplines prend part de manière équivalente à l’élaboration du spectacle. Leur agencement subtil et leur simultanéité engendrent une poésie qui, dans certains cas, n’a même plus besoin de s’exprimer en paroles tant est forte leur puissance de suggestion. Ce sont souvent les oppositions dans les expressions diversifiées de ces domaines artistiques qui génèrent l’émotion, le rêve ou la prise de conscience. Comme l’a noté avec perspicacité David Gullentops :
Tous les procédés qui interviennent dans le montage de la pièce, que ce soit sur le plan scénique, de la lumière, de la musique, des voix, des costumes, des décors, ne constituent pas des moyens d’expression subsidiaires, [...] mais sont autant d’éléments – des cordages – susceptibles de révéler l’agencement du système171.
94L’influence du poète sur le théâtre français sera durable : Cocteau s’est affranchi de la tradition et a remodelé la notion de ballet et de théâtre en introduisant sur scène des éléments venus de spectacles populaires tels le music-hall, la foire, le cirque ou le cinéma. La notion de héros principal disparaît au profit d’une série d’arrêts sur image aléatoires. Le ballet évolue vers une représentation abstraite dont les gestes décomposés (lents ou saccadés) combinent danses, acrobaties, mimes et pantomimes. Dépouillé peu à peu de son élément narratif, le ballet traditionnel s’émancipe, tout comme la musique instrumentale s’était précédemment libérée de la contrainte d’accompagner la musique vocale afin d’accéder à la musique pure.
95De manière systématique, Cocteau réhabilite les lieux communs en les plaçant sur une scène théâtrale, ce qui oblige le spectateur à les regarder et à les écouter avec une attention renouvelée, c’est-à-dire rénovée, rajeunie et ravivée. Le poète s’en explique : « Je montre et j’émets des lieux communs, mais je les accouple et je les présente de telle sorte qu’ils surprennent, qu’ils nous frappent avec leur jeunesse, comme s’ils n’étaient jamais devenus des vieillards officiels172. » Cette manière de procéder n’a rien à voir avec le réalisme, certains journalistes de l’époque l’ont heureusement compris. Pierre Gosselin explique :
Ce que Cocteau veut mettre en lumière, ce n’est pas l’apparence du monde, mais son sens caché. Son art est au réalisme ce que le dessin est à la photographie. C’est évidemment celui-ci qui nous trompe, ou plutôt qui nous donne de la nature une vision superficielle. L’œuvre de M. Cocteau est toute subjective. Ce n’est pas le monde qu’il nous décrit, mais la vision qu’il en a. C’est là la plus belle forme de l’art173.
96Les emprunts musicaux aux genres populaires débarrassent la musique des brumes debussystes et créent une « musique française de France » avec des éléments venus d’ailleurs : chansons populaires, fanfares des jours de fête, rythmes sud-américains, fox-trot, ragtime, shimmy et jazz se côtoient sans barrières. Sollicités pour dessiner des décors, des costumes, des masques et des rideaux de scène, les peintres ne sont pas en manque d’innovations. Tantôt leurs personnages cubistes sont habillés de telle manière que leurs carcasses se confondent avec le décor, tantôt ils sont à ce point stéréotypés qu’ils en sortent statufiés. La notion même de décors et de costumes s’en trouve révolutionnée, à la fois mise en émoi et radicalement transformée.
97L’Amérique n’est jamais très loin, et les sentiments du poète à son égard se traduisent par des tendances contradictoires d’attraction et de répulsion. Précisons que le Paris d’après-guerre est fasciné par la culture populaire américaine174. Inversement, la capitale française attire un très grand nombre d’artistes américains.
