Introduction
p. 7-15
Texte intégral
1Les textes rassemblés dans ce volume se situent au croisement de deux champs d’étude : d’une part les formes de mobilité et d’immobilisation (sociales, professionnelles, géographiques) qui peuvent être observées tant à l’échelle du ménage qu’à celle de la famille étendue ; d’autre part, les logiques de peuplement, les manières d’habiter et les formes de sociabilité qui prévalent dans différents types de contextes territoriaux.
2Ces deux ordres de phénomènes ont souvent fait l’objet de traitements séparés, qui confortent ainsi les découpages thématiques habituels et les partages institués entre sous-disciplines : d’un côté la famille et les trajectoires inter-reliées de ses membres ; de l’autre, le logement, l’habitat, la ville. De nombreuses questions se posent néanmoins à l’intersection de ces champs, et invitent du même coup à les envisager dans leur interdépendance.
3En quoi l’étude des parcours résidentiels permet-elle de mieux comprendre ce qui se joue dans la vie du groupe domestique, dans les relations avec la parentèle et dans les rapports entre les générations ? Comment le logement et l’inscription dans des territoires peuvent-ils être mobilisés à titre d’analyseurs des dynamiques familiales ?
4Réciproquement, quels effets ces dynamiques exercent-elles sur la configuration des espaces de vie et leur évolution ? Comment les mobilités choisies, imposées ou projetées interfèrent-elles avec les pratiques des acteurs, publics ou privés, qui interviennent dans la régulation du marché immobilier, la gestion du parc social ou l’aménagement des espaces urbains ? Comment les biographies individuelles et les trajectoires de familles peuvent-elles aider à comprendre les modes de co-présence et les formes d’interaction qui qualifient socialement divers types de contextes urbains ?
5Telles sont les questions qui proposaient un espace commun de référence et de débat aux chercheurs invités au colloque dont a été tiré cet ouvrage collectif. Les trois journées de décembre 1995 ont permis un riche échange d’idées et d’expériences de recherche autour de ce faisceau d’interrogations, qui a été décliné selon une très large gamme d’approches et de terrains.
6Les travaux présentés ici se différencient, déjà, par le type d’entrée qu’ils privilégient pour construire leur dispositif d’observation. Certains se donnent pour cadre initial de référence des populations, qu’ils spécifient à partir de tels ou tels critères socio-démographiques, et dont ils explorent ensuite les modes d’inscription dans l’espace. D’autres empruntent plutôt le chemin inverse, allant des lieux aux milieux, des territoires aux trajectoires, des espaces résidentiels aux mobilités individuelles et familiales qui en façonnent le devenir.
7Ils se différencient également par les échelles qu’ils prennent en compte. Diversité, d’abord, de la taille des populations considérées, depuis le traitement d’importantes bases de données collectées sur un pays entier, ou sur une agglomération, jusqu’à l’étude intensive de quelques dizaines de cas individuels. Variété, aussi, des échelles géographiques : ici le territoire national, là le quartier central ancien, l’ensemble d’habitat social, le groupe d’immeubles, ou encore la rue. Diversité, enfin, des échelles temporelles, entre l’histoire d’un site urbain sur longue période et l’étude de brèves séquences correspondant à des temps forts de transformation locale ou de transition biographique. Les méthodes mises en œuvre dépendent pour partie des échelles choisies. Elles n’en sont cependant pas prisonnières, en particulier lorsqu’une même recherche s’attache à combiner plusieurs niveaux et plusieurs outils d’analyse.
8Organisé dans le cadre des Entretiens Jacques Cartier, le colloque avait été construit, pour l’essentiel, autour d’une comparaison entre des travaux français et des travaux canadiens, plus particulièrement québécois. Les contributions illustrent abondamment la proximité des questions scientifiques énoncées par les chercheurs des deux pays, et des problèmes de société qui souvent leur font écho (l’aide publique au logement, la recomposition des vieux centres urbains, la fragilisation des liens familiaux et sociaux, l’immigration...). Elles témoignent, aussi, de la relative spécificité des contextes nationaux, par exemple en matière de mobilité résidentielle, de propriété du logement, de rapports entre les générations, ou encore de gestion des relations entre communautés.
