Conseillers et administrateurs au service des comtes de Flandre au bas Moyen Âge : intérêts économiques, ambitions politiques et sociales
p. 295-308
Texte intégral
Les comtes de Flandre : entre influence française et pression urbaine
1Une réflexion sur les moyens et les hommes que les comtes de Flandre avaient à leur disposition pour concrétiser leurs buts politiques et dynastiques, se doit de poser d’emblée les données fondamentales, caractéristiques, du comté de Flandre, celles qui ont déterminé son développement tout au long du bas Moyen Âge et qui ont délimité les ambitions des princes en question1. Qu’il s’agisse en effet des comtes de la maison d’Alsace (xiie siècle) ou de Dampierre (xiiie-xive siècles), des ducs Valois de Bourgogne, devenus comtes de Flandre en 1384, ou de leurs successeurs Habsbourgeois, comme comtes de Flandre, ils ont tous eu à tenir compte du lien vassalique et institutionnel qui unissait la Flandre à la couronne française (voir les recours auprès du Parlement de Paris ou la position flamande en matière de politique étrangère) et de la présence de contre-pouvoirs forts à l’intérieur du comté (voir les intérêts économiques et juridiques des villes flamandes).
2Paradoxalement la confrontation politique et militaire avec la France au début du xive siècle a eu pour conséquence, à travers plusieurs accords politiques et traités, de doter les comtes d’une fiscalité plus performante (le soi-disant « Transport de Flandre »), ce qui leur a permis par le biais d’un financement renouvelé de leur politique, de franchir un seuil important et d’augmenter considérablement leur capacité à agir2. Par contre, au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, l’inspiration par le modèle français devient plus explicite, conduisant, sous les ducs de Bourgogne, à une véritable introduction, délibérée et voulue, d’institutions à la française comme le Conseil juridique (Conseil de Flandre) et la Chambre des comptes3.
3Par ailleurs, les villes de Flandre, avec une forte concentration démographique sur un territoire restreint et une importance économique à l’échelle européenne, se faisaient les interprètes des intérêts commerciaux de leurs élites4. À cette fin elles utilisaient leurs atouts financiers considérables pour influencer, voire guider la politique centrale. En effet, depuis leur première manifestation collective, lors de la crise de succession qui secoua le comté dans les années 1127-1128, les villes intervenaient dans le choix d’un nouveau comte, en relayant les intérêts commerciaux de leurs élites, on l’a dit, et en invoquant la pression fiscale du comte comme raison de leur révolte5. Leur importance politique était basée essentiellement sur le fait que leurs subsides, sous la forme de prêts et d’aides, renforçaient dans une mesure toujours plus grande les revenus domaniaux des comtes, revenus devenus insuffisants pour combler les besoins6. Une estimation pour le règne de Marguerite de Constantinople (1244-1278) nous enseigne que les aides des cinq grandes villes (Gand, Bruges, Ypres, Douai et Lille) pouvaient atteindre au moins un quart du revenu total dont pouvait disposer la comtesse7.
4Cette proportion devint de plus en plus importante par la suite. S’y ajoutaient dès le premier quart du xive siècle les amendes et paiements dus à la suite des traités avec la France (Athis, 1305 et Pontoise, 1312), origine de la fiscalité nouvelle connue sous le nom de « Transport de Flandre8 ». Le poids des aides urbaines dans la totalité du budget comtal explique, à côté des questions purement politiques, voire juridiques, pourquoi le comte Guy de Dampierre (1278-1305) s’efforça tellement de placer les élites urbaines sous sa tutelle. Ce qu’il ne réussit que partiellement. De plus les comtes avaient besoin des élites urbaines afin de répondre à leurs besoins grandissants en matière de personnel qualifié. Cette mise sous tutelle devint dès lors une constante de la politique princière ; elle se développa au gré des relations souvent houleuses des comtes de Flandre (ducs de Bourgogne à partir de 1384) avec leurs sujets.
Les institutions centrales flamandes
5Le développement des institutions centrales, du xie au xive siècle, et spécialement la mutation de leur personnel mérite une attention particulière9. Au départ de la curia primitive, cette collectivité de nobles, de chevaliers et de clercs de la chapelle des xie-xiie siècles, on distinguait selon leurs activités la Chancellerie10, le Conseil et l’Hôtel11. Les cadres traditionnels, nobles, hommes d’église, chapelains, notaires, receveurs héréditaires du domaine ancien ont été dépassés par l’afflux de revenus domaniaux nouveaux, par la monétarisation de l’économie et par de nouvelles techniques de financement des besoins du pouvoir central. La mise à l’écart du prévôt de Saint-Donatien de Bruges — receveur héréditaire des revenus domaniaux — en 1226 ouvrait définitivement la voie à des clercs-administrateurs, ensuite à des laïcs, sans lien féodal avec le comte, amovibles et donc loyaux et motivés, décidés à conserver les faveurs de leur employeur. Issus des lignées patriciennes urbaines, ces technocrates siégeront comme membres à part entière du Conseil12.
6Les finances devenaient dès lors le moteur d’une dynamique de renforcement du pouvoir princier. L’installation de Philippe de Bourbourg comme premier receveur de toutes les finances en 1266, qui plus est premier fonctionnaire laïque, et l’expérience comptable des receveurs qui lui succédèrent — membres des établissements bancaires italiens, de la fin du xiiie siècle à 133613 — soutinrent le développement d’une cellule financière assez autonome au sein du service administratif. Les receveurs reçurent pouvoir d’instrumenter au nom du comte et de s’entourer d’un corps de collaborateurs propre14. Du poids du travail administratif issu de la nouvelle fiscalité (Transport de Flandre) au début du xive siècle et de l’afflux des amendes dues après la révolte de 1323-1328 émergea un service financier permanent et sédentaire au château de Male près de Bruges, placé sous la direction du receveur général des finances et fonctionnant indépendamment de la présence du prince. Déjà dans la troisième décennie du xive siècle l’on y rencontre un certain Pierre de Douai, occupant la fonction de « maître des comptes » et travaillant peut-être selon un schéma comparable à celui de son collègue dans les domaines français du comte Louis de Nevers15. La voie vers la reprise ultérieure de ces activités financières par la Chambre des comptes était toute tracée.
