Marie-Louise gagneur, feuilletoniste : anticléricalisme et fouriérisme
p. 301-310
Texte intégral
« Eh bien ! mademoiselle, – dit tout bas Lionel à Madeleine, – auriez-vous envie de devenir aussi économiste et bas-bleu ? Ce serait dommage. Vous êtes si jolie et vous brodez si bien ! »
Le Calvaire des Femmes
1Edmond de Goncourt, en veine de malveillance, raconte que Marie-Louise Gagneur courait les rédactions des journaux pour y placer la copie de son mari1, Il ne sait rien, bien sûr, de son œuvre, il ne lit pas le Siècle, « cette feuille d’épiciers libéraux »2, qui la publie le plus souvent. Il n’a d’ailleurs que mépris pour les feuilletons. Quant aux femmes écrivains, il dira de façon définitive ce qu’il en pense, dans le droit fil de l’article « Bas-bleu » du Larousse du XIXe siècle où il est noté sans ambages : « Quand une femme veut être savante, elle devient un homme ». Goncourt est plus dru, plus gaillard même : « Si on avait fait l’autopsie des femmes ayant un talent original, comme Mme Sand, Mme Viardot, etc..., on trouverait (sic) chez elles des parties génitales se rapprochant de l’homme, des clitoris un peu parents de nos verges. »3 L’écriture, qu’on se le dise, condamne la femme à la virilité, quand ce n’est pas au ridicule !
2Marie-Louise Gagneur a peint l’accueil des journaux où elle s’en fut placer ses œuvres de débutante. Pas de hargne, pas d’agressivité chez ces messieurs de la rédaction, mais « de la surprise et une nuance de raillerie », puis viennent les poncifs sur le « bas-bleuisme », cette « révolte de la femme contre l’homme ». Le plus virulent constate que de ces bas-bleus, qui presque jamais ne sont d’honnêtes femmes, « il en arrive à Paris tous les jours (...) que les lauriers de George Sand empêchent de dormir ; qui de Quimper Corentin, qui de Carpentras, qui d’Aurillac, qui de Carcassonne, qui de Lons-le-Saunier. »4. Bref, elles ajoutent aux tares du bas-bleuisme les ridicules de la province !
3Provinciale, Marie-Louise Gagneur l’était en effet : elle naquit le 25 mai 1832 à Domblans, un village proche justement de Lons-le-Saunier, où son père Claude Corneille Mignerot, un jeune homme de trente-trois ans, vivait de ses rentes5. L’enfant fut naturellement élevée au couvent. Les jeunes filles en sortaient, dira-t-elle, avec « une tenue modeste, c’est-à-dire compassée ; parlaient à demi-voix, connaissaient un peu de géographie, un peu d’histoire profane d’après le père Loriquet, beaucoup d’histoire sainte et de catéchisme, tapotaient un quadrille, solfiaient un cantique, brodaient admirablement une chasuble, possédaient en un mot, de ces petits talents, dits d’agréments, juste ce qu’il en faut pour obtenir dans le monde la réputation de jeunes personnes accomplies. »6. Ce ne fut certes pas ce qu’il advint d’elle puisqu’elle retira surtout de cette éducation religieuse, une haine inexpiable, un anticléricalisme si profond qu’il devait déterminer une large partie de son œuvre.
4A la fin du Second Empire, elle sut tirer profit des affaires qui nourrissaient les polémiques pour s’en prendre au clergé : elle se préoccupa en particulier des conversions forcées d’enfants juifs ou protestants qu’avaient mises en lumière l’enlèvement à Bologne du jeune Mortara, baptisé à l’insu de sa famille en 1858, ou l’affaire Anna-Bella Korsch, une jeune luthérienne d’Eccloo, en Belgique, convertie également contre le gré des siens, puis cachée dans plusieurs couvents. On retrouve certains de ces faits et les débats qu’ils avaient suscités dans la Croisade noire où l’on voit par exemple une ouvrière juive victime d’un odieux chantage : son enfant malade sera secourue à condition qu’elle accepte de la faire baptiser.
5Dans ses premières œuvres anticléricales, Marie-Louise Gagneur épargnait le plus souvent le clergé séculier pour réserver ses coups aux congréganistes : « Véritable parasite social, le clergé interlope des couvents ne sert en réalité qu’à troubler les consciences, à accaparer les richesses, à enrayer l’humanité dans sa marche progressive »7. Elle témoigne ainsi de la réaction qui se dessina après 1860 contre le parti catholique qui avait connu un âge d’or après le coup d’État. La politique italienne de Napoléon III avait suscité un tollé chez les ultramontains qui entrèrent alors dans une opposition ouverte, tandis que le gouvernement devenait vigilant à l’égard des congrégations que Marie-Louise Gagneur avait précisément entrepris de dénoncer.