9Les textes qui suivent se différencient enfin par la formation académique de leurs auteurs. Tour à tour sont mobilisées les approches de la sociologie, de la démographie, de l’histoire, de la géographie... Cette diversité des références disciplinaires est une richesse. Elle donne aussi la mesure des convergences qui se font jour, des affinités qui se dessinent dans la construction et le traitement des objets de recherche. En outre, certains débats scientifiques qui courent en filigrane tout au long du volume apparaissent très largement transversaux à ces découpages disciplinaires, tel par exemple celui qui confronte la recherche de régularités statistiques et l’attention portée à la contingence des cas singuliers.
10Ce sont donc, an total, des voies très diverses qui sont suivies pour articuler l’un à l’autre les deux champs thématiques évoqués ci-dessus. Si ces voies sont fécondes, c’est qu’elles ne procèdent pas d’un quelconque mot d’ordre général qui porterait en lui-même sa justification. Si elles sont diverses, c’est bien parce qu’il s’agit à chaque fois de rendre compte de processus déterminés qui se déploient à l’intersection de ces champs. Croiser les perspectives, cela peut signifier, par exemple, analyser les interdépendances entre la transformation des espaces urbains et les mobilités résidentielles des citadins au cours de leur cycle de vie. Cela peut signifier, aussi, étudier la distribution territoriale de réseaux familiaux et amicaux pour mieux comprendre les rapports entre la logique des liens et l’inscription dans des lieux. Ou encore, identifier les rôles respectifs des dynamiques familiales et des contextes d’habitat, de « l’effet famille » et de « l’effet site » (Bertaux-Wiame, Gotman), pour comprendre par exemple les processus d’accession à la propriété, les pratiques résidentielles des étudiants, les relations entre groupes sociaux dans un quartier, etc.
11Ce croisement des champs thématiques se double en même temps d’un enrichissement des approches, dans la mesure où il favorise la confrontation de registres d’analyse diversifiés.
12D’un côté, prendre en compte les dynamiques familiales conduit à relativiser le pouvoir explicatif des variables socio-économiques usuelles en saisissant les individus dans le temps de leurs biographies et dans la configuration de leurs liens interpersonnels. La notion de trajectoire familiale combine bien ce double horizon de référence. Elle désigne en premier lieu les formes, socialement instituées et différenciées, d’inscription des parcours individuels dans des unités domestiques et dans des réseaux de parenté. Mais elle renvoie aussi, en un deuxième sens qui en élargit la portée, au devenir des constellations familiales elles-mêmes, saisies sur plusieurs générations.
13D’un autre côté, les spécialistes de l’habitat ou de la ville ne sont pas seuls à tirer profit de l’étude des cadres territoriaux dans lesquels s’inscrivent les parcours résidentiels et les pratiques sociales. L’intérêt pour la dimension spatiale des phénomènes sociaux est source d’enseignements pour une très large gamme d’objets de recherche. Là encore, l’orientation proprement thématique peut avoir une portée épistémologique. Elle est, à tout le moins, en consonance avec l’idée selon laquelle les sciences sociales sont des sciences historiques qui se doivent de croiser le raisonnement statistique de type quasi expérimental avec la comparaison méthodique de contextes singuliers1.
14La mobilisation de ces regards complémentaires produit de nombreux effets de connaissance, dont témoignent les résultats présentés dans ce recueil. Elle n’est pas non plus sans incidences sur la définition même des concepts et le maniement des outils d’analyse. Certaines des notions les plus souvent utilisées au fil des pages sont à peu près standardisées, en particulier sous l’effet des catégorisations administratives. Tel est le cas, par exemple, pour le ménage, pour le logement, pour l’appartenance socioprofessionnelle... D’autres au contraire sont davantage polysémiques. C’est ainsi que des termes tels que ceux de « trajectoire », de « famille », d’« habitat », ou encore de « ségrégation », sont entendus en des sens qui ne se recouvrent pas exactement d’un auteur à l’autre. Le lecteur prendra acte de ces fluctuations. Il constatera, toutefois, que cet ouvrage collectif est aussi traversé par un souci récurrent de problématiser les catégories héritées de l’histoire de nos disciplines, y compris celles qui comptent parmi les plus stabilisées dans leur usage.