7Ces administrateurs se sont imposés parce qu’ils savaient manier l’argent, étaient experts en matière de comptabilité, avaient suivis — souvent avec l’aide financière de leurs villes d’origine — des cours de droit ou de philosophie à l’université, ou étaient simplement formés à l’intérieur des chancelleries urbaines16. Pour que ces hommes répondent favorablement à l’offre princière, il fallait que ce dernier leur concède, hormis le prestige social, la perspective d’une ascension sociale voire même d’un anoblissement, de quoi surmonter les oppositions, voire les hostilités du milieu urbain d’origine. Cette dualité d’affinités professionnelles et privées provoquera des tensions à l’intérieur des élites urbaines et dans l’administration centrale. Ambitions sociales tragiques parfois, comme celles de Simon de Mirabello, bourgeois de Gand, apparenté aux familles patriciennes gantoises, et marié en 1324 à Élisabeth, sœur bâtarde du comte Louis de Nevers. Receveur et conseiller du comte Louis et même gouverneur (ruwaard) de Flandre pendant les absences de celui-ci, il finit pourtant par choisir en 1338-1340 la défense des intérêts gantois contre son beau-frère17. Les rivalités politiques et sociales internes gantoises lui coûteront la vie en 1346. Son cas, et il ne fut pas le seul, illustre les dilemmes et les choix probablement déchirants qui ont dû être faits. Ils sont les preuves entre autres des connexions intimes existant entre les officiers du pouvoir central et les intérêts parfois opposés des élites urbaines dont ils faisaient partie.
8La Chancellerie n’échappa pas non plus à la « modernisation ». Dans les années 1330-1336, des décisions organisatrices et de portée fondamentale furent prises sous la direction du chancelier Guillaume d’Auxonne18. Mentionnons l’introduction de registres de chancellerie à partir de 1329/1330 et le remplacement dès 1331 des « notaires publics » par des « notaires du comte » laïques19. Pendant la deuxième moitié du xive siècle, les notaires feront place aux secrétaires, dont certains seront conseillers comtaux. La transformation du château de Rupelmonde en dépôt central d’archives dès 1336 avait été précédée par la rédaction planifiée d’une série de cartulaires. Guillaume associait ses qualités d’administrateur à celles de « bête politique », défenseur acharné de l’autorité comtale, inspirateur et rédacteur final des « mauvais privilèges » imposés aux villes soumises en 1328, mais loyal envers l’alliance avec la royauté française. Cette loyauté lui vaudra l’évêché de Cambrai entre 1336 et 1342 et celui d’Autun de 1342 à sa mort en 1344.
9Le Conseil a conservé un caractère quelque peu insaisissable, centre directeur de politique générale mais s’obligeant jusqu’à la fin du xive siècle au contact direct avec les administrés par le biais de l’instruction sur le terrain des dossiers à traiter. De composition variable, laissée au bon vouloir du prince, ses membres étaient recrutés par celui-ci parmi l’élite sociale et administrative du pays. Grâce aux mentions de témoins dans les actes de chancellerie, l’identification des personnes et la perception de leur diversification sociale et professionnelle deviennent possibles. Hormis les membres de la famille comtale, la haute noblesse flamande voyait ses compétences confinées aux cours de justice féodales. Par contre technicité et laïcisation faisaient leur grande entrée20. Théoriquement loyal et au-dessus de tout soupçon, le Conseil refléta plusieurs fois, dans sa composition, des tensions sociales ou politiques dans le comté. Sociales en 1127-1128 avec l’élimination sanglante de la famille des Erembalden, hauts dignitaires non libres et avides d’honneurs ; politiques et sociales pendant le deuxième quart du xive siècle avec la dominance d’un soi-disant « parti de Gand » composé de membres de la famille des vicomtes de Gand et de l’élite urbaine gantoise. Preuve de l’existence de solidarités, de factions politiques, de « cousinage » ou de clans familiaux à la cour comtale21. L’étude de ces solidarités dans leur continuité et surtout dans leur raison d’être au xive siècle reste à faire.
10Dans sa composition le Conseil reflétait à sa manière les exigences grandissantes de technicité et de spécialisation demandées à ses membres. Ici le rôle des légistes ne peut être sous-estimé puisque, à travers les nouvelles keures et privilèges, ils sapaient le droit coutumier en faveur de la justice et du pouvoir central, un long processus qui allait continuer sous les ducs de Bourgogne22. Sous leur influence, l’Audience, tribunal comtal, évoluait dans le sens d’une instance suprême d’appel en justice et d’arbitrage à l’encontre des juridictions subalternes et seigneuriales dont seul le pouvoir central profitait23.
11Être conseiller constituait une faveur, un honneur, une preuve de confiance de la part du prince. Ce n’était pas une fonction, même si certaines fonctions se doublaient du titre de conseiller, celle de receveur général, garde-sceau ou maître de l’hôtel notamment. Aucun acte de nomination de conseiller n’a d’ailleurs été retrouvé24. Le service du prince était en principe illimité : on recevait des gages à vie ou « jusqu’à notre rappel ». Des carrières de trente ans ou plus n’étaient pas exceptionnelles. Les fonctions avec connotation politique comportaient toutefois plus de risques « d’accident de parcours » que celles plutôt administratives dans l’hôtel, la chancellerie ou le service juridique25.
12Les avantages du service princier étaient recherchés : par la petite noblesse qui en retirait une ascension sociale et des revenus financiers non négligeables en période de crise ; par les clercs-ecclésiastiques qui, par faveur du comte, se faisaient octroyer prébendes et même titres épiscopaux26. En plus le prince n’oubliait pas ses serviteurs à la retraite ou malades. Étaient accordées rentes à vie (mêmes pour les veuves), compensations en cas de maladie ou d’accident, etc.27.
