Chapitre 2. De l’adaptation à la modernisation
p. 147-160
Texte intégral
1Le logement est l’autre pôle, avec le travail, qui identifie l’immigré en le maintenant à distance. Il est aussi, dans sa « totalité », le produit qui voit se combiner les deux cultures : façonné à partir des normes françaises, il est « habité » en vertu de la culture algérienne. Le logement en tant que « contenant » reflète les contradictions inhérentes à la situation migratoire avec les jeux d’adaptations.
2Les différents types d’habitat – meublé, foyer, roulotte, etc. – n’imposent pas les mêmes agencements de l’espace et ne canalisent pas de la même manière les comportements. L’habitat pour « célibataires » impose, dans presque tous les cas, des relations avec des compatriotes et schématiquement l’on peut dire qu’il participe à la relative protection de l’immigré par rapport à la contamination culturelle. L’habitat pour les familles provoque d’autres conséquences. Il consacre les processus d’individualisation et atteste de la réalité d’une « unité » conjugale. Quels que soient les facteurs qui atténuent ce fait, présence d’ascendant ou d’autres familles du même lignage, le ménage est une donnée qui s’impose. Comme la norme qui veut qu’un logement soit attribué à un ménage, ce qui signifie la famille nucléaire avec les géniteurs et leur progéniture.
3Le logement dans les années 50 et 60 se distingue de ce qui est offert dans les années 70 et, outre les contextes et l’ancienneté dans l’immigration, conditionne selon les produits les modes d’habiter. Le logement H.L.M., avec les normes de sur-occupation et de sous-occupation au regard de la composition familiale, organise l’espace intérieur avec une distribution qui tient compte du nombre d’individus et de la division du temps en jour/nuit. De ce point de vue, le logement en cité, par exemple, offre une transition entre l’habitat du pays et le logement de la société d’accueil avec un espace réduit et nécessairement investi par le groupe.
4L’économie domestique dans ce dernier cas reste fortement groupale et si en cela est une transition, il y a bien une rupture avec l’univers de la famille étendue. Cette rupture instaure un face-à-face insolite : celui des époux. Les études sur l’immigration portent rarement sur cet aspect privilégiant les aspects extérieurs (sociaux et économiques) qui s’imposent à la famille. Pourtant, l’émigration occasionne une série de déconnexions qui conditionnent la structuration de l’économie domestique. Le face-à-face est insolite en ce qu’il est inattendu et non inscrit en tant que disposition. Le couple est au plus une incidence sociale, relégué (comme tout ce qui a trait au corps) aux ténèbres, c’est-à-dire à la nuit ou aux espaces en retrait (tout comme les échanges et les temps de complicité « canaille » entre gens de même classe d’âge par exemple sont en « lisière »).
5L’émigration a généré bien des changements d’attitudes et A. Sayad1 rapporte le propos d’un homme, père de deux émigrés, qui évoque la nécessité de « flatter » son fils. Traditionnellement, la soumission du fils au père exclut un tel propos. Le « face-à-face » est un changement d’une autre nature.
6Dans l’univers de la famille étendue, l’épouse est immergée dans le groupe féminin en participant à son organisation avec la répartition des tâches sous l’autorité de la mère de l’époux. Celui-ci appartient au groupe des hommes qui gèrent les rapports avec l’extérieur.
7La dyade n’est donnée que dans un tissu relationnel qui la contient et lui donne sens. Les tentatives de s’extraire du groupe familial sont parfois antérieures à l’émigration, pour de multiples raisons : individualisme économique et social ou mésententes chroniques au sein du groupe féminin par exemple. La fission met à distance la famille étendue, lorsqu’elle se produit dans le village, sans provoquer de changements radicaux. Cela crée bien une nouvelle unité économique et sociale, mais celle-ci reste contenue dans le même système de contraintes. L’environnement immédiat agit comme contrôle et l’homme reste le vecteur de la relation avec le groupe et, en tant que tel, investi de la fonction sociale par excellence.
8En situation migratoire, l’homme perd ses appuis extérieurs, quoique des aménagements se façonnent en fonction de la nature des regroupements. Il est plus présent dans l’espace intérieur, sans autre homme, désormais géré par la seule épouse. La femme voit son espace réduit au seul logement alors qu’au pays elle participait à l’économie et, à ce titre, avait accès aux champs pour certains travaux. Au pays, la participation de chacun à une économie de subsistance donnait à voir une complémentarité manifeste d’où se déduisait le rapport au temps (avec les rythmes agricoles).
9En France, avec une économie complexe, les connexions fonctionnelles avec l’extérieur, pour le travail comme pour la suite, pour les enfants avec la scolarité, jouent moins de cette complémentarité. Il y a comme une désarticulation entre intérieur (l’espace domestique) et extérieur. Le fractionnement du temps, avec les « postes » par exemple, rythme les tranches de présence dans l’appartement où la « permanence » est assurée par la « maîtresse » de maison.
