Correspondance adressée à Louise Collet. Extraits
p. 173-196
Texte intégral
1No 6404 - 611
Madame,
J’ai lu le poëme que vous avez bien voulu me faire remettre. Je n’en ai point parlé dans la Revue du Progrès : voici pourquoi. Je respecte trop les femmes, et le sort qui leur a été fait dans notre société me paraît mériter trop de compensations, pour que je n’éprouve pas la plus vive répugnance à parler publiquement de leurs écrits sur un autre ton que celui de l’éloge.
Croyez, Madame, que je rends pleine justice et à la beauté de vos vers et à la loyauté des sentiments qu’ils expriment, mais la pensée qui les a dictés ne me semble pas être aussi juste qu’elle est sincère. Je ne saurais voir, pour mon compte, dans la résurrection des splendeurs de Versailles, qu’un appel, tout monarchique, tout aristocratique, fait à des souvenirs odieux ; et je ne puis m’empêcher de demander, en visitant ce palais qui vient de vous avoir pour poète, pourquoi dans la même fable, le portrait des courtisans les plus vils se trouve placé sur la même ligne que celui des hommes les plus justement célèbres. C’est évidemment la monarchie voulant couvrir ses hontes de l’éclat des grands hommes que la France a produits. Si quelque doute pouvait rester sur cette pensée, il serait levé par le langage que tinrent, lors de l’inauguration de Versailles, tous les journaux de la cour.
Je me trompe peut-être, Madame, mais enfin telle est mon opinion : elle vous expliquera ma réserve et mon silence : je souhaite qu’elle les justifie à vos yeux.
Agréez, Madame, l’assurance de mes sentiments respectueux.
Louis Blanc
Paris, le 15 juin 1839.
2No 6404 – 614
Brighton, 20 grand Parade
22 juillet 1868
Chère Madame Colet,
Je vous envoie la lettre que vous m’avez demandée pour Mr Rascol. Qu’il la montre à quiconque serait disposé à s’unir à lui pour éditer votre livre, très bien. Mais elle ne doit pas être publiée. C’est pourquoi j’ai mis en tête particulière. Je suis très décidément contre le régicide – considérant que le meurtre d’un tyran est presque toujours une bonne fortune pour la tyrannie – et, bien que je dise cela dans ma lettre en termes fort clairs, l’appui donné par moi à un livre intitulé « Brutus », pourrait prêter à des commentaires malveillants et injustes, que je veux éviter.
Vous dirai-je toute ma pensée ? Le titre de « Brutus » me paraît mal choisi, parce qu’il éveille dans l’esprit d’idée de l’acte auquel Brutus doit sa célébrité, et faire croire que le but de votre livre est la glorification de cet acte. Or cela n’est point, ce me semble. Votre livre, s’il est publié conforme au manuscrit que j’ai sous les yeux, ne sera pas même consacré entièrement à Brutus. Il est moins l’éloge de ce républicain fameux que la condamnation de César et du panégyriste impérial de César. Le titre ne répond donc pas à l’ouvrage : il en donne une fausse idée. Je vous conseille vivement de le changer.
Maintenant voulez-vous me permettre de vous signaler une erreur (page 48) ? En opposant l’éloge de Caton par Voltaire à l’éloge de Caton par Napoléon III, je crois que vous avez confondu Caton d’Utique avec Caton le censeur. C’est du premier que Voltaire parle dans le passage que vous avez cité, tandis que c’est du second qu’il est question, dans les lignes extraites par vous de l’Histoire de César.
Ma femme se rappelle à votre souvenir. Vous lui ferez plaisir en acceptant le petit chapeau qu’elle vous envoie pour votre chère petite fille.
Tout à vous.
Louis Blanc
P.S. – Aussitôt que vous aurez reçu la boîte contenant chapeau et manuscrit, veuillez me le faire savoir.
3No 6404 – 618
Ile de Wight. Ay de Ville d’Elysée
Melville St
12 août 1869
Madame et amie, Je n’ai pu savoir où était Mazzini que longtemps après avoir reçu votre lettre. Je lui ai fait parler par le Dr Ruje, dont voici la réponse que je transcris littéralement.
« J’ai vu Mazzini. Il n’a pas encore trouvé le manuscrit de Madame Louise Colet ; mais il tachera de le trouver, et alors il le lui enverra. »
Vous me parlez de l’état des esprits en France. Est-ce un réveil ? Est-ce seulement un sommeil agité ? Ah, si mes espérances pouvaient être au niveau de mon désir ?
Madame Louis Blanc se rappelle souvent, et toujours avec un vif sentiment de sympathie, votre gracieuse visite. Elle vous envoie ses affectueux compliments.
J’y joins les miens.
Louis Blanc
4No 6404 – 631
« L’avenir »
Imprimerie J. JORIS
à LUXEMBOURG – 12, rue Wildreim
Luxembourg, 4 juillet 1871
Madame,
Μ. V. Hugo vient de nous envoyer votre admirable lettre sur les événements de Paris, et je sors d’en corriger les premières épreuves. Sauf quelques réserves que la ligne du journal et sa situation dans le pays nous commandent, je suis heureux de vous exprimer combien cette lecture m’a charmé. Vous voyez les choses de haut et vous les jugez avec justesse et impartialité.
Peut-être cependant M. Thiers aurait-il droit à un peu plus de ménagements. Il ne faut pas oublier qu’il tient en ce moment à la réaction et que les concessions qu’il est obligé de lui faire ne sont rien en comparaison de ce que nous aurions s’il descendait du pouvoir.
Le moment de Gambetta viendra. Mais sachons attendre.
Strasbourgeois, je hais avec passion les hommes dont l’incapacité ou la trahison ont amené la cession de ma ville natale.
Républicain depuis que je sais tenir une plume, je hais encore tout ce qui de près ou de loin rappelle un trône.
