10. Équilibres et déséquilibres dans le partage des ressources financières*
p. 305-338
Texte intégral
La plus grande différence entre Trudeau et moi dans les affaires fédérales-provinciales était qu’il voulait gagner les arguments mais était prêt à laisser les provinces partir avec l’argent, alors que j’étais heureux de céder sur les arguments mais voulais garder l’argent.
Jean Chrétien, Straight from the Heart, 19851.
1Jusqu’au début des années 1990, les relations intergouvernementales canadiennes étaient dominées par les enjeux constitutionnels. La division des pouvoirs, la formule d’amendement, la réforme des institutions, la Charte des droits, et plus largement la politique des identités et de la reconnaissance monopolisaient l’attention. La distribution des ressources financières dans la fédération demeurait bien sûr importante, mais elle apparaissait soit comme une question d’intendance plutôt technique, soit comme un enjeu constitutionnel de plus. Le programme de péréquation, par exemple, a été constitutionnalisé en 1982, afin d’en assurer la pérennité. De la même façon, ce que le gouvernement fédéral appelle son « pouvoir de dépenser » a fait l’objet de propositions constitutionnelles dans le cadre des accords du lac Meech et de Charlottetown. Comme tous les autres, les problèmes financiers semblaient presque toujours ramener à la politique constitutionnelle.
2L’échec du référendum sur l’accord de Charlottetown en 1992 a marqué la fin de cette époque. Un an plus tard, le Parti libéral du Canada prenait le pouvoir en s’engageant à ne plus parler de Constitution et à s’occuper en priorité de l’emploi. Très rapidement, les événements allaient modifier la donne encore un peu plus. D’une part, la victoire électorale du Parti québécois en 1994 plaçait le gouvernement fédéral sur la défensive dans le dossier de l’unité canadienne. D’autre part, la situation des finances publiques poussait Ottawa à mettre l’accent moins sur l’emploi que sur la lutte au déficit, ce qui s’est traduit par une révision majeure des transferts aux provinces. Alors que la fenêtre des réformes constitutionnelles se fermait presque définitivement, celle du partage des ressources fiscales s’ouvrait grand.
3Les enjeux à cet égard sont nombreux, importants et complexes. On pense évidemment au déséquilibre fiscal, qui fait l’objet d’un large consensus au pays et que tous les partis politiques fédéraux à l’exception du Parti libéral du Canada ont reconnu et entendent corriger. Mais il faut aussi parler des multiples ententes sur le financement des soins de santé, dont la dernière à ce jour ouvrait la porte à l’idée d’un fédéralisme asymétrique, de la réforme en cours du programme de péréquation, et des tensions engendrées par la croissance de la rente pétrolière dans certaines provinces. Toutes ces questions concernent la façon dont les ressources sont partagées dans la fédération canadienne, soit entre les deux ordres de gouvernement, soit entre les provinces et territoires. Plus fondamentalement, elles soulèvent des débats qui mettent en cause différentes visions du fédéralisme et des communautés qui composent le pays, allant d’un modèle centraliste privilégiant la constitution d’une communauté indifférenciée à une conception décentralisatrice favorisant l’autonomie des provinces et des territoires, sur une base plus ou moins symétrique.
4Ce chapitre fait le point sur ces différentes dimensions du partage des ressources financières dans la fédération canadienne, en insistant sur les enjeux politiques sous-jacents à des questions qui ne sont pas simplement techniques. L’analyse tente de démontrer comment des choix politiques essentiels sont faits, souvent de façon discrète, voire cachée, en agissant sur les grands programmes qui régissent ce partage des ressources. La règle d’or du fédéralisme fiscal, notent souvent les experts en parodiant une formule bien connue, c’est que celui qui a l’or fait la règle.
5Le chapitre commence par une brève revue des principes associés au partage des ressources financières dans une fédération, revue qui souligne notamment l’importance d’une certaine correspondance entre la division des pouvoirs et le partage des ressources, correspondance qui n’exclut pas le recours à différentes formes de redistribution entre les ordres de gouvernement ou entre les entités fédérées. Puis, la seconde section se penche sur l’expérience canadienne, en comparant trois périodes distinctes depuis le début de la Deuxième Guerre mondiale : la première va de 1940 à 1977 et est dominée par les transferts fédéraux directs aux citoyens et les programmes à frais partagés ; la deuxième, de 1977 à 1995, voit s’imposer des transferts en bloc assortis de normes pancanadiennes ; et la dernière, qui commence en 1995, est celle de la lutte au déficit, de l’union sociale et du déséquilibre fiscal. La troisième partie traite des grands enjeux pour les années qui viennent, et notamment des réponses à apporter au déséquilibre fiscal et à la croissance des disparités entre les provinces.
principes
Dans un État fédératif toutes les parties constituantes doivent pouvoir, de leur propre initiative et sous leur propre responsabilité, se procurer par l’impôt les ressources financières nécessaires à l’exercice de leurs juridictions respectives, sans quoi le régime perd son caractère fédératif.
Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay), 19562.
6Le politologue français Maurice Croisat propose une définition qui, en quelques mots, résume parfaitement ce qu’est le fédéralisme. « Une fédération repose sur une Constitution qui intègre des communautés séparées dans un même ensemble juridique, et définit les principes de leur autonomie et de leur participation aux institutions fédérales3. » Trois grands principes sont en jeu, explique Croisat. Le principe de séparation, qui implique que la souveraineté de l’État est partagée entre deux ordres de gouvernement, en fonction d’une division des pouvoirs établie constitutionnellement. Le principe d’autonomie, qui suppose qu’il n’y a pas de hiérarchie, de contrôle ou de tutelle entre les ordres de gouvernement, chaque ordre de gouvernement étant souverain dans les domaines de compétence établis par la séparation des pouvoirs. C’est en vertu de ce second principe que l’on devrait éviter de recourir à une métaphore verticale (paliers) pour décrire les ordres de gouvernement d’une fédération, qui ne sont justement pas dans une relation hiérarchique. Enfin, le principe de participation, qui demande une représentation et une implication des entités fédérées dans la prise de décisions fédérales. Très souvent, cette participation se fait par le recours à une deuxième chambre législative, représentative des entités fédérées. Au Canada, où le Sénat apparaît comme un instrument désuet et peu légitime, elle passe surtout par les relations intergouvernementales.
7Le partage des ressources financières concerne d’abord et avant tout le principe d’autonomie. Pour être autonome, en effet, une entité fédérée doit disposer de ressources propres, lui permettant d’exercer ses compétences sans dépendre de transferts venant du gouvernement fédéral, transferts toujours susceptibles d’être accompagnés de conditions. Dans un énoncé classique et souvent repris sur la question, le constitutionnaliste de l’Université Oxford Kenneth C. Wheare expliquait que, pour que soit respecté, dans les faits comme dans la loi, le principe d’autonomie propre au fédéralisme, il fallait que chaque ordre de gouvernement dispose « sous son propre contrôle » de ressources financières « suffisantes pour exercer ses fonctions exclusives »4. Comme l’indique la citation mise en exergue de cette section, la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels créée en 1953 par le gouvernement du Québec ne voyait pas les choses autrement.
8En théorie, donc, le partage des ressources financières devrait correspondre à la division des pouvoirs, afin d’assurer l’autonomie des deux ordres de gouvernement. Ce principe d’autonomie n’exclut pas une redistribution des revenus à l’échelle de la fédération, puisqu’en exerçant ses compétences le gouvernement fédéral peut très bien réduire les inégalités entre les provinces, comme c’est le cas par exemple avec le programme de péréquation, avec l’assurance-emploi ou avec les mesures de développement régional. Le principe d’autonomie, cependant, n’est jamais simple à mettre en œuvre. D’une part, il n’est pas possible de définir exactement quelles sont les ressources financières « nécessaires » à l’exercice des compétences de chaque gouvernement. Quel que soit le domaine, les dépenses « nécessaires » ne peuvent être déterminées que par le jeu politique, en fonction des priorités des électeurs, des orientations des partis politiques, ou des problèmes concrets à résoudre. D’autre part, des principes contraires peuvent s’opposer à cet impératif d’autonomie, pour forcer des arbitrages qui seront, eux aussi, politiques.
9Les économistes, par exemple, accordent beaucoup d’importance à la quête de l’équité et de l’efficience dans une fédération. La théorie économique est plutôt favorable au fédéralisme, dans la mesure où la division des pouvoirs et la décentralisation qui en résulte ont pour effet d’assurer une meilleure adéquation entre les préférences des citoyens de chaque région et les politiques publiques, tout en facilitant la prise de décisions informées, l’innovation et l’imputabilité. La décentralisation peut aussi avoir des coûts, cependant, en termes d’équité et d’efficience. Du point de vue de l’équité, d’abord, une trop grande décentralisation risque d’accentuer les disparités entre les régions et entre les citoyens5. En ce qui concerne l’efficience, le problème est associé à la mauvaise allocation des ressources qui pourrait résulter d’écarts trop grands entre les bénéfices fiscaux nets offerts par les provinces, ainsi qu’aux effets non prévus sur les autres gouvernements des politiques adoptées par une entité fédérée ou par le gouvernement fédéral (ce que les économistes appellent des externalités). Dans un bilan récent de la littérature sur le sujet, l’économiste canadien Robin Boadway reconnaît qu’il est très difficile de tirer des conclusions opérationnelles claires de ces notions qui demeurent très abstraites et rarement reliées aux institutions et aux pratiques réelles, et il admet que de telles conclusions relèvent nécessairement du jugement et des valeurs de l’analyste6. Boadway conclut tout de même qu’il apparaît souhaitable, dans une fédération, de maintenir un écart fiscal favorable au gouvernement fédéral, afin de permettre à celui-ci de promouvoir l’équité entre les régions et les citoyens et de préserver l’efficience de l’union économique7. Il s’inscrit ainsi dans le courant d’idées dominant au Canada anglais, qui favorise une gestion intégrée de l’interdépendance, même si celle-ci doit se faire au détriment de l’autonomie.