15Ainsi en va-t-il pour les notions de ménage et de logement. Travailler sur les Recensements ou sur les Enquêtes mobilité de l’INSEE impose certes de s’aligner dans une large mesure sur les catégories à partir desquelles sont construites ces données administratives. On verra bien cependant tout l’intérêt qu’il peut y avoir, déjà, à croiser les informations sur les habitants avec celles portant sur les logements, de manière à repérer leurs diverses formes d’articulation : par exemple en construisant des « types résidentiels » (Lévy), ou encore en identifiant des « modes d’occupation » à partir de l’observation longitudinale et nominative de ménages dans leurs logements (Lévy-Vroelant). Mais on verra, aussi, comment de nombreuses contributions s’attachent à mettre en question l’équivalence statistique entre le ménage et le logement, et ce de diverses façons. D’une part en situant le groupe domestique dans les réseaux familiaux qui le relient à d’autres individus et à d’autres ménages. D’autre part, en portant attention à la dynamique des relations entre conjoints, ou entre parents et enfants ; en analysant les ajustements, les négociations ou les conflits qui invitent à voir dans la « cellule familiale » autre chose qu’un bloc homogène, qu’une unité insécable de décision et d’action. De son côté le logement, qui est le cadre et parfois l’un des enjeux de cette vie relationnelle, doit être saisi dans les rapports qu’il entretient avec son proche environnement. Il doit également être situé dans des dispositifs résidentiels parfois complexes, qui vont des pratiques d’habitat alterné à des constellations plus ou moins dispersées de lieux de vie et de territoires de référence. En définitive, le couple ménage/logement est travaillé par tout un jeu de proximités et de distances, de continuités et de ruptures – à la fois spatiales et relationnelles –, qui sont à l’œuvre dans des processus aussi divers que la décohabitation et l’entrée dans la vie adulte (Bensoussan), la réorganisation de la vie familiale après une désunion (Charbonneau ; Martin ; Wexler), la distribution géographique des parentèles (Maison et Ortalda), ou encore les mécanismes de peuplement et la structuration de la vie sociale dans un quartier (Després ; Hontebeyrie et Rosental).
16Les grandes catégories de classement social, et tout particulièrement les nomenclatures socioprofessionnelles, font preuve d’une incontestable robustesse, y compris hors du champ des grandes enquêtes quantitatives. Mais toute tentative pour comprendre ce qui se joue dans le champ résidentiel impose déjà, au minimum, de croiser cet indicateur avec d’autres. Il importe en effet de prendre en compte les multiples éléments qui, au delà du seul statut socio-économique, président à l’inscription des populations dans un type de parc immobilier, dans un type de contexte local. Tel est notamment le cas du statut familial, qui renvoie à la fois à structure du groupe domestique et à la position dans le cycle de vie ; du niveau scolaire ; des systèmes de représentations associés à la propriété et à la location (Cournoyer ; Cuturello) ; des diverses formes de rapport à l’emploi (stabilité vs précarité ; activité vs non-activité ou chômage) ; ou encore des origines sociales et géographiques, des itinéraires résidentiels, des parcours migratoires, etc.
17Réciproquement, les habitants sont aussi socialement qualifiés par les espaces de vie dont ils font l’expérience. D’abord parce qu’ils ne se distribuent pas de façon aléatoire dans les lieux de la ville et dans les types d’habitat (Lévy ; Miron ; Chicoine et Rose). Mais aussi parce que leurs manières d’être et leurs manières d’agir sont peu ou prou infléchies par les dynamiques relationnelles et les interactions socialisatrices qui prennent corps dans chaque contexte résidentiel (Germain ; Bekkar ; Dansereau...). La combinaison locale des positions et des cheminements, les oppositions récurrentes entre les anciens et les nouveaux, entre ceux d’ici et ceux d’ailleurs, entre les enracinés et les mobiles, voire entre les propriétaires et les locataires, sont à la base de perceptions mutuelles et de pratiques qui s’agencent diversement selon les types d’espaces de vie, et qui sont du même coup difficilement repérables au travers d’enquêtes quantitatives décontextualisées. Si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, c’est peut-être bien la logique même des classifications macro-sociales qui se trouve mise à mal, dès lors qu’on s’attache à reconstituer les structures sociales locales en partant des liens élémentaires entre les personnes et des passages observés entre les métiers (Hontebeyrie et Rosental). À tout le moins se pose ainsi le problème des dissonances éventuelles, mais aussi des formes d’interdépendance, entre le registre des stratifications construites à l’échelle nationale et celui des processus localisés qui jouent à l’intersection de micro-structures urbaines, de configurations relationnelles et de trajectoires individuelles plus ou moins interconnectées (Simon ; Remy).
