Discours sur l’illettrisme et cultures écrites
Remarques sociologiques sur un problème social
p. 59-75
Texte intégral
1. LA CONSTRUCTION SOCIALE DE L’ILLETTRISME
1Nous aimerions tout d’abord commencer en pointant un danger scientifique inhérent à l’organisation d’un colloque sur l’illettrisme. Le risque réside dans le fait qu’une telle réunion peut produire, dans la tête des gens qui y assistent, une réification de la réalité sociale. Le fait même que l’on se réunisse pour parler d’illettrisme peut conduire à produire un “effet de réel” et à laisser penser que l’illettrisme existe en soi comme un objet naturel qu’il suffirait de bien définir, de bien mesurer et enfin de “combattre”. Erving Goffman disait que les conférenciers, ces “fonctionnaires du pouvoir cognitif’, et leurs auditoires sont dans une situation sociale telle qu’il est sous-entendu, présupposé qu’il existe dans la réalité un phénomène social digne d’être traité, que ce phénomène existe vraiment puisque il fait l’objet d’une conférence, etc.1. Or, l’intitulé de la première séance : “Construction sociale de l’illettrisme”, est là pour insister sur le fait que les discours sur l’illettrisme, les nôtres y compris, contribuent, qu’on le veuille ou non, qu’on en soit conscient ou non, à constituer socialement le problème même qu’ils entendent traiter.
2L’autorité des discours (l’auctoritas), d’autant plus grande qu’il s’agit des discours les plus officiels, voue à l’existence, mais parfois aussi à l’inexistence, des phénomènes sociaux. La reconnaissance officielle (politique, administrative, scientifique...) d’un problème social tel que l’illettrisme ne doit pas être pensée comme un simple éclairage d’une réalité objective qui aurait existé jusque-là dans l’obscurité. Les discours sur l’illettrisme en disent toujours plus que la simple “découverte” ou “reconnaissance” d’une réalité sociale. Ils parlent du rapport au monde social de ceux qui les énoncent, et, plus généralement, des rapports de pouvoir contemporains. La sociologie ne doit donc pas être victime du réalisme des discours.
3On sait que, pendant longtemps, l’illettrisme n’avait pas d’existence sociale parce qu’il n’avait pas la reconnaissance officielle acquise aujourd’hui2. Il s’agissait d’un thème, d’une problématique qu’essayaient de poser et d’imposer des associations comme ATD-Quart-Monde. Or, comme l’a montré Rémi Lenoir3, un fait social ne devient vraiment “problème social” que s’il passe par la phase finale de consécration, officialisation, reconnaissance par l’Etat : en le désignant comme une question importante4, l’Etat fait entrer un fait social, l’illettrisme, existant jusque-là dans la réalité privée, ou dans la réalité publique mais non officialisée de certaines associations, dans un autre monde, celui des règlementations, des financements, des programmes sociaux, des équipements sociaux, etc. Jusqu’à la fin des années 70, les instances officielles nationales ou internationales considèrent que l’analphabétisme n’est plus un problème des pays développés. En 1978, l’UNESCO considère que l’analphabétisme est marginal en Europe. En 1979, la France répond à un questionnaire de la CEE qu’il n’y a pas d’analphabétisme en France. C’est au début des années 1980 que les discours officiels changent avec le Rapport sur la lutte contre l’analphabétisme, (Parlement européen, avril 1982), de P. J. Viehoff qui estime de 4 à 6 % la population européenne analphabète.
4Il ne faudrait pas, maintenant que le “phénomène” est “reconnu”, faire comme si on avait affaire à une simple mise en visibilité d’une réalité qui aurait vécue jusque là “cachée” : il ne s’agit pas d’un simple dévoilement de ce qui aurait existé jusqu’alors sans se dire.
2. COMPTER ET DÉFINIR LES ILLETTRÉS : RÉALISME ET SCIENTISME
5La littérature sur l’illettrisme fait un usage des chiffres tout à fait réaliste. En effet, selon les “définitions” et les finalités du propos, les illettrés se comptent par centaines de milliers ou par millions. Les chiffres ont donc essentiellement une fonction réaliste, ils sont là pour dire : “malgré la disparité des définitions, des mesures et des résultats des mesures, il y a suffisamment de données convergentes pour pouvoir affirmer qu’il y des illettrés”. L’aspect positiviste-empiriste du comptage des illettrés dans les discours participe de la réification de la réalité sociale : les illettrés existent, il faut les compter.
“Le taux des analphabètes complets est certainement faible ; en revanche, on peut affirmer que le nombre des personnes qui ne maîtrisent pas la lecture ou l’écriture ou sont gravement gênées pour utiliser celles-ci doit se compter par millions plutôt que par centaines de mille5”.
“Certes les définitions de l’illettrisme sont différentes, les estimations statistiques correspondent à des données variables, mais il existe une unanimité pour reconnaître l’accroissement rapide de l’illettrisme dans tous les pays développés6”.
“Les chiffres qui circulent en France sur l’ampleur du phénomène varient entre cent mille et dix millions d’illettrés7”.
“Si l’analphabétisme régresse fortement dans tous les pays développés et dans certains pays en voie de développement, l’illettrisme progresse rapidement dans tous les pays industrialisés. (...) Tout d’abord, compte tenu du nombre global de personnes illettrées en France (les estimations vont de 5 à 7 millions) (...)8”.