10L’émergence du couple et l’instauration d’une relation plus visible ne signifie pas qu’à tout coup la logique domestique l’emporte sur la logique lignagère. Au-delà de ces changements « structurels »·, dont les effets sont difficiles à appréhender tant pour le pouvoir de décision et la prise en compte des intérêts d’abord de l’unité domestique ou la subordination de ceux-ci à la logique lignagère, que pour la gestion de l’autorité, le contact avec la société française s’accompagne de jeux d’adaptation.
11A. Michel2 s’est penché sur le sujet, notamment en ce qui concerne le changement familial chez les immigrés algériens. À partir d’une enquête auprès de 954 immigrés, réalisée en 1967-1968 (481 femmes, 473 hommes ; la plupart des hommes étant mariés aux femmes enquêtées), l’auteur conclut que « ce sont les groupes qui subissent le plus l’oppression familiale (jeunes, femmes) qui sont les plus enclins au changement ». Les résultats amènent à nuancer le propos car « l’absence d’alternative peut contribuer à maintenir dans le traditionalisme ceux qui répondaient aux caractéristiques prévues des novateurs ».
12Le heurt « frontal » dans le milieu professionnel favorise l’adoption par le migrant des valeurs liées à ce milieu (avec diverses aspirations : salaires « décents », formation, etc.). Même avec une moindre confrontation, les valeurs familiales font l’objet, sinon d’une reconsidération, du moins d’une attitude marquée par l’ambivalence.
13A. Michel s’intéresse à « la modernisation » de la famille algérienne en situation migratoire ; la « modernisation » renvoyant à l’emprunt de traits culturels sans valoir pour autant une « assimilation ». Par « modernisation », elle entend ce qui a permis (par le biais des valeurs et des comportements familiaux) l'affranchissement du jeune de la tutelle parentale, de « la femme de l’autorité du mari » et libéré le couple de « la soumission naïve aux lois naturelles de la reproduction ».
14Faisant le parallèle avec l’évolution, dans ce domaine, de la famille européenne, l’auteur suppose que si les Algériens perçoivent les comportements familiaux, tels que le choix du conjoint par les parents et non par l’intéressé ou la forte fécondité, comme contraignants, ils adopteront plus facilement « les valeurs et les comportements de la famille urbaine française où le choix du conjoint par l’intéressé et la limitation des naissances sont devenus la norme ». Les freins à cette évolution tiennent à la « situation de contact » entre les deux cultures caractérisée par l’ancienne situation coloniale et où des phénomènes de contre-acculturation se traduisent par un attachement spécifique de la majorité opprimée aux valeurs du passé. Ces freins devraient être moindres depuis l’Indépendance. Les jeunes qui doivent obéissance au chef de famille et les femmes qui sont sous tutelle – après celle du père, celle du mari – sont donc les plus réceptifs, a priori, aux valeurs et comportements de la famille occidentale. Encore faut-il que le contact soit possible, ce qui n’est pas toujours le cas des femmes immigrées souvent repliées sur leur milieu, avec des femmes de même nationalité.
15Au vu des résultats, les femmes apparaissent plus « modernistes » que les hommes dans le domaine du contrôle des naissances et pour la préférence du sexe de l’enfant. Position inversée lorsqu’il s’agit de se déterminer sur le nombre désiré d’enfants et de se situer par rapport à la grande famille. L’auteur met en avant, pour interpréter ce qu’il nomme « l’ambiguïté de l’attitude féminine sur ce plan », la soumission de la femme à l’égard de son mari et à sa famille avec une vocation de procréation, outre l’absence de sécurité pour leur vieillesse. Cela explique la nécessité d’un grand nombre d’enfants afin que l’un d’entre eux assure les vieux jours.
16Cependant, l’âge éclaire les attitudes : hommes et femmes de moins de 30 ans désirent moins d’enfants que les plus de 40 ans. D’ailleurs, c’est chez les femmes de moins de 30 ans que se trouve le plus grand nombre d’utilisatrices de méthodes contraceptives (35 %). Le contrôle des naissances est approuvé plus fréquemment chez les moins de 30 ans.
17Cet aspect plus « moderniste » chez les plus jeunes souffre d’un accroc avec le désir, pour les deux sexes, de plus de garçons que de filles. C’est la crainte de l’émancipation de la femme et son exposition en milieu urbain qui explique ce choix selon l’auteur, qui voit là le refus de cette perspective.
18Les femmes adoptent, par leur réponse, une attitude plus « traditionaliste » en ce qui concerne le choix du conjoint. Elles sont plus nombreuses à approuver le fait que le choix soit effectué par les parents. Ainsi, 47 % des femmes ayant moins de 30 ans approuvent cette pratique contre 24 % d’hommes de la même tranche d’âge. Celte position trouve peut-être une explication dans le fait que les femmes ont elles-mêmes plus vécu cette situation : 82 % des femmes n’ont pas choisi leur conjoint contre 57 % pour les hommes, au sein de l’immigration algérienne à Paris. L’imposition du cadre traditionnel chez la femme, avec une éducation plus prégnante, s’ajoute au manque de « cadres modernes de référence » pour rendre peu attrayante la liberté de choix.
