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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Les dieux mentionnés dans les Hymnes, leur nombre et leur diversité Trois dieux majeurs dans l’ordonnance du panthéon Deux déesses liées aux dieux majeurs du recueil orphique : Déméter et Perséphone Les dieux associés aux divinités centrales Quelques autres groupes d’associations Notes de bas de page Notes de fin

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    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre II. Les croyances relatives aux dieux

    p. 251-325

    Texte intégral Les dieux mentionnés dans les Hymnes, leur nombre et leur diversité Trois dieux majeurs dans l’ordonnance du panthéon Le dieu Premier-né Zeus Dionysos Phanès, Zeus et Dionysos, trois formes d’un même dieu Deux déesses liées aux dieux majeurs du recueil orphique : Déméter et Perséphone Quelques observations sur Déméter Le rapt de Perséphone et la conduite de Déméter La déesse Perséphone Les dieux associés aux divinités centrales L’entourage de Déméter L’entourage de Dionysos L’entourage de Zeus Le dieu Pan Le Soleil, Hélios Le cas d’Héraclès Le cas d’Héphaistos Le cas d’Apollon Quelques autres groupes d’associations Autour d’Artémis Notes de bas de page Notes de fin

    Texte intégral

    Les dieux mentionnés dans les Hymnes, leur nombre et leur diversité

    1Dans notre premier chapitre, considérant les Hymnes de l’extérieur, nous avons tenté de cerner leurs traits formels les plus caractéristiques ; nous nous intéresserons maintenant à leur contenu. Comme nous l’avons constaté, ils ne sont pas narratifs : ils ne racontent aucun événement ; ajoutons qu’ils ne sont pas didactiques : ils n’exposent aucune doctrine, ne donnent clairement aucune leçon. D’une manière elliptique, souvent allusive, ils évoquent pourtant de multiples croyances relatives aux dieux, relatives aux hommes et à leur destin ; ils se réfèrent en outre à de nombreux rites. Il sont ainsi porteurs d’un enseignement implicite que nous tenterons de dégager. Écoutons d’abord ce qu’ils nous apprennent des dieux.

    2Les Hymnes célèbrent environ 70 divinités ; ils en mentionnent quelques autres ; elles semblent empruntées à des traditions si diverses que plusieurs auteurs ont refusé de voir en ce recueil l’expression d’une piété orphique. Ces auteurs imaginent en effet que l’orphisme se caractérise par le culte de dieux et l’adoption de mythes spécifiques. Il est vrai que plusieurs des fragments réunis par Kern racontent une cosmogonie différente des cosmogonies communes de la Grèce ; ils y font intervenir un dieu Premier-né, appelé de plusieurs noms ; ils lui associent trois dieux généralement helléniques, Zeus, Dionysos et Perséphone, en leur prêtant des aventures que les traditions les plus répandues semblent avoir ignorées. Les fragments attestent ainsi l’existence de croyances que nous avons lieu de tenir pour spécifiquement orphiques. Ils nous apprennent toutefois que l’orphisme ne se réduit pas à l’adoption de telles croyances. Ils mentionnent en effet plus de 90 divinités. La plupart d’entre elles appartiennent aux grandes traditions helléniques ; comme Attis, Bendis, Hipta, Méné ou Mithra, quelques-unes sont d’origine asiatique ; comme Isis ou Osiris, quelques autres, d’origine égyptienne. Si donc l’orphisme possède des croyances qui lui sont propres, il ne rejette pour autant ni les dieux traditionnels de la Grèce, ni ceux du Proche-Orient. Il les honore tous et les adopte à sa manière.

    3Le panthéon des Hymnes diffère peu de celui auquel les fragments se réfèrent, bien que ces fragments, de provenances très diverses, soient hétérogènes. Après une lecture superficielle des Hymnes, si nous considérons seulement le caractère que leurs noms suggèrent d’emblée à l’helléniste, nous pourrions classer les dieux cités dans les Hymnes de la façon suivante.

    1. Nous situerions dans une catégorie particulière le seul dieu généralement considéré comme orphique : Phanès ou Protogonos.
    2. Le groupe le plus important numériquement comprendrait les dieux connus des grandes traditions helléniques : dieux anciens, comme le Ciel, la Terre, Cronos, Rhéa, Océanos et les autres Titans ; dieux majeurs, comme Zeus, Pluton, Poseidon, Hestia, Héra, Déméter, comme Aphrodite et Éros, comme Athéna, Artémis et Apollon, Arès, Héphaistos, Hermès et Dionysos ; divinités mineures, redoutables ou bienfaisantes, comme Némésis, comme Hécate ou Eileithyia, comme la Mère des dieux, comme Héraclès, Asclépios, Adonis et Pan, comme Léto ou Sémélé, comme Nérée, Protée, Leucothéa et Palémon ; divinités collectives enfin, comme les Euménides, les Érinyes, les Courètes, comme les Muses, les Moires, les Charites et les Hôrai, les Nymphes et les Néréides.
    3. Nous situerions dans un troisième groupe, connues ou non des traditions dominantes, plusieurs divinités dont les noms portent un sens dans la langue commune ; comme le Soleil, la Lune et les Astres, l’Aurore, les Nuées ou les Vents, comme la Mer ou l’Éther, les unes sont des entités cosmiques ; comme la Santé, le Rêve, le Sommeil ou la Mort, comme la Mémoire et l’Oubli, comme l’Équité, la Justice ou la Loi, la Nature ou la Destinée, les autres semblent être des notions divinisées.
    4. Nous réunirions enfin dans un dernier groupe les divinités d’origine étrangère : la Mère Antaia, Hipta, Mélinoé et Misé. Nous leur adjoindrions Sabos, Isis et Méné que nous voyons mentionnés dans certains hymnes bien qu’aucun ne leur soit spécifiquement consacré, Attis et Mên, cités dans l’adresse à Musée.

    4Cette répartition grossière aurait le mérite de mettre en évidence la diversité des dieux mentionnés dans les Hymnes, diversité comparable à celle de dieux cités dans les fragments, mais elle souffre d’un défaut. Elle accorde une importance égale à toutes les divinités sans tenir compte de la hiérarchie que les Hymnes introduisent entre elles. Elle néglige les relations de ressemblance ou de parenté, les collaborations qui lient plusieurs d’entre elles ; elle ignore en outre un fait important : les Hymnes saisissent des homologies entre plusieurs divinités et, dans une large mesure, les assimilent les unes aux autres.

    5Les Hymnes, en effet, font un sort privilégié à quelques dieux, étroitement liés entre eux. Sept hymnes du recueil honorent directement Dionysos, sous quelqu’une de ses épiclèses. Aucune autre divinité ne reçoit l’hommage de chants aussi nombreux, mais il y a plus. Des relations mythiques unissent plusieurs dieux à Dionysos. Zeus l’a engendré ; Perséphone puis Sémélé l’ont porté dans leur sein ; Sabazios l’a cousu dans sa propre cuisse pour que l’embryon qu’il était encore puisse croître et parvenir à terme. D’autres divinités l’ont nourri dans le cours de son enfance tourmentée : Silène, les Nymphes, Hipta, Leucothéa ; le fils de cette dernière, Palémon, fut son frère de lait. D’une manière mystérieuse, Tyché est née de son sang. Il est un enfant, chéri des Nymphes et d’Aphrodite. Des relations cultuelles le lient en outre à plusieurs déesses. Les Nymphes ont révélé ses mystères ainsi que ceux de Perséphone ; Aphrodite est sa parèdre ; Déméter lui est associée ; forme féminine d’Iacchos, Misé est invoquée en même temps que lui. Signalées ici et là dans le recueil, ces relations sont telles que sur les 87 hymnes qu’il comprend, 22 se réfèrent explicitement à lui.

    6Un autre dieu, Zeus, est le destinataire de plusieurs hymnes : trois chants lui sont destinés sous son nom ; un quatrième l’honore explicitement sous l’appellation de Daimon. De nombreux hymnes mentionnent en outre les membres de sa parenté : son père, Cronos, et sa mère, Rhéa ; ses femmes ou ses amantes, Héra, Déméter, Léto, Thémis, Perséphone, Sémélé, Mnémosyne ; ses enfants, Perséphone, Dionysos, Athéna, Apollon, Artémis, les Hôrai, les Charites et les Muses. D’autres chants signalent les événements qui se sont déroulés chez les dieux, conformément à sa volonté. Il en résulte que, serait-ce brièvement, près de 30 hymnes se réfèrent au destin de Zeus d’une manière explicite.

    7Comme nous venons de le voir, Zeus est le père de Dionysos, l’une de ses mères est Perséphone. Or le destin de cette déesse est évoqué dans plusieurs chants. Elle fait l’objet d’un hymne entier ; onze autres se réfèrent à certains de ses mythes ou de ses cultes. Ils disent le mystère de son union avec Zeus, la procréation de Dionysos ; ils rappelent en outre son mariage avec Pluton. Ils la montrent enfin associée aux cultes d’Éleusis, comme à ceux de Dionysos. Si nous ajoutons que les Hymnes rapprochent le destin de plusieurs divinités étrangères de ceux de Perséphone et de sa mère, Déméter, nous constaterons que, loin de former un ensemble hétérogène, la plupart des divinités mentionnées dans les Hymnes se trouvent étroitement liées entre elles.

    8Elles s’ordonnent autour de quatre personnages centraux : Zeus, Déméter, Perséphone et Dionysos. Beaucoup moins nombreuses, les divinités qui ne leur sont pas clairement liées se répartissent en trois groupes :

    1. Les entités constitutives de l’univers, comme l’Éther ou les Nuages. Nous noterons qu’elles forment les parties d’un tout honoré sous le nom du dieu Pan ; or celui-ci reçoit le nom de Zeus, ainsi que nous le verrons.
    2. Des divinités « philosophiques », telle la Nature ou la Loi, produits d’une réflexion différente de celle qui trouve son expression dans le mythe. Nous constaterons toutefois que la réflexion conceptuelle et la réflexion mythique aboutissent en l’espèce à des résultats voisins.
    3. Quelques divinités étroitement spécialisées qui ne font l’objet d’aucun récit mythique et d’aucun raisonnement, mais dont la nature paraît immédiatement perceptible, comme les Vents, d’un côté, comme le Sommeil, le Rêve et la Mort, de l’autre.

    9Une autre observation s’impose à qui veut comprendre le panthéon des hymnes orphiques. Ceux-ci distinguent un grand nombre de dieux mais ils en identifient plusieurs les uns aux autres. Il n’assimilent pas seulement Artémis à Eileithyia, les Courètes aux Corybantes et aux Dioscures, les Nymphes aux Océanides. Ils font de Pluton un Zeus infernal. Ils suggèrent qu’Artémis et Hécate, qu’Adonis et Dionysos, que Rhéa et la Mère des dieux présentent des traits communs. D’une façon légèrement différente, ils identifient Téthys à la mer Thalassa, Héphaistos au Feu, Artémis à Tyché, la Destinée, et, bizarrement, Cronos à Prométhée. Ils font d’Apollon un Titan et l’assimilent à Pan ; ils font aussi un Titan d’Héraclès, qu’ils tiennent pour un dieu solaire ; ils font un Titan du Dieu-Soleil, Hélios et l’identifient à Hypérion. Davantage encore, ils l’appellent Zeus, comme ils donnent aussi le nom de Zeus à Pan. Une telle assimilation peut s’expliquer, si nous considérons qu’ils désignent en Zeus « le début et la fin de toutes choses ». Signalons enfin qu’ils identifient Dionysos, le dernier-né des dieux, au dieu Premier-né de la cosmogonie, Phanès Éricépaios.

    10Ainsi les Hymnes évoquent un grand nombre de dieux mais ils les situent dans une vaste ordonnance ; ils diminuent en outre la portée de cette multiplicité en jouant d’assimilations successives. Nous tenterons de dégager les grands traits de cette ordonnance ; nous étudierons ensuite le jeu des ressemblances et des assimilations pour essayer d’en reconnaître la règle et d’en percevoir la signification.

    Trois dieux majeurs dans l’ordonnance du panthéon

    11Comme nous venons de le dire, les Hymnes identifient le dieu Premier-né à Dionysos, le dernier venu des dieux. Ils font de Zeus « le début et la fin de toutes choses ». Allusivement, ils évoquent ainsi un système théologique dont le développement nous conduit de Protogonos, « le Premier-né », à l’enfant Dionysos, tout en situant Zeus dans une position médiane. Ce système, ils ne l’exposent pas d’une manière continue, mais ils mentionnent incidemment l’une ou l’autre de ses articulations en évoquant certains des dieux qu’ils célèbrent ; ils disent en effet les fonctions que ces dieux remplissent dans le monde, les rôles qu’ils ont joués dans le cours de son histoire, pour faire mieux connaître leurs différents pouvoirs. Nous collecterons les informations qu’ils nous fournissent ainsi, en considérant d’abord trois dieux majeurs.

    Le dieu Premier-né

    12Le recueil comprend un hymne consacré à Protogonos. Le nom de ce personnage est un adjectif substantifié dont le sens est transparent : il veut dire « le premier-né ». Dans une mythologie qui connaît de nombreuses familles divines, un tel nom pourrait convenir à plusieurs dieux, mais, dans la tradition orphique, il désigne précisément le premier-né de tous les dieux. Lactance écrit : Orpheus ... deum verum et magnum πρωτόγονος nominat, quod ante ipsum nihil sit genitum, sed ab ipso sint cuncta generata1. Nous le trouvons mentionné pour la première fois au ve siècle dans un fragment de l’Hypsipyle d’Euripide2 puis, au ive, dans le papyrus de Dervéni3 ; ce sont pourtant des textes orphiques postérieurs qui nous donnent à son sujet les informations les plus nombreuses4. L’hymne appelle Protogonos de plusieurs autres noms : Éricépaios, Phanès, Priape et Antaugès ; or trois de ces noms, Phanès, Éricépaios et Antaugès, figurent dans les fragments publiés par Kern, où nous les voyons aussi appliqués au dieu Premier-né5. Comme de tels noms sont rares, leur emploi suffit à situer notre hymne dans une tradition orphique, mais il y a plus. L’hymne évoque plusieurs traits du dieu et, serait-ce très brièvement, il se réfère à quelques-uns de ses mythes ; or il s’agit toujours de mythes attestés dans des documents orphiques avérés.

    13Il le dit ὠιογενής, « né d’un œuf ». Le poème orphique rattaché aux noms d’Hellanicos et d’Hiéronymos raconte comment Chronos, « le Temps », produisit dans le Chaos un œuf immense où se forma le Premier-né ; le principal des poèmes orphiques cités par les commentateurs néoplatoniciens, « le Discours sacré en vingt-quatre Rhapsodies », parle de cet œuf primordial6. L’hymne fait du Protogonos un dieu ailé ; il le montre « fier de ses ailes d’or », « emporté partout à travers le monde au battement de ses ailes ». Ces indications trouvent leur pendant dans plusieurs fragments orphiques connus7. Un vers cité par le néoplatonicien Hermias dit précisément :

    χρυσείαις πτερύγεσσι φορεύμενος ἔνθα ϰαὶ ἔνθα,
    Emporté ici et là sur ses ailes d’or8.

    14À cette créature ailée, l’hymne prête étrangement une voix de taureau ; plusieurs textes orphiques rendent compte de ce paradoxe. D’après Hiéronymos et Hellanicos, être sans corps, Protogonos a des ailes d’or partant de ses épaules ; il porte sur ses flancs des têtes adventices de taureau et, sur le crâne, un dragon monstrueux, capable de revêtir toutes sortes de formes animales9. Un commentateur des Rhapsodies explique : « le théologien façonne un être vivant parfaitement complet, en le dotant sur ses divers côtés de têtes de bélier, de taureau, de lion et de serpent »10. Le Protogonos ailé possède donc des organes taurins. Les fragments n’évoquent pas seulement l’image de cet être prodigieux ; comme l’hymne, ils parlent aussi de sa voix : il pousse « des cris de taureau et de lion11.

    15La plénitude du Vivant complet fait de lui la source de toute vie12. L’hymne l’appelle : γένεσιν μαϰάρων θνητῶν τ’ ἀνθρώπων, « principe générateur des dieux et des hommes mortels ». De même, les commentateurs des textes rhapsodiques désignent en lui l’ ἔφορον ... τῆς ζωιογόνου δυνάμεως, « le maître de la puissance génératrice de la vie »13. Quelques vers des Rhapsodies évoquent « la divinité vénérable, Mètis, qui porte l’illustre semence des dieux et que, sur l’Olympe, les dieux appellent Phanès Protogonos »14. Une telle fécondité trouve son expression symbolique dans une sexualité puissante que deux images signifient. Voici la première : le dieu Premier-né possède deux sexes, il est à la fois masculin et féminin. Ce trait est clairement affirmé dans la tradition d’Hiéronymos et d’Hellanicos ; Proclus a lu le vers suivant dans les Rhapsodies :

    θῆλυς ϰαὶ γενέτωρ ϰρατερòς Ἠριϰεπαῖος
    Il est féminin et géniteur, le puissant Éricépaios15.

    16Comme Kern le suggérait déjà, une épithète qui qualifie Protogonos dans notre hymne et dans les Argonautiques d’Orphée16, l’adjectif διφυής, « doté d’une double nature », évoque probablement cette bisexualité. Une seconde image suggère la fécondité de l’ être originel : les Rhapsodies nous apprennent qu’il a un sexe bien accusé, visible sous son arrière train17. À sa façon, l’hymne nous apporte la même information : il donne à Protogonos le nom de Priape ; or nous savons que, selon plusieurs traditions, Priape est un dieu de la fécondité, que l’on évoque doté d’un sexe volumineux, en érection constante.

    17Les images symbolisant la fécondité du premier générateur, source de vie, se réfèrent à son antique activité cosmogonique. Les fragments orphiques décrivent cette activité de plusieurs façons — apparemment contradictoires — usant alternativement de différents procédés pour suggérer un événement dont la nature profonde est inaccessible à la compréhension des mortels. Le Premier-né, disent-ils, porte d’emblée en lui la semence de tout ce qui existera ; comme tel, il est le principe de toute génération18 ; uni à un être féminin, il engendre et devient père19 ; il façonne les réalités cosmiques à la manière d’un artisan20 ; surgissant de l’œuf primordial comme une lumière éblouissante, il fait apparaître tout ce qui était enveloppé dans l’obscurité primordiale21. Dans l’hymne, les symboles sexuels que nous avons signalés se réfèrent à une création représentée sous la forme d’une procréation ; l’hymne n ‘ ignore pourtant pas les autres modalités du mythe cosmogonique ; nous savons déjà qu’il désigne dans le Protogonos « un principe générateur » ; il évoque en outre le dieu porteur de lumière, qui paraît et fait paraître :

    Toi qui as dissipé la brume obscure qui faisait obstacle à la vision,
    entraîné partout à travers le monde par le battement de tes ailes,
    portant un pur flambeau lumineux ; c’ est pourquoi je t’appelle Phanès.

    18Précisons ici que les mots « la brume obscure », σϰοτόεσσαν ὀμίχλην, apparaissent dans un texte orphique connu de Proclus ; en évoquant l’état précosmogonique, celui-ci écrit : « toutes choses se trouvaient indistinctes dans la brume obscure »22. Ajoutons que la formule « c’est pourquoi je t’appelle Phanès » est l’expression d’un raisonnement étymologique aisément intelligible, rattachant le nom divin à la racine du verbe φαίνω, φαίνομαι, « apparaître ou briller, éclairer ou faire paraître ». Ce raisonnement trouve son énoncé dans plusieurs textes orphiques, notamment dans un fragment cité par Clément d’Alexandrie qui se réfère à Apion : « Orphée l’appelle Phanès, parce que tout fut brillamment éclairé par lui »23.

    19En bref, le sujet de l’hymne de Protogonos, toutes les images qu’il met en œuvre, procèdent directement de la tradition orphique. Il en est solidaire à tel point qu’il reste largement inintelligible à qui ne saurait rien de cette tradition. Pour qui la connaît, les formules ramassées dont il joue évoquent d’une manière saisissante le dieu Premier-né, issu d’un œuf, et qui, surgissant comme une lumière éblouissante dans l’obscurité originelle, confère son existence au monde.

    20En évoquant les dieux qu’ils honorent, les Hymnes parlent peu d’événements aussi lointains ; prononcés dans l’accomplissement d’une liturgie utile aux hommes d’aujourd’hui, ils attirent surtout l’attention sur les pouvoirs que ces dieux exercent dans le monde présent. L’hymne consacré au Protogonos, lui, se réfère exclusivement à des événements cosmogoniques. C’est que ce personnage mystérieux y a joué un rôle de premier plan ; c ‘ est aussi que, sous sa forme originelle, il ne remplit plus de fonction précise. Son être se trouve assimilé dans la personne d’autres grands dieux qui poursuivent et parachèvent son œuvre et dont l’action est aujourd’hui plus immédiatement perceptible. D’autres hymnes nous le montreront, en usant de formules elliptiques dont, seule, la considération d’une vaste littérature orphique nous permettra de mesurer la portée, de comprendre le sens.

    21Si l’on considère la distance qui sépare ainsi le dieu Premier-né de l’homme actuel, deux faits paraîtront remarquables. En dépit de cette distance, l’auteur orphique ne tient Phanès ni pour négligeable ni pour inaccessible puisqu’il lui adresse un hymne. Davantage encore il l’appelle et sollicite sa présence dans les cultes qu’il célèbre.

    Zeus

    22Comme nous l’avons dit, de nombreux hymnes se réfèrent à Zeus ; or ils évoquent le plus souvent en lui un dieu semblable à celui que les traditions majeures de la Grèce nous présentent.

    23Ils le situent dans les généalogies divines de la même façon qu’elles. En le qualifiant de Cronios, ils font de lui un fils de Cronos24 ; ils disent plus explicitement qu’il est né de Rhéa25. Ils lui donnent Héra pour épouse26. Ils l’unissent à Léto qui sera mère de deux rejetons, Artémis et Apollon27 ; à Mnémosyne dont il a pour filles les Muses28 ; à Thémis qui fait de lui le père des Hôrai, Eunomiè, « la Bonne organisation », Dikè, « la Justice », et Eirènè, « la Paix »29 ; ils désignent en lui le père d’Athéna30.

    24Hésiode raconte que Zeus accéda au trône après la victoire des Cronides sur les Titans et qu’il devint ainsi le roi des dieux31 ; cet événement reste présent dans la mémoire collective de l’Hellade. Les Grecs appellent Zeus ἂναξ, « seigneur », dès l’Iliade et βασιλεύς, « roi », dès Hésiode et dès Pindare32. Les Hymnes reprennent ces deux titres anciens33.

    25Dans l’Iliade, en racontant comment l’empire de Cronos fut partagé entre ses trois fils, Hadès, Poseidon et Zeus, Homère précise : « Zeus reçut pour lot le vaste ciel, dans l’éther et les nuages » ; en évoquant la situation présente du roi divin, il dit par ailleurs : « Zeus qui réside dans l’Éther »34. L’hymne orphique de l’Éther se rattache à cette tradition. Il débute de la manière suivante :

    Ô toi qui de Zeus occupes l’empire élevé, indestructible à jamais,
    ... / ..., / Éther brillant dans les hauteurs, .. .35

    26On sait que toute la tradition grecque lie étroitement Zeus aux phénomènes météorologiques, à l’accumulation des nuages, à la chute des pluies, au tonnerre et à la foudre : ce dieu céleste est très largement un dieu de l’orage. Les Hymnes lui donnent les épithètes ἀστραπαῖος, « dieu de l’éclair », βρονταῖος, « dieu du tonnerre », ἐρίγδουπος, « dieu retentissant », ϰαταιβάτης, « dieu qui envoie l’éclair ou qui descend sous forme d’éclair », ϰεραύνιος, « dieu de la foudre », ϰεραυνός, « foudre »36. Ces épithètes ne sont pas le produit d’une invention des poètes orphiques ; elles se trouvent toutes, les unes ou les autres, attestées chez plusieurs auteurs, quelques-unes, dans des textes épigraphiques. Le recueil contient même deux hymnes entiers désignant explicitement en Zeus le dieu de l’éclair. Ils évoquent l’orage qu’il déclenche et ses effets, en termes très vifs. Il montre dans l’éclair et dans le tonnerre un signe de sa puissance. Davantage encore, le titre de l’un de ces chants, « hymne de Zeus Keraunos », « de Zeus-Foudre » semble identifier le phénomène météorologique à la divinité : le dieu ne se révèle pas simplement dans la foudre, comme l’auteur d’une action se manifeste dans l’effet que son action produit, il se montre directement en elle et semble coïncider avec son flamboiement. On observera toutefois que l’hymne adresse au dieu, dont l’homme paraît saisir la présence dans une réalité circonscrite, l’une des prières les plus amples du recueil ; il lui demande une vie de bonheur, la santé, la paix, une existence fleurie de pensées généreuses. Le dieu est donc présent dans la foudre où il se montre avec éclat mais il ne s’y réduit pas. Les mortels le perçoivent de la façon la plus concrète dans la lumière brutale à laquelle il est immanent, mais ils savent qu’il la dépasse et trouve sa plénitude dans une transcendance inaccessible pour eux.

    27Le dieu de l’orage, des nuages et de la pluie favorise la croissance de la végétation et contribue au succès de l’agriculture. Hésiode prescrit aux paysans d’adresser une prière, à Zeus et à Déméter, au début des labours37. Constitutif d’une fête de Zeus, le rite des Bouphonies concerne un bœuf de labour38.

    28Athènes connaît un Zeus Laboureur39. Des inscriptions mentionnent des Zeus Porteur et Dispensateur de récoltes ou de fruits40. Plusieurs auteurs parlent d’un Zeus ἐπικάρπιος, « Préposé aux récoltes ou aux fruits »41. Dans la même tradition, les Hymnes honorent un Zeus φυτάλιος, « favorable à la croissance » ; cette épithète est presque semblable à l’adjectif φυτάλμιος que d’autres textes appliquent aussi au Cronide et qui porte le même sens42.

    29Le dieu ne favorise pas seulement la croissance végétale. Παντογένεθλος ou παγγενέτης, il contribue à la naissance de toutes les créatures ; βιοδώτωρ θνητών, il est source de vie pour tous les mortels43. Il influence le cours de leur existence, leur donnant le bonheur ou causant leur perte ; il tient pour eux les clés de la joie et de la peine44. Comme tel, il se trouve proche du destin, proche des Moires qui en sont l’incarnation :

    La Moire seule porte son regard sur la vie (des mortels) / ... /,
    ainsi que l’œil parfait de Zeus. Tout ce qui nous arrive,
    la Moire et l’esprit de Zeus le savent en tout temps45.

    30Les Grecs n’ont pas donné un enseignement parfaitement clair sur les relations qui unissent le destin à Zeus, assujettissant parfois le premier au second, parfois le second au premier, mais les deux thèses pourraient n’être pas tout à fait contradictoires : garant d’un ordre qu’il a lui-même établi, le dieu doit respecter les règles qui le définissent et dont il est l’auteur. (C’est ainsi qu’il ne peut soustraire un mortel à la mort, même s’il s’ agit de son propre fils.) Quelle que soit leur pensée sur ce point, les Grecs lient les Moires à Zeus. Une des généalogies proposées par Hésiode fait d’elles ses filles46 ; plusieurs auteurs appellent Zeus Μοιραγέτης, c’est-à-dire « conducteur de Moires »47. À leur façon, les Hymnes suivent donc la tradition commune sur ce point.

    31Ils utilisent encore deux épithètes usuelles qui révèlent en Zeus des qualités différentes de celles que nous venons de lui reconnaître. Il s’agit en premier lieu de μειλίχιος, « fait de miel, doux, apaisant »48. Comme certains textes paraissent associer Zeus μειλίχιος au monde infernal, quelques auteurs ont voulu voir, dans l’emploi de cet adjectif rassurant, un procédé propitiatoire, propre à calmer un être dangereux ; d’autres ne contestent pas la douceur divine mais ils la tiennent pour acquise par un dieu redoutable sous l’effet de rituels apaisants désignés par le verbe μειλίσσω49. Ces observations ne manquent pas de pertinence. Comme tous les dieux, Zeus présente des caractères inquiétants ; dieu de l’orage, il peut terrifier — les Hymnes ne le cachent pas50 ; sa personnalité puissante peut faire frissonner — ils le disent51 ; notons en outre qu’ils n’ignorent pas que le dieu poursuit de sa vengeance ceux qui l’ont offensé52 ; je crois toutefois que, dans l’hymne, l’adjectif meilichios désigne simplement en Zeus un dieu favorable. En fait, il présente souvent des traits paisibles. D’après une inscription, un sanctuaire attique est consacré conjointement à Zeus Meilichios, à la Terre et à Athéna53. Sur un bas-relief du Pirée, qui représente une famille conduisant une victime et apportant des offrandes à l’autel, le dieu tient une grande corne d’abondance appuyée sur son épaule54. Dans les phrases qui précèdent la citation d’un poème orphique, le traité pseudo-aristotélicien de Mundo associe les adjectif μειλίχιος, « doux, apaisant », φίλιος, « amical », et ξένιος, « hospitalier »55. Nous lisons précisément dans l’hymne orphique du Daimôn :

    μειλίχιον Δία, παγγενέτην, βιοδώτορα θνητῶν
    Zeus Meilichios qui, dans sa qualité de géniteur universel, donne la vie
    aux êtres mortels56.

    32Si l’adjectif μειλίχιος est bien apparenté au verbe μειλίσσω, « accomplir des rites propitiatoires », comme plusieurs auteurs l’ont écrit57, il peut être rapproché de l’épithète καθάρσιος, « cathartique, purificatoire ». De fait, Plutarque établit une correspondance entre deux épithètes de Zeus, μαιμάϰτης, « l’impétueux », et μειλίχιος, « l’apaisant », tandis qu’Hésychius commente : μαιμάϰτης· μειλίχιος, ϰαθάρσιος, « impétueux : apaisant, purificateur ». Bien que Zeus ne soit pas un dieu de la purification comparable à son fils Apollon, il accomplit en effet des rites purificatoires, selon plusieurs récits58. Si nous interprétons correctement une notice de Pollux, il était appelé ἱϰέσιος, ϰαθάρσιος, ἐξαϰεστήριος, « dieu des suppliants, purificateur, dieu de l’expiation »59. Il avait un autel à Olympie, sous l’épiclèse de katharsios : « purificateur ». En le qualifiant de ϰαθάρσιος60, les hymnes orphiques sont donc fidèles à une tradition bien attestée.

    33Comme nous l’avons vu, Zeus habite l’éther, dans les régions du monde les plus élevées. Cette hauteur symbolise sa suprématie, son éloignement, sa transcendance (il est ὕψιστος ou ὕπατος61). Il agit toutefois dans le monde entier. L’image de la foudre peut signifier tout à la fois sa puissance et sa capacité d’atteindre du haut du ciel la surface de la terre (nous savons qu’il est ϰαται-βάτης) ; plusieurs mythes suggèrent sa mobilité ; mais une image courante caractérise son action d’une manière différente. Roi, il commande aux autres dieux qui exercent chacun une influence spécifique dans les multiples parties de l’univers. Dans la personne d’Hermès, il dispose d’un intermédiaire pour leur faire connaître ses desseins, comme il les fait aussi connaître aux hommes. Hésiode faisait déjà d’Hermès le héraut des dieux ; Homère désigne en lui un διάϰτορος, « un transporteur », « un messager ». L’hymne orphique utilise la formule Διòς ἂγγελος, qui signifie « messager de Zeus »62. Moins courante, elle attribue pourtant à Hermès un rôle qu’il remplit dès l’Iliade, auprès de Priam par exemple63, dès l’hymne homérique à Déméter, auprès de la mère de Perséphone64.

    34Sur tous les points que nous venons de signaler, l’enseignement des Hymnes coïncide avec celui des traditions communes ; il est pourtant difficile de dire s’il s’en inspire directement. Restes ou paraphrases d’œuvres originales, les fragments publiés par Kern nous montrent que la tradition orphique elle-même reprend de nombreux motifs propres aux mythes grecs les plus répandus. Elle assigne à Zeus les mêmes parents, la même épouse, de mêmes amantes et de mêmes enfants, bien qu’elle raconte parfois ces unions et ces naissances d’une manière particulière et associe les récits qu’elle véhicule à leur propos à d’autres mythes moins connus. D’une manière générale, les traditions orphiques ne rejettent pas systématiquement les traditions courantes ; elles en adoptent plusieurs, les réinterprètent et les intègrent dans un système original, aux côtés d’autres mythes qui leur appartiennent en propre. Les courants qui traversent la pensée religieuse de la Grèce ne sont d’ailleurs pas complètement indépendants les uns des autres. Quelle que soit l’originalité de certains d’entre eux, ils se sont parfois influencés réciproquement.

    35L’étude de l’hymne de Zeus nous donne l’exemple d’un motif commun à plusieurs d’entre eux. Dieu souverain, Zeus dispose de plusieurs auxiliaires. Il a notamment des relations étroites avec la déesse de la justice, Dikè. Hésiode écrivait déjà : « Si quelqu’un la blesse, elle va vite prendre place auprès de son père, Zeus le Cronide, et lui révèle la pensée des hommes injustes »65. Cette image est précisée par Eschyle qui, selon quelques vers conservés dans un papyrus d’Oxyrhynque fait parler Dikè de la façon suivante : « Je suis assise sur le trône de Zeus, entourée de gloire »66. Or la même idée se trouve énoncée avec une force particulière dans un texte orphique auquel l’auteur d’un discours attribué à Démosthène se réfère : Dikè partage le trône de Zeus d’où elle observe tout ce qui se passe chez les hommes67. Nous lisons dans un hymne de la collection orphique :

    Je chante l’œil de Dikè, la très belle qui voit toutes choses,
    qui se tient sur le trône sacré du seigneur Zeus,
    examinant du haut du ciel la vie des hommes aux multiples races, .. .68

    36Les Hymnes suivent ici une tradition orphique mais, comme celle-ci s’accorde avec de vieux enseignements connus des auteurs les plus classiques, ils ne s’éloignent pas pour autant des traditions communes. Quant au reste, nous ignorons laquelle de ces traditions est la plus ancienne, laquelle a influencé l’autre.

    37Les choses sont différentes dans d’autres hymnes ; ils se réfèrent à des mythes étranges, dont les auteurs classiques ne parlent pas et puisent leur inspiration dans des enseignements proprement orphiques. Nous en découvrirons plusieurs exemples en étudiant le personnage de Dionysos. Considérons d’autres cas pour l’instant. L’hymne de Zeus comprend le vers suivant :

    παντογένεθλ’, ἀρχὴ πάντων πάντων τε τελευτή,
    Géniteur universel, tu es le début de toutes choses et la fin de toutes choses69.