La dynastie des Valois de Bourgogne : l’administration « flamande » et l’État bourguignon
13La nouvelle dynastie des Valois-Bourgogne a beaucoup usé de la cour princière comme d’un moyen pour faire la démonstration de son pouvoir et finalement le légitimer. À côté de cette exaltation de la vie de cour et des vertus chevaleresques et autres qui s’y exprimaient, les ducs ont aussi utilisé la cour pour intégrer la noblesse traditionnelle, souvent frustrée par la montée en force des technocrates, et elle-même de provenance hétéroclite28. L’apogée provisoire de ce développement fut sans doute la création en 1430 de l’Ordre de la Toison d’Or, espèce de cour suprême pour noblesse de choix, supra-principautaire, concrétisant les aspirations étatiques et souveraines des ducs29.
14Par ailleurs, les princes bourguignons ont transformé l’environnement institutionnel de leurs sujets flamands. La présence physique même des ducs se faisait rare (Philippe le Hardi ne résida que 10 % de son règne en Flandre) et avec lui celle de l’organe principal de décision. Simultanément ils se sont investis dans un travail de base, en introduisant bon nombre d’institutions nouvelles ou en incorporant des traditions existantes dans une nouvelle institution. Comme le comté de Flandre fut leur tremplin dans les anciens Pays-Bas, les développements y sont de nature à nous donner des indications sur les stratégies poursuivies dans les autres principautés. La cour de justice suprême pour le comté, la chancellerie et la Chambre des comptes retiendront notre attention.
15Le sort de l’ancienne Audience comtale, organe de juridiction et de gestion encore largement ambulant, est très éloquent. À côté d’elle fonctionnait depuis 1386, date de son institutionnalisation, le Conseil de Flandre, spécialisé et sédentaire. Ce dernier a graduellement vidé l’Audience de ses compétences, de sorte qu’elle disparut, vers 1409. L’une des différences majeures entre ces deux institutions, si on pose le regard sur le personnel actif dans l’une et l’autre, réside dans le fait que l’Audience comtale ancien style se composait encore d’un grand nombre de conseillers nobles, nombre qui tendit à diminuer au profit de juristes et de fonctionnaires, tels les baillis et souverain-baillis, à l’intérieur du Conseil30. Dans le cadre d’une comparaison entre la composition du Conseil de Flandre en 1432 (date à laquelle l’État bourguignon se développa définitivement dans les Pays-Bas et où il fut confronté avec une vague d’importantes rébellions en Flandre) et celle de la même institution en 1467, moment où Charles le Téméraire prit en mains les affaires de l’État bourguignon, J. Dumolyn en est arrivé aux constats suivants31. En 1467 le Conseil n’est plus contesté et est bien intégré dans la vie politique du comté. L’un de ses traits saillants, en 1432 comme en 1467, est la prédominance de conseillers d’origine gantoise. Le Conseil siégeait à Gand bien sûr, mais il s’agissait surtout d’associer des membres de l’élite gantoise au fonctionnement des institutions ducales. À propos des études et spécialisations, à présent : une majorité écrasante de conseillers au Conseil de Flandre avait fait des études de droit — déjà en 1432, plus encore en 1467. Néanmoins cette spécialisation avait ses limites : des spécialistes de la pratique judiciaire, du droit coutumier, de l’administration et des finances étaient présents. En ce qui concerne l’origine sociale, l’on constate une évolution très nette. Le Conseil de Flandre sous les ducs de Bourgogne fut et devint toujours plus une institution dominée par les bourgeois, tendance plus nette encore en 1467 qu’en 1432. Après la grande vague de rébellions urbaines (Bruges 1438, Gand 1453), des représentants de la grande bourgeoisie urbaine vinrent renforcer les rangs des conseillers ducaux, où ils saisirent toute opportunité de faire carrière, tout en sauvegardant les intérêts de leur classe d’origine. Le parcours typique est celui de quelques grands pensionnaires d’une ville passée du côté du duc, tels Simon de Fourmelles, originaire de Gand, au début du xve siècle, ou son homologue du Franc de Bruges, Andry Colins dans les années quarante, ou encore maître Guillaume de Zadelare de Gand après 1438, ou l’Yprois Thierry Mond dans les années soixante. Une « trahison des clercs » qui n’était évidemment pas chose nouvelle : on en retrouve des exemples à foison au xive siècle. Toutefois, la pratique était tellement courante sous les ducs Valois de Bourgogne, que l’on doit y voir une politique délibérée. Non seulement le duc se dotait de conseillers compétents, mais, en les incorporant dans les cadres de sa construction politique, il réussissait également à affaiblir la position des opposants urbains.
16Parfois des parcours individuels bien documentés permettent de saisir sur le vif le processus de « séduction » des membres de la bourgeoisie urbaine par l’entrée au service du prince. On signalera tout particulièrement le dossier de la famille Tolvin, lignée de clercs relativement modestes de la ville de Gand, dont un représentant de la troisième génération, Henry II Tolvin, décida en 1416 de poursuivre sa carrière au service du prince32. En devenant watergraaf et receveur des « briefs de Pierre Masières » (deux offices parmi les plus importants dans l’administration domaniale), et renonçant à sa bourgeoisie gantoise, il s’inscrivit désormais dans la logique de l’appareil d’État bourguignon. La réussite sociale de ce choix ne se fit pas attendre, avec toujours plus de terres en dehors de la ville, des fondations religieuses, des mariages successifs qui l’introduisirent au sein d’autres familles faisant partie de l’administration ducale, une habitation somptueuse, des bâtards, un train de vie luxueux et discret. La recherche en cours devra confirmer ou non si ce processus est valable pour les autres officiers domaniaux (il semble à première vue qu’un groupe d’élite restreint y obéissait)33.
17Le chancelier de Bourgogne-Flandre, juriste de formation universitaire et premier conseiller, restait le véritable bras droit du prince34. Certains accédèrent à l’épiscopat (tels Jean Canard, chancelier de Philippe le Hardi à Arras, ou encore Jean de Thoisy, évêque de Tournai et chancelier de Philippe le Bon de 1419 à 1422), les autres furent incorporés dans la noblesse.