19Quant à l’âge idéal pour le mariage du garçon, les femmes indiquent un âge plus élevé que chez les hommes. Ainsi, chez les moins de 30 ans, l’âge moyen préféré pour le mariage du fils est, pour les femmes, de 22 ans et 8 mois contre 22 ans et 3 mois chez les hommes. Il en va de même pour le mariage de la fille où les femmes indiquent un âge plus élevé que celui avancé par les hommes. Les femmes de moins de 30 ans donnent un âge de 19 ans et 1 mois, alors que pour les hommes l’âge est de 18 ans et 4 mois.
20Globalement, les jeunes (moins de 30 ans) des deux sexes désapprouvent plus souvent que les aînés le choix du conjoint par les parents ; ils donnent aussi un âge idéal au mariage du garçon plus élevé. On retrouve les mêmes différences entre les classes d’âge lorsqu’il s’agit de leurs propres fils et de l’âge idéal pour la fille, ce dernier étant plus élevé lorsqu’il est avancé par les jeunes.
21Ce clivage se reproduit pour la position dans le domaine des valeurs éducatives : les jeunes, plus souvent que les aînés, préfèrent « une attitude d’amour de la part de l’enfant, qui se conjuguerait avec le respect pour en modérer les effets ». La nécessité de l’obéissance est moins mise en relief, alors qu’on considère que les enfants doivent choisir leur avenir et leur conjoint.
22Sur d’autres points comme l’éducation du garçon, le choix d’une profession libérale pour la fille ou simplement le travail féminin après le mariage, les jeunes sont chaque fois plus « modernistes » que les plus âgés. Les jeunes paraissent plus enclins à « une amélioration du statut de la femme dans le mariage ». Leur attitude est aussi plus libérale pour ce qui concerne l’émancipation de l’enfant à l’égard des parents avec une éducation poussée. Plus généralement, sur l’attitude à l’égard du « modernisme » dans la relation parents-enfants, les femmes (toutes classes d’âge confondues) se montrent plus « traditionalistes », approuvant « le respect à l’égard des parents et l’aide de l’enfant à ses parents ». Les hommes insistent sur le statut d’autorité des parents et l’obéissance des enfants. Les moins de 30 ans ne privilégient pas les mêmes points selon le sexe et, pour résumer, les hommes mettent l’accent sur le statut social à acquérir (par le biais de la formation pour les enfants) alors que les femmes visent l’amélioration du statut familial pour la fille (avec l’élévation de l’âge au mariage).
23Sous l’angle théorique, ces phénomènes réfèrent à l’étude des processus d’acculturation qui se produisent lors de contacts entre deux cultures qui inter-agissent l’une sur l’autre. Selon Roger Bastide3, les principaux processus sont ceux « de conflits, d’ajustement et de syncrétisation, d’assimilation ou de contre-acculturation, qui peuvent être mis en rapport avec les processus sociologiques de compétition, d’adaptation et d’intégration... ». Le contact se reflète dans des emprunts ou dans une diffusion de traits culturels, mais l’intérêt porte sur les échanges « en train de se faire » et non sur le simple constat, ce qu’indique Fortes4 : « le contact culturel ne doit pas être regardé comme le transfert d’un élément d’une culture à une autre, mais comme un processus continu d’interactions entre groupes de cultures différentes ». C’est cet ensemble d’interactions réciproques avec leurs effets et dans leur déroulement qu’englobe le terme d’acculturation. Il est défini par Redfield, Union et Herskovits5 comme « l’ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d’individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l’un ou des autres groupes ».
24G. Balandier6 insiste sur la situation qui éclaire les changements socioculturels comme dans le cas d’une situation caractérisée par la domination et des rapports inégaux intervenant entre « coloniaux » et « colonisés ». Dans un tel contexte, la « culture » devient support à une tactique de dérobade ou d’opposition. Au-delà, la situation révèle un étal de crise de la société colonisée où « la recherche de ses normes modernes coïncide avec la recherche de son autonomie »7. La crise n’est pas limitée et rejaillit sur « la quasi-totalité de la société, les institutions comme les groupements et les symboles sociaux », avec des altérations ou disparitions de traits. Cela affecte les formes de la sociabilité et perturbe les « manières d’être lié ». La juxtaposition de structures résultant d’innovations sociales et d’institutions plus traditionnelles donne ce caractère « ambigu » qui reflète le mélange de traditionalisme et de modernisme.
25Dans la « situation » algérienne, l’exemple des tentatives d’émancipation des femmes, favorisées par les colons, montre combien certains traits peuvent devenir des symboles de résistance, comme le port du voile. Frantz Fanon note que « les phénomènes de résistance observés chez le colonisé doivent être rapportés à une attitude de contre-assimilation, de maintien d’une originalité culturelle, donc nationale »8. Les processus d’acculturation doivent être remis en perspective et, dans le cas de l’immigration algérienne, mis en relation avec des processus à l’œuvre depuis la colonisation. Le socle fut ébranlé mais la matrice restait la famille agnatique indivise assise sur la famille étendue avec le rôle prépondérant de l’homme et la subordination du mariage des enfants aux intérêts du groupe ou de la famille plus restreinte. Dans ce cadre, l’autonomie de l’enfant, et à plus forte raison une liberté de choix pour le mariage, ne peuvent guère se concevoir.