    38Les traditions communes ne sont pas la source de ce vers remarquable. Des idées voisines de celle qu’il énonce se trouvent en revanche exprimées dans des textes donnés pour orphiques par ceux qui les citent. Nous lisons chez Platon : « dieu qui, selon une parole antique, tient en lui le commencement, la fin et le milieu de tout ce qui existe va droit à son but, bien qu’il suive le mouvement circulaire propre à la nature »70. Un hymne orphique cité dans le traité pseudo-aristotélicien de Mundo se fait l’écho du même enseignement :

    Zeus naquit le premier, Zeus au vif éclair est le dernier ;
    Zeus est la tête, Zeus est le milieu ; toutes choses procèdent de Zeus71.

    39L’hymne de Zeus dérive de cet enseignement ; il y puise l’idée « Zeus début et fin de toutes choses ». Les mots du de Mundo « toutes choses procèdent de Zeus » pourraient en outre expliquer l’épithète παντογένεθλος, « géniteur de toutes choses » que nous trouvons dans le recueil orphique.

    40L’hymne de Zeus comprend encore trois vers qui ne trouvent de justification dans aucune des traditions dominantes de la Grèce.

    ὦ βασιλεῦ, διὰ σὴν ϰεφαλὴν έφάνη τάδε θεῖα,
    γαῖα θεὰ μήτηρ, ὀρέων θ’ ὑψηχέες ὄχθοι
    ϰαι πόντος ϰαὶ πάνθ’ ὁπόσ’ οὐρανòς ἐντòς ἔταξε,

    Ô roi, toutes les entités divines que voici ont paru en passant par ta tête,
    la terre, déesse mère, les escarpements sonores des montagnes,
    la mer et tout ce que le ciel a disposé à l’intérieur de sa propre étendue.

    41Ces vers peuvent être conçus comme un développement des mots « toutes choses procèdent de Zeus » que nous avons déjà rencontrés mais d’autres textes orphiques contribuent aussi à les éclairer. Ils nous apprennent que, longtemps après le règne de Phanès, Zeus a exercé une activité démiurgique nouvelle. De nombreuses entités avaient pris naissance ; il voulait introduire de la cohérence dans cette multiplicité et l’assujettir à une unité supérieure. Après avoir consulté la Nuit, il entreprit à cette fin une action que les textes conservés semblent évoquer de plusieurs façons. Ils nous apprennent notamment que Zeus a avalé Phanès avec tout ce qui existait alors et qu’il a recréé le monde et tous les dieux à l’intérieur de lui-même72. Proclus cite les vers suivants d’un poème orphique :

    Ainsi, quand il (= Zeus) eut absorbé l’être d’Éricépaios le Premier-né,
    il contint dans le creux de ses entrailles le corps de toutes les créatures
    et mêla à ses propres membres la puissance et la vigueur du dieu ;
    c’est pourquoi, avec le dieu (Éricépaios), tout se trouva créé à nouveau
    à l’intérieur de Zeus.

    42Le commentateur néoplatonicien répète ailleurs ce dernier vers et poursuit sa citation :

    C’est pourquoi, avec le dieu, tout se trouva créé à nouveau à l’intérieur de Zeus,
    la hauteur resplendissante du ciel et du vaste éther,
    le fondement de la terre glorieuse et de la mer écumante,
    le puissant Océanos, le Tartare sous la Terre,
    les fleuves, la mer illimitée, et tout le reste ;
    tous les immortels, déesses et dieux bienheureux,
    toutes les réalités qui étaient venues à l’existence, toutes celles qui devaient
    être ultérieurement,
    tout cela naquit et se développa ensemble, dans les entrailles de Zeus73.

    43Ce texte présente des ressemblances frappantes avec l’hymne orphique du de Mundo, dont nous venons de citer les premiers vers. Le voici dans son intégralité :

    Zeus naquit le premier, Zeus au vif éclair est le dernier ;
    Zeus est la tête, Zeus est le milieu ; toutes choses procèdent de Zeus.
    Zeus est le fondement de la terre et du ciel étoilé,
    Zeus naissait masculin, Zeus était une jeune femme immortelle ;
    Zeus est le souffle de tous les êtres, Zeus est l’élan du feu infatigable ;
    Zeus est la racine de la mer, Zeus est le Soleil et la Lune ;
    Zeus est le roi, Zeus au vif éclair est le maître de toutes choses
    car, les ayant toutes cachées, à la joyeuse lumière de nouveau
    il les a ramenées du fond de son cœur sacré, accomplissant un acte redoutable.

    44En attribuant la bisexualité à Zeus, notre poème doit désigner en lui le dieu qui s’est déjà assimilé Phanès. De fait, Porphyre qui en connaît une version amplifiée précise que l’hymne évoque Zeus, après le moment où il a recréé le monde à l’intérieur de lui-même74. C’est alors qu’il est possible d’affirmer : Zeus est le début, il est le milieu, il est la fin de toutes choses ; il contient toutes choses ; il en est le principe ; il les a toutes créées.

    45En évoquant l’action démiurgique de Zeus, les fragments que nous venons de citer éclairent, avais-je annoncé, les vers adressés à Zeus : « ... toutes ces réalités ont passé par ta tête ... » On pourrait me faire une objection. Selon ces fragments, Zeus a recréé le monde à l’intérieur de lui-même ; si les entités divines et cosmiques résident en lui désormais, elles n’ont pas vraiment passé à travers sa tête. C’est que les fragments conservés évoquent seulement le début de la nouvelle action démiurgique ; ils n’en disent pas les phases ultérieures. L’hymne cité dans le de Mundo en fait pourtant une claire mention :

    Car, les ayant toutes cachées, à la joyeuse lumière de nouveau
    il les a ramenées du fond de son cœur ...

    46La formule « ont paru en passant par ta tête » se réfère à cet aboutissement.

    47Sur ce point, qu’on me permette une hypothèse. D’après Hésiode, Zeus avala Mètis, la Prudence, à laquelle il s’était uni ; il intégrait ainsi les vertus de la déesse à sa propre personne75. Cependant l’enfant qu’elle portait en son sein, Athéna, grandit pour sortir enfin, tout armée, de son crâne76. Comme nous l’avons vu, la tradition orphique fait de Mètis un des noms de Phanès, le Protogonos bisexué77. Elle reprend le mythe de Zeus avalant Mètis mais elle lui donne un sens nouveau78. Zeus absorbe le Protogonos, avec le monde entier et, nouveau Phanès, il recrée toutes choses en lui-même. L’enseignement orphique conserve pourtant le mythe d’une Athéna issue du crâne de Zeus et reconnaît à cette déesse une personnalité autonome, semblable à celle que la tradition commune lui attribue, même s’il interprète à sa façon plusieurs de ses traits et lui assigne des rôles nouveaux79. Cela n’exclut pas que l’orphisme reprenne sous une autre forme encore l’image d’un descendant de Mètis issu du crâne de Zeus. De même qu’il façonne l’absorption de Phanès sur le modèle de l’engloutissement de la Déesse-Prudence, de même il pourrait imaginer la seconde naissance du monde sur le modèle de celle d’Athéna. Les fragments associent du moins Athéna à l’activité démiurgique du Cronide. Elle incarne les vertus inhérentes au démiurge ; ϰράντειρα μεγάλων ἔργων, elle conduit de grandes œuvres à leur achèvement ; comme l’artisan Héphaistos, elle connaît les ouvrages d’art qui se trouvent à l’intérieur du ciel80.

    48Laissons là ces hypothèses. Les récits relatifs à la seconde création, œuvre de Zeus, ont sans doute présenté plusieurs versions ; elles ne nous sont pas toutes connues. Nous ne pouvons pas désigner avec exactitude celle dont l’hymne orphique de Zeus s’est inspiré mais je ne crois pas imprudent d’affirmer qu’il se réfère à l’une d’entre elles. Seule cette référence nous permet de comprendre exactement

    Géniteur universel, tu es le début de toutes choses et la fin de toutes choses.

    49En outre seule l’image d’un dieu qui a recréé le monde en lui-même pour le ramener finalement à la lumière nous permet de donner leur véritable portée à d’autres vers que nous avons déjà cités :

    Ô roi, toutes les entités divines que voici ont paru en passant par ta tête,
    la terre, déesse mère, les escarpements sonores des montagnes,
    la mer et tout ce que le ciel a disposé à l’intérieur de sa propre étendue.

    50Nous découvrirons d’autres mythes originaux relatifs à Zeus en étudiant les personnages de Dionysos, de Déméter et de Perséphone.

    Dionysos

    51Sept chants du recueil orphique sont entièrement consacrés à Dionysos, quatorze autres le mentionnent sous l’un de ses multiples noms. Ils lui prêtent nombre de traits que les traditions communes lui attribuent. Ils montrent en lui un dieu de la vigne et du vin. Vêtu de sarments, chargé de grappes81, il est solidaire de la vie des ceps et de la maturation du raisin. Protecteur des pressoirs82, il s’intéresse aux activités de la vinification. Μεθυδώτης, il donne le vin et le plaisir qu’il procure. Source pour les hommes de multiples joies, il les guérit de leurs soucis83. Dans ce sens tout au moins, il est libérateur84. Il ne favorise pas seulement la croissance de la vigne, mais aussi celle du lierre ; il s’en couvre et cela le réjouit85. Ainsi, de même que Dionysos fait pousser la vigne, de même il se manifeste dans l’essor d’une autre plante grimpante. Les vrilles de l’une et de l’autre, l’essor des rameaux dont elles recouvrent les arbres et les murs en atténuant la netteté des contours, illustrent son pouvoir86. Plusieurs épithètes le lient au verdoiement de la végétation et à ses fruits87. Employée à son propos, comme elle l’est aussi à propos de la Terre, la formule « toi qui fais croître la récolte, source de joie » évoque une action qui ne s’exerce pas seulement sur la vigne mais, d’une façon plus générale, sur les cultures et sur la végétation.

    52Les Grecs ont célébré des cultes pour la plupart des dieux invoqués dans le recueil orphique, mais les Hymnes en parlent peu ; ils se contentent de les mentionner incidemment, quand ils ne les passent pas sous silence. Cette discrétion connaît des exceptions : les Hymnes signalent avec insistance les cultes consacrés à certaines divinités, comme si les hommages qu’elles reçoivent contribuaient à les caractériser. C’est ainsi qu’ils évoquent souvent les fêtes de Dionysos. À dire vrai les informations qu’ils nous fournissent à leur propos conservent une sorte d’ambiguïté : nous ignorons si elles concernent la conduite mythique du dieu ou la conduite terrestre de ses adorateurs, mais notre hésitation importe peu. Nous savons en effet que des œuvres littéraires et des monuments figurés situent Dionysos parmi des suivantes et des suivants mythiques dont le comportement préfigure celui des êtres humains ou présentent le dieu présidant aux cultes qu’il introduit parmi les hommes. Sur ce point une étroite correspondance unit la scène mythique et la scène rituelle.

    53Dans les Hymnes, Dionysos ne porte pas seulement l’épiclèse usuelle de Bacchos, il est aussi appelé Baccheus et Baccheutès88 ; or ces mots nomment celui qui participe au culte de Bacchos, évoquant tout à la fois l’accomplissement des actes rituels et l’état d’exaltation où cet acte plonge ceux qui l’exécutent89. Comme nous l’avons dit, les Hymnes parlent aussi de la tenue du dieu. Il porte des grappes, il en est orné90. Ces images symbolisent-elle simplement une puissance qui assure la croissance de la vigne et sa fructification ou évoquent-elles aussi la parure portée par le dieu quand il célébrait de premiers cultes et, du même coup, la parure des hommes qui participeront ensuite à ses fêtes ? Nous nous poserons une question semblable à propos du lierre dont il se couvre. Les monuments figurés nous donnent à penser que, sur ces deux points, le rituel reprend les symboles du mythe. Dionysos est revêtu d’une peau de faon, nous dit encore un hymne qui répète ainsi une idée couramment énoncée, notamment dans les Bacchantes. Conformément à d’autres images usuelles, plusieurs hymnes évoquent le dieu thyrse en main91. L’usage de ce bâton entouré de lierre et portant une pomme de pin à son extrémité supérieure semble commun à de nombreuses fêtes bacchiques. La férule mentionnée dans un autre hymne peut être une variété de thyrse, mais elle semble, dans certains cas, caractériser plus particulièrement des pratiques orphiques, même si l’usage en reste alors exotérique92. Un rite mentionné dans plusieurs hymnes semble lui aussi d’un usage commun : l’émission d’un cri rituel conventionnellement transcrit par les syllabes évoê93‘. Un autre trait signalé dans les Hymnes caractérise de nombreux cultes dionysiaques, la présence de chœurs qui chantent et dansent94 ou la formation des cortèges appelés kômoi95. En utilisant l’adjectif ὠμάδιος, deux hymnes signalent enfin un rite, peut-être exceptionnel mais frappant aux yeux des Grecs, la consommation de chair crue96 ; cet usage est cruellement attesté dans les Bacchantes.

    54Au sujet de Dionysos, les Hymnes se réfèrent à des récits connus de tous les Grecs. Je noterai toutefois qu’ils semblent en évoquer des versions inhabituelles ; ils mentionnent en outre des mythes rares dont aucune des œuvres majeures de la littérature grecque ne nous a conservé le souvenir. C’est pourquoi leur Dionysos reste pour nous une figure énigmatique. Il fait l’objet de cultes complexes, de croyances que nous analysons mal et coordonnons plus mal encore. Tentons pourtant de sérier les problèmes.

    Commençons par les mythes qui concernent la naissance du dieu.

    55La principale des traditions indépendantes de l’orphisme fait naître Dionysos de l’union de Zeus et de Sémélé. Hésiode écrivait déjà :

    Sémélé la Cadméenne donna un fils splendide à Zeus,
    après s’être unie à lui ; ce fut Dionysos, source de grandes joies ;
    mortelle, elle donnait le jour à un immortel, mais, à présent, ils sont l’un et
    l’autre des dieux97.

    56Dans ses Bacchantes, Euripide admet cette généalogie et précise les conditions de la naissance du dieu. Sur une suggestion perfide d’Héra, Sémélé enceinte des œuvres de Zeus le prie de se montrer à elle dans toute la plénitude de sa divinité. Lié par une promesse, le Cronide obéit ; quand il paraît à ses yeux, Sémélé meurt foudroyée. Zeus recueille le bébé qu’elle portait et, dit-on, le fait coudre dans sa cuisse pour qu’il y parvienne à terme. Après sa naissance, il est secrètement confié à des nourrices, passant de l’une à l’autre pour échapper à la vindicte d’Héra. Jeune adulte il doit encore s’exiler. Après un long voyage, il revient en Grèce, entouré de Ménades, pour y instaurer les rites de son culte. La tragédie d’Euripide illustre ce retour, évoque la crise qu’il provoque dans un monde sceptique et le triomphe cruel du jeune dieu. Rien n’y laisse entendre que celui-ci a connu la mort.

    57La tradition orphique donne un enseignement différent. D’après les fragments publiés par Kern, Dionysos est né de Perséphone, à laquelle son père, Zeus, s’était uni secrètement sous la forme d’un serpent. L’enfant fut confié à la garde des Courètes mais, inspirés par Héra semble-t-il, les Titans parvinrent à s’emparer de lui ; ils le déchirèrent en plusieurs morceux qu’ils firent cuire. Cependant le cœur de la victime leur avait échappé ; Athéna le recueillit et l’apporta à Zeus qui put ainsi donner une nouvelle vie à l’enfant massacré. Zeus foudroya ensuite ses meurtriers ; Dionysos grandit et poursuivit sa carrière divine98. Le nom de Sémélé ne figure pas dans les fragments de Kern.

    58Dans le recueil des hymnes un chant célèbre Sémélé, « la fille de Cadmos », « mère de Dionysos porte-thyrse », celle qui fut « brûlée selon les desseins de Zeus » ; il parle aussi de rites fêtant périodiquement « les douleurs de l’enfantement qui donna le jour à son Bacchos ». Un autre chant appelle Dionysos « semé dans le feu » ; un troisième l’évoque cousu dans une cuisse divine99. Le recueil paraît ainsi se référer à un récit de la naissance du dieu, proche de celui que les auteurs classiques nous font connaître. Or il évoque aussi un récit différent. Le principal des hymnes de Dionysos interpelle le dieu dans les termes suivants :

    Eubouleus riche en bons conseils, toi qui vins au monde
    des suites de l’union indicible de Zeus et de Perséphone.

    59De son côté l’hymne de Perséphone nomme la déesse

    Mère d’Eubouleus, dieu bruyant et polymorphe100.

    60En constatant cette dualité, nous pourrions penser que le recueil juxtapose des chants empruntés, les uns à la tradition orphique, les autres à la tradition commune, sans beaucoup de discernement. Une lecture attentive nous montre que les choses sont plus subtiles. Nous observerons en premier lieu que les Hymnes évoquent les destins de Sémélé et de son fils d’une manière originale. La formule « brûlée selon les desseins de Zeus » semble imputer à Zeus, non à Héra, la responsabilité de la combustion de Sémélé ; l’adjectif « semé dans le feu » suggère l’idée d’un enfant conçu ou né dans le feu, plutôt que celle d’un fœtus arraché au sein d’une femme brûlée, pour achever sa gestation à l’intérieur d’un second organisme. Certes l’interprétation de telles formules reste incertaine mais une autre semble plus claire. Selon l’hymne de Sabazios, ce n’est pas Zeus mais Sabazios qui a cousu dans sa cuisse l’enfant Dionysos101. Nous ferons en second lieu une remarque plus importante. Le recueil ne se contente pas de mentionner en des lieux différents les deux mères de Dionysos. Dans certains passages, il établit entre elles des liens étroits et il affirme avec force que l’enfant eut deux mères.

    61Selon l’hymne de Dionysos Liknitès, le dieu

    Conduit par les desseins de Zeus auprès de la noble Perséphone
    y fut élevé, cher aux dieux immortels102.

    62Si ces vers se rapportaient au fils de la déesse, ils évoqueraient un événement dépourvu d’intérêt et seraient superflus. Ils se chargent au contraire de sens si l’on reconnaît qu’ils traitent du fils de Sémélé103. Dans ce cas, ils nous apprennent en effet que Perséphone contribue à l’éducation de celui qu’une autre amante de Zeus a mis au monde. Elle l’entoure de ses soins. Un passage de l’hymne de Sémélé me semble confirmer cette interprétation. Nous y lisons :

    Toi qui, de la part de la noble Perséphone, as obtenu les honneurs
    qui te sont rendus chez les mortels lors de périodes biennales,
    quand ils célèbrent les douleurs qui ont donné le jour à ton Bacchos104.

    63Les récits de naissance ne sont donc pas simplement juxtaposés ; les Hymnes se réfèrent à un système qui attribue délibérément à Dionysos deux mères successives ; ils n’abolissent pourtant pas l’unicité d’un dieu qui reste identique à lui-même en dépit de cette dualité. Un hymne au moins le célèbre en évoquant ses multiples formes et en utilisant des épithètes qui se réfèrent, les unes au mythe de Sémélé, les autres au mythe de Perséphone105. En dépit des spéculations de certains commentateurs antiques il me paraît difficile de ne pas donner son sens littéral à l’épithète διμάτωρ qui qualifie Dionysos dans deux hymnes106. Il signifie « fils de deux mères » et désigne en Dionysos l’enfant né de Perséphone et né une nouvelle fois de Sémélé.

    64Comment les deux naissances de Dionysos se situent-elles dans le système que nous entrevoyons ? Pour comprendre leur dualité il faut se rappeler que la tradition orphique raconte la mort de l’enfant divin107. Cette mort — qui ne sera pas définitive — doit intervenir entre sa première et sa seconde naissance, celle-ci lui assurant une vie nouvelle au-delà du trépas. Dans ce cas, la première mère fut-elle Perséphone ou Sémélé ? Il serait tentant de supposer que ce fut Sémélé. Né d’une mortelle, l’enfant serait vulnérable ; après son assassinat, il naîtrait une seconde fois de la mort elle-même, symbolisée par la reine du monde infernal. Les textes ne me semblent pourtant pas confirmer cette hypothèse. Nous lisons chez Diodore : « Ils disent que ce dieu naquit en Crète de Zeus et de Perséphone, lui qui, selon l’enseignement mystérique issu d’Orphée, fut démembré par les Titans »108. Nonnos Abbas garde le souvenir de cette tradition : « Perséphone », écrit-il, « enfante Dionysos Zagreus qu’elle a conçu de Zeus. Quand il a vu le jour, les Titans le démembrent »109. Dans la tradition orphique, c’est donc l’enfant de Perséphone qui périt, déchiré par les Titans ; cela nous incite à situer la maternité de Sémélé après celle de Perséphone. Après avoir reçu le cœur intact de l’enfant démembré, Zeus s’unit à une mortelle pour donner une vie nouvelle au dieu qui vient d’être tué. Si nous admettons cet ordre de succession, nous pouvons donner tout leur sens aux deux passages des hymnes que nous avons cités plus haut. En octroyant à Sémélé le privilège de recevoir les honneurs d’un culte périodique chez les mortels, Perséphone récompense en elle la femme grâce à qui son fils assassiné recommence à vivre. De son côté Zeus fait revenir cet enfant auprès de sa première mère ; il veut qu’elle s’occupe de lui, pour mieux affirmer que, malgré ses deux naissances, le jeune dieu persiste dans son unique identité. Proclus confirme notre interprétation. Il s’adresse à Athéna dans les termes suivants : « toi qui as sauvé ... le cœur non déchiré de ton Bacchos mis en morceau autrefois par les mains des Titans ; et qui t’es hâtée de le porter à son père, afin que, par l’effet de volontés indicibles, tiré de sa mère Sémélé, un nouveau Dionysos grandisse dans le monde »110. Dans une notice à laquelle je ne sais quel crédit accorder, Hygin nous suggère la façon dont Zeus a utilisé le cœur de l’enfant démembré, pour le faire renaître d’une nouvelle mère : Liber louis et Proserpinae filius a Titanis est distractus, cuius cor contritum louis Semele dedit in potionem, « Liber, fils de Jupiter et de Proserpine fut déchiré par les Titans ; Zeus donna à Sémélé son cœur, broyé dans un breuvage111 Il se peut que le mythographe énonce d’une manière explicite ce que le mythe ancien maintenait dans l’obscurité du mystère ; son explication a du moins le mérite de la clarté112. Ayant absorbé le cœur de Dionysos, Sémélé est imprégnée de la substance du dieu ; elle lui restitue sa forme quand, fécondée par Zeus, elle le met au monde une seconde fois. C’est l’enfant de Perséphone, le seul Dionysos, qu’elle a porté dans son sein. Peut-être fallait-il qu’elle ne conduise pas sa grossesse à terme et que l’embryon divin achève sa gestation dans la chair de Zeus, pour que l’enfant sauvé ne perde pas son identité première dans le cours d’un accouchement trop parfait ?

    65Quoi qu’il en soit, seule la mort de Dionysos permet de comprendre le fait que ce dieu connaisse deux naissances successives. Ainsi, bien que les Hymnes ne mentionnent pas la mort de Dionysos, ils s’y réfèrent d’une manière implicite, en parlant de ses deux mères. Encore une fois le silence qu’ils gardent quant à un épisode central du mythe tient à ce qu’ils n’ont pas pour objet de raconter le passé mais d’évoquer les vertus actuelles du dieu dont ils sollicitent la bienveillance, ainsi que les divinités dont il est solidaire.

    66Fils de Zeus, le souverain céleste, Dionysos devrait appartenir au monde supérieur ; fils de Perséphone, la reine des morts, il devrait appartenir au monde infernal ; de fait, il a des affinités avec l’un et avec l’autre. Il passe sa première enfance sur la terre mais il meurt ; né une nouvelle fois, il séjournera périodiquement auprès de Perséphone. Il fait croître la vigne et d’autres plantes qui sortent du sol ; il agit parmi les vivants dont il exalte la vitalité. Présidant à certaines de leurs fêtes quand il ressort du monde infernal, agit-il seulement en considération de leur vie présente ou les prépare-t-il à une existence dans l’au-delà ? Les Hymnes ne sont pas explicites sur ce point.

    67Le système où les deux naissances sont ainsi coordonnées fut-il inventé par les auteurs des Hymnes ou l’ont-ils trouvé déjà constitué dans une tradition orphique plus ancienne ? Une remarque préliminaire s’impose avant que nous abordions ce problème. Les récits relatifs au destin de Dionysos ne se réduisent pas à ceux dont nous trouvons l’écho chez Euripide d’une part et dans les fragments réunis par Kern, de l’autre. Nombreux, ces récits sont divers et paraissent si difficiles à concilier que, cherchant à en rendre compte, certains savants antiques se trouvent entraînés à distinguer plusieurs Dionysos113. Au fils de Perséphone, au fils de Sémélé, ils ajoutent au moins celui de Déméter114. Ils présentent aussi la mort du dieu de plusieurs façons, lui attribuant parfois d’autres meurtriers que les Titans115. Ils se réfèrent sans doute alors à des mythes rares que beaucoup de Grecs pouvaient ignorer ; il est cependant une chose que la plupart d’entre eux savaient sans doute : la présence à Delphes d’un tombeau de Dionysos116. L’idée de la mort du dieu ne pouvait pas être complètement absente de leur esprit. D’un autre côté, l’absence du nom de Sémélé dans les fragments de Kern n’est pas aussi significative qu’il le paraît. Kern réunit des textes de deux catégories : a) Ceux que des témoins antiques citent en précisant qu’ils procèdent d’un enseignement d’Orphée ; rares, de tels documents explicites nous laissent ignorer des centaines si ce n’est peut-être des milliers de vers orphiques. b) Plusieurs phrases énonçant des pensées apparentées à celles que les documents explicites nous font connaître. C’est ainsi que Kern tient raisonnablement pour orphiques plusieurs textes mentionnant un Dionysos né de Perséphone. Comme aucun document explicite ne cite le nom de Sémélé, nous ne pourrions pas identifier d’éventuels textes orphiques qui nous parleraient d’elle. Dans ces conditions, observons la façon dont les auteurs orphiques intègrent dans les systèmes qui leur sont propres nombre de déesses et de dieux, grecs ou étrangers. Vu cette tendance à l’assimilation des divinités les plus diverses, il semble peu probable qu’ils aient négligé Sémélé alors qu’une tradition parfaitement connue l’associe constamment à Dionysos. Mais nous n’en sommes pas réduits à cette considération vague. Selon Hécatée, Orphée a introduit en Grèce les mystères égyptiens de Dionysos ; or l’historien précise qu’ami des Cadméens, Orphée a situé chez eux la naissance du dieu, en faisant de lui un enfant de Zeus et de Sémélé117. Nous pouvons refuser la thèse d’une origine égyptienne de Dionysos ; en revanche nous ne pouvons pas refuser à Hécatée une bonne connaissance des traditions helléniques. Bien que le nom de Sémélé n’y figure pas, un autre témoignage relatif à l’orphisme se réfère clairement au fils de la princesse cadméenne. En citant plusieurs phrases que Kern attribue aux Rhapsodies, un commentateur néoplatonicien mentionne le mythe de Dionysos enfermé dans la cuisse de Zeus, avant de reparaître au jour et d’être confié à une nourrice118. Je reviendrai enfin sur les vers de Proclus que j’ai déjà cités ; ils nous enseignent que le dieu démembré revient à la vie en naissant de Sémélé. Or Proclus connaît très bien les poèmes orphiques dont il cite ou commente élogieusement de nombreux vers ; il me paraît peu probable que, dans sa propre poésie, il évoque un mythe contraire à leur enseignement. Bref, en articulant entre elles comme ils le font les deux naissances de Dionysos, les Hymnes n’innovent pas ; ils s’inspirent d’une tradition orphique bien établie.

    68Nous voudrions situer dans un ordre chronologique les mythes dionysiens auxquels les Hymnes font allusion. Constatant que les fragments connaissent une Hipta dont ils font la nourrice de Dionysos mais ne mentionnent pas Ino-Leucothéa à laquelle d’autre textes attribuent ce rôle, nous pourrions imaginer que l’Hipta chantée dans les hymnes 48 et 49 a élevé l’enfant de Perséphone, tandis qu’Ino a voué ses soins au fils de Sémélé. Sur ce dernier point notre hypothèse mérite d’être retenue. Après la mort de Sémélé, la sœur de cette malheureuse, Ino, mère elle-même d’un bébé, recevait naturellement la charge de nourrir son neveu. De fait, les hymnes qui la mentionnent nous situent dans un contexte thébain : « J’invoque Leucothéa, la fille de Cadmos, ... nourrice de Dionysos » ; « frère de lait de Dionysos, ... je t’invoque, Palémon »119. En revanche, il n’est pas certain que l’enfant confié à Hipta soit vraiment le fils de Perséphone. Un hymne du recueil enseigne qu’elle reçut le nourrisson issu de la cuisse d’un Sabazios, fils de Cronos ; les fragments orphiques racontent qu’elle s’est occupée d’un dieu issu de la cuisse de Zeus ; les deux sources mentionnent le Tmôlos120. Bien qu’elles diffèrent l’une de l’autre, ces deux indications orientent notre esprit vers le fils de Sémélé plutôt que vers celui de Perséphone.

    69Au reste, puisqu’il disposait d’une mère bien vivante, le fils de Perséphone n’avait pas besoin de nourrices ; comme Héra faisait peser sur lui de graves menaces, il lui fallait en revanche de puissants protecteurs. Les fragments enseignent qu’il fut confié à la garde de Courètes ; chargés d’armes, ils dansaient bruyamment autour de lui, comme ils le faisaient aussi, semble-t-il, autour de Perséphone121. Les Hymnes ne disent pas les choses d’une manière aussi explicite. Il évoquent pourtant les Courètes dansant ; ils le font avec légèreté mais, comme ils sont armés, leurs pas sont bruyants122.

    70Les Grecs attribuent plusieurs nourrices successives au fils de Sémélé. Selon le Pseudo-Apollodore, après avoir tiré l’enfant Dionysos de sa cuisse, Zeus chargea Hermès de l’apporter à Inô ; la chose n’échappa pas à Héra qui frappa la malheureuse nourrice d’une folie meurtrière. Pour sauver Dionysos, Zeus le transforma en chevreau puis Hermès le conduisit en Asie où il le confia aux Nymphes de Nysa123. Comme nous l’avons vu, les Hymnes connaissent Hipta et Inô-Leucothéa. Ils ne parlent pas des Nymphes de Nisa mais ils font aussi de Nymphes les nourrices de Dionysos124 et lient le jeune dieu à Nysa125. Ils lui associent en outre Silène, qu’ils nomment « nourricier de Bacchos »126.

    71D’après les Rhapsodies, Dionysos fut le sixième et dernier roi des dieux127. Zeus, son prédécesseur et son père, lui remit le pouvoir alors qu’il était encore un tout petit enfant128. C’est alors qu’il fut assassiné par les Titans129. Les Hymnes font-ils allusion à cette royauté de Dionysos quand ils le qualifient de « porte-sceptre » ? Ce n’est pas sûr, car ils qualifient d’autres divinités de la même façon130. Leur discrétion, voire leur silence, sur ce point ne me surprend pas. Comme nous l’avons déjà constaté, ils ne racontent exactement aucun événement mythique ; ils font brièvement allusion à certains d’entre eux pour évoquer la personne de la divinité qu’ils célèbrent et ses vertus les plus efficaces. Or, à en juger par les fragments de Kern, Dionysos n’exerce pas sa royauté d’une manière éclatante. En lui remettant les insignes du pouvoir, Zeus signale l’avènement d’une ère nouvelle où la présence du divin dans le monde et la relation de l’homme au dieu prendront une forme qu’elles n’avaient pas encore connue, mais il n’investit pas vraiment son fils de l’autorité suprême. Sa royauté restera symbolique. En fait, l’enfant divin meurt assassiné avant d’avoir régné et, quand il sera revenu à la vie, il ne jouera jamais le rôle d’un vrai souverain. À la différence de Zeus, Dionysos n’est pas un dieu politique.

    72En traitant de Zeus, nous avons constaté que les fragments lui attribuent une place centrale ; puisqu’il est à la fois début et fin de toutes choses, l’avènement de Dionysos n’a pas diminué son pouvoir. Comme les Hymnes, les fragments font du Cronide le dieu qui règne aujourd’hui sur le monde, assisté de Dikè. Évoquant les actions que Dionysos exerce effectivement dans l’univers et parmi les hommes, les Hymnes n’ont donc pas lieu de rappeler qu’un sceptre lui fut remis dans sa petite enfance.

    73Les fragments lient la naissance d’une humanité nouvelle au démembrement de Dionysos et au châtiment des Titans meurtriers. Les Hymnes semblent ignorer ce mythe remarquable. Nous traiterons de cette question quand nous chercherons à mieux comprendre ce qu’ils nous apprennent de la condition humaine. Dès maintenant, je noterai en revanche que les Hymnes reprennent un autre motif central du mythe orphique. Phanès, Zeus et Dionysos sont différents avatars d’une même divinité. De même que Zeus, en absorbant Phanès et le monde pour recréer l’univers à l’intérieur de sa propre personne devient un nouveau Phanès, de même, dernier-né des dieux, situé à la limite du mortel et de l’immortel, Dionysos devient la forme ultime du dieu Premier-né. En se référant, semble-t-il, aux Rhapsodies, Proclus écrit : « Jadis déjà, le théologien célébra en Phanès la cause démiurgique ; comme il le dit c’est en lui que résidait et préexistait le grand Bromios et Zeus qui voit toutes choses. » Le néoplatonicien ajoute : « Dionysos lui-même s’appelle sans discontinuité Phanès et Éricépaios »131. Bien qu’il fasse du Soleil le dieu suprême, Macrobe reprend à son compte plusieurs enseignements orphiques. Il cite des vers orphiques que Kern attribue aux Bacchica. Certains d’entre eux invoquent une divinité sous le double nom de Zeus-Dionysos, tandis que d’autres parlent d’un dieu

    que l’on appelle aujourd’hui Phanès et Dionysos,
    seigneur Eubouleus et très visible Antaugès132.

    74Nous trouvons dans le recueil des hymnes maints témoignages de cette assimilation. Comme nous l’avons vu, l’hymne du Protogonos donne au dieu Premier-né les noms d’Éricépaios, de Phanès, de Priape et d’Antaugès, mais il utilise aussi pour l’évoquer des images que d’autres hymnes emploient pour caractériser Dionysos. Ils qualifient celui-ci de διφυής, « doté d’une double nature », usant d’un adjectif qui s’applique aussi au Protogonos133 et lui reconnaissent des caractères taurins comme ils en prêtent à Phanès134. D’autres textes sont plus explicites. L’hymne de Dionysos invoque le fils de Zeus sous le nom de Protogonos. Après l’avoir invoqué sous son nom de Bacchos et sous plusieurs autres épiclèses usuelles, l’hymne du Triétérique l’interpelle dans un vers remarquable :

    Protogonos Éricépaios, père et fils des dieux
    Πρωτόγον’ Ἠριϰεπαῖε, θεῶν πάτερ ήδέ ϰαὶ υἱέ135.

    75Dans un même personnage capable de recevoir plusieurs noms, de revêtir plusieurs formes136, les Hymnes célèbrent ainsi celui qui, premier et dernier-né des dieux, fut tout à la fois leur ancêtre et leur ultime rejeton.