18Les deux chanceliers les plus influents, Jean Canard et Nicolas Rolin, furent choisis parmi des juristes liés au Parlement de Paris. Il est à remarquer qu’ils étaient tous, clercs et nobles, originaires de territoires francophones, de préférence de la Bourgogne elle-même. Le premier chancelier flamand portant le titre de chancelier de Bourgogne fut également le dernier : Jean le Sauvage (de Wilde) ne fut nommé qu’en 1515 après une brillante carrière au Conseil de Flandre et à la chancellerie de Brabant. Les chanceliers de Bourgogne dirigeaient avec le duc l’appareil de l’État dans un même contexte linguistique et culturel. Les mots utilisés par George Chastellain pour caractériser l’influence de Nicolas Rolin sur la politique du grand duc du Ponant se font étrangement l’écho de ce que Thomas Becquet avait déjà remarqué au xiie siècle à propos de Robert d’Aire, chancelier de Philippe d’Alsace : Cestui chancelier, soloit tout gouverner tout seul [...] de tout et en tout le duc s’attendoit à luy et sur luy comme principal.
19Quant à la Chambre des comptes, importée en Flandre en s’inspirant d’un modèle français, celle-ci a incorporé les institutions existantes, tels la « renenghelle », sans trop de heurts, tout en imposant au comté une façon d’organiser le contrôle et la mémoire administrative du pouvoir central. La Chambre des comptes de Lille s’occupera en effet des archives comtales, qui ont été rassemblées graduellement à Lille. Un des conseillers-maîtres de la Chambre portait le titre de « garde des chartes de Flandre ». Le premier, Thierry Gherbode, fut de ce fait responsable du premier inventaire des archives ducales en Flandre35. Rien de bien neuf en soi, une fois de plus : en 1336, le chancelier Guillaume d’Auxonne avait déjà fait dresser un inventaire des chartes du comté au moment où celles-ci se trouvaient encore au château de Rupelmonde. On ne souscrit donc plus guère aujourd’hui à l’opinion trop optimiste d’Henri Pirenne selon laquelle l’implantation des Chambres des comptes dans les Anciens Pays-Bas fut « le point de départ d’une ère nouvelle dans l’histoire constitutionnelle de la Belgique36 ». Le caractère sédentaire et la continuité administrative de la Chambre lilloise ont toutefois considérablement accru son influence. Si la première génération de maîtres de la Chambre fut bourguignonne, graduellement les Flamands prendront la relève et s’imposeront par la suite. Philippe le Hardi ne faisait que répéter le scénario suivi à Dijon lors de son avènement. En 1386 deux clercs faisant partie du personnel de la Chambre des comptes de Paris, Jean Cretet et Oudart de Trigny, reçurent mandat de reformer la Chambre dijonnaise, selon les coutumes en vogue à Paris37. Démarche somme toute peu surprenante de la part d’un duc qui préférait s’intituler dans ses actes publics filz du roy de France. La logique fut poussée à l’extrême quand par la suite un maître dijonnais et un maître parisien furent appelés à Lille pour y mettre sur pied la Chambre flamande38. D’autres membres de la dynastie bourguignonne, Antoine, fils puîné de Philippe le Hardi, en Brabant et Philippe le Bon à La Haye emprunteront le même chemin quand ils se décidèrent à ériger des Chambres de comptes dans les chefs-lieux des principautés39. À chaque occasion des maîtres flamands furent appelés pour mener à bien l’opération, parce que le duc leur faisait confiance bien sûr, mais également parce que, outre leur loyauté et leurs connaissances techniques, leurs capacités linguistiques les rendaient particulièrement utiles. Cette politique visant à rationaliser et à centraliser avait toutefois ses limites. Dans le contexte d’un « État » protéiforme, les particularismes régionaux contribuaient à freiner les tentatives de centralisation qui dépassaient les cadres traditionnels. Témoin, le soulagement qui apparaît dans les mémoires de la Chambre des comptes lilloise, quand, après le moment de crise de 1477, les maîtres furent autorisés à retourner à Lille, alors que la tentative du duc Charles le Téméraire de mettre sur pied à Malines une Chambre des comptes unifiée, compétente pour toutes ses possessions, venait de périr avec son auteur. Les embarras du déménagement et les effets pratiques d’une « délocalisation » avant la lettre empêchèrent les maîtres flamands de retrouver leurs pénates lillois avant juillet 147940.
20Chambre des comptes unifiée en matière financière, Parlement de Malines pour ce qui concerne la justice, les réformes de Charles le Téméraire ont donné naissance à un contre-courant que les historiens actuels, à la suite d’Henri Pirenne — même s’ils déclarent l’exact inverse de ce que celui-ci disait —, considèrent comme un grand moment dans le développement constitutionnel des anciens Pays-Bas : les Grands privilèges de Marie de Bourgogne de février 147741. Ceux-ci explicitent des sentiments de méfiance vis-à-vis de l’armée toujours grandissante de conseillers et de serviteurs ducaux : népotisme, corruption, trafic d’influences en tous genres motivent des plaintes à répétition. La réalité quotidienne et comptable démontre d’ailleurs à quel point les officiers furent impliqués dans des opérations de crédit avec le prince42. Mais l’on note également dans les privilèges de 1477 une méfiance à l’égard des conseillers « importés », comme les conseillers flamands en Hollande ou en Brabant. Les limites de la centralisation bureaucratique y sont clairement indiquées. Malgré l’utilité fonctionnelle qu’il y avait à faire appel à des conseillers familiers de la langue, avec une culture politique qui tient compte des revendications des élites urbaines, ce système trop dépendant des relations informelles avait ses limites43. Il se heurtait aux résistances anciennes, celles développées parmi les élites urbaines, à la fois vivier et opposition des conseillers princiers.
21Décrire la composition, le niveau de formation, le recrutement des officiers et conseillers est une chose. Les situer dans le champ des tension entre aspirations princières et intérêts des sujets en est une autre.