“Dans telle Mission locale de l’agglomération parisienne, il est fait état de l’illettrisme de 30 % des jeunes entre 16 et 25 ans ; dans un quartier de l’Est lyonnais 54 % d’entre eux sont sans qualification. Un sondage fait à l’occasion de ce rapport auprès de quelques responsables de foyers de jeunes travailleurs donne des taux qui peuvent atteindre 30 à 50 % des résidents, inaptes à lire ou à remplir différents formulaires, taux qui monterait à 80 % parmi les jeunes en stage d’insertion9”.
“L’illettrisme caractérise la situation de ceux qui, ayant appris à lire et à écrire, en ont perdu la pratique au point de ne plus pouvoir comprendre un texte simple et bref concernant des faits en rapport avec leur vie professionnelle et quotidienne, selon la définition de l’UNESCO10”.
“Les analphabètes fonctionnels, ce sont tous les adultes qui, bien qu’ayant été scolarisés, ne savent pas suffisamment lire ou écrire pour faire face aux exigences de la vie quotidienne ou du travail. Ils sont incapables de rédiger une demande d’emploi, de remplir un chèque, d’écrire une lettre, de comprendre le titre d’un journal, de déchiffrer l’étiquette d’un flacon pharmaceutique11”.
6Le sociologue n’a pas à trancher, par une fausse rigueur qui n’est qu’un acte d’autorité déguisé, dans la profusion et le flou des chiffres et des “définitions” sur l’illettrisme. Derrière la fausse rigueur de l’expert qui prétend dire le vrai sur la question, on trouve à l’œuvre toute une conception implicite ou explicite de ce qu’est le langage, le sens, toute une conception du rapport que le sociologue entretient avec le langage. En effet, lorsqu’on recense les définitions de l’illettrisme, on constate qu’elles ne cessent de varier. Or, il y a toujours un “sociologue” pour trancher et dire la “véritable définition de ce qu’est l’illettrisme”. Il intervient, dès lors, comme un expert capable de mettre de la rigueur dans du flou, de “bien” définir ce qui est “mal” défini, d’avoir le dernier mot, scientifique donc définitif, sur ce qu’il faut entendre par illettrisme. En faisant cela, le sociologue entre dans la compétition sémantique et donc sociale (même si c’est en prétendant rester en dehors ou avoir le dernier mot) et perd l’essentiel de ce qui devrait constituer son véritable objet, à savoir cette compétition sémantique et sociale elle-même, les différentes utilisations du terme par des personnes produisant des discours dans des contextes et à partir de lieux institutionnels divers.
3. L’EXEMPLE D’UNE SUPER-VISION SCOLAIRE
7Ne pas se laisser dominer par la tendance à naturaliser des problèmes sociaux, c’est aussi se pencher sur les effets d’officialisation d’un problème social par les services statistiques de l’INSEE. Or, récemment, a été publié dans les Données sociales 1990 un article intitulé L’illettrisme12.
8Pour résumer les caractéristiques de cet article, on peut dire qu’il se présente (le terme illettrisme sans guillemets) avec un petit résumé annonçant clairement son style : des pourcentages sont donnés sur les “personnes valides de plus de 18 ans vivant en France métropolitaine” qui présentent des “incapacités à parler, lire, écrire et bien comprendre le français”. La “notion d’illettrisme” est posée naturellement, sans problématisation, comme recouvrant aujourd’hui “les diverses incapacités liées aux difficultés de compréhension et d’utilisation du langage parlé et écrit” (p. 355). Rien n’indique l’idée d’une construction sociale du problème social appelé illettrisme et tout est fait (l’absence de guillemets, les résultats chiffrés, la définition apparemment simple et clair, l’absence de réflexion critique sur la “notion”, ou sur la genèse d’un problème social) de manière à présenter l’illettrisme de manière positiviste et réaliste.
9Dans l’ensemble de l’article on parle d’“incapacité” (à parler, lire, écrire et comprendre le français), de “lacunes graves pour écrire en français” (p. 356), on légitime la conception de l’illettrisme comme “handicap” (l’étude s’inspire, dit l’auteur, “de travaux réalisés sur les handicaps de santé”, “l’illettrisme provoque chez les personnes qui en sont atteintes, de graves difficultés dans leur vie quotidienne” p. 355). Plus largement, on relie l’illettrisme avec une série de “handicaps” (handicap culturel, handicap familial, handicap financier, handicap scolaire, handicap de santé) et l’on parle de l’absence d’”autonomie” des illettrés (cf. Figure 1 – “d1. Absence de réaction (orale ou écrite) autonome face à un problème administratif éventuel”, p. 356). Derrière un apparent bon sens, l’auteur (et les réalisateurs des enquêtes sur lesquelles il s’appuie13), évite de poser les questions : “Qu’est-ce que « savoir lire » ?”, “Qu’est-ce que « parler mal le français » ?”, “Qu’est-ce qu’une « mauvaise maîtrise de la langue » ?”, c’est-à-dire comment, à partir de quelles normes ou de quels critères peut-on juger et mesurer le savoir lire et écrire, la bonne maîtrise de la langue, etc. ? En fait, on ne maîtrise pas “la langue” en général mais des genres discursifs, ou des schémas d’interaction verbale particuliers14, et l’enquête par questionnaire qui ne retient que des catégories telles que bon/mauvais, bien/mal, capacité/incapacité reproduit, sans sourciller, des catégories sociales de jugements, qui sont en fait des catégories scolaires de jugements.