    76Les adjectifs ἄρρητος, « indicible », et ϰρύφιος, « caché », s’appliquent au Protogonos, comme ils conviennent à Dionysos137. Le premier peut signifier « ineffable » : l’homme n’a pas de mot approprié pour parler du divin ; dans la langue religieuse, il veut dire aussi « dont il est interdit de parler »138. Comme le second adjectif, « caché », il se réfère ainsi à un secret imposé par la tradition cultuelle. Tous les deux, ils qualifient la personne du dieu mais ils concernent davantage encore les démarches par lesquelles les hommes tentent d’entrer en communication avec lui. Pour ceux qui utilisent les Hymnes, le dieu semble à tel point solidaire de l’opération cultuelle où sa présence est ressentie qu’ils nomment Dionysos lui même ὄργιον ἄρρητον, « indicible action rituelle »139. Bien que, dieu des origines, le Protogonos semble plus éloigné des hommes et ne fasse pas l’objet immédiat de leurs cultes, il est si proche de Dionysos que les Hymnes le qualifient de πολυόργιον, « honoré dans de nombreux rites »140, comme si les cultes de Dionysos lui étaient en quelque manière destiné.

    77Quand nous avons recensé les allusions faites dans les Hymnes aux rites dionysiaques, nous avons négligé les indications relativement précises qu’ils nous fournissent sur deux grandes fêtes, les annuelles et les triétériques ou biennales. Il me semblait nécessaire de jeter un regard sur les mythes auparavant. Comme un hymne entier chante le dieu annuel et un autre le dieu biennal, nous pourrions penser que chacune de leur côté, ces fêtes honorent deux formes différentes du dieu ; il serait tentant de supposer : le fils de Perséphone et celui de Sémélé. Les choses sont en réalité plus complexes.

    78Plusieurs vers situent dans les fêtes biennales des rites commémorant la fille de Cadmos. Nous avons lu dans l’hymne de Sémélé :

    De la part de la sainte Perséphone, tu as obtenu des honneurs
    chez les mortels ; ils te les rendent lors de périodes propices qui reviennent
    tous les deux ans,
    quand ils célèbrent les douleurs qui donnèrent naissance à ton Bacchos,
    la table sacrée et les purs mystères.

    79Nous ne savons pas si la table sacrée concerne particulièrement Sémélé mais elle n’est probablement pas la seule destinatrice des mystères. Nous comprendrions mieux le geste de Perséphone s’ils lui sont consacrés ; la déesse serait ainsi qualifiée pour y associer la fille de Cadmos. L’hymne du Biennal141 invoque sans doute en Dionysos un dieu né dans le feu, cousu dans une cuisse, porté dans un van, c’est-à-dire le fils de Sémélé, mais il invoque aussi en lui Eubouleus, la pousse secrète de Zeus, c’est-à-dire le fils de Perséphone ; il l’appelle « enfant de deux mères » ; comme nous l’avons vu, il l’invoque enfin sous les noms de Protogonos et d’Éricépaios. Ainsi la fête biennale honore Dionysos, saisi dans la plénitude de sa divinité, au-delà de toutes les formes singulières sous lesquelles les mythes suggèrent une idée de ce qu’il est. L’hymne du dieu Annuel complète cet enseignement. Nous y lisons ce qui suit :

    J’invoque le Bacchos célébré chaque année, le Dionysos Chthonien,
    qui s’éveille avec les jeunes nymphes aux belles boucles.
    Reposant paisiblement auprès de Perséphone dans les demeures sacrées,
    il fait dormir pour deux ans la sainte période bacchique
    mais, lorsqu’il éveille à nouveau le cortège biennal,
    il se livre lui-même au chant de l’hymne avec les nourrices à la belle ceinture,
    assoupissant le temps et le remettant en mouvement, dans le cycle des moments
    propices142.

    80Les quatre premiers vers se rapportent sans doute au fils de Perséphone mais les suivants nous apprennent que celui-ci participe aussi aux fêtes biennales. Ainsi le dieu annuel et le dieu biennal sont un seul et même Dionysos.

    Phanès, Zeus et Dionysos, trois formes d’un même dieu

    81Comme nous venons de le voir, le mythe orphique parle d’un dieu qui revêt trois formes ou se manifeste dans trois personnages au cours des événements théogoniques. Pour comprendre ce paradoxe, il faut en premier lieu tenter de comprendre le fonctionnement du langage mythique. Il n’utilise pas de noms abstraits ; il n’enferme pas ce dont il parle dans le carcan de concepts clairement définissables ; il n’est donc pas univoque. Souvent pittoresques, les termes qu’il emploie ne visent pas à décrire ; multiples, parfois résolument contradictoires, les images mythiques sont destinées à suggérer l’invisible et l’inconcevable. Une pensée religieuse habituée à l’usage du langage mythique ne prend aucun récit à la lettre, mais se laisse entraîner par lui, au-delà des figures qu’il évoque et des événements qu’il raconte, vers un objet qui lui échappera toujours — elle le sait — et dont elle pourra seulement éprouver ou pressentir la présence. Les propos que nous avons collectés au sujet de Protogonos, de Zeus et de Dionysos, évoquent un être divin actif dans le monde et parmi les hommes, mais inconnaissable ; pour s’en approcher, la pensée doit l’envisager de plusieurs façons, toutes inadéquates, comme un, comme triple, si ce n’est comme indéfiniment multiple143. En fait, comme la religion grecque a souvent tendance à le faire, mais d’une façon plus résolue, l’orphisme refuse d’assujettir la réalité divine aux catégories humaines du nombre ; au-delà de l’un et du multiple, le divin les englobe144.

    82Issu du Temps et de l’Éther indéfini — mais que sont-ils si rien n’existe encore ? — appelé de plusieurs noms énigmatiques, Phanès est une première manifestation de l’être. L’image de l’éclosion d’un œuf suggère le mystère de son surgissement. Sa forme composite au-delà de toute vraisemblance, l’impétuosité de ses déplacements signifient qu’il n’est possible ni de lui assigner des contours ni de le situer dans l’espace ; elles évoquent aussi sa puissance : premier à paraître, il est le principe de tous les êtres qui viendront au monde après lui. J’ai dit que les Hymnes et les fragments utilisent des images diverses pour suggérer son activité procréatrice ou démiurgique ; je note maintenant autre chose. L’hymne ne se contente pas d’appeler le Premier-né πολύσπορος, « riche de nombreuses graines », il fait du dieu lui-même un σπέρμα, « une semence », ou un ἔρνος, « une jeune pousse ». Le Protogonos est en devenir, en croissance. Lumineux et terrifiant, il apparaît d’une manière définitive, il ne disparaîtra plus mais, à ce stade, il est encore virtualité. Les fragments nous laissent entrevoir les premiers développements de cette virtualité, en évoquant la formation de nombreuses entités à la fois divines et cosmiques parmi lesquelles des rois successifs s’efforcent déjà d’imposer un ordre.

    83Dans ce processus, Zeus joue le rôle décisif que nous avons vu. Pour assujettir à l’unité un monde où règne la multiplicité, il l’absorbe et, nouveau Phanès, il le recrée en lui, avant de le produire en le tirant de son crâne. Comme nous l’avons vu, l’hymne de Zeus se réfère à cet événement :

    Ô roi, toutes les réalités divines que voici ont paru en passant par ta tête.

    84Le verbe que je traduis par « ont paru », éphanè, signifie une action comparable à celle du dieu Protogonos qui paraît et fait paraître et mérite le nom de Phanès, pour cette raison. D’autre part, l’hymne qualifie Zeus de παντογένεθλος, « qui engendre tous les êtres » ; cet adjectif fait écho à la formule « principe générateur des bienheureux et des mortels » qui définit la fonction du dieu Premier-né. C’est dans la mesure où il réassume cette fonction que Zeus est ἀρχὴ πάντων, « principe ou début de toutes choses ». Il se distingue pourtant du prédécesseur auquel il s’assimile parce qu’il conduit à leur pleine réalisation les virtualités que celui-ci portait en lui. En effet, Zeus est aussi πάντων τε τελευτή, « fin, accomplissement de toutes choses ».

    85Accomplissement de toutes choses, roi d’un monde où il punit sévèrement toutes les injustices, maître redoutable infiniment puissant, on pourrait penser que Zeus immobilise l’univers dans son état final. Ce serait une erreur. En commettant lui-même les infractions que nous savons, Zeus engendre Dionysos et ouvre une ère nouvelle en lui confiant symboliquement son trône. Ce jeune enfant sera le dernier avatar du Protogonos.

    86Dionysos voit le jour dans des circonstances dont on hésite à parler publiquement. L’amour où il fut conçu contrevient aux lois du mariage, comme la plupart des amours qui engendrent des pouvoirs nouveaux dans le monde en formation ; il enfreint de surcroît la règle interdisant l’union d’un père et de sa fille145. Mort assassiné puis né une seconde fois d’une princesse humaine à laquelle l’étreinte de Zeus fut fatale, il se situe à la frontière du mortel et de l’immortel. Menacé, repoussé, longtemps exilé, il revient en Grèce pour y instaurer des cultes qui réunissent des fidèles exaltés et bruyants. Alors que Déméter a introduit parmi les hommes les paisibles bienfaits de l’agriculture, il leur apprend la culture de la vigne et l’usage inquiétant du vin. C’est un dieu paradoxal et perturbateur ; telle est sa vertu. Nous retrouvons en lui toutes les virtualités que le Protogonos incarnait. Comme le dieu Premier-né, Dionysos est « une jeune pousse »146 ; il est une graine, « une semence dont on garde fidèlement le souvenir »147. Alors que le Protogonos se montre plein de virtualités dans un monde où rien n’existe encore sous une forme distincte, Dionysos réassume la richesse des virtualités originelles dans un monde où coexistent de nombreuses entités, de nombreux êtres parfaitement définis, assujettis à un ordre dont Zeus doit assurer la permanence. Dans ce monde achevé, la virtualité est nécessairement perturbatrice. Certes le rituel soumet à un contrôle régulier les troubles provoqués par Dionysos mais celui-ci maintient la possibilité d’un renouvellement dans le royaume de Zeus. Zeus lui en donne le droit : c’est dans ce sens qu’il lui a cédé son trône.

    87Dans le monde achevé, le renouvellement ne peut pas consister dans la production d’êtres d’une ou de plusieurs espèces nouvelles. Il se manifeste nécessairement à l’intérieur des êtres existants. De même que le premier dieu, origine de tous les autres, se retrouve dans le dernier venu, à la limite de la mortalité, de même chaque être singulier peut retrouver en lui-même une trace de sa source divine148.

    88Le mythe raconte des événements mais la vérité du mythe ne dépend pas de leur historicité ; elle réside dans le sens que le récit de ces événements suggère. Le mythe raconte des événements passés mais, intemporel, il vise à éclairer la réalité présente. D’une certaine façon, Phanès, Zeus et Dionysos sont contemporains. En Phanès, le divin est transcendant au monde qu’il éclaire et définit à l’extérieur de lui-même. En Zeus, le divin qui a porté le monde dans sa propre substance reste complice du monde, même quand il l’a produit. En Dionysos, le divin pénètre les êtres auxquels il reste immanent. Toutefois, sous ces trois aspects, Phanès, Zeus et Dionysos sont un seul et même dieu.

    Deux déesses liées aux dieux majeurs du recueil orphique : Déméter et Perséphone

    89Nous avons déjà constaté que les mythes établissent des liens étroits entre Zeus et Dionysos d’une part et deux divinités féminines, Déméter et Perséphone, de l’autre. Les Hymnes signalent en outre des correspondances entre leurs cultes. Déméter et Dionysos, y lisons-nous, partagent le même foyer ; avec Calliope et Apollon, les Néréides ont révélé les mystères de Bacchos et de Perséphone. Un chant associe les Nymphes à Déméter et à Dionysos en leur faisant exercer ensemble une activité favorable aux hommes :

    Avec Bacchos et Déô, vous apportez aux mortels ce qui les charme149.

    90Une sorte de solidarité unit ainsi les deux déesses au grand dieu qui se manifeste dans les personnes de Phanès, de Zeus et de Dionysos.

    91Invoquées dans l’épître dédicatoire, elles font chacune l’objet d’un hymne. Déméter est en outre mentionnée dans sept hymnes et Perséphone, dans douze.

    Quelques observations sur Déméter

    92Les Hymnes l’appellent tantôt Déô, tantôt Déméter mais elle peut porter d’autres noms ; ils la qualifient en effet de πολυώνυμος ; elle peut aussi revêtir plusieurs formes150.

    93Les traits qu’ils lui prêtent correspondent largement à ceux que les traditions communes lui reconnaissent. Favorisant toute croissance, riche en fruits splendides, c’est une déesse de la végétation, mais elle se montre particulièrement attentive aux céréales. Elle les protège dans leurs semences, dans leur fructification verdoyante, dans leurs épis ; les récoltes de l’été l’alourdissent151. Elle ne contribue pas seulement à la vie végétale, elle favorise aussi les travaux des agriculteurs. La première, elle a attelé un bœuf à une charrue ; elle aime les serpes qui coupent les épis ; proche des aires à blé, elle protège les tas de grain. C’est ainsi une civilisatrice ; déesse de la céréaliculture, elle symbolise un style de vie. « Elle aime la paix et les activités épuisantes »152. Les « travaux de Déméter »153 s’opposent aux peines de la guerre. « Faisant lever pour les hommes ce qui assure leur subsistance », elle est dispensatrice de richesses ; elle assure plus précisément leur alimentation. Amie des enfants, elle est, comme la paix elle-même, « nourricière de jeunes gens ». C’est pourquoi elle mérite d’être appelée « mère pourvoyeuse de récoltes » et, mieux encore, « toute maternelle »154. Ces propos ne sont pas directement issus de l’enseignement des mystères mais ils ne le contredisent point. Quand il évoque le passage de la déesse en Attique et la fondation des mystères, Isocrate fait de Déméter une civilisatrice. En enseignant aux hommes une agriculture dont elle assure l’efficacité, écrit-il, la déesse leur a permis de ne plus vivre comme des animaux155. Pour F. Graf, ce sont des versions orphiques du mythe éleusinien qui ont interprété de cette façon le rôle joué à Éleusis par la mère de Perséphone156. Reconnaissons du moins que, selon l’hymne orphique, l’action attendue de la déesse par l’orant est digne d’une déesse civilisatrice :

    Viens, ...
    en amenant la paix, la bonne organisation objet de nos désirs,
    une richesse heureuse et la santé souveraine.

    94Déméter est solidaire de la terre. Les séismes provoqués par Nérée ébranlent « l’assise sacrée de Déô »157. C’est largement en cela que la déesse est Chthonia, terrestre ou terrienne plutôt que souterraine et infernale, car elle se manifeste avec évidence aux yeux des hommes :

    σὺ χθονία, σὺ δὲ φαινομένη, σὺ δὲ πᾶσι προσηνής
    Toi qui es terrienne, toi qui te montres, toi qui es bienveillante pour tous158.

    95Les végétaux dont elle assure la croissance sont l’une de ses manifestations les plus évidentes ; ils sont aussi l’indice de l’une de ses qualités majeures :

    ᾖς πολλαὶ μορφαί, πολυάνθεμοι, ἱεροθαλεῖς
    Elle a de nombreuses formes richement fleuries où la sacralité s’épanouit159.

    96La déesse semble ainsi résider dans la terre où elle exerce son activité bienveillante, mais elle ne se réduit pas à cette immanence. Les Hymnes l’évoquent aussi sous les traits d’une divinité anthropomorphe :

    Tu attelles ton char avec des mors de dragons,
    tu chantes évoé, lors d’une course tournoyante autour de ton trône160.

    97Cette image de Déméter diffère de celle que nous entrevoyons à la lecture de l’hymne homérique. Elle doit rendre sensible le prodige d’une sacralité grandiose, mais un peu inquiétante qui entoure la déesse. Les Hymnes la disent ἁγνή161. Cet adjectif ne peut signifier exactement ni chaste ni pure. De telles qualités ne sont pas celles d’une déesse unie à Zeus et à Pluton d’une façon cruelle ou monstrueuse et, tout spontanément, au mortel Iasion ; elles ne conviennent pas à la révoltée qui refuse d’obéir au roi des dieux et menace d’anéantir l’humanité. L’épithète ἁγνή caractérise une divinité qui, capable de se retirer du monde, de se soustraire à ses règles et à ses compromissions, peut accéder à une sacralité dévastatrice, au point de contraindre Zeus à modifier l’ordonnance qu’il veut faire régner dans l’univers.

    98Si l’épithète de ἁγνή est traditionnelle, les Hymnes emploient un autre mot plus rare pour qualifier Déméter : ἁγνοπόλος. Il doit sans doute indiquer que la déesse cultive la qualité signifiée par l’adjectif ἁγνή, qu’elle la développe et l’utilise, qu’elle enseigne peut-être aux hommes à l’acquérir ou le leur permet, dans les limites de leur condition162.

    99Conformément à l’usage commun, les Hymnes qualifient aussi Déméter de σεμνή. Elle est empreinte d’une sacralité qui impose le respect et la considération. C’est pourquoi elle fait l’objet de nombreux cultes ; ἁγλαότιμος, elle « reçoit de brillants hommages »163.

    100L’image de la déesse chantant évoé lors d’une course circulaire autour de son trône se réfère peut-être à certains des rites qui lui sont consacrés. L’hymne orphique de Déméter, qui la célèbre dans sa qualité d’Éleusinienne, la rattache avec évidence aux cultes d’Éleusis ; l’adjectif λαμπαδόεσσα évoque sans doute les flambeaux que l’on y porte parfois.

    101Les Hymnes font allusion à certains mythes de Déméter généralement connus mais ils semblent en évoquer des versions particulières.

    102Hésiode mentionnait l’union de Zeus et de Déméter : « Il entra ensuite dans le lit de Déméter, l’abondante nourricière ; elle enfanta Perséphone aux bras blancs »164. L’hymne de Perséphone reprend cette tradition. La déesse est « la fille du grand Zeus », « le saint rejeton de Déô », mais il recouvre cette union d’un lourd secret :

    Toi que Zeus engendra lors d’une union dont on ne doit pas parler.
    ἣν Ζεὺς ἀρρήτοισι γοναῖς τεκνώσατο ϰούρην165.

    103Pourquoi l’union de Zeus et de Déméter est-elle donc indicible ? Dans la société divine, l’union d’un frère et d’une sœur ne provoque aucune indignation ; les dieux de l’institution matrimoniale, ceux dont l’union constitue le modèle des mariages sont eux-mêmes frère et sœur. Nous constaterons que plusieurs auteurs assimilent Déméter à sa mère Rhéa. Déduisant de cette assimilation des conséquences que les Grecs n’en ont pas tirées, les polémistes chrétiens prétendent qu’en s’unissant à Déméter, Zeus s’accouple du même coup à sa sœur et à sa mère166. L’un d’entre eux, Athénagoras, nous fournit une autre information ; il affirme que Zeus poursuivit sa mère Rhéa (identifiée à Déméter) qui refusait de l’épouser ; comme elle s’était métamorphosée en serpent, il prit lui-même la forme d’un serpent et il s’unit à elle, après l’avoir attachée en usant d’un nœud appelé « nœud d’Héraclès »167. Il me paraît douteux que les Grecs aient perçu l’union de Zeus et de Déméter comme celle d’un fils avec sa génitrice ; cette idée est le produit d’un raisonnement particulier à Athénagoras ; en revanche, je serais enclin à retenir l’information factuelle qu’il nous apporte ; il doit bien l’avoir tirée de quelque source. Déméter a voulu se soustraire à l’étreinte de Zeus ; elle lui fut imposée par la ruse ou la violence et s’est accomplie sous une forme animale. Cette histoire trouve un parallèle dans un récit arcadien. Le frère de Zeus, Poseidon, s’éprit de Déméter. Repoussant ses avances, elle s’enfuit ; comme il se lançait à sa poursuite, elle se métamorphosa en jument et se mêla à une troupe de chevaux mais il la reconnut ; se transformant lui-même en étalon il s’unit finalement à elle. De leurs amours naquit une fille qui ressemble à Perséphone. Avec sa mère, elle est l’objet de cultes mystériques en Arcadie, comme Perséphone et Déméter le sont à Éleusis168. Je ne sais pas si Athénagoras se réfère très précisément à la tradition orphique, mais les Hymnes évoquent probablement un mythe assez proche de celui qu’il résume.

    104L’hymne de Corybas se fait l’écho d’un récit que nous étudierons ultérieurement.

    Le rapt de Perséphone et la conduite de Déméter

    105Les autres mythes évoqués dans les Hymnes concernent à la fois Déméter et sa fille. Les principaux d’entre eux sont relatifs au rapt de Perséphone, commis par Pluton, et aux conséquences qu’il entraîne. On sait que ce mythe a fait l’objet d’un grand hymne homérique. Il raconte le rapt, la quête et la révolte de Déméter, le conflit qui l’oppose à Zeus et la façon dont il se résout, puis la fondation des mystères d’Éleusis. L’hymne orphique paraît se rattacher à la même tradition. Comme nous l’avons vu, il appelle la déesse Déméter et Déô, ce qui est conforme aux usages éleusiniens169. De même il la qualifie de « vénérable », σεμνή, et « d’une pureté voisine de la sacralité », ἁγνή. Ces adjectifs peuvent s’appliquer à plusieurs divinités mais, selon l’enseignement d’Éleusis, ils conviennent particulièrement bien à Déméter et à sa fille Perséphone170.

    106Observons en deuxième lieu que l’hymne orphique présente essentiellement en Déméter une déesse de la végétation et de l’agriculture, liée notamment à la production des céréales. Or l’hymne homérique attribuait à Déméter les mêmes vertus ; il mettait fortement en évidence les pouvoirs que la déesse exerce sur la végétation : quand elle se retire et cesse de remplir la fonction qui lui est dévolue, les semences ne germent plus, les plantes cessent de croître, la famine menace l’existence de l’humanité ; quand elle se remet enfin à la tâche, tout pousse et la terre se couvre de verdure. Dans ce dépérissement et dans cette renaissance de la végétation, l’hymne homérique apporte une attention particulière à l’orge ; il évoque les labours, les semailles et la récolte du grain. Il dit aussi que la déesse d’Éleusis offre la richesse, donne ploutos171-. D’autres sources célèbrent Déméter de la même façon. Certains récits la rendent mère d’un enfant qui porte le nom de la richesse elle-même, le nom de Ploutos172. La tradition athénienne enseignera bientôt que Déméter a révélé l’art de cultiver les céréales à Triptolème, un prince d’Éleusis ; partant de l’Attique, celui-ci l’a fait connaître aux autres hommes173. Cette idée se trouvait précisément énoncée dans un poème attribué à Orphée174.

    107Il n’est pourtant pas certain que le recueil soit entièrement fidèle à la tradition éleusinienne. Signalons en premier lieu une absence. D’après l’hymne homérique, la déesse fournit aux hommes leur nourriture ; la pratique des mystères assure aux initiés de bonnes récoltes et la prospérité ; sur tous ces points, l’hymne orphique semble refléter la tradition des mystères. L’hymne homérique nous fournit cependant une autre indication sur les effets de l’initiation éleusinienne. Ceux qui n’en ont pas bénéficié, y lisons-nous, ne jouissent d’un sort égal à celui des initiés ni durant leur vie terrestre ni après elle175. Tout imprécise qu’elle soit cette formule nous donne un enseignement clair : les avantages que les mystères procurent aux initiés se feront sentir pour eux après leur trépas. Cette opinion généralement répandue trouve son expression chez Isocrate qui écrit à propos des rites secrets enseignés par Déméter aux Athéniens : « ceux qui y participent ont de douces espérances pour la fin de leur vie et pour l’éternité entière »176. En célébrant la Déméter Éleusinienne, l’hymne orphique ne dit pas un mot des avantages que la déesse promet ainsi aux hommes pour l’au-delà.

    108Sur plusieurs points, les Hymnes se réfèrent en outre à des versions du mythe de Perséphone différentes de la version connue par l’hymne homérique.

    109Certes, l’hymne de Pluton désigne son ravisseur dans la personne du maître des Enfers :

    Toi qui, ayant jadis enlevé la fille de la sainte Déméter
    pour en faire ton épouse, après l’avoir arrachée à la prairie, à travers la mer
    l’as conduite sous l’Attique au galop de tes quatre chevaux, dans l’antre
    du dème d’Éleusis — où sont les portes de l’Hadès177.

    110Le recueil orphique apporte pourtant quelques nuances au récit des aventures de Perséphone. Selon l’hymne homérique, elle jouait dans une prairie avec les Océanides quand Pluton l’a ravie. Un compromis met fin au conflit provoqué par ce geste : Perséphone passera un tiers de l’année sous la terre auprès de son époux et les deux autres tiers dans le monde supérieur auprès de sa mère, à proximité des dieux olympiens178. Les hymnes orphiques connaissent cette tradition, toutefois, en évoquant le retour périodique de Perséphone, ils lui attribuent un autre entourage que le récit le plus ancien. Celui-ci évoquait Perséphone jouant avec les Océanides puis avec Athéna et Artémis ; or l’hymne orphique interpelle les Hôrai dans les termes suivants :

    Compagnes de jeu de la sainte Perséphone, quand les Moires
    et les Charites, dans des chœurs circulaires, la ramènent à la lumière,
    pour le plaisir de Zeus et de la mère dispensatrice de récoltes179.

    111C’est toutefois l’hymne de la Mère Antaia qui s’écarte le plus de la tradition « homérique ».

    112L’adjectif ἀνταῖος signifie proprement « qui se trouve ou vient en face de vous » ; il peut s’appliquer à une image qui vous apparaît tout à coup ; il revêt parfois le sens d’adversaire ou d’ennemi. Plusieurs témoins font de lui une épithète de Zeus, d’Hécate et de Rhéa180. Appliqué à ces divinités, l’adjectif est ambigu. Selon Hésychius il serait un équivalent d’ἱϰέσιος, « accessible à la prière », « favorable au suppliant ». D’après l’Etymologicum Magnum, il signifierait en premier lieu « d’abord terrifiant », « redoutable ou funeste » mais finirait par vouloir dire, par antiphrase, « d’abord amène », « agréable, bienveillant ». Tirant parti de ces données, F. Vian propose une hypothèse séduisante : appliqué à Rhéa, l’adjectif aurait d’abord évoqué les apparitions par lesquelles la déesse s’est manifestée à des personnages mythiques ; par euphémisme, il serait ensuite devenu synonyme d’εὐάντητoς, « abordable », « qui se laisse fléchir par des prières »181. Cette interprétation me semble plausible ; dans toute la mesure où l’adjectif est devenu en quelques lieux une épithète usuelle de Rhéa, je me demande toutefois s’il a toujours revêtu un sens clair dans l’esprit de ceux qui l’employaient.

    113Qui est la Mère Antaia ?

    114L’hymne nous apprend qu’elle est « sous de multiples noms, la mère des dieux immortels et des hommes mortels ».

    115L’adjectif πολυώνυμος, « portant de multiples noms », s’applique à plusieurs dieux. Tel qu’il est employé ici, il nous invite à penser que les Grecs peuvent appeler de plusieurs façons la déesse désignée sous le nom de Mère Antaia. De fait, le premier vers de l’hymne 41,

    Ἀνταία, βασίλεια θεά, πολυώνυμε μῆτερ,
    Antaia, déesse reine, mère appelée de multiples noms,

    116semble faire écho au premier vers de l’hymne précédent :

    Δηώ, παμμήτειρα θεά, πολυώνυμε δαῖμον,
    Déô, mère complète, divinité appelée de multiples noms.

    117Cette correspondance nous incite à penser que la déesse invoquée sous le nom de Mère Antaia peut aussi porter le nom de Déméter. Un fait confirme cette conclusion : dans un hymne qui comporte dix vers, six vers célèbrent clairement la déesse éleusinienne. Nous les examinerons dans un instant. Notons d’abord que le texte de l’hymne nous suggère encore une autre identification. Il comprend les mots que nous avons cités : « Mère des dieux immortels et des hommes mortels ». Or les Hymnes reconnaissent cette qualité à trois divinités182. Gaia, « la Terre », est appelée « mère des Bienheureux et des hommes mortels » ; un vers adressé à celle qui est nommée « Mère des dieux » précise : « c’est de toi que naquit l’espèce des immortels et des mortels » ; Rhéa se voit interpellée sous les mots « mère des dieux et des hommes mortels »183. Faisons une autre observation : si l’hymne de la Mère des dieux reconnaît en elle une déesse phrygienne, il désigne aussi en elle l’épouse de Cronos ; ce faisant, il l’identifie à Rhéa184. Nous parlerons plus tard de cette Mère aux multiples formes.

    118En bref, sous l’appellation de Mère Antaia, l’hymne orphique honore une divinité qui se présente aux hommes sous plusieurs visages : sous celui d’une déesse phrygienne, la Mère des dieux ; sous celui de Rhéa, divinité sauvage et redoutable, objet de cultes bruyants ; sous celui de Déméter. Sous ces trois visages, cette divinité présente des affinités avec la Terre.

    119La majeure partie de l’hymne la présente pourtant sous les traits de la déesse éleusinienne ; or il lui prête des aventures à la fois proches et très différentes de celles que l’hymne homérique racontait.

    Toi qui jadis, à la recherche (de ta fille) sous la pression d’une douleur
    qui te faisait errer en de multiples lieux,
    mis fin à ton jeûne dans les replis d’Éleusis,
    et te rendis en Hadès vers la noble Perséphone ;
    tu prenais pour guide le pur enfant de Dysaulès,
    celui qui révéla les saintes amours de Zeus Chthonios, .. .185

    120Comme l’hymne homérique, ce texte évoque la quête de Déméter et le jeûne que son deuil lui inspira, avant qu’elle y mette fin à Éleusis ; mais il mentionne des événements que le vieux poème ignorait. Il raconte notamment qu’un être humain, le fils de Dysaulès, a révélé à la déesse le rôle de Pluton : c’est ce dieu, disait-il, qui a ravi Coré pour s’unir à elle.

    121De fait, plusieurs poèmes attribués à Orphée — dont nous possédons seulement quelques bribes — racontent que des habitants d’Éleusis, Dysaulès et sa femme Baubô, ont reçu Déméter186. Ils avaient pour fils Triptolème et Eubouleus qui furent témoins du passage de Perséphone et révélèrent à Déméter le nom de son ravisseur. En récompense, la déesse enseigna à Triptolème ou à Triptolème et à Eubouleus, l’art de semer et de cultiver les céréales187.

    122L’hymne orphique nous apprend en outre que Déméter est descendue en Hadès pour y rencontrer Perséphone. L’hymne homérique ne dit rien de cette descente aux Enfers ; en revanche plusieurs témoins antiques situent une kata-base parmi les œuvres attribuées à Orphée188 ; malheureusement mutilé, un long papyrus de Berlin résume une œuvre orphique intitulée Κάθοδος. Nous y voyons reprises plusieurs données « homériques » ; nous y trouvons pourtant le nom d’un personnage nouveau, Baubô ; les restes subsistants pourraient nous laisser croire qu’un habitant d’Éleusis, Céléos connu de l’hymne homérique, a vu quelque chose du rapt de Coré ; quant au reste, il convient de signaler une absence : la disposition du manuscrit semble ne pas laisser de place au récit d’une grève de Déméter comparable à celle que le vieil hymne racontait.

    123Dans l’hymne, un vers embarrassant fait suite aux cinq vers que nous venons de citer. Les manuscrits qui dérivent tous d’un même archétype le donnent sous la forme suivante :

    Εὔβουλον τέξασα θεòν θνητῆς ἀπ’ ἀνάγϰης.

    124Ce texte est difficilement compréhensible. La première partie du vers pourrait signifier : « après avoir enfanté le dieu Euboulos ». Du nom Euboulos l’hymne de Pluton fait en effet une épiclèse du dieu infernal ; comme la formule « mère Antaia » peut être une appellation de Rhéa, lire que cette déesse a enfanté Hadès ne nous étonnerait pas. Dans ce cas toutefois la seconde partie du vers sonne étrangement ; il faudrait comprendre « en procédant à partir », ou « en s’éloignant, en s’affranchissant de la nécessité mortelle ». Cela n’a pas grand sens. C’est pourquoi Quandt se résout à corriger le texte des manuscrits, dont il modifie une seule lettre. Il a d’abord proposé la lecture :

    Εὔβουλον τέξασα θεòν θνητῆς ἀπ’ ἀνάγϰης.
    Après avoir enfanté le dieu Euboulos, sous l’effet d’une nécessité mortelle.

    125Le mot à mot est intelligible mais il faut avouer que nous ne voyons pas très bien à quelle nécessité mortelle la déesse Rhéa pouvait être soumise quand elle donna le jour au dieu Hadès. C’est sans doute pourquoi Quandt retient finalement une conjecture de Theiler, aussi peu coûteuse que la précédente :

    Εὔβουλον τέξασα θεòν θνητῆς ἀπ’ ἀνάγϰης,
    Après avoir fait d’Euboulos un dieu, en le soustrayant à la nécessité de mourir189

    126Cette lecture rend mieux compte de l’ordre des mots dans la première partie du vers et donnerait un sens parfaitement intelligible. Elle nous contraint à admettre que le nom Euboulos s’applique ici à un personnage qui est né mortel.

    127Situons donc ce vers dans son contexte :

    (Toi) qui te rendis en Hadès vers la noble Perséphone ;
    tu prenais pour guide le pur enfant de Dysaulès,
    celui qui révéla les saintes amours de Zeus Chthonios,
    après avoir fait d’Euboulos un dieu, en le soustrayant à la nécessité de mourir.

    128Dans un tel enchaînement, une idée vient aisément à l’esprit : Euboulos est le fils de Dysaulès.

    129Nous avons déjà noté que plusieurs textes orphiques font de Triptolème et d’Eubouleus les enfants de Dysaulès190. Dans ces textes, Eubouleus est donc le nom d’un mortel ; or il est l’épiclèse d’un dieu dans plusieurs documents où il s’applique à Zeus, plus précisément à un Zeus chthonien191. Un même mot peut ainsi désigner des personnes qui n’ont pas toutes un pareil statut. Très proches l’un de l’autre, les noms Eubouleus et Euboulos diffèrent seulement par leur suffixe ; quasiment équivalents, ils peuvent alterner dans certains de leurs emplois. Comme nous venons de le voir, Eubouleus s’applique à un Zeus chthonien dans plusieurs textes épigraphiques ; or un hymne orphique fait d’Euboulos une épithète de Zeus Chthonios, qu’il identifie à Pluton192. Il n’est donc pas aventureux de supposer qu’Eubouleus et Euboulos peuvent aussi alterner selon les traditions, pour nommer un mortel, le fils de Dysaulès193. Nous sommes donc conduits aux conclusions suivantes : dans les Hymnes, le nom Eubouleus est une épiclèse de Dionysos ; le nom Euboulos peut être soit une épithète de Pluton, soit le nom d’un mortel, fils de Dysaulès — celui que d’autres auteurs apellent Eubouleus.