Mais, je le répète, en ce moment M. Thiers est nécessaire à la République. Conservons le en attendant Gambetta.
Permettez-moi, Madame, de vous joindre à la présente un ouvrage que je viens de faire paraître et dont Μ. V. Hugo a bien voulu accepter la dédicace. C’est un hommage qui vous est dû.
Recevez, Madame, l’expression de mes sentiments de respectueux hommage.
Bloch
Rédacteur en chef de l’Avenir International
5No 6404 – 636
Théâtre National de l’Odéon
Madame,
Pardonnez-moi de ne pas répondre exactement à toutes les lettres que vous me faites l’honneur de m’écrire – vous savez ! le théâtre de l’Odéon ne donne pas de doux loisirs à ses Directeurs.
Je vous l’ai dit et sais que vous le désirez, je le répète, bien clairement. Pardonnez à un homme qui ne veut pas mentir – vous avez un charmant esprit qui doit comprendre toutes les raretés. Oui, je le répète courageusement. Dussiez-vous attirer sur ma tête directoriale toutes les tempêtes littéraires, votre tragédie dans laquelle il y a de grandes beautés ne me paraît pas pouvoir réussir sur le théâtre de l’Odéon. Mais je vous ai dit aussi et je vous répète que si le comité reçoit, je me conformerai à sa décision – que si Mr Frederick Lemaître veut pour le rôle principal comme vous me l’avez affirmé, je suis heureux de saisir cette occasion pour l’engager.
Civilités respectueuses.
Bocage
6No 6404 – 637
Chère Madame,
J’aurais attendu bien votre visite, mais je me suis mépris. J’ai cru que vous écrit huit h. du matin.
Vous savez que j’ai toujours saisi avec empressement l’occasion de vous être agréable, vous auriez donc une lecture tout de suite si le comité fonctionnait à nouveau, mais point ; nous ne ferons de travaux que pour l’automne et l’hiver et nous emploierons tout l’été à préparer.
Agréer, Madame, l’assurance de mon respectueux dévouement.
Bocage
7No 6404 – 769
Correspondance de BERANGER Pérottin
Exécuteur testamentaire et légataire universel de Béranger
41 rue Fontaine Molini
Paul Boiteau
108 rue du Cherche Midi
Paris le 2 mai 1839
Madame,
J’ai eu l’honneur de m’adresser à vous pour vous demander si vous vouliez bien nous permettre de classer dans la Correspondance générale de Béranger les lettres que vous avez publiées vous-même.
S’il m’était permis d’exprimer un regret dans le cas où vous ne croiriez pas devoir nous aider dans l’achêvement de notre entreprise, j’oserais dire que la générosité supérieure de vos sentiments et de vos idées, marquée tant de fois dans vos poésies, nous avait fait espérer votre concours et qu’il nous avait semblé que vous étiez trop bien dévouée à Béranger pour ressentir quelque mécontentement de ce qu’on avait pu dire de votre recueil particulier.
Au moment où quelques uns des amis de Béranger ont blâmé ceux qui publiaient isolément ses lettres, il n’était pas encore question de recueillir sa correspondance générale.
Aujourd’hui, c’est presque en amitié une question de patriotisme que de servir tous, les plus considérables comme les plus humbles, cette grande mémoire à laquelle ont manqué de respect tant d’ennemis et autour de laquelle ne se sont pas rangés, dans le premier moment, avec un zèle égal et une résolution concertée, ceux qui devraient repousser toutes les attaques.
Je vous prie de croire, Madame, à la sincérité de mes respects et d’agréer les salutations les plus empressées de
Votre très humble serviteur
Paul Boiteau
8No 6404 – 905
Comédie Française
Madame,
Vous pourrez lire mardi votre comédie ; mais en même temps j’ai le regret de vous annoncer que malgré tous les efforts que j’ai faits, je n’ai pu comprendre dans le no de La Revue du 1er 7bre votre travail sur Mme Duchâtelet.
Les travaux de cette étendue (près de 3 filles) sont très difficiles à placer, et vous n’êtes pas seule dans ce cas, car M. Vivrin, pour un travail moins étendu, attend également depuis plusieurs mois. Du reste, je vais tâcher de me procurer des articles courts qui me permettront de ne plus vous faire attendre et j’espère que le no prochain verra paraître Mme Duchâtelet.
Agréez, Madame, l’assurance de mes sentiments respectueux et dévoués.
Buloz
(31 août)
9No 6404 – 1016
Paris 23 novembre 1845
Je serais très heureux, Madame, de pouvoir faire ce que vous désirez : malheureusement, je suis loin d’avoir l’autorité que votre politesse me veut bien accorder et je n’ai pas la présomption de me croire un juge dont le public accepte les (?). S’il ne s’agit que de mon opinion particulière, je pense qu’une femme qui a écrit la consolation à un poète américain, l’élégie sur un vieux père mourant a droit à tous les suffrages. Mais, Madame, ce sont les poètes qui doivent annoncer un poète : choisissez parmi ceux qui ont de la gloire, ils tiendront à honneur de prédire celle de la belle et jeune nièce de Révoil.
Agréez, Madame, je vous prie, mes sentiments les plus sincères et mes respectueux hommages.