10Au principe de l’autonomie mis de l’avant par Wheare et par la Commission Tremblay répond donc un principe opposé de solidarité et d’efficience. Ce principe a également été défendu par une commission royale, la Commission Rowell-Sirois mise sur pied par le gouvernement fédéral en 1937. Comme François Rocher l’explique dans sa contribution à cet ouvrage, les tensions entre ces deux principes définissent une grande part des débats qui ont mobilisé la fédération canadienne depuis la Deuxième Guerre mondiale.
11Dans une analyse récente, Robin Boadway et Keith Banting tentent de réconcilier les deux principes en proposant de comprendre le Canada comme un ensemble de communautés de partage, associant des communautés à l’échelle des provinces et des territoires, où se définissent une bonne part des politiques sociales, et une plus grande communauté de partage fédérale, qui assure un minimum d’égalité et de comparabilité entre les régions8. Cette perspective n’est pas sans intérêt, mais elle est plus évocatrice qu’opérationnelle et ne permet pas vraiment de dépasser la tension définie par l’opposition entre les principes d’autonomie et de solidarité/efficience, surtout dans une fédération multinationale comme le Canada, où la quête de l’autonomie est également un enjeu identitaire9.
12Bien qu’il soit important de clarifier les principes en jeu, l’analyse des fédérations se prête donc mal à la formalisation, et elle ne saurait se réduire à quelques règles simples. Richard Bird, un économiste canadien qui a beaucoup contribué à l’étude de la question, note qu’il n’y a tout simplement pas de raccourci conceptuel ou quantitatif qui permette d’éviter une lecture attentive de l’histoire et des institutions de chaque fédération10. En d’autres termes, il faut reconnaître la tension qui existe entre les principes énoncés ici, sans penser trouver une formule qui offrirait une solution définitive, satisfaisante pour tous.
13La façon de faire, par contre, a aussi son importance. Les fédérations reposent sur des pactes historiques, réels ou imaginés, et instaurent des règles que doivent suivre les différents gouvernements. Ceci implique, bien sûr, qu’il faut respecter la division des pouvoirs et des revenus établie par la Constitution (ce qui, on le verra, ne va pas toujours de soi). Mais au-delà du cadre juridique, le partage des ressources devrait aussi se faire sur la base de formules établies, connues et stables, afin d’éviter « que le gouvernement central décide du montant des transferts à sa discrétion11 ». Des règles claires et publiques préviennent l’arbitraire, rendent les politiques publiques plus transparentes, favorisent l’imputabilité, et réduisent l’incertitude. De telles règles contribuent aussi à maintenir la confiance dans les relations intergouvernementales, ce qui a souvent fait défaut au Canada dans les années récentes12.
14Des trois principes à la base du fédéralisme découlent donc des impératifs spécifiques en ce qui concerne le partage des ressources. Aux principes de séparation et d’autonomie correspond l’idée d’une adéquation entre la division constitutionnelle des pouvoirs et celle des revenus, alors qu’au principe de participation répondent des attentes quant à l’équité et à l’efficience, et une exigence de clarté et de transparence dans les relations intergouvernementales. Dans la pratique, évidemment, la réalisation de ces principes pose toujours un problème, puisque ceux-ci demeurent très généraux et en partie contradictoires.
pratiques
À quoi bon un minutieux partage des pouvoirs législatifs, si l’un des gouvernements peut le contourner et en quelque sorte l’annuler par son mode de taxation et sa manière de dépenser ?
Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay), 195613.
15Dès l’origine, la fédération canadienne était un compromis. Dans un discours célèbre prononcé en 1865 à l’Assemblée législative du Canada-Uni, John A. Macdonald expliquait que même si personnellement il aurait préféré une union législative avec « un gouvernement et un parlement pour toutes les provinces », il avait dû se rendre à l’évidence qu’une telle union « ne saurait rencontrer l’assentiment du peuple du Bas-Canada », dont la langue, la foi et les institutions étaient différentes de celles de la majorité et devaient être reconnues et protégées14. Dans ce contexte, les fondateurs voulaient au moins s’assurer d’obtenir un gouvernement fédéral fort, ce qu’ils ont fait en attribuant à celui-ci les pouvoirs qui apparaissaient les plus importants à l’époque, de même qu’un pouvoir de désaveu permettant au gouvernement fédéral d’annuler une loi provinciale (maintes fois utilisé au début, ce pouvoir a été fortement contesté par les provinces et il est graduellement devenu désuet).
16Sur le plan des ressources, la même logique a prévalu. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (AANB) de 1867 donnait au gouvernement fédéral le droit de percevoir des taxes et des impôts par tout mode de taxation, alors que les provinces n’avaient accès qu’aux champs d’imposition directe, tels que l’imposition de licences et de permis, les droits sur les terres publiques, la vente de produits et de services, et les impôts fonciers15. L’impôt sur le revenu, qui deviendra plus tard le mode de taxation prédominant, était accessible aux deux ordres de gouvernement. Mais il n’existait tout simplement pas, et pour encore plusieurs années il apparaîtrait comme « un moyen inadéquat, auquel l’expérience du passé et la mentalité populaire s’opposent péremptoirement16 ». L’élément clé de l’AANB, c’était plutôt l’octroi au gouvernement fédéral des droits de douane et des taxes d’accise, qui représentaient à l’époque près de 80 % des revenus gouvernementaux17. Les ressources laissées aux provinces étaient en fait si modestes que, dès le départ, des transferts durent être mis en place pour permettre à celles-ci de fonctionner. Les premières décennies de la fédération canadienne mettent donc en scène « une chicane constante entre des provinces quémandeuses et un gouvernement fédéral radin, chacun à son tour s’entêtant pour quelques milliers de dollars en subventions18 ».
17Dans les décennies qui suivent, les provinces gagnent néanmoins en autonomie, en introduisant de nouveaux modes de taxation, qui compensent des transferts fédéraux inadéquats. Ces nouvelles taxes – sur les ventes, l’alcool ou les immatriculations automobiles par exemple – s’avèrent toutefois fragiles face aux aléas de la conjoncture économique et les revenus des provinces s’effondrent pendant la Grande Dépression de 1929-1939, alors même que les besoins explosent.
18Ce sont donc des gouvernements provinciaux affaiblis qui acceptent, au début de la Deuxième Guerre mondiale, un amendement constitutionnel permettant au gouvernement fédéral d’adopter une loi en matière d’assurance-chômage (1940) et un accord cédant temporairement à Ottawa l’impôt sur le revenu des particuliers et des corporations (1942). Du point de vue du partage des ressources, l’Accord de location fiscale de 1942 apparaît particulièrement significatif. Par cet accord, en effet, les provinces redonnaient au gouvernement fédéral une place prééminente dans le partage des ressources, en lui cédant presque tout le champ de l’impôt direct.
19L’accord de 1942 ne devait être qu’un arrangement temporaire, conçu pour permettre au gouvernement fédéral de financer l’effort de guerre. Les lois donnant effet à cet accord étaient d’ailleurs explicites à cet égard. La législation québécoise, en particulier, soulignait le fait que « la province ne sera pas censée avoir cédé, abandonné ou transporté au Dominion aucun des pouvoirs, droits, privilèges, aucune partie de la souveraineté lui appartenant19 ». À la fin de la guerre, cependant, le gouvernement fédéral décide de reconduire l’entente, ce que toutes les provinces acceptent sauf le Québec et l’Ontario. Pour accommoder les deux gouvernements récalcitrants, Ottawa leur concède une part de l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers et des droits sur les successions et leur cède l’impôt provincial sur les bénéfices des sociétés20. C’est ainsi que naît la notion, souvent évoquée depuis, des « points d’impôt ». Cette idée n’a de sens que dans la mesure où un espace fiscal intégré et plafonné est défini par le gouvernement fédéral, qui fixe le niveau des impôts et peut donc aussi déterminer les parts respectives de chaque gouvernement. En 1947, par exemple, 5 points de l’impôt sur le revenu des particuliers (5 % de l’impôt fédéral) sont accordés au Québec et à l’Ontario sous forme « d’abattement ». Les deux provinces n’utilisent pas immédiatement cet espace fiscal, mais en 1954 le gouvernement de Maurice Duplessis introduit un impôt provincial sur le revenu des particuliers équivalant à 15 % de l’impôt fédéral, obligeant ainsi Ottawa à reculer partiellement l’année suivante, en faisant passer l’abattement fédéral de 5 à 10 points pour le Québec21. C’était alors bel et bien en termes de points d’impôt que devait se comprendre le débat sur le partage des ressources.
20En 1971, par contre, à la faveur d’une réforme majeure de la taxation, le gouvernement fédéral et les provinces s’entendent pour laisser tomber l’idée d’un espace fiscal intégré et plafonné, afin de permettre à chaque gouvernement de déterminer son propre niveau d’imposition, à partir du revenu défini par le gouvernement fédéral. En pratique, les deux ordres de gouvernement continuent de se coordonner et de négocier leurs politiques fiscales, et ce d’autant plus que le gouvernement fédéral perçoit les impôts pour toutes les provinces sauf le Québec22. Mais le partage des ressources devient moins rigide et de moins en moins compréhensible en termes de points d’impôt dotés d’une valeur définie. Dans la foulée de la création de l’Agence des douanes et du revenu du Canada en 1999, un pas de plus est franchi dans la même direction, pour permettre aux provinces de déterminer leurs propres structures d’imposition (ce que le Québec faisait déjà évidemment). Plutôt que de prendre une part définie de l’impôt fédéral (« tax on tax »), les provinces déterminent dorénavant leurs propres tranches d’imposition et taux, à partir de la définition du revenu proposée par l’agence fédérale (« tax on income » ; celle-ci est devenue l’Agence du revenu du Canada). L’Alberta, par exemple, a maintenant un taux unique de 10 %, ce qui l’éloigne significativement d’autres provinces où la structure de l’impôt sur le revenu est demeurée progressive et peut atteindre des taux marginaux de près de 18 % (24 % au Québec)23. De façon générale, on assiste à une diversification des structures d’impôt au pays, en fonction des objectifs et des priorités des différents gouvernements24. Dans les circonstances, la notion de « points d’impôt » n’a plus guère de sens, puisqu’il n’y a plus d’espace fiscal intégré et plafonné que les deux ordres de gouvernement peuvent partager ou repartager. On devrait plutôt parler d’un débat récurrent sur l’occupation effective des différents champs de taxation par chaque ordre de gouvernement.