22Les relations entre sujets et officiers subalternes, conseillers, baillis et autres, qui souvent assuraient en première instance le lien entre le pouvoir et la population ne coulaient pas toujours de source. Déjà au xiiie siècle, les plaintes pour abus de pouvoir, de la part de conseillers et de baillis, avaient poussé les comtes à mettre sur pied des enquêtes. À partir de 1385 un contrôleur des offices de Flandre était chargé de vérifier la gestion des officiers et des agents du domaine ducal44. Mais l’enquête et le contrôle souffraient souvent des mêmes maux : népotisme et faiblesse structurelle de l’État bourguignon due à un manque de moyens. La plupart des enquêtes aboutissant pratiquement à un non-lieu ou à des amendes sans effet, on comprend mieux la réaction de mécontentement général exprimée en 1477 par les sujets. On ne se faisait plus guère d’illusions quant à l’efficacité d’un appareil administratif dont les membres profitaient pleinement de toutes les possibilités que leur offrait la multitude des statuts juridiques locaux et autres. Cependant, la réaction contre cet état de choses émanait du milieu auquel appartenait une partie des responsables visés : les représentants des groupes moyens et l’élite des villes, qui en avaient assez de voir leurs intérêts, commerciaux et autres, compromis par la cupidité des fonctionnaires et une justice imprévisible. Les privilèges de 1477 furent, plutôt que révolutionnaires, fondamentalement réformateurs. Mais leur effet immédiat se révéla tout relatif : dès son arrivée au pouvoir Maximilien d’Autriche s’efforça de gommer les conséquences de l’application des privilèges en démontrant à suffisance quelles étaient les priorités absolues de l’administration centrale : une gestion honnête et efficace et une justice équitable étaient subordonnées aux besoins financiers de l’autorité centrale45.
En guise de conclusion : le cas flamand, un modèle à exporter ?
23L’ancien comté de Flandre se caractérisait par la présence réelle d’une autorité centrale sans cesse en quête d’affirmation et d’un réseau urbain assuré de son pouvoir économique et financier et contre-pouvoir redoutable. De cette confrontation résulta un processus de développement institutionnel et bureaucratique typique.
24Tandis que la richesse des économies urbaines donnait à la fois du souffle à la résistance à la centralisation, elle offrait aux comtes, à long terme, par le biais d’une fiscalité toujours plus performante et d’une collaboration des élites urbaines, des moyens pour imposer leur autorité. Le rôle tenu par les conseillers et membres du personnel juridique, financier et domanial était crucial dans ce développement. Ce rôle suit dans les grandes lignes ce qui est connu : spécialisation, élargissement du nombre et des compétences, professionnalisation. La gestion privée et personnelle du comitatus évoluait vers une sorte de gouvernement public basé sur une administration impersonnelle. En fait, vers le milieu du xive siècle le prince manquait encore de compétence technique pour comprendre la plupart des affaires à traiter. De là la naissance de sections spécialisées à l’intérieur du gouvernement avec délégation de pouvoir.
25La précocité de la Flandre et sa position stratégique dans les Pays-Bas bourguignons ont fait que la situation flamande devint un modèle à exporter, au moins à imiter dans les autres possessions dans les Pays-Bas de la même dynastie. Les ducs s’appuyaient sur un personnel flamand, « bourgondisé », mais pourvu d’atouts techniques et spécifiques qui ont permis aux ducs d’imposer leur autorité à des régions dont la culture politique était très différente du monde français qui leur était familier.
26Néanmoins les réformes de Charles le Téméraire ont donné naissance à un contre-courant que les historiens actuels perçoivent comme un moment crucial dans le développement constitutionnel des anciens Pays-Bas : les Grands privilèges de Marie de Bourgogne de février 1477. S’y expriment des sentiments de méfiance vis-à-vis de l’armée croissante des conseillers et des serviteurs ducaux. L’époque marque ainsi les possibilités et les limites de la centralisation bureaucratique. À côté de la logique wéberienne, qui met l’accent sur des processus de professionnalisation, de spécialisation, une autre lecture reste possible : celle qui considère les officiers ducaux et autres comme les représentants d’une nouvelle classe dirigeante, profitant au maximum de sa position stratégique afin d’opérer une ascension sociale hors du commun. Que finalement des contre-courants se soient manifestés n’est pas surprenant, qu’ils aient trouvé leur origine parmi les élites urbaines, à la fois vivier et opposition des conseillers princiers non plus.
Notes de bas de page
1 Cet exposé est le fruit d’une collaboration entre les deux auteurs. Conseillers et administrateurs y sont traités comme acteurs et instruments dans le processus de formation d’un Etat centralisé. Ambitions du prince, de ses collaborateurs et de groupes de pression se sont croisées à l’ombre du pouvoir. Chaque auteur, partant de ces propres recherches, y a mis des accents différents mais avant tout complémentaires.
2 Sur ce développement qui démarre avec la cession temporaire (de 1312 à 1369) des trois châtellenies de la Flandre gallicante au roi de France, vient se greffer une pratique : les villes de la Flandre gallicante ont abandonné régulièrement au prince le quart du produit de leurs assises, proportion que les conseillers ducaux ont souhaité appliquer également dès 1384 à la Flandre flamingante. Les transferts de fonds sont parfois théoriques ou même douteux ; l’essentiel réside dans le fait que l’administration bourguignonne s’est fixée un but à atteindre, un rêve à poursuivre. Sur les multiples tentatives : M. Boone, Les ducs, les villes et l’argent des contribuables : le rêve d’un impôt princier permanent en Flandre à l’époque bourguignonne, Actes du colloque « L’Impôt au Moyen Âge. L'impôt public et le prélèvement seigneurial en France, fin XIIe-début XVIe siècle », éd. P. Contamine, J. Kerhervé, A. Rigaudière, Paris, 2002, sous presse.
3 En terme de répertoires récents et en langue française sur les institutions flamandes (pour la langue néerlandaise, voir infra), l’on se réfère pour la description des institutions et des sources qu’elles ont laissées derrière elles à R.-H. Bautier, J. Sornay, Les Sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge. Les états de la maison de Bourgogne, vol. 1, Archives des principautés territoriales, 2., Les principautés du Nord, Paris, 1984, p. 28-40, à compléter par une mise à jour parue dans le vol. 2, Archives des principautés territoriales, 1., Les principautés du Sud, 2. Les principautés du Nord (supplément), Paris, 2001, p. 729-738.