    130Selon Clément d’Alexandrie cet Eubouleus, fils de Dysaulès, était porcher ; lorsque la terre s’ouvrit, quelques-uns des ses pourceaux furent engloutis avec les deux déesses. Une scholie de Lucien dit plus précisément qu’ ils furent, lors du rapt de Coré, précipités dans le gouffre où la jeune déesse disparut194. Cette circonstance explique bien pourquoi Déméter prend cet homme pour guide, quand elle veut pénétrer dans les Enfers pour retrouver sa fille.

    131À ma connaissance aucun autre document que l’hymne de la Mère Antaia ne mentionne l’immortalisation d’Euboulos. Nous savons pourtant que Déméter cherche à immortaliser le fils de l’Éleusinienne qui l’a généreusement accueillie. Selon l’hymne homérique cette femme s’appelle Métanire, son époux, Céléos et leur fils, Démophon. La tradition orphique donne à ces personnages une autre identité. Ce ne sont plus des princes ; ils s’appellent Baubô, Dysaulès et Euboulos. Si la tradition orphique substitue ainsi le nom d’Euboulos à celui de Démophon, il n’est pas surprenant qu’elle transfère également sur l’enfant de Dysaulès la procédure d’immortalisation que la tradition homérique faisait appliquer au fils de Céléos et de Métanire. Euboulos n’est plus simplement un nourrisson ; c’est un témoin et c’est un auxiliaire de la Déesse ; son nom fait de lui un bon conseiller. Il intervient dans d’autres circonstances que Démophon ; pour lui le rite d’immortalisation aboutit.

    132En bref, l’hymne de la Mère Antaia s’inspire d’une version du rapt de Perséphone différente de la version « homérique » et qui trouvait son expression dans des poèmes orphiques aujourd’hui disparus. Il confirme les données que de rares fragments nous fournissent à leur propos ; il les complète sur deux points importants, tous deux relatifs à un fils de Dysaulès.

    La déesse Perséphone

    133L’hymne homérique et des poèmes orphiques dont nous possédons quelques fragments racontent le rapt de Perséphone et le drame qu’il a provoqué. Plusieurs hymnes évoquent la situation qui résulte de cet enlèvement et de l’union de Perséphone avec le maître du monde infernal, appelé Pluton ou Aidôneus. Épouse de Pluton, elle réside en Hadès dont elle garde les portes195. Elle règne sur les morts, habitants du monde souterrain196. Elle donne des ordres à ceux qui s’occupent d’eux197. Cela n’empêche pas qu’elle remonte périodiquement dans le monde supérieur, pour le plaisir de son père et de sa mère198.

    134Ainsi Perséphone est la maîtresse du royaume infernal. Dans l’exercice de cette fonction, elle définit le rôle d’Hermès199. Cependant, capable de revenir périodiquement parmi les dieux d’en haut, elle établit une relation entre le monde inférieur et le monde supérieur, comme son enfant Dionysos le fait de son côté.

    135En fait, elle est double ; les mythes signifient deux aspects distincts mais complémentaires de son activité. Fille de Zeus, elle devrait appartenir au monde supérieur ; enlevée par Pluton, elle entre dans le monde infernal où elle devrait rester à tout jamais ; la révolte de Déméter lui permet finalement de séjourner alternativement dans l’un et dans l’autre. Ses unions successives renforcent cette dualité. Son mariage fait d’elle la reine du royaume des morts ; son union avec Zeus confirme son appartenance au domaine des vivants parmi lesquels elle déploie sans cesse une action bienfaisante. Intermédiaire entre le haut et le bas, du fond du sol, elle fait croître et monter la végétation. L’hymne dit cette ambivalence. Après l’avoir nommée Perséphone fille de Zeus, il l’invoque comme épouse de Pluton et comme reine des morts ; il fait ensuite allusion à son union avec Zeus en l’appelant mère de Dionysos ; à la fin du développement, une phrase résume les conséquences de cette dualité :

    Seule, tu es vie et mort pour les mortels tourmentés,
    Perséphone ; tu nourris et tu tues toutes les créatures.

    136Les enfants de Perséphone participent comme elle du monde supérieur et du monde infernal.

    137Nous savons ce qu’il en est de Dionysos, le fils qu’elle a conçu de Zeus : mort, il renaît ; il agit parmi les vivants, mais séjourne dans le monde infernal. Nous avons vu qu ‘unie à Zeus, Perséphone a donné naissance à Dionysos. L’hymne fait d’elle la « mère du bruyant Dionysos aux multiples formes ». Cet enseignement est pleinement conforme aux traditions orphiques. Dans un texte que j’ai déjà cité, après avoir évoqué les amours scandaleuses qui ont uni Zeus à Rhéa-Déméter, Athénagoras poursuit : « Commettant un viol, il s’unit encore à sa fille Perséphone, à elle aussi sous la forme d’un serpent ; il en eut pour fils Dionysos »200. Sans mentionner le nom d’Orphée, Clément d’Alexandrie s’indigne du même événement : « Oublieux de sa première souillure, le voilà lui Zeus, père et corrupteur de la jeune fille ; il s’unit à elle transformé en dragon, ayant ainsi fourni la preuve de ce qu’il était. » En révélant la nature de cette union les auteurs chrétiens trahissent un secret : elle était indicible ; la religion interdisait d’en parler201. Plus brefs, d’autres témoignages font explicitement de ce mythe un mythe orphique202.

    138Les fragments que nous venons de citer nous aident à comprendre les vers de l’hymne de Dionysos que nous avons déjà rencontrés :

    Eubouleus riche en bons conseils, toi qui fus engendré
    lors de l’union indicible de Zeus et de Perséphone .. .203

    139L’hymne orphique de Perséphone nous apprend d’autre part que l’épouse de Pluton est « la génitrice des Érinyes ». Ces divinités jouent un rôle bien connu dans une pièce d’Eschyle. Redoutables, elles tourmentent les criminels, contribuent au châtiment des parjures, se montrent prêtes à venger les malheureux qui périrent victimes d’un meurtre. Elles s’accrochent aux coupables de leur vivant, mais les poursuivent encore après leur trépas204. Elles ont ainsi d’étroites affinités avec le monde infernal où elles résident ordinairement mais elles interviennent dans l’univers entier où elles agissent en qualité d’auxiliaires de la justice — qui se trouve, comme nous le savons, au service de Zeus205.

    140Quant à la façon dont les Érinyes ont vu le jour, les traditions grecques varient. Selon Hésiode, elles naquirent un jour de la Terre, fécondée jadis par les gouttes sanguinolentes qui avaient coulé sur elle, quand Cronos coupa le sexe de son père Ouranos206. D’après Sophocle, elles sont filles de la Terre et de Scotos, l’obscurité207. Eschyle les tient pour enfants de la Nuit208. L’hymne orphique enseigne donc qu’elles sont issues de Perséphone. Cette information nous est donnée dans une série de vers qui désignent en elle l’épouse de Pluton, la maîtresse de l’Hadès, immédiatement avant les mots « reine de ceux qui résident sous la terre ». Cela nous incite à penser qu’elle a conçu les Érinyes dans son union avec le roi du monde infernal. La chose est confirmée par l’hymne des Euménides où nous lisons à leur propos :

    Saintes filles du grand Zeus Chthonios,
    et de Perséphone, la jeune femme aimable, parée de belles boucles209.

    141Les hymnes orphiques nous livrent donc un enseignement différent de celui des autres mythes helléniques. Il est cependant en accord avec une tradition orphique attestée dans les fragments. L’un d’entre eux nous apprend en effet que Perséphone « s’unit à Aidès et, avec lui, donna naissance aux Euménides qui résident parmi les habitants du monde souterrain »210.

    Les dieux associés aux divinités centrales

    142Telles que les fragments nous les font connaître, les œuvres orphiques semblent reprendre dans leurs grandes lignes les généalogies mythiques traditionnelles, même si elles en modifient plusieurs détails et si elles tendent à les intégrer toutes dans un système qui procède à partir de Protogonos. Bien qu’ils mentionnent d’une manière occasionnelle seulement les relations de parenté des dieux qu’ils célèbrent, les Hymnes suivent leur exemple. Le Ciel et la Terre, rappellent-ils, ont enfanté les Titans ; Cronos et Rhéa sont les parents de Zeus211 ; Athéna, Perséphone, Apollon et Artémis, les Hôrai, les Charites et les Muses sont nés de Zeus ; Asclépios est fils d’Apollon212. Il y a lieu de penser que, pour les lecteurs anciens des Hymnes, nombre de dieux se situent ainsi dans des généalogies connues, même si la chose ne se trouve pas précisée à chaque coup. Dans plusieurs cas toutefois, les Hymnes se réfèrent à des généalogies inhabituelles. Nous connaissons le Protogonos ; nous savons ce qui en est de Dionysos et des Érinyes, par exemple ; considérons brièvement d’autres cas, en examinant, s’il y a lieu, les problèmes qu’ils soulèvent.

    143L’hymne de Rhéa commence de la façon suivante :

    Puissante Rhéa, fille de Protogonos aux multiples formes.

    144L’hymne donne ainsi pour fille de Phanès celle que la tradition hésiodique classe parmi les Titanines et les Titans, enfants d’Ouranos et de Gaia. Nous propose-t-il vraiment ainsi une généalogie aberrante ? Je n’en suis pas certain. En ce qui concerne Rhéa, le recueil suit quant au reste les généalogies traditionnelles ; il l’unit à Cronos pour en faire la mère de Zeus ; ce conformisme nous incite à penser que, dans l’hymne, le nom Protogonos désigne l’Ouranos de la tradition courante. Je ne veux pas dire que ce mot est simplement employé comme une épithète du dieu-ciel ; le phénomène est plus subtil. Dans les autres hymnes, le mot Protogonos s’applique toujours au dieu qui porte aussi les noms de Phanès et d’Éricépaios, même si celui-ci connaît son ultime avatar dans la personne de Dionysos. En revanche j’attribuerais de l’importance à un mot du vers que nous examinons : l’adjectif πολυμόρφος, « aux multiples formes ». Le Protogonos dont Rhéa est la fille peut revêtir plusieurs formes. Le ciel, Ouranos, ne serait-il pas l’une d’entre elles ?

    145Nous constaterons que les Hymnes assimilent plusieurs divinités entre elles et établissent d’étranges équivalences entre des noms qui semblent s’appliquer le plus souvent à des divinités différentes ; c’est ainsi que Cronos lui-même se trouve invoqué sous le nom de Prométhée213. L’hymne de la Mère des dieux me semble confirmer notre hypothèse : il identifie la Mère des dieux à l’épouse de Cronos, soit donc à Rhéa ; or il fait de celle-ci la fille d’Ouranos214. Si la même déesse peut être dite, en un lieu, fille de Protogonos et, en un autre, fille d’Ouranos, n’est-ce pas que Protogonos et Ouranos sont tenus pour deux formes d’un même dieu ?

    146L’hymne de Sabazios soulève une question semblable215. Il reprend la tradition qui, depuis plusieurs siècles, liait le dieu phrygien Sabazios à Dionysos. Il ne raconte pas seulement que ce dieu a apporté l’enfant divin sur une montagne de Lydie auprès d’Hipta. Il lui prête encore la conduite que tous les auteurs attribuent à Zeus ; Sabazios a cousu dans sa propre cuisse l’enfant prématuré. L’hymne retire-t-il donc à Zeus un rôle qu’une tradition constante lui reconnaît ? J’en doute. D’une façon surprenante, l’hymne fait de Sabazios le fils de Cronos.

    Écoute, Père, fils de Cronos, Sabazios, divinité célèbre !

    147Cette formule ne donne pas simplement une information généalogique. En unissant deux épithètes qui conviennent l’une et l’autre à Zeus, « Père » et « fils de Cronos », elle nous incite à reconnaître en Sabazios une forme occasionnelle du dieu souverain. J’ai dit occasionnelle ; les deux figures divines ne sont pas identiques ; les dieux coïncident en une circonstance particulière, dans l’une de leurs actions. Cela n’abolit pas tous les traits qui les distinguent.

    148Étudions donc ce phénomène d’une manière plus systématique.

    149Les Hymnes associent étroitement plusieurs dieux aux divinités centrales que nous avons étudiées et semblent parfois, dans ces associations, les identifier partiellement les unes aux autres.

    L’entourage de Déméter

    150D’étranges homologies unissent Déméter à plusieurs déesses. Nous avons déjà constaté que six vers d’un poème qui en compte dix célèbrent la déesse éleusinienne sous le nom de Mère Antaia. Or l’hymne invoque cette Antaia de la façon suivante.

    Antaia, déesse-reine, sous de multiples noms mère
    des dieux immortels et des hommes mortels ...

    151Cette invocation nous apprend en premier lieu que la déesse assimilée à Déméter porte plusieurs noms ; elle nous apprend en second lieu que cette déesse est mère des dieux et des hommes. Le nom « mère » veut-il dire « génitrice », « nourricière », ou simplement « animée de sentiments maternels » ? Déméter montre de l’attachement à l’égard de sa fille Perséphone ; l’enlèvement de celle-ci la fait souffrir dans sa maternité et cette blessure inspire sa révolte mais, quand la maternité s’étend à la totalité des dieux et des hommes, elle n’est plus caractérisée par des sentiments aussi personnels. Celle qui, comme Déméter παμμήτειρα θεά, est appelée « mère » reste peut-être protectrice mais, en employant ce nom, l’hymne évoque d’abord en elle d’autres vertus. Sans se référer à une généalogie précise, il fait de la déesse une source de vie et de nourriture ; une autre mère universelle est précisément βιοθρέπτειρα, « celle qui nourrit la vie »216. Le recueil attribue en effet le même titre à plusieurs divinités.

    152Il célèbre l’une d’entre elles sous le nom de « Mère des dieux » mais il précise que la race des mortels est issue de ses accouchements, aussi bien que celle des immortels217. Comme la mère Antaia, elle porte de nombreux noms ; elle est σεμνή comme Déméter218. Elle présente d’autres ressemblances avec la déesse éleusinienne. Comme elle, elle fournit leur nourriture aux êtres humains pour lesquels elle est dispensatrice de récoltes219. Comme elle encore, elle est solidaire de la terre, mais elle la domine plus clairement ; occupant un trône situé au milieu de l’univers, elle la possède ou la détient220. Proche de Déméter comme la mère Antaia, mais distincte d’elle, cette Mère des dieux est tenue pour étrangère ; c’est une déesse phrygienne. Nous avons noté les corrélations qui unissent entre eux les cultes de Déméter et ceux de Dionysos ; nous avons en outre reconnu que plusieurs mythes associent Dionysos à la Phrygie. Dès sa seconde naissance, Sabazios fait conduire l’enfant divin auprès d’Hipta qui lui servira de nourrice ; or, appelée « mère chthonienne », celle-ci fréquente l’Ida de Phrygie221. L’étrange Misé qu’un hymne rend solidaire de Dionysos participe aux cultes de la Mère Phrygienne222. Il est difficile de ne pas reconnaître dans cette Mère une forme de la Mère des dieux. Les liens qui unissent Dionysos et les cultes dionysiaques à la Phrygie sont connus de toute la tradition grecque. Les Bacchantes d’Euripide disent déjà la parenté qui unit les pratiques des bacchants aux cultes de la Grande Mère phrygienne223. L’hymne se conforme à la tradition en traitant la Mère des dieux de phrygienne. Pourtant, au moment même où il lui reconnaît ce caractère asiatique, il l’intègre dans le système grec en l’assimilant à Rhéa ; dans un même vers, il l’appelle à la fois phrygienne et épouse de Cronos224.

    153Cette assimilation se comprend car la Mère des dieux présente plusieurs traits semblables à ceux que nous trouvons chez Rhéa. Elle détient les insignes de la souveraineté. Royale, Rhéa est aussi « mère des dieux et des hommes mortels »225. La Mère des dieux conduit un char tiré par des lions tueurs de taureaux, elle se trouve entourée du bruit des tambourins et des castagnettes de bronze226. Quant au reste, épouse de Cronos et mère de Zeus, la Rhéa des Hymnes — dont nous avons déjà parlé — présente les traits que la tradition commune lui reconnaît.

    154Dans les Hymnes, une autre déesse se trouve encore appelée « mère des Bienheureux et des hommes mortels », c’est Gè, la Terre227. En elle comme en Déméter, comme dans la Mère des dieux, comme en Rhéa, les Hymnes chantent une déesse qui fait croître la végétation, produit des fruits, donne des récoltes et nourrit. Un vers utilise à ce propos l’image de l’accouchement : « toi qui, dans les douleurs de l’enfantement, mets au monde des fruits de toutes sortes »228.

    155En utilisant des formules semblables pour évoquer plusieurs divinités, les Hymnes signalent les parentés qui les unissent entre elles. Chacune pertinente en certaines circonstances, leurs diverses figures symbolisent une même activité divine. Les Hymnes vont plus loin. Ils identifient explicitement la Mère des dieux à Rhéa et, non moins clairement, la Mère Antaia à Déméter. Or ils nous incitent à voir dans la Mère Antaia une forme particulière de la Mère des dieux. Cela nous met sur le chemin d’une identification de Déméter à Rhéa. Dès le papyrus de Dervéni229, les textes orphiques font cette identification d’une manière explicite, ce qui ne veut pas dire qu’ils abolissent du même coup toute distinction entre la mère et la fille : « alors qu’elle était anciennement Rhéa, quand elle fut mère de Zeus, elle devint Déméter »230. Encore une fois, les Hymnes se situent bien dans la tradition orphique.

    L’entourage de Dionysos

    156Nous avons reconnu que Dionysos, Zeus et Phanès sont trois avatars d’une même divinité ; or les Hymnes identifient encore l’un ou l’autre de ces trois personnages à d’autres dieux.

    157C’est ainsi qu’ils font d’Adonis un être si proche de Dionysos qu’il semble parfois se confondre avec lui. À la fois féminin et masculin, comme Phanès, et doté d’un double sexe, comme Misé-Iacchos dont nous reparlerons, portant deux cornes comme Phanès et Dionysos231, Adonis est appelé Eubouleus232. Or nous savons que ce nom s’applique à Dionysos, le fils de Perséphone. Un vers est plus remarquable :

    Φερσεφόνης ἐρασιπλοϰάμου λέϰτροισι λοχευθείς233,

    158Nous pouvons comprendre

    soit : mis au monde dans la couche de Perséphone aux belles boucles,
    soit : mis au monde par l’accouchement de Perséphone ...

    159Peut-être l’hymne utilise-t-il délibérément une formule ambiguë ? Il paraît évoquer une version remaniée du mythe plus courant, racontant qu’Aphrodite envoya l’enfant Adonis, issu de l’arbre à myrrhe, auprès de Perséphone et que la déesse infernale fut à son tour touchée de sa beauté. La formule utilisée dans l’hymne suggère l’idée qu’il existe entre Perséphone et Adonis une relation proche de celle qui unit une mère à son fils. La version orphique donne ainsi une coloration maternelle au sentiment que la déesse infernale éprouve à l’égard de l’être merveilleux, de l’être touchant pour la possession duquel elle s’opposera bientôt à Aphrodite. On sait le compromis qui met fin à leur dispute : Adonis séjournera alternativement chez l’une et chez l’autre. L’hymne orphique conserve le souvenir de l’amour voué par Aphrodite au jeune fils de Theias ou de Cinyras. Pour le désigner, il utilise en effet la formule « doux rameau d’Aphrodite »234. Elle signifie la jeunesse d’Adonis et les espérances de croissance qu’elle implique ; elle signifie aussi la tendresse que la déesse lui porte. On se souviendra à ce propos que les Hymnes nomment aussi Dionysos « jeune pousse », « jeune rameau ». J’ajoute qu’un hymne l’appelle plus précisément « jeune pousse charmante des Nymphes et d’Aphrodite »235.

    160L’hymne rappelle enfin qu’Adonis disparaît et reparaît, passant alternativement dans le Tartare et sur l’Olympe236. D’une façon analogue, nous avons vu que Dionysos se repose auprès de Perséphone avant de reparaître lors des fêtes biennales.

    161Leur double appartenance au domaine de la vie et au domaine de la mort permet donc de rapprocher Adonis de Dionysos. Peut-être présentent-il un autre caractère commun ? Ils sont tous les deux issus de l’union incestueuse d’un père et de sa fille. Précisons toutefois que les Hymnes — qui parlent de Zeus et de Perséphone — ne disent rien des parents d’Adonis.

    162En bref, les Hymnes n’identifient pas Adonis à Dionysos. Ils lui reconnaissent une identité distincte en l’associant à la chasse et en situant à Chypre les cultes qui le célèbrent en même temps qu’Aphrodite237. Ils nous invitent pourtant à voir en lui une manifestation du divin très proche de celle que les Grecs perçoivent ordinairement dans la personne de Dionysos.

    163Le recueil orphique unit encore à Dionysos une divinité dont nous avons déjà cité le nom, Misé. L’hymne qui lui est consacré soulève assez de problèmes pour qu’il soit nécessaire d’en citer ici plusieurs vers :

    1 J’invoque le dieu thesmophore, Dionysos porte-férule,
    semence dont on garde la mémoire, Eubouleus aux multiples noms,
    pure et sainte Misé, reine ineffable,
    être double, masculin et féminin, Iacchos libérateur !
    5 Que tu te plaises dans le temple odorant d’Éleusis,
    que tu conduises des mystes avec la Mère, en Phrygie,
    que tu te plaises à Chypre avec la Cythéréenne bien couronnée,
    que tu te réjouisses des saintes plaines fertiles en blé
    avec la déesse qui est ta mère, la vénérable Isis vêtue de noir,
    10 au bord du fleuve d’Égypte, parmi les prêtresses-nourrices,
    puisses-tu venir ...

    164Considérons quelques-unes des questions posées par ces vers difficiles.

    165À la fin du deuxième vers, les manuscrits donnent la forme Εὐβουλῆος. Elle ne soulève pas de problème grammatical ; nous pourrions comprendre Διόνυσον, ... σπέρμα ... Εὐβουλῆος, « Dionysos, ... semence ... d’Eubouleus ». La formule est admissible mais ambiguë. En Dionysos elle désignerait soit la semence issue d’Eubouleus, soit la semence qui deviendra Eubouleus. Dans le premier cas, Dionysos serait le fils d’Eubouleus ; dans le second cas, il serait son père. Ni dans l’un ni dans l’autre, nous ne parvenons à identifier cet Eubouleus. Quel serait ce fils de Dionysos ? Nous avons déjà dit que certains textes donnent à Pluton le nom d’Eubouleus, mais nos Hymnes ne font pas du dieu infernal le père de Dionysos. Nous savons d’ailleurs qu’ils appellent Pluton Euboulos et font du nom Eubouleus une épiclèse de Dionysos lui-même238. La formule « semence dont on garde la mémoire » nous est bien connue d’autre part ; elle qualifie le dieu qui porte successivement les noms de Protogonos et de Dionysos239. C’est pourquoi, avec Gruppe dont Quandt retient finalement la conjecture240, je crois qu’il faut corriger le texte et lire Εὐβουλῆος. Cette correction rend le deuxième vers aisément intelligible et permet de le traduire comme je l’ai fait plus haut.

    166L’hymne est intitulé « hymne de Misé ». Le troisième vers désigne en Misé une princesse dont on ne peut ou ne doit pas parler. Une question se pose : devons-nous comprendre que l’orant invoque Dionysos et Misé ou admettre que les mots Misé et Dionysos nomment une même divinité ? Au quatrième vers, les mots « masculin et féminin » indiquent que la divinité invoquée, qu’il s’agisse de Dionysos ou de Misé, est un être paradoxal, doté de deux natures ; à la fin de l’hymne, les verbes de la prière — dont le sujet est impliqué dans l’invocation entière — sont accordés au singulier ; il me paraît en résulter que la féminine Misé est une incarnation de la même divinité que le mâle Dionysos. Dionysos, Eubouleus, Misé et Iacchos sont un seul et même dieu.

    167Le mot Iacchos semble avoir été d’abord la transcription d’un cri proféré lors de certaines cérémonies bacchiques ; il serait ensuite devenu le nom d’un personnage constituant le symbole ou l’incarnation de ce cri. Quoi qu’il en soit, ce personnage, tenu pour un compagnon de Dionysos, se trouve invoqué dans plusieurs cultes mystériques. Une statue d’Iacchos était portée dans la procession conduisant d’Athènes à Éleusis et, sur son passage, la foule clamait son nom. Tenu pour un suivant de Dionysos, comme nous venons de le dire, et parfaitement distinct de lui, Iacchos se trouve pourtant identifié à lui dès le ve siècle241. C’est le cas dans notre hymne.

    168Le nom de Misé apparaît dans quelques inscriptions trouvées dans la région de Pergame ; cette divinité nous reste mal connue. Tirant argument des vers 3 et 4 de notre hymne, A.F. Morand voudrait reconnaître en elle une forme féminine d’Iacchos. Il me semble que l’hymne nous apprend autre chose : l’orphisme des Hymnes reconnaît en Misé la forme féminine d’une divinité bisexuée qui se manifeste par ailleurs en Dionysos, en Iacchos et en d’autres dieux. Il est sur ce point très instructif. Osiris, le compagnon d’Isis mort et ressuscité, objet de cultes mystérieux en Égypte ; Adonis le compagnon d’Aphrodite, alternativement mort et vivant, objet de cultes mystérieux à Chypre ; un compagnon de la Mère, probablement Attis, objet de cultes situés mythiquement en Phrygie ; le Dionysos-Iacchos, associé aux cultes d’Éleusis ; l’énigmatique Misé connue dans la région de Pergame ; ces différentes figures divines sont perçues comme des formes locales, toutes également légitimes, d’une même divinité, celle que la pratique orphique honore sous le nom de Dionysos-Eubouleus242.

    169Les fragments nous fournissent plusieurs indices d’assimilations analogues. Damascius qui se réfère aux mystères, à Orphée et aux théurges tient Attis et Adonis pour des divinités homologues. Kern rapproche du passage de Damascius un hymne cité par Hippolyte : ce chant invoque Attis et ajoute : les Assyriens t’appellent Adonis, les Égyptiens, Osiris et les Grecs, corne céleste de la lune243. Évoquant le rôle d’Orphée dans la propagation de tous les cultes mystériques, Diodore explique que les mystères d’Osiris sont les mêmes que ceux de Dionysos et les mystères d’Isis, les mêmes que ceux de Déméter244. En assimilant entre elles les divinités que nous avons nommées, l’hymne de Misé suit donc un usage attesté dans plusieurs œuvres orphiques.

    L’entourage de Zeus

    170L’hymne adressé à Pluton invoque le roi du monde des morts sous le nom de « Zeus Chthonios ». En évoquant l’union de Pluton et de Perséphone, l’hymne de la Mère Antaia et celui de Euménides emploient la même formule245. L’Iliade désignait en Hadès un « Zeus Catachthonios », soit clairement, un Zeus souterrain. Dans les Hymnes, la formule Zeus Chthonios a probablement le même sens. Dans plusieurs textes, en effet, l’adjectif chthonios qui signifie proprement terrestre, lié à la terre, évoque le monde souterrain des morts246. Usuelles, de telles expressions n’impliquent pas une réelle assimilation d’Hadès à Zeus ; elles indiquent pourtant que les Grecs perçoivent des homologies entre le maître de l’Olympe et celui du royaume infernal. Ce sont tous les deux des souverains ; ils ont en outre d’autres affinités. Nous le voyons par exemple dans l’Œdipe à Colone. Alors que, dus à Zeus, plusieurs coups de tonnerre ont retenti dans le ciel, annonçant la fin prochaine d’Œdipe, un ultime grondement souterrain, dû à Zeus Chthonios, apprend aux intéressés que cette mort est imminente247.

    171Une homologie semblable unit Zeus à son autre frère, Poseidon. Dans l’hymne de Dikaiosyné, deux vers mentionnent la totalité des animaux de la façon suivante :

    Tous les êtres vivants que, dans ses vallons, nourrit
    la Terre-Mère et ceux que nourrit Zeus-Marin248.

    172Ce Zeus marin est certainement Poseidon, car les adjectifs que je traduis par « marin », εἰνάλιος et πόντιος, sont des épithètes habituelles de cette divinité249.

    173Comme Hadès roi du monde des morts, Poseidon, roi du domaine marin se trouve appelé du nom de Zeus, le roi du ciel. Les trois frères qui se partagent la souveraineté de Cronos ont des personnalités distinctes mais ils sont trois spécifications de l’antique pouvoir que leur père exerçait sur la totalité de l’univers.

    174D’autres assimilations sont à la fois plus complètes et plus inattendues. Nous avons déjà vu comment Sabazios se trouve occasionnellement identifié à Zeus.

    Le dieu Pan

    175Un grand hymne célèbre le dieu Pan. Conformément à la tradition, le nom Pan désigne le dieu aux jambes de bouc, protecteur des bergers, compagnon de Nymphes dont il partage les danses, l’étrange démon capable de susciter des terreurs paniques250. À une intonation près, ce nom ressemble au neutre de l’adjectif πᾶς qui veut dire tout. Substantifié, ce neutre, τό πᾶν, signifie « le tout ». Sous le nom du dieu berger, notre hymne, jouant de cette homophonie, évoque du même coup le monde entier :

    J’invoque le robuste Pan, protecteur des pâtres, totalité de l’univers,
    ciel, mer, ainsi que terre souveraine
    et feu immortel ; car tels sont les membres de Pan251.

    176D’une manière surprenante à nos yeux, le dieu arcadien devient une image de l’univers entier ; il figure la puissance qui meut le monde. La tradition représente Pan jouant de la syrinx ; au son de ses mélodies, lisons-nous dans l’hymne, il fait retentir l’harmonie de l’univers252. Ce chasseur au regard précis, cet ami de la Nymphe Écho, fait croître, il engendre toutes choses ; c’est le maître du monde253. Un être aussi riche peut porter de nombreux noms254 ; il porte notamment celui de Zeus :

    Toi qui te plais dans les cavernes, être courrouçable, tu es le vrai Zeus cornu255.

    177C’est un point sur lequel les Hymnes n’innovent pas. En résumant le système qui lui est parvenu sous les nom d’Hiéronymos et d’Hellanicos, Damascius évoque l’image de Phanès et conclut : « Cette théologie le chante sous le nom de Protogonos ; elle l’appelle aussi Zeus, ordonnateur de toutes choses et de l’univers entier ; c’est pourquoi on le nomme aussi Pan »256. Là encore les Hymnes se rattachent à une tradition orphique.

    Le Soleil, Hélios

    178L’hymne du Soleil célèbre l’astre lumineux dont les mouvements définissent le jour et la nuit, conditionnent l’équilibre des saisons et donnent sa mesure au temps. Il recourt incidemment à l’image traditionnelle d’un attelage conduisant le soleil à travers le ciel mais il joue aussi de formules plus directes pour évoquer sa course ou son éclat ; il en utilise d’autres pour dire les bienfaits qu’il dispense aux hommes et à tous les vivants. Le chant orphique serait banal s’il se limitait à cet éloge mais il nous donne des enseignements plus surprenants.

    179Il fait du Soleil Hélios un Titan et l’appelle Hypérion. Le mot hyperion signifie « qui est au-dessus » ou, selon les lexicographes antiques, « qui se meut au-dessus (des choses) ». Chez Hésiode c’est le nom d’un Titan ; celui-ci a pour seul caractère le caractère que son nom suggère : il occupe les hauteurs ou s’y déplace ; les qualités qui sont les siennes se manifesteront plus clairement dans sa descendance ; il aura pour enfants le Soleil, la Lune et l’Aurore257. Fidèles à cet enseignement, plusieurs œuvres épiques ou lyriques présentent le Soleil comme un fils d’Hypérion258. Un fait courant ne signifie pas nécessairement que certains auteurs contestent cette généalogie. En raison de sa signification259, le nom Hypérion peut convenir au Soleil lui-même, comme nous le voyons dans l’Iliade, dans l’Odyssée et dans l’hymne homérique à Apollon260. L’hymne orphique ne suit pas simplement cet usage banal. En faisant du Soleil un Titan, il remonte le cours des générations, pour identifier le Soleil à celui dont de grandes traditions littéraires le font naître. L’exemple de l’assimilation Phanès-Zeus-Dionysos, celui de l’identification Déméter-Rhéa nous ont appris que la pensée orphique peut voir dans l’ascendant et le descendant — où, conformément au système hésiodique, les qualités implicites de l’ancêtre s’explicitent — deux formes d’une même divinité. Par de telles assimilations elle relativise la portée du langage généalogique ; l’hymne fait d’Hélios un être αὐτοφυής, un être qui porte en lui-même le principe de sa propre croissance, si ce n’est celui de sa propre naissance ; c’est pourquoi il ne faiblira pas ; tirant toutes ses forces de lui-même, il est infatigable261.

    180L’hymne commence par les mots :

    Écoute, Bienheureux, toi dont l’œil éternel voit toutes choses262.

    181Selon l’hymne homérique à Déméter, la déesse vient demander au Soleil ce qu’il est advenu de Perséphone, car, du haut du ciel, il voit tout ce qui se passe sur la terre. Cette capacité fait de lui un bon témoin des engagements contractés par les hommes. Les héros homériques invoquent le Soleil, lors des sacrifices qu’ils accomplissent pour confirmer un serment263. Dans le même esprit, l’hymne orphique le qualifie de πιστοφύλαξ, de « gardien de la foi jurée ». Il dit plus encore, en faisant de l’astre lumineux « l’œil de la justice »264 ; quand il voit les actions des hommes, le Soleil les juge ou attire du moins sur eux l’attention de la justice. Davantage encore, il peut les guider ; il montre la justice ; il dirige les hommes pieux sur la voie des bonnes actions et dompte les impies265. Ce pouvoir, sa hauteur ou sa supériorité font de lui le maître du monde266 : il est « Zeus immortel »267.

    182L’hymne identifie donc explicitement le Soleil à Zeus ; d’une manière allusive, il semble nous engager dans la voie d’autres assimilations. En qualifiant le Soleil de συριϰτής, de « joueur de syrinx », il le rapproche étrangement de Pan dont nous savons au demeurant qu’il peut être tenu pour une forme particulière de Zeus. Il le rapproche d’autre part d’Apollon. Pour évoquer le Soleil, il emploie en effet plusieurs expressions, plusieurs images qui s’appliquent ordinairement au fils de Zeus et de Léto. Il compare son mouvement circulaire à celui d’un chœur, le montre entraînant le monde dans une course harmonieuse, l’appelle Péan et, d’une manière étonnante, χρυσολύρης, « porteur d’une lyre d’or »268.

    183En assimilant le Soleil à Zeus, notons que l’hymne suit une tradition illustrée par d’autres œuvres orphiques269.