10L’article fait comme si la “définition” du terme d’illettrisme ne posait pas de problème15, opère une justification de l’emploi des termes de “handicap”, d’”incapacité”16 et constitue une parfaite lecture scolaire de la réalité sociale contemporaine. Voilà en fait ce que nous livre l’INSEE : la vision que pourrait avoir un super-instituteur qui regarderait notre formation sociale de haut et qui pourrait noter, évaluer non pas une classe mais un échantillon représentatif de la population française17. Les catégories qui sont utilisées ne sont pas absurdes en soi, et les résultats qui sont donnés ne sont pas faux en soi, mais ils sont à lire en sachant qu’il s’agit d’une vision scolaire des faits sociaux. Ils ne sont pas à lire au premier degré mais au second degré, c’est-à-dire en gardant à la conscience ces choses-là. L’article, qu’il faut penser comme un pas de plus dans la reconnaissance officielle de l’illettrisme, livre, sans le dire, une vision scolaire de l’espace social. Il mesure bien quelque chose mais il ne dit pas, et c’est ce qui est très contestable scientifiquement, ce qu’il mesure, à partir de quelles catégories de perception il mesure. Il prétend mesurer plus ou moins fidèlement une “réalité sociale”, et en fait il ne fait que développer fidèlement un point de vue particulier – scolaire – sur le monde social.
4. LE PIÈGE DES DISCOURS SUR L’ILLETTRISME : SOUS LA GÉNÉROSITÉ, LE STIGMATE
11Plus généralement, bon nombre des discours politiques, “sociaux”, sur l’illettrisme produisent, à travers la dénonciation des inégalités et à travers le thème de la “lutte contre les inégalités”, un ensemble de stigmates. Discours qui dévoilent plus une morale de dominant que ce que sont les illettrés. Dans le modèle de discours lyrique, généreux, indigné, discours d’effusion et égalitariste (paradigme discursif égalitariste-lyrique), il y a un vrai piège de discours, au sens où l’entend Louis Marin (“procédés rhétoriques, opérations argumentatives, tactiques dialogiques visant à persuader l’autre, à manipuler l’auditeur, à le réduire au silence ou à le faire croire18 ”), puisque le stigmate passe en même temps que l’indignation, ou mieux, l᾿indignation fait passer le stigmate.
12De même que dans les discours sur l’“insertion sociale”19, on repère dans les discours sur l’illettrisme une insistance sur l’”autonomie”, l’”indépendance”, la “maîtrise de son existence”, la “responsabilité”, la “citoyenneté”. Voilà les signes d’une bonne insertion, voilà les critères à partir desquels sont jugés les illettrés. Comme dans le rapport B. Schwarz20, l’ensemble des discours sur l’illettrisme insiste sur le fait que la lutte contre l’illettrisme est une exigence démocratique : une démocratie se doit de changer une telle situation, de lutter contre les inégalités ou les exclusions en matière de lire-écrire. On commence donc par produire une situation discursive dans laquelle peut apparaître un scandale : l’illettrisme.
“Personnellement, je refuse d’imaginer qu’à l’aube de l’an 2000, des hommes et des femmes aient des savoirs si faibles qu’ils éprouvent des difficultés à lire, écrire, compter. (...) venir à bout du fléau de l’illettrisme, fléau inacceptable pour une société démocratique digne de ce nom21”.
“Une fracture du corps social se constitue actuellement autour de ces savoirs élémentaires, fracture qui rend de plus en plus difficile l’exercice par tous des droits civiques, la participation au développemement économique et social, la liberté de circulation et d’opinion, le développement culturel22”.
“Agir maintenant : parce qu’il n’est pas acceptable que tant de Français soient exclus du plein exercice de la démocratie et parce que la société ne saurait continuer de se priver de la contribution que ces concitoyens pourraient aussi lui apporter23”.
“Bref, incapables de mener une vie satisfaisante et productive au regard des exigences des sociétés industrielles contemporaines, les illettrés courent le risque de ne pas pouvoir participer pleinement à la vie de la société : “L’homme qui ne sait ni lire ni écrire est en dehors de la politique” avait déjà proclamé Lénine24”.
13En fait, en énonçant les exigences (présentées comme normales) d’autonomie, de citoyenneté, de responsabilité, d’indépendance, de maîtrise de son corps, de son environnement, de son destin professionnel, etc., les discours sur l’illettrisme énoncent une morale de dominant. L’apparente générosité du discours indigné (faire accéder tout le monde au lire-écrire) est la manière rhétorique, constitue le piège discursif le plus efficace pour produire des stigmates. En dénonçant des inégalités, le discours stigmatise ; en présentant avec générosité les objectifs à atteindre il classe ceux qui ne les atteignent pas. En affichant la volonté de donner l’autonomie, la dignité, la responsabilité de soi, la maîtrise de soi, la citoyenneté à certains, le discours présuppose, de ce fait même, que certaines catégories sociales vivent dans la dépendance, l’indignité, l’irresponsabilité de soi, ne savent pas se maîtriser, maîtriser leur vie et ne sont pas de véritables citoyens.
