Présentation
p. 169-172
Texte intégral
1Il existe beaucoup moins de lettres de Louise Colet que de lettres adressées à Louise Colet.
2Elle avait pour habitude, lorsque survenait une brouille avec ses amis les plus intimes, de leur demander de procéder à un échange de leur correspondance, ou de leur demander de détruire ses lettres. On peut supposer qu’ils ont généralement cédé à ses demandes mais qu’elle s’est abstenue de les imiter. Le fonds Colet du musée Calvet comprend à lui seul 6.094 feuillets de lettres reçues alors qu’il ne comporte que 971 feuillets de lettres qu’elle a envoyées. Dans cette somme importante, il y a quelques massifs notables, les lettres de Victor Cousin (1.562 feuillets), Leconte de Lisle (58 feuillets), Alfred de Musset (50 feuillets), Vigny (437 feuillets). Ces parties plus importantes sont exclues de l’échantillon qui figure ici parce qu’elles ont fait l’objet de recherches particulières1, ou doivent l’être de publications prochaines2.
3Les lettres qui suivent ne sont donc qu’un extrait fortement limité de cette vaste correspondance, où on espère que sera rendue plus sensible la vie quotidienne de cette « femme de lettres ». On y trouvera donc naturellement des exemples de ses rapports avec les imprimeurs ou les éditeurs de périodiques (Bloch, Boiteau, Buloz, Dentu, et le curieux Ane Savant du docteur Cornet), et des journaux où elle tentait de faire insérer un article, un poème, et parfois un roman : Brenna (Nazione) ; Chadeuil (Le Siècle), Chaudes-Aigues (Le Courrier Français)3 ; A d’autres moments, l’éditeur n’est pas encore trouvé et il faut le chercher (voir Louis Blanc, Mazzini), ou bien il convient d’ajouter une illustration à l’édition d’un poème (Delacroix). Le livre étant paru ou sur le point de paraître, une critique favorable est sollicitée (Louis Blanc, Chateaubriand) ou bien c’est Louise qui a favorablement rendu compte d’une publication (Feydeau).
4On trouve aussi un certain nombre de billets, liés à l’envoi de quelque livre en signe d’hommage ou d’amitié ; ces billets sont moins intéressants par leur contenu, généralement attendu, que par leur diversité, nous nous contentons de quelques exemples assez éloignés parce qu’ils indiquent certaines constances chez Louise Colet (de Silvio Pellico à Mazzini). Nous avons, pour cette raison, conservé le petit hommage à Camille Doucet, qui fut en 1839 son rival malheureux dans le premier prix littéraire que Louise remporta (il s’agissait du poème sur Versailles ; voir à son sujet la lettre sans ambiguïté de Louis Blanc 15 juin 1839). Nous rencontrons le même Camille Doucet trente ans plus tard, mais il s’agit alors de procurer à Louise des subsides ministériels (décembre 1869) ; car les soucis financiers que nous avons relevés au sujet du mémento tiennent une large part dans la correspondance également : on en jugera par les exemples que nous donnons à différentes époques de la vie de Louise (Nisard 1843, Doucet 1869, Esquiros 1872). Très soucieuse de ses deniers, Louise l’était aussi de ses prérogatives d’auteur et se trouvait souvent prête à batailler pour les défendre : cet aspect de Louise étant plus connu4, nous ne le relevons pas ici. Plus heureuse en vers qu’au théâtre, Louise Colet a pourtant essayé, à plusieurs reprises, d’obtenir par un succès dans divers théâtres, la consécration attachée à un auteur dramatique ; on trouvera ici un refus de l’Odéon (Bocage).
5Certains aspects de la vie de Louise Colet (ses rapports avec Hugo pendant l’exil, sa liaison avec le député Bancel, sa sympathie pour les italiens proscrits, etc...) pourraient laisser croire qu’elle avait des préoccupations politiques sensibles. Nous ne le pensons pas. Ce qui, en revanche, nous paraît notable est que, consciente de la situation d’infériorité où se trouvent les femmes, et portée par son « cœur » à une sympathie quasi instinctive à l’égard des victimes de toutes les injustices (cf. le Poème de la Femme)5, elle se trouvait tout naturellement des sympathies pour la République (française ou romaine). Nous en donnons quelques indices, avec quelques billets de Mazzini et une lettre de Rochefort assez émouvante par la situation où se trouvait alors le journaliste.