21L’autonomie fiscale accrue des provinces se manifeste également par la part croissante de leurs ressources constituée de revenus en propre. En 1960, le gouvernement fédéral récoltait 60,8 % des revenus de taxes et impôts au pays, comparativement à 21,8 % pour les provinces et 17,3 % pour les municipalités. Les transferts fédéraux comptaient alors pour presque 30 % des revenus provinciaux. En 2004, par contre, les revenus du gouvernement fédéral ne représentaient plus que 38,7 % du total, contre 42,1 % pour les provinces et 11,7 % pour les gouvernements locaux (le reste allant en contributions au Régime de pensions du Canada et à la Régie des rentes du Québec). La part des transferts fédéraux dans les revenus des provinces était alors tombée à 15 %25. Comme on le verra, les transferts fédéraux sont également devenus moins conditionnels avec le temps.
22À première vue, la tendance semble donc à la décentralisation. Les gouvernements des provinces récoltent de plus en plus leurs propres revenus, à un niveau et à des taux qu’ils choisissent, et ils sont de moins en moins dépendants de transferts fédéraux assortis de conditions26. La situation, cependant, n’est pas si simple. Pour la comprendre, il faut reprendre la même histoire, du point de vue des dépenses cette fois.
23À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’État jouait encore un rôle relativement modeste au Canada. Après la poussée vers le haut associée à l’effort de guerre, les dépenses de tous les gouvernements étaient retombées en 1950 à 24,2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui ne représentait guère plus de la moitié du niveau que nous connaissons aujourd’hui (42,2 % du PIB en 2004)27. Même la Grande Dépression des années 1930 n’avait pas suffi à remettre en question un modèle politique et social libéral, privilégiant le marché, le laisser-faire, et la charité privée et locale.28 La dépression et la guerre ont néanmoins semé les germes du renouveau.
24Le contexte politique, en effet, commence à changer au cours des années 1940. Le mouvement syndical croît et devient une force politique significative, et le Cooperative Commonwealth Federation (CCF), l’ancêtre du Nouveau Parti démocratique (NPD), fait des progrès, prenant notamment le pouvoir en Saskatchewan et tirant un peu le Parti libéral du Canada vers la gauche. Ensuite, au Canada comme ailleurs, de nouvelles idées circulent quant à la nécessité d’adopter des politiques de stabilisation économique et des mesures de soutien du revenu pour les travailleurs et les familles, tout en améliorant les services sociaux. Enfin, comme on l’a vu, le gouvernement fédéral dispose de revenus importants, et ce, dans un contexte où la croissance économique est forte et le niveau d’emploi élevé. L’heure de l’État-providence est arrivée. Le changement ne sera ni dramatique ni soudain, mais il s’inscrira dans une logique claire, que James Rice et Michael Prince ont qualifié de gradualisme avec une direction (directed incrementalism)29.
25Le gouvernement fédéral commence avec le soutien du revenu, par le biais de transferts directs aux personnes. L’assurance-chômage est créée en 1940, les allocations familiales en 1944, et le Régime de sécurité de vieillesse en 1951. Pour l’assurance-chômage et les pensions, la jurisprudence est claire et elle force Ottawa à obtenir des amendements constitutionnels avant d’intervenir dans des domaines de compétence provinciale. Dans le cas des allocations familiales, par contre, le gouvernement fédéral invoque simplement son « pouvoir de dépenser » en offrant directement des chèques aux familles, chèques qui ne sont pas conditionnels et que, en principe, chacun peut refuser. En procédant rapidement, le gouvernement Mackenzie King place les provinces devant un fait accompli. Le gouvernement du Québec, en particulier, s’oppose mollement à un programme peu intrusif et de toute évidence populaire30.
26Ces trois programmes ont en commun de créer un lien direct entre le gouvernement fédéral et les citoyens et d’établir des assises universelles pour la protection sociale au Canada, en créant des droits sociaux potentiellement accessibles à tous les citoyens. Au départ, ces droits sont fortement circonscrits et plutôt limités, mais ils deviendront plus accessibles et plus généreux à la faveur d’une série de réformes fédérales, dans les années 1960 et 1970 notamment31. À la même époque, en 1957, les premières mesures de péréquation sont introduites, afin de permettre aux provinces moins riches d’offrir à leurs citoyens des services comparables à des niveaux de taxation semblables.
27Aussi dominant soit-il sur le plan des revenus et de la capacité administrative, le gouvernement fédéral ne peut guère aller plus loin sans la collaboration des provinces, puisque la protection sociale relève pour l’essentiel de leurs compétences. Un deuxième mode d’intervention se développe donc, les programmes à frais partagés. Introduit en 1912, mais peu utilisé au début, ce type de programmes se multiplie après la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit pour le gouvernement fédéral de s’engager à financer une partie des coûts de programmes encourus par les provinces (en général la moitié), à condition que celles-ci respectent des normes précises déterminées à Ottawa. De cette façon, le gouvernement fédéral intervient de manière décisive pour promouvoir la formation professionnelle et l’éducation postsecondaire, la santé publique et les services de santé, le développement urbain et rural, les services sociaux, et l’aide sociale. Souvent, ce sont les provinces qui prennent les premières initiatives, comme c’est le cas par exemple de la Saskatchewan avec l’assurance-hospitalisation et l’assurance-maladie. Mais c’est Ottawa qui favorise la diffusion de ces innovations et l’harmonisation des programmes en finançant le développement de mesures pancanadiennes assorties de normes fédérales.
28De 1940 aux années 1970, le gouvernement fédéral est donc dominant, à la fois sur le plan des revenus et de la définition des dépenses, et il impose un modèle intégré de protection sociale, dont les piliers sont des transferts plus ou moins universels aux personnes, des mesures de péréquation pour égaliser les conditions entre les provinces, et des programmes à frais partagés pour soutenir le développement de l’éducation postsecondaire, des soins de santé, des services sociaux et de l’aide sociale. On parle parfois de fédéralisme de collaboration pour décrire cette période, mais il faut bien voir que cette collaboration se fait sur la base de relations très inégales, dans une logique plus hiérarchique que fédérale. Le gouvernement du Québec s’oppose d’ailleurs constamment à cette orientation, pour maintenir son autonomie et préserver ses compétences.
29La situation commence à changer avec les années 1960. Au Québec, la Révolution tranquille et la modernisation de l’État donnent naissance à de nouvelles attentes. Plutôt que d’opposer une résistance passive aux intrusions fédérales, au nom du statu quo politique et social, le gouvernement du Québec définit son propre projet de transformation sociale, et demande la possibilité de se retirer avec compensation des programmes à frais partagés, dans le but de développer des politiques sociales répondant aux besoins spécifiques du Québec. Au début des années 1960, le gouvernement fédéral fait preuve d’ouverture à cet égard, et permet notamment au Québec de se retirer de certains programmes à frais partagés avec pleine compensation financière. C’est également à cette époque que le Québec crée la Régie des rentes du Québec, en parallèle au Régime de pensions du Canada. Cette ouverture atteint rapidement ses limites cependant, notamment avec l’arrivée au pouvoir de Pierre Elliott Trudeau, qui s’oppose à toute forme de statut particulier pour le Québec.
30Les principaux changements quant au financement et à la définition des programmes sociaux viendront un peu plus tard, de la conjonction entre une demande plus générale d’autonomie de la part des provinces et la volonté de désengagement financier du gouvernement fédéral. Alors même que les gouvernements provinciaux se modernisent et, on l’a vu en considérant les revenus, gagnent en autonomie, le gouvernement fédéral s’endette, dans un contexte de ralentissement économique, d’inflation et de montée rapide des dépenses sociales. Dans les circonstances, les programmes à frais partagés apparaissent de plus en plus comme une contrainte lourde et peu utile, qui réduit le contrôle des deux ordres de gouvernement sur l’évolution de leurs dépenses. En 1977, les gouvernements s’entendent pour remplacer presque tous les programmes à frais partagés (sauf le Régime d’assistance publique du Canada [RAPC], qui concerne l’aide sociale et les services sociaux, et un ensemble de petits programmes moins importants, dans des domaines comme le développement régional, les langues officielles, l’agriculture ou les transports) par un transfert en bloc, le Financement des programmes établis (FPE)32. Les provinces gagnent ainsi de la flexibilité, puisque la plupart des conditions tombent. Quant au gouvernement fédéral, il réduit son engagement, en cessant de lier automatiquement ses dépenses à celles des provinces. Sentant le besoin de maintenir son autorité et une certaine visibilité en la matière, le gouvernement fédéral adopte en 1984 la Loi canadienne sur la santé, qui impose de nouveau des normes aux provinces, sous peine de sanctions financières. En pratique, ces sanctions seront rarement appliquées33. Mais l’idée de « normes nationales » apparaît tout de même effective politiquement, et un certain équilibre semble préservé, permettant de maintenir les arrangements instaurés dans la période précédente. Il faut garder à l’esprit également que pendant ces années, de 1976 à 1992, l’attention des citoyens et des politiciens est ailleurs, toute tournée vers l’unité nationale et le débat constitutionnel. La période s’ouvre en effet avec la première élection du Parti québécois et elle se termine avec le référendum sur l’accord de Charlottetown.
31À l’ère du fédéralisme de collaboration, marquée par les transferts directs aux citoyens et les programmes à frais partagés (1940-1977), succède donc une période de transition, définie par des transferts en bloc et la mise en place de « normes nationales » (1977-1995). Les provinces gagnent alors en capacité et en autonomie. On parle d’ailleurs à l’époque de province-building. Le gouvernement fédéral conserve néanmoins un rôle important, par le biais des transferts directs aux citoyens, des programmes à frais partagés qui sont maintenus (dans l’aide sociale et les services sociaux notamment), et de transferts en bloc assortis de « normes nationales ».