18La notion même de trajectoire peut être prise, comme on l’a dit, en des sens relativement différents. Ce volume en témoigne. D’un côté prévaut plutôt l’idée de parcours orientés, socialement institués ou sociologiquement déterminés, qui permet d’introduire de l’ordre dans les informations recueillies sur une population de grande taille. En partant de ce point de vue, on peut s’attacher à rendre compte plus précisément des écarts à la norme ou à l’idéaltype, en distinguant par exemple le « parcours », la « trajectoire » et le « cursus » (Lévy). Les traitements statistiques peuvent d’ailleurs conduire à remettre en cause les représentations mêmes de ce qui est tenu d’ordinaire pour socialement normal et numériquement dominant, par exemple le passage du statut de locataire à celui de propriétaire (Bonvalet). D’autres travaux eu revanche, qui privilégient la description fine de biographies individuelles, se montrent plus enclins à prendre en considération les événements inattendus qui sont susceptibles d’infléchir durablement le cours ultérieur des existences, en combinant ainsi leurs effets propres avec ceux des grands déterminants sociaux et des stratégies personnelles (Charbonneau). C’est donc, au total, tout l’éventail des « formes temporelles de la causalité2 » qui est ici pris en compte, quoique diversement mobilisé et agencé selon les auteurs.
19On trouvera également dans ce volume de nombreux développements qui, dans le cadre d’opérations de recherche précises, mettent en évidence toute la relativité des diagnostics en termes de mobilité ou d’immobilité. Certains montrent par exemple combien le point de vue peut se modifier quand on change d’unité d’analyse, et en particulier quand on passe de l’individu ou du ménage à la famille étendue : ainsi, dans un même site, tantôt ce sont des mouvements individuels d’entrée, de sortie et de retour dans la localité qui s’éclairent à la lumière des réseaux de parenté qui s’y trouvent durablement implantés ; tantôt au contraire, quelques décennies plus tard, c’est la sédentarisation des nouveaux venus qui fait obstacle à la reconduction des anciennes constellations familiales, et induit à terme leur effacement de la scène locale (Hontebeyrie et Rosental). Le point de vue se modifie aussi quand on fait varier les échelles spatiales de référence : la stabilité résidentielle peut s’entendre stricto sensu, au niveau du logement ; mais on peut aussi l’estimer au niveau du quartier, ou encore, par extension, à l’échelle des circulations qui s’opèrent entre un nombre limité de quartiers disjoints mais présentant des caractéristiques comparables (Authier). De surcroît, dans quelle mesure est-il satisfaisant d’apprécier les mobilités individuelles indépendamment des changements qui affectent le cadre de vie ? L’immobilité au sein d’un quartier dont la composition sociale s’est radicalement modifiée peut être interprétée comme une manière de « mobilité passive » (Lévy), que connaissent aussi les ménages restés locataires dans un immeuble que le bailleur social est en train de mettre en vente par appartements (Bertaux-Wiame ; Gotman).
20Les vingt-deux contributions qui figurent dans ce recueil ont été regroupées en chapitres thématiques, dont chacun met l’accent sur un type particulier de processus.
21Un premier ensemble de textes propose une série d’éclairages complémentaires sur la question générale des rapports entre les mobilités, les réseaux familiaux et les espaces résidentiels. Les trois premiers se fondent sur l’étude intensive de micro-contextes urbains (quartiers, rues, immeubles) dont ils retracent l’évolution sur longue période. Les trois suivants relèvent d’approches statistiques à plus large échelle, qui portent successivement sur la distribution géographique des réseaux de parenté, sur les problèmes théoriques et techniques posés par la définition des aires de voisinage, et enfin sur les interactions entre les mobilités résidentielles des ménages et les transformations des contextes d’habitat.