4 Voir les données et des références utiles à une littérature abondante chez W. Prevenier, J.-P. Sosson, M. Boone, Le réseau urbain en Flandre (xiiie-xixe siècle) ; composantes et dynamique, Actes du 15e colloque international « Le réseau urbain en Belgique dans une perspective historique (1350-1850). Une approche statistique et dynamique ». Spa, 4-6 sept. 1990, Bruxelles, 1992, p. 160-162.– Le Prince et le peuple. Images de la société du temps des ducs de Bourgogne 1384-1530, éd. W. Prevenier, Anvers, 1998, passim. Les petites villes de la Flandre ont enfin trouvé leur historien : P. Stabel, Dwarfs among giants. The flemish urban network in the late middle ages, Louvain-Apeldoom, 1997, passim et Id., De kleine stad in Vlaanderen. Bevolkingsdynamiek en economische functies van de kleine en secundaire stedelijke centra in het Gentse Kwartier (14de-16de eeuw), Bruxelles, 1995, passim (on y trouvera tous les éléments permettant d’élaborer une hiérarchie des petites villes).
5 Ainsi au cours de la révolte de la ville de Gand contre le nouveau comte Guillaume Cliton, imposé par le roi de France, les bourgeois définissent d’une façon nette leur point de vue : Ecce ! Patet quomodo mercatores et universae terrae Flandriae negotiatores obsessi sunt causa comitis istius quem vos in comitatum dignissimi patris Karoli subrogastis, et jam per annum istum consumpsimus substantias nostras, et insuper quidquid in tempore alio sumus lucrati aut iste comes abstulit : Galbert de Bruges, De multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum éd. J. Rider, Turnhout, 1994. Le mouvement vient d’être placé dans un contexte international, celui du mouvement communal, par K. Schulz, Denn sie lieben die Freiheit so sehr... Kommunale Aufstände und Entstehung des europäischen Bürgertums im Hochmittelalter, Darmstadt, 1992, p. 11-17,104-131.
6 Sur l’organisation financière du domaine des comtes de Flandre (la Flandre étant avec la Normandie une des principautés modernes en ce qui concerne la gestion et les techniques comptables), voir A. Verhulst, B. Lyon, Medieval Finance. A comparison of financial institutions in North-western Europe, Bruges, 1967, passim.
7 T. Luyckx, De grafelijke financiële bestuursinstellingen en het grafelijk patrimonium in Vlaanderen tijdens de regering van Margareta van Constantinopel (1244-1278), Bruxelles, 1961, p. 247-252, 256-257. Les aspects financiers du règne des comtes de la maison de Dampierre sont encore mal connus. Néanmoins nous disposons d’une étude concernant les receveurs généraux : E.E. Kittell, From Ad Hoc to Routine. A case study in Medieval Bureaucracy, Philadelphie, 1991, passim.
8 Les études de référence sont toujours celles de H. Van Werveke. Le lecteur intéressé les trouvera réunies dans Miscellanea Mediaevalia. Verspreide opstellen over economische en sociale geschiedenis van de middeleeuwen, Gand, 1968. Le même auteur a étudié les relations entre le comte et les échevins gantois dans De Gentsche stadsfinanciën in de middeleeuwen, Bruxelles, 1934, passim.
9 Pour un survol, voir W. Prevenier, Ambtenaren in stad en land in de Nederlanden. Socioprofessionele evoluties (veertiende tot de zestiende eeuw), Bijdragen en Mededelingen betreffende de Geschiedenis der Nederlanden, t. 87, 1972, p. 44-59.– T. de Hemptinne, M. Vandermaesen, De ambtenaren van de centrale administratie van het graafschap Vlaanderen van de 12e tot de 14e eeuw, Tijdschrift voor Geschiedenis, t. 93, 1980, p. 177-209.
10 T. de Hemptinne, De grafelijke kanselarij (1089-1385), De gewestelijke en lokale overheidsinstellingen in Vlaanderen tot 1795, éd. W. Prevenier, B. Augustyn, Bruxelles, 1997, p. 81-94.– M. Boone, Chancelier de Flandre et de Bourgogne (1385-1530), Les Institutions du gouvernement central des Pays-Bas habsbourgeois (1482-1795), éd. E. Aerts, M. Baelde et al, t. 1, Bruxelles, 1995, p. 209-225.– P. Cockshaw, Le Personnel de la Chancellerie de Bourgogne-Flandre sous les ducs de Bourgogne de la maison de Valois (1384-1477), Courtrai, 1982, p. 1-53.
11 Sur la Curia, le Conseil et l’Hôtel des comtes de Flandre-ducs de Bourgogne, voir M. Vandermaesen, K. Vandewoude, Het hof der graven van Vlaanderen en hertogen van Bourgondië (11de eeuw-1482), De gewestelijke en lokale overheidsinstellingen, p. 27-43.– M. Vandermaesen, Curia comitis en grafelijke en hertogelijke Raad (11de eeuw-1482), id., p. 44-63, dans les deux cas avec introduction aux sources archivistiques et bibliographie.– D. Heirbout, Over heren, vazallen en graven. Het persoonlijk leenrecht in Vlaanderen ca 1000-1305, Bruxelles, 1997. Pour la période bourguignonne voir e.a. les publications de U. Schwarzkopf, Zum hofischen Dienstrecht im 15. Jahrhundert : das Burgundische Beispiel, Festschrift für Hermann Heimpel, Gottingen, 1971.– W. Paravicini, The Court of the Dukes of Burgundy. A Model for Europe ?, Princes, patronage and the Nobility. The Court at the Beginning of the Modern Age, ca. 1450-1650, éd. R.G. Asch, A.M. Birke, Oxford, 1991, p. 69-102. Le même auteur a depuis développé un programme de recherche, la Prosopographia Burgundica, visant à mettre sur pied une banque de données électronique du personnel de la cour de Bourgogne, accompagné d’une édition systématique des ordonnances de l’hôtel des ducs (dans la revue Francia) ; voir la déclaration de programme (avec des chercheurs belges, néerlandais et allemands) dans Francia, t. 24, 1997, p. 147-148.