26L’approche, à partir des conditions d’émigration, a mis en relief la déstructuration économique et sociale de la société d’origine. L’étude de l’immigration éclaire le cadrage à partir de la société d’accueil mais aussi les processus d’acculturation au sein de la famille. Cette famille est la ponctuation, sinon l’aboutissement, de phénomènes d’ajustements, fruits de déconnexions. La dynamique qui résulte de ces déconnexions relatives par rapport à la société d’origine en général et à la famille étendue en particulier se poursuit avec l’instauration de la famille nucléaire.
I- Les enfants
27C’est dans le cadre de cette famille nucléaire, nouvellement « créée », que vont vivre et recevoir une éducation des enfants nés en France ou entrés en métropole en bas âge. Ce sont ces enfants qu’on désignera à partir des années 70 par l’expression « deuxième génération » avant de les appeler « beurs » (du mot « arabe » en « verlan »).
28L’expression « deuxième génération », floue dans sa définition, est l’objet de polémiques. Elle apparaît dans l’espace public à un moment où l’immigration est posée comme un enjeu de société. La position de ces enfants est en question : marquée socialement mais aussi caractérisée par des processus d’acculturation. Pour aborder celte problématique A. Sayad9 prend le parti de faire parler celle qu’il appelle « une émigrée au second degré » (émigrée d’une famille d’émigrés). Le propos ainsi recueilli donne à entendre la situation migratoire à partir de la cellule familiale et dévoile les relations dans l’espace domestique. L’« émigration » de Zahoua est la mise à distance par l’analyse et les tentatives de compréhension de la situation. Une mise en mots pour poser autant que penser une situation où se succèdent oppositions et désenchantements, conflits et démissions.
29Cette « compréhension totale » induit une « quasi-objectivation » de la situation que vit Zahoua, laquelle atteint à la maîtrise de la situation par le biais de cette « socio-analyse ». Le récit de la jeune fille pose autrement la question de l’immigration, notamment à partir de la cellule familiale. Il est donné à voir une configuration des rapports entre les membres de la famille et des relations avec l’extérieur. Les rapports, qui sont des rapports de forces entre les membres de la famille, organisent les rapports avec l’extérieur, autant que ceux-ci façonnent les rapports de l’intérieur.
30Le statut et la position dans la famille sont des facteurs qui déterminent la participation de chacun à un réaménagement de l’organisation des pouvoirs. Il ne s’agit pas de donner une « deuxième génération » ou « zéro » qui se distingue de la « première ». L’approche développée par A. Sayad met en relation les parents et les enfants dans un jeu relationnel ouvert, dans une dynamique qui transcende la « frontière » générationnelle. Au sein de la fratrie, comme du couple, les positions évoluent et les intérêts sont contradictoires. C’est dans un enchevêtrement de relations complexes, entre les membres de la famille, avec la « communauté », avec l’extérieur au sens large, avec l’Algérie, que se noue une négociation dont les termes ne sont pas posés mais où le père constitue un des « pôles ». C’est lui, en effet, qui incarne le « pôle de résistance » et auprès de qui il faut faire « passer » les changements. Même si, sur des aspects comme le mariage de ses filles aînées, la mère fait front, étant là l’alliée du père, elle bénéficie des aménagements, allant jusqu’à des alliances de fait avec les enfants (comme pour les « premières vacances »). Dans ce puzzle avec des ajustements et des réajustements qui se succèdent, le temps est un facteur d’importance. On le voit avec la position des aînés et des cadets ou l’influence et le poids de la communauté à différentes époques.
31L’hétérogénéité se retrouve au sein de la fratrie avec une ligne de démarcation que constitue l’âge d’arrivée en France et le rapport à la scolarité. Les premiers enfants, les aînés, ont reçu une prime éducation « indemne » de double référence (encore qu’il faudrait nuancer au vu de la situation coloniale, du « déracinement », etc.). En cela, ils sont pour partie des « émigrés comme les autres... ».
32La plus grande des sœurs, en troisième position, occupe une position intermédiaire, alors que les trois derniers enfants sont des « étrangers à leurs parents » et sont « les produits de France... ».
33La narratrice évoque une frontière qui recouvre « une fracture qui casse la famille en deux : il y a d’un côté les aînés, ils sont nés en Algérie ; de l’autre, il y a nous les jeunes, nés ici en France. Ça fait deux « générations » dans la même maison et entre les deux il y a ma sœur, c’est elle qui fait la transition ».