14Il semble donc paradoxalement (mais le paradoxe n’est qu’apparent) que les rapports de pouvoir ne puissent se dire et s’effectuer qu’en passant par la dénonciation des inégalités. Publiquement, le stigmate se dit de moins en moins ouvertement, directement (“ils sont indignes, irresponsables, ils mènent une vie indigne d’être décemment vécue...” autant de propos qu’on peut trouver sous une forme directe, non-euphémisée dans des interviews d’instituteurs et de travailleurs sociaux), mais s’appliquent indirectement. Le jugement est produit par une voie détournée. Le piège réside dans le fait qu’en faisant porter l’attention sur la volonté de lutter contre les inégalités ou les exclusions, sur la volonté de rendre autonome, responsable, maître, citoyen, etc., d’une part on met l’accent sur l’aspect généreux, volontariste, “social” du discours et des actions, et d’autre part on fait passer, dans le même temps, les stigmates comme un cela-va-de-soi ininterrogé, un présupposé. On pourrait dire que, bien souvent, les causes nobles qui font émouvoir sur l’illettrisme (accès à la démocratie, promotion professionnelle, autonomie d’existence, épanouissement personnel...) sont des causes de nobles, au sens de dominants.
15B. Gillardin et C. Tabet écrivent que “les personnes engagées dans des actions de “relecture” obtiennent des résultats à deux niveaux : une conquête sur elles-mêmes et par là un pouvoir sur leur environnement25 !” Ils affirment que “à l’aube du XXIe siècle, la moitié des citoyens d’une nation industrialisée (...) est en train de perdre la capacité de maîtriser les outils qui forgent sa conscience et son pouvoir d’agir26 ”. Les auteurs présupposent, comme bien d’autres, que qualification = qualification par l’écrit [“Si l’on ajoute que la vie l’a accaparée dans des secteurs où l’écrit était peu utilisé, travaux sans qualification réelle, on peut sans erreur affirmer qu’une partie de cette population se retrouve assez bas dans ce qu’on est habitué d’appeler l’échelle sociale27 ”]. Les “très faibles et non-lecteurs” sont “trop grands consommateurs de télévision, deviennent passifs et rejettent les écrits28 ”. Enfin, “un individu qui lit a mille fois plus de pouvoir que celui qui ne lit pas ! Et c’est bien à cette absence de pouvoir sur la vie que nous renvoie l’illettrisme29”.
“Le défi qui est adressé à notre société démocratique prend une dimension redoutable dès lors que l’inégalité des citoyens se constitue là où la démocratie elle-même se fonde : le droit pour chacun de disposer du pouvoir d’agir socialement30” (cela signifie que les illettrés n’ont pas le pouvoir d’agir socialement, formule vague s’il en est) ; “l’incapacité de participer à la vie de la cité31” ; “Voici 110 ans Jules Simon affirmait “N’appelez pas un électeur, n’appelez pas un citoyen, celui qui ne sait pas ce que c’est que le papier qu’il dépose dans l’urne32” ; “De fait, l’écrit reste, sans conteste, le média le plus respectueux, celui qui met le lecteur en situation d’atteindre sa vérité, au sein des groupes sociaux et en interaction avec eux. La lecture représente un enjeu essentiel de la vie démocratique33” ; “Son illettrisme, avant d’être le produit d’une carence dans l’ordre du savoir, est le signe d’une absence de pouvoir sur sa propre existence34” ; “Il reste qu’un lecteur efficace éprouve le sentiment d’appartenir à une communauté : il est conscient des pouvoirs qui sont les siens dans le champ social, et, par-là, accède à des savoirs de plus en plus étendus, lesquels nourrissent à leur tour ces pouvoirs35 ” ; “Agir maintenant : parce que, en fin de compte, dans notre culture, mieux lire reste une des conditions pour mieux vivre36”.
“L’illettrisme est une des première causes d’exclusion sociale et constitue, outre une atteinte à la dignité humaine, un facteur de fragilité de la démocratie.”; “Or, être illettré ce n’est pas seulement être démuni devant les mots, c’est d’abord être démuni devant la vie, être de fait en marge de la société.37”.
“L’accès à des connaissances de base devient un moyen pour mieux comprendre sa vie, la modifier, avoir un autre statut social. (...) tout en donnant accès à la maîtrise des techniques, l’alphabétisation contribue en même temps à l’épanouissement de l’homme en tant que droit fondamental de tout être humain38”.
16Nous rejoignons ici ce que disait Michel Foucault à propos des élites grecques : Foucault a montré que la maîtrise qu’ils entendaient exercer sur eux-mêmes (en se montrant chaste, en sachant ne pas se laisser emporter par leurs appétits et leurs plaisirs...) était une manière de montrer qu’ils étaient dignes d’assumer un pouvoir sur les autres. Résister aux plaisirs, ne pas se laisser emporter par eux, c’est être dominant par rapport à soi-même et, par-là, être dominant par rapport à ceux qui se laissent emporter par leur nature. “La maîtrise de soi est une manière d’être homme par rapport à soi-même, c’est-à-dire de commander à celui qui doit être commandé, de contraindre à l’obéissance ce qui n’est pas capable de se diriger soi-même, d’imposer les principes de la raison à ce qui en est dépourvu39 ”. On peut ainsi se demander si l’insistance dont font preuve les discours sur l’illettrisme comme “absence de pouvoir sur la vie”, “absence d’autonomie”, “absence de pouvoir sur son environnement”, “sous-citoyenneté”, “non-maîtrise de sa vie”, signe d’”êtres passifs”, d’une “vie indigne”, etc. n’est pas une manière d’énoncer à la fois une morale dominante (celle qui passe par une forme de maîtrise de soi acquise à l’école) et ceux qui en sont exclus, ceux dont la vie est à peine digne d’être vécue (Platon, dans son Apologie de Socrate, écrit qu’”une vie sans examen (anexetastos bios) ne mérite pas d’être vécue40”). Et il faut rappeler, avec Foucault, que la culture de soi ne concernait “que les groupes sociaux, très limités en nombre41”.