6Alors que la concurrence sur le terrain de l’anticléricalisme devenait considérable sous la Troisième République où fleurissaient Léo Taxil, Hector France et bien d’autres folliculaires obnubilés par les « crimes de la calotte », Marie-Louise Gagneur suivit le mouvement sans jamais il est vrai tomber dans la vulgarité, en élargissant le champ de ses attaques. « Le parti pris tourne même, dira Maurice Talmeyr, à la spécialité industrielle »8, avec le Roman d’un prêtre, un Chevalier de sacristie, le Crime de l’Abbé Maufrac, la Vengeance du beau Vicaire, une Dévote fin de siècle, etc...
7Le Siècle, le journal voltairien d’Havin, qui dénonçait les « abus du cléricalisme et de l’ultramontanisme » accueillait tout naturellement dans son « rez-de-chaussée » ces dénonciations copieuses. Le tirage de ce journal avait beau décliner régulièrement, il demeurait puissant, malgré l’ironie, voire le mépris dont beaucoup l’accablaient. Joseph Prudhomme, un connaisseur, le tenait pourtant pour une institution plutôt que pour un journal : Robert Caze a peint la vie d’un de ces bourgeois de province abonnés du Siècle dans une nouvelle évidemment intitulée la Confession d’un enfant du Siècle. « Les soirs d’été, entre chien et loup, sur les allées », il déploie gravement son journal et goûte la volupté de voir « un vicaire mafflu » qui se signe en passant devant lui.9 Il a souscrit, bien sûr, lorsque Léonor Havin a lancé l’idée de l’édification d’une statut de Voltaire. On l’a tenu sous l’Empire pour un opposant à cause, justement, de son abonnement au Siècle et cela lui vaut, après le 4 septembre, d’être nommé conseiller municipal et délégué sénatorial. Un seul drame dans cette vie : le moment où il découvre que sa bonne, séduite par des feuilletons plus pimentés, trahit le Siècle pour le Petit Journal de Moïse Millaud. On l'imagine se consolant à relire ces romans que son cher journal tire sur du « papier à chandelle » pour les offrir à ses fidèles abonnés : Balzac, Eugène Sue y croisent Ponson du Terrail, Elie Berthet, Emmanuel Gonzales et Marie-Louise Gagneur. Le trait de Robert Caze est gros, mais ce mépris pour le journal de la bourgeoisie libérale est partagé par de nombreux écrivains.
8Le Siècle n’en était pas moins un journal d’assez bonne tenue où la vie littéraire occupait une place importante. Le succès de Marie-Louise Gagneur auprès de ses lecteurs est parfaitement attesté. On vit ainsi une trentaine de chefs de sociétés coopératives manifester leur enthousiasme par une lettre : « Il est des ouvrages qui, sous la forme la plus attrayante, se proposent un but éminemment utile : tels sont la Croisade noire et le Calvaire des femmes. Depuis les romans d’Eugène Sue, qui ont si puissamment contribué aux améliorations déjà obtenues dans la condition des travailleurs, aucun ouvrage de ce genre n’aura prêté, selon nous, un concours aussi efficace à la réalisation de celles qui restent à accomplir. (...) Voilà pourquoi nous vous prions, monsieur le Directeur, de faire parvenir à l’auteur de ces deux ouvrages, non seulement l’hommage de notre admiration pour son beau talent d’écrivain, mais encore et surtout l’expression de notre gratitude pour le notable service qu’elle rend à la cause du progrès. Nous avons la conviction d’être aussi les interprètes de tous les travailleurs. »10
9Ces lecteurs particuliers n’ignoraient pas que Marie-Louise Gagneur était entièrement acquise à leur cause : le développement de l’association, des coopératives de production et de consommation, était l’idée force de son œuvre, animée par un fouriérisme pratique dont elle était très tôt devenue la propagandiste. « A dix-huit ans, écrit le Larousse du XIXe siècle, à l’âge où les jeunes filles songent à tout autre chose qu’aux questions sociales, elle fit paraître une brochure sur les associations ouvrières ». Ce Projet d’association industrielle et domestique pour les classes ouvrières fut, nous dit-on, à l’origine d’une idylle puisqu’il « tomba entre les mains de M. Wladimir Gagneur, qui voulut en connaître l’auteur, fut charmé de la tournure de son esprit, et n’hésita point, malgré une grande disproportion d’âge, à l’épouser ». Miracle de l’attraction passionnée : on sent qu’aux yeux du rédacteur du Larousse la grande ombre de Fourier, seule, avait permis à cette intrigue de se nouer. Gagneur avait effectivement vingt-cinq ans de plus que sa femme.