34L’« étrangeté » traverse les relations à l’intérieur de l’« univers » immigré, lequel se façonne au regard de ce qui se vit en France et lors des séjours en Algérie. Cet « univers » est fait de groupes et de décalages : les femmes se regroupent et parfois les filles tentent de se fondre dans le groupe féminin. Le décalage que traduisent les mots, les gestes, les attitudes, c’est-à-dire le jeu théâtral régissant les conversations, resitue cette tentative comme une greffe. Le substrat constitué par l’implicite qui autorise la complicité et les échanges à demi-mots n’est pas partagé. Le jeu des échanges est figé, en quelque sorte, réduit à l’explicite, au formalisé et à un système mécanique. À des décalages générationnels entre femmes en position de mères et des filles s’ajoutent ces malentendus linguistiques qui génèrent des dialogues de « sourds ». Le ton, comme le corps et donc toute la posture, est en inadéquation par rapport aux attentes du groupe ; d’où une stratégie d’évitement (« Je vais dans ma chambre, je fais autre chose. J’arrive pas à tenir un discours, à faire semblant10) » et une mise à distance par l’« étiquette » que les femmes accolent à la fille (« aggouna, l’idiote, la naïve, la niaise11). » L’évitement est une parade face à des risques mal mesurés (« Plutôt que d’avoir envie de rire ou de faire de grosses gaffes, je fous le camp12). » Les échanges, plus globalement, sont frappés d’ambivalence avec une lecture « suspendue », en interrogation, comme c’est le cas pour les rapports qui s’instaurent avec un enfant lors d’une visite où il accompagne ses parents ou lors d’un repas. Dans le premier cas, l’enfant est un support tiers qui reflète la relation entre hôtes et convives. Traditionnellement, l’enfant fait l’objet d’attentions exprimant ce que l’on ne peut dire directement et explicitement à ses parents, alors que Zahoua intervient pour réprimander l’enfant lorsqu’il commet quelque bêtise se référant à une logique autre. Il en va de même avec un décalage pour les préludes au repas à proprement parler. En milieu arabe, il convient d’insister auprès de son invité pour qu’il mange, signe de courtoisie pour accompagner un moment délicat qui devient aux yeux de la jeune fille un quasi-maniérisme qu’elle écarte à partir d’une logique qui renvoie à d’autres références (« Si elles veulent manger, qu’elles mangent ; si elles veulent pas, qu’elles mangent pas. Personne n’ira les supplier et pourtant c’est ce qu’il faut faire »13). Par ces décalages qui portent sur la mise en scène comme sur les échanges, la « pièce » est faussée comme les acteurs sont déstabilisés.
35Décalages et mises à l’« écart » sont perceptibles dans les rapports qui s’instaurent entre enfants d’immigrés et « nationaux » lors de séjours en Algérie. La proximité supposée entre immigrés et Algériens agit au contraire comme une exacerbation. Le « retour » révèle et amplifie les différences : les rapports avec les proches dans le village, avec les étudiants lors de circuits organisés avec le « volontariat » ou avec les filles de là-bas accentuent l’« étrangeté » de ceux qui ne sont plus du pays. À l’extrême on les nomme en formulant préalablement une expression de civilité pour ne pas outrer son interlocuteur : « Hacha man yasmà », littéralement « Que soient préservés ceux qui entendent » ou encore « Sauf le respect dû à ceux qui entendent ». Il s’agit d’une « formule de civilité et d’euphémisation qui accompagne, en guise d’excuse, ce qui, considéré comme vulgaire, grossier, obscène, ne peut être nommé autrement ; par cela même, elle est la marque du respect qu’on a pour son interlocuteur et, de manière générale, pour tous les auditeurs (réels ou potentiels). Dans le cas d’espèce, elle signifie qu’on tient l’émigré et la condition d’émigré dont on parle pour une indécence et qu’à ce titre il faut se faire pardonner l’offense que constitue le seul fait de les évoquer ».
36L’« étrangeté » se combine avec un jeu de dévalorisation, de revalorisation et de fantasmes pour « miner » le jeu relationnel avec, par exemple, les rapports de séduction où la fille immigrée est supposée « facile ». L’émigration est déconsidérée (du moins dans les propos) et l’Algérie change. Même dans le pays, les choses ne sont pas figées et les mœurs se modifient, ce qui complique l’appréciation des parents pour mesurer les aménagements opérés en France (« En France, bon, c’est le pays des Français ; c’est pas notre pays, c’est comme ça qu’on se console - mais même en Algérie - c’est ça qui complique encore la situation, ça ajoute à tout, c’est à n’y rien comprendre, ça embrouille encore plus... »14.
37L’émigration, d’ailleurs, est perçue par les émigrés eux-mêmes comme une impasse ; le père parle d’« une vie sans sens... », « une vie que Dieu a désertée », « une vie maudite », disant « je déteste mon existence... »15.
38Les enfants incarnent celte impasse, heurtant le sens de l’émigration en n’étant pas un « prolongement », une « suite » des parents. Au contraire, les enfants sont le reflet de « toutes leurs contradictions » ayant une fonction de « mauvaise conscience » et poussant les parents « dans leurs derniers retranchements16 » Pourtant, ce n’est pas faute de projets de retour et d’efforts qui furent autant de désillusions avec les garçons (et autour de la construction d’une maison).
