Chapitre 1. La primauté du centre-ville
p. 57-61
Texte intégral
1En 1985, les quatre cinquièmes des membres du Tout-Lyon Annuaire habitent à l’intérieur des limites de la Communauté Urbaine (COURLY).
2On reviendra plus loin sur le cas de ceux qui résident à l’étranger, à Paris, ou dans d’autres régions de France, en s’interrogeant notamment sur le rapport qu’entretiennent ces localisations éloignées avec ce que l’on peut connaître des professions exercées.
3Quant aux lieux de résidence situés en région Rhône-Alpes, mais hors de la COURLY, ils correspondent à plusieurs cas de figure.
4Pour une part, il s’agit de communes suburbaines ou périurbaines, généralement localisées à l’ouest de Lyon. Ces résidences peuvent être rattachées à l’agglomération lyonnaise au sens large, et leur classement dans la « région Rhône-Alpes » ne tient qu’à l’artefact des découpages administratifs qui ont été repris ici pour les commodités de l’analyse.
5En deuxième lieu, cette rubrique inclut les autres grandes villes de la région (en particulier Grenoble et Saint-Etienne). Si l’on en juge par la localisation des autres membres de la parentèle, et aussi par les indications du métier, ces résidences traduisent moins l’appartenance aux milieux locaux des villes concernées que l’incidence des carrières professionnelles sur les parcours géographiques de ménages isolés et d’origine lyonnaise.
6Enfin, un certain nombre de résidences se trouvent disséminées en zone rurale, et ce de façon relativement indifférenciée sur l’ensemble du territoire de la région. Certes, il ne s’agit pas uniquement de châteaux, manoirs ou gentilhommières. Mais beaucoup de ces adresses témoignent de la persistance de positions notabiliaires parfois fort anciennes, et sans doute aussi de modèles d’habitat et de manières de vivre qui impliquent un usage très spécifique de l’opposition convenue entre ville et campagne1. Tradition aristocratique de l’alternance entre le château rural et la résidence urbaine, fidélité du bourgeois lyonnais à la localité d’où est issue sa lignée, acquisition plus ou moins récente des signes de promotion sociale qui s’attachent à la possession d’une propriété campagnarde : la source utilisée ne permet que très indirectement de faire la distinction entre ces différents cas de figure. Du moins montre-t-elle combien la frontière peut être incertaine entre résidence principale et résidence secondaire. Par convention, c’est l’adresse figurant en premier lieu dans chaque notice qui a été retenue pour le codage de la « résidence principale ». Mais il n’est pas exceptionnel qu’une adresse lyonnaise (voire parisienne) figure seulement en deuxième position, après l’indication d’une résidence rurale. Au fil des éditions, ou entre les membres d’une même fratrie, on observe d’ailleurs de nombreux cas d’inversions dans l’ordre de présentation des adresses. Parfois, ces changements de priorité sont manifestement liés aux migrations consécutives à la cessation de l’activité professionnelle. Dans d’autres cas, ils traduisent un jeu plus complexe entre les générations d’une même famille et leurs diverses possibilités de territorialisation.
TABLEAU 1. Résidences principales des membres du Tout-Lyon Annuaire figurant dans l’édition de 1985 (répartition géographique de l’effectif total et structure en pourcentages).
Secteur géographique | Effectif | % |
Lyon | 2728 | 61,0 |
Banlieue (périmètre de la COURLY) | 895 | 20,0 |
Reste de la région Rhône-Alpes | 359 | 8,0 |
Paris | 262 | 5,9 |
Reste de la France | 185 | 4,1 |
Etranger | 41 | 0,9 |
Total | 4470 | 100,0 |
7A l’intérieur des limites de la Communauté Urbaine, la localisation résidentielle des membres du Tout-Lyon se singularise par une nette prépondérance de la ville-centre sur ses banlieues. Les trois quarts des adresses sont situées à Lyon même, qui ne comprend pourtant, au recensement de 1982, que 37 % de la population totale la COURLY.