17Il faut donc se méfier des discours apparemment les plus généreux et qui développent des arguments éthiques du type : “l’illettrisme est un obstacle à l’épanouissement personnel”, au “respect de soi” ou des arguments socio-politiques du type : “obstacle à la citoyenneté active42”.
18Mais nous voudrions faire une courte parenthèse pour être sûr de ne pas laisser planer un malentendu sur ce qui fonde l’analyse que nous esquissons ici. Il ne s’agit scientifiquement ni de dire que les illettrés sont “bêtes”, “stupides”, dénués de toutes compétences, “handicapés” ou “malades” ni de faire du populisme ou de la démagogie en disant que les illettrés sont des gens très “intelligents”, très “cultivés”, qui savent faire des choses que les lettrés ne savent pas ou plus faire (autant de justifications conservatrices de l’ordre social et de ses inégalités). Il faut, en fait, de manière dialectique, tenir ensemble deux positions apparemment contradictoires. Il faut dire à ceux qui pensent que ce sont des “handicapés” : “regardez ce qu’ils sont et ce qu’ils font, regardez leurs compétences culturelles, qui peuvent être non-reconnues dans la hiérarchie légitime des compétences...” et d’un autre côté, dire à ceux qui pensent qu’ils ont une merveilleuse culture, des compétences inouïes, etc. : “regardez les “handicaps”, qui ne sont pas des propriétés substantielles et naturelles des personnes, mais qui sont produits socialement, c’est-à-dire qui sont le produit de l’interaction entre des personnes aux caractéristiques sociales déterminées et des situations sociales déterminées”. Qu’on soit populiste ou légitimiste43, on opère la même réduction : on ne retient qu’une partie des situations sociales vécues par les êtres sociaux, en sélectionnant soit des situations où aucun “handicap” ne peut être produit, soit des situations où il ne peut y avoir qu’”handicap”. L’erreur tient dans les deux cas au fait que l’on absolutise les effets sociaux liés à des situations sociales particulières (plus ou moins récurrentes socialement, ayant plus ou moins de poids historiquement).
5. SUR-ESTIMATION ET SOUS-ESTIMATION DU PROBLÈME
19Lorsque l’on parle d’illettrisme, d’un certain point de vue on surestime le problème et d’un autre point de vue on le sous-estime.
20On surestime le problème parce qu’on fait comme si il y avait plus d’illettrés aujourd’hui qu’hier alors que, tout d’abord, on les compte davantage aujourd’hui qu’on ne les comptait auparavant et on les compte plus parce que, pour des raisons économiques, politiques, culturelles... à déterminer, cet illettrisme fait sens et pose problème. De plus, on ne les compte pas avec les mêmes critères. Si on avait compté dans le passé avec les mêmes critères qu’aujourd’hui (qui varient selon les lieux institutionnels) on aurait trouvé certainement des millions d’illettrés. Savoir signer (critère le plus souvent utilisé par les historiens), ne suffit pas aujourd’hui pour être qualifié d’alphabétisé. En effet, si l’on utilisait le critère signature aujourd’hui pour juger de l’alphabétisation des français, tout le monde serait alphabétisé ou presque. Même les élèves scolarisés à l’école primaire en classe de perfectionnement sortent toujours du système scolaire, malgré leur grand “échec scolaire”, avec des connaissances de l’écrit qui ne sont pas négligeables : ils ont copié des phrases, rempli des pages, écrit leur nom... pendant plusieurs années.
21C’est au moment où le nombre de bacheliers n’a jamais été aussi élevé que l’on découvre les illettrés et, quand on sait l’état de la scolarisation des campagnes au XIXe siècle, les pourcentages de gens qui au XXe siècle n’ont pas eu de CEP, etc..., on relativise les discours catastrophistes contemporains.
22D’un autre point de vue, on sous-estime le problème.
23Contrairement à ce que laissent entendre les discours sur l’illettrisme, l’accès à la “démocratie” (l’accès à l’”opinion politique” par exemple), à la formation, aux différents droits... n’est pas une simple affaire d’alphabétisation44, et ce, même si les inégalités face au monde politique, juridique, scolaire, artistique... sont fortement liées à la question des cultures écrites et à ce qui fait certaines de leurs spécificités : la constitution de savoirs théoriques, systématiques, relativement indépendants de contextes immédiats d’”application”... et le rapport au langage et au savoir qui découle de l’inculcation formelle de tels savoirs (rapport distancié au langage). En liant l’accès à et l’intérêt pour la formation, les droits, la politique... au simple “savoir lire et écrire”, les discours sur l’illettrisme sous-estiment l’ampleur du problème des inégalités d’accès aux univers sociaux dans lesquels se jouent des enjeux de pouvoir :
“fracture qui rend de plus en plus difficile l’exercice par tous des droits civiques, la participation au développement économique et social, la liberté de circulation et d’opinion, le développement culturel45” ; “pour exercer ses droits, le détenu est supposé maîtriser l’écrit. Toute démarche, toute réclamation exige la rédaction d’une lettre46 ” (cas typique de sous-estimation qui présuppose que si on avait des détenus alphabétisés, des citoyens sachant écrire et lire on aurait des citoyens actifs comme les “autres”, alors que le problème est bien plus large que cela) ; “Si, par exemple, on considère que la politique d’alphabétisation vise à écarter un obstacle majeur aux possibilités de participation civique, sociale, économique et culturelle à la vie collective, il faudra définir le niveau (mesurable) de compétences individuelles à partir duquel cet obstacle sera jugé aboli47 ” ; “Plus largement, pour ce qui regarde les droits des travailleurs – et les “lois Auroux” en particulier – les illettrés peuvent-ils réellement en profiter ? Une part de la population salariée est probablement incapable de se saisir des possibilités qui lui sont offertes, du fait d’une incapacité de communication et d’expression. Une forme essentielle de la démocratie dans nos sociétés est ici mise en échec : il s’agit de savoir si tous les salariés peuvent participer aux responsabilités qui sont les leurs ou s’ils ne sauront le faire que par le biais de plus “savants” qu’eux, comme les syndicalistes ou les délégués du personnel48” (Comme s’il suffisait d’un seul “savoir lire et écrire” pour pouvoir accéder à de l’information qui était en jeu) ; “On ne peut pas se préparer à vivre la démocratie dans des conditions qui ne seraient pas celles de la démocratie.”49.