98Cocteau procède à un cocktail audacieux des genres et des disciplines. Par l’étroite imbrication des domaines artistiques dont l’expression raffinée joue sur plusieurs tableaux, mais surtout par l’introduction d’éléments venus de spectacles populaires ou de variétés, Cocteau fait voler en éclats les genres dramatiques et lyriques traditionnels dont les conventions sont soudainement dérangées et brouillées. De nouvelles passerelles s’établissent entre ces genres dont les frontières disparaissent. Les spectateurs en sont déconcertés, amusés et émus tout à la fois, mais certains s’en trouvent déstabilisés, irrités et révoltés. Pourtant, remarque Cocteau, ces spectacles « n’exercent aucune concurrence [...] Ils n’empiètent pas sur le marché. [...] Ils évoluent en dehors de la production contemporaine175. »
99Le poète semble néanmoins bien désorienté pour désigner ces spectacles hybrides, nous l’avons souligné. La séance de music-hall comprend des chansons, chansonnettes et romances, mais son titre générique est insuffisant pour laisser entrevoir la présence d’une chorégraphie qui fait évoluer acrobates, jongleurs, boxeurs et lutteurs. On peut appliquer à tous les spectacles étudiés ci-dessus l’impossibilité de qualifier ce genre nouveau par un terme consacré. À chaque fois, Cocteau hésite puis s’attache à expliciter le terme choisi : « poème gesticulé176 » puis « ballet réaliste » pour Parade, « farce » pour Le Bœuf sur le toit, « critique bouffe » ou « mélocritique » pour Le Gendarme incompris, « poésie en un acte », « tragi-comédie musicale », « comédie-ballet » puis « ballet satirique » pour Les Mariés de la tour Eiffel. Malgré ses commentaires et ses efforts répétés, aucune des dénominations n’est satisfaisante car ni le mélange des genres ni l’interdisciplinarité ne sont perceptibles par ces appellations. Si Wagner n’avait pas utilisé le terme de « spectacle total » (Gesamtwerk177), sans doute Cocteau aurait-il apprécié de se l’approprier. Comme le poète le concède lui-même en parlant des Mariés, un tel spectacle est, au sens propre, « innommable comme ne manqueront pas de le trouver les amateurs de poésie nébuleuse. La poésie est plus vraie que le vrai178. »
100Cette modernité dans l’interdisciplinarité, la dramaturgie, les textes, la chorégraphie, les décors et la musique débouche, selon nous, sur une « poésie de spectacle », terme que Cocteau n’utilise pas pour différencier ses différentes productions, mais qu’il aurait certainement apprécié. Si nous n’avions peur d’un malentendu, nous aimerions également proposer la notion de « poésie spectaculaire ». Si l’adjectif « cinématographique » dérive, avec la même signification première, du nom commun « cinématographe », il n’existe pas d’adjectif engendré par le terme « spectacle », si ce n’est « spectaculaire », mais dans un sens nettement différent. Selon le Petit Robert, « spectaculaire » signifie « qui parle aux yeux et en impose à l’imagination ». Nous avons constaté que les spectacles de Cocteau en appellent non seulement à nos yeux, mais aussi à nos oreilles et à notre intelligence ; ils interpellent en tout cas notre imaginaire.
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Notes de bas de page
1 Jean Cocteau, Morceaux choisis. Poèmes, Paris : Gallimard, 1932, page vis-à-vis de la page de titre : « Ouvrages du même auteur ». À ces six rubriques, Cocteau ajoute encore « Livres illustrés par l’auteur » et « Avec les musiciens ».
2 Jean Cocteau, « Avant Parade », Excelsior (18 mai 1917), p. 5.
3 « Parade », in Michel Décaudin (dir.), Jean Cocteau : Théâtre complet, Paris : Gallimard, 2003, p. 11. Ci-après mentionné LPTC.
4 Steven Moore Whiting, Satie The Bohemian: From Cabaret to Concert Hall, Oxford: Oxford University Press, 1999, p. 471.
5 Jean Cocteau, « La collaboration de Parade », Nord-Sud, no 4-5 (juin-juillet 1917), p. 29-31.
6 Guillaume Apollinaire, « Parade et l’Esprit nouveau », Programme des Ballets russes (18 mai 1917). Publié en avant-première dans Excelsior, 11 mai 1917. Reproduit en fac-similé dans Annie Guédras (dir.J, Jean Cocteau à Montparnasse : ailleurs et après, Paris : Éditions des Cendres/Musée de Montparnasse, 2001, p. 66-67.
7 Pierre Caizergues, « Notice [à Parade] » dans LPTC, p. 1569-1577.
8 Cocteau, « La collaboration de Parade », p. 29-31. Voir aussi Jean Cocteau, « Parade : Ballet Réaliste in Which Four Modernist Artists Had a Hand », Vanity Fair (septembre 1917), p. 37 et 106.
9 Cocteau, « La collaboration de Parade », p. 29-31. Voir également une lettre (non datée) de Cocteau à Misia, reproduite dans Misia Sert, Misia, Paris : Gallimard, 1952, p. 205-206.
10 Cocteau, « La collaboration de Parade », p. 29-31. Certains de ces bruits ne seront pas écartés lors de la reprise du ballet en 1920.
11 Vincent Lajoinie, Erik Satie, Lausanne : L’Âge d’Homme, 1958, p. 313. Voir surtout Suzanne Winter, « La Parade de Cocteau ou l’imaginaire théâtral futuriste mis en pièces », dans Pierre Caizergues (dir.), Jean Cocteau et le théâtre, Montpellier : Centre d’Étude du XXe siècle – Université Paul-Valéry, 2000, p. 177-199.
12 Un « concert bruitiste » de Russolo assez chahuté par les dadaïstes sera présenté à Paris le 17 juin 1921, précisément la veille des Mariés de la tour Eiffel. Vingt-sept « bruiteurs » incorporés dans un grand orchestre impressionnent Milhaud, Honegger, Ravel et Stravinsky, présents dans la salle.