    184De toutes ces analogies, de toutes ces assimilations, il ne résulte pas que chacun des dieux rapprochés les uns des autres perde sa singularité pour se fondre dans la personne d’un dieu unique. Pan reste le dieu agreste aux jambes caprines, mais il prend une dimension nouvelle ; ses bonds deviennent l’indice d’un pouvoir formidable ; les mélodies de sa syrinx rythment les mouvements de l’univers ; il est l’incarnation de forces qui se déploient dans le monde entier. À ce titre, il remplit une fonction comparable à celle de Zeus. Il ne coïncide pas avec le souverain de l’Olympe mais il en est un aspect, celui du Zeus cornu. De même Hélios reste l’astre qui apporte la lumière mais il définit les jours et les nuits, il fait alterner les saisons ; comme Pan, il assure l’harmonie du monde270. Sur ce point son action coïncide avec celle de Zeus. De même que la figure de Pan est une image possible de Zeus, de même, le Soleil est un des signes visibles de sa puissance.

    185Dans les deux cas que nous venons de considérer, les assimilations sont explicites ; dans d’autres elles sont simplement suggérées. Le vocabulaire y contribue. Dans les textes étudiés, les mots ϰάρπιμε Παιάν, « Péan fertile », sont une apposition du Pan identifié à Zeus. Or le mot Péan est une épiclèse d’Apollon dans les Hymnes271, comme il l’est dans la tradition commune. Proche de Péan le nom Paion est une épithète d’Héraclès. D’une façon plus remarquable encore, le nom Pan et l’adjectif ϰάρπιμος s’appliquent ensemble à Dionysos272.

    Le cas d’Héraclès

    186Quelques mots de l’hymne d’Héraclès évoquent un être robuste, doté de bras puissants, connu pour avoir accompli de dangereux travaux, soit en un mot un personnage semblable à celui que la tradition nous présente ordinairement en lui. Deux vers nous invitent à reconnaître une fonction civilisatrice à ses exploits ; en tuant des monstres, il a repoussé la menace d’une sauvagerie brutale :

    Toi qui, en faveur des mortels, poursuivis des espèces sauvages
    et mis fin à leurs méfaits,
    dans le désir d’une paix nourricière de jeunes gens273.

    187Depuis Isocrate, plusieurs auteurs ont interprété de cette façon l’action d’Héraclès. L’hymne se montre plus original et plus audacieux sur d’autres points.

    188Alors que les mythes usuels présentent en Héraclès le fils de Zeus et d’une mortelle, l’hymne qui le célèbre fait de lui un Titan. Nous venons de voir que l’hymne du Soleil assimile Hélios à son père, le Titan Hypérion. Or nous trouvons dans les deux hymnes de mêmes épithètes appliquées une fois à Hélios, une autre fois à Héraclès ; ce sont αὐτοφυὴς ἀϰάμας, « infatigable, parce que tu es le principe de ta propre croissance », et χρόνου πατήρ, « père du temps »274. L’hymne tend ainsi à identifier Héraclès au Soleil. Un vers le confirme :

    Toi qui, autour de ta tête, apportes l’aurore et la nuit obscure275.

    189Cette identification nous permet de comprendre le mouvement que l’hymne assigne à l’auteur des travaux légendaires :

    Passant d’est en ouest à travers tes douze travaux276.

    190Assimilé au Soleil, Héraclès en suit la trajectoire. Le sens de ce dernier vers n’est pourtant pas très clair à mes yeux. Se réfère-t-il aux travaux terrestres d’Héraclès qu’il situerait banalement dans l’espace ? Les derniers d’entre eux, l’enlèvement des bœufs de Géryon et la quête des Hespérides le conduisent en effet à l’extrême occident mais les précédents se sont-ils vraiment succédé d’est en ouest ? Némée ou Lerne ne sont pas plus orientaux que le lac Stymphale, que la

    191Crète ou le pays des Amazones. Ne faut-il pas supposer plutôt que, dans ce vers, les travaux symbolisent les constellations du Zodiaque et les voyages d’Héraclès, la course du Soleil ?

    192Quoi qu’il en soit l’assimilation d’Héraclès au Soleil n’est pas douteuse, même si elle demeure partielle. Elle n’est pas exclusive. Héraclès présente en effet plusieurs aspects ; il est αἰολόμορφος. Plusieurs de ses épithètes évoquent Apollon. Selon la tradition, le héros Héraclès partage avec Apollon la qualité d’archer ; cela ne permet pas de les assimiler l’un à l’autre ; en revanche la fonction de μάντις, de devin, que l’hymne confère à Héraclès est purement apollinienne. Or nous constaterons qu’Apollon peut être lui-même assimilé au Soleil.

    193Comme παντοδυνάστης, παγϰρατὲς ᾖτορ ἔχων, παγγενέτωρ, πανυπέρτατος, plusieurs expressions attribuent à Héraclès une telle supériorité, une telle puissance, qu’il paraît se rapprocher de Zeus ; or Zeus se trouve parfois assimilé au Soleil, ainsi que nous l’avons constaté.

    194Suivons une dernière piste ; examinons un vers étrange :

    Toi qui as jeté l’éclair des traits premiers-nés, Paion à l’illustre nom,
    πρωτογόνοις στράψας βολίσιν, μεγαλώνυμε Παιών277.

    195Le vers suggère peut-être qu’Héraclès a lancé des éclairs comme Zeus le fait ordinairement, mais il dit peut-être autre chose. Quels sont ces premiers traits, flamboyants comme un éclair ? Dans le recueil des hymnes, l’adjectif πρωτόγονος ne peut pas ne pas évoquer l’idée du dieu Protogonos et le premier flamboiement, celle de son apparition fulgurante au début de la cosmogonie. Comme Zeus lui-même, Héraclès serait assimilé au dieu Phanès. La théologie orphique associée aux noms d’Hiéronymos et d’Hellanicos fait du nom d’Héraclès une des appellations de Chronos, le Temps originel où se forma l’œuf contenant le germe de Phanès278. Certes, elle n’identifie pas Héraclès à Phanès ; elle montre cependant que des auteurs orphiques ont pu associer un Héraclès monstrueux aux premières phases de la création.

    Le cas d’Héphaistos

    196L’hymne d’Héphaistos conserve un trait de l’image traditionnelle du dieu : il lui reconnaît la qualité d’artisan : ϰαρτερόχειρ, αἰώνιε τεχνοδίαιτε, « être aux bras robustes, vivant éternellement dans la pratique de ton métier ». Le mythe courant le tient plus précisément pour un forgeron, maître des arts du feu. Jouant de cette donnée, l’hymne l’amplifie et change la nature du personnage. Dès son premier vers il l’identifie au feu.

    Ἣφαιστ’ ὀμβριμόθυμε, μεγασθενές, ἀϰάματον πῦρ,
    Héphaistos au cœur courageux, à la force immense, feu infatigable.

    197Il ne s’agit pas seulement du feu qui brille dans la forge mais plus largement du feu qui constitue un élément subtil de l’univers (στοιχεῖον ἀμεμφές) ; source lumineuse, pure lumière, il est présent dans l’éther, dans le soleil, la lune et tous les astres. Tels sont en effet les phénomènes où le dieu se manifeste aux yeux des mortels279. Il est aussi présent parmi eux, dans chacune de leurs maisons, dans chacune de leurs cités. Chaque maison, chaque cité possède en effet son foyer mais il semble que cette présence soit pour les hommes plus essentielle encore ; il anime tous les peuples. En fait il habite le corps même des mortels, lui donne sa chaleur et, s’il est excessif, peut le brûler280.

    198Identifié au feu, Héphaistos ne se réduit pourtant pas à la flamme ; la chaleur et l’éclat de la flamme rendent sa présence manifeste mais, dans sa pleine divinité, il se trouve au-delà d’elle. L’image de l’artisan reste nécessaire pour nous suggérer une idée de ce qu’il est. Un vers précise qu’il est à la fois artisan et partie constitutive de l’univers281.

    199Tel que nous venons de le présenter, Héphaistos s’apparente aux dieux qui présentent des aspects solaires. Il est ὀμβριμόθυμος et μεγασθενής, il est ϰαρτερόχειρ, comme Héraclès ; il est ἀϰάματος, comme Hélios est ἀϰάμας282. Le vers

    παμφάγε, πανδαμάτωρ, πανυπέρτατε, παντοδίαιτε

    200qui s’adresse à Héphaistos fait écho au vers

    παμφάγε, παγγενέτωρ, πανυπέρτατε, πᾶσιν ἀρωγέ

    201qui invoque Héraclès283. J’ajoute qu’il est φωσφόρος, « porteur de lumière », comme Apollon et comme le Soleil lui-même284.

    Le cas d’Apollon

    202Les Hymnes reprennent à son sujet beaucoup d’enseignements traditionnels. Né de l’union de Zeus et de Léto, il est frère d’Artémis285. Portant une chevelure dorée, il tire à l’arc ; entouré des Muses, il joue de la cithare ou de la lyre286. Né à Délos, il s’établit à Delphes où il reçoit des enseignements de la déesse Thémis ; c’est un dieu oraculaire287. Il sera le père d’Asclépios288.

    203L’hymne des Néréides nous fournit une indication différente, propre à justifier la présence du dieu et sa place dans le recueil orphique. Avec Calliope et Apollon, y lisons-nous, les Néréides ont fait connaître les mystères de Bacchos et de Perséphone289. Apollon s’est donc montré intéressé à des cultes que la tradition orphique respecte. En contribuant à leur diffusion, il collaborait avec la Muse Calliope ; or l’hymne désigne en elle une mère, rappelant ainsi la tradition qui fait d’elle la mère d’Orphée.

    204Le grand hymne d’Apollon nous apporte des informations plus riches. Il est fait de deux parties, terminées l’une et l’autre par une prière. La première partie comprend une séquence épithétique comparable à celle qui forme le développement de la plupart des hymnes ; les épithètes y semblent toutefois placées dans un plus grand désordre. Nous y trouvons les épiclèses courantes d’Apollon : Phébus, Loxias, Péan, Pythien. Usuelles ou non, quelques épithètes évoquent l’image traditionnelle du dieu : « à la chevelure dorée », « à la lyre d’or », « musagète », « qui agit à distance », « lançant au loin les flèches de son arc ». Deux adjectifs se réfèrent à des épisodes connus du mythe apollinien, le meurtre du géant Tityos et celui du monstre Python. D’autres rattachent le dieu à ses grands sanctuaires ; on notera que quatre d’entre eux, ceux de Delphes, de Lycorée (un sommet du Parnasse), de Gryneinon (en Élide) et de Délos se situent dans la Grèce continentale ou insulaire ; tandis qu’un autre, celui de Didyme, est asiatique et un dernier, celui de Memphis, est égyptien. L’auteur de l’hymne semble vouloir souligner la grande diffusion des cultes apolliniens ; il leur associe des cultes étrangers à l’Hellade. Il insiste d’autre part sur le rôle oraculaire du dieu : il l’appelle μάντις, « devin », et lui adresse les mots suivants : « Tu émets de pures révélations ainsi que des oracles. » Dans cet ensemble de données conventionnelles, quelques mots semblent plus inattendus. Négligeons le qualificatif ἐράσμιος, « aimable, charmant », bien qu’il paraisse mieux convenir aux Charites et à Éros qu’à Apollon, mais signalons les deux mots associés, σπερμεῖος et ἀρότριος, « protecteur des semences et des labours ». Le dieu n’est certainement pas étranger aux activités paysannes ; dans les Thargélies et les Pyanepsies, deux de ses grandes fêtes, des offrandes végétales l’associent au soin des récoltes ; l’épithète Smintheus qui lui est donnée dès l’Iliade et que notre hymne reprend désigne probablement en lui un destructeur de rats ou de mulots et, dans ce sens, un protecteur des provisions de grain ; mais il ne paraît jouer de rôle majeur ni dans le labour ni dans les semailles. Nomios, il protège les pâtres et les troupeaux, plutôt que les agriculteurs. L’adjectif σπερμεῖος est en revanche une épithète de Déméter et ἀρότριος évoque la déesse qui, pour la première fois, attela des bœufs à une charrue290. Ces deux adjectifs sont précédés de l’épithète ὀλβιοδῶτις, « dispensateur de bonheur ou de prospérité », dont la forme féminine, ὀλβιοδῶτις, qualifie Déméter291. En bref, trois adjectifs qui ne s’appliquent habituellement pas à Apollon, le situent ici dans une catégorie de divinités agraires et mystériques, du type de Déméter292.

    205Quelques formules nous engageront dans la voie d’autres rapprochements : Soit d’abord φωσφόρε δαῖμον. L’adjectif φωσφόρος signifie parfois « porte-flambeaux » et se réfère alors à des pratiques rituelles ; ce n’est pas le cas dans les Hymnes où il veut clairement dire « qui porte ou apporte la lumière ». En effet, il y qualifie le Jour, le Soleil et le dieu Héphaistos qu’un chant identifie au feu, tel qu’il luit dans le soleil, dans la lune et dans les astres, ainsi que nous l’avons vu293. Nous y lisons encore πανδερϰὲς ἔχων φαεσίμβροτον ὄμμα, « ton œil qui brille pour les mortels voit toutes choses ». L’adjectif φαεσίμβροτον, « brillant pour les mortels » s’applique au jour ; il qualifie aussi Héphaistos, le feu brillant dont nous venons de parler294. La formule πανδερϰὲς ἔχων ... ὄμμα, « dont l’œil ... voit toutes choses », s’applique au Soleil295. En utilisant de telles expressions, l’hymne d’Apollon établit une étroite correspondance entre le dieu et le Soleil. Cette correspondance attirera notre attention sur le nom Titan que l’hymne donne étrangement à Apollon. Enfants d’Ouranos et de Gaia, les Titans sont des dieux très anciens ; l’un d’entre eux, Cronos, est le père de Zeus ; or Apollon est un fils de Zeus. Comment peut-il être classé parmi les dieux de la génération de son grand-père ? Nous avons constaté que les hymnes orphiques appellent Titan le Soleil lui-même, ainsi que d’autres divinités qui lui sont assimilées ; en jouant de cette appellation l’hymne identifie le Soleil et Apollon.

    206Le dieu présente des aspects solaires dès une époque ancienne. Sa vieille épiclèse, Phoibos, désigne en lui un être lumineux ou brillant. Selon l’hymne homérique, en arrivant à Crisa, il se manifesta au milieu du jour comme un astre296. Une époque plus tardive l’assimilera résolument au soleil297. Il convient toutefois d’observer que cette assimilation passe précisément pour orphique. Selon le pseudo-Ératosthène, Orphée lui-même tenait le Soleil pour le plus grand des dieux et l’appelait Apollon298. L’auteur des Rhapsodies aurait déclaré, au début de son vaste poème, qu’il a composé sa théogonie sous l’inspiration d’Apollon ; or il appelait le fils de Léto tout à la fois Phébus, Titan et Soleil ; il écrivait en outre à son sujet, « voyant toutes choses, exerçant son autorité seigneuriale sur les mortels et les immortels »299.

    207Ainsi, toute conventionnelle qu’elle paraisse, la première partie de l’hymne d’Apollon comprend quelques épithètes qui étendent les pouvoirs du dieu au-delà de ceux que sa figure traditionnelle paraît comporter. La seconde partie le fera d’une manière plus résolue. Ce n’est plus une simple suite d’épithètes. L’énoncé qui cesse d’être elliptique et allusif prend un tour discursif inhabituel dans le recueil. Nous y trouvons plusieurs phrases complexes, bien articulées.

    208La première développe l’idée énoncée dans la formule πανδερϰὲς ἔχων ὄμμα : « Tu portes tes regards sur toute l’immensité de l’éther, sur la terre au riche destin et, d’en haut à travers l’obscurité, dans la tranquillité de la nuit sous la sombre voûte aux yeux d’étoiles, tu regardes les fondements (du monde) ». Saisissant ainsi toutes choses, le regard d’Apollon donne la mesure de sa puissance. Une proposition conclut la phrase que je viens de traduire : « Tu embrasses les limites de l’univers entier. » Plus brève, une deuxième phrase introduit une idée nouvelle : « Le commencement et la fin font l’objet de tes soins, agent de toute floraison. » En utilisant cette formule si proche de celle qui s’applique ailleurs à Zeus « agent de toute naissance, commencement et fin de toutes choses », l’hymne établit une correspondance étroite entre les deux divinités. Il indique toutefois que les modalités de leur action diffèrent. Celles de l’action d’Apollon sont pittoresques. « De ta cithare sonore, tu imposes son harmonie à la voûte céleste ; allant tantôt vers la corde la plus aiguë, tantôt vers la plus grave, tempérant parfois la voûte entière sur le mode dorien, tu distingues les espèces nourricières de la vie. Pour les hommes tu composes harmonieusement le destin du monde, mêlant l’un à l’autre en parts égales l’hiver et l’été, définissant l’hiver par le jeu des cordes graves, l’été par celui des cordes aiguës et jouant sur le mode dorien pour le juste épanouissement du printemps, auquel beaucoup aspirent. » De Zeus, l’hymne distingue ainsi Apollon auquel, en usant de l’image de la lyre, il semble reconnaître une activité spécifique. Or il atténue brusquement cette spécificité en écrivant, immédiatement après les mots que je viens de citer : « C’est pourquoi les mortels t’appellent seigneur Pan, dieu doublement cornu, qui émets le sifflement des vents. » Ainsi l’action d’Apollon coïncide avec celle de Pan ; comme l’hymne de Pan nous l’avait appris, le dieu pasteur, joueur de syrinx, « fait résonner l’harmonie de l’univers au son de sa mélodie enjouée ». Ce Pan est d’ailleurs appelé Péan, comme Apollon ; or nous savons qu’il est aussi une forme de Zeus300.

    209Telle qu’elle s’exprime dans les Hymnes, la pensée orphique réélabore l’image des trois divinités que nous venons de considérer, mais elle conserve à chacune d’entre elles une personnalité distincte. Elle perçoit cependant d’étroites correspondances entre plusieurs de leurs actions. D’une certaine façon, ces actions coïncident ou se confondent partiellement. Même s’il est possible et pertinent de les attribuer à des personnages distincts, elles sont la manifestation d’une puissance divine qui se situe au-delà d’eux tous, bien qu’elle soit inconcevable et inaccessible, si ce n’est par l’intermédiaire de leurs noms et des images toujours inadéquates que l’on se fait d’eux.

    Quelques autres groupes d’associations

    Autour d’Artémis

    210Les Hymnes célèbrent l’Artémis que de nombreux textes nous font connaître. Fille de Zeus et de Léto, elle est née à Ortygie, tandis que son frère a vu le jour à Délos301. L’hymne qui lui est nommément consacré l’appelle sous des épiclèses usuelles, celles de Dictynna et de Cydonia, qui la lient à la Crète, et celle d’Orthia, rituelle à Sparte. Il met principalement en évidence deux de ses aspects, celui de la déesse chasseresse qui hante les forêts et les monts, entourée de chiens, à la poursuite de cerfs et d’autres animaux sauvages, et celui de la déesse de l’accouchement : celle-ci incite les femmes enceintes à délier leur ceinture au début du travail ou lève, par ce geste symbolique, les obstacles qui pourraient nuire au succès de leur effort ; elle peut aussi hâter leur délivrance. Ces deux traits appartiennent à l’image traditionnelle d’Artémis mais, en ce qui concerne le second, l’hymne souligne un paradoxe. Protectrice de l’accouchement, Artémis qui n’a jamais enfanté, n’a aucune expérience personnelle de la parturition. Platon faisait déjà ce constat : « n’ayant jamais accouché, elle a reçu pour lot le soin des accouchements »302, mais, pour énoncer la même idée, l’hymne recourt à un langage religieux : ὠδίνων ἐπαρωγέ ϰαὶ ὠδίνων ἀμύητε, « auxiliaire des accouchements et non initiée aux accouchements ». Des vers orphiques cités par Proclus utilisent une image semblable : ἀτελής <τε> γάμων ϰαὶ ἄπειρος ἐοῦσα παιδογόνου λοχίης πάσης ἀνὰ πείρατα λύει (fr. 187 Kern), « sans être initiée au mariage, dénuée de toute expérience de la parturition, elle en assure l’achèvement ». Ainsi, pour dire l’association de deux qualités que la tradition reconnaît simultanément à la déesse, l’hymne paraît s’inspirer de formules familières à des auteurs orphiques.

    211L’Artémis de la tradition est une protectrice des fillettes : elle assure leur développement, les prépare au mariage et les accompagne jusqu’à sa conclusion. Un vers pourrait faire allusion à la fonction qu’elle remplit ainsi :

    Ὀρθία, ὠϰυλόχεια, βροτῶν ϰουροτρόφε δαῖμον,
    Orthia, accélératrice de l’accouchement, nourricière de jeunes gens.

    212Certes l’adjectif ϰουροτρόφος s’applique à d’autres divinités qu’Artémis ; dans les Hymnes eux-mêmes, il qualifie Déméter et la Paix. Il évoque les soins par lesquels ces divinités favorisent la croissance et la formation de jeunes êtres humains. D’après Diodore, Artémis serait courotrophe parce qu’elle protège les nourrissons et pourvoit à leur alimentation303 mais il n’est pas certain que le sens du mot soit aussi restreint. Débutant par l’épithète Orthia, le vers entier paraît concerner l’Artémis spartiate. Celle-ci est la destinatrice de rites fameux, constitutifs de l’initiation masculine, mais elle reçoit en outre l’hommage de jeunes filles qui chantent et dansent ; elle les protège dans le cours de leur adolescence ; de cette manière aussi, elle pourrait remplir une fonction de courotrophe304.

    213Un mot peut surprendre dans un hymne qui honore la divinité d’une manière apparemment aussi conformiste, l’adjectif βρόμιος, « frémissant, grondant ». Épithète usuelle de Dionysos, il peut qualifier ce qui appartient à Bacchos ou lui est lié. Il paraît établir une relation particulière entre Artémis et le dieu du vin. Devons-nous supposer que l’épithète se réfère ici à des cultes rares où les deux divinités se trouveraient associées, comme c’est le cas à Patras d’après le témoignage de Pausanias305 ? N’évoque-t-il pas plutôt un caractère commun et aux danses et aux cultes célébrés en l’honneur du dieu et en l’honneur de la déesse ? De manière différente sans doute, ils sont également bruyants. Un adjectif signifiant précisément « bruyant », ϰελαδεινός, qualifie les deux divinités306. Peut-être certaines des danses qui les célèbrent ont-elles en outre présenté des parentés. On sait le rôle du masque dans les fêtes dionysiaques, on sait aussi qu’elles ont comporté des aspects scabreux. Des rites artémisiens semblent avoir requis l’usage de masques représentant des personnages d’un sexe différent de celui de leurs porteurs307. Dans sa description de l’Élide, Pausanias mentionne un sanctuaire d’Artémis Kordaka308 ; cette appellation associe la déesse à la danse dite kordax, danse pratiquée notamment lors des cultes de Dionysos, et généralement tenue pour comique si ce n’est pour indécente309. Le témoignage des lexicographes suggère que certains cultes d’Artémis ont compris l’usage de symboles sexuels310.

    214Dans l’hymne, l’appellation d’Artémis la plus étonnante, Titanine, apparaît au deuxième vers. Elle y précède l’adjectif βρομία dont nous venons de parler, l’adjectif passe-partout μεγαλώνυμος, « d’un grand nom », et les épithètes courantes, τοξότις σεμνή, « vénérable archère ». Ces différents mots semblent trop banals pour s’appliquer seulement à l’Artémis Titanine ; ils conviennent à la déesse, quels que soient les aspects sous lesquels on l’envisage. Bien qu’ils figurent dans un même vers, ils ne constituent pas ensemble une unité sémantique ; indépendants des autres, chacun d’eux nous donne une information complète. Rattaché directement au nom d’Artémis, le mot Titanine nous apprend alors une chose simple : Artémis est une Titanine. Cette affirmation surprend si nous songeons que, reprenant le mythe le plus courant, les Hymnes font d’elle une fille de Zeus et de Léto. Toutefois, comme nous l’avons noté, les œuvres orphiques assimilent parfois le descendant à son ascendant ; selon la tradition unanime, Zeus est un fils du Titan Cronos ; d’après Hésiode, Léto est issue des Titans Coios et Phoibè ; l’hymne d’Artémis pourrait ainsi assimiler la déesse à son ancêtre, la Titanine Phoibè. C’est probablement le cas ; je serais pourtant enclin à ne pas invoquer seulement cette tendance générale pour rendre compte de notre vers. Je me souviendrais que le recueil des hymnes présente en Artémis la sœur d’Apollon et qu’il fait d’Apollon un Titan ; je me rappellerais en outre que, du même coup, il associe ce dieu au Soleil. Tout cela m’incite à penser qu’Artémis est Titanine comme Apollon est Titan. Songeant enfin qu’enfants d’Hypérion et de Théia, le Soleil et la Lune sont frère et sœur, je me demande si les Hymnes n’associent pas Artémis à la Lune comme ils associent au Soleil son frère Apollon. Le jeu des épithètes pourrait confirmer ces assimilations : il semble qu’Artémis et la Lune puissent l’une et l’autre être appelées Phoibè311, du nom de la vieille Titanine. Un fragment d’Eschyle rapproche Artémis de la lune312 ; la déesse et l’astre sont identifiés l’un à l’autre dans la spéculation stoïcienne ; cette assimilation devient assez fréquente à l’époque romaine313. Il n’en résulte pas que l’hymne orphique l’accomplisse à coup sûr. D’autres indices y méritent plus d’attention : plusieurs mots évoquent clairement les traits lunaires de la Létoïde. Les noms ϰούρη et βασίλεια sont d’un usage trop fréquent pour que nous puissions tirer une conclusion du fait qu’ils se trouvent appliqués tous deux à Artémis et à la Lune, mais est-ce une coïncidence si la Lune est νυϰτιδρόμος, « à la course nocturne », comme Artémis est νυϰτερόφοιτος, « à l’errance nocturne » ?314 Peut-être mais il est en tout cas significatif que la sœur d’Apollon soit πασιφαής, « visible ou brillant dans la nuit », comme le Soleil Hélios, et δαιδοῦχος, « porte-flambeau », comme la Lune elle-même315.

    215Sans affirmer que plusieurs divinités se trouvent comprises dans la personne d’Artémis, l’hymne dit pourtant la complexité de la déesse ; elle présente des formes variées (αἰολόμορφος) et porte plusieurs noms (πολυώνυμος). En l’appelant Dictynna, il utilise, ai-je dit, une épithète traditionnelle, mais l’usage de cette épithète implique l’assimilation d’une nymphe crétoise à la fille de Léto316. En suivant encore un usage établi, l’hymne de la Prothyraia fait une autre assimilation. L’adjectif prothyraia, « liée à l’espace qui se trouve devant une porte », qualifie une déesse protectrice du vestibule ou de l’entrée d’un édifice. Artémis est appelée Prothyraia à Épidaure317. L’hymne reprend cette dénomination : il invoque explicitement Artémis. Ainsi, la déesse qui conduit la fillette de sa naissance à son mariage et, en plusieurs étapes, prépare l’accès du garçon à la vie politique, cette déesse protège l’entrée de la maison ; d’une façon semblable, dans sa qualité de Propylaia318, elle garde l’entrée de la ville. L’hymne lui attribue des qualités qui conviennent à une gardienne des portes : elle est détentrice des clés et sait faire bon accueil319. Je note toutefois qu’il lui attribue d’autres qualités avec plus d’insistance encore ; elle assiste les femmes enceintes et favorise leur accouchement. Sur les quatorze vers de l’hymne de Prothyraia, huit célèbrent cet aspect de son activité. Il reprend pour l’évoquer deux expressions figurant dans l’hymne d’Artémis que nous avons considéré en premier lieu : ὠδίνων ἐπαρωγός, « qui offre un soutien dans les douleurs de l’accouchement », et ὠϰυλόχεια, « qui accélère l’enfantement ». Ainsi la gardienne des entrées favorise l’entrée du nouveau-né dans la vie. Sur ce point les fonctions d’Artémis coïncident avec celles d’une ancienne divinité, connue de l’Iliade et de l’Odyssée, la déesse Eileithyia. Une grotte lui est consacrée en Crète, à Amnisos ; μογοστόϰος, elle contribue au succès des enfantements320. L’hymne homérique à Apollon la montre indispensable à l’accouchement321 ; pour les femmes enceintes, c’est la déesse de la délivrance. Spécialisée dans cette unique fonction, elle n’a pas une individualité bien accusée ; elle se trouvera souvent absorbée dans la personne de divinités plus fortes, dans celle d’Héra qui passe parfois pour sa mère ou dans celle d’Artémis. Plusieurs inscriptions béotiennes mentionnent une Artémis Eileithyia. Des auteurs tardifs assimilent clairement Eileithyia à Artémis322. Le recueil orphique suit leur exemple en invoquant Eileithyia dans l’hymne de Prothyraia et, plus explicitement encore, en y interpellant une Artémis Eileithyia323.

    216À la différence de tous les autres, le premier hymne du recueil ne porte pas de titre dans les manuscrits ; le début du poème n’y est précédé du nom d’aucune divinité ni de la mention d’aucune fumigation. Il est probable que l’intitulé habituel dans tout le recueil a disparu accidentellement dans la succession des copies et des recopies ayant abouti à l’archétype des codices qui nous sont parvenus. Le premier vers nous apprend pourtant d’une manière certaine le nom de la divinité à laquelle l’hymne s’adresse : c’est Hécate. Selon Hésiode Zeus a accordé des pouvoirs étendus à cette déesse324 ; les auteurs postérieurs reconnaissent sa puissance mais la délimitent ; ils lui attribuent des traits étranges, souvent inquiétants ; ils l’associent aux spectres et à la magie325.

    217L’hymne orphique chante une Hécate très largement conforme à celle que cette longue tradition a élaborée. En l’appelant Perseia, il semble suivre l’enseignement hésiodique qui fait d’elle une fille de Persès326. En lui appliquant des épithètes connues, εἰνοδία ou τριοδῖτις, il invoque la déesse qui possède des autels le long des routes et pour laquelle on accomplit certains rites aux carrefours327. Il la montre participant à une fête bacchique avec les âmes des morts et suggère ainsi l’idée courante d’une divinité liée aux tombes, aux fantômes et aux revenants328.

    218L’hymne se conforme encore à la tradition en appelant Hécate σϰυλαϰῖτις, « protectrice des chiens ». Cette épithète ressemble aux mots σϰυλαϰάγεια ou σϰυλαϰαγέτις que nous trouvons dans deux textes magiques329. Un hymne cité par Hippolyte nous apprend que la déesse aime l’aboiement des chiens. Nous la voyons déjà, chez Apollonios de Rhodes, entourée de chiens aux aboiements sonores330. Ainsi caractérisée, Hécate ressemble étrangement à Artémis. Nous savons que celle-ci est elle-même proche des chiens ; l’hymne qui lui est consacré l’appelle aussi σϰυλαϰῖτις ; or la chose est d’autant plus significative qu’il s’agit là d’un mot rare. Les deux hymnes utilisent en outre des expressions semblables pour qualifier l’un Hécate, l’autre Artémis. Ἀγαλλομένη ἐλάφοισι, Hécate tire sa fierté de la proximité des cerfs ; ἐλαφηβόλος, Artémis lance ses traits contre des cerfs. Hécate est « nocturne », Artémis « va dans la nuit ». Hécate est ϰλειδοῦχος, « détentrice des clés », comme Artémis-Prothyraia. Elle est ἠγεμόνη, « guide », comme Artémis-Tyché331. Pour qualifier la déesse des routes et des carrefours, l’hymne d’Hécate emploie en outre l’épithète ταυρο-πόλος, « pâtre de taureaux », que la tradition commune applique habituellement à Artémis. Bref, nous ne forcerons pas les choses en disant que l’hymne assimile implicitement Hécate à Artémis. Comme nous l’avons déjà dit, cette assimilation est fréquente ; nous en trouvons déjà l’attestation chez Eschyle332.

    219Le deuxième vers de l’hymne nous suggère un autre rapprochement. Il nous apprend qu’Hécate est présente dans le ciel, sur la terre et sur la mer. Il reprend ainsi une indication d’Hésiode ; selon le poète béotien, Hécate peut faire sentir son influence sur la terre, sur la mer et dans le ciel333 ; l’hymne me paraît pourtant conférer une signification nouvelle à cette triple localisation. Le vers qui mentionne ainsi sa présence dans les trois régions du monde nous donne en effet une précision : dans les trois lieux, la déesse se montre vêtue d’un tissu de couleur safran. La couleur du vêtement porté par celle qu’on voit ainsi dans le ciel, sur la terre, sur la mer et qu’un autre vers qualifie de nocturne me semble désigner en elle l’astre de la nuit : l’hymne associe ou assimile Hécate à la Lune. La chose n’est pas nouvelle ; Plutarque, par exemple, signale de plusieurs manières les liens qui unissent la déesse à l’astre quand il ne les identifie pas l’une à l’autre334. Hécate est donc proche de la Lune comme l’est Artémis ; de ce point de vue encore, les deux déesses se ressemblent au point de se confondre.

    220Un autre hymne identifie enfin Artémis à Tyché, « la Destinée ». Il le fait explicitement en interpellant d’abord Tyché au vocatif : δεῦρο τύχη, puis en répétant son appel dans une formule verbale : ϰαλέω σ(ε) ... Ἄρτεμιν ἡγεμόνην, « Je t’invoque, Artémis conductrice ». Cette Artémis-Tyché est une Artémis-Hécate : elle est ἡγεμόνη et τυμβιδία, comme Hécate335 ; έἰνοδίτις, comme Hécate est dite εἰνοδία336 ; elle est ἀπρόσμαχον εὖύχος ἔχουσαν, comme Hécate est ἀπρόσμαχον εἶδος ἔχουσαν. Notons que des documents d’une tout autre nature semblent attester aussi l’assimilation d’Artémis à une déesse de la destinée337.

    221De son côté, l’hymne de Sémélé confirme les affinités qui unissent Artémis à la Lune. Plusieurs vers y évoquent évidemment l’astre croissant et décroissant, brillant parmi les étoiles, dans la nuit dont il constitue la parure. Quelques épithètes font de la Lune un équivalent nocturne du Soleil, en établissant du même coup une sorte de correspondance entre elle et le dieu Apollon. Elle est πανδερκής, « voyant toutes choses », comme le Soleil et comme Apollon338 ; elle est φαεσφόρος, « porte-lumière », comme le Soleil et Apollon sont φωσφόρος339. Elle est « mère du temps », χρόνου μήτηρ, comme le Soleil est χρόνου πατήρ, « père du temps »340.

    222D’autres épithètes donnent un enseignement plus direct. Peut-être n’est-il pas très significatif que deux hymnes évoquent l’un la course de la Lune (ἑλιϰοδρόμος), l’autre celle d’Artémis (εὔδρομος)341 ; il l’est sans doute davantage de voir ces courses qualifiées l’une et l’autre de nocturnes (νυϰτιδρόμος dans un cas, νυκτερόφοιτος dans l’autre342). Chose étrange pour un astre, la Lune est appelée ϰούρη, « jeune fille », et βασίλεια, « reine », comme Artémis l’est aussi — plus banalement pour une déesse343. La Lune est « masculine et féminine » ; la déesse Artémis est « de forme masculine »344. Enfin les deux sont également appelées « porte-flambeau »345. Ajoutons que la Lune est φερέϰαρπος, « porteuse de récoltes ou de fruits », alors que la prière finale de l’hymne à Artémis demande à la déesse de venir « en apportant de belles récoltes ou de beaux fruits »346.