32Peu de temps après l’élection des libéraux de Jean Chrétien en 1993, la nécessité de réduire le déficit des finances publiques s’impose. Devant faire face à des taux d’intérêt en hausse et à des pressions à la baisse sur le dollar, notamment après la crise du peso mexicain en décembre 1994, le nouveau gouvernement fédéral décide de faire du déficit une priorité34. En février 1995, le ministre des Finances Paul Martin présente un budget très important, tant par les coupes qu’il impose dans les dépenses fédérales que par la reconfiguration et la réduction majeures des transferts aux provinces qu’il annonce. Le FPE et le RAPC sont fusionnés dans un nouveau programme beaucoup moins généreux, le Transfert canadien pour la santé et les programmes sociaux (TCSPS). D’un seul coup, et avant même d’avoir établi des règles pour la croissance future ou la répartition de ce nouveau financement en bloc, le gouvernement fédéral réduit ses transferts aux provinces de 6 milliards de dollars. Ceux-ci passent de 18,5 milliards pour 1995-1996 à 12,5 milliards pour 1997-199835. Pour la période allant de 1994-1995 à 2001-2002, l’effet cumulatif de ces compressions budgétaires représente un manque à gagner de 36,9 milliards de dollars pour les provinces36. Pour le Québec, l’effet est encore plus prononcé, parce qu’à partir de 1999 les règles de répartition du TCSPS ne tiennent presque plus compte des besoins sociaux, ce qui pénalise davantage les provinces qui recevaient plus pour le RAPC. Très rapidement, le gouvernement fédéral atteint l’équilibre budgétaire, et il dégage même des surplus, qui deviendront de plus en plus importants. Ce redressement budgétaire, cependant, se fait « sur le dos des provinces », pour reprendre l’expression de l’économiste Thomas Courchene37.
33C’est là le paradoxe central de la période qui s’ouvre en 1995. En apparence, les provinces deviennent de plus en plus autonomes, puisqu’elles dépendent de moins en moins de transferts fédéraux et disposent de revenus autonomes croissants, qu'elles récoltent à peu près comme elles l’entendent. En même temps, les gouvernements provinciaux demeurent fortement contraints par des dépenses difficiles à contenir, en santé notamment, et ils peinent à maintenir l’équilibre budgétaire, alors même que le gouvernement fédéral réalise des surplus importants et peut se remettre à dépenser généreusement, tant dans les secteurs qui relèvent de ses compétences que dans des domaines de compétence provinciale. Avec le temps, le partage des revenus a bel et bien changé en faveur des provinces, mais pas suffisamment, compte tenu de l’évolution des coûts associés aux pouvoirs de chaque ordre de gouvernement. Comme le dit la formule, l’argent est à Ottawa, les besoins sont dans les provinces. Le déséquilibre fiscal est dorénavant au cœur des relations intergouvernementales.
enjeux
Il y a des matins où je veux leur donner de l’argent, puis le matin d’après je dis non. On verra ça au moment du budget.
Jean Chrétien, dans La Presse, 16 janvier 1999, p. B3.
34Le budget fédéral de février 1995 impose des compressions budgétaires draconiennes dans les transferts aux provinces, mais il annonce aussi une réforme majeure de l'assurance-chômage (renommée assurance-emploi). Cette réforme allait faire chuter le pourcentage de chômeurs ayant droit à des prestations, de 83 % en 1989 à 42 % en 1997, alors même que d’importants surplus étaient générés par le programme38. Pour les gouvernements provinciaux, la réforme a aussi eu des conséquences, puisqu’une partie des chômeurs non couverts doit recourir à l’aide sociale, qui relève des provinces39.
35Devant ce virage brusque des politiques fédérales, les gouvernements des provinces décident de se concerter, et mettent en place un processus conjoint de réflexion sur les programmes sociaux. Les provinces demandent notamment un plus grand respect de la division des pouvoirs dans la fédération, et la mise en place de mécanismes de décision conjointe et de règlement des différends afin de prévenir d’autres réformes fédérales unilatérales40. Le débat sur l’union sociale est lancé. Sarah Fortin traite plus longuement de la question ailleurs dans ce livre. Disons simplement que ce débat ne réglera rien. Signée sans l’accord du Québec, l’Entente sur l’union sociale de février 1999 n’instaure ni règles ni mécanismes véritablement efficaces et, dans les années qui suivent, elle ne bloque pas les décisions unilatérales du gouvernement fédéral. De fait, par la suite on l’évoque rarement et elle devient effectivement caduque41. Le débat se déplace plutôt vers le financement de la santé qui, lui aussi, se règle de façon plus ou moins unilatérale, parfois avec des offres « à prendre ou à laisser » du premier ministre42.
36C’est que le problème dépasse les mécanismes de décision ou même le financement de la santé, et concerne tout le partage des ressources dans la fédération. C’est le constat que fait le gouvernement du Québec en créant la Commission sur le déséquilibre fiscal au printemps 2001. Présidée par l’ancien ministre libéral du Revenu Yves Séguin, la Commission a pour mandat d’analyser les causes et les conséquences du déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et les provinces, et de proposer des solutions pour corriger la situation43. Bien qu’il ne soit pas possible de présenter ici tous les éléments du rapport de la Commission, il est utile d’en considérer les grandes lignes, en actualisant certaines données essentielles.
37Le premier défi de la Commission consistait à définir la notion de déséquilibre fiscal. Le concept, en effet, ne fait pas l’unanimité et il n’est pas simple à opérationnaliser. Il faut d’abord distinguer la notion de déséquilibre fiscal du concept courant en économie d’écart fiscal vertical. Un écart fiscal vertical est tout simplement un écart entre les revenus autonomes d’un gouvernement et ses dépenses effectives, écart qui est comblé par des transferts en provenance d’un autre gouvernement. En d’autres termes, l’écart fiscal vertical constitue une identité avec les transferts, quel que soit le niveau de ceux-ci. Simple à mesurer et normativement neutre, la notion d’écart fiscal vertical ne correspond pas vraiment à l’idée d’un déséquilibre fiscal, qui fait plutôt référence à un écart insatisfaisant, voire à un dysfonctionnement dans les finances de la fédération44. Pour rendre compte d’une telle situation, la Commission est partie du principe énoncé plus haut selon lequel dans une fédération chaque ordre de gouvernement devrait disposer de revenus autonomes suffisants pour assumer les dépenses relevant de ses compétences. Un écart fiscal vertical peut bien sûr exister, mais celui-ci ne doit pas être si important qu’il menace l’autonomie des entités fédérées. Autrement dit, il y a déséquilibre fiscal lorsque l’écart fiscal vertical est excessif. Le déséquilibre peut aussi se manifester par le caractère inadéquat ou conditionnel des transferts servant à combler cet écart. En somme, trois conditions sont nécessaires : pour que les finances d’une fédération soient équilibrées, l’écart fiscal vertical doit demeurer modeste, les transferts doivent corriger adéquatement cet écart, et ils ne doivent pas être conditionnels. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, il y a un déséquilibre fiscal.
38Le déséquilibre fiscal ne se mesure pas aisément, parce qu’il fait référence aux revenus et aux dépenses que les gouvernements devraient en principe avoir, compte tenu de la division des pouvoirs. Or, seul le processus politique peut déterminer le niveau exact des dépenses qu’une province devrait consacrer, par exemple, à la santé. Pour contourner ce problème, il faut considérer différents indicateurs qui nous informent sur l’équilibre budgétaire et l’évolution des revenus et des dépenses de chaque ordre de gouvernement, ainsi que sur l’évolution des transferts dans la fédération.
39Le plus frappant de ces indicateurs est certainement la projection des soldes budgétaires réalisée pour la Commission par le Conference Board du Canada. Le Graphique 10.1 présente cet indicateur, fort révélateur des tendances à l’œuvre.
GRAPHIQUE 10.1. Projections des soldes budgétaires du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, 2001-2002 à 2019-2020 (en milliards de dollars)

Source : Commission sur le déséquilibre fiscal45.
40Basées sur un scénario de statu quo de la politique fiscale et budgétaire et sur des hypothèses prudentes quant à l’évolution des dépenses, ces projections indiquent ce qui arriverait, toutes choses étant égales par ailleurs, si le partage des ressources actuel était maintenu. Le gouvernement fédéral dégagerait des surplus de plus en plus importants, alors que le gouvernement du Québec cumulerait les déficits budgétaires. Le Conference Board a obtenu des résultats semblables pour l’ensemble des provinces et territoires46. Des mises à jour récentes ont également confirmé la validité des conclusions initiales47.
41En réaction à ces projections, le gouvernement fédéral a soutenu qu’il était absurde de prétendre que les politiques publiques demeureraient inchangées pendant 20 ans. L’argument ne tient pas, évidemment, puisque le but de telles projections n’est pas de prédire le futur, mais de comprendre ce qui arriverait si justement rien ne changeait. Le ministère fédéral des Finances a d’ailleurs fait le même genre de projections en 2002, et il prédisait des surplus fédéraux encore plus importants que ceux déterminés par le Conference Board du Canada48. L’important, ici, ce sont moins les données exactes, qui sont forcément approximatives, que le caractère difficilement soutenable des tendances à l’œuvre.
42Les mêmes tendances s’observent d’ailleurs quand on considère le passé récent, c’est-à-dire la structure des revenus et des dépenses de chaque ordre de gouvernement depuis huit ans. Entre 1997 et 2005, le gouvernement fédéral a constamment dégagé des excédents budgétaires, tout en engageant de nouvelles dépenses, en réduisant les impôts, et en remboursant une partie de sa dette. Dans cette même période, les provinces ont en général eu des soldes négatifs ou très légèrement positifs, sauf pour l’Alberta, dont la situation est exceptionnelle49.
43Comment expliquer un tel déséquilibre entre les deux ordres de gouvernement ? Au chapitre des ressources, le gouvernement fédéral dispose d’un certain avantage parce qu’une part plus grande de ses revenus provient de l’impôt sur le revenu des particuliers, dont la croissance est plus rapide que celle d’autres assiettes fiscales50. Mais cet écart de croissance n’est pas énorme et il ne constitue pas la cause principale du déséquilibre fiscal51. Le problème se trouve plutôt du côté des dépenses, qui augmentent plus rapidement dans les provinces qu’à Ottawa, principalement parce que les responsabilités ne sont pas les mêmes. Comme le montre le Graphique 10.2, l’essentiel des dépenses de programmes du gouvernement fédéral provient de transferts, aux personnes et aux provinces notamment, alors que 75 % des dépenses de programmes du gouvernement du Québec sont consacrés à la prestation de services gouvernementaux.