22Le chapitre suivant est centré sur l’accession à la propriété. Le changement de statut d’occupation du logement est un moment-clé des itinéraires résidentiels, qui met en jeu simultanément des décisions économiques, des logiques familiales et de nouveaux rapports à l’habitat. Diverses raisons peuvent conduire à faire aussi de l’accession à la propriété un objectif politique, dont les résultats varient fortement selon les procédures utilisées, les contextes d’habitat concernés et les types de populations visés. Sont plus particulièrement envisagés ici les processus induits par les mises en vente dans le parc social français, et les programmes d’aide à l’accession mis en œuvre depuis trois décennies par la Ville de Montréal. Vient ensuite l’analyse longitudinale d’une génération de ménages de la région parisienne, qui met en évidence le rôle joué par les histoires familiales et par les choix patrimoniaux opérés en fonction des origines sociales et géographiques, au cours d’une période globalement marquée par une forte diffusion de la propriété du logement à l’échelle nationale. Le dernier texte étudie les dispositions éthiques qui structurent les modèles consommatoires des ménages : il fait voir que ces systèmes de valeurs et d’attitudes discriminent beaucoup moins qu’on aurait pu l’imaginer les propriétaires et les locataires.
23Le troisième chapitre est consacré à deux processus souvent associés : les stratégies résidentielles adoptées par diverses fractions des nouvelles couches moyennes, et la transformation sociale des quartiers centraux anciens, souvent qualifiée de « gentrification ». Les rapports entre les mobilités individuelles, les manières d’habiter le quartier, les représentations et les usages de la ville, tissent la trame commune aux trois contributions présentées. Ces dernières diffèrent par les contextes locaux qu’elles étudient et par les types de populations qu’elles prennent en compte : étudiants décohabitants ; jeunes salariés du secteur tertiaire ; spectre plus large des diverses catégories d’habitants récemment installées dans un quartier du Vieux-Lyon en cours d’embourgeoisement.
24On lira ensuite trois études qui portent sur les processus consécutifs à la rupture d’une union conjugale : délocalisation, réaménagement des liens sociaux et des pratiques d’habitat, constitution d’une nouvelle famille, cheminements résidentiels... Les trajectoires familiales postérieures à la désunion représentent un bon analyseur des questions privilégiées par l’ensemble de l’ouvrage. On voit en effet se redéfinir, dans ces moments de transition biographique, tout à la fois les frontières de l’espace domestique, les ancrages territoriaux, et les articulations entre vie de couple, rôles parentaux et réseaux de sociabilité. Considéré du point de vue des enfants, l’exemple de la garde alternée est riche d’enseignements sur leurs manières de s’ajuster à la dissociation des normes éducatives parentales, et sur leur apprentissage précoce de la bi-localisation. Quant aux mobilités résidentielles qui s’enchaînent à partir de la séparation, elles apparaissent tributaires dans une large mesure de l’efficacité des réseaux d’information et de soutien, tout en exerçant en retour des effets très variables sur le devenir même de cette vie relationnelle.
25Le chapitre suivant comporte plusieurs regards complémentaires sur les formes prises par l’insertion socio-spatiale des populations d’origine étrangère. La question est envisagée aussi bien du point de vue des trajectoires résidentielles que sous l’angle des pratiques d’habitat et des modes de co-existence dans des contextes locaux déterminés. Par delà la diversité des approches, des terrains d’observation et des types de populations concernés, ces travaux illustrent, chacun à sa façon, la relativité et l’ambivalence des oppositions convenues entre la dispersion territoriale et le maintien des réseaux communautaires, entre la ségrégation et la mixité résidentielle, entre l’intégration au nouveau cadre de vie et la réinterprétation des pratiques héritées.
26Le chapitre terminal est formé d’un seul texte, qui représente beaucoup plus qu’une simple conclusion. Jean Remy met en résonance les interrogations, les approches et les résultats qui précèdent, en les systématisant dans une matrice conceptuelle qu’il construit au carrefour de plusieurs traditions sociologiques. Les notions cardinales de sociabilité, de milieu, de réseau, de trajectoire, se trouvent ainsi confrontées et inter-reliées au sein d’un cadre problématique qui dessine l’horizon des recherches à poursuivre et des régulations sociales à inventer.
Notes de bas de page
Auteur
Professeur de sociologie à l’université Lumière-Lyon 2. Il dirige le Groupe de recherche sur la socialisation, laboratoire associé au CNRS.
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Trajectoires familiales et espaces de vie en milieu urbain
Francine Dansereau et Yves Grafmeyer (dir.)
1998
Vigilance et transports
Aspects fondamentaux, dégradation et prévention
Michel Vallet et Salah Khardi (dir.)
1995