“Comment, enfin, peut-on participer à la démocratie lorsqu’on ne dispose pas des moyens écrits d’information et de réflexion sur les enjeux du débat50 ?”
24Les savoirs écrits se sont complexifiés, autonomisés, les écritures se sont diversifiées. Il y a là une question de distribution sociale des connaissances et d’exclusion par rapport à des champs de pratiques et de savoirs spécialisés.
25Les discours catastrophistes sur l’illettrisme minorent donc le problème posé, mais pas au sens où il y aurait à compter plus d’illettrés. La spécialisation croissante des savoirs objectivés, formalisés, codifiés, parfois même théorisés, qu’ils soient juridiques, politiques, économiques, scolaires, scientifiques, dans le domaine de l’art, du sport... implique une autonomisation progressive de certains champs d’activité et une coupure Profane/Expert. Cette autonomisation des champs d’activité, avec spécialisation et apparition ou développement de la figure de l’Expert, ne peut se faire sans la complexité des pratiques d’écriture, des savoirs écrits, théoriques, etc. (savoirs nécessaires dans le monde de la production matérielle mais aussi nécessaires pour s’approprier légitimement une œuvre cinématographique, théâtrale, littéraire...).
6. LES DIFFÉRENTES MANIÈRES DE ROMPRE AVEC LES DISCOURS SUR L’ILLETTRISME
26On peut énoncer enfin un certain nombre de moyens d’étudier scientifiquement le problème social d’illettrisme. Pour construire un objet complexe, il faudrait pouvoir combiner l’ensemble de ces moyens.
271) La première façon de rompre avec le “cela va de soi” d’une catégorie comme celle d’illettrés (mais on pourrait dire la même chose pour celles de “jeunesse”, de “délinquance”, d’“échec scolaire”...) consiste à dire que l’illettrisme est un problème socialement construit, que les “illettrés” (entre guillemets) sont tout d’abord l’objet d’enjeux, de luttes entre différentes “institutions”. Ces institutions luttent pour la définition légitime de l’illettrisme et pour la définition du mode de gestion ou de traitement légitime de la “population illettrée”. Les questions qu’on peut alors se poser sont du type : qui a “intérêt” à parler (et à parler d’une certaine manière) d’illettrisme ? Qui vit socialement de l’illettrisme ?
28En reconstruisant les conditions sociales de production des différents discours et des luttes discursives, on se donne les moyens de briser l’évidence, de dé-construire cette catégorie qui semble aller de soi. Il s’agit de reconstruire les multiples réseaux discursifs qui produisent la réalité sociale-symbolique de l’illettrisme. Ces réseaux, complémentaires ou en opposition, s’articulent sur des institutions plus ou moins légitimes, reconnues, mais qui toutes contribuent à la constitution de l’illettrisme comme réalité sociale et à la croyance en la “réalité” de l’illettrisme.
292) Une deuxième voie pour rompre avec l’évidence et interroger le problème de l’illettrisme consiste à enquêter auprès d’individus qui sont socialement désignés comme illettrés (par des organismes de formation, des centres sociaux...) et à essayer de saisir ce que sont ces individus socialement. On reconstruit alors leurs trajectoires sociales (professionnelles, scolaires, en matière de formation...) et on essaie de comprendre leurs pratiques de lecture et d’écriture, leurs rapports à l’écrit, leurs manières de vivre dans une formation sociale où l’écrit s’est généralisé (les tactiques d’évitement, de contournement, de compensation...).
303) Troisième forme d’interrogation déjà largement mise en œuvre : faire l’histoire et l’anthropologie des lieux et des formes d’alphabétisation. On se rend compte alors que les taux d’alphabétisation (en fait des pourcentages de signants ou de personnes déclarant savoir lire et écrire) ne mesurent pas toujours les mêmes réalités : être alphabétisé en France aux XVIe, XVIIe, XVIIIe, XIXe, et XXe siècles, et, à chaque époque, dans les différents groupes sociaux, ce n’est pas la même chose, parce que, suivant les moments, les groupes et les lieux, les pratiques d’écriture et de lecture varient de même que les pratiques (scolaires ou non) d’apprentissage du lire-écrire.
314) Enfin une quatrième voie de rupture avec un certain sens commun consiste à replacer le problème de l’illettrisme dans une configuration sociale d’ensemble, à partir de la perspective sociologique et anthropologique fondamentale concernant le rapport entre cultures orales et cultures écrites, et non d’étudier une “population” isolée, avec la tentation, au fond très réaliste, de compter le nombre des illettrés.
