12. Structurer une émission d’information
p. 121-129
Texte intégral
1Deux options s’offrent pour produire une émission de radio : soit l’émission est diffusée en direct, soit elle est enregistrée à l’avance et, téléchargée dans le logiciel d’édition de la grille horaire de la station, elle sera diffusée à l’heure dite. Les nouvelles et les émissions d’actualités, en prise avec l’événement, seront produites en direct. De plus en plus, par ailleurs, les reportages des journalistes des bulletins de nouvelles sont également en direct. C’est-à-dire que, même si la nouvelle date de la veille, le reporter pourra fort bien être en conversation – sur le mode questions/réponses – avec le présentateur du bulletin de nouvelles, du moins pour les nouvelles principales, souvent les premières.
2D’autres éléments entrent aussi en jeu pour déterminer le mode de production d’une émission. L’heure de diffusion, par exemple. Une émission d’information hebdomadaire diffusée par une station de radio à 8 heures le dimanche matin rencontrera beaucoup d’obstacles si elle est en direct, notamment celui de convaincre les invités potentiels de se rendre sur place à ce moment-là ou même de se rendre disponibles au téléphone. Donc, en règle générale, les journalistes travailleront plutôt aux heures et aux jours ouvrables – au moment donc où tout le monde est facile à joindre, disponible, et où les principaux événements se produisent –, ils enregistreront également l’émission pendant la semaine et l’écouteront tranquillement chez eux au moment de sa diffusion.
3Certaines émissions sont aussi d’une très grande complexité technique, ce qui augmente proportionnellement le risque d’erreurs au moment d’une diffusion en direct. Beaucoup d’interventions, d’insertions sonores, d’ouvertures et de fermetures du micro de l’animateur… Tous ces éléments sont des facteurs de risque que l’on peut éliminer totalement en enregistrant l’émission d’avance et en se reprenant si l’erreur survient quand même. Certains diront qu’on élimine aussi une qualité importante de la diffusion en direct : la pression induite par le direct crée un son radio différent, plus soutenu, selon les uns, où l’on entend l’effervescence, selon les autres, et rend le son radio plus attrayant, plus vivant, plus convivial.
4Quoi qu’il en soit, les deux formules continuent de cohabiter harmonieusement dans les stations de radio importantes où l’on consacre du temps d’antenne à ces retours en profondeur sur l’actualité ou à des émissions spécialisées en information économique, par exemple, ou sur les sujets scientifiques. La manière de travailler, dans un cas comme dans l’autre, ne diffère pas beaucoup pour les journalistes radio. Plus de tension dans le direct, peut-être, mais plus d’indulgence aussi pour certains défauts ou certaines erreurs. Plus d’exigence pour les émissions enregistrées dont on est en droit d’attendre davantage en termes de qualité de production et de diffusion.
L’EXPRESSION ORALE
5Il n’y a pas à en douter, les exigences de la qualité de la langue parlée dans les médias ont diminué avec le temps. On ne s’attend plus à entendre à la radio des voix magnifiques à la diction idéale et au ton grave. Ce ton semblerait aujourd’hui bien affecté ou grandiloquent. On recherche plutôt maintenant une langue naturelle à la radio qui n’est plus le modèle de langue parlée qu’elle a longtemps été au Québec et au Canada francophone. La langue populaire a fait son entrée sur les ondes depuis déjà longtemps à la faveur, sans doute, de la remontée du niveau national d’estime de soi ! On a conséquemment cessé d’avoir presque honte de la langue parlée tous les jours et on lui fait de la place à la radio. Ce qui est une bonne chose : la radio exige une communication intimiste avec ses auditeurs. Cette intimité ne peut être bien rendue que par la langue parlée naturellement. C’est aussi pour cette raison qu’on cherchera à donner à des textes lus le ton de la conversation.
6Les accents régionaux ont aussi trouvé leur place. La radio nationale n’est plus le rouleau compresseur nivelant les accents régionaux et les régionalismes qu’elle a été à une autre époque.
7Néanmoins, certains observateurs considèrent que la radio est allée beaucoup trop loin, parfois, dans l’intimité. Contrairement à ce que certains animateurs de la radio semblent penser, le naturel n’empêche pas la correction dans la langue des médias. Certaines stations misent sur le langage outrancier ou même grossier de leurs animateurs pour mousser leur cote d’écoute. On peut souhaiter que cet engouement ne dure qu’un temps. Les ondes au Canada sont publiques et il est regrettable qu’on y impose une langue qui n’est pas admise par tout le monde.