    223Nous trouvons aussi dans l’hymne de Séléné quelques indices d’une affinité entre la Lune et la déesse Hécate. L’image d’un vêtement les caractérise l’une et l’autre ; la Lune est τανύπεπλος ; Artémis, ϰροϰόπεπλος. Je suis enclin à penser que l’expression φέγγει τρισσῶι λαμπομένη, « brillant d’un triple éclat », qui s’applique à la Lune se réfère aux trois domaines (le ciel, la terre et la mer) sur lesquels nous avons vu que la présence d’Hécate se manifeste347.

    224En ce qui concerne Artémis, Hécate, les affinités qui les unissent l’une à l’autre et toutes deux avec la Lune, nous venons de constater que les Hymnes s’accordent très largement avec un ensemble de traditions courantes dans le monde grec. Il convient d’ajouter qu’ils s’accordent en outre très bien avec des traditions données pour orphiques. Des fragments désignent en elle une archère ou signalent qu’elle contribue aux enfantements ; les Argonautiques d’Orphée connaissent une Artémis des portes348. D’autres fragments l’assimilent à Hécate ou identifient Hécate à la Lune349. Selon Pausanias Orphée lui-même aurait contribué à la propagation de cultes consacrés à Hécate350. Si certaines œuvres orphiques semblent avoir fait d’Hécate une fille de Déméter, cela n’empêche pas que d’autres aient continué de donner Artémis pour une enfant de Léto351.

    225Moins conformes aux croyances les plus répandues, quelques fragments donnent en outre des enseignements qui s’accordent avec certaines propositions énoncées dans les Hymnes, qui les éclairent et les complètent. Comme nous l’avons vu, les Hymnes appellent Artémis Prothyraia « porte-clé » et font d’Hécate « la princesse détentrice des clés de l’univers entier », παντός ϰόσμου ϰληιδοῦχος ἄνασσα352 ; or plusieurs commentateurs anciens de l’enseignement orphique mettent des clés dans les mains d’Hécate et tentent d’interpréter cette image chacun à sa manière353. Comme les Hymnes, certains fragments identifient enfin Artémis à Tyché, la déesse de la destinée354.

    226À son propos l’un d’entre eux fait allusion à un mythe étrange :

    Laissant là les membres de l’enfant, la divine Hécate,
    la fille de Léto aux cheveux bien bouclés, monta vers l’ Olympe.

    227En citant ces vers énigmatiques qu’il attribue à Orphée, Proclus ajoute que, sous le nom d’Hécate, le poète désigne ici Artémis. Dans le contexte des mythes orphiques, les membres de l’enfant sont probablement ceux de l’enfant Dionysos que les Titans viennent d’assassiner. Ces vers nous apprennent donc qu’après le meurtre de Dionysos, la déesse de la destinée a quitté les morceaux épars de son cadavre pour s’élever vers l’Olympe. Je rapprocherais cette indication d’un vers que nous lisons dans l’hymne de Tyché :

    Ἂρτεμιν ἡγεμόνην, μεγαλώνυμον, Εὐβουλῆος / αἳματος ἐϰγεγαῶσαν
    Artémis Conductrice, appelée d’un grand nom, née du sang d’Eubouleus355.

    228Nous savons que les Hymnes font du nom Eubouleus une épiclèse de Dionysos, le fils de Perséphone. Il me paraît difficile de voir ici dans le sang un symbole de la race. À quelle généalogie le vers se référerait-il ? Je suis enclin à prendre le mot dans son sens propre. La déesse de la destinée — à qui les mythes traditionnels n’attribuent avec constance aucun parent — est issue du sang répandu lors du meurtre de Dionysos. Cela n’empêche pas le poète orphique d’assimiler cette déesse à Hécate ou à Artémis ; il peut en effet tenir pour équivalentes des divinités auxquelles la tradition prête des origines différentes ; c’est ainsi qu’il identifie Artémis, fille de Léto, à Hécate, fille de Déméter. Bref, les vers cités par Proclus et ceux de l’hymne d’Hécate se correspondent et se complètent. Selon les premiers, la déesse paraît, sortant du sang de l’enfant assassiné ; d’après les seconds, elle quitte ensuite les membres du malheureux et se dirige vers l’Olympe.

    229Considérons enfin l’étrange Mélinoé. Elle fait l’objet d’un hymne entier que j’avoue ne pas bien comprendre. En voici les premiers vers :

    J’invoque Mélinoé, la jeune chthonienne vêtue de safran,
    que, près de l’embouchure du Cocyte, la vénérable Perséphone
    conçut dans la couche sacrée de Zeus Cronios356.

    230Nous apprenons ainsi que Zeus s’est uni plus d’une fois à sa fille Perséphone et qu’il en a eu un deuxième enfant357. Il s’agit d’un personnage mystérieux, que nous connaissons mal, car l’hymne est à son sujet notre source principale, notre source unique, à peu de choses près.

    231D’après les vers que nous venons de citer, c’est une créature chthonienne qui a vu le jour sur les bords de l’un des fleuves infernaux. Issue de Perséphone, elle est la demi-sœur des Érinyes, vengeresses des morts assassinés. Elle porte un vêtement de couleur safran. De l’adjectif relativement rare qui signale cette particularité, les Hymnes font une épithète d’Hécate ; cela nous incite à penser que Mélinoé présente des affinités avec la déesse des carrefours358. Dans la seconde partie de l’hymne, plusieurs vers le confirment :

    Elle affole les mortels par des apparitions fantomatiques,
    se montrant sous l’empreinte de formes qui lui sont étrangères,
    tantôt clairement visible, tantôt obscure, faite de vagues reflets brillant
    dans l’ombre ;
    c’est ainsi qu’elle vient au-devant de vous dans la nuit brumeuse359.

    232Nous savons que de nombreux témoignages associent Hécate à des revenants ; divinité inquiétante qui, surgie du monde infernal, se montre aux hommes sous l’aspect d’un spectre aux formes incertaines ; Mélinoé lui ressemble.

    233La fin de l’hymne nous suggère un autre rapprochement. Mélinoé y est appelée ϰαταχθονίων βασίλεια, « reine de ceux qui résident sous la terre ». Presque semblable à celle qui désigne Perséphone, ὑποχθονίων βασίλεια, cette formule nous incite à rapprocher les deux divinités l’une de l’autre. La double ressemblance qui unit Mélinoé à Hécate d’une part et à Perséphone de l’autre peut surprendre ; nous constaterons bientôt que plusieurs textes orphiques la signalent360.

    234Quoi qu’il en soit, l’étrange fille de Perséphone semble partager le pouvoir souverain de sa mère ; elle en incarne au moins certains des traits obscurs. Destinée à Mélinoé, la prière finale paraît bien s’adresser du même coup à Perséphone :

    Déesse, je te supplie, reine de ceux qui résident sous la terre,
    envoie aux extrémités du monde l’aiguillon qui tourmente notre âme,
    montre aux mystes un visage bienveillant dont la sacralité leur soit favorable.

    235La reine du monde infernal n’est donc probablement pas étrangère aux fantasmes qui tourmentent ou inquiètent les vivants ; si elle se montre capable de les éloigner d’eux, elle peut aussi les faire surgir et les diriger vers eux.

    236Les deux passages que je viens d’interpréter, non sans quelque hésitation d’ailleurs, se trouvent séparés l’un de l’autre par des vers beaucoup plus embarrassants. Les voici, situés dans leur contexte immédiat :

    2 elle que, près de l’embouchure du Cocyte, la vénérable Perséphone
    3 conçut dans la couche sacrée de Zeus Cronios,
    4 ἧι ψευσθεὶς Πλούτων ἐμίγη δολίαις ἀπάταισι
    5 θυμῶι Φερσεφόνης δὲ δισώματον ἔσπασε χροιήν,
    6 elle qui affole les mortels par des apparitions fantomatiques ...

    237Le vers 4 soulève de nombreux problèmes : a) Quel est l’antécédent du relatif ἧι, Mélinoé ou Perséphone ? b) Ce pronom complète-t-il ψευσθείς ou ἐμίγη ? Faut-il comprendre « par laquelle (il fut) trompé » ou « à laquelle il s’unit » ? c) Quelle valeur donner à la forme ψευσθείς ? Celle d’un passif « ayant été trompé » — ce qui serait normal — ou la valeur irrégulière d’un moyen « ayant trompé (dans son propre intérêt) » ? d) Comment comprendre Πλούτων ? Faut-il y voir un nominatif ou une forme élidée, devant la voyelle du verbe ἐμίγη ?

    238Comme les vers 2 et 3 viennent de mentionner les amours de Zeus et de Perséphone, certains auteurs ont supposé que l’union évoquée dans le vers 4 est celle de ces deux divinités. Cette exégèse nous entraîne à tenir Perséphone pour l’antécédent du pronom ἧι et Zeus pour le sujet de verbe ἐμίγη. Une question se pose alors : que faire du nom Πλούτων ?

    239Le tenant pour élidé, certains auteurs lisent ἧι ψευσθεὶς Πλούτων’ ἐμίγη ; ce faisant, ils voient un accusatif dans le nom du dieu : Πλούτων(α). Le vers signifierait :

    (Perséphone) à laquelle, ayant trompé Pluton, Zeus s’unit
    en usant de manœuvres rusées.

    240Qui propose cette interprétation doit attribuer à la forme passive ψευσθείς la valeur d’un moyen. De fait, cette forme n’a pas toujours pleinement la valeur d’un passif. Chez Sophocle, le devin Hélénos annonce la prochaine prise de Troie ; il le fait avec conviction et déclare qu’il est prêt à mourir ἢν τάδε ψευσθῇ λέγων, « s’il se trompe en faisant cette prédiction »361. Les dictionnaires citent plusieurs phrases de ce type où la forme passive ψεύδομαι signifie « être dans l’erreur » ; or ces phrases ne mentionnent aucun trompeur ; le personnage « trompé » n’est la victime de nul coupable ; il se situe hors de la vérité, de son propre mouvement. En dépit de sa forme, le verbe n’est donc pas un vrai passif ; équivalent à la forme réfléchie française « se tromper », il ressemble beaucoup à un moyen362. J’observe toutefois que ce quasi-moyen n’est jamais suivi d’un accusatif ; il ne régit pas de complément d’objet direct. Les exemples auxquels je viens de me référer ne justifient donc pas la lecture ψευσθείς Πλούτων(α).

    241A.F. Morand estime aussi que les vers 4 et 5 se réfèrent à l’union de Zeus et de Perséphone, mais elle en propose une interprétation nouvelle. Le verbe ψεύδεσθαι impliquerait ici l’idée d’un déguisement, comme il le fait chez Nonnos dans deux passages. La formule Ἣρη ψευδομένη s’y applique à Héra déguisée en nourrice ; la tournure Ζεὺς ψευδόμενος y désigne la pierre emmaillotée que Rhéa donne à Cronos, à la place de Zeus que le Titan attendait. Dans notre hymne le nom Πλούτων serait au nominatif, mais les mots ψευσθεὶς Πλούτων désigneraient en réalité Zeus métamorphosé, déguisé en Pluton. Ainsi le vers signifierait :

    (Perséphone) à laquelle le faux Pluton s’unit en usant de manœuvres rusées.

    242La solution est ingénieuse mais compliquée. Je ne suis pas certain qu’un Grec comprenne aisément ce « faux Pluton ». Je me pose en outre une question. Dans la formule de Nonnos, Ζηνòς ψευδομένοιο, le participe verbal est-il un passif ou un moyen ? J’y verrais un moyen, comme il faut le faire dans l’expression parallèle ‘Ήρη ψευδομένη, et tiendrais la pierre emmaillotée pour un Zeus trompeur plus volontiers que pour un Zeus falsifié. Or dans notre hymne la forme ψευσθείς est une forme passive. Pour suivre l’interprétation d’A.F. Morand, je voudrais que me soit proposé l’exemple clair d’une forme passive du verbe ψευδω ayant pour sujet la personne dont le trompeur a revêtu l’apparence.

    243D’un autre côté faut-il vraiment faire de Perséphone l’antécédent du pronom ἧι. Dans un chant consacré à Mélinoé, après le relatif ἥν du vers 2, avant le relatif ἣ du vers 6 qui reprennent tous deux le nom de la déesse invoquée, il ne paraît pas illogique de lui rattacher aussi le relatif ἧι du vers 4.

    244C’est ce que font plusieurs interprètes. Certains d’entre eux considèrent pourtant que Zeus est le sujet du verbe ἐμίγη. Ils pensent aussi que le nom de Pluton est élidé mais ils y voient un datif et veulent lire ψευσθείς Πλούτων(ι), « trompé par Pluton ». Ils comprennent donc :

    (Mélinoé) à laquelle Zeus s’unit, trompé par Pluton qui usait de manœuvres rusées.

    245L’iota du datif singulier de la troisième déclinaison est rarement élidé ; redoutant les ambiguïtés, le grec évite l’élision dans les cas où celle-ci laisserait le lecteur dans l’incertitude : la forme élidée est-elle un accusatif ou un datif ? En revanche il admet l’élision si la phrase ne laisse aucun doute sur ce point363. Dans notre texte, après une forme passive, le lecteur ne s’attend pas à trouver un accusatif ; l’élision du datif paraît donc possible. Une autre objection peut venir à l’esprit : le grec n’utilise pas fréquemment le datif d’un nom de personne pour désigner l’agent du passif ; il le fait pourtant quelquefois364.

    246Ainsi, grammaticalement, l’interprétation dont nous discutons n’est pas tout à fait inadmissible, mais elle pose un problème : en quoi les manœuvres de Pluton ont-elles consisté et pourquoi a-t-il provoqué l’union de Zeus et de Mélinoé ? Peut-être l’époux de Perséphone a-t-il tenté d’éloigner d’elle un Zeus trop entreprenant ? C’est pourquoi il a dirigé le désir de son frère sur Mélinoé ; il l’a substituée à Perséphone ou lui a peut-être donné l’aspect de la déesse convoitée ; les mots « manœuvres rusées » désigneraient ce subterfuge. Aucun document ne confirme cette fable.

    247Le texte du vers 4 se prête enfin à une lecture plus simple :

    ἧι ψευσθεὶς Πλούτων ἐμίγη δολίαις ἀπάταισι
    (Mélinoé) à laquelle Pluton s’unit, trompé par des manœuvres rusées.

    248Ou peut-être :

    à laquelle Pluton trompé s’unit en recourant à des manœuvres rusées.

    249L’idée est banale. Mélinoé cherche à séduire son beau-père ; elle se substitue à Perséphone et prend l’apparence de sa mère ; telle serait sa ruse. De fait, l’hymne nous apprend que l’étrange déesse est capable de revêtir de multiples formes.

    250Venons-en au vers 5.

    251Le premier mot θυμῶι présente pour le lecteur moderne une ambiguïté qu’il n’avait probablement pas pour un Grec. Ce nom désigne l’impulsion interne qui pousse un être humain à l’action, le désir, la passion, l’ardeur qui inspire ses efforts et ses conduites. Selon les contextes, les dictionnaires proposent de le traduire par « cœur » ou « âme », par « courage », par « volonté » ou par « colère ». Nous pouvons nous interroger sur la nuance qu’il revêt dans notre vers mais le sens profond n’en est pas douteux. Un problème se pose pourtant à son sujet : à quelle phrase devons-nous le rattacher ? À celle qui le précède ou à celle qui le suit ? On sait que la particule δὲ occupe toujours la deuxième place dans la proposition ou dans le groupe de mots qu’elle introduit. Nous nous trouvons donc en présence de deux possibilités. 1°) Suivi de la particule δὲ, le nom de Perséphone constitue le premier terme d’une proposition nouvelle ; dans ce cas, il faut considérer le nom θυμῶι comme un rejet et le rattacher au vers précédent. Nous devrions comprendre « à laquelle il s’unit ... / avec passion », ou peut-être avec « colère », si nous supposons que le dieu trompé découvre que sa partenaire n’est pas celle qu’il désirait. Dans cette hypothèse, Φερσεφόνης serait le complément du nom χροιήν ; le texte évoquerait la peau ou la chair de Perséphone. 2°) Étroitement liés l’un à l’autre, les mots θυμῶι Φερσεφόνης forment ensemble le premier terme de la proposition ; il faudrait comprendre : « Sous l’effet de la passion de Perséphone » ou « de sa colère ». La peau ou la chair désignée à la fin du vers serait celle de la personne à qui l’on pense, suivant la façon dont on interprète le texte entier.

    252Le verbe σπάω revêt plusieurs significations selon ses emplois. D’une idée centrale que pourrait énoncer approximativement le verbe français « tirer », dérivent suivant les contextes celle « d’attirer à soi », à la limite de « séduire », ou au contraire celle de « tirailler », voire de « déchirer ». L’action qu’il signifie dans notre vers et qui s’exerce sur la peau ou la chair s’accompagne-t-elle de douceur ou de violence ? La question reste ouverte.

    253De par sa composition, l’adjectif δισώματος doit signifier « au double corps », « qui a deux corps ». Le nom χροιή signifie « la peau, la surface ou la substance d’un corps ». La formule δισώματος χροιή suggère l’idée d’une peau recouvrant deux corps, ou d’une chair unique répartie en deux corps. Certains traducteurs supposent que cette expression désigne la femme enceinte avec l’enfant qu’elle porte. Les emplois usuels de l’adjectif δισώματος ne me paraissent pas justifier cette interprétation. Il s’applique à des êtres doubles ou hybrides, comme le Centaure, par exemple. Dans notre texte cet adjectif pourrait être considéré soit comme une épithète, soit comme un attribut du complément direct χροιήν ; il indiquerait alors l’état dans lequel la χροιή se trouve après avoir subi l’action énoncée par le verbe σπάω.

    254Ces analyses partielles ne nous livrent pas le sens du vers entier qui reste énigmatique ; d’une manière toujours incertaine, on l’interprétera de façons différentes, selon la façon dont on aura compris le vers précédent. À titre d’exemple, voici deux types d’exégèses possibles.

    255Admettant que le relatif du vers 4 se rapporte à Perséphone, nous comprendrions le vers 5 de la façon suivante :

    Perséphone à laquelle Zeus s’unit ...
    avec passion. Il tira sur la chair de Perséphone au point de la déchirer
    et d’en faire deux corps.

    256Cette déchirure pourrait signifier la présence d’une quasi-dualité à l’intérieur d’une personne unique. Le mythe devrait suggérer un paradoxe : sous les doubles traits de la mère et de la fille, Perséphone et Mélinoé sont une seule divinité. Accomplie dans la ruse et peut-être dans une violence indiquée par le verbe σπάω, l’union de Zeus et de Perséphone aboutirait à cet étrange dédoublement. Une telle hypothèse reste fragile.

    257Si nous retenons l’idée d’une Mélinoé revêtant l’apparence de Perséphone, nous comprendrions :

    (Mélinoé) à laquelle Pluton s’unit, trompé par des manœuvres rusées,
    mais, devant la colère de Perséphone, il déchira le revêtement
    commun aux deux corps.

    258Je suppose que le datif θυμῶι Φερσεφόνης indique une origine, une cause : Pluton agit avec violence sous l’effet de la colère de Perséphone. Je suppose en outre que le mot χροιή qui signifie souvent la surface d’un corps, sa peau ou sa couleur désigne ici l’aspect, l’apparence matérielle, le revêtement dont Mélinoé s’est affublée pour tromper Pluton. Ce revêtement peut être qualifié de δισώματος parce que c’est celui de Perséphone momentanément adapté à la personne de Mélinoé ; dans cet usage, il recouvre d’une certaine façon deux corps. Cette interprétation du vers 5 est aussi incertaine que les autres.

    259Quandt signalait déjà que le nom de Mélinoé figure sur un document provenant de Pergame, publié par R. Wünsch, et dont les inscriptions peuvent évoquer l’idée de la déesse Hécate. A.F. Morand en a repris l’examen ; elle en publie une photo, elle y adjoint une reproduction partielle des gravures qu’il comporte. Il s’agit d’un étrange instrument de bronze fait d’un plateau triangulaire au milieu duquel s’élève une colonne verticale surmontée à son tour d’un disque mince, parallèle au plateau inférieur. L’appareil semble destiné à la pratique d’opérations magiques. Les inscriptions qui le recouvrent comprennent de nombreuses formules apparemment dépourvues de sens, faites de syllabes parfois répétées trois fois. Nous lisons par exemple ul ul ul ol ol ol an an an en en en, etc. Les papyrus magiques présentent des formules de ce genre en abondance ; ils mentionnent parfois le nom d’Hécate que nombre de documents associent à la magie. Nous voyons trois déesses, situées chacune à l’un des sommets du triangle équilatéral formant la base de l’instrument. Comme des inscriptions l’indiquent, elles portent chacune un nom particulier ; dans des gestes symétriques, elles tiennent en main des objets différents. Elles sont donc clairement distinctes mais elles ont toutes une coiffure pareille, de mêmes gestes et le même mot ἀμίβουσα se trouve gravé sous les pieds de chacune d’entre elles. Il semble signifier qu’elles se succèdent et se correspondent dans cette succession. Trois déesses distinctes mais semblables et groupées dans un arrangement symétrique peuvent évoquer pour nous l’idée de la triple Hécate que mentionnent plusieurs textes.

    260L’une de ces déesses s’appelle Dionè. Ce nom nous est bien connu. L’étymologie semble désigner en lui un doublet féminin du nom de Zeus365. De fait, nous voyons une Dionè étroitement associée à Zeus dans les cultes de Dodone366. Une tradition, différente de la tradition hésiodique, mais attestée dès l’Iliade, désigne en Zeus et en Dionè le père et la mère d’Aphrodite367. Il arrive que le nom de Dionè s’applique à Aphrodite elle-même368. La parèdre de Zeus reste un personnage effacé. Hésiode fait d’elle l’une des Océanides ; Apollodore, l’une des Néréides ou peut-être l’une des Titanines ; c’est parmi ces dernières que la situent des vers orphiques cités par Proclus369. Notre document représente-t-il cette déesse un peu floue ? Représente-t-il peut-être une Aphrodite ? Je l’ignore. Elle tient une torche de la main gauche, un fouet de la main droite. La torche pourrait évoquer des cultes nocturnes ; on sait que des fouets sont utilisés dans certains rituels. On connaît en outre les affinités qui unissent Hécate à la nuit.

    261La deuxième de ces déesses est clairement appelée Nychiè, « la Nocturne » ; elle porte un serpent et un glaive dont je ne sais pas la signification.

    262Le nom de la troisième est Phoibiè ; adjectif substantifié signifiant « la brillante », il suggère une ressemblance ou une parenté avec Phoibos ou avec Phoibè. Le premier de ces noms est une épiclèse d’Apollon ; le second est le plus souvent le nom de la mère d’Apollon et d’Artémis, mais il est parfois une simple épithète de la déesse chasseresse. Il pourrait donc convenir à Hécate dans la mesure où celle-ci se trouve assimilée à Artémis, comme c’est effectivement le cas dans les Hymnes. La Phoibiè de notre document tient une torche de la main gauche et une clé de la main droite. Or les Hymnes désignent en Hécate une « porteuse de clé »370.

    263Dans une inscription située à gauche de la déesse Phoibiè, nous lisons une suite de noms que je traduirais comme suit (d’une manière aventureuse pour les trois premiers) :

    ô toi qui déploies ta force sur tous les êtres,
    ô toi à qui tous s’intéressent,
    ô toi qui régis toutes choses,
    ô Perséphone,
    ô Mélinoé,
    ô Leucophryènè.

    264Toutes ces invocations semblent adressées à la même divinité, à celle dont la tête est surmontée du nom Phoibiè. La déesse peut donc être appelée de plusieurs noms : celui de Mélinoé, celui de Perséphone et celui de Leukophryènè ; ce dernier nom figure dans quelques inscriptions où il paraît être une épiclèse d’Artémis371.

    265En conclusion, même si nous ne parvenons pas à en interpréter tous les détails, l’étrange document de Pergame confirme quelques-unes des conclusions auxquelles l’étude de l’hymne de Mélinoé nous avait conduits. Proche de la magie, proche des fantômes, cette déesse peut être, dans une certaine mesure du moins, assimilée à Perséphone d’un côté et à Hécate de l’autre.

    266En célébrant Mélinoé, le recueil orphique suggère donc l’idée qu’il existe une étroite relation entre Artémis-Hécate et Perséphone. En fait, cette idée n’est pas étrangère aux traditions helléniques. On se rappellera que l’hymne homérique associe Hécate à la quête de Déméter. Elle a entendu le cri poussé par Perséphone quand Hadès vint l’enlever ; elle dit le peu de choses qu’elle sait du drame, quand Déméter l’interroge puis elle accompagne la déesse inquiète auprès d’Hélios ; enfin, quand la mère et la fille se retrouvent unies, elle vient les féliciter. Déméter lui assigne alors un rôle auquel les mystères semblent devoir faire allusion : Hécate accompagnera Perséphone dans les trajets qui la font passer alternativement du monde supérieur au monde inférieur372. Cette tradition connaît des variantes intéressantes. Euripide fait d’Hécate une fille de Déméter, soit donc une sœur de Perséphone373 ; or, selon un fragment de Callimaque cité dans une scholie de Théocrite, Zeus aurait confié à Hécate la tâche de descendre dans les Enfers pour y chercher sa sœur Perséphone374. Certains textes rapprochent encore davantage les deux déesses. D’après Hésychius une divinité nommée Polyboia serait tenue par les uns pour une Artémis, par les autres, pour une Perséphone375. Nous lisons chez Servius : cum super terris est creditur esse Luna, cum in terris, Diana, cum sub terris. Proserpina376. En bref, Artémis et Perséphone sont assez proches pour être parfois assimilées l’une à l’autre. C’est notamment le cas dans la tradition orphique. Elle fait d’Hécate une fille de Déméter et l’associe à la recherche de Perséphone377. Elle peut même identifier Artémis à Perséphone. Nous lisons en effet chez Proclus : « Que, très largement, Artémis fasse un avec Hécate, telle qu’elle est présente dans l’univers, et avec Coré, la chose est évidente pour ceux qui se sont approchés d’Orphée par quelques-uns de ses écrits. De leur lecture il résulte clairement que Léto est comprise en Déméter, laquelle, pour soutien, a donné à Zeus Coré et Hécate car Orphée appelle aussi Artémis Hécate ...Il n ‘ est donc pas étonnant que nous ayons, dans d’autres circonstances aussi, appelé Hécate l’Artémis qui se trouve en Coré. » Encore une fois l’assimilation n’implique pas l’abolition des différences. Les divinités restent distinctes mais, de même que Léto se trouve pour ainsi dire contenue en Déméter, de même Artémis-Hécate est impliquée dans l’être de Coré-Perséphone. Ainsi, en présentant une Mélinoé proche tout à la fois d’Artémis et de Perséphone, les Hymnes obéissent à des tendances perceptibles dans la tradition orphique.

    267L’hymne de Mélinoé nous inspirera une autre observation. Il nous reste énigmatique, car il est allusif comme tous les hymnes du recueil. Comme nous ignorons le mythe auquel il se réfère, ses allusions nous sont indéchiffrables. Il nous apprend pourtant que la piété qui trouve son expression dans le recueil orphique peut adopter des divinités étrangères ; elle les associe à des divinités grecques, objets de cultes mystériques. Elle tend à assimiler ces divinités lointaines à des divinités helléniques ou, mieux sans doute, à voir dans les unes et dans les autres les manifestations diverses d’un même pouvoir divin ; mieux encore, à tenir leurs noms, leurs images, leurs mythes et leurs cultes pour des voies d’accès possibles à ce pouvoir que les mortels ne peuvent ni se représenter ni concevoir.

    Notes de bas de page

    1 O.F. 73 Kern.

    2 O.F. 2 Kern, à compléter par W.E.H. Cockle, Euripides Hypsipyle. Text and Annotations based on a Re-examination of the Papyrus, Rome, 1987, p. 170-171.

    3 Pap. Derveni, ZPE 47 (1982), col. XII. Nouvelles lectures A. Laks, G.W. Most (éds), Studies on the Derveni Papyrus, Oxford, 1987, col. XVI.

    4 O.F. 54, 64, 73, 86, 167 a Kern.

    5 Phanès et Protogonos : O.F. 64 ; 73 ; 86. Éricépaios et Protogonos : O.F. 167, 1. Phanès et Éricépaios : O.F. 60 ; 65 ; 80 ; 170. Phanès et Antaugès O.F. 237.

    6 O.F. 54-57 ; et 60 ; 70 ; 79 ; cf. 85, p. 158 a.

    7 O.F. 54 ; 78 ; 168, 25.

    8 O.F. 78.

    9 O.F. 54. L’adjectif ἀσώματος, « sans corps », peut surprendre. On a voulu le corriger. De fait, un texte d’Athénagoras qui se réfère, semble-t-il, au même mythe orphique fait du personnage sorti de l’œuf un dieu δισώματος, « au double corps » (O.F. 57). Je ne suis pas sûr que nous ayons affaire ici à un problème d’établissement de texte. Il peut y avoir deux versions du mythe, justes l’une et l’autre. Les deux adjectifs signalent le caractère paradoxal du dieu, d’une nature inintelligible à l’homme. Les deux évoquent l’irreprésentable. Toutes les images que l’on donne du Protogonos sont inadéquates.

    10 O.F. 81.

    11 O.F. 79.

    12 O.F. 71 ; 79 ; et 82.

    13 O.F. 80.

    14 O.F. 85.

    15 O.F. 54, 55 et 81. NDLE : le mot θεός entre ϰρατερòς et ’Hριϰεπαῖος apparaît dans l’édition de Kern mais pas dans le manuscrit de J. Rudhardt.

    16 Orph. Arg. 14-15.

    17 O.F. 80.

    18 O.F. 81 ; 85.

    19 O.F. 83 ; 89 ; 98 ; cf. 109.

    20 O.F. 89 ; cf. 91.

    21 O.F. 56 ; 61 ; 65 ; 67 ; 86.

    22 O.F. 67. La même formule se trouve remployée dans un autre contexte, dans les Argonautiques d’Orphée, 521.

    23 O.F. 56. Cf. O.F. 73 ; 86.

    24 15, 6 ; 44, 5 ; 71, 3. Pour énoncer cette filiation, l’Iliade et l’Odyssée emploient les mots Croniôn et Cronides. L’adjectif Cronios est attesté dès Eschyle (Prom. 577) et dès Pindare (Ol. 2, 12).

    25 13, 7 ; 14,4-5.

    26 Pr. 16 ; 16, 2.

    27 3 5, 3-5 ; 36, 1.

    28 76 et 77.

    29 43, 1-2. L’hymne 60 fait des Charites les filles de Zeus et d’Eunomié. Cette indication n’est pas conforme à la tradition hésiodique qui leur assigne pour parents Zeus et Eurynomé, la fille d’Océanos (Hes., Th. 907-909). Je serais enclin à penser qu’il faut corriger le texte des Hymnes pour y rétablir Eurynomé. Rien en effet ne signale ici l’émotion que provoque ordinairement l’inceste d’un ascendant avec son descendant, comme nous le voyons dans les Hymnes mêmes, quand ils évoquent l’union de Zeus et de Perséphone. Les Hymnes présentent aussi en Dionysos et en Perséphone des enfants de Zeus mais ils donnent à ce propos des enseignements différents de celui des traditions communes, ainsi que nous le verrons bientôt.

    30 32, 1.

    31 Hes., Th. 881-885.

    32 Seigneur : Hom., Il. III, 351 ; XVI, 233 ; Eschl., Pers. 762. Roi : Hes., Th. 886 ; Pind. Ol. 7,

    33 Seigneur : 14, 4 ; 43, 1. Roi : pr. 3 ; 15, 3.

    34 Hom., Il. II, 412 ; IV, 166 ; XV, 192.

    35 5, 1-4.

    36 15, 9 ; 20, tit. 15, 9 ; 19, 9. 76, 1 ; 15, 6 ; 15, 9 ; 19 tit.

    37 Hes., Op. 465. La prière est adressée à Zeus Chthonios. Associé à Déméter ce Zeus est un dieu terrien et non un dieu infernal, comme le Zeus Chthonios l’est dans d’autres cas, dans les hymnes orphiques notamment qui l’assimilent à Pluton.

    38 Cf. L. Deubner. Attische Feste, Berlin, 1932, p. 158 sq.

    39 IG II2, 1367.

    40 MDAl(A) 7 (1882), p. 134 ; 59 (1934), p. 68.

    41 Hesych., s.v. ; [Arstt.], de Mundo, 401 a ; Plut., Stoic. rep. 1048 c.

    42 15, 9. Cf. IG XII (5), 13 ; Max. Tyr 41, 2 ; Hesych., s.v.

    43 15, 7 ; 73, 2-3.

    44 73, 4-6.

    45 5 9, 11-14.

    46 Hes., Th. 903-904.

    47 Paus., V, 15, 5 ; VIII, 37, 1 ; cf. Ap. Rh. I, 1127.

    48 73, 2.

    49 Voir notamment M.P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion I2, Munich, 1955, p. 411416.

    50 19, 6-14 ; 20, 4.

    51 15, 6 : ὀμβριμόθυμος ; 73, 1 : φριϰτός.

    52 73, 3 : ἀλάστωρ.

    53 IG IF 866.

    54 Nilsson, o.c. (n. 49), table 28, fig 1.

    55 [Arstt.], de Mundo, 401 a.

    56 73, 2.

    57 Voir déjà O. Gruppe, Griechische Mythologie und Religionsgeschichte II, Munich, 1906, p. 908.

    58 Eschl., Eum. 441 et 717-718 ; fr. 182 Lloyd-Jones (Loeb).

    59 Pollux VIII, 142.

    60 15, 8.

    61 ὕψιστος, Pind., Nem. 11, 2 ; Eschl., Eum. 28 ; Paus., V, 15, 5. ὕψιστος, Dem., 43 c. Macartatos, 66 ; Paus., II, 26, 5 ; III, 17, 6 ; etc.

    62 28, 1.

    63 Hom., Il. 24, 334 sq.

    64 H.h. 2, 334 sq.

    65 Hes., Th. 256-262.

    66 Eschl., fr. 282 Lloyd-Jones (Loeb).

    67 [Dem.], 25, 11 = O.F. 23.

    68 62, 1 sq.

    69 15, 7. παντογένεθλος est un hapax ; le sens n’en est pas tout à fait assuré. Pour la seconde partie du vers, on pourrait comprendre « le principe et l’aboutissement de toutes choses ».