GRAPHIQUE 10.2. Répartition des dépenses de programmes du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec, 2000-2001

Source : Commission sur le déséquilibre fiscal52
44À peu près le tiers des dépenses de programmes du gouvernement fédéral est constitué de transferts aux personnes, par le biais de la sécurité de la vieillesse (20 % en 2000-2001) et de l'assurance-emploi (10 %). Même avec le vieillissement prévu de la population, l'évolution de ces transferts ne pose pas de problème particulier pour le gouvernement fédéral. Les coûts de la sécurité de la vieillesse, notamment, n'augmenteront que modérément, parce que la venue à maturité du Régime de pension du Canada et du Régime de rentes du Québec et celle, complémentaire, de nombreux régimes de pension privés, ont déjà réduit les recours aux programmes fédéraux de sécurité du revenu, tout en assurant de bons résultats en termes de redistribution. De tous les pays de l'OCDE, le Canada est l'un de ceux dont les régimes de sécurité du revenu pour les retraités semblent les plus soutenables à moyen terme53. En ce qui concerne l’assurance-emploi, les réformes des dernières années ont beaucoup réduit les coûts et elles ont fait du programme une source de revenus – et non de dépenses – pour le gouvernement fédéral, au point d’inquiéter la vérificatrice générale. Celle-ci répète chaque année depuis 1999 que le gouvernement ne respecte pas « l’esprit de la Loi sur l'assurance-emploi » en réalisant des excédents non justifiés, pour atteindre un surplus cumulatif de 48 milliards de dollars en 200554.
45Quant aux transferts aux provinces, qui représentent environ 20 % des dépenses de programmes du gouvernement fédéral, on a déjà vu qu’ils ont été réduits de façon majeure à partir de 1995. Des améliorations ont été apportées ces dernières années, mais en termes réels, À peu près le tiers des dépenses de programmes du gouvernement fédéral est constitué de transferts aux personnes, par le biais de la sécurité de la vieillesse (20 % en 2000-2001) et de l’assurance-emploi (10 %). Même avec le vieillissement prévu de la population, l’évolution de ces transferts ne pose pas de problème particulier pour le gouvernement fédéral. Les coûts de la sécurité de la vieillesse, notamment, n’augmenteront que modérément, c’est-à-dire en pourcentage du produit intérieur brut, ces transferts demeuraient inférieurs en 2005-2006 à ce qu’ils étaient en 1993-1994, alors que les dépenses sociales des provinces ont beaucoup augmenté55. Ces transferts demeurent aussi largement à la discrétion du gouvernement fédéral, qui en contrôle donc bien l’évolution.
46Du côté des provinces, la situation est très différente. En 2005-2006, par exemple, le gouvernement du Québec consacrera presque 43 % de ses dépenses de programmes à la santé et aux services sociaux, et un autre 25 % à l’éducation, aux loisirs et aux sports56. Dans les deux cas, la demande de services est forte et le maintien et le développement des institutions et des systèmes imposent des coûts fixes sur lesquels le gouvernement a relativement peu de contrôle. En santé, notamment, les progrès de la médecine et les changements démographiques et sociaux font accroître les coûts, au Québec comme ailleurs au Canada et dans le monde. Entre 2003-2004 et 2005-2006, par exemple, les dépenses en santé du Québec ont augmenté de 5,2 %, comparativement à 2,8 % pour l’éducation, et 2,5 % pour les autres programmes gouvernementaux. Le budget 2006-2007 prévoit des hausses encore plus fortes pour la santé (6,3 %) et l’éducation (5,4 %), combinées à un gel des dépenses pour l’ensemble des autres portefeuilles (-0,2 %)57. À ceci s’ajoutent les frais du service de la dette, qui ont tendance à augmenter dans les provinces, alors qu’ils diminuent pour le gouvernement fédéral, dont les surplus rendent possible une réduction assez rapide de l’endettement58. Contrairement à ce que Jean Chrétien suggérait en 2002, ce n’est donc pas « parce qu’il y a eu une meilleure administration à Ottawa qu’ils n’en ont eu au cours des dernières années au Québec » que les situations financières des deux ordres de gouvernement sont différentes59. Les provinces font face à des dépenses dont la croissance est forte et inéluctable, ce qui n’est tout simplement pas le cas pour Ottawa. L’écart fiscal vertical entre les provinces et le gouvernement fédéral se creuse donc, au point de devenir difficilement soutenable.
47Les transferts ne corrigent pas adéquatement cet écart fiscal excessif. Alors même que les provinces faisaient face aux coûts croissants associés à l’exercice de leurs compétences, le gouvernement fédéral, qui ne subissait pas de telles pressions, coupait sévèrement dans ses transferts. En créant le TCSPS en 1995, Ottawa a aussi instauré un transfert discrétionnaire, dont la croissance n’était pas gouvernée par une formule établie, ni associée au développement des besoins. Insuffisants, les transferts fédéraux ont donc également été inadéquats.
48Jusqu’à récemment, il en allait différemment pour l’autre grand programme de transfert fédéral, la péréquation. Contrairement aux transferts sociaux, qui sont justifiés en évoquant le « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral, la péréquation est fondée constitutionnellement et relève explicitement des compétences fédérales. L’article 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 engage le gouvernement du Canada à « faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d’assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables60 ». Jusqu’en 2004, les paiements de péréquation étaient aussi gouvernés par une formule claire et transparente, quoique complexe. Le problème relevait alors des limites instaurées par le gouvernement fédéral pour plafonner les coûts du programme. En effet, le calcul des droits de péréquation se faisait en comparant la capacité fiscale d’une province non pas à celle des dix provinces, ce qui assurerait une redistribution fidèle aux objectifs énoncés dans la Constitution, mais plutôt à celle de cinq provinces dites représentatives (le Québec, l’Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique). En excluant l’Alberta du calcul, le gouvernement fédéral réduisait ses engagements, mais contredisait aussi la logique du programme. D’autres problèmes plus techniques se posaient aussi quant à la définition des assiettes fiscales, notamment en ce qui concerne le calcul des revenus des impôts fonciers. Toute solution au déséquilibre fiscal devait donc aussi prendre en compte les failles du programme de péréquation.
49Enfin, la Commission sur le déséquilibre fiscal s’est penchée sur le « pouvoir de dépenser » que le gouvernement fédéral évoque pour justifier ses interventions dans des domaines de compétence provinciale (par le biais de transferts aux personnes, de transferts conditionnels aux provinces, de dépenses directes, ou de dépenses fiscales). Notant que ce « pouvoir » ne figure ni dans les lois constitutionnelles ni dans la jurisprudence, la Commission soulignait les problèmes que pose pour les provinces l’utilisation d’un instrument dont la constitutionnalité n’est pas établie et qui contredit la division des pouvoirs à la base de la fédération canadienne. Dans les années récentes, une part importante de la marge de manœuvre acquise par le gouvernement fédéral a servi à intervenir, directement ou indirectement, dans des champs de compétence provinciale. Le discours fédéral n’en fait d’ailleurs pas un secret, en énonçant régulièrement des priorités qui relèvent des compétences provinciales, qu’il s’agisse de la santé, des services de garde, ou de l’éducation postsecondaire61.
50Les dernières années n’ont pas changé beaucoup la situation en ce qui concerne le déséquilibre fiscal. À certains égards, on peut même parler de reculs. Les transferts sociaux aux provinces, il est vrai, ont été bonifiés. C’est le cas, en particulier, pour la santé. En septembre 2004, le gouvernement de Paul Martin s’est engagé à hausser dès 2004-2005 et 2005-2006 sa contribution pour les soins de santé (maintenant comptabilisée de façon distincte, dans le Transfert canadien en matière de santé [TCS]), pour ensuite augmenter cette contribution de 6 % par année pendant dix ans62. Ces hausses, cependant, suivent à peine la progression des dépenses provinciales pour la santé, qui augmentent au taux moyen de 7 % depuis plusieurs années, et le gouvernement fédéral demeure libre de revenir sur cette décision dans les années qui viennent63. Par ailleurs, l’autre portion des transferts sociaux, qui s’appelle maintenant le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS) et qui a diminué beaucoup en raison de la priorité accordée à la santé, n’a pas fait l’objet d’un tel engagement64.
51La péréquation a subi une évolution un peu semblable. Depuis l’instauration de la norme des cinq provinces « représentatives », la valeur totale des paiements de péréquation avait graduellement diminué, passant de 1,17 % du produit intérieur brut en 1982 à 1,01 % en 2000. Si on avait maintenu la norme antérieure de dix provinces, ce déclin ne se serait pas produit65. À partir de 2000, le recul de la péréquation s’est encore accentué, pour atteindre un niveau de 0,8 % du PIB en 200566. Ce dernier recul, qui s’explique principalement par la faiblesse de la croissance économique en Ontario, a contribué à relancer les discussions sur le programme de péréquation67.