39La question-clé, si l’on peut dire, tient à la communication et à la reconnaissance. La narratrice la pose dans le sens des parents vers les enfants : « C’est pas drôle d’avoir des enfants et de ne pas communiquer avec eux ! Parce que c’est ça. Ils se reconnaissent pas en nous... Mon père... il dit de nous : « “Vous, on sait pas ce que vous êtes !... D’où vous venez, d’où vous nous venez ?... D’ici (de France) ou de là-bas (d’Algérie) ?”... ».
40On pourrait tout aussi bien inverser la question de la reconnaissance et voir dans quelle mesure les enfants acceptent, en tant que tels, leurs parents (« De vrais enfants !... » dit Zahoua pour expliquer l’attitude de ses parents face à « des choses qui les dépassent... alors là ils savent plus où donner de la tête ; ils ont peur de tout...17)· » Les enfants deviennent, à force de ne pas continuer les parents, objets d’interrogation, laquelle va jusqu’à évoquer le lien et la légitimité telle qu’elle est contenue dans l’expression « Aw-lad lahram » « Littéralement et au sens fort de l’expression : « enfants du péché » et, en cela « enfants illégitimes » (autrement qu’au sens de la distinction juridique entre enfants « légitimes » et enfants « naturels ») mais, plus banalement, voyous, vauriens ou bons à rien »18. « Enfants illégitimes » qui sont pour les parents des « étrangers de leur sang... ».
41Pourtant, la famille garde une fonction majeure et c’est dans cet espace que s’exerce la plus forte pression pour contenir la conduite des enfants. L’exemple est donné pour la sœur aînée qui a subi l’autorité des deux frères aînés (« des deuxièmes pères ou plus que ça, des tyrans »). Mariés et installés, les deux aînés restent, lors de passage au sein de la famille, distants alors que le troisième et le plus jeune des frères n’assume pas la fonction d’autorité qui lui est dévolue, en étant nettement plus familier avec ses sœurs. « Il est de notre côté, celui-là ; il a beaucoup joué avec nous quand on était petites, donc on l’a jamais vraiment considéré comme quelqu’un comme les autres », dit Zahoua avant d’évoquer le dépit de sa mère face à une telle situation.
42L’extérieur aussi participe du contrôle des conduites ; on le voit avec l’épisode de l’incident à proximité de la gare (où Zahoua est agressée par des inconnus) où la tentative de dramatisation, supposée être l’œuvre du beau-frère, est conçue pour obliger la famille à limiter les sorties de la fille. La tentative avorte et débouche sur l’affirmation de la solidarité familiale. Au contraire, l’incident fut « exploité » pour prendre une chambre hors de la demeure familiale. Ce sens tactique est une nécessité et trouve à s’employer en d’autres occasions (« Une fois que tu as compris ça..., lu as compris leurs contradictions, tu peux jouer avec comme tu veux ; tu peux tout faire, tout ce que tu veux. Tu les roules comme tu veux..., tu peux t’arranger la situation à ta guise »19). L’extérieur c’est aussi la communauté, dont la configuration et l’influence varient selon le temps. La proximité des familles fait que « rien n’échappe » mais la situation n’est pas comparable avec celle de 1954 où la communauté avait plutôt une fonction défensive à l’égard d’un extérieur, en fait la société française, perçu comme hostile. Mais la communauté, c’est aussi un espace social de revalorisation, un espace qui permet une publicité (la parole publique). Ainsi, le père fera-t-il savoir que sa fille apprend l’arabe.
43La différenciation entre les enfants, les aînés, les plus jeunes et la sœur aînée recouvre les différences dans les modes d’être comme dans les mariages. Il y a « les enfants de bien » qui économisent et vivent chichement ; ce sont des « enfants arabes » comme les fils aînés, même s’ils ont quitté la demeure familiale, rompant l’indivision. Le plus jeune frère appartient à la « génération de maintenant... Ils ont juré de ne pas travailler pour les parents, de ne rien rendre aux parents ». D’ailleurs, il a quitté la maison. Les deux aînés ont été mariés par le père. Pour le premier, le mariage à l’âge de 18 ans environ devait l’assagir, aux yeux du père, qui a été chercher au pays la fille d’un de ses vieux amis. Un mariage qui fut célébré au pays avant que le nouveau couple vienne s’installer en France pour une courte durée et avant de repartir en Algérie pour une tentative de « retour » qui tourna court. Pour le second, le père avait fait venir d’Algérie une fille « sur mesure » qui a été « élevée dans [la] famille spécialement pour ça »20. C’est le père qui les maria en guise de célébration.
44Quant au troisième des garçons, à 25 ans il est encore célibataire, contrairement à ce qu’avaient connu ses aînés. « A lui, personne n’ose lui parler de ça... On parle quand même de mariage, mais derrière son dos » dit sa sœur avant de rapporter une des questions des parents : « Va-t-il leur amener une Française ou pas ? ».