32A partir d’une telle perspective51, qui nécessite de saisir les transformations morphologiques et cognitives liées aux cultures écrites dans l’histoire, on peut remarquer que les discours sur l’illettrisme prennent l’opposition oral/écrit comme allant de soi. Or, si l’on suit un peu ce que nous dit l’anthropologue Jack Goody52, l’opposition est conceptuelle, théoriquement construite et non empirique ou sensible (mode de production oral des connaissances/mode de production écrit-graphique des connaissances). L’opposition théoriquement construite permet de penser qu’il y a des cultures écrites objectivées dans des dispositifs sociaux, des institutions scolaires, juridiques, étatiques... et des cultures écrites intériorisées sous la forme de rapports au langage et au monde.
33En posant le problème en termes de formes sociales scripturales, c’est-à-dire de formes de relations sociales rendues possibles historiquement par des cultures écrites et demandant, de la part des êtres sociaux, l’intériorisation d’une culture écrite sous forme de rapport au savoir, au langage et au monde, on évite tout empirisme (l’“oral” et l’“écrit” comme deux domaines clos qui correspondraient d’une part à “ce qui se dit”, la “Voix” et d’autre part à “ce qui s’écrit”, la “Trace”). Des énoncés “oraux” peuvent très bien être des produits de formes sociales scripturales du fait des objets qu’ils construisent, des modes ou des schèmes de raisonnements qu’ils mettent en œuvre et qui peuvent avoir été conquis dans une culture écrite, de la forme de communication dans laquelle il s’inscrit, du rapport à ce qui est dit, du rapport au monde et à autrui qu’ils impliquent.
34D’une part, l’approche historique nous aide à penser ce que l’“écriture” a, par un long processus d’accumulations-transformations, rendu possible, réalisable (en terme de structuration globale d’une formation sociale) sans que l’“écriture” n’ait toujours le “besoin” d’apparaître. Par exemple, un savoir conquis à travers les multiples opérations d’écriture, d’accumulation, de reprises-transformations, d’abstractions, de décontextualisations, de formalisations, de généralisations, de schématisations..., effectuées parfois successivement, par de nombreuses générations d’intellectuels, sur une longue période de temps, et, de ce fait, invisibles à première vue, peut bien à un moment déterminé de son parcours être discuté “oralement”, faire l’objet de débats “oraux”, voire de conversations informelles. D’autre part, l’idée de transposabilité (P. Bourdieu) permet de penser que, socialisé dans des formes sociales scripturales, un être social peut transformer en un rapport général au monde ce qu’il a acquis par et dans des pratiques d’écriture ou des pratiques langagières orales liées à une culture écrite.
35A partir d’une conception empiriste-positiviste et dans la logique réaliste du “comptage”, on réduit un problème général et fondamental, celui du rapport des groupes ou classes aux formes sociales scripturales, à un problème qui se limite à la question du “savoir-lire-et-écrire”. Contrairement à ce que beaucoup pensent, le degré de maîtrise de la culture écrite ne se voit pas uniquement (et peut-être même principalement) dans les pratiques effectives de l’”écriture” et de la “lecture”. Il y a toujours une tentation empiriste-positiviste à traiter du problème de la culture écrite, lettrée par ce qui semble aller de soi : les pratiques d’écriture et de lecture, la fréquentation des bibliothèques, etc. Le “savoir-lire” et le “savoir-écrire”, la fréquence des pratiques de lecture et des pratiques d’écriture ne sont pas les seuls indices, ni même peut-être les meilleurs, pour juger de la participation aux formes sociales scripturales dominantes. On peut certainement juger de la non-maîtrise par les classes populaires des formes sociales scripturales de meilleure manière en analysant la distance qui les sépare du monde du droit ou de la politique (des constructions savantes ou demi-savantes propres à ces univers) qu’en analysant des “données” statistiques du type : qui lit et qui écrit ? quoi ? dans quels contextes sociaux ? qui fréquente les bibliothèques ?... premières données qui viennent à l’esprit lorsqu’il est question de culture écrite. C’est dans la distance plus ou moins grande aux univers sociaux à forte objectivation, univers codifiés, réglés, etc., fonctionnant en rapport étroit avec le mode de socialisation scolaire (et donc dans la distance – plus ou moins grande – aux types de fonctionnements langagiers et aux rapports au langage et au monde qui sont indissociables de ces univers) que l’on peut appréhender le degré de maîtrise ou de non-maîtrise des formes sociales scripturales par les différents groupes sociaux et, du même coup, la nature (sociale) de ces derniers.
36Repensé dans une configuration sociale d’ensemble, c’est-à-dire par rapport aux formes sociales scripturales, dominantes pour des raisons historiques, le problème de l’illettrisme change un peu d’allure : il s’agit d’un cas de non-maîtrise de certaines formes de relations sociales, “visible” et “aiguë” à l’intérieur d’un phénomène plus général. Cette difficile maîtrise de formes sociales particulières, dans des rapports de domination historiques particuliers (et il faut poser ainsi le problème si l’on veut sortir des théories du handicap), est à penser parallèlement à la dévalorisation et à la méconnaissance des “savoir-faire” et “savoirs pratiques”, conquis et construits dans et par l’expérience, dans et par la pratique, souvent en-deçà de toute explicitation verbale.
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Notes de bas de page
1 E. GOFFMAN, 1987, p. 177 et p. 203.
2 Comme l’ont rappelé V. ESPÉRANDIEU, A. LION et J. P. BENICHOU, ou J.-F. LAé et P. NOISETTE, 1985.
3 R. LENOIR, 1989, pp. 55-100.
4 “Ainsi, le Président de la République française a déclaré à la dernière rencontre des pays de la francophonie, à Toronto, que « l’illettrisme figurait parmi les priorités à traiter par l’ensemble des nations ».”, A. M. LUCAS, 1988, p. 34.