52En octobre 2004, le gouvernement de Paul Martin a annoncé un « nouveau cadre » pour la péréquation, qui bonifiait les droits à court terme, mais changeait aussi radicalement la nature du programme. Auparavant, tant la somme totale des droits de péréquation que leur répartition étaient déterminées par l’application d’une formule comparant les écarts de capacité fiscale entre les provinces. Avec le nouveau cadre, la somme totale était définie par la Chambre des communes et seule la répartition relevait de l’application d’une formule. À court terme, ceci pouvait sembler avantageux pour les provinces puisque le nouveau cadre s’accompagnait d’une hausse du niveau de la péréquation et d’un engagement à augmenter ce niveau de 3,5 % par année pendant dix ans (ce qui demeure tout de même inférieur aux hausses prévues des revenus fédéraux et du produit intérieur brut). Le nouveau cadre rendait cependant la péréquation plus discrétionnaire, en laissant les autorités fédérales libres de décider du montant total sans avoir à respecter une formule établie. En faisant du total des droits une somme fixe, ce cadre plaçait aussi les provinces en concurrence pour le partage d’une enveloppe fermée, les gains de l’une ne pouvant se faire qu’au détriment des autres68. Ces logiques de discrétion et de concurrence se sont d’ailleurs déjà manifestées par la signature d’ententes particulières permettant à Terre-Neuve et Labrador et à la Nouvelle-Écosse de soustraire leurs revenus pétroliers extracôtiers du calcul des droits de péréquation, et à la Saskatchewan et à la Colombie-Britannique de calculer leurs droits de péréquation sur une base différente, et plus avantageuse, que celle utilisée pour les autres provinces. Ces ententes particulières, qui permettent à certaines provinces d’éviter que l’on tienne compte de leur enrichissement, vont directement à l’encontre du principe à la base du programme69.
53Les changements récents aux programmes de transfert n’ont donc pas éliminé le déséquilibre fiscal. Au contraire, les arrangements financiers régissant les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces sont devenus encore plus discrétionnaires, laissant Ottawa à peu près libre de déterminer les sommes totales et les parts de chaque province. En parallèle, les écarts de revenus entre les provinces se sont accrus, au risque de créer aussi un déséquilibre fiscal horizontal. Les revenus des ressources naturelles, en particulier, engendrent des écarts importants entre les provinces. De janvier 1999 à septembre 2005, le prix du pétrole brut a plus que quadruplé, passant de 18 à 79 dollars canadiens le baril, et le prix du gaz naturel a aussi augmenté significativement70. Bien que d’autres provinces aient bénéficié de cette hausse (la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et Labrador), aucune n’en a profité autant que l’Alberta, qui à elle seule récolte environ 60 % de l’ensemble des revenus provinciaux sur les ressources71. Grâce à ces revenus, l’Alberta est la seule province à réaliser des surplus budgétaires importants et à avoir éliminé sa dette72. Toute réforme du partage des ressources dans la fédération doit tenir compte de cette évolution.
54Dans son rapport rendu public en mars 2002, la Commission sur le déséquilibre fiscal estimait qu’à court terme, les provinces avaient besoin de 8 milliards de dollars de revenus additionnels. Plutôt que de bonifier les transferts sociaux canadiens, qui demeurent discrétionnaires et sans liens avec les besoins sociaux distincts des provinces, la Commission recommandait de les abolir et de céder aux provinces l’espace fiscal nécessaire pour compenser cette abolition et combler le manque à gagner dont il est question dans le rapport. En comparant un réaménagement de l’impôt sur le revenu des particuliers et une réallocation des taxes à la consommation, la Commission concluait que la solution la plus simple, la plus stable et la plus adéquate, compte tenu des écarts de revenus entre les provinces, serait de céder à celles-ci la taxe sur les produits et services (TPS). Un tel réaménagement permettrait à la fois de réduire l’écart fiscal vertical à un niveau acceptable, d’éliminer des transferts sociaux inadéquats, et de restaurer l’autonomie des gouvernements provinciaux. La Commission recommandait aussi une réforme du programme de péréquation, afin notamment de revenir à la norme des dix provinces et de rétablir la logique du régime fiscal représentatif, en tenant compte de façon adéquate de toutes les sources de revenus et en éliminant les distorsions introduites par les ententes particulières. Enfin, la Commission réitérait l’opposition traditionnelle du Québec à l’utilisation par les autorités fédérales du « pouvoir de dépenser », pour faire indirectement ce que la Constitution ne permet pas de faire directement, et elle recommandait l’établissement de mécanismes plus ouverts et plus transparents de collaboration entre les gouvernements.
55Les réactions initiales du gouvernement fédéral ont été très négatives, celui-ci niant même l’existence d’un déséquilibre fiscal et arguant que les provinces avaient de toute façon accès à presque toutes les sources de revenus73. Un large consensus sur l’existence du problème s’est néanmoins établi, parmi les gouvernements provinciaux, les partis d’opposition à Ottawa et la plupart des experts canadiens, ainsi que dans l’opinion publique au Québec et au Canada. Le débat porte dorénavant sur les solutions. Le gouvernement de Stephen Harper, élu en janvier 2006, s’est engagé à résoudre le problème en collaboration avec les provinces et en lien avec les conclusions du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal créé par le Conseil de la fédération et du Groupe d’experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires mis sur pied par le gouvernement Martin. Les deux rapports étaient attendus pour le printemps 2006.
***
Les bons systèmes de taxation, comme les bons gouvernements, demandent des soins délicats, et une attention constante.
Richard Bird, Banque mondiale, 200074.
56Depuis le début des années 1990, les arrangements qui président au partage des ressources dans la fédération canadienne se sont détériorés. L’écart fiscal entre le gouvernement fédéral et les provinces est devenu trop important, les transferts sociaux ont été coupés abruptement, puis partiellement restaurés, mais de façon largement discrétionnaire, et le programme de péréquation est devenu plus arbitraire et moins efficace comme mécanisme de redistribution. Les symptômes du déséquilibre qui en résulte sont multiples. De 1999-2000 à 2004-2005, les dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral ont augmenté de 8,6 % par année, ce qui donne une croissance moyenne de 50 % par ministère75. Pendant les mêmes années, les dépenses de programmes du gouvernement du Québec augmentaient presque deux fois moins vite, pour une croissance totale de 25,9 %, et plus de la moitié de cette croissance était attribuable à la santé et aux services sociaux76. Le gouvernement fédéral a bonifié les transferts aux provinces, mais en pourcentage du PIB, ceux-ci n’ont pas retrouvé la valeur qu’ils avaient au milieu des années 1990. Dans plusieurs domaines de compétence provinciale – en éducation postsecondaire, dans les services sociaux et dans la sécurité du revenu pour les familles par exemple-, Ottawa a préféré introduire ses propres programmes de dépenses plutôt que d’améliorer les transferts77. Bref, alors que le gouvernement fédéral dépense généreusement et réduit rapidement sa dette, les gouvernements des provinces peinent à maintenir l’équilibre budgétaire, freinent les dépenses dans presque tous les domaines hormis la santé, et n’arrivent pas à diminuer leur endettement. En même temps, les écarts de revenus entre les provinces se creusent, et le programme de péréquation réussit de moins en moins bien à réaliser son objectif constitutionnel, qui est de permettre aux différentes provinces d’offrir des services comparables à des niveaux d’imposition semblables. Les relations intergouvernementales souffrent de ces déséquilibres et du caractère discrétionnaire des politiques fédérales. En l’absence de règles et d’orientations claires, la confiance s’effrite et la coopération cède souvent le pas à l’unilatéralisme et aux confrontations.
57Les principes énoncés au début de ce chapitre suggèrent trois conditions de réussite pour une réforme du partage des ressources dans la fédération canadienne. D’abord, la division des pouvoirs et l’autonomie des provinces doivent être respectées, ce qui suppose un nouveau partage des revenus, afin d’éviter un écart fiscal excessif. Ensuite, le besoin d’intégration économique et sociale, la recherche de l’efficience, et la volonté de préserver une certaine solidarité dans la fédération imposent une refondation du programme de péréquation, afin de renouer avec un programme qui dans le passé a reçu un appui presque inconditionnel de la part des citoyens canadiens, même parmi ceux qui habitaient les provinces les plus riches78. Enfin, la mise en place de règles stables, claires et transparentes devrait être privilégiée, afin de favoriser l’imputabilité, la prévisibilité et la coopération.
58Concrètement, une telle réforme pourrait se faire par la cession de la taxe sur les produits et services aux provinces. C’était là une des recommandations principales de la Commission sur le déséquilibre fiscal, et cette suggestion a été entérinée par différents experts au Québec et au Canada, ainsi que par le Conseil canadien des chefs d’entreprise79. D’autres avenues sont également envisageables. Un document de travail de l’Institut C. D. Howe, par exemple, suggère un réaménagement des assiettes fiscales touchant à la fois l’impôt sur le revenu et les taxes de vente80. L’idée d’améliorer tout simplement les transferts sociaux a également de nombreux partisans au Canada81. Du point de vue présenté ici, elle apparaît moins satisfaisante.
59En ce qui concerne la péréquation, un document rendu public en septembre 2003 par les ministres des Finances des provinces et des territoires proposait de revenir à la norme des dix provinces, d’inclure tous les revenus dans le calcul des droits et d’améliorer la collaboration entre les gouvernements82. Les consultations du Groupe fédéral d’experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires suggèrent qu’un assez large consensus existe déjà autour de telles propositions, qui se situent parfaitement dans l’esprit du programme original. Il ne faut cependant pas sous-estimer les difficultés inhérentes à toute réforme du programme. Les ententes particulières signées depuis quelques années ont créé des précédents qui seront probablement défendus par ceux qui en bénéficient, et elles ont également affaibli la légitimité générale de la péréquation, qui est maintenant contestée jusqu’en Ontario, une province traditionnellement favorable à des politiques généreuses de redistribution dans la fédération83. L’engagement de Stephen Harper à soustraire les revenus des ressources naturelles non renouvelables du calcul de la péréquation rend également plus difficile une réforme cohérente du programme. De la même façon, la remise en question du « pouvoir fédéral de dépenser » sera difficile, parce que les pratiques passées ont largement institutionnalisé ce pouvoir, qui demeure par ailleurs bien accepté, et souvent célébré, à l’extérieur du Québec.
60La rédaction de ce chapitre a été terminée peu de temps avant la présentation des conclusions du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération et du Groupe fédéral d’experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires. Ces deux rapports vont servir de base de discussion à un nouveau gouvernement conservateur qui s’est engagé à s’attaquer au déséquilibre fiscal. Il est trop tôt, évidemment, pour dire ce qui ressortira de ces discussions. On peut toutefois prévoir qu’elles seront difficiles et longues. Comme le suggère Richard Bird dans la citation en exergue de cette conclusion, dans une fédération ce genre de question n’est jamais entièrement résolu. Le changement économique et la vie politique font en sorte que les enjeux liés au partage des ressources doivent régulièrement être rediscutés. L’important n’est donc pas de trouver la solution définitive, qui reste inévitablement hors de portée, mais plutôt de demeurer ouvert à la discussion et à la négociation, et d’accepter que dans un État fédéral les arrangements financiers demandent une attention constante, et une capacité de reconnaître et d’accommoder différentes conceptions de la communauté politique et de la justice sociale.