45La sœur aînée aussi a été mariée vers les quinze ans par les parents. « Elle est donnée » à un homme qui, sans être de la famille, est présenté comme tel. Il habite à proximité et a été pratiquement intégré dans la famille comme « un peu le fils de la maison ». Après le mariage, le couple s’installera d’ailleurs, un temps, dans le logement familial. Ce dernier mariage est considéré comme un gâchis et « ressenti très, très mal » par la sœur aînée.
46La sœur aînée était « coincée entre les frères aînés », alors que la narratrice n’acceptera pas une telle imposition (« Si jamais je sentais ça, je m’en irais... »21). Elle explique cette différence par ce que sa sœur a subi (« Tout ça, on le doit à ma sœur »22).
47La relation au père est donnée comme un axe central par où tout passe. Ainsi, les aînés sont présentés comme proches du père, partageant conceptions (économie...), conditions de vie (ouvriers) et pratiques linguistiques (usage de l’arabe). De « l’autre côté de la frontière », il y a les trois derniers en quasi-révolte avec qui « y’a rien qui va ».
48L’autorité est battue en brèche et les relais de l’autorité n’assurent plus leur fonction comme c’est le cas du dernier fils dont le père « n’a pas fait de lui un homme... il lui a pas donné une éducation virile »23. D’ailleurs, le père lui-même relâche son attitude et la plus jeune des filles va jusqu’à « beaucoup plus blaguer à la maison quand il est là ; et même avec lui »24.
49À travers le récit apparaît une modification du statut des filles, dont la scolarité est perçue comme un danger par rapport au mariage qui, initialement, est le seul terme possible (une mère disant « Moi, je lui fais venir sa femme du bled parce que je veux pas du tout qu’il se marie avec une fille qui a été scolarisée, qui a été élevée ici en France »25). Les filles comme les femmes ont une existence en retrait, ne trouvant pas place dans une conversation entre hommes (d’où la surprise de Zahoua devant le fait que le père ait parlé de ses filles à son interlocuteur, A. Sayad : « Ou alors, il a une confiance terrible... Ou alors... pour lui tu n’est pas un homme (rires) »26.
50Les changements survenus au sein de la famille, avec notamment le travail féminin et le départ des garçons rejaillissent dans le statut des filles. « Nous sommes devenues “celles qu’on trouve” et non plus, comme avant, seulement “celles qui sortent” (i.e. qui, en se mariant, quittent la maison) ; nous rapportons (littéralement, nous faisons entrer)... ». D’ailleurs, les mères échangent à ce propos : « En ces temps qui nous restent, la fin du monde, compte sur une fille plus que sur un garçon... Même si elle ne peut pas grand-chose pour toi, tu la trouveras au moins pour te pleurer, pour pleurer avec toi ».
II - La révolution de palais : famille et processus d’acculturation
51Le récit de Zahoua est éclairant et reflète ce qui parcourt avec une amplitude variable l’espace familial en situation migratoire et qui se retrouve au sein des sept familles du Marais. La « distance » et ses effets d’objectivation partielle, par rapport à la « culture » arabe et non par rapport à la culture française, l’effritement sinon l’effondrement des repères avec les retombées sur l’organisation familiale et la place des parents, des aînés, des cadets, donnent à voir une dynamique de destructuration. Dès lors la question se pose de savoir comment se réagence cet espace ou plus exactement, qu’est-ce qui préside aux réaménagements de rôles et de statuts et qui refaçonne quasiment en continu les rapports de forces.
52Dés l’implantation trois émergences vont se combiner et spécifient l’économie domestique en situation migratoire.
53Le couple, en tant que dyade, apparaît plus ou moins manifestement avec les primo-migrants ; il devient l’enjeu premier dans la relation entre générations pour la détermination des stratégies matrimoniales.
54L’individu, en tant qu’inscription singulière avec des trajectoires différenciées, advient progressivement et difficilement par delà les conflits que le « fait » individuel génère.
55La famille en tant qu’espace relativement délimité, se « fonde » autant par des déconnexions qui la produisent et la structurent que par une fonction d’expression plus ou moins condensée des contradictions liées à la situation migratoire. La configuration familiale, avec les jeux de relations, varie dans le temps avec la combinaison de deux facteurs : la durée de l’immigration et l’âge des enfants. Par durée il faut entendre autant les années d’immigration que la persistance et le poids du projet de retour. Cette projection est structurante et pointe le rôle déterminant du couple en tant qu’unité socioaffective. Car si les deux époux restent pleinement “alliés” au fil des années ils conserveront l’essentiel du pouvoir d’orientation.
56L’« adaptation » à l’arrivée et durant les premières années est révélatrice des attentes des conjoints : soit l’expansion par la préservation, soit l’expansion par le réaménagement.
57Dans le premier cas les époux innovent sans jamais transgresser le cadre que constitue la division intérieur-extérieur et forgent le couple en guise d’opérateur économique. Il s’agit de réaliser et, pour ce faire, de se répartir les rôles pour accroître l’avoir de la famille qui se constitue. Celle-ci est singulière, mais de par l’histoire comme de par la posture, les époux la relient à l’histoire antérieure, c’est-à-dire à la famille étendue et à la communauté villageoise.