12 Deux études de cas : E.I. Strubbe, Egidius van Bredene (11..-1270), grafelijk ambtenaar en stichter van de abdij Spermalie, Bruges, 1942.– D.E. Queller, E. Kittell, Jakemon of Deinze, General Receiver of Flanders, 1292-1300 : A Study in Administrative History, Revue belge de Philologie et d’Histoire, t. 61, 1983, p. 286-321.
13 Voir P. Rogghé, Italianen te Gent in de XIVde eeuw. Een merkwaardig Florentijnsch hostellier-en makelaarsgeslacht : de Gualterotti, Bijdragen voor de Geschiedenis der Nederlanden, t. 1, 1946, p. 197-225.– Id., Simon de Mirabello in Vlaanderen, Appeltjes van het Meetjesland, t. 9, 1958, p. 5-55.– Id., Het Florentijnse geslacht Machet in Vlaanderen, Id., t. 16, 1965, p. 188-196. Concernant les Mirabello à compléter par D. Kusman, Jean de Mirabello dit van Haelen (ca 1280-1333). Haute finance et Lombards en Brabant dans le premier tiers du xive siècle, Revue belge de Philologie et d'Histoire, t. 77, 1999, p. 843-931 qui insiste sur le caractère inter-principautaire d’une famille comme les Mirabello, ayant des points d’appui en Flandre et en Brabant.
14 Kittell, From Ad Hoc to Routine, p. 87-95.
15 M. Vandermaesen, Art. Dowaai, Pieter van, Nationaal biografisch Woordenboek, t. 8, Bruxelles, 1979, col. 238-240.
16 Les chancelleries urbaines restent encore en grande partie inconnues ; un état de la question et un premier défrichement est offert par La Diplomatique urbaine en Europe au Moyen Âge. Actes du Congrès de la Commission internationale de Diplomatique, Gand 25-29 août 1998, éd. W. Prevenier, T. de Hemptinne, Louvain-Apeldoorn, 2000 (avec plusieurs contributions concernant les villes des anciens Pays-Bas).
17 Rogghé, Simon de Mirabello, passim.
18 Sur le personnage : M. Vandermaesen, Art. Auxonne, Guillaume d’, Nationaal biografisch Woordenboek, t. 8, Bruxelles, 1979, col. 8-14.
19 M. Vandermaesen, Het slot van Rupelmonde als centraal archiefdepot van het graafschap Vlaanderen (midden 13de-14de eeuw), Bulletin de la Commission royale d'Histoire, t. 136, 1970, p. 296-317.– Id., Het ontstaan van enkele « Cartularia van Vlaanderen » in 1336. De grafelijke kanselarij aan het werk, Actief in archief. Huldeboek Hilda Coppejans-Desmedt, Anvers, 1989, p. 147-153.– W. Prevenier, Kanselarijregisters als ambtelijk geheugen en als politiek instrument. Het register van de Vlaamse graaf Lodewijk van Nevers uit 1328-1338, Qui valet ingenio. Liber amicorum Johan Decavele, éd. J. De Zutter, L. Charles, A. Capiteyn, Gand, 1996, p. 417-429. Les notaires flamands sont encore mal connus. Pour ceux présents et actifs à Bruges nous disposons d’une étude : J.M. Murray, Notarial instruments in Flanders between 1280 and 1452, Bruxelles, 1995, p. 65-81 (concernant les notaires au service des comtes).
20 De Hemptinne, Vandermaesen, De ambtenaren, p. 192-198.
21 M. Vandermaesen, Een politieke factie in de grafelijke raad : « Le partie de Gand » in 1326, Album Carlos Wyffels, Bruxelles, 1987, p. 451-456.
22 J. Gillissen, Les légistes en Flandre au xiiie et xive siècle, Bulletin de la Commission royale pour la Publication des anciennes Lois et Ordonnances de Belgique, t. 15, 1939, p. 117-231.– J. Bartier, Légistes et gens de finances au xve siècle. Les conseillers des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et Charles le Téméraire, Bruxelles, 1950.– M. Boone, Les juristes et la construction de l’état bourguignon aux Pays-Bas. État de la question, pistes de recherches, Les Pays-Bas Bourguignons. Histoire et Institutions. Mélanges André Uyttebrouck, éd. J.-M. Duvosquel, J. Nazet et A. Vanrie, Bruxelles, 1996, p. 105-120.
23 Sur l’Audience, le travail de référence reste J. Buntinx, De Audiëntie van de graven van Vlaanderen. Studie over het centraal grafelijk gerecht (c. 1330-c. 1409), Bruxelles, 1949, passim.
24 Sur les lettres de retenue du comte Louis de Nevers, voir M. Vandermaesen, De besluitvorming in het graafschap Vlaanderen tijdens de veertiende eeuw. Bijdrage tot een politieke sociologie van de Raad en van de Raadsheren achter de fîguur van Lodewijk II van Nevers (1322-1346), t. 1, Bruxelles, 1999, p. 283-290.
25 De Hemptinne, Vandermaesen, De ambtenaren, p. 202-203.
26 Le point sur la noblesse flamande au bas Moyen Âge et les considérations d’ordre social (attrait de la fonction « publique » et autres) dans J. Dumolyn, F. Van Tricht, Adel en nobiliteringsprocessen in het laatmiddeleeuwse Vlaanderen : een status quaestionis, Bijdragen en Mededelingen betreffende de Geschiedenis der Nederlanden, t. 115, 2000, p. 197-222.
27 De Hemptinne, Vandermaesen, op. cit., p. 204-209.
28 Comme déjà noté (cf. supra) l’auteur qui a développé cette façon de voir est W. Paravicini, Expansion et intégration. La noblesse des Pays-Bas à la cour de Philippe le Bon, Bijdragen en Mededelingen betreffende de Geschiedenis der Nederlanden, t. 95, 1980, p. 298-314.