Notes de bas de page
1 Jean Chrétien, Straight from the Heart, Toronto, McClelland and Stewart, 1985, p. 156 (traduction de l’auteur). Pour des raisons que j’ignore, cette phrase ne se trouve pas dans la version française des mémoires de Jean Chrétien. Voir Jean Chrétien, Dans la fosse aux lions, Montréal, Éditions de l’Homme, 1985, p. 171. Dans l’avant-propos, Chrétien note que les deux versions sont légèrement différentes.
2 Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay), Rapport de la Commission royale sur les problèmes constitutionnels, volume III, tome II, Québec, 1956, p. 204.
3 Maurice Croisat, Le fédéralisme dans les démocraties contemporaines, troisième édition, Paris, Montchrestien, 1999, p. 25.
4 Kenneth C. Wheare, Federal Government, 4e édition (1946), Londres, Oxford University Press, 1963, p. 93 (traduction de l’auteur).
5 Cet effet est cependant loin d’être clair. Voir Robin Boadway, « Recent Developments in the Economics of Federalism », dans Harvey Lazar (dir.), Canada : The State of the Federation 1999/2000 ; Toward a New Mission Statement for Canadian Fiscal Federalism, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2000, p. 65.
6 Ibid., p. 42-43 et 46.
7 Ibid., p. 74.
8 Keith Banting et Robin Boadway, « Defining the Sharing Community : The Federale Role in Health Care », dans Harvey Lazar et France St-Hilaire (dir.),Money, Politics and Health Care : Reconstructing the Federal-Provincial Relationship, Montréal et Kingston, Institute for Research on Public Policy et Institute of Intergovernmental Relations, 2004, p. 40.
9 Alain Noël, « Social Justice in Overlapping Sharing Communities », dans Sujit Choudhry, Jean-François Gaudreault-Desbiens et Lorne Sossin (dir.), Dilemmas of Solidarity : Rethinking Redistribution in the Canadian Federation, Toronto, University of Toronto Press, 2006 (à paraître).
10 Richard M. Bird, « On Measuring Fiscal Centralization and Fiscal Balance in Federal States », Environment and Planning C : Government and Policy, vol. 4, no 4,1986, p. 402.
11 Robert D. Ebel et Serdar Yilmaz, « Le concept de décentralisation fiscale et survol mondial », dans Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, Annexe 3 : Recueil des textes soumis au Symposium international sur le déséquilibre fiscal Québec, Commission sur le déséquilibre fiscal, 2002, p. 161, <www.desequilibrefiscal.gouv.qc.ca>.
12 Harvey Lazar, « Trust in Intergovernmental Fiscal Relations », dans Harvey Lazar (dir.), Canadian Fiscal Arrangements : What Works, What Might Work Better, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2005, p. 26-30.
13 Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels (Commission Tremblay), Rapport de la Commission royale sur les problèmes constitutionnels, volume II, Québec, 1956, p. 219.
14 John A. Macdonald, dans Janet Ajzenstat, Paul Romney, Ian Gentles et William D. Gairdner, Débats sur la fondation du Canada, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, p. 309-310.
15 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, Annexe 1 : Le déséquilibre fiscal au Canada : contexte historique, Québec, Commission sur le déséquilibre fiscal, 2002, p. 10, <www.desequilibrefiscal.gouv.qc.ca>.
16 Discours du député Lucien Cannon à l’Assemblée législative du Québec, 12 novembre 1913. Cité dans ibid., p. 12-13.
17 Ibid., p. 10.
18 Wilfrid Eggleston et C. T. Kraft, cités dans David P. Perry, Financing the Canadian Federation, 1867 to 1995 : Setting the Stage for Change, Canadian Tax Papers, no 102, Toronto, Canadian Tax Foundation, 1997, p. 7 (traduction de l’auteur).
19 Loi concernant une convention entre le gouvernement fédéral et la Province pour la suspension de certaines taxes en temps de guerre, S. Q. 1942, c. 27 ; citée dans Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, Annexe 1, p. 29.
20 Perry, Financing the Canadian Federation, 1867 to 1995, p. 38-44.
21 Ibid., p. 53 ; Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, Annexe 1, p. 31-33.
22 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, Annexe 1, p. 46-47.
23 Richard M. Bird et François Vaillancourt, « Changing with the Times : Success, Failure, and Inertia in Canadian Federal Arrangements, 1945-2002 », dans Jessica Wallack et T. N. Srinivasan (dir.), Federalism and Economic Reform : International Perspectives, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, p. 189-248 ; Karin Treff et David P. Perry, Finances of the Nation 200s : A Review of Expenditures and Revenues of the Federal, Provincial, and Local Governments of Canada, Toronto, Canadian Tax Foundation, 2006, p. 3.11, <www.ctf.ca/FN2005/CHAP03.pdf>.
24 Geoffrey Hale, The Politics of Taxation in Canada, Peterborough, Broadview Press, 2002, p. 324-336.
25 Calculs de l’auteur, d’après les données de Treff et Perry, Finances of the Nation 2005, p. B6.
26 Richard M. Bird et Duan-jie Chen, « Federal Finance and Fiscal Federalism : The Two Worlds of Canadian Public Finance », Canadian Public Administration, vol. 41, no 1, 1998, p. 67.
27 Treff et Perry, Finances of the Nation 2005, p. B6.
28 Keith Banting, « Canada : Nation-Building in a Federal Welfare State », dans Herbert Obinger, Stephan Leibfried et Francis G. Castles (dir.), Federalism and the Welfare State : New World and European Experiences, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 101.
29 James J. Rice et Michael J. Prince, Changing Politics of Canadian Social Policy, Toronto, University of Toronto Press, 2000, p. 66.
30 Banting, « Canada : Nation-Building in a Federal Welfare State », p. 106 ; Yves Vaillancourt, L’évolution des politiques sociales au Québec, 1940-1960, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1988, p. 380-381 ; Dennis Guest, The Emergence of Social Security in Canada, Vancouver, University of British Columbia Press, 1980, p. 132.
31 Rice et Prince, Changing Politics of Canadian Social Policy, p. 66-78.
32 François Vaillancourt, « Federal-Provincial Small Transfer Programs in Canada, 1957-1998 : Importance, Composition and Evaluation », dans Lazar (dir.), Canada : The State of the Federation 1999/2000, p. 189-212.
33 Colleen M. Flood et Sujit Choudhry, « Consolider les fondements : la modernisation de la Loi canadienne sur la santé », Étude no 13, Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, Ottawa, août 2002, p. 19-21, <www.hc-sc.gc.ca/francais/pdf/romanow/13_Flood_F.pdf>.
34 Edward Greenspon et Anthony Wilson-Smith, Double Vision : The Inside Story of the Liberals in Power, Toronto, Doubleday, 1996, p. 168-170 et 235-236.
35 Ibid., p. 238 ; Thomas J. Courchene, « Half-Way Home : Canada’s Remarkable Fiscal Turnaround and the Paul Martin Legacy », Policy Matters, vol. 3, no 8,2002, p. 23, <www.irpp.org>.
36 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport : Pour un nouveau partage des moyens financiers au Canada, Québec, Commission sur le déséquilibre fiscal, 2002, p. 91, <www.desequilibrefiscal.gouv.ca>.
37 Courchene, « Half-Way Home », p. 33.
38 Direction générale de la recherche appliquée, Politique stratégique, Analyse de la couverture assurée par le régime d’assurance-emploi, Document W-98-35F, Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, octobre 1998, p. 14, <www.n.hrsdc.gc.ca/fr/sm/ps/rhdcc/indexe.shtml>.
39 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, p. 52 ; Tom McIntosh et Gerard W. Boychuk, « Dis-Covered : EI, Social Assistance and the Growing Gap in Income Support for Unemployed Canadians », dans Tom Mclntosh (dir.), Federalism, Democracy and Labour Market Policy in Canada, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2000, p. 65-158.
40 Alain Noël, « Étude générale sur l’entente », dans Alain-G. Gagnon (dir.), L’union sociale canadienne sans le Québec, Montréal, Éditions Saint-Martin, 2000, p. 23-24.
41 Alain Noël, « Les prérogatives du pouvoir dans les relations intergouvernementales », Enjeux publics, vol. 2, no 6(f), novembre 2001, p. 12-14, <www.irpp.org>.
42 Alain Noël, France St-Hilaire et Sarah Fortin, « Learning from the SUFA Experience », dans Sarah Fortin, Alain Noël et France St-Hilaire (dir.), Forging the Canadian Social Union : SUFA and Beyond, Montréal, Institut de recherche sur les politiques publiques, 2003, p. 1-3.
43 Les autres membres de la Commission étaient Anne-Marie d’Amours, Renaud Lachance, Andrée Lajoie, Nicolas Marceau, Alain Noël, et Stéphane Saintonge. Le point de vue présenté dans ce chapitre n’est, évidemment, que celui de l’auteur.
44 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, p. 18. Voir aussi à ce sujet : Harvey Lazar, France St-Hilaire et Jean-François Tremblay, « Vertical Fiscal Imbalance : Myth or Reality ? », dans Harvey Lazar et France St-Hilaire (dir.), Money, Politics and Health Care : Reconstructing the Federal-Provincial Partnership, Montréal et Kingston, Institut de recherche sur les politiques publiques et Institute of Intergovernmental Relations, 2004, p. 151.
45 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, p. 21.
46 Conference Board du Canada, Projections des équilibres financiers des gouvernements du Canada et des provinces et territoires, Ottawa, Conference Board du Canada, juillet 2002, p. 33, <www.conferenceboard.ca>.
47 Conference Board du Canada, Projections des équilibres financiers des gouvernements du Canada et des provinces et territoires, Mise à jour, Ottawa, Conference Board du Canada, février 2004, p. 34 ; et août 2004, p. 32, <www.conferenceboard.ca>.