Chateaubriand
No 6404 – 1019 | |
adressé à Madame Louise Colet | (sur l’enveloppe : levée de 8 levée du matin (7) juillet 184(6) |
10Je me suis trouvé à l’imprimerie, Madame, quand il s’est agi de savoir si l’on ferait passer vos vers, envoyés par vous au journal depuis huit jours, m’a-t-on dit, malgré le conseil que je vous avais donné. En voyant, je ne dirai pas avec plaisir, ce ne serait pas poli, mais avec un sentiment de réel intérêt pour vous, que vous aviez rayé mon nom dans vos vers, j’ai fortement (insisté ?) pour qu’on les insérât, et je viens, à l’instant même, d’en revoir soigneusement l’épreuve. Indépendamment du vers faux que je vous avais signalé déjà et qui se trouvait dans le passage retranché, il en était resté un second : Et ces voix ont parlé aux âmes endormies, coupable d’un hiatus grossier. Nous l’avons remis sur ses pieds tant bien que mal. Malgré votre réussite, Madame, il me reste cependant à vous dire que je persiste dans ma première opinion, c’est-à-dire que vous auriez mieux fait de ne pas publier ces vers, qui ne me semblent pas dignes de tant d’autres signés par vous. Je sais trop combien vous appréciez la franchise et je (vous ai) trop bien montré d’ailleurs, comment je loue vos vers quand ils me semblent mériter (des) éloges pour ne pas vous exprimer (franchement) ma pensée sur les derniers nés de votre muse.
Agréez, Madame, toutes mes civilités empressées et dévouées.
Jacques Chaude(sic) Aigues
Dimanche soir.
11No 6404 – 1021
Il n’a pas dépendu de moi, Madame, de répondre plutôt à votre dernière lettre ; des affaires très nombreuses, sans compter d’autres causes parmi lesquelles je dois, pour être franc, faire entrer aussi ma paresse, m’en ont empêché. D’ailleurs, il était un point de votre lettre au sujet duquel je voulais absolument des éclaircissements, attendu que je n’ai pas pour habitude de me laisser manger la laine dans le dos, et que j’ai, au contraire, pour maxime invariable de rendre cent coups de bâton pour un coup d’ongle. J’ai donc dépéché un de mes amis auprès de Maxime Houssaye, lequel s’est défendu comme un beau diable d’avoir fait, lorsqu’il refusa et rendit vos vers à (B)arthélemy, la moindre allusion à mon nom. Sa raison justificative m’a semblé, du reste, assez plausible ; – comment, a-t-il dit à mon envoyé, aurais-je pu mal parler, sans me faire tort à moi-même, d’un écrivain qui figure parmi les collaborateurs de mon journal ? Et en fin de compte il a nié catégoriquement (sic) et énergiquement le propos dont me parle votre lettre, et n’a point hésité à dire, et à m’autoriser à dire, que vos ambassadeurs en avaient menti. – quant à mon prétendu changement d’opinion sur vos vers à (B)arthélemy, Madame, je pourrais, si j’avais du goût pour les faux-fuyants, chercher mon excuse dans la différence que présente, comme perspective, une œuvre manuscrite ou imprimée ; j’aime mieux vous avouer crûment et naïvement ce qui en est, à savoir : que, pensant que vous ne trouverez pas à faire publier cette médiocre pièce, au moins me semble-t-il convenable, par égard pour une intention polie à mon sujet, de vous en faire compliment. L’exagération même du compliment me semblait, à tout prendre, une manière indirecte et délicate de vous exprimer ma véritable pensée. Je vois que je me suis trompé et que tous les poètes prennent au sérieux les louanges qu’on leur adresse, même quand l’hyperbole y frise légèrement l’ironie. Une de nos précédentes lettres m’avait déjà appris, par certains mots dont j’eus l’occasion de vous entretenir plus tard, que vous étiez une femme absolument pareille à toutes les autres ; votre dernière lettre m’apprend que vous n’êtes pas différente du vulgaire des poètes ; tant pis pour vous ! quant à moi, cette double illusion que je m’étais faite sur votre compte n’avait pas encore des racines assez profondes dans mon esprit pour que j’aie souffert le moins du monde à la perdre ; aussi est-ce sans regret, et avec la plus sereine indifférence que j’ai l’honneur, Madame, de déposer mes respectueux hommages à vos pieds.
Jacques Chaudes Aigues
Je vous demande pardon de ne vous avoir point encore rendu les satires de Salvator Rosa ; avant que peu de jours s’écoulent, j’aurai l’honneur de faire remettre ce volume chez vous.
Mercredi 15 juillet 1846.
12N° 6404 – 1023 Je vous demande mille pardons, Madame, de ne point aller moi-même donner les explications suivantes ; mais je suis écrasé d’affaires de toute sorte, le temps me manque, et je vous écris ceci en courant.
Vos vers sont très beaux, très noblement pensés, très nettement écrits. Cependant, quelque reconnaissance que je vous doive pour l’honorable mention de mon nom que vous avez bien voulu y faire, je vous dirai franchement, et sans périphrases, qu’il m’est impossible de les présenter au Courrier français. Offerts par moi, ils seraient immanquablement refusés ; car, Madame, la circonstance m’oblige à vous le dire pour que vous ne croyiez pas à la mauvaise volonté de votre serviteur très humble, j’ai eu mille désagréments au Courrier Français à cause de vous. On m’y a très crûment et très vertement reproché mon enthousiasme à votre égard ; on a cherché à cet enthousiasme mille causes absurdes : plutôt que d’y voir la vraie, c’est-à-dire le talent réel dont témoignent vos Chants des vaincus ; on m’a dit que j’aurais dû au moins faire quelques graves réserves ; bref, les choses ont été au point qu’une rupture entre le journal et moi a failli éclater J’ai (?) Madame, que ma recommandation vous serait d’une utilité fort mince, et qu’il y a même peu de chances pour vous, soit dit toujours sans périphrases, à les envoyer directement au Courrier Français. Si je vous dis si nettement les choses, vous apprécierez mon intention, je l’espère, qui est tout uniment de ne pas vous laisser vous exposer à un refus.
Je profite de l’occasion pour vous avertir que, dans la copie que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser et que je vous renvoie ci incluse, il se trouve un vers faux. C’est le vers qui précède immédiatement celui où mon nom se trouve, et que voici :
« Taillandier, Ferrari, Cyprien Robert.