    70 Plat., Leg. IV, 715 e = O.F. 21. Chez Platon, la formule « parole antique» se réfère très souvent à un enseignement orphique. Les mots « le mouvement circulaire propre à la nature » trouvent peut-être une explication dans des vers orphiques cités par Porphyre. Ils font suite à la formule « Zeus naquit le premier, Zeus ... est le dernier ». Les voici : « Il y a ... un unique corps royal à l’intérieur duquel tout ce que voici se meut en cercle : le feu, l’eau, la terre, l’éther, la nuit et le jour ... » (O.F. 168).

    71 [Arstt.] de Mundo, p. 401 a, 25 sq. = O.F. 21 a. O. Kern cite plusieurs autres textes témoins de cet enseignement orphique.

    72 O.F. 164-170.

    73 O.F. 167. Je donne au mot difficile ἀτρύγετος le sens qu’indique A. Leukart, « Homerisch atrygeto », in O-o-re-ro-si. Festschriftfiir Ernst Risch, Berlin / New York, 1986, p. 340-345.

    74 O.F. 21 a et 168.

    75 Hes., Th. 886-900.

    76 Hes., Th. 924-926 ; Apld., Bibl. I, 4, 1 ; Pind. Ol. 7, 35 ; Eur., lo 454 sq. ; Schol. Plat. Tim. 234 d ; Schol Pind. Ol. 7, 35.

    77 O.F. 60 ; 65 ; 85.

    78 O.F. 97 ; 168.

    79 O.F. 178 ; 210.

    80 O.F. 175 à 178.

    81 50, 10 ; 30, 5 ; 52, 11.

    82 50 tit. ; 50, 1 et 5 ; 52, 2.

    83 44, 2 ; 75, 1 ; 50, 7.

    84 50 tit ; 50, 8 ; 52, 2.

    85 30, 4 ; 52, 12 ; 54, 6.

    86 H.h. Dion. (7), 38-41 ; 26. Dion. 1 et 9.

    87 50, 4 ; 53, 8.

    88 45, 2 ; 47, 6 ; 52, 1. Un hymne emploie même le verbe βαϰχεύειν à propos de Dionysos signifiant ainsi qu’il célèbre lui-même le culte bacchique (52, 8).

    89 L’adjectif μανιϰός qualifie le baccheus (45, 4 ; 52, 1).

    90 30, 5 ; 52, 11.

    91 44, 3 ; 45, 5 ; 50, 8 ; 52, 4.

    92 42, 1. Cf. Eur., Bacch. 80 ; 188 ; 536. Voir aussi Plat., Phaedo 69 c = O.F. 5 et 235.

    93 30, 1 ; 45, 4 ; 54, 8. Cf. Soph., Tr. 219.

    94 Pr. 9 ; 46, 4 ; 49, 3 ; 52, 7. Cf. σϰιρτητής substitué à χορευτής, pr. 9 et 45, 7.

    95 52, 7 ; 53, 5 ; cf. 65, 7.

    96 30, 5 ; 52, 7.

    97 Hes., Th. 940-942.

    98 O.F. 208-214 ; 220.

    99 44 ; 45 ; 48.

    100 29 et 30.

    101 48.

    102 46, 6-7.

    103 Nous constaterons que le Dionysos Liknitès honoré dans cet hymne est bien le fils de Sémélé. Un fragment nous apprend que la nourrice Hipta, chantée dans l’hymne 49, a placé l’enfant Dionysos dans un liknon, dans un van, qu’elle porte sur sa tête (O.F. 199). Or l’hymne 48 nous apprend de son côté que c’est l’enfant cousu dans une cuisse divine, soit donc le fils de Sémélé, qui fut confié à Hipta (voir infra, p. 273 sq. et 294).

    104 44, 6-8.

    105 52, 1 : πολυώνυμε ; 2-3 : πυρίσπορε, μηροτρεφής ; 4-5 : Εὐβουλεῦ, ὄργιον ἄρρητον, ϰρύφιον Διòς ἔρνος.

    106 50, 1 ; 52, 9. Hygin (Fab. 167) traduit cette épithète par bimater, en comprenant : « qui a deux mères », Proserpine et Sémélé.

    107 O.F. 208-214.

    108 D.S. 5, 75, 4.

    109 O.F. 210, p. 230-231.

    110 Proclus, Hymn. 7 (Trad. H.D. Saffrey).

    111 Hygin, Fab. 167, 1.

    113 Diod. Sic., III, 62-66 ; Cic., Nat. Deor. III, 58.

    114 O.F. 301 = Diod. Sic., III, 62, 6.

    115 E.g. Philochore, 328 F 7 Jacoby ; Schol T. Ilias XIV, 319.

    116 E.g. Plut., Is et Os. 365 a ; Philochore, 328 F 7 Jacoby.

    117 Diod. Sic., I, 23, 2-3, se référant à Hécatée de Milet = Kern, Test. 95.

    118 O.F. 199, p. 222.

    119 Hy. 74 et 75.

    120 Hy. 48, 2-4 ; O.F. 199.

    121 O.F. 34. Les Courètes ont exercé la fonction de gardes en plusieurs circonstances, auprès de Rhéa, de Zeus, de Corè et de Dionysos. O.F. 151 et 191.

    122 31.

    123 Apld., III, 4, 3.

    124 51, 3 ; cf. 46, 3.

    125 46, 2 ; 52,2.

    126 54, 1.

    127 O.F. 101 ; 107.

    128 O.F. 207-208.

    129 O.F. 214 ; 220.

    130 52, 7 ; cf. 55, 11 et 27,4.

    131 O.F. 170.

    132 O.F. 236-237.

    133 30, 2 ; 50, 2 ; cf. 6, 4.

    134 30, 4 ; 45, 1 ; 52, 2 ; cf. 6, 3.

    135 30, 2 ; 52, 6.

    136 45, 2 ; 50, 2 ; 52, 1 ; 29, 10 ; 56, 3.

    137 6, 5 ; 30, 3.

    138 Cf. Eur., Bacch. 472.

    139 52, 5.

    140 6, 4.

    141 52.

    142 53.

    143 Début, milieu et fin de toutes choses, Zeus porte en lui le monde, Phanès et tous les dieux, faisant de tous les êtres une unité, sans abolir leurs distinctions. Un fragment affirme catégoriquement εἶς ἐν πάντεσσι. O.F. 164-168 ; 239.

    144 Pour l’orphisme, l’identification mythique de Dionysos, de Zeus et de Phanès soulève à coup sûr moins de problèmes que le mystère de la Trinité n’en pose à une théologie qui, soucieuse d’univocité, s’obstine à user d’un langage conceptuel pour parler de Dieu.

    145 À la différence de l’union entre collatéraux, voire de l’union entre frères et sœurs, l’union entre ascendants et descendants directs inquiète la conscience hellénique : J. Rudhardt, « De l’inceste dans la mythologie grecque », ‘Revue Française de Psychanalyse 46 (1982), p. 731-763.

    146 6, 5 ; cf. 4, 3 ; 52, 5 ; 56, 8.

    147 6, 4 ; cf. 46, 2 ; 50, 2.

    148 Chacun dans son langage, les commentateurs antiques énoncent une idée de cette sorte même si, dans le détail, leurs exégèses diffèrent. Certains montrent dans le démembrement de Dionysos un symbole de la répartition des âmes en de multiples corps et dans le cœur intact recueilli par Athéna, un symbole de l’unité de l’intellect qui saisit tous les intelligibles dans un acte unique : O.F. 210 (Proclus). Pour d’autres, le démembrement du dieu signifie la division de l’âme du monde dans des êtres singuliers, tandis que la renaissance du dieu signifie le rétablissement de cette âme dans son unité première, lorsqu’elle sort des corps. O.F. 213.

    149 40, 10 ; 24, 10-12 ; 51, 16.

    150 40, 1 et 7.

    151 Pr. 6 et 40 passim.

    152 Sur tous ces points, voir 40, passim.

    153 65, 8.

    154 40 passim. En outre, 12, 8 et 65, 9 ; 43, 9. 40, 1. παμμήτειρα est habituellement traduit « mère de toutes les créatures » ; c’est un sens possible (cf. H.h. 30, 1), mais l’adjectif peut aussi signifier « complètement, parfaitement mère », comme c’est le cas de παμμήτωρ dans Soph., Ant. 1282. La symétrie qui lie entre eux les débuts des hymnes 40 et 41 (voir infra, p. 286) pourrait cependant justifier la traduction usuelle et nous inciter à comprendre en effet « mère de tous les êtres ».

    155 Isocr., Paneg. 28-29.

    156 Fr. Graf, Eleusk und die orphische Dichtung Athens in vorhellenistischer Zeit, Berlin / New York, 1974, p. 160 sq.

    157 23, 5.

    158 40, 12.

    159 40, 17.

    160 40, 14-15.

    161 40, 11 et 18.

    162 18, 12. Ce mot doit être rapproché de μουσοπόλος, de θεηπόλος ou de θεοπολέω, mais aussi de αἰπόλος et de βουϰόλος.

    163 40, 2, 13 et 10.

    164 Hes., Th. 911-912.

    165 29, 1, 5 et 7.

    166 Cf. supra, note 144.

    167 O.F. 58 = Athenag., Pro Christian. 20, p. 22, 10 Schwartz.

    168 Paus., VIII, 25, 4-7 ; 42, 1-13.

    169 40, 1-2. Cf. H.h.Dem., 47, 211, 492 ; Soph., Ant. 112, 1121 : « Déô l’éleusinienne » ; Eur., Suppl. 290 : le nom de Déô apparaît dans une scène qui se déroule près du temple d’Éleusis ; Callim., Hy. Dem. 17 : le nom de Déô apparaît quand il est question des errances qui conduisent la déesse à Eleusis.

    170 σεμνός, 40, 2 et 13. Cf. H.h.Dem. 1 ; Eur., Suppl. 357-360. L’adjectif s’applique souvent aux rites du culte éleusinien. Cf. N.J. Richardson, The Homeric Hymn to Demeter, Oxford, 1974, p. 308. ἁγνός, 40, 11 et 13. Cf. H.h.Dem. 203 ; 439 ; l’adjectif s’applique aussi à Perséphone.

    171 H.h.Dem. 486-489.

    172 Hes., Th. 969 sq. ; cf. Hom., Od. V, 125. Quelques auteurs ont supposé que la naissance de l’enfant Ploutos était évoquée dans les mystères (cf. L. Deubner, Attische Feste, Berlin, 1932, p. 84-86) mais la chose est contestée. Plusieurs documents figurés montrent un enfant près de Déméter. Il pourrait s’agir de Ploutos. Voir M.P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion I, Munich, 1945, p. 318 sq.

    173 Plusieurs versions de ce mythe. Première attestaton à la fin du ve siècle : décret athénien relatif à l’offrande de l’aparchè : IG I2 76. Cf. Paus., I, 14, 3. L’iconographie illustre très tôt ce thème athénien. Voir par exemple H. Metzger, Recherches sur l’imagerie athénienne, Paris, 1965, p. 7 et 14-17 ; Le recueil Charles Dugas, Paris, 1960, p. 123 sq. ; G.E. Mylonas, Eleusis and the Eleusinian Mysteries, Princeton, 1961, p. 192 sq.

    174 O.F. 51.

    175 H.h.Dem. 480-482.

    176 Isocr., 4 Paneg. 28. Cf. Soph., fr. 837 Pearson ; Pind., fr. Thrènes, 6 Puech.

    177 18, 12-15.

    178 H.h.Dem. 5, 417-125, et 398-403.

    179 43, 7-9. L’hymne 29, 9 désigne plus généralement en Perséphone la compagne de jeu des Hôrai.

    180 Zeus : Schol. Hom. Il. XXII, 113. Hécate : Hesych., s.v. άνταία ; Eschl., fr. 361 Mette ; Soph., fr. 335 Pearson. Rhéa : Ap. Rh. I, 1141 et schol. ; Etym. M. 388, 36.

    181 Apollonius de Rhodes. Argonautiques, Paris, 1976, note au vers 1141, p. 265.

    182 Plusieurs textes font de Zeus le père des dieux et des hommes. Dans ce cas, le nom « père » ne désigne pas un géniteur ; il ne fait de Zeus ni un créateur ni un ancêtre ; il nomme celui qui exerce l’autorité sur les membres d’une famille, qui les domine et les protège. Le nom « mère » ne me paraît pas revêtir une valeur comparable ; il désigne une génitrice et une nourricière.

    183 26, 1. 27, tit. et 7. 14, 9.

    184 27, 12 : Κρόνου συνόμευνε ; 14, 5 : Κρόνου σόλλεκτρε μάϰαιρα.

    185 41, 3-7.

    186 Harpocration, s.v. Δυσαύλης. Le lexicographe se réfère à Dinarque, à Asclépiade et à Palaiphatos.

    187 O.F. 51 = Paus., I, 14, 3 ; Schol. Aristid. Panathen. 105, 11, p. 53 Dindorf. Cf. supra p. 267, note 87.

    188 O.F. Test. 222-223.

    189 G. Quandt, Orphei Hymni, Berlin, 1955, Addenda et corrigenda, p. 86.

    190 O.F. 51 = Paus., 1,14, 2-3. Cf. O.F. 52.

    191 Nombreuses références épigraphiques dans Graf, o.c. (n. 155), p. 172, notes 72 sq.

    192 18, 12. Nous constaterons que, dans les hymnes orphiques, le nom Eubouleus s’applique toujours à Dionysos ou à l’un des dieux qui lui sont assimilables. Ils réservent le nom Euboulos à d’autres emplois.

    193 Dans la principale des inscriptions attiques relatives à l’offrande de l’aparché, nous lisons : « à Triptolème, au dieu, à la déesse et à Euboulos, à chacun d’eux (consacrer) une victime parfaite » (IG Ρ 76). Situé après la mention du dieu et de la déesse, nous pouvons supposer que le mot Euboulos est une appellation du Zeus infernal. Symétrique à Triptolème nous pouvons aussi penser qu’il nomme un fils de Dysaulès. Il serait séparé du nom de Triptolème, parce que les deux frères n’ont pas un destin semblable : la tradition attique prédominante fait de Triptolème le propagateur de la culture du blé ; l’hymne orphique nous apprend que Déméter, offrant à Euboulos un privilège différent, lui confère l’immortalité. Que nous adoptions l’une ou l’autre de ces interprétations, il nous faut également reconnaître que l’inscription emploie le nom Euboulos pour désigner un personnage appelé Eubouleus en d’autres lieux.

    194 O.F. 50 = Clem. Alex., Protrep. II, 17, 1. Le texte de la scholie de Lucien est publié et commenté, avec des préoccupations différentes des nôtres, dans Deubner, o.c. (n. 171), p. 40 sq.

    195 29, 3 ; 41, 5 ; 29, 4. Cf. 46, 6 ; 53, 3 ; 57, 5-6.

    196 29, 6.

    197 57, 9-10.

    198 43, 7-9.

    199 57, 9-10.

    200 O.F. 58.

    201 O.F. 58. Clem. Alex., Protr. II, 16, 1 (Trad. Cl. Mondésert). Le même nom grec peut être traduit ou « serpent » ou « dragon ».

    202 O.F. 153 ; 210, p. 130.

    203 29, 8 ; 30, 6-7.

    204 E.g. Eschl., Eum. 263-275 ; 300-306 ; 321-323 ; 334-339.

    205 Heracl. 22 B 94 Diels-Kranz6.

    206 Hes., Th. 182-185, cf. Apld., I, 1, 4.

    207 Soph., O.C. 40.

    208 Eschl., Eum. 321-322 ; 426 ; 745 ; 792-793.

    209 70, 2-3. L’hymne de Pluton nous montre clairement que les mots Zeus Chthonios nomment Pluton lui-même.

    210 O.F. 197. Cf. 360.

    211 37, 1 ; 14,4-5 ; 15, 6.

    212 32, 1 ; 29, 1-2 ; 35, 3-4 ; 36, 1 ; 43, 1-2 ; 60, 2 ; 77, 1-2.

    213 13, 7.

    214 27, 12.

    215 48.

    216 27, 13.

    217 27, tit. et 1 ; cf. 7.

    218 27, 4.

    219 27, 6 et 9-10.

    220 27, 4-6.

    221 49, 4-6.

    222 42, 6.

    223 Eur., Bacch. 55-61 ; 72-87.

    224 27, 12. La mère des dieux est une figure complexe, à la fois grecque et étrangère. À ce sujet voir Ph. Borgeaud, La Mère des dieux, Paris, 1996.

    225 14 9

    226 27, 3-5, 11 ; cf. 14, 2-3.

    227 L’hymne 26 lui est consacré. Elle se trouve encore appelée « mère des dieux et des hommes » en 21, 7 ; 63, 16 et 82, 3.

    228 26, 5.

    229 ZPE 47 (1982), col XVIII = nouvelle numération col. XXII Laks-Most. Le papyrus identifie Déméter, Rhéa, Gè, la Mère, Hestia et Déô. L’hymne 27 qui identifie la Mère des dieux à Rhéa, l’identifie en outre à Hestia. Sur ce point encore, l’hymne suit une tradition orphique.

    230 O.F. 145.

    231 56, 4 et 6.

    232 56, 3.

    233 56, 9.

    234 56, 8.

    235 46, 3.

    236 56, 5 et 10-11.

    237 56, 7 ; 55, 24-26.

    238 30, 6 ; 29, 8.

    239 6, 4 ; 42, 2 ; 50, 2.

    240 Voir Quandt, Orphei Hymni, p. 86.

    241 Sur Iacchos, voir notamment Diod. Sic., III, 64. 1 sq. ; Arstph., Ran. 324 et schol. Eur. Troy. 1230. Paus., I, 37, 4 ; VIII, 37, 5.

    242 Pr. 40-41. Dans l’épître à Musée qui introduit le recueil des hymnes, deux vers associent également la Mère des dieux, Attis et Mên d’une part, Aphrodite et Adonis de l’ autre : « J’ appelle la Mère des Immortels, Attis et Mên et la Déesse Ouranienne ainsi que l’immortel, le saint Adonis ».

    243 O.F. 201.

    244 O.F. 293.

    245 18, 3 ; 41, 7 ; 70, 3.

    246 E.g. Eschl., Pers. 628 sq. ; 639 sq. ; cf. 649 sq. ; Soph., O.C. 1567. Chez Hésiode cependant, le Zeus Chthonios invoqué avec Déméter au début des labours me paraît terrestre plutôt qu’infernal, Hes., Op. 463.

    247 Soph., O.C. 1606.

    248 63, 15-16.

    249 E.g. είνάλιος, Soph., O.C. 888 et 1492 sq. ; cf. Orph. Hy. 17, 6. πόντιος, H.h. 22, 3 ; Soph., O.C. 1072 ; Orph. Hy. 17, 8.

    250 11, 5, 8, 9 ; 11, 7, 23.

    251 11, 1-3.

    252 11, 6.

    253 11, 9-11.

    254 11, 10.

    255 11, 12.

    256 O.F. 54.

    257 Hes., Th. 133-136 ; 371-374 ; 1011.

    258 Eumélos, fr. 3, 3 Bernabé ; H.h.Dem. 26, 74 ; Stésichore, fr. 185 Page ; Mimnerme, fr. 5, 11 Gentili-Prato.

    259 Cf. Xénophane, 17 B 32 Diels-Kranz6.

    260 Hom., Il. 8, 480 ; 19, 398 ; Od. 1, 8, 24 ; 12, 133, 263 ; 346, 374 ; U.hApoll. 369.

    261 8, 3.

    262 Le vers 14 reprend la même image : « serein, visible à tous, de l’univers tu es l’œil animé d’un mouvement circulaire. »

    263 Hom., Il. III, 103-105 ; XIX, 197 ; 259.

    264 8, 18.

    265 8, 16 et 8, 8.

    266 8, 17 et 8, 11.

    267 8, 18.

    268 8, 5 ; 8, 9 ; 8, 12 ; 8, 9.

    269 O.F. 236 ; 237 ; 239.

    270 C’ est pourquoi il est appelé « joueur de flûte », d’un nom qui pourrait convenir à Pan (8, 11).

    271 34, 1.

    272 52, 11 ; 53, 8.

    273 12, 6-7.

    274 12, 9 ; cf. 8, 3 ; 12, 13 ; cf. 8, 13.

    275 12, 11.

    276 12, 12.

    277 12, 10.

    278 O.F. 54 ; 57 ; 58.

    279 66, 6-7.

    280 66, 8-9 et 12-13.

    281 66, 4.

    282 66, 1, cf. 12, 1 ; 66, 3, cf. 12, 2 ; 66, 1, cf. 12, 9.

    283 66, 5 et 12, 6.

    284 34, 5 et 8, 12.

    285 35, 3-6 ; cf. pr. 7.

    286 34, passim.

    287 Pr. 8 ; 35, 5 ; 79, 6.

    288 67, 6.

    289 24, 10-12.

    290 40, 5 et 8.

    291 34, 2 et 40, 2 ; cf. le quasi-synonyme πλουτοδότειρα, 40, 3. Un adjectif presque semblable, όλβοδότις, qualifie la Mère des dieux.

    292 Je ne dis rien de l’adjectif Βάϰχιος du vers 7, parce que la tradition manuscrite est incertaine.

    293 Pr. 24 ; 8, 12 ; 66, 3. L’adjectif φαεσφόρος qui, appliqué à la Lune (9, 1), semble avoir le même sens que φωσφόρος, se réfère peut-être au port des flambeaux rituels quand il s’applique à Perséphone (29, 9).

    294 78, 1 ; 66, 2 et 6.

    295 8, 1. L’hymne homérique à Déméter nous apprenait déjà que, du haut du ciel, le Soleil voit tout ce qui se passe sur la terre.

    296 U.h. Apoll. 437 sq.

    297 E.g. Plut., De defect. orac. 433 d-e.

    298 Kern, Test. 113.

    299 O.F. 62 Kern.

    300 11, 6, 11 et 12 ; cf. 34, 1.

    301 35, 3-6 ; cf. U.hApoll. 14-16.

    302 Plat., Theaet. 149 b.

    303 Diod. Sic., V, 73.

    304 Cl. Calame, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque I, Rome, 1977, p. 281 sq. ; p. 189, note 1.

    305 Paus., 7, 19, 1-10.

    306 Artémis : Hom., 11. 21, 511 ; Dionysos : Anth. IX, 524, 11.

    307 Hesych., s.v. ϰορυθαλλίστριαι et βρυλλιχίζειν.

    308 Paus., VI, 22, 1.

    309 Luc., Sait. 22, 26 ; Athen., 20 e ; 629 d ; 630 e ; 631 d.

    310 Hesych., s.v. λόμβαι ; λομβούς ; cf. Pollux, IV, 105, s.v. λομβρός.

    311 Artémis : Opp., Cyn. 2, 1 ; Anth. IX, 765, 2. Séléné : oracle in Euseb., Praep. Ev. IV, 237.

    312 Eschl., fr. 87 Lloyd-Jones.

    313 E.g. Cornutus, Nat. Deor. 34. Plut., Mor. 938 f ; 659 a.

    314 9,1 ; 36, 6.

    315 36, 3 ; 8, 14 ; 9, 3.

    316 Dictynna est une nymphe crétoise, déesse, semble-t-il, du mont Dicté. On admet généralement que le mot Dictynna est une épiclèse de Britomartis. Cette divinité fait l’objet de plusieurs mythes (Callim., Hy. 3, 183-205 ; Diod. Sic., V, 76, 3-4 ; Paus., II, 30, 3-4) et reçoit des cultes en plusieurs lieux (e.g. ICI, vii, 4 ; I, ix A, 29 ; I, xviii, 9, 7 : Syll.3, 527). C’ est une chasseresse assez proche d’Artémis (Eur., Hipp. 145 sq. ; Arstph., Ran. 1356 sq.) pour lui être souvent assimilée : Eur., 1.T. 127 ; Paus., III, 14, 2 ; X, 36, 5 ; Diod. Sic. V, 76, 3 ; Plut., Mor. 984 a ; 1G XII (2), 145, 203 A.

    317 . Cavvadias, Fouilles d’Épidaure I, Athènes, 1893, n° 162. Elle est aussi appelée Prothyridia, Sext. Emp., IX, 185.

    318 Paus., I, 38, 6.

    319 2, 5.

    320 Hom., Od. XIX, 188 ; 1/ XVI, 187.

    321 H.h. Apoll. 97 sq.

    322 E.g. Plut., Quaest. Conv. 3, 10, 3 (Mor. 658 f - 659 a) ; Cornutus, Nat. Deor. 34 ; Horace, Carm. saec. 13 sq.

    323 2, 9 et 2, 12.

    324 Hes., Th. 411-452. Voir J. Strauss Clay, « The Hecate of the Theogony », GRBS 25 (1984), p. 27-38 ; J. Rudhardt, « À propos de l’Hécate hésiodique », MH 50 (1993), p. 204-213.

    325 Eur., Hel. 569 sq. ; Ion, 1048 sq. ; Med. 395-398 ; Theocr., 1d. 2, 14-16. Ap. Rh., III, 467 ; 478 ; 1035 ; IV, 1020 ; Diod. Sic., IV, 45, 1-3. En outre, voir par exemple Th. Kraus, Hekate. Studien Zu Wesen und Bild der Gottin in Kleinasien und Griechenland, Heidelberg, 1960 ; S.I. Johnston, Hecate Soteira, Atlanta, 1990.

    326 Hes., Th. 409-411 ; cf. Apld., I, 2, 4. L’Antiquité lui a aussi connu d’autres parents : cf. Schol. Ap. Rh. III, 467.

    327 εἰνοδία, Eur., 1on 1054 ; Soph., fr 535 Lloyd-Jobes. Hymne cité par Hippolyte. τριοδῖτις, Luc., Dial. Mort. 1, 1. Schol. Arstph. Plout. 594 ; Hesych., s.v. ἑϰάταια ; Cornutus, Nat. Deor. 34.

    328 Cf. Theocr., 1d. 2, 11-14 ; Theophr., 16, 7 ; Luc., 34, 39.

    329 P. Mag. Par, 1, 2722 et hymne dans E. Abel, Orphica, Leipzig, 1885, p. 289, 7.

    330 Ap. Rh., III, 1040 ; 1214-1217.

    331 72, 3.

    332 Eschl., Suppl 676.

    333 Hes., Th. 413-415.

    334 E.g. Plut., De defect orac. 416 e ; Defac. in lun. 937 f ; 944 c.

    335 1, 3 et 8 ; 72, 3 et 5.

    336 72, 2 ; 1, 1.

    337 E.g. B. Head, Historia numorum, Oxford, 19112, p. 787.

    338 9, 7 ; 8,1 ; cf, 34, 8.

    339 9, 1 ; 8, 12 et 34, 5 ; Pan est φαεσφόρος (11, 11) ; or nous savons qu’il est partiellement assimilable à Apollon.

    340 9, 5 ; 8, 13.

    341 9, 10 ; 36, 6.

    342 9, 2 ; 36, 6.

    343 9, 1 ; 9, 10 ; 36, 1.

    344 9, 4 ; 36, 7.

    345 9, 3 ; 36, 3.

    346 9, 5 ; 36, 10.

    347 9, 11-12 ; cf. 1,2.

    348 O.F. 49, 40 ; 187 ; Orph. Arg. 894 sq.

    349 O.F. 42 ; 188 ; 204.

    350 Paus., II, 30, 2.

    351 O.F. 41-42 ; 188.

    352 2, 5 ;1, 7.

    353 O.F. 316.

    354 O.F. 188 ; 204.

    355 72, 3-4.

    356 71, 1-3. Nous pourrions aussi comprendre « que Perséphone, comme une sage-femme, fit naître dans le lit sacré de Zeus Cronios ». Cette interprétation me paraît peu vraisemblable. Non seulement elle prête un sens rare au verbe λοχεύομαι ; elle donne à la formule λέϰτροις ἱεροῖς un sens différent de celui qu’elle revêt dans les autres hymnes (30, 7 ; 41, 7). Dans la plupart de ses emplois, le verbe λοχεύω veut dire « enfanter, mettre au monde », mais il peut avoir pour sujet un être masculin et signifier « engendrer ». La référence au lit de Zeus évoque l’idée d’une union plus que celle d’un accouchement. C’ est pourquoi je traduis « conçut ».

    357 Deuxième, si nous faisons du plus connu, Dionysos, son premier enfant. En fait l’ordre de succession des naissances nous est inconnu.

    358 1, 1-2.

    359 71, 6-9.

    360 O.F. 187-188.

    361 Soph., Phil. 1342.

    362 Quelques exemples parmi d’autres : Plat., Ap. 22 d ; Resp. 413 a.

    363 R. Kuhner, B. Gerth, Ausfù’hrliche Grammatik der griechischen Sprache II. 1, Hannover / Leipzig, 1904, p. 235.

    364 E.g. Dem., C. Euboul. 10.

    365 A. Carnoy, Dictionnaire étymologique de la mythlogiegréco-romaine, Louvain, 1957, p. 46.

    366 E.g. Dem., 21, 53 ; cf. 19, 299 ; Hyper., 3, 35.

    367 Hom., Il. V, 370 sq. ; Eur., Hel. 1098 ; Apld., I, 3, 1 ; O.F. 183.

    368 Voir notamment Ov., Fast. II, 461. Cf. Catulle, 56, 6.

    369 Hes., Th. 353 ; Apld., I, 1, 3 ; 2, 7 ; O.F. 114.

    370 1, 7 ; cf. 2, 5. Associée au culte d’Artémis, Iphigénie est une porte-clé (Eur., I.T. 1463). Dans un papyrus magique l’épithète de « porte-clé » qualifie Persephassa, soit donc Perséphone (PGM IV, 1403).

    371 O. Kern, Die Inschriften von Magnesia am Meander, Berlin, 1900. Str, 14, 1, 40. Cf. Paus., III, 18, 9 : Bathyclès de Magnésie, à l’achèvement du trône dont il était l’auteur, « consacra une statue d’Artémis Leukophryènè ».

    372 H. h. Dem. 24 sq. ; 51-63 ; 438 sq. Cf. Richardson, o. c. (n. 169), p. 294-295.

    373 Eur., Ion, 1047 sq.

    374 School Theocr. 2, 12.

    375 Hesych, s. v. πολύβοια.

    376 Serv., V. A. IV, 511. Cf. Myth. Vat. II, 112 ; II, 17 ; Dracontius, Carm. Min. 10. 187 sq. L’identification Hécate-Artémis = Perséphone est en outre présente dans les papyrus magiques.

    377 O. F. 41 ; 42 ; 49, 75-76.

    Notes de fin

    112 NDLE : dans son article sur « Les deux mères de Dionysos », J. Rudhardt reprendra ce texte d’Hygin, en lui accordant une grande importance : RHR 219 (2002), p. 494

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    Le Bestiaire d’Héraclès

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    IIIe Rencontre héracléenne

    Corinne Bonnet, Colette Jourdain-Annequin et Vinciane Pirenne-Delforge (dir.)

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    Vinciane Pirenne-Delforge

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    1 O.F. 73 Kern.

    2 O.F. 2 Kern, à compléter par W.E.H. Cockle, Euripides Hypsipyle. Text and Annotations based on a Re-examination of the Papyrus, Rome, 1987, p. 170-171.

    3 Pap. Derveni, ZPE 47 (1982), col. XII. Nouvelles lectures A. Laks, G.W. Most (éds), Studies on the Derveni Papyrus, Oxford, 1987, col. XVI.

    4 O.F. 54, 64, 73, 86, 167 a Kern.

    5 Phanès et Protogonos : O.F. 64 ; 73 ; 86. Éricépaios et Protogonos : O.F. 167, 1. Phanès et Éricépaios : O.F. 60 ; 65 ; 80 ; 170. Phanès et Antaugès O.F. 237.

    6 O.F. 54-57 ; et 60 ; 70 ; 79 ; cf. 85, p. 158 a.

    7 O.F. 54 ; 78 ; 168, 25.

    8 O.F. 78.

    9 O.F. 54. L’adjectif ἀσώματος, « sans corps », peut surprendre. On a voulu le corriger. De fait, un texte d’Athénagoras qui se réfère, semble-t-il, au même mythe orphique fait du personnage sorti de l’œuf un dieu δισώματος, « au double corps » (O.F. 57). Je ne suis pas sûr que nous ayons affaire ici à un problème d’établissement de texte. Il peut y avoir deux versions du mythe, justes l’une et l’autre. Les deux adjectifs signalent le caractère paradoxal du dieu, d’une nature inintelligible à l’homme. Les deux évoquent l’irreprésentable. Toutes les images que l’on donne du Protogonos sont inadéquates.

    10 O.F. 81.

    11 O.F. 79.

    12 O.F. 71 ; 79 ; et 82.

    13 O.F. 80.

    14 O.F. 85.

    15 O.F. 54, 55 et 81. NDLE : le mot θεός entre ϰρατερòς et ’Hριϰεπαῖος apparaît dans l’édition de Kern mais pas dans le manuscrit de J. Rudhardt.

    16 Orph. Arg. 14-15.

    17 O.F. 80.

    18 O.F. 81 ; 85.

    19 O.F. 83 ; 89 ; 98 ; cf. 109.

    20 O.F. 89 ; cf. 91.

    21 O.F. 56 ; 61 ; 65 ; 67 ; 86.

    22 O.F. 67. La même formule se trouve remployée dans un autre contexte, dans les Argonautiques d’Orphée, 521.

    23 O.F. 56. Cf. O.F. 73 ; 86.

    24 15, 6 ; 44, 5 ; 71, 3. Pour énoncer cette filiation, l’Iliade et l’Odyssée emploient les mots Croniôn et Cronides. L’adjectif Cronios est attesté dès Eschyle (Prom. 577) et dès Pindare (Ol. 2, 12).

    25 13, 7 ; 14,4-5.

    26 Pr. 16 ; 16, 2.

    27 3 5, 3-5 ; 36, 1.

    28 76 et 77.

    29 43, 1-2. L’hymne 60 fait des Charites les filles de Zeus et d’Eunomié. Cette indication n’est pas conforme à la tradition hésiodique qui leur assigne pour parents Zeus et Eurynomé, la fille d’Océanos (Hes., Th. 907-909). Je serais enclin à penser qu’il faut corriger le texte des Hymnes pour y rétablir Eurynomé. Rien en effet ne signale ici l’émotion que provoque ordinairement l’inceste d’un ascendant avec son descendant, comme nous le voyons dans les Hymnes mêmes, quand ils évoquent l’union de Zeus et de Perséphone. Les Hymnes présentent aussi en Dionysos et en Perséphone des enfants de Zeus mais ils donnent à ce propos des enseignements différents de celui des traditions communes, ainsi que nous le verrons bientôt.

    30 32, 1.

    31 Hes., Th. 881-885.

    32 Seigneur : Hom., Il. III, 351 ; XVI, 233 ; Eschl., Pers. 762. Roi : Hes., Th. 886 ; Pind. Ol. 7,

    33 Seigneur : 14, 4 ; 43, 1. Roi : pr. 3 ; 15, 3.

    34 Hom., Il. II, 412 ; IV, 166 ; XV, 192.

    35 5, 1-4.