13 Jacinthe Harbec, « Parade : les influences cubistes sur la composition musicale d’Erik Satie ». Thèse de doctorat, Université McGill, 1987.
14 Cocteau, « La collaboration de Parade », p. 29-31.
15 Daniel Albright, « Postmodern Interpretations of Satie’s Parade », Canadian University Music Review/Revue de musique des universités canadiennes, vol. 22, no 1 (2001), numéro spécial Jean Cocteau : Evangelist of the Avant-Garde/Jean Cocteau : évangéliste de l’avant-garde, Tom Gordon (dir.), p. 22-39. Voir également David Bancroft, « A Critical Re-Assessment of Cocteau’s Parade », AUMLA/Journal of the Australasian Universities Language and Literature Association, vol. 25 (mai 1966), p. 83-92.
16 Jean Cocteau, Le rappel à l’ordre, Paris : Librairie Stock, 1926, p. 170.
17 Apollinaire, op. cit.
18 Lettre d’Apollinaire à Paul Dermée, 15 mars 1917. Citée dans Steven Moore Whiting, Satie The Bohemian : From Cabaret to Concert Hall, p. 483-484.
19 Cocteau, « Avant Parade », Excelsior, p. 5.
20 Jean Cocteau, « La reprise de Parade », Paris-Midi (21 décembre 1920), p. 2. Reproduit dans Cahiers Jean Cocteau, no 7, Paris : Gallimard, 1987, p. 137-139.
21 Jean Cocteau, Poésie critique, vol. II. Monologues, Paris : Gallimard, 1960, p. 26.
22 Avant Parade, Cocteau avait déjà imaginé de se servir d’éléments de cirque et de foire dans deux spectacles non aboutis : l’adaptation française du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare en 1913-1915 et le ballet David envisagé avec Stravinsky en 1914.
23 Pierre Brunei, « Jean Cocteau et Parade » in Volker Kapp et Suzanne Winter (dir.), Jean Cocteau et les arts, numéro spécial des Œuvres critiques, Revue internationale d’étude de la réception critique des œuvres littéraires de langue française, vol. XXII, no 1 (1997), p. 142-151.
24 Cocteau, « La collaboration de Parade », p. 29-31.
25 William Emboden, « Les mécanismes de Jean Cocteau » in Pierre Caizergues et Pierre-Marie Héron (dir.), Le siècle de Cocteau, Montpellier : Centre d’Étude du XXe siècle – Université de Toronto, 2000, p. 25-34.
26 David Gullentops, « Jean Cocteau et le lecteur impliqué », in Caizergues et Héron (dir.), Le siècle de Cocteau, p. 96-110 ; Gullentops, « Jean Cocteau, poète », Europe. Revue littéraire et mensuelle, no 894 (octobre 2003), p. 30-45.
27 Stéphane Audel (dir.), Francis Poulenc : Moi et mes amis, Paris-Genève : La Palatine, 1963, p. 88.
28 Selon Pierre Bertin – Le théâtre et/est ma vie, Evian : Le Bélier, 1969, p. 77 –, Debussy, présent dans la salle, « n’était pas content et criait aux personnages cubistes de Picasso : « Allez-vous-en, vous êtes trop laids ! » [...] Une femme du monde, furieuse de ce spectacle, disait, le chignon en bataille : « C’est la première fois qu’on ose se moquer de moi dans un théâtre ! » Elle prenait à son compte personnel ces entorses à l’esthétique traditionaliste !
29 Dans Le Carnet de la semaine, Jean Poueigh s’exprime méchamment : « Satie manque de tout, d’invention, d’esprit, de métier. » Satie lui envoie une carte postale tout aussi agressive : « Monsieur et cher ami, vous n’êtes qu’un cul, mais un cul sans musique », faisant allusion aux pétomanes de l’époque.
30 Les textes de Cocteau et les ébauches diverses de Picasso sont reproduits en fac-similé dans l’ouvrage très documenté de Deborah Menaker Rothschild, Picasso’s Parade. From Street to Stage Londres : Sothesby’s Publications, 1991.
31 André Gide, Journal, Paris : Gallimard, 1951, lettre du 1er janvier 1921.
32 Cette caricature est reproduite dans Ornella Volta, Satie/Cocteau : les malentendus d’une entente, Paris : Le Castor Astral, 1993, p. 44. De plus, le Groupe des Six n’est représenté que par trois musiciens, Auric, Milhaud et Poulenc, les plus proches de l’esprit de leur maître.
33 Malou Haine, « Jean Cocteau et sa connaissance de la musique », Europe. Revue littéraire mensuelle, no 894 (octobre 2003), p. 248-282.
34 Catherine Miller, Cocteau, Apollinaire, Claudel et le Groupe des Six. Rencontres poético-musicales autour des mélodies et des chansons, Sprimont : Mardaga, 2003.