J’imagine que vous vous êtes trompée en recopiant et que vous avez voulu mettre
Ferrari, Taillandier et Cyprien Robert.
Je vous avertis, en outre, que votre papier sent le musc d’une façon intolérable, tellement que je suis entété et étourdi tout à fait pour l’avoir tenu un quart d’heure entre les mains. Jettez au feu bien vite, ou par la fenêtre, puisqu’on ne fait pas de feu en ce temps-ci, l’affreux sachet que vous tenez probablement sur votre boîte à lettres, et, à la place, mettez du cuir de Russie. Le musc n’est pas fait pour une jeune et jolie femme comme vous.
Je voulais vous écrire un mot, Madame, et me voici courant au trop allongé sur ma troisième page : excusez ma prolixité, en faveur de l’intérêt que je porte à ce qui vous touche, et croyez-moi, je vous prie, votre dévoué serviteur.
Jacques Chaudes-Aigues
P.S. – Il me semble que vous pourriez, au lieu de vous adresser à l’esprit public, vous adresser à l’artiste. Je ne doute pas un seul instant que cela n’allât parfaitement à ce journal – à propos ! mille remerciements pour l’envoi du feuilleton de l’Époque.
Lundi soir.
13No 6404 – 1055 (Cornet)
L’ANE SAVANT
Tenant école pour tout le monde
Bureaux du journal | |
Impasse Mazapan, 6. | Paris le 26 (septembre) 18(5)6 |
Boulevard Bonne Nouvelle |
14Madame,
J’apprends que vous avez fait demander, pour les corriger, les épreuves de la copie que vous avez eu la bonté de me remettre. Mais votre article Industrie ne contenant que l’annonce d’un magnifique travail d’orfevrerie, curieux sans doute, mais dont la description minutieuse est tout à fait dans l’intérêt du fabricant, nous avons craint que nos lecteurs ne prissent cet article pour une réclame largement payée.
Quant aux Stances : quelles que (sic) belles qu’elles soient, c’est un genre de poésie qui ne plaît pas à la généralité des lecteurs ; et nous, nous abstiendrons d’insérer des vers dans notre Recueil, toutes les fois qu’ils n’auront pas pour objet les matières que nous nous avons promis de traiter dans notre Programme, à moins qu’ils ne soient l’expression animée d’un sujet spécialement intéressant.
J’ai donc à vous témoigner, Madame, le regret que j’éprouve de n’avoir pu enrichir notre premier numéro d’un article signé de vous.
Je vous prie, Madame, d’agréer mes hommages respectueux.
Le Docteur Comet
15No 6404 – 1056 (Comet)
Enveloppe : Madame Lse Colet
rue de Sèvres 21 Paris
1° distribution 8 janvier 57 | |
même en-tête que 1055 | Paris, le 7 janvier 57 |
16Madame, Je retrouve dans mes papiers une petite lettre de vous à laquelle je m apperçois(sic) que je n’ai pas répondu. Veuillez excuser ce retard involontaire causé par les occupations multipliées que me donne notre nouvelle publication.
Permettez-moi, Madame de vous faire remarquer qu’il n’a pu être convenu que le prix de rédaction serait de 25 frs par article puisqu’un article de dix lignes aurait ainsi droit à une rémunération égale à un article de deux ou trois cents lignes. Mais je vous ai entendu dire, je compte sur 25 frs par page. C’était à peu près le prix que nous avions l’intention d’attribuer à la rédaction que vous nous proposiez, puisque nos colonnes contiennent 68 lignes en caractère petit texte. La moyenne était donc de 12 f la colonne à 15 ces la ligne ? Je vous donne ces détails, Madame, pour vous prouver que vous aviez mal compris et que même à 25 frs par page, vous n’auriez pas pu avec votre copie en former une, ce qui aurait réduit de beaucoup votre espérance de vous faire, comme vous le dites, cent francs par mois.
Je vous ferai remarquer encore, Madame, que les matières traitées comportent une rémunération (différente ?) et vraiment l’industrie est celle qui se rétribue toujours le mieux.
Du reste, je n'ai pas l’intention de marchander avec vous madame, je vous allouerai ce que raisonnablement vous jugerez à propos de nous réclamer pour votre article que nous n’insèrerons pas pour satisfaire au désir que vous m’exprimez.
La copie manuscrite a été lacérée, comme d’usage, à l’imprimerie et je ne puis vous la renvoyer ; mais vous avez l’épreuve imprimée de votre article industrie.
La copie de vos vers, je crois bien vous l’avoir renvoyée dans ma première lettre ; si je me trompe et que je la retrouve dans mes papiers, je m’empresserai de vous la faire parvenir.
Recevez, Madame, l’assurance de mes sentiments respectueux.
Le Docteur Comet
17No 6407 – 2911
Madame,
J’ai reçu la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’adresser avec les livres que vous avez bien voulu y joindre. Je n’ai pas répondu à l’instant même parce que je partais pour la campagne. De retour depuis ce matin je devais repartir d’ici à 15 jours ou trois semaines pour un petit voyage. Je me trouve dans la nécessité d’achever plusieurs ouvrages avant mon départ. C’est donc le temps qui me manquait absolument pour le dessin que vous avez la bonté de me demander. Si par hasard votre ouvrage devait paraître un peu plus tard, vous ne doutez pas, Madame, de mon empressement à essayer une composition dont le sujet serait tiré d’un de vos ouvrages, malgré mon peu d’aptitude pour ces sortes de travaux qui doivent par leur nature même s’adresser à un grand nombre de gens. Je vous avoue même que jusqu’ici mes essais dans ce genre et particulièrement dans l’artiste ont toujours été malheureux. Plusieurs de mes dessins n’avaient pas paru avoir le degré de clarté ou de rendu nécessaire, et par conséquent avaient été supprimés – je n’en persisterais ?) pas moins à vous être agréable autant que possible en vous offrant un accompagnement dont vos ouvrages n’ont assurément pas besoin, si la publication devait avoir lieu dans un moment où j’aurais assez de temps pour rendre ma composition moins indigne de l’a (?) de lecteur de l’artiste.