    36 15, 9 ; 20, tit. 15, 9 ; 19, 9. 76, 1 ; 15, 6 ; 15, 9 ; 19 tit.

    37 Hes., Op. 465. La prière est adressée à Zeus Chthonios. Associé à Déméter ce Zeus est un dieu terrien et non un dieu infernal, comme le Zeus Chthonios l’est dans d’autres cas, dans les hymnes orphiques notamment qui l’assimilent à Pluton.

    38 Cf. L. Deubner. Attische Feste, Berlin, 1932, p. 158 sq.

    39 IG II2, 1367.

    40 MDAl(A) 7 (1882), p. 134 ; 59 (1934), p. 68.

    41 Hesych., s.v. ; [Arstt.], de Mundo, 401 a ; Plut., Stoic. rep. 1048 c.

    42 15, 9. Cf. IG XII (5), 13 ; Max. Tyr 41, 2 ; Hesych., s.v.

    43 15, 7 ; 73, 2-3.

    44 73, 4-6.

    45 5 9, 11-14.

    46 Hes., Th. 903-904.

    47 Paus., V, 15, 5 ; VIII, 37, 1 ; cf. Ap. Rh. I, 1127.

    48 73, 2.

    49 Voir notamment M.P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion I2, Munich, 1955, p. 411416.

    50 19, 6-14 ; 20, 4.

    51 15, 6 : ὀμβριμόθυμος ; 73, 1 : φριϰτός.

    52 73, 3 : ἀλάστωρ.

    53 IG IF 866.

    54 Nilsson, o.c. (n. 49), table 28, fig 1.

    55 [Arstt.], de Mundo, 401 a.

    56 73, 2.

    57 Voir déjà O. Gruppe, Griechische Mythologie und Religionsgeschichte II, Munich, 1906, p. 908.

    58 Eschl., Eum. 441 et 717-718 ; fr. 182 Lloyd-Jones (Loeb).

    59 Pollux VIII, 142.

    60 15, 8.

    61 ὕψιστος, Pind., Nem. 11, 2 ; Eschl., Eum. 28 ; Paus., V, 15, 5. ὕψιστος, Dem., 43 c. Macartatos, 66 ; Paus., II, 26, 5 ; III, 17, 6 ; etc.

    62 28, 1.

    63 Hom., Il. 24, 334 sq.

    64 H.h. 2, 334 sq.

    65 Hes., Th. 256-262.

    66 Eschl., fr. 282 Lloyd-Jones (Loeb).

    67 [Dem.], 25, 11 = O.F. 23.

    68 62, 1 sq.

    69 15, 7. παντογένεθλος est un hapax ; le sens n’en est pas tout à fait assuré. Pour la seconde partie du vers, on pourrait comprendre « le principe et l’aboutissement de toutes choses ».

    70 Plat., Leg. IV, 715 e = O.F. 21. Chez Platon, la formule « parole antique» se réfère très souvent à un enseignement orphique. Les mots « le mouvement circulaire propre à la nature » trouvent peut-être une explication dans des vers orphiques cités par Porphyre. Ils font suite à la formule « Zeus naquit le premier, Zeus ... est le dernier ». Les voici : « Il y a ... un unique corps royal à l’intérieur duquel tout ce que voici se meut en cercle : le feu, l’eau, la terre, l’éther, la nuit et le jour ... » (O.F. 168).

    71 [Arstt.] de Mundo, p. 401 a, 25 sq. = O.F. 21 a. O. Kern cite plusieurs autres textes témoins de cet enseignement orphique.

    72 O.F. 164-170.

    73 O.F. 167. Je donne au mot difficile ἀτρύγετος le sens qu’indique A. Leukart, « Homerisch atrygeto », in O-o-re-ro-si. Festschriftfiir Ernst Risch, Berlin / New York, 1986, p. 340-345.

    74 O.F. 21 a et 168.

    75 Hes., Th. 886-900.

    76 Hes., Th. 924-926 ; Apld., Bibl. I, 4, 1 ; Pind. Ol. 7, 35 ; Eur., lo 454 sq. ; Schol. Plat. Tim. 234 d ; Schol Pind. Ol. 7, 35.

    77 O.F. 60 ; 65 ; 85.

    78 O.F. 97 ; 168.

    79 O.F. 178 ; 210.

    80 O.F. 175 à 178.

    81 50, 10 ; 30, 5 ; 52, 11.

    82 50 tit. ; 50, 1 et 5 ; 52, 2.

    83 44, 2 ; 75, 1 ; 50, 7.

    84 50 tit ; 50, 8 ; 52, 2.

    85 30, 4 ; 52, 12 ; 54, 6.

    86 H.h. Dion. (7), 38-41 ; 26. Dion. 1 et 9.

    87 50, 4 ; 53, 8.

    88 45, 2 ; 47, 6 ; 52, 1. Un hymne emploie même le verbe βαϰχεύειν à propos de Dionysos signifiant ainsi qu’il célèbre lui-même le culte bacchique (52, 8).

    89 L’adjectif μανιϰός qualifie le baccheus (45, 4 ; 52, 1).

    90 30, 5 ; 52, 11.

    91 44, 3 ; 45, 5 ; 50, 8 ; 52, 4.

    92 42, 1. Cf. Eur., Bacch. 80 ; 188 ; 536. Voir aussi Plat., Phaedo 69 c = O.F. 5 et 235.

    93 30, 1 ; 45, 4 ; 54, 8. Cf. Soph., Tr. 219.

    94 Pr. 9 ; 46, 4 ; 49, 3 ; 52, 7. Cf. σϰιρτητής substitué à χορευτής, pr. 9 et 45, 7.

    95 52, 7 ; 53, 5 ; cf. 65, 7.

    96 30, 5 ; 52, 7.

    97 Hes., Th. 940-942.

    98 O.F. 208-214 ; 220.

    99 44 ; 45 ; 48.

    100 29 et 30.

    101 48.

    102 46, 6-7.

    103 Nous constaterons que le Dionysos Liknitès honoré dans cet hymne est bien le fils de Sémélé. Un fragment nous apprend que la nourrice Hipta, chantée dans l’hymne 49, a placé l’enfant Dionysos dans un liknon, dans un van, qu’elle porte sur sa tête (O.F. 199). Or l’hymne 48 nous apprend de son côté que c’est l’enfant cousu dans une cuisse divine, soit donc le fils de Sémélé, qui fut confié à Hipta (voir infra, p. 273 sq. et 294).

    104 44, 6-8.

    105 52, 1 : πολυώνυμε ; 2-3 : πυρίσπορε, μηροτρεφής ; 4-5 : Εὐβουλεῦ, ὄργιον ἄρρητον, ϰρύφιον Διòς ἔρνος.

    106 50, 1 ; 52, 9. Hygin (Fab. 167) traduit cette épithète par bimater, en comprenant : « qui a deux mères », Proserpine et Sémélé.

    107 O.F. 208-214.

    108 D.S. 5, 75, 4.

    109 O.F. 210, p. 230-231.

    110 Proclus, Hymn. 7 (Trad. H.D. Saffrey).

    111 Hygin, Fab. 167, 1.

    113 Diod. Sic., III, 62-66 ; Cic., Nat. Deor. III, 58.

    114 O.F. 301 = Diod. Sic., III, 62, 6.

    115 E.g. Philochore, 328 F 7 Jacoby ; Schol T. Ilias XIV, 319.

    116 E.g. Plut., Is et Os. 365 a ; Philochore, 328 F 7 Jacoby.

    117 Diod. Sic., I, 23, 2-3, se référant à Hécatée de Milet = Kern, Test. 95.

    118 O.F. 199, p. 222.

    119 Hy. 74 et 75.

    120 Hy. 48, 2-4 ; O.F. 199.

    121 O.F. 34. Les Courètes ont exercé la fonction de gardes en plusieurs circonstances, auprès de Rhéa, de Zeus, de Corè et de Dionysos. O.F. 151 et 191.

    122 31.

    123 Apld., III, 4, 3.

    124 51, 3 ; cf. 46, 3.

    125 46, 2 ; 52,2.

    126 54, 1.

    127 O.F. 101 ; 107.

    128 O.F. 207-208.

    129 O.F. 214 ; 220.

    130 52, 7 ; cf. 55, 11 et 27,4.

    131 O.F. 170.

    132 O.F. 236-237.

    133 30, 2 ; 50, 2 ; cf. 6, 4.

    134 30, 4 ; 45, 1 ; 52, 2 ; cf. 6, 3.

    135 30, 2 ; 52, 6.

    136 45, 2 ; 50, 2 ; 52, 1 ; 29, 10 ; 56, 3.

    137 6, 5 ; 30, 3.

    138 Cf. Eur., Bacch. 472.

    139 52, 5.

    140 6, 4.

    141 52.

    142 53.

    143 Début, milieu et fin de toutes choses, Zeus porte en lui le monde, Phanès et tous les dieux, faisant de tous les êtres une unité, sans abolir leurs distinctions. Un fragment affirme catégoriquement εἶς ἐν πάντεσσι. O.F. 164-168 ; 239.

    144 Pour l’orphisme, l’identification mythique de Dionysos, de Zeus et de Phanès soulève à coup sûr moins de problèmes que le mystère de la Trinité n’en pose à une théologie qui, soucieuse d’univocité, s’obstine à user d’un langage conceptuel pour parler de Dieu.

    145 À la différence de l’union entre collatéraux, voire de l’union entre frères et sœurs, l’union entre ascendants et descendants directs inquiète la conscience hellénique : J. Rudhardt, « De l’inceste dans la mythologie grecque », ‘Revue Française de Psychanalyse 46 (1982), p. 731-763.

    146 6, 5 ; cf. 4, 3 ; 52, 5 ; 56, 8.

    147 6, 4 ; cf. 46, 2 ; 50, 2.

    148 Chacun dans son langage, les commentateurs antiques énoncent une idée de cette sorte même si, dans le détail, leurs exégèses diffèrent. Certains montrent dans le démembrement de Dionysos un symbole de la répartition des âmes en de multiples corps et dans le cœur intact recueilli par Athéna, un symbole de l’unité de l’intellect qui saisit tous les intelligibles dans un acte unique : O.F. 210 (Proclus). Pour d’autres, le démembrement du dieu signifie la division de l’âme du monde dans des êtres singuliers, tandis que la renaissance du dieu signifie le rétablissement de cette âme dans son unité première, lorsqu’elle sort des corps. O.F. 213.

    149 40, 10 ; 24, 10-12 ; 51, 16.

    150 40, 1 et 7.

    151 Pr. 6 et 40 passim.

    152 Sur tous ces points, voir 40, passim.

    153 65, 8.

    154 40 passim. En outre, 12, 8 et 65, 9 ; 43, 9. 40, 1. παμμήτειρα est habituellement traduit « mère de toutes les créatures » ; c’est un sens possible (cf. H.h. 30, 1), mais l’adjectif peut aussi signifier « complètement, parfaitement mère », comme c’est le cas de παμμήτωρ dans Soph., Ant. 1282. La symétrie qui lie entre eux les débuts des hymnes 40 et 41 (voir infra, p. 286) pourrait cependant justifier la traduction usuelle et nous inciter à comprendre en effet « mère de tous les êtres ».

    155 Isocr., Paneg. 28-29.

    156 Fr. Graf, Eleusk und die orphische Dichtung Athens in vorhellenistischer Zeit, Berlin / New York, 1974, p. 160 sq.

    157 23, 5.

    158 40, 12.

    159 40, 17.

    160 40, 14-15.

    161 40, 11 et 18.

    162 18, 12. Ce mot doit être rapproché de μουσοπόλος, de θεηπόλος ou de θεοπολέω, mais aussi de αἰπόλος et de βουϰόλος.

    163 40, 2, 13 et 10.

    164 Hes., Th. 911-912.

    165 29, 1, 5 et 7.

    166 Cf. supra, note 144.

    167 O.F. 58 = Athenag., Pro Christian. 20, p. 22, 10 Schwartz.

    168 Paus., VIII, 25, 4-7 ; 42, 1-13.

    169 40, 1-2. Cf. H.h.Dem., 47, 211, 492 ; Soph., Ant. 112, 1121 : « Déô l’éleusinienne » ; Eur., Suppl. 290 : le nom de Déô apparaît dans une scène qui se déroule près du temple d’Éleusis ; Callim., Hy. Dem. 17 : le nom de Déô apparaît quand il est question des errances qui conduisent la déesse à Eleusis.

    170 σεμνός, 40, 2 et 13. Cf. H.h.Dem. 1 ; Eur., Suppl. 357-360. L’adjectif s’applique souvent aux rites du culte éleusinien. Cf. N.J. Richardson, The Homeric Hymn to Demeter, Oxford, 1974, p. 308. ἁγνός, 40, 11 et 13. Cf. H.h.Dem. 203 ; 439 ; l’adjectif s’applique aussi à Perséphone.

    171 H.h.Dem. 486-489.

    172 Hes., Th. 969 sq. ; cf. Hom., Od. V, 125. Quelques auteurs ont supposé que la naissance de l’enfant Ploutos était évoquée dans les mystères (cf. L. Deubner, Attische Feste, Berlin, 1932, p. 84-86) mais la chose est contestée. Plusieurs documents figurés montrent un enfant près de Déméter. Il pourrait s’agir de Ploutos. Voir M.P. Nilsson, Geschichte der griechischen Religion I, Munich, 1945, p. 318 sq.

    173 Plusieurs versions de ce mythe. Première attestaton à la fin du ve siècle : décret athénien relatif à l’offrande de l’aparchè : IG I2 76. Cf. Paus., I, 14, 3. L’iconographie illustre très tôt ce thème athénien. Voir par exemple H. Metzger, Recherches sur l’imagerie athénienne, Paris, 1965, p. 7 et 14-17 ; Le recueil Charles Dugas, Paris, 1960, p. 123 sq. ; G.E. Mylonas, Eleusis and the Eleusinian Mysteries, Princeton, 1961, p. 192 sq.

    174 O.F. 51.

    175 H.h.Dem. 480-482.

    176 Isocr., 4 Paneg. 28. Cf. Soph., fr. 837 Pearson ; Pind., fr. Thrènes, 6 Puech.

    177 18, 12-15.

    178 H.h.Dem. 5, 417-125, et 398-403.

    179 43, 7-9. L’hymne 29, 9 désigne plus généralement en Perséphone la compagne de jeu des Hôrai.

    180 Zeus : Schol. Hom. Il. XXII, 113. Hécate : Hesych., s.v. άνταία ; Eschl., fr. 361 Mette ; Soph., fr. 335 Pearson. Rhéa : Ap. Rh. I, 1141 et schol. ; Etym. M. 388, 36.

    181 Apollonius de Rhodes. Argonautiques, Paris, 1976, note au vers 1141, p. 265.

    182 Plusieurs textes font de Zeus le père des dieux et des hommes. Dans ce cas, le nom « père » ne désigne pas un géniteur ; il ne fait de Zeus ni un créateur ni un ancêtre ; il nomme celui qui exerce l’autorité sur les membres d’une famille, qui les domine et les protège. Le nom « mère » ne me paraît pas revêtir une valeur comparable ; il désigne une génitrice et une nourricière.

    183 26, 1. 27, tit. et 7. 14, 9.

    184 27, 12 : Κρόνου συνόμευνε ; 14, 5 : Κρόνου σόλλεκτρε μάϰαιρα.

    185 41, 3-7.

    186 Harpocration, s.v. Δυσαύλης. Le lexicographe se réfère à Dinarque, à Asclépiade et à Palaiphatos.

    187 O.F. 51 = Paus., I, 14, 3 ; Schol. Aristid. Panathen. 105, 11, p. 53 Dindorf. Cf. supra p. 267, note 87.

    188 O.F. Test. 222-223.

    189 G. Quandt, Orphei Hymni, Berlin, 1955, Addenda et corrigenda, p. 86.

    190 O.F. 51 = Paus., 1,14, 2-3. Cf. O.F. 52.

    191 Nombreuses références épigraphiques dans Graf, o.c. (n. 155), p. 172, notes 72 sq.

    192 18, 12. Nous constaterons que, dans les hymnes orphiques, le nom Eubouleus s’applique toujours à Dionysos ou à l’un des dieux qui lui sont assimilables. Ils réservent le nom Euboulos à d’autres emplois.

    193 Dans la principale des inscriptions attiques relatives à l’offrande de l’aparché, nous lisons : « à Triptolème, au dieu, à la déesse et à Euboulos, à chacun d’eux (consacrer) une victime parfaite » (IG Ρ 76). Situé après la mention du dieu et de la déesse, nous pouvons supposer que le mot Euboulos est une appellation du Zeus infernal. Symétrique à Triptolème nous pouvons aussi penser qu’il nomme un fils de Dysaulès. Il serait séparé du nom de Triptolème, parce que les deux frères n’ont pas un destin semblable : la tradition attique prédominante fait de Triptolème le propagateur de la culture du blé ; l’hymne orphique nous apprend que Déméter, offrant à Euboulos un privilège différent, lui confère l’immortalité. Que nous adoptions l’une ou l’autre de ces interprétations, il nous faut également reconnaître que l’inscription emploie le nom Euboulos pour désigner un personnage appelé Eubouleus en d’autres lieux.

    194 O.F. 50 = Clem. Alex., Protrep. II, 17, 1. Le texte de la scholie de Lucien est publié et commenté, avec des préoccupations différentes des nôtres, dans Deubner, o.c. (n. 171), p. 40 sq.

    195 29, 3 ; 41, 5 ; 29, 4. Cf. 46, 6 ; 53, 3 ; 57, 5-6.

    196 29, 6.

    197 57, 9-10.

    198 43, 7-9.

    199 57, 9-10.

    200 O.F. 58.

    201 O.F. 58. Clem. Alex., Protr. II, 16, 1 (Trad. Cl. Mondésert). Le même nom grec peut être traduit ou « serpent » ou « dragon ».

    202 O.F. 153 ; 210, p. 130.

    203 29, 8 ; 30, 6-7.

    204 E.g. Eschl., Eum. 263-275 ; 300-306 ; 321-323 ; 334-339.

    205 Heracl. 22 B 94 Diels-Kranz6.

    206 Hes., Th. 182-185, cf. Apld., I, 1, 4.

    207 Soph., O.C. 40.

    208 Eschl., Eum. 321-322 ; 426 ; 745 ; 792-793.

    209 70, 2-3. L’hymne de Pluton nous montre clairement que les mots Zeus Chthonios nomment Pluton lui-même.

    210 O.F. 197. Cf. 360.

    211 37, 1 ; 14,4-5 ; 15, 6.

    212 32, 1 ; 29, 1-2 ; 35, 3-4 ; 36, 1 ; 43, 1-2 ; 60, 2 ; 77, 1-2.

    213 13, 7.

    214 27, 12.

    215 48.

    216 27, 13.

    217 27, tit. et 1 ; cf. 7.

    218 27, 4.

    219 27, 6 et 9-10.

    220 27, 4-6.

    221 49, 4-6.

    222 42, 6.

    223 Eur., Bacch. 55-61 ; 72-87.

    224 27, 12. La mère des dieux est une figure complexe, à la fois grecque et étrangère. À ce sujet voir Ph. Borgeaud, La Mère des dieux, Paris, 1996.

    225 14 9

    226 27, 3-5, 11 ; cf. 14, 2-3.

    227 L’hymne 26 lui est consacré. Elle se trouve encore appelée « mère des dieux et des hommes » en 21, 7 ; 63, 16 et 82, 3.

    228 26, 5.

    229 ZPE 47 (1982), col XVIII = nouvelle numération col. XXII Laks-Most. Le papyrus identifie Déméter, Rhéa, Gè, la Mère, Hestia et Déô. L’hymne 27 qui identifie la Mère des dieux à Rhéa, l’identifie en outre à Hestia. Sur ce point encore, l’hymne suit une tradition orphique.

    230 O.F. 145.

    231 56, 4 et 6.

    232 56, 3.

    233 56, 9.

    234 56, 8.

    235 46, 3.

    236 56, 5 et 10-11.

    237 56, 7 ; 55, 24-26.

    238 30, 6 ; 29, 8.

    239 6, 4 ; 42, 2 ; 50, 2.

    240 Voir Quandt, Orphei Hymni, p. 86.

    241 Sur Iacchos, voir notamment Diod. Sic., III, 64. 1 sq. ; Arstph., Ran. 324 et schol. Eur. Troy. 1230. Paus., I, 37, 4 ; VIII, 37, 5.

    242 Pr. 40-41. Dans l’épître à Musée qui introduit le recueil des hymnes, deux vers associent également la Mère des dieux, Attis et Mên d’une part, Aphrodite et Adonis de l’ autre : « J’ appelle la Mère des Immortels, Attis et Mên et la Déesse Ouranienne ainsi que l’immortel, le saint Adonis ».

    243 O.F. 201.

    244 O.F. 293.

    245 18, 3 ; 41, 7 ; 70, 3.

    246 E.g. Eschl., Pers. 628 sq. ; 639 sq. ; cf. 649 sq. ; Soph., O.C. 1567. Chez Hésiode cependant, le Zeus Chthonios invoqué avec Déméter au début des labours me paraît terrestre plutôt qu’infernal, Hes., Op. 463.

    247 Soph., O.C. 1606.

    248 63, 15-16.

    249 E.g. είνάλιος, Soph., O.C. 888 et 1492 sq. ; cf. Orph. Hy. 17, 6. πόντιος, H.h. 22, 3 ; Soph., O.C. 1072 ; Orph. Hy. 17, 8.

    250 11, 5, 8, 9 ; 11, 7, 23.

    251 11, 1-3.

    252 11, 6.

    253 11, 9-11.

    254 11, 10.

    255 11, 12.

    256 O.F. 54.

    257 Hes., Th. 133-136 ; 371-374 ; 1011.

    258 Eumélos, fr. 3, 3 Bernabé ; H.h.Dem. 26, 74 ; Stésichore, fr. 185 Page ; Mimnerme, fr. 5, 11 Gentili-Prato.

    259 Cf. Xénophane, 17 B 32 Diels-Kranz6.

    260 Hom., Il. 8, 480 ; 19, 398 ; Od. 1, 8, 24 ; 12, 133, 263 ; 346, 374 ; U.hApoll. 369.

    261 8, 3.

    262 Le vers 14 reprend la même image : « serein, visible à tous, de l’univers tu es l’œil animé d’un mouvement circulaire. »

    263 Hom., Il. III, 103-105 ; XIX, 197 ; 259.

    264 8, 18.

    265 8, 16 et 8, 8.

    266 8, 17 et 8, 11.

    267 8, 18.

    268 8, 5 ; 8, 9 ; 8, 12 ; 8, 9.

    269 O.F. 236 ; 237 ; 239.

    270 C’ est pourquoi il est appelé « joueur de flûte », d’un nom qui pourrait convenir à Pan (8, 11).

    271 34, 1.

    272 52, 11 ; 53, 8.

    273 12, 6-7.

    274 12, 9 ; cf. 8, 3 ; 12, 13 ; cf. 8, 13.

    275 12, 11.

    276 12, 12.

    277 12, 10.

    278 O.F. 54 ; 57 ; 58.

    279 66, 6-7.

    280 66, 8-9 et 12-13.

    281 66, 4.

    282 66, 1, cf. 12, 1 ; 66, 3, cf. 12, 2 ; 66, 1, cf. 12, 9.

    283 66, 5 et 12, 6.

    284 34, 5 et 8, 12.

    285 35, 3-6 ; cf. pr. 7.

    286 34, passim.

    287 Pr. 8 ; 35, 5 ; 79, 6.

    288 67, 6.

    289 24, 10-12.

    290 40, 5 et 8.

    291 34, 2 et 40, 2 ; cf. le quasi-synonyme πλουτοδότειρα, 40, 3. Un adjectif presque semblable, όλβοδότις, qualifie la Mère des dieux.

    292 Je ne dis rien de l’adjectif Βάϰχιος du vers 7, parce que la tradition manuscrite est incertaine.

    293 Pr. 24 ; 8, 12 ; 66, 3. L’adjectif φαεσφόρος qui, appliqué à la Lune (9, 1), semble avoir le même sens que φωσφόρος, se réfère peut-être au port des flambeaux rituels quand il s’applique à Perséphone (29, 9).

    294 78, 1 ; 66, 2 et 6.

    295 8, 1. L’hymne homérique à Déméter nous apprenait déjà que, du haut du ciel, le Soleil voit tout ce qui se passe sur la terre.

    296 U.h. Apoll. 437 sq.

    297 E.g. Plut., De defect. orac. 433 d-e.

    298 Kern, Test. 113.

    299 O.F. 62 Kern.

    300 11, 6, 11 et 12 ; cf. 34, 1.

    301 35, 3-6 ; cf. U.hApoll. 14-16.

    302 Plat., Theaet. 149 b.

    303 Diod. Sic., V, 73.

    304 Cl. Calame, Les chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque I, Rome, 1977, p. 281 sq. ; p. 189, note 1.

    305 Paus., 7, 19, 1-10.

    306 Artémis : Hom., 11. 21, 511 ; Dionysos : Anth. IX, 524, 11.

    307 Hesych., s.v. ϰορυθαλλίστριαι et βρυλλιχίζειν.

    308 Paus., VI, 22, 1.

    309 Luc., Sait. 22, 26 ; Athen., 20 e ; 629 d ; 630 e ; 631 d.

    310 Hesych., s.v. λόμβαι ; λομβούς ; cf. Pollux, IV, 105, s.v. λομβρός.

    311 Artémis : Opp., Cyn. 2, 1 ; Anth. IX, 765, 2. Séléné : oracle in Euseb., Praep. Ev. IV, 237.

    312 Eschl., fr. 87 Lloyd-Jones.

    313 E.g. Cornutus, Nat. Deor. 34. Plut., Mor. 938 f ; 659 a.

    314 9,1 ; 36, 6.

    315 36, 3 ; 8, 14 ; 9, 3.

    316 Dictynna est une nymphe crétoise, déesse, semble-t-il, du mont Dicté. On admet généralement que le mot Dictynna est une épiclèse de Britomartis. Cette divinité fait l’objet de plusieurs mythes (Callim., Hy. 3, 183-205 ; Diod. Sic., V, 76, 3-4 ; Paus., II, 30, 3-4) et reçoit des cultes en plusieurs lieux (e.g. ICI, vii, 4 ; I, ix A, 29 ; I, xviii, 9, 7 : Syll.3, 527). C’ est une chasseresse assez proche d’Artémis (Eur., Hipp. 145 sq. ; Arstph., Ran. 1356 sq.) pour lui être souvent assimilée : Eur., 1.T. 127 ; Paus., III, 14, 2 ; X, 36, 5 ; Diod. Sic. V, 76, 3 ; Plut., Mor. 984 a ; 1G XII (2), 145, 203 A.

    317 . Cavvadias, Fouilles d’Épidaure I, Athènes, 1893, n° 162. Elle est aussi appelée Prothyridia, Sext. Emp., IX, 185.

    318 Paus., I, 38, 6.

    319 2, 5.

    320 Hom., Od. XIX, 188 ; 1/ XVI, 187.

    321 H.h. Apoll. 97 sq.

    322 E.g. Plut., Quaest. Conv. 3, 10, 3 (Mor. 658 f - 659 a) ; Cornutus, Nat. Deor. 34 ; Horace, Carm. saec. 13 sq.

    323 2, 9 et 2, 12.

    324 Hes., Th. 411-452. Voir J. Strauss Clay, « The Hecate of the Theogony », GRBS 25 (1984), p. 27-38 ; J. Rudhardt, « À propos de l’Hécate hésiodique », MH 50 (1993), p. 204-213.

    325 Eur., Hel. 569 sq. ; Ion, 1048 sq. ; Med. 395-398 ; Theocr., 1d. 2, 14-16. Ap. Rh., III, 467 ; 478 ; 1035 ; IV, 1020 ; Diod. Sic., IV, 45, 1-3. En outre, voir par exemple Th. Kraus, Hekate. Studien Zu Wesen und Bild der Gottin in Kleinasien und Griechenland, Heidelberg, 1960 ; S.I. Johnston, Hecate Soteira, Atlanta, 1990.

    326 Hes., Th. 409-411 ; cf. Apld., I, 2, 4. L’Antiquité lui a aussi connu d’autres parents : cf. Schol. Ap. Rh. III, 467.

    327 εἰνοδία, Eur., 1on 1054 ; Soph., fr 535 Lloyd-Jobes. Hymne cité par Hippolyte. τριοδῖτις, Luc., Dial. Mort. 1, 1. Schol. Arstph. Plout. 594 ; Hesych., s.v. ἑϰάταια ; Cornutus, Nat. Deor. 34.

    328 Cf. Theocr., 1d. 2, 11-14 ; Theophr., 16, 7 ; Luc., 34, 39.

    329 P. Mag. Par, 1, 2722 et hymne dans E. Abel, Orphica, Leipzig, 1885, p. 289, 7.

    330 Ap. Rh., III, 1040 ; 1214-1217.

    331 72, 3.

    332 Eschl., Suppl 676.

    333 Hes., Th. 413-415.

    334 E.g. Plut., De defect orac. 416 e ; Defac. in lun. 937 f ; 944 c.

    335 1, 3 et 8 ; 72, 3 et 5.

    336 72, 2 ; 1, 1.

    337 E.g. B. Head, Historia numorum, Oxford, 19112, p. 787.

    338 9, 7 ; 8,1 ; cf, 34, 8.

    339 9, 1 ; 8, 12 et 34, 5 ; Pan est φαεσφόρος (11, 11) ; or nous savons qu’il est partiellement assimilable à Apollon.

    340 9, 5 ; 8, 13.

    341 9, 10 ; 36, 6.

    342 9, 2 ; 36, 6.

    343 9, 1 ; 9, 10 ; 36, 1.

    344 9, 4 ; 36, 7.

    345 9, 3 ; 36, 3.

    346 9, 5 ; 36, 10.

    347 9, 11-12 ; cf. 1,2.

    348 O.F. 49, 40 ; 187 ; Orph. Arg. 894 sq.

    349 O.F. 42 ; 188 ; 204.

    350 Paus., II, 30, 2.

    351 O.F. 41-42 ; 188.

    352 2, 5 ;1, 7.

    353 O.F. 316.

    354 O.F. 188 ; 204.

    355 72, 3-4.

    356 71, 1-3. Nous pourrions aussi comprendre « que Perséphone, comme une sage-femme, fit naître dans le lit sacré de Zeus Cronios ». Cette interprétation me paraît peu vraisemblable. Non seulement elle prête un sens rare au verbe λοχεύομαι ; elle donne à la formule λέϰτροις ἱεροῖς un sens différent de celui qu’elle revêt dans les autres hymnes (30, 7 ; 41, 7). Dans la plupart de ses emplois, le verbe λοχεύω veut dire « enfanter, mettre au monde », mais il peut avoir pour sujet un être masculin et signifier « engendrer ». La référence au lit de Zeus évoque l’idée d’une union plus que celle d’un accouchement. C’ est pourquoi je traduis « conçut ».

    357 Deuxième, si nous faisons du plus connu, Dionysos, son premier enfant. En fait l’ordre de succession des naissances nous est inconnu.

    358 1, 1-2.

    359 71, 6-9.

    360 O.F. 187-188.

    361 Soph., Phil. 1342.

    362 Quelques exemples parmi d’autres : Plat., Ap. 22 d ; Resp. 413 a.

    363 R. Kuhner, B. Gerth, Ausfù’hrliche Grammatik der griechischen Sprache II. 1, Hannover / Leipzig, 1904, p. 235.

    364 E.g. Dem., C. Euboul. 10.

    365 A. Carnoy, Dictionnaire étymologique de la mythlogiegréco-romaine, Louvain, 1957, p. 46.

    366 E.g. Dem., 21, 53 ; cf. 19, 299 ; Hyper., 3, 35.

    367 Hom., Il. V, 370 sq. ; Eur., Hel. 1098 ; Apld., I, 3, 1 ; O.F. 183.

    368 Voir notamment Ov., Fast. II, 461. Cf. Catulle, 56, 6.

    369 Hes., Th. 353 ; Apld., I, 1, 3 ; 2, 7 ; O.F. 114.

    370 1, 7 ; cf. 2, 5. Associée au culte d’Artémis, Iphigénie est une porte-clé (Eur., I.T. 1463). Dans un papyrus magique l’épithète de « porte-clé » qualifie Persephassa, soit donc Perséphone (PGM IV, 1403).

    371 O. Kern, Die Inschriften von Magnesia am Meander, Berlin, 1900. Str, 14, 1, 40. Cf. Paus., III, 18, 9 : Bathyclès de Magnésie, à l’achèvement du trône dont il était l’auteur, « consacra une statue d’Artémis Leukophryènè ».

    372 H. h. Dem. 24 sq. ; 51-63 ; 438 sq. Cf. Richardson, o. c. (n. 169), p. 294-295.

    373 Eur., Ion, 1047 sq.

    374 School Theocr. 2, 12.

    375 Hesych, s. v. πολύβοια.

    376 Serv., V. A. IV, 511. Cf. Myth. Vat. II, 112 ; II, 17 ; Dracontius, Carm. Min. 10. 187 sq. L’identification Hécate-Artémis = Perséphone est en outre présente dans les papyrus magiques.

    377 O. F. 41 ; 42 ; 49, 75-76.

    112 NDLE : dans son article sur « Les deux mères de Dionysos », J. Rudhardt reprendra ce texte d’Hygin, en lui accordant une grande importance : RHR 219 (2002), p. 494

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    • Brulé, Pierre. (2022) Pratiques religieuses, mémoire et identités dans le monde gréco-romain. DOI: 10.4000/books.pur.185036
    • Carastro, Marcello. (2012) Dossier : Serments et paroles efficaces. DOI: 10.4000/books.editionsehess.2678
    • Rodríguez, María Victoria Vaello. (2021) El papel de Sémele en los cultos dionisiacos. Una visi´ón general.. Cuadernos de Filología Clásica. Estudios griegos e indoeuropeos, 31. DOI: 10.5209/cfcg.72741
    • Lebreton, Sylvain. (2023) Les attributs onomastiques divins dans les listes de prêtrises en pays grec : motivations d’établissement et logiques organisationnelles. Archiv für Religionsgeschichte, 24. DOI: 10.1515/arege-2022-0007

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    Rudhardt, J. (2008). Chapitre II. Les croyances relatives aux dieux. In Opera inedita (1‑). Presses universitaires de Liège. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.536
    Rudhardt, Jean. « Chapitre II. Les croyances relatives aux dieux ». In Opera inedita. Liège: Presses universitaires de Liège, 2008. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.536.
    Rudhardt, Jean. « Chapitre II. Les croyances relatives aux dieux ». Opera inedita, Presses universitaires de Liège, 2008, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.536.

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    Rudhardt, J. (2008). Opera inedita (1‑). Presses universitaires de Liège. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.514
    Rudhardt, Jean. Opera inedita. Liège: Presses universitaires de Liège, 2008. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.514.
    Rudhardt, Jean. Opera inedita. Presses universitaires de Liège, 2008, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pulg.514.
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