10Ce fils d’un député ultra était l’ami de Just Muiron et de Victor Considérant, il avait tenu à Poligny le dépôt des livres de la Librairie Sociétaire et était entré à la Phalange en juillet 1836. Il s’y fit remarquer par une connaissance exceptionnelle de l’associationnisme rural. Fourier, lui-même, avait observé avec intérêt les fruitières du Jura, véritables modèles coutumiers de l’association : « Les paysans du Jura voyant qu’on ne pourrait pas, avec le lait d’un seul ménage, faire un fromage nommé Gruyère, se réunissent, apportent chaque jour le lait dans un atelier commun où l’on tient note des versements de chacun, chiffrés sur des taillons de bois ; et de la collection de ces petites masses de lait, on fait à peu de frais un ample fromage dans une vaste chaudière »11 C’est dans ce domaine que l’expérience de Gagneur était vaste : il avait étudié ces associations domestiques, il en fonda de nouvelles et créa des réseaux d’approvisionnement des coopératives de consommation établies à Vienne et à la Croix-Rousse.
11Lors du Deux Décembre, il organisa la résistance au coup d’État dans le Jura, ce qui lui valut une condamnation à dix ans de déportation, peine bientôt commuée en bannissement. Il ne resta guère qu’un an à Bruxelles avant de revenir à Poligny où il reprit ses activités et où il rencontra Marie-Louise Mignerot. Celle-ci, après quelques essais marqués par des tendances libérales qui lui ouvrent les portes du Siècle et de la Presse, fait du feuilleton un moyen de répandre l’idée associationniste que son mari met en pratique. En se fondant sur les travaux d’Adolphe Blanqui, de Villermé, de Jules Simon, de Parent-Duchâtelet, elle promène ses lectures à Lyon, dans les quartiers ouvriers de la Croix-Rousse et de la Guillotière, à Lille, dans la rue des Étaques. Elle fait entrer le document dans le feuilleton, n’hésitant pas à étayer ses développements par des notes, des statistiques, des citations qui font de ses livres des outils de propagande où elle développe les vues qu’elle partage avec un mari dont elle garde, littérairement, le nom. Elle n’use de pseudonymes que lorsqu’elle s’adonne à des besognes alimentaires, dans le goût de la Baronne Staffe. Elle devient la Duchesse Laurianne pour composer Pour être aimée, conseils d’une coquette, secrets féminins et Bréviaire de la femme élégante. L’éternelle séduction.
12Sans masque, la feuilletoniste se préoccupe du sort des ouvrières. Bathilde Borel, une des héroïnes du Calvaire des Femmes, veut entreprendre « la croisade des femmes contre les préjugés qui les oppriment, et contre cette injustice qui place la femme pauvre, l’ouvrière, dans cette alternative effroyable : l’ignominie ou la misère. Il faut que la femme puisse conquérir sa liberté par son travail. (...) Il faut agir, il faut fonder des institutions qui garantissent la femme contre toutes les oppressions : la misère, la concurrence masculine et surtout la corruption. »12 A ses yeux, d’ailleurs, « la femme n’existe pas encore ». Il n’existe que « des poupées dont les ressorts sont plus ou moins perfectionnés, selon l’habileté» des institutrices. « Tandis que l’oisiveté perd la femme des classes supérieures, l’excès de travail et l’insuffisance des salaires avilissent l'ouvrière. En haut comme en bas, le défaut d’éducation est le plus grand mal. Quelle instruction lui donne-t-on, à cette femme qui doit élever ses enfants ? On ne connaîtra la femme que lorsqu’elle pourra développer ses facultés et s’affranchir, en gagnant honnêtement sa vie, de la dépendance matérielle de l’homme, dépendance qui l’annihile et la dégrade. Jusque là, elle passera pour un être inférieur, frivole, corrompu et corruptible. »13