35 Pierre Caizergues et Pierre Chanel (dir.), Jean Cocteau : lettres à sa mère, vol. I : 1898-1918, Paris : Gallimard, 1989, p. 419, lettre du 31 août 1918.
36 Darius Milhaud, Ma vie heureuse, Paris : Belfond, 1973, p. 84.
37 Jean Cocteau, Le Coq et l’Arlequin. Notes autour de la musique, Paris : La Sirène, 1918. Réédition avec une préface de Georges Auric, Paris : Stock, 1979/R1993.
38 Jean Cocteau, « Carte blanche » du 31 mars au 11 août 1919. Feuilletons repris dans Cocteau, Le rappel à l’ordre, p. 79-145.
39 Malou Haine, « Jean Cocteau et ses compositeurs en Belgique », Actes de la séance Jean Cocteau et la Belgique à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, Palais des Académies (6 mars 2004), à paraître.
40 Henri Collet, « Un livre de Rimski et un livre de Cocteau - Les cinq Russes, les six Français et Erik Satie », Comœdia (16 janvier 1920). Collet, « Les six Français : D. Milhaud, L. Durey, G. Auric, A. Honegger, F. Poulenc et G. Tailleferre », Comœdia (23 janvier 1920).
41 Cf. le discours prononcé par Cocteau lors des obsèques d’Arthur Honegger, le 2 décembre 1955, au cimetière du Père-Lachaise (texte reproduit dans Jean Cocteau, « Adieu à Honegger », Almanach du disque (1956), p. 5-8.
42 L’influence du manifeste futuriste « Le Music-Hall » de F. T. Marinetti publié en novembre 1913 dans le Daily-Mail s’exerce-t-elle ici aussi ?
43 Pierre Caizergues et Pierre Chanel, op. cit., p. 418, lettre du 31 août 1918.
44 Lettre de Cocteau à Durey, 13 septembre 1918. Reproduite en fac-similé dans Ornella Volta, « Auric/Poulenc/Milhaud : l’école du Music-Hall selon Cocteau », dans Josiane Mas (dir.), Centenaire Georges Auric-Francis Poulenc, Montpellier : Centre d’Étude du XXe siècle, Université Paul Valéry, 2001, p. 82. Le même jour, Cocteau envoie une lettre à Poulenc dans laquelle il s’exprime de manière identique : « Voici votre tâche pour la séance Music-Hall-Colombier. Je donne à chacun sa tâche sans lui dire celle des autres pour conserver une atmosphère de surprise. » Cf. Francis Poulenc, Correspondance, Myriam Chimènes (dir.), Paris : Fayard, 1994, p. 66.
45 Caizergues et Chanel, op. cit., p. 435, lettre du 21 septembre 1918.
46 Publié par Ornella Volta, Album des 6 – Catalogue d’exposition Le Groupe des Six et ses amis, Neuilly-sur-Seine : Éditions du Placard, 1990, p. 7.
47 Poulenc, op. cit., p. 62-63, lettre à Édouard Souberbielle du 2 septembre 1918.
48 Poulenc, ibid., p. 71-72, lettre de Cocteau du 15 octobre 1918.
49 Poulenc, ibid., p. 62, note 3, lettre de Cocteau du 5 novembre 1918.
50 Dans une lettre à Auric portant un cachet postal en date du 16 novembre 1918, Cocteau ne parle plus du projet music-hall mais l’exhorte à se pencher sur un nouveau projet relatif à de la musique de scène pour Roméo. Sans doute la seule lecture de cette lettre peut-elle faire penser que le projet est abandonné. Poulenc continue cependant à parler de l’œuvre qu’il compose.
51 Cocteau, Jean Cocteau : lettres à sa mère, p. 433, lettre du 16 septembre 1918.
52 Cf. la reproduction en fac-similé dans Malou Haine et Adrienne Fontainas, Quelques notes de musique et d’amitié... Partitions musicales dédicacées : de César Franck à Pierre Boulez, Bruxelles : Bibliotheca Wittockiana, 2002, p. 116. On ignore à quelle occasion la mélodie Toréador fut créée.
53 Poulenc, op. cit., p. 66, lettre de Cocteau du 13 septembre 1918.
54 Poulenc, ibid., p. 72, lettre de Cocteau du 15 octobre 1918.
55 Francis Poulenc, Journal de mes mélodies, Paris : Grasset, 1964, p. 48-50.
56 Daniel Swift, « La collaboration Jean Cocteau-Francis Poulenc dans les années vingt. Étude comparative de la pensée musicale de Jean Cocteau et des œuvres produites en collaboration avec Francis Poulenc ». Thèse de doctorat, Université Laval, 1983, p. 115-sv.