Permettez-moi, Madame, de vous renouveliez avec mes remerciements pour l’envoi que vous avez bien voulu joindre à votre lettre, l’expression de la plus haute considération et l’hommage le plus empressé.
Eug. Delacroix
le (ce) 16 juillet 1838.
18No 6407 – 2835
Madame,
J’ai été fort contrarié de ne pas me trouvez chez moi lorsque vous avez pris la peine d’y passer.
Voici Madame quelles sont mes dernières conditions pour votre volume sur l’Italie1 : je donne des ordres pour que, (à ?) votre reçu, quatre cent cinquante francs vous soient remis contre le manuscrit (plus) 450 F, (soldant) les neuf cents francs pour (solde) d’un tirage de deux mille, vous seront (comptés) lors de la remise du manuscrit à l’imprimeur.
Veuillez bien agréer, Madame, l’assurance de ma plus haute et respectueuse considération.
(E)Dentu
Ce 19 juillet 61.
19No 6408 – 3102
à Madame Colet-Revoil
Vous avez remporté, Madame, une victoire
qu’imprudemment j’avais voulu vous disputer,
et j’aime à reconnaître en vous la double gloire
de l’avoir obtenue, et de la mériter.
J’ai vu votre succès, sans en verser de larmes
il fut grand, il fut juste, et, dans le fond du cœur,
vaincu respectueux, je trouve encore des charmes
à déposer mes armes
aux pieds de mon vainqueur !
14 juin 1839 | Camille Doucet |
Attaché au cabinet du Roi aux Tuileries |
20No 6408 – 3108
Ministère de la Maison de l’Empereur et des beaux-arts
Surintendance générale des théâtres
(adressé à Monsieur Cousin en bas du 1er juillet)
Palais des Tuileries le 30 Xbre 1869
Monsieur et illustre maître,
Permettez-moi de me rappeler à votre bon souvenir en vous annonçant qu’une pension de 600 francs vient d’être accordée sur nos fonds à Made Colet. Ce qui, avec les 1500 frs qu’elle a déjà au Ministère de l’Instruction Publique, dépasse le chiffre de 2000 F, objet de sa convoitise.
J’ai été heureux de saisir la première occasion favorable pour tenir ma parole et m’acquitter avec vous.
Jouissez du soleil de Cannes que nous vous envions et tâchez d’oublier là bas qu’un de vos protégés marseillais se présente à l’Académie.
Pardonnez moi cette plaisanterie de candidat et veuillez agréer, avec mes vœux de nouvel an, la nouvelle assurance de mon dévouement très respectueux.
Camille Doucet
21No 6408 – 3195
Ma chère amie,
J’ai lu avec grand soin votre petite comédie, elle est fort belle comme vers et je crois que vous en ferez quelque chose de fort poli, comme pièce, en y pratiquant quelques changements indiqués (?)
Les deux scènes ou Lucie et Octave relisent leurs lettres se ressemblent trop : peut-être cette similitude est-elle intentinnelle chez vous mais je ne la crois pas de bon effet au théâtre.
Il y a aussi des longueurs dans la 1ère scène du 1er tableau et aussi dans la première scène du second.
Je vous engagerais aussi à retrancher les Nubiennes qui sont plates et la Belle Fontaine ; ces choses-là sont choquantes. (...)
Vous m’excuserez de vous donner aussi franchement mon opinion : on n’est franc qu’avec de bons amis.
Je ne vais pas vous voir parce que je suis tenu ici à faire de la copie ; dès que j’aurai fini, j’irai vous serrer la main, me mettre à votre disposition.
Vous savez que je suis
tout à vous.
Maxime
22No 6408 – 3435
Versailles 1er février 1872
Chère Madame,
J’ai parlé hier à M. Barthélémy Saint Hilaire mais je n’ai point eu à ma louer du résultat de ma démarche. A peine avais-je prononcé votre nom qu’il s’est écrié : « Nous avons déjà beaucoup fait pour Madame Colet ! » A quoi j’ai répondu que vous m’aviez dit tout le contraire et que votre pension n’avait pas même été reportée au chiffre de 2000 F. Nouvelle exclamation de sa part « Vous ne savez pas tout » a-t-il ajouté. « Enfin qu’avez-vous fait ? ». A cette question de ma part, il s’est lancé dans une explication assez confuse. Tout ce que j’ai compris est que vous auriez reçu une somme de 3000 F. non tout à fait à titre de pension, mais renouvelable chaque année sur je ne sais quels fonds de l’État. Comme j’ignorais absolument le fait, je n’ai pu le démentir ni le discuter. Il paraît néanmoins que ma physionomie exprimait un certain doute ; car il m’a répété plusieurs fois : « Je vous l’affirme ».
Dans cette situation que dois-je faire ? Il est extrêmement difficile de défendre une cause qu’on ne connaît point. Ou je me suis étrangement trompé, ou d’après l’assertion de Barthélémy Saint Hilaire cette somme de 3000 F aurait été accordée il y a quelques mois par le gouvernement de M. Thiers, à peu près vers l’époque où je lui parlai de vous pour la première fois. Je me perds dans ce labyrinthe.
Je suis obligé d’assister dimanche prochain à une réunion politique qui aura lieu le soir à Versailles. Je ne puis donc me rendre ce jour là à votre aimable invitation. Mais je vous verrai très prochainement car je tiens à éclairer le mystère qui plane sur mon entrevue avec Barthélémy.