58Dans le second cas la prégnance des interdits comme de la division intérieur-extérieur sont moindres. Cela n’est nullement explicite, mais il s’agit de se réaliser autant que de réaliser. L’entente ne peut plus se limiter à une complémentarité de rôles, l’« alliance » est mise à l’épreuve implicitement.
59Dans le premier cas la gestion du pouvoir implique toujours fortement le père, avec un jeu d’appuis qui s’étoffe avec la croissance de la famille. La mère étaye l’autorité paternelle par une fonction de traductrice (mise en mots de l’implicite, mise en avant des attentes du père) alors que les aînés contiennent les cadets. La moindre réticence de ces relais se ressent dans l’économie domestique. L’écart que commet un aîné dans la « transmission » sera amplifiée par le cadet, il en va de même pour la relation mère-enfant. Néamoins les balises que constituent ces relais de l’autorité interdisent une dérive excessive. Cela n’exclut pas les conflits. Ceux-ci apparaissent voire se multiplient avec l’arrivée des enfants à l’adolescence et portent sur la conduite de chacun. Les parents font face, éventuellement avec l’aide des aînés qui parachèvent ainsi leur positionnement, exprimant par là une proximité culturelle avec les parents, et consacrent aussi la distance culturelle avec leurs cadets. C’est bien le couple qui est le pôle de pouvoir prépondérant (même si c’est le seul père qui est mis en avant) à partir duquel peut s’organiser la confrontation. Il y a un cadre qui autorise la gestion et la sortie de crise.
60Dans le second cas, c’est de l’axe mère-enfants que résulte la mise à l’écart plus ou moins progressive, plus ou moins complète, du père. Il devient plus difficile de repérer un pôle de pouvoir, tant celui-ci paraît dilué. Ce sont essentiellement les oppositions qui s’expriment sans qu’il y ait un véritable cadre qui autorise une confrontation et un dépassement. La violence de la crise peut provoquer un resserrement conjoncturel entre époux qui ne résout pas pour autant les conflits. Cela génère une nouvelle configuration où les parents font face mais en position défensive et par là limitent les ruptures.
61Alors que dans le premier cas un compromis ponctue la fin du conflit et facilite la gestion des périodes suivantes (avec d’autres crises d’adolescence, mais souvent avec un des enfants en position de médiation), dans le second cas la crise perdure et devient un élément permanent.
62Bien d’autres facteurs interviennent tels que l’intérêt pour la scolarité (et la concordance des intérêts économiques et symboliques), les rapports au sein de la fratrie, etc. Mais on peut repérer schématiquement ce qui structure l’espace domestique en termes de gestion de l’autorité en distinguant deux périodes.
63La première couvre une phase d’adaptation. Au sein du couple, l’épouse à tous égards améliore son sort ; l’époux maintient son autorité. L’âge des époux influe sur l’ampleur des aménagements. Parmi les plus jeunes la revalorisation du rôle de l’épouse ira jusqu’à la limite de la remise en cause de la division intérieur-extérieur.
64La seconde englobe les remises en causes suscitées par les enfants avec des conséquences en termes de destructuration chez les plus ·· novateurs ··.
65De fait groupal, le mariage devient un fait individuel, et les stratégies reflètent ce changement et la modification du lien à la communauté et notamment à la communauté d’origine. Le chapitre suivant aborde la question du mariage dans un village algérien qui compte bon nombre d’émigrés, dont une partie réside au Marais. L’analyse des pratiques matrimoniales dans ce cas éclaire, à partir des adaptations dans la société algérienne d’aujourd’hui, les aménagements du lien et les relations entre famille et communauté au pays et contribue à appréhender sous un autre angle (celui d’un relâchement) le lien des émigrés à la communauté.
Notes de bas de page
1 A. Sayad (1977).
2 A. Michel (1973).
3 R. Bastide (1990).
4 Cité dans R. Bastide (1990).
5 R. Redfield, R. Linton, M.J. Herskovits, « Memorandum on the study of acculturation » ; in Amer. Anthrop., no 38, 1936, cité dans R. Bastide (1990).
6 G. Balandier (1982), p. 22-28.
7 Ibid., p. 27.
8 F. Fanon, L'an V de la Révolution algérienne, Paris, Maspero, 1962, p. 29, cité dans A. Michel (1973)·
9 A. Sayad (1991).
10 A. Sayad (1991), p. 199.
11 Aggouna se dit aussi d’une bègue.
12 A. Sayad (1991), p. 200.
13 Ibid., p. 193, note.
14 A. Sayad (1991), p. 213.
15 Ibid., p. 214.
16 Ibid., p 215.
17 A. Sayad (1991), p. 215.
18 A. Sayad (1991), p. 232, note.
19 A. Sayad (1991), p. 219.
20 Ibid., p. 229.
21 A. Sayad (1991), p. 225.
22 Ibid.
23 Ibid., p. 234.
24 Ibid., p. 237.
25 A. Sayad (1991), p. 202.
26 Ibid., p. 217.
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