57 Cocteau, Jean Cocteau : lettres à sa mire, vol. I : 1898-1918, p. 437, lettre du 24 septembre 1918.
58 Volta, « Auric/Poulenc/Milhaud : l’école du Music-Hall selon Cocteau », in Mas (dir.), Centenaire Georges Auric-Francis Poulenc, p. 82, fac-similé d’une lettre de Cocteau à Durey, 13 septembre 1918.
59 Poulenc, Correspondance, p. 436-437, lettre du 24 septembre 1918. Cf. aussi lettre d’Auric à Cocteau, 20 septembre 1918, « Les Hirondelles émeuvent comme du Racine » in Pierre Caizergues (dir.), Correspondance Georges Auric-Jean Cocteau, Montpellier : Centre d’Étude du XXe siècle – Université Paul Valéry, 1999, p. 45.
60 Cocteau, Correspondance Georges Auric-Jean Cocteau, p. 47, lettre de Cocteau à Auric, 3 novembre 1918. Cocteau entretient Auric de cette Symphonie américaine U.S.A. depuis le début de l’année.
61 Erik Satie, Correspondance presque complète, réunie et présentée par Ornella Volta, Paris : Fayard-IMEC, 2000, p. 342, lettre à Cocteau du 21 octobre 1918.
62 Poulenc, Correspondance, p. 69, lettre à Édouard Souberbielle, début octobre 1918.
63 Volta, « Auric/Poulenc/Milhaud : l’école du Music-Hall selon Cocteau » in Mas (éd.), Centenaire Georges Auric - Francis Poulenc, p. 57-85.
64 Musique (pièces) d’ameublement n’existe que sous forme de manuscrits. Voir Harry Halbreich, L’œuvre d’Arthur Honegger. Chronologie. Catalogue raisonné. Analyses. Discographie, Paris : Honoré Champion, 1994, p. 178.
65 Halbreich, ibid., p. 178. Ces œuvres ont été créées le 5 avril 1919 à la salle Huyghens.
66 Une romance date manifestement des années 1950 et n’a rien à voir avec la séance de music-hall.
67 Cocteau, Correspondance Georges Auric-Jean Cocteau..., lettre d’Auric à Cocteau, 27 juin 1918, p. 35-36.
68 Brigitte Borsaro, « Jean Cocteau : le cirque et le music-hall », Nouvelle série no 2, numéro spécial des Cahiers Jean Cocteau, Paris : Passage du Marais, 2003, p. 31-34
69 De retour d’une tournée d’opéras aux États-Unis dans la compagnie de l’impresario Maurice Grau, le ténor wagnérien Ernest Van Dyck effectue la traversée sur le paquebot Touraine du 26 avril au 4 mai 1900. Cf. Malou Haine, « Trente années de voyages incessants (1883-1913) : le cas du ténor wagnérien Ernest Van Dyck » in Christian Meyer (dir.), Le Musicien et ses voyages. Pratiques, réseaux et représentations, Berlin : BWV- Berliner Wissenschatfs-Verlag, 2003, p. 223-247.
70 Cocteau, Correspondance Georges Auric-Jean Cocteau, p. 49, lettre de Cocteau à Auric, 5 novembre 1918.
71 Ibid.
72 Voir le fac-similé in Haine et Fontainas, op. cit., p. 79.
73 Georges Auric, « Bonjour, Paris ! », Le Coq, no 1 (mai 1920).
74 Georges Auric, Quand j’étais là, Paris : Grasset, 1979, p. 159.
75 Le Figaro, 18 février 1920 : voir annonce du spectacle. Cité dans Carl B. Schmidt, The Music of Francis Poulenc. A Catalogue, Oxford : Clarendon Press, 1995, p. 47.
76 Cf. reproduction en fac-similé du manuscrit et de l’affiche dans Haine et Fontainas, op. cit., p. 81-82.
77 Jean Cocteau, Portraits-souvenir (1900-1914), Paris : Grasset, 1935, p. 62.
78 Volta, « Auric/Poulenc/Milhaud : l’école du Music-Hall selon Cocteau », p. 83.
79 Misia Godebska, « A Spectacle-Concert in Paris », The Chesterian, New Series no 6 (mars 1920), p. 165-167.
80 Jean Marnold, « M. Cocteau et la musique – Socrate de M. Erich [sic] Satie. Le Bœuf sur le toit au Théâtre des Champs-Élysées (suite 1) », Mercure de France, tome CXXXIX, no 524 (1er mai 1920), p. 782-791.
81 Liane de Pougy, Mes cahiers bleus, Paris : Plon, 1977, p. 101-102.
82 Borsaro, « Jean Cocteau : le cirque et le music-hall », Cahiers Jean Cocteau, Nouvelle Série, no 2, p. 39-40.
83 Louis Laloy, « À la Comédie des Champs-Élysées : Spectacle-concert », Comœdia (23 février 1920). Voir également Jean Hugo, Le regard de la mémoire (Arles : Actes Sud, 1983), p. 155.