Ma chère compagne vous présente ses amitiés, Agréez je vous prie encore une fois l’expression de mon inviolable attachement et de mon admiration.
Alphonse Esquiros
23No 6408 – 3437
Versailles 3 février 1872
Chère Madame,
Je suis désolé de ce malentendu et je ne vous aurais point répété les paroles de M. Barthélémy Saint Hilaire si j’avais compris qu’il s’agissait d’arrangements antérieurs qui n’ont absolument rien à faire avec les fonds de l’État. En me répondant ce que je vous ai dit, il s’est évidemment réfugié derrière une équivoque. Ce mot nous avons fait devait être interprêté ainsi nous hommes du pouvoir. Je ne m’adressais pas à lui personnellement je m’adressais au secrétaire du Président de la République. La réponse qu’il m’avait fait il y a six mois sur un tout autre ton, celui de la sympathie et de la bienveillance devait me confirmer dans cette idée que le gouvernement s’était intéressé à vous ce qui aurait été juste et naturel. Quant au chiffre de 3000 F si je l’ai répété deux fois dans ma lettre c’est qu’il m’a été cité à plusieurs reprises et pour ainsi dire jeté à la tête comme un argument contre mes réclamations. Je me doutais parfaitement qu’on jouait sur les ambiguïtés mais n’ayant point de preuve matériel (sic) à apporter, j’ai dû attendre votre explication. Tout ce qu’il me reste à faire maintenant est de revoir M. Barthélémy Saint Hilaire et de lui dire : « ou je vous ai mal compris ou vous m’avez trompé ». En lui disant vous n’avez rien fait pour Madame Louise Colet, je ne m’adressais ni à M. Barthélémy Saint Hilaire, ni aux liquidateurs de la succession de M. Cousin ; je m’adressais évidemment au membre du pouvoir exécutif. C’est au gouvernement que je rappelais sa promesse et non à l’héritier du philosophe.
Vous avez bien fait d’écrire à M. Mignet et la lettre lui sera remise.
Nous regrettons beaucoup ma compagne et moi de ne pouvoir nous réunir Dimanche autour de votre table, mais j’aurai le plaisir de vous rendre visite la semaine prochaine.
Veuillez croire à mes inaltérables sentiments d’amitié et à la peine que j’éprouve de n’avoir pu mieux réussir dans ma démarche.
Alphonse Esquiros
24No 6408 – 3534
Paris 16 août 1854
Madame,
On me communique aujourd’hui seulement les lignes beaucoup trop bienveillantes que vous avez écrites sur un petit livre de moi. Cela vous expliquera le retard que j’ai mis à vous envoyer l’expression de ma gratitude. Je suis fier de voir un poète tel que vous me louer et prendre ma défense. Je suis heureux de pouvoir placer vos louanges en regard de certains articles très nombreux et peu polis qui ne m’ont pas épargné depuis que je me mêle d’écrire.
25Recevez donc mes sincères remerciements et veuillez agréer, Madame, les hommages respectueux que je mets à vos pieds.
E. Feydeau
26No 6410 – 4175
Paris le 8 août 1853
Madame,
J’ai lu avec attention les feuillets que vous nous avez remis pour l’impression.
Me permettez-vous de vous soumettre encore quelques observations ? Je désire vivement que votre livre soit bien accueilli de nos jeunes lecteurs ; mais pour obtenir ce succès, nous ne devons ni l’un ni l’autre plaindre nos peines.
1° – Pascal et sa sœur Jacqueline. Les deux sœurs ayant marqué toutes deux une grande précocité d’intelligence, le titre pourrait être modifié ainsi qu’il suit : Pascal et ses sœurs.
Je vous propose de supprimer le début. (16 lignes) Vous pourrez en tirer parti pour la préface. L’histoire de la sorcière ne peut être maintenue. Vous ne pourriez tout au plus qu’y faire allusion en quelques mots. Avez-vous donc envie que les enfants croient qu’on jette des sorts, qu’une sorcière peut par le sacrifice d’un animal détourner la mort qu’elle a encotée à un enfant. Ne prenons que les beaux côtés dans les grandes figures que nous présentons à nos lecteurs et laissons dans l’ombre les petits défauts et surtout les erreurs du temps.
Enfin le récit se termine trop brusquement. Il serait bon de revenir encore un peu à Pascal.
2° – Les premiers exploits d’un grand capitaine.
Pour l’uniformité, il faudrait intituler simplement le récit Duguesclin.
3° – Pic de la Mirandole. Il y a encore bien du romanesque dans le récit et il eût mieux valu se tenir plus près de l’histoire.
4° – La rançon du génie.
Je vous propose comme je l’ai fait pour Duguesclin, de donner à ce récit le simple titre de Filippo Lippi.
Observations plus générales. Ranger les récits par ordre chronologique. Les faire précéder d’un petit exposé historique qui sera imprimé en plus petits caractères et qui fera connaître l’époque à laquelle a vécu l’enfant dont on va parler et les principaux personnages dont il a été le contemporain.
Enfin, et j’espère que cette dernière demande ne vous donnera pas un trop grand émoi, j’ai reconnu que la matière fournie ne donnera pas un volume d’une grosseur suffisante et qu’il est indispensable de le grossir d’au moins moitié, à la charge pour nous bien entendu de vous tenir compte pour cette première édition de ce supplément de travail. Il faut donc que vous cherchiez deux ou trois autres sujets à traiter parmi les noms des enfants célèbres. Je vous désignerai par occasion Mozart qui encore enfant retint, je crois, la fameuse Stabat de Pergolese dont il entendit la première exécution.
Je vous fais donc remettre la copie que vous nous aviez livrée. Nous attendrons impatiemment qu’elle nous revienne revue et augmentée pour la remettre aux mains des imprimeurs.
Veuillez, Madame, agréer l’assurance de mon respect.