13Et Bathilde Borel, cette vieille fille tenace et combative, parcourt l’Europe et l’Amérique pour y recueillir des documents, des observations sur la situation de l’ouvrière. La solution proposée pour l’amélioration de sa condition est toujours dans la multiplication des sociétés coopératives et la création de manufactures d’un type nouveau, semblables au Familistère de Godin dont Marie-Louise Gagneur ne cessera jusqu’à sa mort de célébrer les mérites : « La crèche et l’asile se trouveraient dans l’usine. La mère pourrait ainsi allaiter elle-même son enfant, le voir et l’embrasser plusieurs fois par jour, au lieu de l’abandonner aux mains d’une étrangère ou de l’endormir avec de la thériaque. Les logements, au lieu d’être disséminés, seraient réunis dans un grand bâtiment voisin de l’usine. Certaines dispositions assureraient l’indépendance des ménages. A l’heure des repas, la famille pourrait se réunir, et une société alimentaire (...) fournirait aux ouvriers une nourriture saine et abondante dans les prix les plus bas possible. »14
14Même solution à la fin de la Croisade noire, qui oppose la vie joyeuse d’une colonie phalanstérienne à l’austérité d’un couvent : « Longtemps sans doute ces explosions de vie, ces bourdonnements joyeux de la ruche humaine, ces accords puissants de l’harmonie nouvelle se briseront contre cette lugubre prison ; mais il viendra un jour, où, vainqueurs, ils briseront eux-mêmes ce sépulcre ; car il est dans la loi que le bonheur doit triompher de la souffrance ; la vérité, de l’erreur ; la vie, de la mort. »15
15Dans cette œuvre, un catéchisme fouriériste est longuement développé : Marie-Louise Gagneur y expose les notions d’attraction, de passions et de loi sériaire qui sont à la base de l’association. Celle-ci « peut seule créer un milieu assez vaste pour que les passions et les caractères, distribués par la nature selon l’ordre sériaire, mais aujourd’hui dispersés, inactifs, comprimés ou déviés, et produisant ainsi des chocs douloureux, puissent se grouper, se développer et s’exercer sériairement, c’est-à-dire avec un parfait équilibre ; de telle sorte que l’harmonie succède au chaos, que le bonheur succède à la souffrance. »16
16L’héritage de Fourier est en fait toujours considéré sous un jour qui l’appauvrit évidemment ; la société festive s’y trouve mise à plat, vidée d’une large partie de son sens, par un point de vue très pragmatique. C’est, on le sait, la tare de nombreuses tentatives d’approches pratiques du fouriérisme ou « l'écriture, comme le note Henri Desroches, cesse purement et simplement de s enchanter pour se mettre à calculer, convaincre, combattre.»17 Tandis que Fourier, par exemple, aspire à entraîner les enfants au travail par plaisir, pour éveiller en eux vingt vocations, Marie-Louise Gagneur se borne à évoquer le profit récupéré grâce à ce labeur : « L’enfant aime l’exercice. La nature exige, pour le développement normal de l’esprit et du corps, qu’il varie sans cesse ses occupations. Ainsi la colonie remplacera par de petits travaux utiles, amusants et variés, l’exercice ordinaire de la récréation où se déploie une si grande somme d’activité dans des jeux improductifs. La société ne serait-elle donc pas plus riche si elle savait mettre à profit tant de forces perdues ? »18 La religion du travail l’emporte toujours dans cette œuvre sur la religion du plaisir.
17Marie-Louise Gagneur va pourtant occuper un vaste terrain, utilisant pour la diffusion de ses idées tous les moyens dont elle dispose, le feuilleton, mais aussi l’article et la simple brochure. Dès le début de la Troisième République et même sous l’Ordre moral, elle multiplie les libelles : elle collabore activement à l’entreprise de propagande républicaine dirigée par le latiniste Victor Poupin, « la Bibliothèque démocratique », elle plaide en faveur du divorce et lance dans les campagnes un opuscule intitulé la Politique au Village où, en termes simples, par le truchement de Jean Caboche et du bourgeois Prudence opposés au baron de Pirouett, elle milite en faveur d’une République vraiment républicaine.