84 Darius Milhaud, Notes sans musique, Paris : Julliard, 1949, p. 106-109. Mentionnons également les Saudades do Brazil pour piano, écrites dans la même veine, comprenant douze danses titrées chacune d’un nom de quartier de Rio de Janeiro.
85 Pour l’origine du titre, voir la version donnée par Darius Milhaud dans ses Notes sans musique.
86 Milorad [Léon Dile], « Avec les musiciens », Cahiers Jean Cocteau, no 7 (1978), p. 13-55.
87 De Pougy, op. cit., p. 102.
88 Jean Bernier, « Le Bœuf sur le toit », Comœdia illustré, no 5 (15 mars 1920), p. 220-222.
89 Maurice Boissard [Paul Léautaud], « Comédie des Champs-Élysées : Premier spectacle-concert. Le Bœuf sur le toit », Mercure de France, tome CXXXIX, no 523 (1er avril 1920), p. 175-180.
90 Milhaud, Notes sans musique, p. 107.
91 Henri Mancardi, « Lettres. Réflexions sur Jean Cocteau », L’esprit nouveau, vol. XII, no 13 (1921), p. 1467-1475.
92 Jean Cocteau, « Un spectacle d’avant-garde – Avant Le Bœuf sur le toit », Comœdia illustré (21 février 1920), p. 1 et 29.
93 Erik Aschengreen, Jean Cocteau and the Dance, Copenhague : Gyldendal, 1986, p. 91.
94 Darius Milhaud, Le Bœuf sur le toit, Paris : Éditions de La Sirène, ©1920. Cotage : E.D.24.L.S. Voir le préambule à la partition, 3 pages non numérotées. L’illustration de Dufy en noir et blanc est reproduite dans Haine et Fontainas, op. cit., p. 90. Ce dessin de Dufy présente des similitudes avec celui en couleur publié dans La Vogue musicale du 27 mars 1920. Voir reproduction en couleur in Volta, Album des 6 – Catalogue d’exposition Le Groupe des Six et ses amis, p. 13. Alors que les deux travestis sont placés devant les joueurs de dés dans la partition, ils figurent à côté d’eux dans l’article de presse. Le géant n’est que suggéré dans la partition, mais est dessiné en pied dans l’article de presse. Dans ce dernier, les nombreuses bouteilles du bar sont présentes alors que seules quelques-unes d’entre elles apparaissent dans l’illustration de la partition.
95 Jean Cocteau, « Un spectacle d’avant-garde – Avant Le Bœuf sur le toit », Comœdia illustré (21 février 1920), p. 1 et 29. Allocution également reproduite dans Boissard, « Comédie des Champs-Élysées : Premier spectacle-concert. Le Bœuf sur le toit », Mercure de France, tome CXXXIX, no 523.
96 Cocteau, ibid., p. 1 et 29.
97 Jean Marnold, op. cit., no 523 (15 avril 1920), p. 495-502 ; Marnold, « M. Cocteau et la musique – Socrate de M. Erich [sic] Satie », suite 1(1er mai 1920), p. 782-791.
98 Rollo Myers, « Memories of Le Bœuf sur le toit and Other Animais », The Listener, Tome LXXXV, no 2187 (25 février 1971), p. 242-245. Meyers est le traducteur anglais de Jean Cocteau, Cock & Harlequin, Londres : The Egoist Press, 1921. Il écrira plusieurs ouvrages en anglais sur la musique française de la première moitié du XXe siècle et traduira encore Jean Cocteau, A Call to Order, New York : Henry Holt & Cie, 1927. Myers s’est également essayé à écrire une mélodie sur un poème de Cocteau.
99 Une affiche du programme conçue par Pablo Picasso pour ce festival Satie du lundi 7 juin 1920 a été mise en vente le 31 octobre 2003 à l’Hôtel Drouot à Paris. Le no 41 du catalogue de vente. Artus Enchères décrit celle-ci : « Affiche conçue par Pablo Picasso, en fac-similé de son écriture : une page in-folio (50 x 53 cm) avec encart reproduisant le portrait de Satie et Picasso. »
100 Jean Cocteau, « Fragments d’une conférence sur Erik Satie (1920) », La Revue musicale, vol. 1-2 (mars 1924), p. 217-223.
101 Robert Pernet, « Quiproquo – Louis Mitchell ou Murray Pilcer ? Robert Goffin vs. Jean Cocteau », Record Memory Club Magazine, no 50 (mars 2000), 11 p. (n.p.).
102 Hugo, op. cit., p. 192-194.
103 Fac-similé de l’affiche dans Pierre Chanel, Album Cocteau, s.l. : Henri Veyrier-Tchou, 1975, p. 47.
104 Milhaud, Ma vie heureuse, p. 101.
105 Patronyme d’une famille mise en scène.
106 L’une des premières références apparaît dans la chanson Shim-Me-Sha-Wabble de Spencer William, publiée à Chicago en 1916. May West se fait une renommée en diffusant cette danse contestée par les conservateurs troublés par ses allusions caractéristiques trop sexuelles.