8La correction du langage est d’autant plus importante que le champ d’action des stations de radio s’élargit bien au-delà de leurs propres frontières et de l’aire couverte par leurs transmetteurs. Il est possible, par exemple, d’écouter Radio-Canada en direct sur Internet partout dans le monde. Pour être compris d’un auditoire de plus en plus varié, il faut ajuster sa propre langue à celle en usage dans le monde francophone. Il faut s’adapter à un français international. C’est la seule manière d’être compris tant à Bamako, au Mali, qu’à Flin Flon au Manitoba. Cela n’exclut pas les régionalismes. Les journalistes de la radio belge continuent de dire l’an septante-huit ou nonante-neuf, par exemple, là où l’on dirait soixante-dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf. Peu importe que l’on parle d’un autobus ou d’un autocar, d’un week-end ou d’une fin de semaine. L’important est, comme toujours, de ne pas courir le risque d’être mal compris. Et puis qu’on se rappelle que faire des fautes de français en ondes fait perdre beaucoup de crédibilité au journaliste fautif. Pourquoi croire ce que dit quelqu’un qui le dit si mal ?
9Même si on cherche à reproduire à la radio une conversation naturelle, on peut cependant améliorer beaucoup d’éléments de sa propre expression orale avec l’objectif précis d’être compris clairement par le plus grand nombre à la première écoute et non pas dans le seul but d’impressionner son entourage.
10On peut d’abord placer sa voix, si cela s’avère nécessaire, comme on le fait dans le chant, c’est-à-dire que l’on peut donner à sa voix le registre et le timbre qui conviennent le mieux à sa propre tessiture. Une voix trop haut perchée ou au contraire caverneuse est souvent agaçante à la radio. Une voix bien placée est plus harmonieuse et permet de parler plus longtemps, plus efficacement et avec moins de fatigue. Il existe des trucs et des recettes pour placer sa voix, mais rien ne vaut là-dessus les conseils d’un expert, parce qu’on peut aussi se faire beaucoup de tort et perdre facilement ses élans naturels.
11Par ailleurs, on doit savoir que le français n’est pas une langue chantée ni très accentuée comme l’anglais peut l’être. C’est une langue dite plano dans laquelle toutes les syllabes – sauf celles se terminant par un « e » muet – ont la même importance. En radio, on veut éviter un ton ennuyeux. On cherche à faire preuve d’enthousiasme dans la manière de s’adresser au public. Pour y arriver, on accentuera certains mots un peu plus que dans une conversation ordinaire. Mais lorsqu’on veut accentuer des mots importants pour faciliter la compréhension d’un texte en français, on ne doit pas le faire de la même manière qu’en anglais. Malheureusement, on entend très fréquemment des journalistes ou animateurs attaquer un mot en insistant sur sa première syllabe comme on le fait généralement en anglais. Ce n’est pas l’accent tonique de la langue française. En français, on doit faire porter l’accent tonique sur la dernière syllabe sonore d’un mot. Celle qui précède le « e » muet s’il y en a un à la fin du mot. On peut la dire un peu plus fort ou l’étirer légèrement plus que les autres sans exagération. C’est ce qui s’appelle accentuer une syllabe.
12À l’inverse, certains jeunes journalistes craignent de dire un texte avec enthousiasme de peur de sembler manquer d’impartialité. Pourtant, on n’y échappe pas. Un texte dit sans enthousiasme est reçu sans intérêt. Il faut arriver à se convaincre que présenter les choses avec cœur pour rendre le propos intéressant ne signifie nullement prendre parti ou soutenir une cause. Si c’était le cas, les bons journalistes, ceux qu’on trouve les plus intéressants, soutiendraient sans discernement toutes les causes !
13Tous les mots d’une phrase doivent être bien compris, même le dernier. Pour y parvenir, on doit lutter contre la manière dont on a appris à lire à l’école primaire. Contrairement à ce qu’on nous a enseigné, à la radio, il ne faut jamais laisser tomber la voix à la fin des phrases. D’ailleurs, on ne le fait pas lorsqu’on parle normalement. Il faut soutenir sa voix sur le point final de la phrase comme si c’était plutôt trois points de suspension.
14Le débit avec lequel on donne un texte a aussi beaucoup d’importance. En fait, un débit trop rapide semble le fait de quelqu’un de nerveux ou de léger. Un débit trop lent sera perçu comme pompeux. L’idéal est d’avoir un débit adapté à la situation, aux circonstances dans lesquelles on se trouve. Si l’on décrit en direct un incendie qui est en cours, il y a de bonnes chances que le débit soit assez rapide. À l’inverse, si l’on décrit des funérailles, on s’attendra à entendre un débit plus lent, forcément un peu solennel.
15L’articulation correcte et complète des mots est aussi un élément que l’on gagne beaucoup à travailler. Des mots mal articulés sont difficiles à comprendre. Articuler un mot consiste à donner une sorte de préséance aux consonnes sur les voyelles. Les voyelles n’ont que le second rôle. Elles sont entraînées par leurs consonnes.