18Son œuvre s’organise dès lors autour de plusieurs grands thèmes : l'anticléricalisme bien sûr, le divorce, la recherche de paternité, le désarmement, et toujours l’associationnisme, cette panacée que l’on retrouve partout évoquée. Ainsi lorsqu’elle observe la situation de la Russie, c’est à cette solution qu’elle se rallie encore, proposant sans se lasser le modèle illustré par Godin qui fut, comme elle, publié dans « la Bibliothèque démocratique ». Elle peint la Russie comme un champ clos où s’affrontent maintes tendances du socialisme, « fédéralistes, collectivistes anarchistes, jacobins, communistes autoritaires, fouriéristes, positivistes. »19 Le communisme débouche à ses yeux sur un « chaos voisin de la société la plus primitive, de la sauvagerie la plus destructive » et sur un «militarisme barbare »20. Le collectivisme est d’ailleurs « contraire à l’instinct de l’inégalité (qui) est tout puissant chez l’homme » et qui est même « le grand ressort du progrès humain. »21 L’acte d’association proposé par Fourier et réalisé par Godin respecte au contraire cet instinct : « Chaque sociétaire reçoit un dividende proportionnel à son apport d’actions, c’est-à-dire proportionnel au capital, au travail, au talent. »22
19Alors que peu avant sa mort Marie-Louise Gagneur était devenue le cicerone du « palais du travail » de Guise, elle eut la joie de reconnaître dans la Crêcherie de Luc Froment, le héros de Travail, le Familistère qu’elle défendait depuis si longtemps. Elle découvrit dans le « livre incomparable» de Zola « une glorieuse et victorieuse étape de notre mouvement littéraire, philosophique et social »23. Nul doute même, qu’elle n’ait vu dans Travail la preuve que Zola prenait le relais de son action. Elle rappelle en effet, dans le Droit au Bonheur, son roman le plus célèbre, la Croisade noire : « Dans cet ouvrage, je me suis proposé exactement le même but que Zola : l’organisation du travail d’après la grande synthèse de Fourier. Je développe les mêmes critiques, j’expose les mêmes théories et j’arrive à la même conclusion. Il est singulier, ou plutôt logique, que la Croisade noire se termine comme Travail, par un tableau de la colonie industrielle et agricole de Bourneuf, identique à peu près à celui de l’usine de Luc. »24
20Le modèle de Guise restait, en fait, peu connu, et Marie-Louise Gagneur ne l’ignorait pas. Zola, lui-même, n’en avait sans doute qu’une connaissance livresque. Il reste que l’on perçoit sous cette tentative d’annexion de l’œuvre de Zola, l’allégresse d’une militante qui constate le développement d’une idée à laquelle elle a témoigné une absolue fidélité pendant plus de trente années.
Notes de bas de page
1 Goncourt : Journal, 4 octobre 1870 (texte établi par Robert Ricatte, Fasquelle-Flammarion, 1956).
2 Ibid., 21 mars 1860.
3 Ibid., 8 décembre 1893.
4 M.L. Gagneur : le Calvaire des femmes (1867) (Supplément du Siècle, 38e série, p. 389).
5 Marie-Louise Mignerot, épouse Gagneur, est née le 25 mai 1832 à Domblans, de Claude-Corneille Mignerot, âgé de trente-trois ans, originaire de Desnes, rentier demeurant à Domblans, et de Marie-Louise Césarine Martin, son épouse, âgée de vingt-trois ans, née à Cuisery, département de Saône-et-Loire. Ces renseignements nous ont été aimablement communiqués par Monsieur Michel Ducey, maire de Domblans, que nous remercions vivement.
6 Le Calvaire des Femmes, p. 267.
7 M.L. Gagneur : Préface de la Croisade noire (première édition 1864) d’après l’édition Armand Le Chevalier, 1872, p. 6.
8 Maurice Talmeyr : le Roman-feuilleton et l’esprit populaire (Revue des Deux Mondes, no 534, 1903).
9 Robert Caze : la Confession d’un enfant du Siècle (in les Bas de Monseigneur, Marpon et Flammarion, 1884, p. 204).
10 Cité par Yves Olivier-Martin : Histoire du Roman populaire en France (Albin Michel, 1980, p. 174).
11 Charles Fourier : le Nouveau Monde industriel et sociétaire (édition de Simone Debout, Anthropos, 1966-1968, T. VI, 7).
12 Le Calvaire des Femmes, p. 284.
13 Ibid., p. 269.
14 Ibid., p. 416.
15 La Croisade noire, pp. 578-579.
16 Ibid., p. 518. Ce même catéchisme fouriériste se retrouve dans le Droit au Bonheur. Charles Fourier d’après Zola et Jaurès (Dentu, 1901) où il sert à réfuter les qualificatifs « anarchiste » et « communiste » dont s’était servi Jaurès à propos de Fourier. En 1891, Séverin, un des héros d’Une Dévote fin de siècle(Dentu) l’utilisait également pour convaincre cette fois un archidiacre !
17 Henri Desroches : Introduction aux Cahiers manuscrits de Charles Fourier, d’Émile Poulat (Éditions de Minuit, 1957).
18 La Croisade noire, p. 556.
19 M.L. Gagneur : les Vierges russes(Dentu, 1880, p. 304).
20 M.L. Gagneur : le Droit au Bonheur, p. 33.
21 Ibid., p. 37.
22 Ibid., p. 47.
23 Ibid., p. 12.
24 Ibid., pp. 33-34. On consultera avec plaisir et profit l’ouvrage de Michel Nathan : le Ciel des Fouriéristes (P.U.L., 1981).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014