107 Texte reproduit dans Pierre Caizergues et Josiane Mas (dir.), Correspondance Jean Cocteau-Darius Milhaud, Valence : Novetlé-Massalia, 1999, p. 100-101.
108 Ibid.
109 Darius Milhaud, Caramel Mou, shimmy pour jazz-band, Paris : Les Éditions de la Sirène, ©1921. Cotage : E.D.75.L.S. Parties séparées de clarinette, trompette, trombone, batterie, piano, chant (ad lib.). Cette partie pour chant peut être remplacée par le saxophone en si b, le violon ou le violoncelle.
110 Volta, Album des 6 – Catalogue d’exposition Le Groupe des Six et ses amis, p. 15.
111 Auric, Quand j’étais là, p. 177.
112 La seule heureuse image dont Auric se souvient est celle d’un billard dessiné par Jean Hugo. Et d’ajouter : « Une maquette de billard, pourtant, ne sauvait pas une pièce... »
113 Hugo, op. cit., p. 194.
114 Pierre Caizergues, « Notice [au Gendarme incompris] », LPTC, p. 1627-1628.
115 Milhaud, Ma vie heureuse, p. 101-102.
116 Dessins représentant le Gendarme Médor, la Marquise de Montonson et le Commissaire.
117 Le manuscrit du texte a été proposé à la vente pour 5985 € par Chapitre.com sur Internet (consultation du 27 septembre 2002).
118 Milhaud, Ma vie heureuse, p. 101-102.
119 Antoine Banès, « Premières : Théâtre Michel », Le Figaro (27 mai 1921), p. 4. Cité par Borsaro, Jean Cocteau : le cirque, p. 47.
120 LPTC, p. 165.
121 Voir la reproduction dans Volta, Satie et la danse, Paris : Édition Plume, 1992, p. 44.
122 Élise Jouhandeau, Le spleen empanaché, vol. III : Joies et douleurs d’une belle excentrique, Paris : Flammarion, 1960, p. 149-150.
123 Cette œuvre ne figure pas au catalogue des œuvres d’Auric établi par Josiane Mas.
124 Pour cette danse réglée par Staats, Caryathis arbore un « somptueux costume » dessiné par Nathalia Gontcharova.
125 Jouhandeau, op. cit., p. 141-142.
126 Ibid.
127 Ibid.
128 Ibid.
129 Cité dans Volta, Satie et la danse, p. 50.
130 Satie, Correspondance, p. 446, lettre à Caryathis du 12 mai 1921.
131 Misia, née Godebska, fille du sculpteur polonais Cyprien Godebski et petite-fille du violoncelliste belge Adrien-François Servais. Mariée en avril 1893 avec le directeur de La Revue blanche, Thadée Nathanson, dont elle divorce en février 1904. Elle se remarie avec le financier Alfred Edwards en février 1905, pour divorcer une nouvelle fois en février 1909. Un troisième mariage avec le peintre catalan José-Maria Sert en août 1920 ne sera pas plus heureux puisqu’elle en divorcera en décembre 1927. Égérie de plusieurs peintres impressionnistes, Misia sera la conseillère de Serge de Diaghilev et mécène de ses ballets. Son influence non négligeable dans les milieux mondains et avant-gardistes parisiens en fait une personnalité à la fois recherchée et redoutée.
132 Jouhandeau, op. cit., p. 93-150, passim.
133 Ibid.
134 Ibid.
135 La partition ne sera publiée qu’en 1965 par les éditions Salabert.
136 Malou Haine et David Gullentops, « Un manuscrit retrouvé de Jean Cocteau : Le Mirliton d’Irène, Cheveux d’ange et Les Mariés de la tour Eiffel », Annales d’histoire de l’art et d’archéologie (U.L.B.), vol. XXV (2004), p. 83-107.
137 Cocteau, « Préface de 1922 [aux Mariés de la tour Eiffel] », LPTC, p. 37.
138 Lettre du 16 novembre 1977. Citée dans Aschengreen, Jean Cocteau and the Dance, translated by Patricia Mc Andrew and Per Avsum, p. 106.
139 Francis Ramirez et Christian Rolot, « Notice [aux Mariés de la tour Eiffel] », LPTC, p. 1593-1600.
140 Cocteau, « Préface de 1922 [aux Mariés de la tour Eiffel] », LPTC, p. 34.
141 Cité d’après Hugo, op. cit., p. 195.
142 Jean Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse, no 9 (juin 1921), n.p.
143 Hugo, op. cit., p. 195.
144 Edmund Wilson Jr., « The Ballets of Jean Cocteau: The Theatrical Innovations of the “Enfant Terrible” of French Art », Vanity Fair (mars 1922), p. 48 et 94.