29 La littérature concernant l’Ordre de la Toison d’Or est abondante, un répertoire récent en donne les références essentielles et offre en même temps l’inventaire de ses membres pour le bas Moyen Âge : Les Chevaliers de l’Ordre de la Toison d’Or au XVe siècle. Notices biobibliographiques, éd. R. De Smedt, 2e éd., Francfort-Berlin-Berne-New York, 2000. Une étude illustrant la manière dont la noblesse supra-territoriale a fonctionné dans le contexte de l’État bourguignon (avec une attention particulière sur la noblesse flamande résidant en Flandre gallicante) nous est offerte par H. Cools, Mannen met macht. Edellieden en de Moderne Staat in de Bourgondisch-Habsburgse landen, ca 1475-ca 1530, Zutphen, 2001 : la cour, le Grand Conseil, la Toison d’Or, les fonctions de lieutenants et les commandements militaires sont les terrains d’action de prédilection de ce groupe restreint et très sélectif.
30 Sur l’Audience des comtes de la maison de Dampierre voir Buntinx, op. cit. ; nous disposons désormais d’une étude sur le Conseil de Flandre à l’époque bourguignonne : la thèse (encore inédite) de J. Dumolyn, Het hogere personeel van de hertogen van Bourgondië in het graafschap Vlaanderen (1419-1477), Université de Gand, 2000-2001 (dir. M. Boone).
31 J. Dumolyn, Les conseillers flamands au xve siècle : rentiers du pouvoir, courtiers du pouvoir, Powerbrokers in the late Middle Ages. Les courtiers du pouvoir au bas Moyen Age. Les Pays-Bas bourguignons dans un contexte européen, éd. R. Stein, Turnhout, 2001, p. 67-85.
32 Voir le destin de la famille Tolvin : M. Boone, De la ville à l’État : les Tolvins, clercs de la ville de Gand, serviteurs des ducs de Bourgogne, Secretum scriptorum. Liber Alumnorum Walter Prevenier, éd. W. Blockmans, M. Boone, T. de Hemptinne, Louvain-Apeldoom, 1999, p. 327-349.
33 Voir les recherches en cours de T. Soens, Évolution et gestion du domaine comtal en Flandre sous Louis de Male et Philippe le Hardi (1346-1404), Revue du Nord, t. 83, 2001, p. 25-63 (une étude plus prosopographique due au même auteur, relative au personnel domanial en Flandre à l’époque bourguignonne est sous presse dans la revue Francia).
34 Un aperçu des chanceliers de Flandre en titre : R. De Keyser, De proosten van het Sint-Donaaskapittel, ca 1350-ca 1450, Sint-Donaas en de voormalige Brugse katedraal, t. 2, Bruges, 1988, p. 31-60. Sur les chanceliers de Flandre-Bourgogne : Boone, Chancelier de Flandre et de Bourgogne, p. 209-225.
35 Sur la Chambre des comptes la littérature est également abondante. La dernière étude de fond (axée sur le personnel à l’époque bourguignonne) est la thèse inédite de J. Dumolyn (voir supra n. 30). En ce qui concerne les sources : Bautier, Sornay, Les Sources, p. 19 et s.
36 Voir l’évolution des opinions des générations passées d’historiens concernant la Chambre des comptes dans E. Aerts, Geschiedenis en archief van de Rekenkamers, Bruxelles, 1996, p. 89 et s.
37 B. Schnerb, L’activité de la Chambre des comptes de Dijon entre 1386 et 1404 d’après le premier registre de ses mémoriaux, La France des principautés. Les Chambres des comptes aux XIVe et XVe siècles. Actes du colloque de Moulins 1995, éd. P. Contamine, O. Mattéoni, Paris, 1996, p. 55.
38 M. Jean, Aux marges du royaume : la Chambre des comptes de Lille en 1477, La France des principautés. Les Chambres des comptes, p. 29.
39 Les Chambres des comptes peuvent être considérées comme le véritable pivot de l’administration bourguignonne, ne fut-ce parce qu’elles étaient les gardiennes de la mémoire vive de celle-ci et soutenaient donc en profondeur le travail d’unification des ducs. Voir R. Stein, Burgundian bureaucracy as a model for the Low Countries ? The Chambres des Comptes and the creation of an administrative unity, Powerbrokers in the late Middle Ages. Les Courtiers du pouvoir au bas Moyen Age, p. 7-11. Sur la Chambre à la Haye et son personnel, l’étude de référence est désormais : M. Damen, De staat van dienst. De gewestelijke ambtenaren van Holland en Zeeland in de Bourgondische periode (1425-1482), Hi1 versum, 2000, surtout p. 127-150.
40 Jean, Aux marges du royaume, p. 31-34.
41 Voir l’édition des textes et quelques commentaires : W.P. Blockmans, 1477. Le Privilège général et les privilèges régionaux de Marie de Bourgogne pour les Pays-Bas, Courtrai, 1985, passim.
42 Un aperçu chez M. Boone, J. Dumolyn, Officiers créditeurs des ducs de Bourgogne dans l’ancien comté de Flandre : aspects financiers, politiques et sociaux, Publication du Centre européen d'Études bourguignonnes (XIVe-XVIe siècles), no 39, 1999, p. 225-241.
43 Voir les thèses de M. Damen concernant la Hollande et de J. Dumolyn concernant la Flandre (cf. supra).
44 Le contrôleur de Flandre est encore mal connu, des données qui le concernent sont rassemblées dans M. Boone, Mon dit seigneur y a bien peu du sien : revenus domaniaux et relations sociales à travers les enquêtes concernant la gestion des moeres ducaux dans les Quatre-Métiers (1424-1425), Peasants and townsmen in medieval Europe. Studia in honorem Adriaan Verhulst, éd. J.-M. Duvosquel, E. Thoen, Gand, 1995, p. 587-588 ; M. Boone prépare une étude sur l’office du contrôleur.
45 L’exemple de ce qui se passait dans le comté de Hollande est très révélateur : M. Boone, H. Brand, De ondermijning van het Groot Privilege van Holland, Zeeland en West-Friesland volgens de instructie van 21 december 1477, Holland. Regionaal-historisch Tijdschrift, t. 24/1, 1992, p. 2-21.
Auteurs
Professeur à l’Université de Gand
Chef de travaux — Agrégé aux Archives de l’État à Bruges
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