L. Hachette
Il y aurait encore un autre moyen de grossir le volume.
Vous vous borneriez à traiter un 5ème sujet : mais vous réuniriez un certain nombre de traits, de réponses, attribués à l’enfance d’hommes devenus célèbres.
27No 6411 – 4894
Madame,
Je suis ici comme un oiseau sur la branche. J’ignore si j’y resterai. Je n’ai plus qu’une idée ; c’est que nous devons agir. J’épuiserai tout ce qui me reste de forces et d’activité pour atteindre ce but.
Écrivez, et travaillez de votre côté, autant que possible. Il ne faut pas que la force brutale l’emporte ainsi sur la pensée. Nous serions réellement dignes, si cela durait, d’une invasion de barbares.
Adieu, Madame, à vous de cœur.
Joseph M.
Déc. 12-56
28No 6411 – 4898
Lundi
Londres
Que pense-t-on en France pour l’avenir immédiat ? Croit-on au rappel de la loi du 31 mai ? ou bien à un Coup d’État ? parle-t-on du projet Delamarre ? que voit-on poindre enfin sur le plus prochain horizon ? Dites m’en quelque chose la première fois que vous avez la bonté de m’écrire. J’ai vu, je vois quelques-uns de vos hommes parlementaires. Ils me paraissent avoir perdu entièrement la boussole et ne rien comprendre à ce qui s’agite et frémit autour d’eux. Nous marchons vers une insurrection européenne. Il ne s’agit pas de savoir si la France peut ou non ravoir par une tactique quelconque, une partie de ses libertés, mais de savoir si la France prendra son rang dans la grande bataille. Vos montagnards ne me paraissent nullement s’en préoccuper.
Adieu, Madame, croyez moi votre bien dévoué.
Jos. Mazzini
29No 6411 – 4902
30 mai
Londres
108 High Holborn
Madame,
Vous avez fait de bien beaux vers, Madame, mais la louange d’un étranger ne peut guère vous flatter. J’aime mieux vous dire que vous avez fait une bonne et sainte action ; non seulement parce que les hommes au souvenir desquels vous vous êtes inspirée méritent réellement, par leur vie et par leur mort, par leurs pensées et leurs actions, estime et respect de toutes les âmes d’élite comme la vôtre, mais par ce que vos vers, lus par nos amis en Italie, contribueront à les soutenir, à les raffermir dans une lutte qui se poursuit pour eux en silence et sans gloire et dans laquelle ils doivent éprouver bien souvent le besoin d’entendre quelques paroles de sympathie et d’encouragement. L’expression de ma reconnaissance individuelle est bien peu de chose, mais telle qu’elle est, veuillez l’accepter pleine et entière.
Croyez, Madame, au dévouement de votre très obéissant serv.
Joseph Mazzini
30No 6411 – 4900
Chère Madame Colet,
J’ai lu quelques chapitres de Brutus. Je ne conçois pas l’impossibilité de trouver un éditeur en Belgique. J’essayerai.
Dites à nos frères de France qu’en Italie, nous marchons rapidement à la République ; que le parti d’action se réorganise en ce moment sous ce drapeau ; et que nous serons sous peu en mesure de saisir la première opportunité qui nous viendra soit de l’extérieur, soit de l’intérieur. A eux d’aviser. Qu’ils pensent bien que l’union de la France et de l’Italie c’est l’émancipation de l’Europe et qu’une collision entre elles au sujet de Rome serait le triomphe du despotisme impérial sur l’une et sur l’autre.
Joseph Mazzini
George Cooke, Esq II (Through morton) Street
City E.C. London – Dimanche soir
31No 6411 – 4908
Madame,
Vous nous avez adressé de belles et fortes pensées dans la lutte : nous ne vous oublierons pas dans la victoire.
Votre dévoué
Jos. Mazzini
Samedi soir
2 Sidney Place Brompton
32No 6412 – 5097
Madame,
Je ne voulais pas me borner à ce que vous m’avez fait l’honneur de me demander, et j’avais pensé à parler au ministre de la souscription elle-même. C’est parce que je n’en ai pas attendu le moment que ma réponse s’est fait attendre. Malheureusement, je n’ai pas encore vu le ministre, et il serait impossible de vous rien dire de certains sur ce qu’il fera. J’espère qu’il suffira de lui rappeler votre désir, pour qu’il y ait égard, et qu’il ne me laissera que le mérite de le lui rappeler.
Je dois bien des remerciements à Clair pour l’opinion obligeante qu’il vous a donnée de moi, et j’aime à croire qu’il n’a pas oublié parmi les choses qui peuvent me mériter une place dans votre souvenir les sentiments personnels que je le lui ai si souvent exprimés pour l’auteur de Penserosa.
Veuillez agréer, Madame, l’hommage de mon respect.
Désiré Nisard
Ce 6 mai 1843.
33No 6412 – 5100
Nisard
Madame,
J’aurais été heureux de pouvoir vous annoncer comme je l’espérais, que M. Villemain ne m’avait laissé que le soin bien agréable de lui rappeler votre vœu. Mais la seule chose que j’aie été chargé de vous dire, c’est que le ministre mettrait du prix à vous voir ; il doit vous parler d’abord de votre poême sur Molière ; et puis, je n’en veux pas douter, il veut vous annoncer la souscription. Prenez donc la peine de venir un de ces matins. Le moment le meilleur est vers dix heures.
J’ai mieux à faire qu’à vous remercier du don que vous avez bien voulu me faire de votre dernier volume. Je puis vous (devoir ?) mes compliments sincères, pour le beau langage que vous faites tenir à Charlotte Corday et à Madame Roland, deux des plus intéressantes victimes de l’échafaud révolutionnaire.