145 Hugo, op. cit., p. 195.
146 Jochen Heymann, « Un petit oiseau va sortir : Le théâtre de Cocteau et l’esthétique du Ready-made » in Volker Kapp et Suzanne Winter (dir.), p. 77-89.
147 Jean Cocteau, « Les Mariés de la tour Eiffel [Préface] », Les œuvres libres, no 21 (mars 1923), p. 351-380.
148 Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse.
149 Cocteau, « Les Mariés de la tour Eiffel », Les œuvres libres.
150 Cocteau, « Préface de 1922 [aux Mariés de la tour Eiffel] », LPTC, p. 35.
151 Jacinthe Harbec, « Le ballet chez Cocteau : vers une manifestation avant-gardiste en compagnie du Groupe des six et des ballets suédois », Canadian University Music Review/Revue de musique des universités canadiennes, vol. 22, no 1 (2001), numéro spécial Jean Cocteau : Evangelist of the Avant-Garde/Jean Cocteau : évangéliste de l’avant-garde, Tom Gordon (dir.), p. 40-67.
152 Ibid.
153 Ibid.
154 Voir supra, note 12.
155 Henry Béraud, « Théâtre des Champs-Élysées : Les Mariés de la tour Eiffel ou Un enfant terrible massacre ses parents terribles », Mercure de France, tome CXLIX, no 554 (15 juillet 1921), p. 449-451.
156 Malou Haine et David Gullentops, op. cit.
157 Raymond Radiguet, « Les Mariés de la tour Eiffel », Les feuilles libres, no 25 (février 1922). Cité dans L’approdo-musicale, no 19-20, (1965), p. 145-152.
158 Jean Cocteau, Le Coq, no 4 (novembre 1920), page recto : « En préparation : Jean Cocteau-Georges Auric-Raymond Radiguet. – La Noce – Tragi-comédie musicale ».
159 Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse.
160 Ibid.
161 Milorad, « De La Noce massacrée aux Mariés de la tour Eiffel ou Un enfant terrible massacre ses parents terribles », Cahiers Jean Cocteau, no 5 (1975), p. 31-38.
162 Cité dans Marcel Rieu, « Les Mariés de la tour Eiffel », Comœdia, vol. XV (18 juin 1921).
163 Hugo, op. cit., p. 217.
164 Malou Haine, « Catalogue des textes de Cocteau mis en musique » in David Gullentops et Malou Haine (dir.), Jean Cocteau : textes et musique, Hayen/Belgique : Mardaga, 2005, p. 167-302.
165 Tom Gordon, « Efforts to astonish », Canadian University Music Review/Revue de musique des universités canadiennes, vol. 22, no 1 (2001), numéro spécial Jean Cocteau : Evangelist of the Avant-Garde/Jean Cocteau : évangéliste de l’avant-garde, Tom Gordon (dir.), p. 3-21.
166 Introduction à l’article de Jean Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse.
167 Francis Poulenc, Francis Poulenc ou l’invité de Touraine. Entretiens avec Claude Rostand diffusés sur Paris Inter du 13 octobre 1953 au 16 février 1954. Reproduits en 2 CD, INA-Radio France, Archives sonores INA, CD 78X2 ADD (cf. 4e entretien).
168 Voir également le récent article de Jacinthe Harbec, « La musique dans les ballets et les spectacles de Jean Cocteau » in Gullentops et Haine, Jean Cocteau : textes et musique, p. 33-60.
169 Cocteau reprend ce paragraphe dans sa préface aux Mariés de la tour Eiffel de 1922, mais il remplace l’expression « homme orchestre » par « athlète complet ».
170 Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse.
171 David Gullentops, « Du théâtre de poésie à la poésie de théâtre » in Caizergues, Jean Cocteau et le théâtre, p. 43-57.
172 Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la tour Eiffel », La danse.
173 Pierre Gosselin, « Jean Cocteau », Arts et lettres d’aujourd’hui, vol. II, no 8 (24 février 1924), p. 189-193.
174 Edmund Wilson Jr., « The Æsthetic Upheaval in France : The Influence of Jazz in Paris and Americanization of French Literature and Art », Vanity Fair (February 1922), p. 49 et 100. Ezra Pound, « On the Swings and Roundabouts: the Intellectual Somersauts of the Parisian vs. The Londoner’s Effort to Keep His Stuffed Figures Standing », Vanity Fair (August 1922), p. 49.
175 Cocteau, Le rappel à l’ordre, p. 228.
176 Jean Cocteau, « Les Ballets russes », Comœdia illustré, vol. VIII, no 4 (20 janvier 1921), p. 170.
177 Plus exactement Gesamtkunstwerk (œuvre d’art totale).
178 Cocteau, « À vol d’oiseau sur Les Mariés de la Tour Eiffel », La Danse.
Auteur
Université Libre de Bruxelles, Belgique
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