8En banlieue, la distribution des résidences est elle-même très sélective, et contraste encore plus nettement avec celle de l’ensemble de la population (cf. carte 1). Le territoire de la Communauté Urbaine a été découpé ici en 5 grands secteurs2 qui n’ont pas de réalité administrative, mais correspondent pour partie à des limites naturelles, et aussi à certaines lignes de force de la géographie sociale et de l’histoire de l’agglomération.
9En valeur absolue comme en pourcentage de la population totale, c’est essentiellement dans les communes de la banlieue Ouest et des Monts d’Or que se concentrent les membres du Tout-Lyon. Leur présence est particulièrement affirmée dans quatre communes limitrophes de Lyon : Ecully (128 notices), Sainte-Foy-lès-Lyon (123), Saint-Didier-au-Mont d’Or (76) et Tassin-la-Demi-Lune (71). Les autres résidences se trouvent dispersées entre les communes plus distantes et souvent moins urbanisées qui s’adossent aux premiers contreforts des monts du Lyonnais.
CARTE 1. Localisation des membres du Tout-Lyon Annuaire habitant la banlieue lyonnaise en 1985.

10La situation est beaucoup plus tranchée au nord, c’est-à-dire entre Rhône et Saône. Sur les douze communes qui composent le secteur, onze n’ont qu’un poids négligeable, tandis que Caluire, contigu à Lyon, regroupe à lui seul 141 adresses dans l’édition de 1985.
11En revanche, on ne compte que 60 résidences pour l’ensemble le plus peuplé de la banlieue lyonnaise, qui, s’étendant sur les plaines situées à l’est du Rhône, comporte autant d’habitants que la ville de Lyon et inclut notamment l’importante commune de Villeurbanne.
12Cette distribution résidentielle fortement dissymétrique n’est pas pour surprendre. Elle recoupe, mais en l’accentuant jusqu’à la caricature, les différences de composition sociale qui opposent globalement l’Est et l’Ouest de la banlieue lyonnaise. Enracinées dans le contraste des paysages, ces différences n’ont cessé d’être confortées par les lignes de forces de l’industrialisation, l’histoire sociale et politique des lieux, et les représentations collectives qui s’y attachent et dont elles se nourrissent.
13Quand on la mesure à l’aune des grands groupes socio-professionnels qui structurent l’ensemble des populations, la division sociale de l’espace de l’agglomération est tout à fait visible, mais elle est de l’ordre de la statistique. Les différents groupes sont partout représentés, quoique inégalement. Au contraire, la répartition spatiale d’une sous-population aussi fortement typée que celle retenue ici relève d’un modèle quasi mécanique. C’est ainsi que, sur près de 4500 adresses répertoriées, il ne s’en trouve pas une seule qui soit située dans des communes aussi importantes que Vénissieux ou Vaulx-en-Velin.
14Le constat vaut aussi, comme on va le voir maintenant, à l’intérieur même de l’espace lyonnais.
Notes de bas de page
1 Parmi les travaux abordant le thème de la multilocalisation des élites en France, on mentionnera notamment :
- F. CRIBIER, La Grande Migration des citadins en France, Paris, Editions du CNRS, 1969.
- E. MENSION-RIGAU, « La mobilité résidentielle des élites : multilocalité et appartenances locales dans l’aristocratie et la haute bourgeoisie (1830-1980), histoire et survie d’un privilège », document multigraphié, séminaire de sociologie de l’Ecole normale supérieure, Paris, novembre 1987.
- Ch. RODET, « Processus de stabilisation de huit familles de la bourgeoisie catholique lyonnaise », in Analyse longitudinale de milieux urbains à Lyon. Héritages et innovations, par Y. GRAFMEYER, C. GAMBA et Ch. RODET, rapport multigraphié, Programme pluriannuel en sciences humaines RhôneAlpes, Lyon, IRESE/CNRS, avril 1988.
2 Ouest, Monts d’Or, Nord, Est et Villeurbanne.
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