Permettez au classique endurci d’en louer particulièrement la simplicité et l’exactitude. C’est un mérite devenu bien difficile et bien rare dans un temps où, en toutes choses, on se contente de l’à peu près. C’est de ce côté, Madame, si vous voulez bien en agréer le conseil, que vous devez porter tout l’effort de votre beau talent. Là est à mon avis l’originalité.
Agréez, Madame, l’hommage bien particulier de mes sentiments les plus distingués.
Désiré Nisard
Ce 2 juin 1843
34No 6412 – 5218
Madame,
Vos vers sont si beaux, je suis si fier d’y avoir une place glorieuse, l’édition est si magnifique, le don est si aimable, que je n’ai point d’expression pour vous exprimer, Madame, toute ma reconnaissance. Souffrant comme je suis, la poésie me fait encore du bien ; la vôtre m’en fait beaucoup. Je remercie de tant de bonté. Je bénis aussi l’éditeur mystérieux. L’hommage qu’il vous rend, Madame, est digne de vous. C’est sans doute le charme de vos vers qui lui a inspiré une pensée extrêmement bienveillante à mon égard.
Soyez aussi heureuse que vous êtes distinguée par votre génie et que vous êtes indulgente pour moi ! C’est un vœu immense.
Votre très humble et très obligé serviteur et admirateur
Silvio Pellico
Turin 26 mai 42
35No 6412 – 5346
A Madame Louise Colet
Madame,
Nous avons reçu, mon fils et moi, la brochure que vous avez eu l’obligeance de nous faire parvenir, et nous vous en remercions de tout cœur.
On ne saurait écrire avec plus de courage, plus de verve et plus de vérité : gardez vous bien de revenir en France, en ce moment. Loyola doit veiller sur vous ; je sens qu’il ouvre ses griffes.
Je vous demande la permission de vous adresser, un de ces jours, la nouvelle édition de mon Manuel Annuaire de la Santé ; croyez moi, traitez vous vous-même d’après ses principes ; et vous échapperez à un autre genre de loyolisme italien ; il est bon aujourd’hui de se prémunir d’avance et sans faire trop de bruit.
Agréez, Madame, l’assurance de notre sympathie.
F.V. Raspail2
Cachan Arcueil (Seine)
12 mars 1874 (21 Ventôse 82)
36No 6412 – 5432
Citadelle de Ré 5 février 1873
Madame,
J’ai gardé une vive impression des pages pleines de cœur et de générosité que vous venez de consacrer à notre pauvre République qui est si malade, et à moi qui ne me porte pas beaucoup mieux qu’elle.
Dans les situations comme celle où je me trouve, une parole amie et une ligne sincère suffisent pour vous faire oublier bien des calomnies et bien des injures et vous savez, Madame, si j’en ai à oublier. Heureusement les infamies des misérables qui m’outragent aujourd’hui jusque dans mes enfants et qui me brossaient mes paletots quand j’étais influent et populaire ont fini par perdre tout crédit.
Etre appelé assassin étant devenu la chose la plus ordinaire, n’être appelé qu’incendiaire et voleur devient un brevet d’honorabilité.
Oui, certainement, Madame, j’ai gardé précieusement le portrait de Mazzini, dont je vous aurais remercié depuis longtemps si j’avais su où vous adresser l’expression de ma gratitude. Encore un qui a son buste au Capitole après avoir été appelé cannibale pendant quarante ans de sa vie !
Il est probable que mon capitole à moi sera la presqu’île Ducot dans les sables de laquelle j’irai prochainement creuser ma tombe car n’ayant bien entendu adressé à aucune commission aucune demande d’aucune sorte, et défendant à ma famille de faire quelque démarche que ce soit auprès de qui que ce soit, il est plus que vraisemblable que les Orléano-Bonaparto-Légitimistes vont énergiquement réclamer mon embarquement un de ces matins.
Vous paraissez surprise dans votre excellent livre que les princes d’Orléans, anciens abonnés de la Lanterne n’aient pas intercédé en ma faveur ? Ils auraient bien tort, et ils n’ont d’ailleurs aucune envie de le faire, car il me serait impossible quoi qu’ils fissent de ne pas rester ce que je n’ai jamais cessé d’être, leur ennemi radical.
Sous l’empire où on était obligé de faire flèche de tout bois, même du serment, j’ai souvent remis sur le tapis le vol de leurs biens, sachant (...)exposait la bourgeoisie à la haine du gouvernement impérial. L’Empire tombé, les d’Orléans rentrent dans leur insignifiance. J’ai d’ailleurs pour moi de n’avoir jamais vu un seul de ces princes en taffetas gommé et d’ignorer absolument comment la tête d’un d’Orléans peut être faite.
Je vous devais ces explications, Madame, en même temps que je vous dois mille et mille remercîments pour le souvenir si charmant et si cordial que vous avez eu le courage, à ce moment de lâcheté générale, d’envoyer à un proscrit, à moins qu’un proscrit : à un mort !
Agréez, Madame, l’expression de tous mes sentiments de fraternité littéraire et politique.
Henri Rochefort3
Notes de bas de page
1 Il s’agit de l’Italie des Italiens publié en 4 volumes de 1862 à 1864.
2 A cette date, Raspail était député de Marseille.
3 Rochefort, arrêté le 20 mai 1871, avait été condamné, le 20 septembre à la déportation à vie dans une enceinte fortifiée, par le conseil de guerre. D’insistantes démarches de Victor Hugo, chez qui Rochefort s’était réfugié à Bruxelles en 1869, à l’époque où il était poursuivi pour La Lanterne, poussent Thiers à éviter qu’il ne soit immédiatement envoyé en Nouvelle Calédonie. Rochefort est finalement envoyé dans la péninsule Duclos en octobre 1873, d’où il s’évade le 20 mars 1874. Il ne rentre à Paris qu’après l’amnistie le 11 juillet 1880.
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014