5 V. ESPÉRANDIEU, A. LION, J. P. BENICHOU, 1984, p. 38.
6 J. NAKACHE, 1988, p. 19.
7 L. HÉZARD, 1988, p. 18.
8 A-M. LUCAS, Responsable du département “Observatoire de l’évolution des pratiques de formation”, Centre INFFO, 1988, p. 18.
9 V. ESPÉRANDIEU, A. LION, J. P. BENICHOU, op. cit., p. 20.
10 L. HÉZARD, op. cit.
11 J-P. VÉLIS, Journaliste-Ecrivain, Consultant à l’UNESCO, 1988, p. 2.
12 J. L. BORKOWSKI, 1990, pp. 355-360.
13 INSEE. 1986-87.
14 B. LAHIRE, 1990, (a).
15 “La notion d’illettré est passée en quelques dizaines d’années d’une signification restreinte et encore commune d’incapacité absolue à lire et à écrire à une notion plus large. Celle-ci recouvre plutôt maintenant les diverses incapacités liées aux difficultés de compréhension et d’utilisation du langage parlé et écrit.”, J. L. BORKOWSKI, “L’illettrisme”, Données sociales 1990, INSEE, p. 355.
16 “Considérer l’illettrisme dans son acception large comme un handicap, revient à dire que l’illettrisme provoque chez les personnes qui en sont atteintes, de graves difficultés dans leur vie quotidienne.”, Id, p. 355.
17 L’INSEE a réalisé l’enquête “Etude des conditions de vie” en 1986-87, auprès d’un échantillon représentatif de 18500 ménages et de personnes de 18 ans et plus tirées au sort dans chaque ménage.
18 L. MARIN, 1978, p. 8
19 B. LAHIRE (avec J. BONNIEL), 1990.
20 B. SCHWARTZ, 1981.
21 M. DELEBARRE, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, 1988, p. 42.
22 V. ESPÉRANDIEU, A. LION, J. P. BENICHOU, op. cit., p. 6.
23 Op. cit., p. 101.
24 J-P. VÉLIS, op. cit., p. 3.
25 B. GILLARDIN et C. TABET, p. 10. Souligné par B. LAHIRE (S.B.L.).
26 Op. cit., p. 13. S.B.L.
27 Op. cit., p. 18. S.B.L.
28 Op. cit., p. 28. S.B.L.
29 Op. cit., p. 49. S.B.L.
30 V. ESPÉRANDIEU, A. LION, J. P. BENICHOU, 1984, p. 8. S.B.L.
31 Op. cit., p. 6. S.B.L.
32 Op. cit., p. 6. S.B.L.
33 Op. cit., p. 50. S.B.L.
34 Op. cit.,pp. 51-52. S.B.L.
35 Op. cit., p. 55. S.B.L.
36 Op. cit, p. 102. S.B.L.
37 M. DELEBARRE, Ministre des Affaires sociales et de l’Emploi, op. cit., p. 39. S.B.L.
38 M-L. JAUREGUI de GAINZA, spécialiste du programme d’alphabétisation à l’UNESCO, 1988, p. 26. S.B.L.
39 M. FOUCAULT, 1984, p. 96, tome 2.
40 M. FOUCAULT, 1984, p. 80, tome 3.
41 Idem, p. 59.
42 On peut d’ailleurs faire un parallèle intéressant sur la question de la “citoyenneté active” avec la situation des domestiques en France vers la fin du XVIIIe siècle. Une loi électorale du 22 décembre 1789, qui sera incluse plus tard dans la constitution de 1791, place parmi les conditions d’accès à la “citoyenneté active” de “n’être point dans l’état de domesticité, c’est-à-dire de serviteur à gages”. Même si les discours d’aujourd’hui n’ont pas pour enjeu de retirer le statut de “citoyen” à certaines catégories de la population, dont les “illettrés”, ils visent à discréditer, à mettre en doute le bien-fondé, la valeur de certains citoyens qui ne seraient pas dotés des “bases minimums”. Hier (fin du XVIIIe siècle), les domestiques étaient considérés trop “faibles”, trop “influençables”, trop “serviles” pour se forger une opinion propre, une pensée personnelle, face à leurs maîtres nobles ou aristocrates ; aujourd’hui l’idée d’une citoyenneté active et complète pour des personnes non dotées des instruments de connaissance ou des compétences jugés fondamentaux est implicitement révoquée en doute par certains discours. Voir C. PETITFRÈRE, 1986.
43 C. GRIGNON et J.-C. PASSERON, 1989.
44 Cf. P. BOURDIEU, 1979 ; D. GAXIE, 1990, pp. 97-112.
45 V. ESPÉRANDIEU, A. LION, J. P. BENICHOU, 1984, p. 6. S.B.L.
46 Op. cit., p. 24. S.B.L.
47 Op. cit., pp. 29-30. S.B.L.
48 Op. cit., p. 43. S.B.L.
49 Op. cit., p. 54.
50 M. DELEBARRE, op. cit., p. 40.
51 C’est cette perspective que j’ai développée dans une thèse de doctorat de sociologie, mars 1990. Voir aussi B. LAHIRE, 3/1990, pp. 262-273, (c).
52 J. GOODY, 1979.
Auteur
GRS, URA 893 CNRS, PsyEF, Université Lumière-Lyon 2.
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