48 Alain Noël, « “A Report That Almost No One Has Discussed” : Early Responses to Quebec’s Commission on Fiscal Imbalance », dans Lazar (dir.), Canadian Fiscal Arrangements : What Works, What Might Work Better, p. 133.
49 France St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux : la nouvelle donne du fédéralisme canadien », Options politiques, vol. 26, no 8, octobre 2005, p. 28-29 <www.irpp.org>.
50 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, p. 59-61.
51 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 30 ; Comité permanent des finances, Rapport du sous-comité sur le déséquilibre fiscal : L’existence, l’ampleur et l’élimination du déséquilibre fiscal, Ottawa, Chambre des communes, juin 2005, p. 4, <www.parl.gc.ca/infocomdoc/38/1/parlbus/commbus/house/FINA/report/RP1914208//finarp13/finarp13-f.pdf>.
52 Commission sur le déséquilibre fiscal, Rapport, p. 33. Les dépenses de programmes n’incluent pas le service de la dette.
53 John Myles, « La maturation du système de revenu de retraite du Canada : niveaux de revenu, inégalité des revenus et faibles revenus chez les gens âgés », no de catalogue 11F00MPE no 147, Ottawa, Statistique Canada, mars 2000, p. 1-4, <www.statcan.ca> ; Gerard Boychuk, « The Canadian Social Model : The Logics of Policy Development », Research Report F36, Family Network, Ottawa, Canadian Policy Research Networks, janvier 2004, p. 13 et 29, <www.cprn.org>.
54 Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale à la Chambre des communes, Ottawa, novembre 2005, chapitre 8, p. 25, <www.oag-bvg.ca>.
55 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 34 ; Comité permanent des finances, Rapport du sous-comité sur le déséquilibre fiscal, p. 13.
56 Gouvernement du Québec, Budget 2006-2007 ; Plan budgétaire, Québec, Ministère des Finances, mars 2006, section 2, p. 27, <www.finances.gouv.qc.ca>.
57 Ibid., section 3, p. 21.
58 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 30.
59 Jean Chrétien, cité dans Jean-Robert Sansfaçon, « Cet homme qui nous méprise », Le Devoir, 11 octobre 2002, p. A8.
60 Loi constitutionnelle de 1982, article 36(2).
61 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 34 ; Comité de révision des programmes fédéraux, Volet 2 : Un siècle d’intrusions : les dépenses intrusives du gouvernement fédéral dans les champs de compétence du Québec et des provinces, Ottawa, Bloc québécois, mars 2004, p. 4 et 25-26, <www.bloc.org>.
62 Lors de la même rencontre, le gouvernement fédéral a aussi reconnu une très modeste asymétrie dans la fédération, en permettant au gouvernement du Québec de présenter ses propres indicateurs comparables sur les temps d’attente et les services de santé, une démarche qui de toute façon relève des compétences provinciales. Voir Alain Noël, « Déblocages ? », Options politiques, vol. 25, no 10, novembre 2004, p. 48, <www.irpp.org>.
63 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 32.
64 Luc Godbout et Karine Dumont, « Mettre cartes sur table pour résoudre le déséquilibre fiscal », Mémoire déposé au Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du Comité permanent des finances du gouvernement du Canada, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, Université de Sherbrooke, avril 2005, p. 26-27, <www.usherbrooke.ca/adm/recherche/chairefiscalite/publications/cahiers/>.
65 Alex S. MacNevin, The Canadian Federal-Provincial Equalization Regime : An Assessment, Canadian Tax Paper no 109, Toronto, Canadian Tax Foundation, 2004, p. 200 et 216 ; Ronald H. Neumann, « Submission to the Expert Panel on Equalization », Mémoire présenté au Groupe d’experts sur la péréquation et le financement des territoires, Ottawa, juillet 2005, p. 6, <www.eqtff-pfft.ca/francais/submissions.asp>.
66 J. Patrick Gannon, « Responses to the Key Questions on Equalization Raised by the Expert Panel on Equalization », Mémoire présenté au Groupe d’experts sur la péréquation et le financement des territoires, Ottawa, juillet 2005, p. 2, <www.eqtff-pfft.ca/francais/submissions.asp> ; Luc Godbout et Suzie St-Cerny, « La réforme fédérale proposée de la péréquation : le mauvais remède pour l’un des organes vitaux du fédéralisme fiscal canadien », Mémoire présenté au Groupe d’experts sur la péréquation et le financement des territoires, Ottawa, juillet 2005, p. 16, <www.eqtffpfft.ca/ffancais/submissions.asp>.
67 Groupe d’experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires, Examen du programme de péréquation et de la formule de financement des territoires : principales questions à examiner, Ottawa, 31 mars 2005, p. 15 <www.eqtffpfft.ca/francais/issuespapero.asp> ; Michael Smart, « Some Notes on Equalization Reform », Mémoire présenté au Groupe d’experts sur la péréquation et le financement des territoires, Ottawa, juillet 2005, p. 6, <www.eqtff-pfft.ca/francais/submissions.asp>.
68 Alain Noël, « De la formule à l’enveloppe », Options politiques, vol. 26, no 1, décembre 2004-janvier 2005, p. 67-68 <www.irpp.org> ; Godbout et St-Cerny, « La réforme fédérale proposée de la péréquation », p. 23-27.
69 Godbout et St-Cerny, « La réforme fédérale proposée de la péréquation », p. 27-29.
70 Les prix mentionnés sont ceux du pétrole léger de référence au Canada, le « Edmonton Par ». À la fin mars 2006, le prix était de 68 dollars le baril. Source : Division du pétrole, Ressources naturelles Canada, <www2.nrcan.gc.ca/es/erb/prb/francais> ; voir aussi Office national de l’énergie, « Données sur les prix de l’énergie à l’intention des Canadiens : pétrole brut et produits pétroliers ; mécanismes des marchés canadiens », <www.neb-one.gc.ca/energy/EnergyPricing/HowMarketsWork/CO_f. htm>.
71 André Plourde, « Natural Resource Revenues and Equalization : A Partial OverView of Selected Issues », Mémoire présenté au Groupe d’experts sur la péréquation et le financement des territoires, Ottawa, août 2005, p. 29, <www.eqtff-pfft.ca/francais/ submissions.asp> ; MacNevin, The Canadian Federal-Provincial Equalization Regime, p. 212-213.
72 Todd Hirsch, « Beyond Alberta’s Prosperity Dividend : A Western Accord to Pool Resource Wealth », Options politiques, vol. 26, no 8, octobre 2005, p. 46-47, <www.irpp.org>.
73 Noël, « “A Report That Almost No One Has Discussed” ».
74 Richard Bird, « Subnational Tax Competition », Topic Brief, World Bank, Washington (D. C.), 7 septembre 2000, <www.worldbank.org/publicsector/tax/taxcompetition.htm> (traduction de l’auteur).
75 Ce calcul exclut les dépenses militaires dont la croissance a cependant été semblable (7,2 % par année). William B. P. Robson, « Out of Control : Reining in Soaring Federal Spending is a Critical Task for the Next Parliament », E-Brief, Toronto, C. D. Howe Institute, 12 janvier 2006, p. 5, <www.cdhowe.org>.
76 Calculs de l’auteur. Source : Gouvernement du Québec, Budget de dépenses 2006-2007, vol. 4, Québec, Conseil du trésor, 2006, p. 101-103, <www.tresor.gouv.qc.ca>.
77 St-Hilaire, « Écarts et déséquilibres fiscaux », p. 34.
78 Noël, « Social Justice in Overlapping Sharing Communities ».
79 Conseil canadien des chefs d’entreprise, Du bronze à l’or : un plan de leadership canadien dans un monde en transformation, Ottawa, 21 février 2006, p. 23-25 <www.ceocouncil.ca> ; Godbout et Dumont, « Mettre cartes sur table pour résoudre le déséquilibre fiscal », p. 47-52 ; Michael Smart, « Federal Transfers : Principles, Practice, and Prospects », C. D. Howe Institute Working Paper, septembre 2005, <www.cdhowe.org>.
80 Les auteurs proposent une réduction de la TPS de7 % à5 %, telle qu'elle a été promis par le Parti conservateur. Finn Poschmann et Stephen Tapp, « Squeezing Gaps Shut : Responsible Reforms to Federal-Provincial Fiscal Relations », C. D. Howe Institute Commentary, no 225, décembre 2005, <www.cdhowe.org>.
81 Comité permanent des finances, Rapport du sous-comité sur le déséquilibre fiscal : L'existence, l’ampleur et l’élimination du déséquilibre fiscal ; Robin Boadway, « The Vertical Fiscal Gap : Conceptions and Misconceptions », dans Lazar (dir.), Canadian Fiscal Arrangements : What Works, What Might Work Better, p. 71-75 ; Thomas J. Courchene, « Pan-Canadian Provincialism — The New Federalism and the Old Constitution », Options politiques, vol. 25, no 10, novembre 2004, p. 20-28.
82 L’Ontario, qui était alors en campagne électorale, n’était pas représentée lors de cette réunion. Ministres des finances des provinces et des territoires, Renforcer le programme de péréquation, septembre 2003, <www.finances.gouv.qc.ca/fr/documents/publications/PDF/Perequation.pdf>.
83 Voir <www.strongontario.ca>.
Notes de fin
* Je remercie Alain-G. Gagnon et François Vaillancourt pour leurs commentaires et suggestions.
Auteur
Professeur titulaire au Département de science politique de l’Université de Montréal, ses recherches portent sur les politiques sociales et sur le fédéralisme en perspective comparée et, plus largement, sur la politique au Canada et au Québec. Parmi ses publications récentes, notons Labour Market Policy and Federalism : Comparing Different Governance and Employment Strategies (2004), Forging a Canadian Social Union : SUFA and Beyond (2003) et L’aide au conditionnel (2003). En 2001-2002, il était membre de la Commission sur le déséquilibre fiscal et, pendant l’année 2004-2005, professeur invité à l’Institut d’études politiques de Grenoble.
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