Truc De Pros
Pour éviter de laisser tomber les phrases avant la fin, sur le point final, on a intérêt à remplacer ce point par trois points de suspension qu’on nous a appris à lire sans laisser chuter la voix comme on le fait sur le point final. En remplaçant régulièrement ce point final, on prendra l’habitude de dire ses phrases jusqu’à la dernière syllabe et on gagnera beaucoup en dynamisme et en compréhension.
LA QUALITÉ RELATIONNELLE
16La radio, rappelons-le, est un média intimiste. Il faut séduire un public libre de faire autre chose que d’écouter. L’auditeur de la radio n’est jamais prisonnier du média sauf lorsqu’il est passionné par ce qu’il entend. Et c’est ce qu’on cherchera à provoquer : un intérêt intense.
17Une bonne présence, chaleureuse et humaine, est indispensable pour créer une relation de qualité entre l’auditeur et le journaliste radio. C’est à une seule personne à la fois que le journaliste doit donner l’impression de s’adresser, même si son public atteint plusieurs milliers d’auditeurs. On attend la spontanéité. L’auditeur est prêt à pardonner pas mal de bafouillage en échange de ce sentiment d’être l’unique personne qui soit à l’écoute, à côté de son récepteur radio.
18Il n’y a pas vraiment moyen de faire semblant. Ce qui fait la différence entre un journaliste qu’on aime et un autre qu’on aime moins repose généralement sur ses qualités humaines liées à ses capacités d’empathie. On sent que l’on a affaire à un être humain sensible, capable de se mettre à la place des autres et de rendre compte de ce qu’il a constaté.
19On a beau savoir et se dire que dans le travail que l’on fait on n’est pas là pour être aimé, il reste que dans les médias électroniques, on n’a pas beaucoup le choix : les auditeurs doivent croire le journaliste – ce qui s’obtient par son sérieux et sa rigueur –, mais ils doivent aussi éprouver un certain attrait pour lui – ce qui s’obtient par une forme de sympathie à son endroit.
20Ces qualités prennent encore plus d’importance lors du travail en studio. Le studio est un lieu clos, assez froid, difficile à rendre chaleureux. Il peut être très utile d’imaginer, avec le plus de réalisme possible, un personnage auquel s’adresser comme on le ferait d’une vraie personne en face de soi lorsqu’on est en studio et qu’on doit parler seul comme au moment de l’enregistrement d’une narration.
L’ANIMATION RADIOPHONIQUE
21La radio consacre l’existence de deux catégories d’animateurs : les animateurs des émissions d’information et les animateurs des émissions de services ou de divertissement. Leur manière de travailler n’est pas la même bien que les deux fonctions tendent à se confondre de plus en plus. L’animateur d’une émission d’information doit prioritairement se préoccuper des contenus d’information et le traitement qu’il en fera doit correspondre en tous points aux pratiques professionnelles de son organisation de presse.
22Le mode d’expression de l’animateur d’une émission de service ou de divertissement est axé, lui, sur la spontanéité. On compte sur son sens de la répartie, sur sa convivialité, sur son sens de l’humour. On l’espère joyeux, parfois débridé, toujours jovial. Il a le loisir de s’indigner et de s’émouvoir. C’est l’accompagnateur des auditeurs. Il est là, en somme, pour donner un spectacle radiophonique. Néanmoins, le traitement de ses invités doit correspondre aux exigences de la loi sur la radiodiffusion et, lorsqu’il traite de sujets d’actualité, on est en droit de s’attendre à ce qu’il utilise les outils des journalistes et qu’il réponde aux mêmes exigences de rigueur et d’impartialité. Cela n’empêche pas l’humour, mais faire rire ne peut pas être le seul objectif poursuivi.
23L’animateur d’une émission d’information a l’obligation de mettre les contenus en vedette. Il doit souvent présenter des sujets préparés par des collègues. On attend qu’il le fasse avec intelligence, équité et diligence.
LA FEUILLE DE ROUTE OU CONDUCTEUR
24La feuille de route (ou conducteur) de l’émission est un élément important de la mise en ondes. Elle permet à chaque membre de l’équipe de suivre le déroulement de l’enregistrement ou de la production en direct, de connaître son rôle et le moment de son intervention. La feuille de route détermine les gestes du technicien pendant la mise en ondes de l’émission : à quel moment il doit ouvrir les micros et les fermer, à quel moment il fait intervenir une insertion sonore ou musicale et les autres éléments de l’émission. La feuille de route illustre la source sonore de chaque élément de l’émission.
25Les feuilles de route sont aujourd’hui préparées à partir de logiciels et il s’agit, la plupart du temps, de remplir les cases d’un schéma prédéterminé surtout lorsque l’émission fait partie d’une série. On n’a alors qu’à reproduire le même schéma avec des éléments différents.
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