6Nous avons fait une part à la correspondance avec le député de Marseille et poète socialiste A. Esquiros, parce qu’un triple lien les unit : penchant politique commun pour une république paisible, sensibilité littéraire assez proche, et même origine géographique. (Louise Colet paraît avoir beaucoup tenu à son origine méditerranéenne). En 1871, en effet, Louise Colet n’a pas fui Paris comme G. Sand, et elle n’exècre pas la Commune, comme Flaubert ; plus sensible aux difficultés matérielles et morales de cette période qu’à son enjeu politique, son mode de vie n’en est pas fondamentalement affecté.
7Sauf erreur de notre part, à l’exception des « amis italiens », les lettres qui figurent ici sont inédites et nous n’en connaissons pas d’édition prochaine6. Toutes ces lettres sont conservées au Musée Calvet à Avignon, et sont ici précédées de deux chiffres, le premier renvoie à la cote du manuscrit, et le second à la numérotation des feuillets.
Notes de bas de page
1 Voir Edgar Pich. Leconte de Lisle et la création poétique. Service de reproduction des thèses. Lille III, 1974 et Flaubert. Correspondance. Édition de J. Bruneau. Le Pléiade. Gallimard, 1973.
2 Voir la suite de l’édition Bruneau, à paraître 4e trimestre 1980. L’ouvrage le plus riche qu’on puisse attendre sur Louise Colet est celui que Louis Chavet prépare depuis de nombreuses années sur les rapports entre Louise Colet et Vigny. Monsieur Georges de Loÿe nous a signalé d’autres recherches effectuées sur le fonds Colet par M. Nebout.
3 Nous n’avons pas retenu la correspondance avec Ch. Philippon qui dirigeait le Journal Amusant, le Musée franco-anglais, Le petit journal pour rire, les Modes Parisiennes et le Musée des Costumes parce que J. Bruneau doit la publier prochainement. Philippon avait avisé Louise Colet le 24 décembre 1856 que sa collaboration aux Modes Parisiennes cesserait le 31 décembre. L’échange avait été assez vif entre eux.
4 Outre « l’affaire » Karr au sujet de laquelle il y a quelques documents, Ms 6.420, f° 35 à 43 et Ms 6.421 f° 10 à 14, on trouvera le dossier du fameux procès intenté par les héritiers de Juliette Récamier à l’occasion de la publication de sa correspondance avec B. Constant, Ms 6.420 f° 193 sp. (Musée Calvet).
5 En voici deux exemples :
1. Dans un récit publié par les Modes Parisiennes (« une danse de Bohémiens sur le pont du Gard » p. 1.329 à 1.331) elle écrit « Si, enfants, au lieu des riantes illusions qui nous attirent à la vie, nous étions tout à coup frappés du tableau des souffrances, des déceptions, des douleurs morales et physiques qui sont le lot de la femme ici-bas (...) aurions-nous la force de vivre (...) ».
2. Dans la Femme du Peuple elle fait dire à une femme (« pressant sur son sein maigre un enfant amaigri »)
« (...) Le bonheur ! c’est un sarcasme, ô femmes !
Elle n’est pas pour nous, cette fête des âmes (...)
Tant que nous resterons une chair avilie
De honte et de douleur, double et profonde lie (...)
Ne parlez pas d’amour, hommes ! dont l’âme impure (...)
parquent pour vos plaisirs des femmes sans défense (...) ».
6 Sur les rapports entre Louise Colet et l’Italie, nous ne pouvons que renvoyer aux travaux de Raffaele de Cesare (en particulier « Ancora su Alessandro Manzoni e Louise Colet » Aevum, Anno XLVII (1973) fasc. V-VI p. 559-573). Jean Bruneau nous a fort aimablement communiqué le texte d’un article intitulé Louise Colet, Maxime Du Camp, Gustave Flaubert... et Garibaldi, consacré aux relations de Louise et Maxime au moment de l’aventure des Mille et aux récits qu’ils ont donnés de l’expédition des Deux-Siciles, cet article qui doit paraître dans un volume de Mélanges De Cesare comporte le texte de 7 billets de Garibaldi.
Auteur
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Biographie & Politique
Vie publique, vie privée, de l'Ancien Régime à la Restauration
Olivier Ferret et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.)
2014